Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

32
© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit. REPORTERS Supplément à La Libre Belgique du 6 juin 2012 ENSEIGNEMENT

description

Supplement LLB Enseignement

Transcript of Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

Page 1: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

REPO

RTER

S

Supplément à La Libre Belgique du 6 juin 2012

ENSEIGNEMENT

Page 2: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

2 Enseignement 6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE 3Enseignement6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

Enseigner, une partie de plaisir ?h Un professeur del’UCL s’est penché surla composante“plaisir” dansl’enseignement.

h Une des clés, selonlui, pour “tenir” dansle métier.

Alors que de nombreux jeu­nes enseignants quittent lemétier après quelques annéesd’exercice seulement, pourd’autres, la motivation resteintacte. Ghislain Carlier estprofesseur à la faculté desSciences de la motricité del’UCL. Il a publié une étudeintitulée “Plaisir d’enseigner :la quête du Graal” qui se pen­che sur la composante “plai­sir” dans l’acte d’enseignerchez les professeurs d’éduca­tion physique et sportive(EPS). “Mais j’espère que cetteétude peut être extrapolée auxprofesseurs qui enseignentd’autres disciplines”, dit­il. “Lanotion de plaisir me semble in­contournable et au cœur de la

pratique du métier. On ne restepas dans l’enseignement si l’onn’éprouve pas de plaisir. La per­sévérance, c’est une façade. Je neblâme pas ceux qui sont restéssur ce terrain mais j’essaie demettre en place des élémentsd’action et de réflexion pourpermettre aux élèves et aux pro­fesseurs d’admettre que le plai­sir est également une clé de laréussite des élèves. Il faut oser le

dire.”Ghislain Carlier détaille une

typologie des enseignantsd’EPS liée au plaisir. “Dans unmonde en perpétuelle transfor­mation, ils reconnaissent queles adolescents ne sont pas lesseuls qui ont changé. Ils repè­rent les aspects positifs destransformations de valeurs in­dividuelles et collectives chezleurs élèves. Ils s’y intéressent,

voire s’y initient”, écrit­il.Cette typologie montre éga­

lement que ces enseignantsprivilégient le contact hu­main avec leurs classes. “Ilscommuniquent vers leurs élè­ves, verbalement ou non, àl’aide de routines avérées, élé­gantes et efficaces, génératriced’action. Ils responsabilisentleurs élèves en leur confiant desrôles judicieux et ils ne traitent

pas leur classe comme un trou­peau. Au contraire, ils caracté­risent avec finesse les groupesd’élèves. Ils se sentent gratifiéspar les retours positifs des élèveset ils l’expriment.”

Les professeurs qui parta­gent du plaisir avec leurs élè­ves s’impliquent dans la viede leur école, en devenantformateurs, en participant àdes activités extra­scolaires,des projets interdisciplinaireset en cultivant les liens avecleurs collègues. Le maître motdéfinissant les enseignantsmus par le plaisir est­il l’hu­manisme ? “Oui mais ce n’estpas un humanisme gratuit caril s’accompagne des missions detransmission des savoirs et desocialisation”, précise GhislainCarlier.

Mais alors, les professeursqui prennent du plaisir à en­seigner sont­ils forcément debons profs ? “Cela devrait fairepartie de la définition mais ilfaudrait interroger les élèves àce sujet. Si on injectait la notionde plaisir dans les tests Pisa (vi­sant à mesurer les performan­ces des systèmes éducatifs dedifférents pays, NdlR), on ob­tiendrait peut­être des résultatsbien différents. En tout cas, leplaisir est lié à la connivence etaux interactions avec les élèves,à une approche non dictato­riale de la transmission des sa­voirs; ce qui, a priori, sont deséléments englobés dans le con­cept de bon prof”, déclarel’auteur.

Ghislain Carlier plaide en­core pour que le plaisir soit aucœur de la formation des fu­turs enseignants. “On ne metpas suffisamment cette no­tion en avant alors qu’on estcensé préparer les étudiants àexercer un métier quasimentimpossible. J’invite donc lesformateurs à repérer les pépi­tes de plaisir et à les faire fruc­tifier”, conclut­il.Isabelle Lemaire

UL’étude de Ghislain Carliers’insère dans un ouvrageintitulé “Le plaisir”, publié en2011 aux éditions EP&S.

REPO

RTER

S

Quelques ouvrages

Des auteurs ont évoqué leplaisir d’enseigner dans lesouvrages suivants :

“Le plaisir d’enseigner” parBernard Defrance, 1997,publié aux éditions Syros ;

“N’oublions pas les bonsprofs”, de Nicolas Mascret,2012, chez Anne Carrière

“Le bon prof”, de DavidSolway, 2008, aux éditionsBellarmin.

Ces professeursqui ont gardé le feu sacréh Des enseignants qui aimentpassionnément leur métiertémoignent.

h Ils ont 10, 20 et même 40ans de carrière et éprouventtoujours le même plaisir àêtre prof.

Ils ont choisi ce métier et ne voudraienten changer pour rien au monde. Mo­destes, ils ont tous tenu à conserver uncertain anonymat, “pour ne pas me met­tre en avant par rapport aux collègues”,affirment­ils.

Philippe, 34 ans, est prof de maths de­puis 10 ans dans une école secondairede la banlieue liégeoise. “Une matièreingrate car abstraite, souvent détestéepar les élèves”, dit­il. “Au début de ma car­rière, j’étais ultra motivé et je le suis tou­jours. Les maths, c’est mon truc et je vou­lais transmettre cette passion. L’approchedes mathématiques, telle qu’on la conçoit

habituellement, peut être rébarbative cartrès théorique. J’ai décidé d’aller a contra­rio de cela et de rendre cette matière vi­vante, via des exemples concrets applica­bles dans la vie de tous les jours, des petitsjeux, des travaux de groupe. Je veille éga­lement à ne laisser personne au bord duchemin. Il n’y a rien de pire pour un élèveen difficulté de se sentir abandonné parson prof. J’ai vécu cela moi­même étantadolescent avec un prof de néerlandaisqui concentrait toute son attention sur lesélèves doués. C’est vraiment tout ce qu’ilne faut pas faire.”

Les élèves de Philippe, âgés de 12 à 15ans, semblent apprécier ce professeurenthousiaste. “Je me sens à l’aise dans lescontacts humains et j’aime ce que je fais.Je pense que mes élèves le ressentent.L’ambiance en classe est souvent très dé­tendue. Un respect mutuel s’instaure et jeconstate d’année en année que le tauxd’échec dans mon cours est très faible. Jecrois que pour être bon dans ce métier, ilfaut que cette orientation professionnellene soit pas un choix par défaut. Je connaisun prof de sciences qui voulait se consa­crer à la recherche, un travail pointu etplutôt solitaire. Son rêve n’est pas devenu

réalité et il a “échoué dans l’enseigne­ment” comme il dit. Il ne prend aucunplaisir à enseigner, est incapable de vul­gariser les matières qu’il dispense et dé­compte les années avant sa mise à la re­traite. C’est malheureux d’en arriver là etil ne faut pas s’étonner si ses élèves le dé­testent.”

Sylvie est institutrice primaire depuis21 ans dans une petite école près deBastogne. Elle apprend à lire, écrire etcompter à des petits bouts de 6 ans. “Undéfi passionnant et quelle responsabilité”,clame­t­elle. “Je leur inculque les savoirsde base alors, il ne faut pas se louper; c’estd’une importance capitale et aussi trèsvalorisant.” Le sourire vissé aux lèvres,Madame Sylvie entame chaque journéede cours avec la même énergie. “C’estun métier qui peut être épuisant mais lesenfants m’apportent tellement que celaefface les mauvais côtés. Etre institutriceprimaire, c’est un métier varié, aussi biendu fait des nombreuses matières que l’onenseigne, que par ses à­côtés créatifs (lespetits spectacles que l’on monte pour lafête de l’école, les bricolages pour lesparents…) et la dimension humaine. J’aibeaucoup de chance car j’exerce le plus

beau métier du monde.”Jean­Claude prendra sa pension en

juin, après une carrière de 40 ans dansl’enseignement supérieur. Il a enseignéla littérature ou la sémiologie dans plu­sieurs établissements et a vu défiler desgénérations d’étudiants. “Les choses ontbeaucoup changé depuis le début de macarrière, le rapport à l’autorité notam­ment. Les jeunes d’aujourd’hui ne sontplus du tout impressionnés par le statutde l’enseignant et ils n’hésitent pas à vousle faire savoir. La clé, c’est d’être capablede s’adapter, de se remettre en question.En fin d’année, je soumets à mes étudiantsun petit questionnaire de satisfaction. Enfonction de ce qu’ils m’apprennent, jen’hésite pas à modifier aussi bien le con­tenu de mes cours que ma manière de lesdispenser. Rester humble et à l’écoute deson public, c’est primordial. Outre le faitque j’ai gardé intacte cette passion detransmettre des savoirs et ma motivationà exercer ce métier, c’est sans doute celaqui m’a permis de garder le feu sacréaprès toutes ces années. Je sais que je n’aipas réussi à intéresser tous mes étudiantsmais c’est la règle du jeu.”I. L.

Page 3: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

3Enseignement6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

Ces professeursqui ont gardé le feu sacréh Des enseignants qui aimentpassionnément leur métiertémoignent.

h Ils ont 10, 20 et même 40ans de carrière et éprouventtoujours le même plaisir àêtre prof.

Ils ont choisi ce métier et ne voudraienten changer pour rien au monde. Mo­destes, ils ont tous tenu à conserver uncertain anonymat, “pour ne pas me met­tre en avant par rapport aux collègues”,affirment­ils.

Philippe, 34 ans, est prof de maths de­puis 10 ans dans une école secondairede la banlieue liégeoise. “Une matièreingrate car abstraite, souvent détestéepar les élèves”, dit­il. “Au début de ma car­rière, j’étais ultra motivé et je le suis tou­jours. Les maths, c’est mon truc et je vou­lais transmettre cette passion. L’approchedes mathématiques, telle qu’on la conçoit

habituellement, peut être rébarbative cartrès théorique. J’ai décidé d’aller a contra­rio de cela et de rendre cette matière vi­vante, via des exemples concrets applica­bles dans la vie de tous les jours, des petitsjeux, des travaux de groupe. Je veille éga­lement à ne laisser personne au bord duchemin. Il n’y a rien de pire pour un élèveen difficulté de se sentir abandonné parson prof. J’ai vécu cela moi­même étantadolescent avec un prof de néerlandaisqui concentrait toute son attention sur lesélèves doués. C’est vraiment tout ce qu’ilne faut pas faire.”

Les élèves de Philippe, âgés de 12 à 15ans, semblent apprécier ce professeurenthousiaste. “Je me sens à l’aise dans lescontacts humains et j’aime ce que je fais.Je pense que mes élèves le ressentent.L’ambiance en classe est souvent très dé­tendue. Un respect mutuel s’instaure et jeconstate d’année en année que le tauxd’échec dans mon cours est très faible. Jecrois que pour être bon dans ce métier, ilfaut que cette orientation professionnellene soit pas un choix par défaut. Je connaisun prof de sciences qui voulait se consa­crer à la recherche, un travail pointu etplutôt solitaire. Son rêve n’est pas devenu

réalité et il a “échoué dans l’enseigne­ment” comme il dit. Il ne prend aucunplaisir à enseigner, est incapable de vul­gariser les matières qu’il dispense et dé­compte les années avant sa mise à la re­traite. C’est malheureux d’en arriver là etil ne faut pas s’étonner si ses élèves le dé­testent.”

Sylvie est institutrice primaire depuis21 ans dans une petite école près deBastogne. Elle apprend à lire, écrire etcompter à des petits bouts de 6 ans. “Undéfi passionnant et quelle responsabilité”,clame­t­elle. “Je leur inculque les savoirsde base alors, il ne faut pas se louper; c’estd’une importance capitale et aussi trèsvalorisant.” Le sourire vissé aux lèvres,Madame Sylvie entame chaque journéede cours avec la même énergie. “C’estun métier qui peut être épuisant mais lesenfants m’apportent tellement que celaefface les mauvais côtés. Etre institutriceprimaire, c’est un métier varié, aussi biendu fait des nombreuses matières que l’onenseigne, que par ses à­côtés créatifs (lespetits spectacles que l’on monte pour lafête de l’école, les bricolages pour lesparents…) et la dimension humaine. J’aibeaucoup de chance car j’exerce le plus

beau métier du monde.”Jean­Claude prendra sa pension en

juin, après une carrière de 40 ans dansl’enseignement supérieur. Il a enseignéla littérature ou la sémiologie dans plu­sieurs établissements et a vu défiler desgénérations d’étudiants. “Les choses ontbeaucoup changé depuis le début de macarrière, le rapport à l’autorité notam­ment. Les jeunes d’aujourd’hui ne sontplus du tout impressionnés par le statutde l’enseignant et ils n’hésitent pas à vousle faire savoir. La clé, c’est d’être capablede s’adapter, de se remettre en question.En fin d’année, je soumets à mes étudiantsun petit questionnaire de satisfaction. Enfonction de ce qu’ils m’apprennent, jen’hésite pas à modifier aussi bien le con­tenu de mes cours que ma manière de lesdispenser. Rester humble et à l’écoute deson public, c’est primordial. Outre le faitque j’ai gardé intacte cette passion detransmettre des savoirs et ma motivationà exercer ce métier, c’est sans doute celaqui m’a permis de garder le feu sacréaprès toutes ces années. Je sais que je n’aipas réussi à intéresser tous mes étudiantsmais c’est la règle du jeu.”I. L.

Page 4: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

4 Enseignement 6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE 5Enseignement6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

Jeunes profs :le désamour du métierh De nombreux jeunesenseignants quittent lemétier endéans les cinq ans.

h Une chercheuse se penchesur les raisonsde cette désaffection.

Le constat est interpellant : selon uneétude flamande datant de 2003­2004(il n’existe pas de chiffres plus récentsmais une étude est en cours en Fédéra­tion Wallonie­Bruxelles), le tauxd’abandon des jeunes enseignantsaprès cinq années de métier est de 44 %dans l’enseignement fondamental or­dinaire, 64 % dans le fondamental spé­cialisé, 62 % dans le secondaire ordi­naire et de 31 % dans le secondaire spé­cialisé. Et les enseignants débutantsprésentent deux fois plus de troublesnévrotiques que les débutants en in­sertion dans d’autres professions.

Comment en est­on arrivé à cette si­tuation ? C’est ce qu’Anne Floor, char­gée d’études et d’analyses à l’Ufapec(Union des fédérations des associa­tions de parents de l’enseignement ca­tholique) a voulu comprendre. En2011, elle a publié un dossier intitulé“Jeune enseignant : pourquoi tu pars ?”(1) dans lequel elle se penche sur cephénomène inquiétant, d’autant plusdans ce contexte de pénurie de profes­seurs que connaît la Belgique.

Anne Floor entame son étude avecune contextualisation. “L’image de l’en­seignant a perdu de sa superbe, son statutsocial ne fait plus rêver et l’école n’est plusl’unique source de savoirs”, écrit­elle. Lafaute à Internet, la télévision maisaussi au jugement parfois négatif de lafamille sur l’institution scolaire. Unproblème de génération et d’époquequi ne devrait pas s’arranger du jour aulendemain. “La solution se trouve sansdoute dans le positionnement des adultesface au savoir et à la manière dont il estdispensé. Il faut aider les jeunes à déve­lopper un esprit critique et former les fu­turs enseignants à une prise de recul faceà ces savoirs disponibles ailleurs qu’àl’école”, déclare­t­elle.

Mais les causes du désamour du mé­tier sont aussi à chercher au sein mêmedu fonctionnement de l’école. “Le mé­tier est solitaire et le prof débutant se re­trouve, en début de carrière, avec les mê­mes responsabilités qu’un enseignant ex­périmenté. La charge de travailadministrative est écrasante. Il n’y a pasde période d’essai, de régime de faveur nid’espace de parole où les jeunes profs peu­vent exprimer leurs problèmes. Et rien,dans leur formation, ne les prépare à cesdifficultés.”

Anne Floor décrit une profession oùl’on rencontre peu d’esprit de corps,où l’entraide se fait rare. “Il y a un tel

va­et­vient dans les écoles (intérims, mu­tations…) que des liens entre collègues de­viennent compliqués à nouer.”

Malgré tout, les enseignants interro­gés ne pointent pas la solitude commecause première de difficulté à exercerce métier. “Ils soulignent plutôt la ges­tion de leur classe et de la discipline ainsique l’évaluation et la planification desapprentissages”, dit­elle.

Le manque de cours axés sur la psy­chologie de l’enfant, les troubles del’apprentissage et de variété dans leslieux de stage qui permettraient unemeilleure connaissance, non seule­ment des différents types d’enseigne­ment et d’établissements, mais aussides milieux culturels et sociologiquesdont sont issus les élèves sont égale­ment des éléments qui posent pro­blème. “Les classes les plus difficiles sontdonnées aux enseignants débutants puis­que ce sont les profs expérimentés quichoisissent en premier leur affectation”,explique Anne Floor, qui relève au pas­sage un “système de nominations insécu­risant pour les jeunes professeurs et ri­gide, qui participe à rendre leur vie bien

compliquée”.Alors, que faire pour rendre le goût

du métier à ceux et celles qui ont choisila voie de l’enseignement ?

Plusieurs pistes sont évoquées parl’auteur et par les enseignants eux­mê­mes. “Il faudrait allonger et enrichir laformation, notamment en ce qui con­cerne l’accompagnement des élèves dys­apprenants. Je suggère d’inclure en fin decursus une année tampon, faite de stageet de formation, pour faciliter l’insertiondes jeunes profs. Les stages d’observationdoivent être plus approfondis et plus va­riés. Je plaide également pour l’instaura­tion d’un tutorat formalisé entre profconfirmé et débutant, afin d’aider ce der­nier à trouver sa place au sein de l’éta­blissement scolaire. Il faut aussi stabiliserles emplois. Et enfin, il faut permettre auxdirections d’encadrer les jeunes ensei­gnants. Ils veulent le faire mais ils n’enont pas le temps.”

Isabelle LemaireU(1) Consultable sur www.ufapec.beonglet “Nos analyses & études”

REPO

RTER

S

L’un cherche à fuir etl’autre veut y arriverPierre (prénom d’emprunt) a une vingtaine d’années. Ce licencié en histoire

souhaitait devenir prof dans le secondaire et ses motivations à embrasser cettecarrière étaient plutôt nobles.

“On commence à voter à 18 ans. J’estime donc que toute personne mérite d’êtreformée, informée et de développer un esprit critique”, dit­il. Mais il a vite déchanté.“A cause du statut temporaire des profs débutants, j’ai été affecté dans une école dif­férente par année scolaire. J’ai dû enseigner le français, la géographie, la religion ettout de même l’histoire. C’est la galère pour obtenir un poste fixe et sa nomination.Cela peut prendre des années.” Pierre a connu des établissements scolaires va­riés, dont une école réputée difficile. “J’ai été amené à porter plainte contre unélève qui avait créé un faux compte Facebook à mon nom où il avait publié des pho­tos personnelles ainsi que des commentaires à caractère sexuel”, explique­t­il, touten précisant qu’il s’agit­là d’un cas isolé.

Des commentaires désobligeants sur le métier de prof, il en a entendu sou­vent. “Enseignants fainéants, qui se plaignent tout le temps, voilà ce qu’on nous dit.”Il décrit un métier parfois abrutissant, avec une charge de travail à domicile im­portante. “J’ai perdu la flamme et ma motivation à donner cours. Je cherche active­ment à quitter le métier.”

A contrario, Julien Pierrard, ingénieur de formation, a fait le choix de devenirprof. “J’ai volontairement quitté un boulot d’ingénieur pour passer l’agrégation etdevenir prof de sciences en septembre dernier”, déclare­t­il. De l’enthousiasme àenseigner, il en a à revendre. “J’aime les échanges (humains et pédagogiques) avecles jeunes, leur transmettre un savoir, les motiver à apprendre une matière qu’ilsn’aiment pas toujours. C’est un vrai challenge.”

Julien Pierrard donne actuellement cours dans une école bruxelloise où il arapidement trouvé ses marques. “J’ai été très bien accueilli par l’équipe ensei­gnante et il y a beaucoup d’élèves agréables.” Les problèmes, il ne les occulte pasmais ils ne lui font pas peur. “Je suis optimiste. L’attente de la nomination, lacharge de travail, les problèmes de comportements de certains élèves, les préjugéssur les profs, il faut juste apprendre à gérer cela car ça fait partie du métier”, décla­re­t­il.I.L.

Page 5: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

5Enseignement6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

Jeunes profs :le désamour du métier

va­et­vient dans les écoles (intérims, mu­tations…) que des liens entre collègues de­viennent compliqués à nouer.”

Malgré tout, les enseignants interro­gés ne pointent pas la solitude commecause première de difficulté à exercerce métier. “Ils soulignent plutôt la ges­tion de leur classe et de la discipline ainsique l’évaluation et la planification desapprentissages”, dit­elle.

Le manque de cours axés sur la psy­chologie de l’enfant, les troubles del’apprentissage et de variété dans leslieux de stage qui permettraient unemeilleure connaissance, non seule­ment des différents types d’enseigne­ment et d’établissements, mais aussides milieux culturels et sociologiquesdont sont issus les élèves sont égale­ment des éléments qui posent pro­blème. “Les classes les plus difficiles sontdonnées aux enseignants débutants puis­que ce sont les profs expérimentés quichoisissent en premier leur affectation”,explique Anne Floor, qui relève au pas­sage un “système de nominations insécu­risant pour les jeunes professeurs et ri­gide, qui participe à rendre leur vie bien

compliquée”.Alors, que faire pour rendre le goût

du métier à ceux et celles qui ont choisila voie de l’enseignement ?

Plusieurs pistes sont évoquées parl’auteur et par les enseignants eux­mê­mes. “Il faudrait allonger et enrichir laformation, notamment en ce qui con­cerne l’accompagnement des élèves dys­apprenants. Je suggère d’inclure en fin decursus une année tampon, faite de stageet de formation, pour faciliter l’insertiondes jeunes profs. Les stages d’observationdoivent être plus approfondis et plus va­riés. Je plaide également pour l’instaura­tion d’un tutorat formalisé entre profconfirmé et débutant, afin d’aider ce der­nier à trouver sa place au sein de l’éta­blissement scolaire. Il faut aussi stabiliserles emplois. Et enfin, il faut permettre auxdirections d’encadrer les jeunes ensei­gnants. Ils veulent le faire mais ils n’enont pas le temps.”

Isabelle LemaireU(1) Consultable sur www.ufapec.beonglet “Nos analyses & études”

L’un cherche à fuir etl’autre veut y arriverPierre (prénom d’emprunt) a une vingtaine d’années. Ce licencié en histoire

souhaitait devenir prof dans le secondaire et ses motivations à embrasser cettecarrière étaient plutôt nobles.

“On commence à voter à 18 ans. J’estime donc que toute personne mérite d’êtreformée, informée et de développer un esprit critique”, dit­il. Mais il a vite déchanté.“A cause du statut temporaire des profs débutants, j’ai été affecté dans une école dif­férente par année scolaire. J’ai dû enseigner le français, la géographie, la religion ettout de même l’histoire. C’est la galère pour obtenir un poste fixe et sa nomination.Cela peut prendre des années.” Pierre a connu des établissements scolaires va­riés, dont une école réputée difficile. “J’ai été amené à porter plainte contre unélève qui avait créé un faux compte Facebook à mon nom où il avait publié des pho­tos personnelles ainsi que des commentaires à caractère sexuel”, explique­t­il, touten précisant qu’il s’agit­là d’un cas isolé.

Des commentaires désobligeants sur le métier de prof, il en a entendu sou­vent. “Enseignants fainéants, qui se plaignent tout le temps, voilà ce qu’on nous dit.”Il décrit un métier parfois abrutissant, avec une charge de travail à domicile im­portante. “J’ai perdu la flamme et ma motivation à donner cours. Je cherche active­ment à quitter le métier.”

A contrario, Julien Pierrard, ingénieur de formation, a fait le choix de devenirprof. “J’ai volontairement quitté un boulot d’ingénieur pour passer l’agrégation etdevenir prof de sciences en septembre dernier”, déclare­t­il. De l’enthousiasme àenseigner, il en a à revendre. “J’aime les échanges (humains et pédagogiques) avecles jeunes, leur transmettre un savoir, les motiver à apprendre une matière qu’ilsn’aiment pas toujours. C’est un vrai challenge.”

Julien Pierrard donne actuellement cours dans une école bruxelloise où il arapidement trouvé ses marques. “J’ai été très bien accueilli par l’équipe ensei­gnante et il y a beaucoup d’élèves agréables.” Les problèmes, il ne les occulte pasmais ils ne lui font pas peur. “Je suis optimiste. L’attente de la nomination, lacharge de travail, les problèmes de comportements de certains élèves, les préjugéssur les profs, il faut juste apprendre à gérer cela car ça fait partie du métier”, décla­re­t­il.I.L.

Page 6: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

6 Enseignement 6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE 7Enseignement6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

Enseignants inspectés? Of courseh Les professeursbritanniques sont évalués parleur directeur.

Les inspecteurs, eux, sechargent de contrôler l’école

Les stéréotypes associent volontiers“l’anglitude” à l’amour des lois et la sé­vérité. L’enseignement fait­il exceptionà ces valeurs fondamentales que chéris­sent les habitants d’outre­Manche ? Lemoins que l’on puisse dire est que cesecteur est hiérarchisé et réglé commedu papier à musique. Sur l’île britanni­que, point d’inspecteur extérieur pourévaluer les professeurs, mais un sys­tème interne solidaire et productif.

Résultat : une adaptation publique dela sphère privée où chaque acteur a laparole, des directeurs aux différentsprofesseurs, en passant par les élèves.“Nous ne sommes jugés que par nos pairs”,annonce d’emblée Ros Smith. Profes­seur de mathématiques dans un collègedu Somerset pendant près de quinzeans, elle explique le fonctionnement del’établissement. “Tous les professeurs seregroupent par aptitudes, qu’elles soientlittéraires, scientifiques, sportives ouautres. Chaque filière est régie par un pro­fesseur nommé titulaire du département.Entre chaque ‘sous­groupe’ d’enseignants,nous nous aidons régulièrement pouraméliorer nos compétences.”

Cette entraide peut d’ailleurs s’avérerformelle ou informelle. “Il n’est pas rarequ’un collègue assiste au cours pour s’ins­pirer ou pour donner des idées. Mais enparallèle à ces assistances amicales et oc­casionnelles, nous sommes observés aumoins une fois par an par notre titulaire etnotre directeur”, poursuit­elle.

De cette évaluation annuelle, en dé­coule un entretien qui se veut surtoutconstructif. “Nous établissons les pointsfaibles et forts de l’enseignement donné ettentons d’établir un programme de sou­tien en cas de problème”, explique cetteenseignante.

Une exception pour le cycle secon­daire ? Non, tous les niveaux d’éduca­tion fonctionnent de cette manière. Etsur quels critères les professeurs sont­ils évalués ? Tout dépend de la charte deperformance établie par le directeur lui­même. Dans une réelle position prédo­minante, le chef d’établissement estmême apte à octroyer des primes auxenseignants compétents. Si d’ordinaire,des plafonds salariaux existent, il estnéanmoins le seul à pouvoir décider dela promotion des professeurs sous sonautorité. Cette souveraineté n’est ce­pendant pas totale, puisque le directeur,en tant que représentant de son établis­sement, est à son tour jugé par une ins­pection supérieure. Ce groupement ex­térieur, appelé l’Ofsted (The Office forStandards in Education), remplit, lui,une mission globale. Son rôle : contrôlerl’école dans son ensemble, la qualité deson enseignement, la gestion, le com­portement, la réussite, la sécurité et lebien­être des élèves.

“L’inspection de l’établissement peutprendre quelques jours ou plusieurs se­

maines selon les manquements”, souligneune collègue de Ros Smith, enseignantedans le cycle primaire.

Chaque domaine peut alors passersous la loupe des inspecteurs, et cela, àrépétition si nécessaire. “Il s’agit d’unmoment stressant où chaque membre del’école subit une forte pression. Tout peutêtre contrôlé, et ce, sans avertissementpréalable”, continue­t­elle. Pour les éta­blissements plus faibles, des mesuresspéciales peuvent même être prises afinde remonter la pente. Dans ces rares cas,certains membres de l’établissementpeuvent être remis en cause et, éven­tuellement, remplacés. Une situationexceptionnelle, tant les entretiensd’embauche sont sélectifs. En effet, seprétendre professeur n’est pas une siné­cure au Royaume­Uni, puisque le candi­dat­enseignant doit avant tout faire sespreuves. “Après une sélection drastiquepar CV, les personnes retenues sont invi­tées à donner une leçon dans une classe etsont ensuite interrogées sur leurs compé­tences”, détaille Ros. Aucun enseignantde tout niveau ne coupe à cette sélectionà l’entrée, et cette évaluation continueau cours de la carrière. “Une manière derester motivé et attentif”, concluent lesenseignantes.Fanny Leroyà Bristol

REPO

RTER

S

3 QUESTIONS À STÉPHANE CORNET

Porte­parole de laministreMarie­Dominique Simonet (CDH), encharge de l’Enseignement obligatoire. Des primes aumérite pour­raient­elles apparaître comme des solutions à la baisse demotivationdes enseignants ? Ce système n’est pas prévu par la FédérationWallo­nie­Bruxelles, et nous n’y sommes pas favorables. Quel enseignant neserait pasméritant ? Il serait très difficile de fixer des critères objectifstenant compte des spécificités et d’assurer une égalité de traitement.Ce système lancerait unmauvais signal en créant des disparités. Desdirecteurs d’école plus puissants ne sont donc pas à envisager ? Non,l’accompagnement prévu actuellement cadre parfaitement avec laDéclaration de politique communautaire qui insiste sur l’autonomied’action dont bénéficient les établissements scolaires, laquelle devraitleur permettre de rencontrer les objectifs assignés au système éducatifenmatière d’acquisition de compétences, et ce, en tenant compte deleurs réalités particulières. De plus, l’inspection actuelle est exercéepar des personnes qui rencontrent les enseignants à la fois en tant quepairs et experts d’une discipline. En cas demanquement, les profes­seurs se sentent­ils suffisamment soutenus ? L’action de l’inspectionest complémentaire à celle réalisée par les conseillers pédagogiques.Elle contribue indéniablement à soutenir les établissements dans leurautoévaluation et à faciliter l’accompagnement des équipes éducativesdans leur travail de clarification et d’amélioration de leurs pratiqueséducatives.F.L.

Épinglé

Un pas plus loinPolémique. Soucieux d’optimiser sanscesse son enseignement, le Royaume-Unienvisage d’accélérer les procédures delicenciement des prof incompétents dès larentrée 2012. Une annonce du secrétaire àl’Education, Michael Gove, qui a eu lepouvoir de créer la polémique. “Unesage-femme qui ne fait pas bien son travailne reste pas en position, pourquoi n’enserait-il pas de même pour un professeur?”, lance le politicien. Et d’ajouter, “je suispersuadé qu’avec un bon soutien, nombred’enseignants peuvent s’améliorer, mais sice n’est pas le cas, il doit être possible deles remplacer en moins d’un an”. Même s’ilsouligne que les lois du travail resterontrespectées, l’annonce inquiète les syndi-cats des professeurs britanniques. “Cettemesure est draconienne et attaque leprofessionnalisme des enseignants”,souligne Christine Blower, secrétairegénérale de la National Union of Teachers.Pour leurs collègues titulaires, ce change-ment est à voir dans l’intérêt du corpsprofessoral. “Un système clair et un mana-gement performant sont les clés pourconstruire une réputation profession-nelle”, affirme le secrétaire générale de laNational Association of Head Teachers.F. L.

107OBJECTIFS MANQUÉSAu long de l’année scolaire 2010­2011, 107 écoles secondaires sur 3300 n’ont pas atteint les objectifs fixés par le département de l’En­seignement britannique. Pour pallier ces manquements, les écolesconcernées subissent actuellement un accompagnement intensif dela part de l’Ofsted, l’organe chargé d’inspecter les divers établisse­ments de la péninsule britannique. Coups de sonde sans avertisse­ment, mais aussi soutien et aide leur sont accordés.

Page 7: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

7Enseignement6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

Enseignants inspectés? Of coursemaines selon les manquements”, souligneune collègue de Ros Smith, enseignantedans le cycle primaire.

Chaque domaine peut alors passersous la loupe des inspecteurs, et cela, àrépétition si nécessaire. “Il s’agit d’unmoment stressant où chaque membre del’école subit une forte pression. Tout peutêtre contrôlé, et ce, sans avertissementpréalable”, continue­t­elle. Pour les éta­blissements plus faibles, des mesuresspéciales peuvent même être prises afinde remonter la pente. Dans ces rares cas,certains membres de l’établissementpeuvent être remis en cause et, éven­tuellement, remplacés. Une situationexceptionnelle, tant les entretiensd’embauche sont sélectifs. En effet, seprétendre professeur n’est pas une siné­cure au Royaume­Uni, puisque le candi­dat­enseignant doit avant tout faire sespreuves. “Après une sélection drastiquepar CV, les personnes retenues sont invi­tées à donner une leçon dans une classe etsont ensuite interrogées sur leurs compé­tences”, détaille Ros. Aucun enseignantde tout niveau ne coupe à cette sélectionà l’entrée, et cette évaluation continueau cours de la carrière. “Une manière derester motivé et attentif”, concluent lesenseignantes.Fanny Leroyà Bristol

3 QUESTIONS À STÉPHANE CORNET

Porte­parole de laministreMarie­Dominique Simonet (CDH), encharge de l’Enseignement obligatoire. Des primes aumérite pour­raient­elles apparaître comme des solutions à la baisse demotivationdes enseignants ? Ce système n’est pas prévu par la FédérationWallo­nie­Bruxelles, et nous n’y sommes pas favorables. Quel enseignant neserait pasméritant ? Il serait très difficile de fixer des critères objectifstenant compte des spécificités et d’assurer une égalité de traitement.Ce système lancerait unmauvais signal en créant des disparités. Desdirecteurs d’école plus puissants ne sont donc pas à envisager ? Non,l’accompagnement prévu actuellement cadre parfaitement avec laDéclaration de politique communautaire qui insiste sur l’autonomied’action dont bénéficient les établissements scolaires, laquelle devraitleur permettre de rencontrer les objectifs assignés au système éducatifenmatière d’acquisition de compétences, et ce, en tenant compte deleurs réalités particulières. De plus, l’inspection actuelle est exercéepar des personnes qui rencontrent les enseignants à la fois en tant quepairs et experts d’une discipline. En cas demanquement, les profes­seurs se sentent­ils suffisamment soutenus ? L’action de l’inspectionest complémentaire à celle réalisée par les conseillers pédagogiques.Elle contribue indéniablement à soutenir les établissements dans leurautoévaluation et à faciliter l’accompagnement des équipes éducativesdans leur travail de clarification et d’amélioration de leurs pratiqueséducatives.F.L.

Épinglé

Un pas plus loinPolémique. Soucieux d’optimiser sanscesse son enseignement, le Royaume-Unienvisage d’accélérer les procédures delicenciement des prof incompétents dès larentrée 2012. Une annonce du secrétaire àl’Education, Michael Gove, qui a eu lepouvoir de créer la polémique. “Unesage-femme qui ne fait pas bien son travailne reste pas en position, pourquoi n’enserait-il pas de même pour un professeur?”, lance le politicien. Et d’ajouter, “je suispersuadé qu’avec un bon soutien, nombred’enseignants peuvent s’améliorer, mais sice n’est pas le cas, il doit être possible deles remplacer en moins d’un an”. Même s’ilsouligne que les lois du travail resterontrespectées, l’annonce inquiète les syndi-cats des professeurs britanniques. “Cettemesure est draconienne et attaque leprofessionnalisme des enseignants”,souligne Christine Blower, secrétairegénérale de la National Union of Teachers.Pour leurs collègues titulaires, ce change-ment est à voir dans l’intérêt du corpsprofessoral. “Un système clair et un mana-gement performant sont les clés pourconstruire une réputation profession-nelle”, affirme le secrétaire générale de laNational Association of Head Teachers.F. L.

107OBJECTIFS MANQUÉSAu long de l’année scolaire 2010­2011, 107 écoles secondaires sur 3300 n’ont pas atteint les objectifs fixés par le département de l’En­seignement britannique. Pour pallier ces manquements, les écolesconcernées subissent actuellement un accompagnement intensif dela part de l’Ofsted, l’organe chargé d’inspecter les divers établisse­ments de la péninsule britannique. Coups de sonde sans avertisse­ment, mais aussi soutien et aide leur sont accordés.

Page 8: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

8 Enseignement 6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE 9Enseignement6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

“On essaie qu’ils se sentent comme chez eux”h La vie en internat, ce n’estpas toujours ce que l’on croit.Visite d’un petitétablissement liégeois àl’ambiance très familiale.

Ils sont une soixantaine d’élèves, âgésde 12 à 20 ans, à être accueillis à l’in­ternat libre du cœur de Liège. Cet éta­blissement catholique mixte présenteun profil plutôt atypique, comparé auxinternats traditionnels.

La petite structure regroupe des ado­lescents poursuivant une scolaritédans diverses écoles liégeoises. Parmieux, on trouve beaucoup de sportifs dehaut niveau (footballeurs au club duStandard et joueurs de badminton dela Ligue francophone), mais aussi desnéerlandophones ou des germanopho­nes venus apprendre le français, et desélèves mis en internat pour des raisonsplus classiques (distance géographi­que, parents qui souhaitent un enca­drement renforcé ou qui travaillenttard).

L’équipe se compose de sept éduca­teurs, tous également professeurs (ins­titutrice ou logopède), de deux hom­mes d’entretien, d’une cuisinière (quijoue un rôle particulier dans la vie de lamaison, nous y reviendrons) et d’uneaide cuisinière.

C’est la directrice, Christine La Mat­tina, qui nous fait faire le tour du pro­priétaire. “Chaque élève dispose d’unechambre individuelle, avec sa propre clé,qu’il décore comme il veut. Il y a une sallecommune de loisirs. L’internat ouvre ledimanche dès 21h, et accueille les jeunesen semaine de 16h30 à 8h du matin. Iln’y a pas d’éducateurs présents en jour­née et, donc, pas de garde assurée. Les élè­ves rentrent de l’école par leurs propresmoyens, sauf les sportifs qui sont con­voyés par leur fédération, en raison deleurs horaires décalés. A leur arrivée, lespensionnaires prennent un goûter, puisils peuvent se détendre avant l’étude obli­gatoire de 17 à 19h. Filles et garçons sontséparés dès 21h, et extinction des feux à22h30.”

Si le règlement semble strict, il sebase aussi sur la liberté que les parentssont prêts à accorder à leurs enfants.“Ce sont eux qui décident si les jeunespeuvent quitter l’établissement ou non,pour des activités extrascolaires, parexemple. De notre côté, nous tâchons detrouver un équilibre entre les règles à res­pecter et un climat familial que nous sou­haitons instaurer pour que les élèves sesentent comme chez eux. J’essaie de créerun climat de confiance, de privilégier ledialogue avec les internes et leurs pa­rents. Je ne suis pas que la personne quisanctionne, mais je dois préciser que noussommes gâtés, car notre public (les spor­tifs) est sain, poli et drillé. Souvent, les pa­rents me remercient quand je pose dessanctions.”

L’équipe éducative rencontre finale­ment peu de problèmes de disciplineet d’adaptation à la vie en internat,

comme l’expliquent Bertrand et Caro­line, deux des sept éducateurs, eux­mêmes anciens internes. “Même si, cha­

que année, il y a l’un ou l’autre renvoi dé­finitif, l’ambiance est vraiment bonne. Ilfaut rester cool, mais ferme, et tout baser

sur le respect. Tout le monde connaît toutle monde et l’entraide est grande entre lesinternes”, déclare Bertrand. “La petite

taille de l’internat le permet. On reçoitbeaucoup de confidences et on garde sou­vent le contact avec les anciens”, ajoute

Caroline. Mais s’il y a bien une per­sonne qui est l’âme et le cœur de cetinternat liégeois, c’est Christine Cor­

nélis, la cuisinière. Grâce à sa généro­sité, sa chaleur humaine et ses talentsde cordon­bleu, elle a su gagner l’affec­

tion et l’estime de tous. “Certains inter­nes m’appellent maman. Ils viennent mefaire un bisou quand ils rentrent del’école”, dit­elle des larmes d’émotiondans les yeux. “Quand j’étais petite, auCongo, j’allais à l’école à 200 km de chezmoi, alors, je sais ce que c’est l’éloigne­ment affectif.” La cuisinière préparetous les jours de bons petits plats équi­librés, adaptés au régime des sportifsou à ceux des musulmans. Elle faitmême des suggestions de menus auxélèves. “Je reçois beaucoup de remercie­ments et de félicitations de leur part, despetits mots qu’on me laisse en cuisine. Lesparents aussi m’en envoient”, précise­t­elle, un grand sourire aux lèvres. “Cer­tains me disent : “Tu cuisines mieux quema mère!” C’en est presque gênant…”

Le jour de son anniversaire, les élèveslui ont organisé une petite fête et luiont offert un cadeau. Ces momentsprécieux aident Christine Cornélis àsurmonter le caractère difficile de sonmétier (elle travaille du lundi au jeudide 12 à 21h30).

“Les enfants sont très gentils. Ils sontma force et ils m’aident à tenir.”

A mille lieues des clichés du pension­nat strict et déshumanisant qued’aucuns ont connu, l’internat libre ducœur de Liège a su tirer parti de sa pe­tite taille pour recréer un petit coconoù chaque pensionnaire trouve saplace et peut s’épanouir, tant dans sascolarité que dans la vie en groupe.

“La séparation avec les parents n’estpas trop pesante pour les enfants, grâce àChristine”, affirme la directrice. “Nousavons des élèves qui passent toute leurscolarité chez nous, et nos éducateurschoisissent de revenir d’année en année.Certains sont là depuis 20 ans.”

Preuve, s’il en est, que l’internat, cen’est pas toujours ce que l’on croit.

Isabelle Lemaire

PHOT

ONEW

S

L’internat, entre rires et larmesh Des internes et anciens internestémoignent de leur expérience.

Ils ont entre 15 et 20 ans. Tous sont passés (de gré ou deforce) par la case internat et ils en gardent des souvenirscontrastés. C’est un problème de discipline et de manque derespect de l’autorité qui a conduit les parents de Thomas, 20ans aujourd’hui, à le placer en internat. “Je filais un mauvaiscoton”, admet­il. “J’avais des résultats médiocres en classe, etj’étais un chahuteur. J’avais doublé ma troisième, et je manquaistotalement de motivation pour poursuivre mes études. Les rap­ports avec mes parents et mes profs étaient difficiles. J’étais enpleine crise d’adolescence, et je n’obéissais à rien ni personne.Mes parents, à court d’idées et très inquiets pour mon avenir,ont décidé de m’inscrire dans un internat de la région de Char­leroi. Je n’y suis pas allé de gaîté de cœur…”

Pour Thomas, l’acclimatation fut difficile, dans les pre­miers temps en tout cas. “On débarque dans une nouvelle

école, et il faut se faire une place. Certains internes étaient là de­puis des années, et ils se comportaient comme des petits chefs.Puis, on apprend à se connaître et on se fait des amis. Les éduca­teurs faisaient du bon travail avec nous. L’encadrement étaitbien meilleur que dans mon ancienne école, plus humain, pluspersonnalisé. Cela m’a permis de reprendre confiance en moi etde mieux travailler en classe. Je suis resté un an à l’internat, etj’ai réussi mon année scolaire. J’ai changé d’école, car mes pro­ches me manquaient, même mes parents, finalement. C’est uneexpérience que je considérerai toujours comme positive, car ellem’a remis sur les rails.”

Julie (prénom d’emprunt), 15 ans, est une ancienne in­terne d’un établissement de la banlieue liégeoise. Elle a trèsmal vécu cette période de deux ans, loin de sa famille. “Jen’avais que 10 ans quand j’ai atterri à l’internat, suite au di­vorce de mes parents. Je n’ai pas compris la décision de mamère de m’y placer, et cela a été terrible. Les premiers mois, jepleurais constamment, en cachette la plupart du temps. J’étaistrès timide, et je n’osais pas aller vers les autres filles. Mes notesont chuté, tellement j’avais le moral à zéro. Tous les week­ends,

je suppliais ma mère de me garder à la maison, mais c’était impossi­ble pour elle, avec son boulot d’infirmière. Je me suis accrochée pen­dant ces deux années, et je n’ai tenu que grâce à une éducatrice quis’est montrée très gentille avec moi. Elle était la seule présence ré­confortante entre ces murs. Je crois qu’être interne quand on est àl’école primaire, c’est dur pour beaucoup d’enfants, même s’ils crâ­nent et ne montrent pas toujours qu’ils souffrent.”

A contrario, pour Alex, 17 ans, élève dans une école bruxel­loise, la vie en internat, c’est l’occasion de faire les 400 coups. “Jesuis d’un naturel blagueur et meneur. Quand j’ai débarqué à 14 ans,je n’ai eu aucun mal à me faire des amis, peut­être pas très fréquen­tables, mais bon… Très vite, on a formé une petite bande d’insépara­bles, toujours prêts à s’amuser. Rien de bien méchant, je précise. Onse faufile le soir de chambre en chambre; on passe des nuits blanchesà discuter. On fait quelques blagues qui font tourner les éducateursen bourrique. Les règles de vie sont strictes, mais il y a moyen de lescontourner. Franchement, je serai triste de quitter l’internat en juin(si je réussis mon année !). J’y ai vécu des moments vraiment inou­bliables.”I.L.

Page 9: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

9Enseignement6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

“On essaie qu’ils se sentent comme chez eux”

taille de l’internat le permet. On reçoitbeaucoup de confidences et on garde sou­vent le contact avec les anciens”, ajoute

Caroline. Mais s’il y a bien une per­sonne qui est l’âme et le cœur de cetinternat liégeois, c’est Christine Cor­

nélis, la cuisinière. Grâce à sa généro­sité, sa chaleur humaine et ses talentsde cordon­bleu, elle a su gagner l’affec­

tion et l’estime de tous. “Certains inter­nes m’appellent maman. Ils viennent mefaire un bisou quand ils rentrent del’école”, dit­elle des larmes d’émotiondans les yeux. “Quand j’étais petite, auCongo, j’allais à l’école à 200 km de chezmoi, alors, je sais ce que c’est l’éloigne­ment affectif.” La cuisinière préparetous les jours de bons petits plats équi­librés, adaptés au régime des sportifsou à ceux des musulmans. Elle faitmême des suggestions de menus auxélèves. “Je reçois beaucoup de remercie­ments et de félicitations de leur part, despetits mots qu’on me laisse en cuisine. Lesparents aussi m’en envoient”, précise­t­elle, un grand sourire aux lèvres. “Cer­tains me disent : “Tu cuisines mieux quema mère!” C’en est presque gênant…”

Le jour de son anniversaire, les élèveslui ont organisé une petite fête et luiont offert un cadeau. Ces momentsprécieux aident Christine Cornélis àsurmonter le caractère difficile de sonmétier (elle travaille du lundi au jeudide 12 à 21h30).

“Les enfants sont très gentils. Ils sontma force et ils m’aident à tenir.”

A mille lieues des clichés du pension­nat strict et déshumanisant qued’aucuns ont connu, l’internat libre ducœur de Liège a su tirer parti de sa pe­tite taille pour recréer un petit coconoù chaque pensionnaire trouve saplace et peut s’épanouir, tant dans sascolarité que dans la vie en groupe.

“La séparation avec les parents n’estpas trop pesante pour les enfants, grâce àChristine”, affirme la directrice. “Nousavons des élèves qui passent toute leurscolarité chez nous, et nos éducateurschoisissent de revenir d’année en année.Certains sont là depuis 20 ans.”

Preuve, s’il en est, que l’internat, cen’est pas toujours ce que l’on croit.

Isabelle Lemaire

L’internat, entre rires et larmesje suppliais ma mère de me garder à la maison, mais c’était impossi­ble pour elle, avec son boulot d’infirmière. Je me suis accrochée pen­dant ces deux années, et je n’ai tenu que grâce à une éducatrice quis’est montrée très gentille avec moi. Elle était la seule présence ré­confortante entre ces murs. Je crois qu’être interne quand on est àl’école primaire, c’est dur pour beaucoup d’enfants, même s’ils crâ­nent et ne montrent pas toujours qu’ils souffrent.”

A contrario, pour Alex, 17 ans, élève dans une école bruxel­loise, la vie en internat, c’est l’occasion de faire les 400 coups. “Jesuis d’un naturel blagueur et meneur. Quand j’ai débarqué à 14 ans,je n’ai eu aucun mal à me faire des amis, peut­être pas très fréquen­tables, mais bon… Très vite, on a formé une petite bande d’insépara­bles, toujours prêts à s’amuser. Rien de bien méchant, je précise. Onse faufile le soir de chambre en chambre; on passe des nuits blanchesà discuter. On fait quelques blagues qui font tourner les éducateursen bourrique. Les règles de vie sont strictes, mais il y a moyen de lescontourner. Franchement, je serai triste de quitter l’internat en juin(si je réussis mon année !). J’y ai vécu des moments vraiment inou­bliables.”I.L.

Page 10: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Garçons et filles àl’école, une évidence ?

h La mixité scolaire estobligatoire en Communautéfrançaise depuis 1997.

h Désormais perçue commela normalité, la questioncontinue de diviser.

Les écoliers d’un côté, les écolières del’autre. Il est bien loin le temps où lespetits garçons et les jeunes filles enfleurs pouvaient jouer et s’amuser entoute innocence (naïveté ?), à l’abri desregards apparemment condescendants,mais en réalité tellement attendrissantsde leurs camarades.

Aujourd’hui, la mixité sexuelle àl’école s’impose littéralement commenorme, est accueillie par la sociétécomme quelque chose d’incontestable,d’inébranlable… Bref, de tellement in­déboulonnable que d’aucuns s’étonne­ront peut­être de voir leur journal yconsacrer une double page et ce, àl’aube de l’année 2012. Et pourtant, lesujet passionne et divise toujoursautant les professeurs, pédagogues etautres psychiatres. Emergeant ici et làdès 1960, la mixité scolaire se généra­lise chez nous dans le courant des an­

nées septante. A l’époque, il n’existeaucune législation belge en la matière. Ilfaut attendre 1997 pour voir la Com­munauté française en faire une obliga­tion légale, du moins dans les écoles quilui sont rattachées.

“C’était essentiellement une façon d’offi­cialiser les choses, de faire évoluer les com­portements des quelques dernières écolesnon mixtes – notamment catholiques– quisubsistaient encore. Car dans les faits, lechangement s’était déjà opéré massive­ment avant cette date théorique”, expli­que­t­on au cabinet de la ministre del’Enseignement obligatoire, Marie­Do­minique Simonet (CDH). Une disposi­tion – coulée dans le marbre – dontl’ambition était de faire de la mixitésexuelle à l’école un gage d’égalité. Ega­lité des sexes, égalité des chances. Undiscours hypocrite aux yeux de certains,un échec selon d’autres. “La mixité sco­laire a échoué, puisque l’égalité des sexesn’est toujours pas assurée”, écrit MichelFize (1), sociologue français et spécia­liste des questions de l’adolescence.Pour lui, au contraire, ce mélange gé­nère des inégalités. A certains âges, par­ticulièrement à 11, 12 ans, les filles etgarçons se distinguent tellement les unsdes autres – notamment par leur déve­loppement physique et psychique –qu’il paraît peu sensé de les éduquer en­semble. Un point de vue que partage to­

talement une quinquagénaire et “resca­pée” de l’école non mixte : “Nous, lesfilles, vivions comme dans un cocon. Ongrandissait ensemble sans se soucier de lagent masculine. Pour ma part, j’aurais ététotalement perturbée de côtoyer le sexe op­posé à l’école durant mon adolescence.”Avant d’ajouter : “Et inversement, je penseque les garçons auraient eu l’attention for­tement détournée par notre présence.”

Car il est là le nœud du problème. Se­lon de nombreuses études anglo­saxonnes menées sur la question, lamixité sexuelle à l’école constitueraitun frein, une entrave à l’apprentissagescolaire. Et ce, davantage du côté dusexe dit “fort”. Les jeunes hommes ob­tiendraient ainsi de moins bons résul­tats que les demoiselles. “Les garçonsjouent les durs pour affirmer leur virilité”,raconte Marie Duru­Bellat (2), sociolo­gue française et spécialiste de la psycho­logie sociale. Qui poursuit : “Certainsvont jusqu’à rejeter purement et simple­ment l’école, pensant peut­être qu’il s’agitlà d’un acte digne d’un mâle, d’un vrai.”

Un élève de 6e secondaire témoigne :“Sans doute que la présence de filles enclasse en a perturbé plus d’un, que certainsauraient été plus performants s’ils avaientété séparés de leurs camarades féminins.Mais, finalement, je ne pense pas que lesrésultats soient la chose la plus importanteà l’école.”

Pour ses défenseurs, la mixité scolairedoit surtout apprendre aux jeunes à vi­vre ensemble et ce, dès les premièresannées de leur existence. “C’est un véri­table projet de société. Il s’agit de favoriserune vision d’une école non discriminatoireà références démocratique, universaliste etpluraliste”, estime José­Luis Wolf, pro­fesseur et coordinateur du service desSciences de l’Education à l’ULB. “Person­nellement, j’ai beaucoup souffert de lanon­mixité”, avoue une ancienne éco­lière. Qui poursuit : “Je n’avais pas defrère et je ne voyais plus mon père. J’igno­rais tout du sexe masculin. Cela a suscitéchez moi une forme de crainte de l’étran­ger.” Et un directeur de conclure : “L’ins­titution scolaire se doit de donner aux élè­ves une image représentative de ce qu’estla société, à savoir un mélange d’hommeset de femmes.”

La mixité sexuelle à l’école, un gaged’égalité ? Un non­sens à l’adolescence ?Une entrave aux performances scolai­res? Ou un véritable projet de société ?Le débat reste ouvert…A.D.U(1) “Les pièges de la mixité scolaire”,Michel Fize, Presses de la Renaissance,2003, 274 pp.(2) “Ce que la mixité fait aux élèves”,Marie Duru-Bellat, Revue de l’OFCE,n°114, 2010/3.

PHOT

ONEW

S10 Enseignement 6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

Page 11: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Page 12: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

12 Enseignement 6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE 13Enseignement6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

L’école entre quatre mursh Comment poursuivre sascolarité lors d’un placementen IPPJ ?

h Regards croiséssur les systèmesmis en place à Saint­Servaiset à Jumet.

Décrochage, renvois, absentéisme, dé­motivation, échecs, les adolescents pla­cés en IPPJ ont bien souvent derrièreeux un parcours scolaire très chaoti­que. Pour ces mineurs enfermés, l’écolereste obligatoire, comme pour toutjeune de moins de 18 ans. La missiondu personnel enseignant des IPPJ est deles aider à se remettre sur les rails de lascolarité afin de leur offrir une perspec­tive de réinsertion à la sortie. L’IPPJ deSaint­Servais accueille des filles de 12 à18 ans.

La moitié des adolescentes n’ont pasleur CEB. L’institution dispense descours intra­muros. Sa directrice, Marie­Christine Delbovier, nous expliquecomment les cours s’organisent. “Nousavons sept classes de cinq ou six élèves, dé­coupées par aptitude et section : une classesas (d’accueil), une du premier degré dif­férencié, une autre de général et techni­que et quatre classes de professionnel(coiffure, vente, services sociaux et en­seignement spécialisé). A leur arrivée,les jeunes filles sont évaluées puis orien­tées vers la classe qui leur convient lemieux.”

Onze enseignants à temps plein tra­vaillent à l’IPPJ. “Des professeurs ayantune grande motivation à enseigner dansce cadre très particulier, qui offrent unevraie capacité d’écoute et d’aide aux élè­ves”, souligne la directrice.

En section éducation, 29 heures decours par semaine sont données. “A

cela, s’ajoutent une heure d’étude chaquesoir et une aide renforcée à la préparationdes examens, en temps voulu.”

Et en section fermée, réservée à desséjours de six semaines maximums,des cours généraux sont dispensés lematin. “Ici, il s’agit surtout d’alphabétisa­tion et d’un maintien des acquis.”

Toutes les jeunes filles sont inscritesdans une école de la région, ce qui per­met de valider les examens. Et des con­tacts sont pris avec leur école d’origineou un nouvel établissement pour assu­rer une continuité dès la sortie. Lesliens qui se tissent entre élèves et profssont souvent très forts et les problèmesrencontrés pas si différents de ceux quel’on trouve ailleurs. “La principale diffi­culté, c’est la concentration des problè­mes, car toutes les filles en ont. Mais celas’estompe vite grâce au cadre qui les ras­sure, à l’attention soutenue qu’on leurporte et à un programme de cours person­nalisé. Nous avons mobilisé beaucoup demoyens pour dire aux jeunes à quel pointl’école, c’est important. Le taux de réussiteaux examens de juin est de 50 %, maisaprès la sortie, ça ne tient pas la route.C’est décourageant et choquant, parceque cela signifie qu’on manque de moyensà l’extérieur pour un encadrement sur lelong terme.”

A l’IPPJ de Jumet, réservée aux gar­çons, la scolarité se déroule extra­mu­ros. L’équipe se charge de trouver uneécole pouvant accueillir les mineursplacés. “Nous avons créé un excellent ré­

seau avec une cinquantaine d’établisse­ments du bassin de Charleroi, indique ledirecteur, Jean­Pierre Blairon. Nous neplaçons qu’un seul jeune par école et seulsle directeur et un éducateur sont mis aucourant de sa situation. Certains jeunesarrivent en cours d’année scolaire, mais lesystème mis en place permet des inscrip­tions tardives”.

Concrètement, l’IPPJ et le mineurplacé scolarisé s’engagent dans un con­trat de confiance, avec, toutefois, unpeu de surveillance. “Le matin, nous lesconduisons à l’école, à charge pour eux derentrer par leurs propres moyens (nousleur fournissons des tickets de bus oude train). Un éducateur téléphone àl’école matin, midi et soir pour vérifierque le jeune s’y trouve bien. En cas de pro­blème, nous pouvons intervenir rapide­ment, sur demande. Si l’élève est renvoyétemporairement, il intègre une classe derattrapage à l’IPPJ, sur base des coursfournis par l’école. En cas de renvoi défi­nitif, on lui trouve un autre établissement.Le soir, les élèves ont minimum une heured’étude dans leur chambre, en compagnied’un éducateur ou d’un enseignant. Nousorganisons également des remédiationset des week­ends pédagogiques à l’appro­che des examens, où les jeunes doiventrester à l’institution.”

La philosophie développée par l’ins­titution est claire : renouer avec l’école

et préparer le retour à une réinsertionscolaire à la sortie.

En 2007, Ingrid Gilles, criminologueet assistante sociale du Service droitdes jeunes de Namur, a consacré sonmémoire à la scolarisation en IPPJ.

Dans son travail, elle donne la paroleà des jeunes enfermés à Jumet (1). Ilsévoquent leur parcours scolaire anté­rieur difficile et à quel point l’école n’apas été “pensée pour eux”.

Quand ils arrivent à l’IPPJ et qu’ilsdoivent se plier à l’obligation scolaire,les réactions sont contrastées, allant dela révolte à la satisfaction. L’étude d’In­grid Gilles montre que, globalement,au bout de quelque temps, l’absen­téisme recule et que les relations profs­élèves s’améliorent.

L’auteur conclut que l’effet positifjoué par l’encadrement adapté – offertpar le système développé à Jumet – nedure pas à la sortie. Et elle plaide pourla nécessité de créer de nouvelles for­mes d’apprentissage à destination de cepublic particulier.

Isabelle Lemaire

U (1) “La scolarisation au départ de l’IPPJde Jumet : qu’en disent les jeunes ?”,consultable sur www.sdj.be, onglet“banques de données”. L’école obligatoire,c’est aussi en IPPJ.

REPO

RTER

S

Épinglé

Et en prison ?Carences. Le droit à la formation enprison est reconnu par la loi et est un desoutils préparant la réinsertion desdétenus. Les cours dispensés (alphabéti-sation, formation préqualifiante, remiseà niveau, promotion sociale…) ne sontpas du luxe, puisqu’une large part de lapopulation carcérale dispose seulementdu CEB ou n’a pas de diplôme du tout.Mais dans les faits, l’éducation et laformation en prison sont délaissées parles pouvoirs publics, comme le souli-gnent régulièrement la Ligue des droitsde l’homme et des associations deterrain. Manque de locaux adaptés, dematériel, de personnel enseignant, definancement, attitude parfois hostile desgardiens sont autant d’obstacles à lamise en place d’un véritable systèmeéducatif. L’éducation en prison varieénormément d’un établissement péniten-tiaire à l’autre. Dans certaines prisons,seuls les détenus vivant dans des ailesprécises ou ceux qui ne travaillent pasont le droit de suivre des cours. Depuisdes années, les associations plaidentpour un engagement plus fort et pluscohérent en la matière de la part de l’Etatet des entités fédérées, sans grandrésultat à ce jour.

Quels profsavec quelleformation ?h Le point sur la législationen vigueur.

Il existe cinq IPPJ et un centre fédéralfermé en Belgique francophone, quiaccueillent 182 mineurs délinquants,âgés de 12 à 18 ans, pour une durée al­lant de quelques jours à un an.

Le projet pédagogique prévoit que“l’enseignant participe à l’observationcontinue des élèves. Il évalue leurs acquispédagogiques, leurs capacités, et dispenseune formation adaptée, qu’elle soit d’ini­tiation, de remédiation ou de perfection­nement. Il effectue un suivi cognitif etéducatif. Il organise des activités diversesà caractère culturel, sportif, récréatif, ar­tistique… et inculque les attitudes scolai­res et/ou professionnelles adéquates”.

Cinquante­six enseignants effectifssont employés, et 53 d’entre eux sontdiplômés de l’enseignement supérieur,dans les catégories sociales, pédagogi­ques, techniques, économiques, agri­coles, paramédicales ou artistiques detype court, condition pour pouvoir en­seigner en IPPJ.

Avant 1996, un diplôme de l’ensei­

gnement secondaire supérieur étaitsuffisant pour y être éducateur ou for­mateur. Pour les formateurs profes­sionnels, un diplôme de l’enseigne­ment professionnel était au minimumrequis. La législation actuelle ne pré­voit pas d’enseignants ni d’activitésd’enseignement pour les jeunes placéspour une durée inférieure à 42 jours.

Toutefois, une forme de prise encharge scolaire existe, qui peut com­porter une préparation à la présenta­tion d’examens, un maintien des ac­quis scolaires ou une remise à niveauponctuelle. Les activités scolaires va­rient selon le régime auquel le jeuneest soumis (ouvert ou fermé).

Les cours généraux en IPPJ sont con­fiés à des titulaires de diplômes d’insti­tuteurs, régents ou agrégés de l’ensei­gnement secondaire inférieur. Ce sontdes éducateurs spécialisés qui dispen­sent les autres activités de formation etateliers, un choix justifié, notamment,par la nécessité de disposer d’agentsexpérimentés dans la conduite d’ungroupe de jeunes ayant commis des in­fractions.

I.L.

Page 13: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

13Enseignement6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

L’école entre quatre murs

et préparer le retour à une réinsertionscolaire à la sortie.

En 2007, Ingrid Gilles, criminologueet assistante sociale du Service droitdes jeunes de Namur, a consacré sonmémoire à la scolarisation en IPPJ.

Dans son travail, elle donne la paroleà des jeunes enfermés à Jumet (1). Ilsévoquent leur parcours scolaire anté­rieur difficile et à quel point l’école n’apas été “pensée pour eux”.

Quand ils arrivent à l’IPPJ et qu’ilsdoivent se plier à l’obligation scolaire,les réactions sont contrastées, allant dela révolte à la satisfaction. L’étude d’In­grid Gilles montre que, globalement,au bout de quelque temps, l’absen­téisme recule et que les relations profs­élèves s’améliorent.

L’auteur conclut que l’effet positifjoué par l’encadrement adapté – offertpar le système développé à Jumet – nedure pas à la sortie. Et elle plaide pourla nécessité de créer de nouvelles for­mes d’apprentissage à destination de cepublic particulier.

Isabelle Lemaire

U (1) “La scolarisation au départ de l’IPPJde Jumet : qu’en disent les jeunes ?”,consultable sur www.sdj.be, onglet“banques de données”. L’école obligatoire,c’est aussi en IPPJ.

Épinglé

Et en prison ?Carences. Le droit à la formation enprison est reconnu par la loi et est un desoutils préparant la réinsertion desdétenus. Les cours dispensés (alphabéti-sation, formation préqualifiante, remiseà niveau, promotion sociale…) ne sontpas du luxe, puisqu’une large part de lapopulation carcérale dispose seulementdu CEB ou n’a pas de diplôme du tout.Mais dans les faits, l’éducation et laformation en prison sont délaissées parles pouvoirs publics, comme le souli-gnent régulièrement la Ligue des droitsde l’homme et des associations deterrain. Manque de locaux adaptés, dematériel, de personnel enseignant, definancement, attitude parfois hostile desgardiens sont autant d’obstacles à lamise en place d’un véritable systèmeéducatif. L’éducation en prison varieénormément d’un établissement péniten-tiaire à l’autre. Dans certaines prisons,seuls les détenus vivant dans des ailesprécises ou ceux qui ne travaillent pasont le droit de suivre des cours. Depuisdes années, les associations plaidentpour un engagement plus fort et pluscohérent en la matière de la part de l’Etatet des entités fédérées, sans grandrésultat à ce jour.

Quels profsavec quelleformation ?h Le point sur la législationen vigueur.

Il existe cinq IPPJ et un centre fédéralfermé en Belgique francophone, quiaccueillent 182 mineurs délinquants,âgés de 12 à 18 ans, pour une durée al­lant de quelques jours à un an.

Le projet pédagogique prévoit que“l’enseignant participe à l’observationcontinue des élèves. Il évalue leurs acquispédagogiques, leurs capacités, et dispenseune formation adaptée, qu’elle soit d’ini­tiation, de remédiation ou de perfection­nement. Il effectue un suivi cognitif etéducatif. Il organise des activités diversesà caractère culturel, sportif, récréatif, ar­tistique… et inculque les attitudes scolai­res et/ou professionnelles adéquates”.

Cinquante­six enseignants effectifssont employés, et 53 d’entre eux sontdiplômés de l’enseignement supérieur,dans les catégories sociales, pédagogi­ques, techniques, économiques, agri­coles, paramédicales ou artistiques detype court, condition pour pouvoir en­seigner en IPPJ.

Avant 1996, un diplôme de l’ensei­

gnement secondaire supérieur étaitsuffisant pour y être éducateur ou for­mateur. Pour les formateurs profes­sionnels, un diplôme de l’enseigne­ment professionnel était au minimumrequis. La législation actuelle ne pré­voit pas d’enseignants ni d’activitésd’enseignement pour les jeunes placéspour une durée inférieure à 42 jours.

Toutefois, une forme de prise encharge scolaire existe, qui peut com­porter une préparation à la présenta­tion d’examens, un maintien des ac­quis scolaires ou une remise à niveauponctuelle. Les activités scolaires va­rient selon le régime auquel le jeuneest soumis (ouvert ou fermé).

Les cours généraux en IPPJ sont con­fiés à des titulaires de diplômes d’insti­tuteurs, régents ou agrégés de l’ensei­gnement secondaire inférieur. Ce sontdes éducateurs spécialisés qui dispen­sent les autres activités de formation etateliers, un choix justifié, notamment,par la nécessité de disposer d’agentsexpérimentés dans la conduite d’ungroupe de jeunes ayant commis des in­fractions.

I.L.

Page 14: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

14 Enseignement 6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

Feu vert au durableh Les offres d’emploi liéesau secteur du développementdurable explosent.

h Les formations supérieuresrépondent­ellesà cette nouvelle niche ?

Consultant en environnement, res­ponsable technique en énergie renou­velable,… Les offres d’emploi verdissentpour répondre aux réalités environne­mentales. Un nouveau marché crucialet florissant qui demande connaissanceet expertise.

Mais sort­il suffisamment d’étudiantsformés des établissements supérieurs ?“Non, pense Thierry Vandebroek, admi­nistrateur­délégué de l’ASBL “Poseco”,un organisme chargé de valoriser l’éco­nomie dite “positive”. “L’enseignementest globalement ouvert et attentif à ces ré­cents enjeux mais il manque de moyens etde connaissances pour développer son po­tentiel. Pourtant, de nouveaux métiers liésà l’environnement apparaissent sanscesse et il convient de ne pas rater le cochepour continuer à faire évoluer correcte­ment ce milieu” , ajoute­t­il.

Forte de sa volonté d’accentuer les va­leurs humaines dans le monde de l’éco­nomie, “Poseco” projette notamment

d’organiser de plus en plus de rencon­tres entre professeurs, étudiants et en­trepreneurs engagés. “Le corps professo­ral doit entrer en contact avec la réalitéde terrain afin d’adapter au mieux lesétudes”, précise Thierry Vandebroek,tout en soulignant l’intérêt vif et gran­dissant du secteur éducatif.

Une démarche proactive et adaptéequi a notamment été enclenchée àl’Université catholique de Louvain oùs’organisent des masters complémen­taires en science et gestion de l’envi­ronnement. Ouverte à tous les diplô­més de second cycle, la formation en­tend clairement répondre à desnouvelles demandes du marché du tra­vail. “Nous initions nos étudiants aux dis­ciplines liées à l’environnement afin qu’ilsles cernent, les comprennent et puissentles vulgariser. Ils doivent obligatoirementtester leurs nouveaux acquis lors de stageen entreprises, ONG ou organes gouver­nementaux. Des structures qui nous pré­sentent chaque année plus d’offres destage que nous n’avons d’étudiants”, ex­plique Patrick Gerin, coordinateur de laformation. Un succès que perçoit par­fois mal le monde scientifique, avide deperfectionnisme. “L’idée n’est pas defaire sortir des spécialistes mais bien despersonnes aux compétences pluridiscipli­naires susceptibles d’être les maillons quirelient plusieurs problématiques ou ac­teurs environnementaux”, insiste­t­il.

Si la formation, créée il y a plus de dixans, était au départ plébiscitée par lesscientifiques, ce public lui a

aujourd’hui tourné le dos contraire­ment à celui des sciences humaines,voire des adultes soucieux de fortifierou réorienter leur carrière. Pour les ins­tances extérieures à l’enseignement,cette formation est un plus mais l’im­pulsion est encore à propager. “Il con­vient de travailler en amont afin de ré­pondre aux besoins des nouvelles entre­prises”, précise Thierry Vandebroek.

Pour Geoffroy Hecquet, conseiller enorientation et en insertion profession­nelle au CIO de Louvain­la­Neuve, ladémarche devrait même être pousséeplus loin. “Le développement durable estaujourd’hui un enjeu sociétal reconnu. Ence sens, cette perspective devrait être inté­grée à toutes les études afin d’offrir unéventail de compétences variées pour ser­vir le secteur d’emploi”, imagine­t­il.Membre actif du centre d’informationaux études, Geoffroy Hecquet est àmême d’écouter les envies des jeunes.“Après les humanités, les élèves sont idéa­listes. Au sortir de leurs études, ils devien­nent réalistes. Peu d’entre eux sont pour­tant capables de faire correctement valoirleur diplôme. Une formation supplémen­taire a l’avantage de les mettre en con­fiance”, ajoute­t­il.

Montrer la voie et les sillons créés parcertains pionniers pour rendre les no­vices confiants, telle l’une des missionsde “Poseco”. Chaque jour, son portaillié à l’entreprenariat positif génère 800visites. “Nous divulguons des conseilspour accompagner les entrepreneurs quisouhaitent répondre à des valeurs et à de

nouveaux besoins économiques et envi­ronnementaux. Nous encourageons aussiles étudiants à creuser ces secteurs”, dé­taille Thierry Vandebroek.

Depuis trois ans, “Poseco” a d’ailleurslancé le Student Positive Award, unprix à décerner aux meilleurs travauxde fin d’étude liés à l’économie posi­tive.

“Les écoles de business sont aujourd’huidemandeuses de participer à cette organi­sation. Par ce biais, nous souhaitons en­courager les jeunes à affiner la qualité deleur mémoire et pousser les professeurs àse mettre à niveau”, continue­t­il. Maiscette remise en question qui vise uneréforme plus verte n’est pas l’uniqueapanage de l’enseignement supérieurcomme le souligne l’administrateur­délégué de l’ASBL.

“Le milieu de l’alimentation durablemanque par exemple cruellement de per­sonnes formées. Le potentiel d’adaptationpar rapport au développement durabledes écoles techniques est totalement sous­estimé. Pourtant cette visée peut être por­teuse et motivante pour ces élèves.”

Se soucier des enjeux d’aujourd’hui etde demain… Tel est aussi le rôle despouvoirs politiques. “Les autorités publi­ques cherchent à créer une spirale positivemais ce sont d’abord les acteurs de l’ensei­gnement qui doivent prendre consciencede ce tournant. Le gouvernement a, lui,tout intérêt à créer des stimuli pour vitali­ser ces challenges”, conclut Thierry Van­debroek.Fanny Leroy

REPO

RTER

S

Les kots passentau passifMercator I. En 10 ans, la populationuniversitaire présente sur la ville deLouvain­la­Neuve a enflé, passant de15 000 étudiants à quelque 20 000jeunes. Sans compter le mouvement defréquentation similaire constaté dansles écoles supérieures alentour, le siten’offre aujourd’hui plus suffisammentde logements à loyer réduit.Une problématique prise à bras­le­corps par l’Université catholique deLouvain notamment qui a enclenché laconstruction de 600 logements supplé­mentaires d’ici l’horizon 2013.Le plus : ces nouveaux toits sont prêts àrespecter les normes environnementa­les. Aussitôt décidé, presque aussitôtmis en route, le projet Mercator I ac­cueille déjà, depuis la rentrée 2011,plus de 119 locataires.Le bâtiment, à basse énergie, cumuleles consignes passives, avec notammentdes panneaux solaires ou un parc àvélos.Une initiative prise pour répondreconjointement au boom de populationétudiante mais aussi aux exigencesenvironnementales et adoptée pard’autres établissements comme l’Insti­tut Paul Lambin à Woluwe­Saint­Lam­bert.Quarante­neuf nouvelles chambressont ainsi mises à disposition des étu­diants depuis 2011. Avec un tel engage­ment, l’Institut offre la possibilité auxétudiants de réduire par quatre leurconsommation énergétique globale.F. L.

Page 15: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Page 16: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Page 17: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Page 18: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Page 19: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

15Enseignement6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

“Il faut changer l’ensembledu système éducatif”h “Ecole, toutrepenser. Pistes pourreconstruire”, Débatde la revue “Politique”

Jacques Cornet ensera l’intervenantprincipal.

Déficit de mixité sociale, iné­galités sociales, compétitionentre élèves et entre écoles,élitisme,… Le système scolaireest régulièrement mis sous lefeu des critiques. Ne faut­ilpas, dès lors, repenser l’école,examiner les pistes pour re­construire le système scolaire,trouver des solutions pour en­diguer les inégalités sociales ?Telles sont les grandes ques­tions abordées le 14 mars lorsdu débat “Ecole, tout repenser.Pistes pour reconstruire” orga­nisé par la revue “Politique”,en collaboration avec l’Athé­née Léonie de Waha. Le socio­logue, formateur d’ensei­gnants et membre du mouve­ment sociopédagogique“Changement pour l’égalité”(CGé), Jacques Cornet, y pren­dra part en tant qu’interve­nant principal. Interview.

Le débat s’intitule “Ecole, toutrepenser”. Faut-il vraiment toutreconsidérer dans notre systèmescolaire ?

Oui et non. Bien sûr, il y ades initiatives et des expé­riences qui sont menées etqui sont intéressantes.Dans la majorité des écoles,il y a bien toujours un profqui fait des choses extraor­dinaires. Et dans la massedes écoles, il y en a toujoursl’une ou l’autre qui a desprojets collectifs plus inté­ressants. Donc, évidem­ment, il y a du positif. Maisce qui est remis en ques­tion, c’est l’ensemble dusystème. Même dans lesécoles, il commence à yavoir ce sentiment qu’il se­rait temps d’essayer dechanger quelque chose.

C’est-à-dire ?Tous les indicateurs subjec­tifs sont au rouge : le tauxd’abandon de la professiondans les cinq premières an­nées d’enseignement, l’en­nui des élèves sur les bancsde l’école. Mais cela ne tou­che pas seulement la Belgi­que. Des enquêtes menéesaux Pays­Bas et en Italieont ainsi révélé que les en­

seignants deviennent laprofession la plus touchéepar les congés de maladiepour raisons psychiatri­ques, de stress, etc. Quantaux indicateurs objectifs,Pisa montre bien que notresystème scolaire fabriqueénormément d’inégalités :environ un quart des jeu­nes de 16 ans n’ont pas unniveau en lecture efficacepour se débrouiller dans lavie. Que vont devenir cesgosses ? C’est du gibier deCPAS ! On ne peut donc pascontinuer comme ça.

Que manque-t-il en Communautéfrançaise pour vaincre les inéga-lités ?

Si l’on décide que, toutd’un coup, l’enseignementobligatoire est un tronccommun jusqu’à 16 ans,sans aucune différence en­tre les écoles, cela va casserce lien entre trajectoire so­cio­professionnelle et tra­jectoire scolaire. Si l’on ditque l’école n’a pas pourmission de préparer à l’em­ploi, mais de faire entrerdans la culture et de formerà la citoyenneté, à la parti­cipation à la société, et quel’on charge la formationprofessionnelle de se faireaprès et en dehors, en al­ternance ou en collabora­tion avec les entreprises,c’est sûr que les choseschangeraient. Mais au mo­ment où je le dis, je n’ycrois pas moi­même. Et ce,pour des raisons qui tien­nent à la sociologie et àl’évolution de la société : laclasse moyenne (environ80 % de la population) esttrès angoissée et s’inquièteénormément pour ses en­fants. Et avec la crise, cen’est pas maintenant quel’on va pouvoir découplerl’école de la formation pro­fessionnelle des jeunes.

Une étude d’ampleur a étémenéesur la formation initiale des pro-fesseurs. Le ministre de l’Ensei-gnement supérieur Jean-ClaudeMarcourt (PS) souhaite la fairepasser de 3 à 5 ans. En tant queformateur d’enseignants, qu’enpensez-vous ?

Passer de 3 à 5 ans, ce n’estpas nouveau; c’est unevieille recommandation. Ilest évident que plus de for­mation et une formationdifférente sont nécessaires.Mais je ne suis pas sûrqu’on aille vers ça, entreautres, parce que Bologneoriente la formation d’unemanière qui ne me semble

pas favorable. Surtout, for­mer en 5 ans va donnerlieu aux grandesmanœuvres, c’est­à­direaux bagarres entre les uni­versités et les Hautes écolespour savoir qui va fairequoi, qui va prendre quoi,etc.

Et sur la formation en elle-même,y a-t-il des changements à appor-ter ?

Il y a, en effet, quelquesprincipes fondamentauxque l’on n’entend guère,malheureusement, dansles discours sur la forma­tion. Il y a d’abord la règlede l’isomorphisme, c’est­à­dire que les enseignants nefont pas ce qu’on leur a dit,mais ce qu’on a fait aveceux. Donc, si l’on veut queles enseignants ne répètentpas ce qu’ils ont toujoursconnu, il faut que, dansleur formation, ils aient desexpériences de formation

qui soient telles que cellesque l’on voudrait qu’ilsaient avec leurs élèves, etcela, pas seulement dans lediscours, mais égalementdans la pratique. Mais là,on est loin du compte. Pourmoi, c’est très important,parce qu’on ne peut pasfaire de formation d’ensei­gnants sans penser la for­mation comme une vérita­ble transformation identi­taire.

Comment y parvenir ?Cela nécessite des expé­riences éducatives très for­tes : il faut que les jeunessoient pris dans des chosesqui comptent pour eux etqui les amènent à changer,parce qu’il y a une série dechoses qui sont énormes àchanger. Exemple ? Modi­fier le rapport aux savoirs.Aujourd’hui, dans l’ensei­gnement, les savoirs sontpratiquement toujours

présentés comme des sa­voirs donnés ou révélés. Or,il faudrait les concevoircomme des savoirs qui sontconstruits, car s’ils sontconstruits, cela veut direqu’on peut les décons­truire, qu’ils ne sont pas fi­nis, qu’ils se poursuivent,etc.

Quels sont les autres chantiers àentamer dans la formation desenseignants ?

Il y a un travail plus classi­que à mener, notammentsur la didactique des disci­plines : chaque discipline aune didactique propre. Demême, si l’on veut que lesenfants de milieux popu­laires réussissent, il y a toutun travail à réaliser sur lesrapports au savoir de cesmilieux, ce qui n’est prati­quement pas enseigné, nidans les écoles normales nià l’université.

Stéphanie Bocart

Page 20: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

16 Enseignement 6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE 17Enseignement6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

L’orthographe, trop compliquée ?h L’orthographe françaiseest l’une des plus difficilesau monde.

h Le Conseil de la languefrançaise plaidepour sa rationalisation.

EntretienStéphanie Bocart

Une rencontre­débat “grammaire etenseignement”, s’est tenue au mois demai dernier à Bruxelles à l’initiative duConseil de la langue française et de lapolitique linguistique (CLFPL), de l’Ad­ministration générale de l’enseignementet de la recherche scientifique, et del’Administration générale de la cultureet de son Service de la langue française.

L’occasion pour “La Libre” d’élargir lepropos à l’enseignement de la languefrançaise dans nos écoles, avec GeorgesLegros, professeur émérite aux Facultésuniversitaires Notre­Dame de la Paix àNamur (FUNDP).

Ancien membre reconduit du Conseilde la langue française et président de lacommission “Enseignement”, il s’est no­tamment occupé de réformes orthogra­phiques.

Il se dit régulièrement qu’il y a un nivelle-ment par le bas dans l’apprentissage de lalangue française. Qu’en pensez-vous ?

Ce que nous essayons de prôner auConseil de la langue française et departager dans des journées commecelle de mercredi, c’est un change­ment de point de vue. Il nous semblequ’il faut essayer de déplacer le cur­seur sur deux points fondamentaux.

Quels sont-ils ?Le premier concerne le niveau. En1995, le ministère de l’Education, enFrance, a mené une grande enquêtecomparative entre les performances à

l’écrit des élèves français de 12 à 14ans de 1995 et ceux de 1925. Il avaitmesuré que les élèves de 1995 fai­saient 2,5 fois plus de fautes d’ortho­graphe que les élèves de 1925 – on adonc là une baisse de niveau chiffrée–, mais, en même temps, ils avaientbeaucoup mieux réussi l’épreuve derédaction. Il faut donc changer l’idéequ’il y a un et un seul niveau, et qu’ilest constamment en baisse. Vis­à­visdu grand public, il faut déplacer cettereprésentation fantasmatique du ni­veau : il y a des performances quibaissent, il y a même des choses quidisparaissent de la langue (comme ladéclinaison latine), tandis qued’autres choses se mettent en place,et ce n’est pas nécessairement unebaisse de niveau. Second point, auConseil de la langue, nous avons priscomme philosophie l’idée que la lan­gue doit être au service des usagers etnon l’inverse, c’est­à­dire qu’il ne fautpas toujours faire porter le poids desratés ou des échecs sur l’usager. S’il y ades fautes d’orthographe, on dira quec’est parce que les gens ne connais­sent pas l’orthographe. Nous, nousdisons que c’est aussi la faute de l’or­thographe, parce qu’elle est inutile­ment compliquée. Après tout, rien nenous l’impose. On pourrait peut­êtrela changer ou en changer une partie.

L’orthographe française est, en effet, l’unedes plus difficiles au monde…

Oui, si pas, peut­être, la plus difficilede toutes. En espagnol, par exemple,où l’orthographe est infiniment plussimple, très régulièrement, l’Acadé­mie espagnole de Madrid, en concer­tation avec toutes les Académies dumonde hispanophone, met à jourl’orthographe et publie cette mise àjour. Par contre, en français, où l’or­thographe est archi­compliquée, dèsque l’on parle d’une toute petite miseà jour d’une toute petite rectification,comme en 1990, cela soulève pas­sions et querelles. Et personne n’enveut. Il y a donc une tradition paraly­

sante qui nous bloque dans une or­thographe horriblement compliquée.

Il y a eu des rectifications de l’orthographefrançaise en 1990. Faudrait-il aller plus loinavec une “vraie” réforme ?

Oui, parce que l’orthographe fran­çaise est très difficile, sans véritableraison ou bénéfice, et que les élèvesjeunes en souffrent. Jusqu’au pleinmilieu du XVIIIe siècle et encore plustard dans beaucoup d’endroits, onapprenait à lire en latin, parce qu’enlatin, l’orthographe est facile. Etquand on savait lire, on apprenait pe­tit à petit des textes français, ce quiétait beaucoup plus compliqué.D’ailleurs, au XVIIIe et jusqu’au mi­lieu du XIXe siècle, on a régulière­ment réformé l’orthographe fran­çaise. C’est après que cela s’est figé.Donc, il faut essayer de simplifierl’orthographe parce qu’elle cause degrosses difficultés de lecture et, sur­tout, d’écriture. Donc, elle coûte trèscher à l’apprentissage et installe chezles élèves un sentiment d’insécuritélinguistique – cette fameuse hantisede la faute d’orthographe est si typi­que des francophones. Il faudraitdonc avoir le courage, comme pourd’autres langues, de rationaliser etsimplifier l’orthographe.

Un écrivain belge reconnu s’émouvait ré-cemment qu’il recevait parfois des courriersde professeurs de français truffés de fautesd’orthographe. Que pensez-vous de la for-mation que reçoivent nos enseignants engrammaire et en orthographe ?

Il y a tout d’abord un paramètre d’or­dre sociologique. Sans avoir aucun ju­gement méprisant, il semble que lacarrière d’enseignant n’attire plusmajoritairement les premiers declasse. Ensuite, au niveau de la forma­tion des enseignants, c’est­à­dire del’enseignement supérieur, il y a desaspects que l’on considère comme ac­quis – l’orthographe ne s’enseignepas à l’unif –; or, ils ne sont pas acquis.Les formateurs font ce qu’ils peuvent

avec le matériel qu’ils ont et le tempsdont ils disposent, et, en effet, on nepeut pas du tout dire que tous les en­seignants de français sont des virtuo­ses de l’orthographe ni, en général, dela norme.

Précisément, que devient la norme ortho-graphique ?

Toute notre société, depuis quelquesdécennies, a affaibli l’idée même denorme dans tous les domaines, ycompris dans la langue. On trouvequ’il faut parler, se faire comprendre,éventuellement être un virtuose de lacommunication, mais la norme or­thographique… Ce n’est plus la mêmesociété qu’il y a 50 ou 60 ans. Et donc,les enseignants baignent aussi dansce climat­là : quand bien même ils es­saieraient d’être normatifs, ils se re­trouveraient devant un public qui ré­sisterait plus qu’il y a 50 ans. L’ensei­gnement lui­même a changé : en2005, il a été mesuré qu’il y avait unebaisse des performances orthogra­phiques depuis quelques dizainesd’années. On est bien obligé de con­venir que cela tient pour partie au faitqu’on n’enseigne plus l’orthographecomme on le faisait jadis.

Les programmes de grammaire et d’ortho-graphe sont-ils moins exigeants qu’aupara-vant ?

Non. Ils sont devenus beaucoup plusexigeants, mais pas sur les mêmeschoses. Nos classes sont de plus enplus multiculturelles : il y a des chan­gements imposés par les publics. Parailleurs, l’orthographe a été ensei­gnée pendant longtemps comme lesommet de la formation en primairepar la mémorisation de listes de mots,des exercices de dictée, etc. Puis, ons’est rendu compte que cela n’appre­nait pas beaucoup à écrire, c’est­à­dire à composer des textes, ni à par­ler. Et on s’est montré beaucoup plusexigeant : on a voulu que les élèves sa­chent lire et comprendre les textesqu’ils lisaient; écrire, c’est­à­direcomposer; et connaître des contenus.Pour des raisons idéologiques, on adonc voulu changer de forme d’ensei­gnement et on a trop renoncé àl’exercice. Mais quoi qu’il en soit, sil’on veut conserver un enseignementdavantage de communication, d’ex­pression ainsi que des enseignementsdans des disciplines différentes, lesjournées sont limitées. On ne pourrapas revenir à l’ancien état, parcequ’on n’a plus la même école, lamême société, ni les mêmes objectifspour l’école.

Dans notre société de la communication, lamontée en puissance du langage SMS et desréseaux sociaux appauvrit-elle la languefrançaise ?

Il est vraisemblable que cela n’amé­liore pas l’orthographe normée, maisle tout premier effet, c’est que celamultiplie d’une façon exponentiellele recours à l’écrit. Aujourd’hui, tousles gens lisent et écrivent comme celan’a jamais été le cas. Quant aux SMS,ils introduisent un autre type de dis­

cours qui s’ajoute aux pré­cédents (notes de cours, ré­sumés, télégrammes,sténo,…). C’est donc plutôtun enrichissement des pra­tiques langagières. Il faut leprendre comme unechance d’accroître la diver­sité des moyens de com­

munication et d’apprendreaux élèves qu’il faut adap­ter sa communication auxsituations et aux moyensplutôt que de croire que cemode de communicationva déteindre unilatérale­ment et appauvrir la lan­gue.

REPO

RTER

S

Conseil de la langue française :kezako ?Avis et sensibilisation. Installé en septembre 2007, le Conseil de lalangue française et de la politique linguistique remplace l’ancienConseil supérieur de la langue française créé en 1985. Il est investi dedeux missions.Primo, donner des avis : – sur toute question relative à la politiquelinguistique et à la francophonie autant en Communauté française quesur le plan international; – sur l’évolution de la situation linguistiqueen Communauté française et la place de la langue française par rap-port aux autres langues pratiquées en Communauté française; – surl’évolution de l’usage de la langue française et son enrichissement.Secundo, proposer toute action de sensibilisation à la langue fran-çaise. Le Conseil de la langue française est composé de 19 membreseffectifs avec voix délibérative nommés par le gouvernement de laCommunauté française ainsi que de membres avec voix consultatives.

Nouvelle orthographeLe 3 mai 1990, les rectifications orthographiques proposées par leConseil supérieur de la langue française sont approuvées à l’unani-mité par l’Académie française et publiées dans le “Journal officiel dela République française” le 6 décembre 1990. Elles ont été diverse-ment accueillies. Exemples: Evènement. Devant une syllabe contenantun “e” muet, on écrit “è” et non “é” : avènement, cèdera, lèvera, etc.Traitre, bruler. Il n’y a pas d’accent circonflexe sur les lettres “i” et“u” : boite, aout, chaine,… Les solos, les maximums. Les noms que lefrançais a empruntés à d’autres langues font leur pluriel comme lesautres mots français : les matchs, des cowboys, etc. Corole. La finale-olle est remplacée par la finale -ole sauf colle, folle, molle.

Page 21: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

17Enseignement6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

L’orthographe, trop compliquée ?

cours qui s’ajoute aux pré­cédents (notes de cours, ré­sumés, télégrammes,sténo,…). C’est donc plutôtun enrichissement des pra­tiques langagières. Il faut leprendre comme unechance d’accroître la diver­sité des moyens de com­

munication et d’apprendreaux élèves qu’il faut adap­ter sa communication auxsituations et aux moyensplutôt que de croire que cemode de communicationva déteindre unilatérale­ment et appauvrir la lan­gue.

REPO

RTER

S

Conseil de la langue française :kezako ?Avis et sensibilisation. Installé en septembre 2007, le Conseil de lalangue française et de la politique linguistique remplace l’ancienConseil supérieur de la langue française créé en 1985. Il est investi dedeux missions.Primo, donner des avis : – sur toute question relative à la politiquelinguistique et à la francophonie autant en Communauté française quesur le plan international; – sur l’évolution de la situation linguistiqueen Communauté française et la place de la langue française par rap-port aux autres langues pratiquées en Communauté française; – surl’évolution de l’usage de la langue française et son enrichissement.Secundo, proposer toute action de sensibilisation à la langue fran-çaise. Le Conseil de la langue française est composé de 19 membreseffectifs avec voix délibérative nommés par le gouvernement de laCommunauté française ainsi que de membres avec voix consultatives.

Nouvelle orthographeLe 3 mai 1990, les rectifications orthographiques proposées par leConseil supérieur de la langue française sont approuvées à l’unani-mité par l’Académie française et publiées dans le “Journal officiel dela République française” le 6 décembre 1990. Elles ont été diverse-ment accueillies. Exemples: Evènement. Devant une syllabe contenantun “e” muet, on écrit “è” et non “é” : avènement, cèdera, lèvera, etc.Traitre, bruler. Il n’y a pas d’accent circonflexe sur les lettres “i” et“u” : boite, aout, chaine,… Les solos, les maximums. Les noms que lefrançais a empruntés à d’autres langues font leur pluriel comme lesautres mots français : les matchs, des cowboys, etc. Corole. La finale-olle est remplacée par la finale -ole sauf colle, folle, molle.

Page 22: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

18 Enseignement 6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE 19Enseignement6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

MERCREDIS DES MATHSLe professeur Ben­Naoum a,aussi, mis sur pied les Mercre­dis desmathématiques. Il serend dans les écoles secondai­res volontaires, pourmontrercomment les maths sont ensei­gnées à l’Ecole polytechnique,depuis la réforme de 2000.L’activité consiste à l’apprentis­sage par problème, à lamanièrede ce qui sera fait en bac ingé­nieur à l’UCL, mais sur la basedes connaissances du secon­daire. Les élèves se penchentsur un problème qui a pourprincipal but, en travaillant à sarésolution, d’acquérir desconnaissances, des attitudes etdes comportements, viséscomme objectifs par les auteursdu problème. Trois séances de1h30 sont prévues pendanttrois mercredis successifs.

MATIÈRE DÉCISIVEPlaisir. Si onmanque d’élèvesen sciences appliquées ou eningénieur civil, c’est aussi enraison de cemanque de plaisirressenti dans les cours demaths en secondaire, estime leprofesseur Ben­Naoum : “Lesmaths, c’est aussi une matièredécisive, présente dans beaucoupde filières. Même en psycho, il y ades statistiques… Ces élèves, quiparticipent à “Dédra­math­isons,quand ils arrivent à l’unif, ils ontsix mois d’avance…”

Le petit “Dédra­math­isons”et son grand frère françaish Toutes les écolesont été invitéesà “Dédra­math­isons”.Six ont accepté.

C’est d’un exemple français que Koui­der Ben­Naoum, professeur à l’EPL, s’estinspiré pour lancer, voici 4 ans, “Dédra­math­isons”. En France, “Math. en.Jeans” vient de réunir 1 200 élèves del’Hexagone pour sa 23e édition, à la­quelle deux écoles belges ont participé(le Collège Saint­Michel à Bruxelles et le

Collège Saint­Laurent à Marche­en­Fa­menne).

Pour la Communauté française, “leprincipe est simple, explique KouiderBen­Naoum. En début d’année, l’Univer­sité catholique de Louvain envoie une let­tre aux écoles, tous réseaux confondus. Lesprofesseurs concernés sollicitent la partici­pation des élèves intéressés, et les groupesse forment autour d’un projet proposé soitpar le prof, soit par les élèves”.

Le 19 avril dernier, ils sont venus pré­senter le résultat de leur travail. “C’est, àchaque fois, un moment plein d’humour etde dextérité. Ils sont étonnants !”

Les groupes, cette année, venaient de

Bastogne (Institut Notre­Dame Sémi­naire), d’Etterbeek (Collège Saint­Mi­chel), de Louvain­la­Neuve (LycéeMartin V), de Marche­en­Famenne(Institut Saint­Laurent), d’Uccle (Athé­née royal Uccle I) et de Watermael­Boitsfort (Collège Saint­Hubert). Seulessix écoles ont donc répondu à un envoide lettres massif.

Un échec ? Non, pour Kouider Ben­Naoum. “C’est sur base volontaire. Je distoujours aux profs que si eux­mêmes n’ontpas envie, ou que si leurs élèves n’ont pasenvie, ça ne sert à rien. En outre, la pre­mière année, on avait 200 élèves. Pourcette 4e édition, on est à 450.”

Et il ne s’agit pas forcément d’écolesélitistes, assure l’enseignant. “Sinon,j’aurais raté mon coup! ”

Son souhait serait que l’initiative ac­cueille aussi les élèves qui n’ont paschoisi l’option “math forte”. Il aimeraitégalement étendre l’opération aux clas­ses de cinquième, quatrième, ou mêmeplus tôt. L’initiative belge a remporté, en2010, le Prix Wernaers accordé par leFNRS à des personnes ou des groupesqui font preuve de créativité pour com­muniquer leurs connaissances aux pro­fesseurs, étudiants, élèves ou au grandpublic.So.De.

Fini de “subir” les math ématiquesh Le professeurBen­Naoum veutcasser la mauvaiseimage des mathsauprès des rhétos.h Avec“Dédra­math­isons”,il promeutl’apprentissage parprojets et problèmes.

Tangente, sécante, fonction…Les termes suscitent sansdoute chez certains – mêmeaprès la fin de leurs étudessecondaires – des sueurs froi­des. Pas chez Jonathan, Ibra­him, Michaël, Nils et An­toine, élèves au Lycée MartinV de Louvain­la­Neuve, quise sont réunis, une fois parsemaine pendant six mois,pour traquer la meilleureméthode afin de trouver uneracine de fonction. Pendantce temps, des élèves de Mar­che­en­Famenne ont cher­ché à gagner au jeu de straté­gie Nim, en misant sur lathéorie des graphes. Tandisque le collège Saint­Hubertde Watermael­Boitsfort achoisi la géométrie pouraider un rugbyman à effec­tuer un tir optimal. Le collègeSaint­Michel a, lui, associésudoku et calcul…

Ces problèmes mathémati­ques, les élèves de quelquesécoles s’étaient lancé le défide les résoudre, avant de pré­senter leurs conclusions,jeudi, au colloque “Dédra­math­isons”, à l’UCL. Le slo­

gan de l’initiative : “Ne subissezplus les maths, vivez­les.” L’idée:faire découvrir que les mathé­matiques, cela peut être aussiludique et concerner la vie detous les jours.

“Avec ce projet, on s’est marrédu début à la fin”, confirment

les cinq élèves du Lycée MartinV, tous en math “8 heures”.“C’était un vrai challenge, desdécouvertes; on en apprenaittous les jours. On a aussi appro­fondi un domaine. On a fait çapour le plaisir, car c’était en de­hors des cours ! On a trouvé

l’inspiration, choisi le sujet nous­mêmes… Le prof n’était là quepour nous parrainer. Alors qu’enclasse, normalement, le profdonne la matière, et nous, onprend…”

Le professeur Ben­Naoum,de l’Ecole polytechnique de

Louvain, qui a mis sur pied cecolloque à destination des rhé­tos, veut casser les clichés surce cours “prise de tête” et “ma­gistral” : “Les maths sont mal­aimées, les enfants en ont peur,les parents stressent à propos dece cours… Moi, je veux montrer

qu’il y a un plaisir à faire desmaths… Ici, avec cette initiative,il n’y a pas d’interro, pas d’exa­men… Et quand on les défie, lesjeunes peuvent passer des heuressur un problème de maths ! Dansle cadre scolaire, on est dans latransmission. Or, il faut défierles élèves. Ici, les élèves planchentsur un problème, travaillent engroupe, rédigent la solution… Lesmaths sont à faire, pas à regar­der ! Ils parlent aussi devantleurs pairs : ça développe descompétences transversales…”

L’initiative a aussi pour butd’illustrer les avantages del’apprentissage par projets etproblèmes.

Une méthode mise en placepar l’Ecole polytechnique deLouvain, qui a réformé l’ensei­gnement de ses ingénieurs ci­vils en ce sens en 2000. “On lesmet en situation. Ils ne tra­vaillent jamais seuls. Et, dès lapremière année, les étudiantsdoivent travailler en groupe surun projet: cette année, c’étaitréaliser un robot qui peut ra­masser les déchets nucléaires !Ça fédère les matières : maths,physique, informatique… Et no­

tre méthode d’apprentissage parproblèmes s’inspire de l’écoleprimaire, où on contextualise leschoses : quand vous apprenez lesmultiplications aux petits, vousparlez de pommes et de marché...Partir d’une situation concrète,ça parle aux élèves...”

L’idéal, selon le professeurBen­Naoum, serait que l’ap­prentissage par problèmes etprojets se retrouve aussi dansles classes de maths en secon­daire.

Voir les profs importer dansleurs cours la méthode appli­quée lors de “Dédra­math­isons”, est­ce possible ? “Cela sefait régulièrement dans notreécole, au niveau des maths, indi­que Philippe Janssens, prof demath au Lycée Martin V, venuassister au colloque avec sesélèves de 5e. Ça permet de creu­ser une matière. Mais même engroupe, il y aura 4 ou 5 acteursdans la classe. Et le reste “rece­vra” quand même la matière...Et puis, on fait en deux heures, cequ’un enseignant mettra uneheure à transmettre. On a aussides contraintes “horaires” for­tes: le programme math 7 h est

devenu math 6 h, avec le mêmevolume de matière. Donc, c’esttrès bien dans l’idée, mais trèsdifficile à mettre en place.”

Pourtant, convient­il, lapure transmission et le man­que de temps pour “concréti­ser” les choses jouent proba­blement sur le dédain des élè­ves face aux maths. “Si on peutadopter cette démarche, partird’une situation pratique, etchercher les outils, comment lesdévelopper, recréer la démarchemathématique, ça donne sensauprès des élèves...”

La théorie et le drill restentcependant nécessaires, estimeson collègue de 6e, StéphanHolemans. “Et on ne peut pasdonner un sens pratique à tout,en maths. Mais pour beaucoupd’aspects, c’est possible. Si onavait le temps… On est coincéspar la matière à voir. On peutfaire découvrir la matière parles exemples, mais on n’a plus detemps alors pour la matière…Mais travailler sur les problè­mes, c’est le plus amusant. Lereste, c’est de la technique, çabarbe les élèves! Et on a encoremoins de temps pour autre chose

que de la technique dans les op­tions “faibles”. C’est un cerclevicieux !”

Kouider Ben­Naoum, lui, sedit bien conscient que lesprofs sont tenus par un pro­gramme. Mais pourquoi nepas introduire l’apprentissagepar problèmes et projets déjà àpetite dose? “Je crois que lesprofesseurs vont y venir, de toutefaçon : viser un objectif, et à par­tir d’un problème, arriver auconcept…”

Autre inconvénient pour lesprofs, selon lui : trouver une si­tuation concrète – comme letir du rugbyman –, concevoirun problème, pour démarrerl’étude d’un concept mathé­matique, peut prendre beau­coup de temps et être difficile.Et il n’existe (encore) aucunouvrage pour guider les profssur le sujet.

So.De.

U L’opération“Dédra­math­isons”veut montrer que les maths, quifont peur à beaucoup, peuventêtre ludiques.

REPO

RTER

S

Page 23: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

19Enseignement6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

MERCREDIS DES MATHSLe professeur Ben­Naoum a,aussi, mis sur pied les Mercre­dis desmathématiques. Il serend dans les écoles secondai­res volontaires, pourmontrercomment les maths sont ensei­gnées à l’Ecole polytechnique,depuis la réforme de 2000.L’activité consiste à l’apprentis­sage par problème, à lamanièrede ce qui sera fait en bac ingé­nieur à l’UCL, mais sur la basedes connaissances du secon­daire. Les élèves se penchentsur un problème qui a pourprincipal but, en travaillant à sarésolution, d’acquérir desconnaissances, des attitudes etdes comportements, viséscomme objectifs par les auteursdu problème. Trois séances de1h30 sont prévues pendanttrois mercredis successifs.

MATIÈRE DÉCISIVEPlaisir. Si onmanque d’élèvesen sciences appliquées ou eningénieur civil, c’est aussi enraison de cemanque de plaisirressenti dans les cours demaths en secondaire, estime leprofesseur Ben­Naoum : “Lesmaths, c’est aussi une matièredécisive, présente dans beaucoupde filières. Même en psycho, il y ades statistiques… Ces élèves, quiparticipent à “Dédra­math­isons,quand ils arrivent à l’unif, ils ontsix mois d’avance…”

Fini de “subir” les math ématiquesqu’il y a un plaisir à faire desmaths… Ici, avec cette initiative,il n’y a pas d’interro, pas d’exa­men… Et quand on les défie, lesjeunes peuvent passer des heuressur un problème de maths ! Dansle cadre scolaire, on est dans latransmission. Or, il faut défierles élèves. Ici, les élèves planchentsur un problème, travaillent engroupe, rédigent la solution… Lesmaths sont à faire, pas à regar­der ! Ils parlent aussi devantleurs pairs : ça développe descompétences transversales…”

L’initiative a aussi pour butd’illustrer les avantages del’apprentissage par projets etproblèmes.

Une méthode mise en placepar l’Ecole polytechnique deLouvain, qui a réformé l’ensei­gnement de ses ingénieurs ci­vils en ce sens en 2000. “On lesmet en situation. Ils ne tra­vaillent jamais seuls. Et, dès lapremière année, les étudiantsdoivent travailler en groupe surun projet: cette année, c’étaitréaliser un robot qui peut ra­masser les déchets nucléaires !Ça fédère les matières : maths,physique, informatique… Et no­

tre méthode d’apprentissage parproblèmes s’inspire de l’écoleprimaire, où on contextualise leschoses : quand vous apprenez lesmultiplications aux petits, vousparlez de pommes et de marché...Partir d’une situation concrète,ça parle aux élèves...”

L’idéal, selon le professeurBen­Naoum, serait que l’ap­prentissage par problèmes etprojets se retrouve aussi dansles classes de maths en secon­daire.

Voir les profs importer dansleurs cours la méthode appli­quée lors de “Dédra­math­isons”, est­ce possible ? “Cela sefait régulièrement dans notreécole, au niveau des maths, indi­que Philippe Janssens, prof demath au Lycée Martin V, venuassister au colloque avec sesélèves de 5e. Ça permet de creu­ser une matière. Mais même engroupe, il y aura 4 ou 5 acteursdans la classe. Et le reste “rece­vra” quand même la matière...Et puis, on fait en deux heures, cequ’un enseignant mettra uneheure à transmettre. On a aussides contraintes “horaires” for­tes: le programme math 7 h est

devenu math 6 h, avec le mêmevolume de matière. Donc, c’esttrès bien dans l’idée, mais trèsdifficile à mettre en place.”

Pourtant, convient­il, lapure transmission et le man­que de temps pour “concréti­ser” les choses jouent proba­blement sur le dédain des élè­ves face aux maths. “Si on peutadopter cette démarche, partird’une situation pratique, etchercher les outils, comment lesdévelopper, recréer la démarchemathématique, ça donne sensauprès des élèves...”

La théorie et le drill restentcependant nécessaires, estimeson collègue de 6e, StéphanHolemans. “Et on ne peut pasdonner un sens pratique à tout,en maths. Mais pour beaucoupd’aspects, c’est possible. Si onavait le temps… On est coincéspar la matière à voir. On peutfaire découvrir la matière parles exemples, mais on n’a plus detemps alors pour la matière…Mais travailler sur les problè­mes, c’est le plus amusant. Lereste, c’est de la technique, çabarbe les élèves! Et on a encoremoins de temps pour autre chose

que de la technique dans les op­tions “faibles”. C’est un cerclevicieux !”

Kouider Ben­Naoum, lui, sedit bien conscient que lesprofs sont tenus par un pro­gramme. Mais pourquoi nepas introduire l’apprentissagepar problèmes et projets déjà àpetite dose? “Je crois que lesprofesseurs vont y venir, de toutefaçon : viser un objectif, et à par­tir d’un problème, arriver auconcept…”

Autre inconvénient pour lesprofs, selon lui : trouver une si­tuation concrète – comme letir du rugbyman –, concevoirun problème, pour démarrerl’étude d’un concept mathé­matique, peut prendre beau­coup de temps et être difficile.Et il n’existe (encore) aucunouvrage pour guider les profssur le sujet.

So.De.

U L’opération“Dédra­math­isons”veut montrer que les maths, quifont peur à beaucoup, peuventêtre ludiques.

Page 24: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

20 Enseignement 6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE 21Enseignement6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

Retour sur les b ancsh Près de 2 000 adultespar an décrochentun diplôme universitaireà l’UCL.

h Tandis qu’une soixantaineen Communauté françaisepasse le CEB.

Pendant près de quatre années, Véroni­que Quinet n’a pas été qu’une épouse,une maman de quatre enfants et unesecrétaire… Blocus, notes de cours, tra­vaux de groupe et rédaction d’un mé­moire se sont introduits dans son quo­tidien. A 40 ans, cette Namuroise a dé­cidé d’entamer un master universitaireen politique économique et sociale àl’Université catholique de Louvain(UCL).

Un important investissement person­nel pour un nouveau tremplin profes­sionnel. En possession de son diplômede secondaire supérieur, Véronique aenchaîné divers postes administratifspendant vingt ans. Avant qu’une collè­gue ne l’encourage à poursuivre sa for­

mation.“Il m’a fallu suivre des cours préparatoi­

res pour me remettre à niveau et passerun examen pour valoriser mon expé­rience”, explique­t­elle. Parée enmacroéconomie et en analyse de texte,Véronique a ensuite consacré une jour­née entière par semaine et une soirée àses cours et ses travaux. “Il a fallu réor­ganiser la vie de famille et faire preuve debeaucoup de solidarité”, confie­t­elle.Quant au temps rogné sur son travaildans une asbl, près de 120 heures ontété couvertes par le congé éducationissu “d’un fonds constitué par l’ensembledes entreprises”, définit Joseph Godeau,conseiller en gestion de la formationcontinue à l’UCL.

Hormis ce coup de pouce, Véronique apioché dans son quota d’heures supplé­mentaires et de congés annuels pourparvenir à boucler ses charges de courset son mémoire. Un travail final qu’ellea voulu directement en rapport avec laréalité sectorielle qui est la sienne.“Mon mémoire à peine défendu, mes supé­rieurs m’ont proposé un emploi en tantque secrétaire de direction. Un poste quirépondait non seulement à mes attentes,mais qui rencontrait aussi mes nouvellescompétences acquises”, raconte Véroni­

que. Un succès accompagné d’une aug­mentation salariale pour cette mère defamille comme pour plus de 2 000 étu­diants­adultes inscrits chaque année àl’UCL.

Leur profil ? “Nombreux sont les jeunesde 25 à 26 ans qui se remettent aux étu­des après avoir travaillé quelques années.A la trentaine ou quarantaine, certainssouhaitent aussi donner une nouvelle pro­gression à leur carrière, acquérir plusd’aisance dans leur milieu professionnelou encore prendre une revanche sur lepassé”, concède Joseph Godeau.

Informés des sacrifices à fournir, ilsrentrent gagnants dans la formation, teln’importe quel étudiant sortant d’hu­manités. “A côté de l’offre des masters,l’UCL propose aussi des certificats de typeplus court et des attestations d’assistance.Le minerval est identique, tout comme lesaides sociales et les bourses mises à dispo­sition”, détaille Joseph Godeau.

Et ces formations balayent de nom­breux secteurs comme la gestion, lessciences sociales, politiques, économi­ques ou de l’éducation. “Au vu des prére­quis nécessaires, l’offre ne s’étend cepen­dant pas à tous les domaines comme lamédecine ou les programmes d’ingé­nieur”, continue le conseiller. Mais

quelle que soit l’option choisie, l’orga­nisation demeure un casse­tête.

“L’horaire et la pédagogie se doiventd’être adaptés. Les professeurs sont ainsiamenés à faire émerger les questions desétudiants tout en maintenant le lien avecleurs expériences professionnelles actuel­les et antérieures”, explique Joseph Go­deau.

Des enseignants issus du monde uni­versitaire ou non, amenés à assumerdes charges supplémentaires et à gérerde nombreux travaux de groupe. “J’aiconstamment été encouragée à travailleravec d’autres étudiants, aux expériencesdiverses et enrichissantes. Des personnesavec lesquelles je reste aujourd’hui encoreen contact”, raconte Véronique. Cetterécente diplômée affirme que tous sessoutiens familiaux, professionnels etrelationnels l’ont sensiblement amenéeà relever ce défi personnel. Mais teln’est pas toujours le cas pour un autretype d’élèves, adultes eux aussi, préten­dants à l’obtention du certificat d’étudede base (CEB).

En 2010­2011, ils étaient 77 en Com­munauté française à être inscrits, 66 àprésenter l’examen et 60 à décrocher lediplôme. “Chaque réussite est une grandejoie, car il s’agit toujours d’un nouveau

début dans la vie du candidat”,souligne Serge Crochet, ins­pecteur coordinateur. Et depréciser, “il n’y a pas valeurdifférente au CEB, que l’on lepasse à 12 ans ou après 18 ans.Le résultat est exactement lemême. A l’entrée de l’adoles­cence, il s’agit d’une suite logi­que. A l’âge adulte, cela offreune deuxième, voire une troi­sième chance”.

Seule change la manière del’obtenir. Pour les adultes, iln’est, en effet, plus questionde répondre à une série dequestions pratiques sur pa­pier. “Il s’agit d’une épreuveorale au thème libre que l’onpeut apparenter à une élocu­tion. Une série de questionssont ensuite posées par le jury,composé de deux inspecteurs,afin de déceler la part de con­naissances personnelles del’élève”, explique Serge Cro­chet.

Réussi, le CEB peut ainsiouvrir de nouvelles portes.“Certains métiers recomman­dent ce diplôme comme celui de

jardinier, de travailleur en bâ­timents, de gardien, etc. Et puis,il peut être le début d’une lon­gue série de formations supplé­mentaires dans des écoles depromotion sociale, par exem­ple”, continue l’inspecteur.

Les élèves que Serge Cro­chet évalue sont en généralâgés de 18 à 25 ans, ontconnu de longues périodesd’échec ou bien sont d’ori­gine étrangère. “Des organis­mes d’alphabétisation ou en­core des prisons encouragentaussi des jeunes à s’inscrire àcette épreuve totalement gra­tuite. Certains sont ainsi soute­nus par des personnes extérieu­res et stimulés à la réussite. Si ladémarche peut se répéter unnombre incalculable de fois jus­qu’à la réussite, elle ne peut êtreacceptée que sur demande vo­lontaire”, termine­t­il.

La volonté, tel semble êtrele leitmotiv commun du suc­cès de ces élèves d’un âge plusavancé, tout niveau con­fondu.Fanny Leroy

REPO

RTER

S

La soif d’apprendreh L’Universitédes Aînés (UDA)fêtera, l’an prochain,ses 35 ans.

Jacqueline, 67 ans, ancienneenseignante de latin et degrec, a fait l’acquisition, avecson mari, d’un appartement àLouvain­la­Neuve. Pour lepiétonnier agréable de la villecertainement, mais aussi etsurtout pour l’Université desAînés (UDA) qui dispense sescours sur le site universitaire.

Depuis douze ans, cette re­traitée dynamique est une fi­dèle de cette école d’un genreparticulier. “L’UDA fêtera ses35 ans l’an prochain. Elle a vule jour grâce à Jacques Lefèvre,professeur de sociologie qui acommencé à donner des courset conférences pour les adultescurieux de continuer à appren­dre”, explique Diane Plat­teeuw, directrice de l’UDA.Aujourd’hui, l’organe compteprès de 4 000 membres ré­partis sur ses sites de Lou­vain­la­Neuve et de Woluwé.

L’éventail de l’offre des pro­grammes s’est donc forte­ment élargi. Plus de 300cours, formations et atelierssont aujourd’hui dispensés.Jacqueline, elle, a débuté parde la gymnastique adaptée àson âge, avant de goûter à lascience, à la géopolitique, àl’histoire de l’art ou des reli­gions. Un appétit de savoirsqui n’arrive jamais à satiété.“J’ai envie de continuer à ap­prendre et à découvrir des ma­tières qui me sont inconnues.Toutes ces connaissances mepermettent, par exemple, devoir l’actualité avec des yeuxnouveaux”, explique­t­elle.

Avant d’ajouter sur le ton del’humour, “et de partager avecmon mari des discussions surdes sujets autres que domesti­ques”. Si Jacqueline s’assiedhabituellement à côté de per­sonnes de sa tranche d’âge,elle partage aussi parfois lesauditoires de jeunes étu­diants. “J’y ai déjà retrouvéd’anciens élèves. Et je constate,en quelques années, que la prisede notes est fortement facilitéepar l’usage de Power Point”, re­marque­t­elle.

Lorsqu’elle ne prolonge passes cours par des lectures, Jac­queline participe aussi à desvoyages organisés par l’UDA.En Arménie, notamment, oùl’ancien recteur, BernardCoulie, a servi de guide augroupe. “Il a vraiment fait vi­vre les pierres. C’était passion­nant”, se souvient­elle. La pas­sion caractérise bien cette re­traitée qui a soifd’engagement. Tous les ans,elle donne des coups depouce aux étudiants en corri­geant la forme de leur mé­moire et un jour par semaine,elle s’engage comme béné­vole auprès du secrétariat del’UDA. “Cette implication desvolontaires et la motivation desmembres sont précieuses”,avoue la directrice. Des moti­vations variées, mais toujourstenaces. “Certains souhaitentapprendre une langue étran­gère, d’autres se tenir à jour desnouvelles technologies ou en­core maintenir vives leurs ca­pacités intellectuelles”, conclutDiane Platteeuw.F. L.U Infos surwww.universitedesaines.be

Page 25: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

21Enseignement6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

Retour sur les b ancsdébut dans la vie du candidat”,souligne Serge Crochet, ins­pecteur coordinateur. Et depréciser, “il n’y a pas valeurdifférente au CEB, que l’on lepasse à 12 ans ou après 18 ans.Le résultat est exactement lemême. A l’entrée de l’adoles­cence, il s’agit d’une suite logi­que. A l’âge adulte, cela offreune deuxième, voire une troi­sième chance”.

Seule change la manière del’obtenir. Pour les adultes, iln’est, en effet, plus questionde répondre à une série dequestions pratiques sur pa­pier. “Il s’agit d’une épreuveorale au thème libre que l’onpeut apparenter à une élocu­tion. Une série de questionssont ensuite posées par le jury,composé de deux inspecteurs,afin de déceler la part de con­naissances personnelles del’élève”, explique Serge Cro­chet.

Réussi, le CEB peut ainsiouvrir de nouvelles portes.“Certains métiers recomman­dent ce diplôme comme celui de

jardinier, de travailleur en bâ­timents, de gardien, etc. Et puis,il peut être le début d’une lon­gue série de formations supplé­mentaires dans des écoles depromotion sociale, par exem­ple”, continue l’inspecteur.

Les élèves que Serge Cro­chet évalue sont en généralâgés de 18 à 25 ans, ontconnu de longues périodesd’échec ou bien sont d’ori­gine étrangère. “Des organis­mes d’alphabétisation ou en­core des prisons encouragentaussi des jeunes à s’inscrire àcette épreuve totalement gra­tuite. Certains sont ainsi soute­nus par des personnes extérieu­res et stimulés à la réussite. Si ladémarche peut se répéter unnombre incalculable de fois jus­qu’à la réussite, elle ne peut êtreacceptée que sur demande vo­lontaire”, termine­t­il.

La volonté, tel semble êtrele leitmotiv commun du suc­cès de ces élèves d’un âge plusavancé, tout niveau con­fondu.Fanny Leroy

REPO

RTER

S

La soif d’apprendreh L’Universitédes Aînés (UDA)fêtera, l’an prochain,ses 35 ans.

Jacqueline, 67 ans, ancienneenseignante de latin et degrec, a fait l’acquisition, avecson mari, d’un appartement àLouvain­la­Neuve. Pour lepiétonnier agréable de la villecertainement, mais aussi etsurtout pour l’Université desAînés (UDA) qui dispense sescours sur le site universitaire.

Depuis douze ans, cette re­traitée dynamique est une fi­dèle de cette école d’un genreparticulier. “L’UDA fêtera ses35 ans l’an prochain. Elle a vule jour grâce à Jacques Lefèvre,professeur de sociologie qui acommencé à donner des courset conférences pour les adultescurieux de continuer à appren­dre”, explique Diane Plat­teeuw, directrice de l’UDA.Aujourd’hui, l’organe compteprès de 4 000 membres ré­partis sur ses sites de Lou­vain­la­Neuve et de Woluwé.

L’éventail de l’offre des pro­grammes s’est donc forte­ment élargi. Plus de 300cours, formations et atelierssont aujourd’hui dispensés.Jacqueline, elle, a débuté parde la gymnastique adaptée àson âge, avant de goûter à lascience, à la géopolitique, àl’histoire de l’art ou des reli­gions. Un appétit de savoirsqui n’arrive jamais à satiété.“J’ai envie de continuer à ap­prendre et à découvrir des ma­tières qui me sont inconnues.Toutes ces connaissances mepermettent, par exemple, devoir l’actualité avec des yeuxnouveaux”, explique­t­elle.

Avant d’ajouter sur le ton del’humour, “et de partager avecmon mari des discussions surdes sujets autres que domesti­ques”. Si Jacqueline s’assiedhabituellement à côté de per­sonnes de sa tranche d’âge,elle partage aussi parfois lesauditoires de jeunes étu­diants. “J’y ai déjà retrouvéd’anciens élèves. Et je constate,en quelques années, que la prisede notes est fortement facilitéepar l’usage de Power Point”, re­marque­t­elle.

Lorsqu’elle ne prolonge passes cours par des lectures, Jac­queline participe aussi à desvoyages organisés par l’UDA.En Arménie, notamment, oùl’ancien recteur, BernardCoulie, a servi de guide augroupe. “Il a vraiment fait vi­vre les pierres. C’était passion­nant”, se souvient­elle. La pas­sion caractérise bien cette re­traitée qui a soifd’engagement. Tous les ans,elle donne des coups depouce aux étudiants en corri­geant la forme de leur mé­moire et un jour par semaine,elle s’engage comme béné­vole auprès du secrétariat del’UDA. “Cette implication desvolontaires et la motivation desmembres sont précieuses”,avoue la directrice. Des moti­vations variées, mais toujourstenaces. “Certains souhaitentapprendre une langue étran­gère, d’autres se tenir à jour desnouvelles technologies ou en­core maintenir vives leurs ca­pacités intellectuelles”, conclutDiane Platteeuw.F. L.U Infos surwww.universitedesaines.be

Page 26: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

22 Enseignement 6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE 23Enseignement6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

Mens sana in corp ore sanoh Préparer l’enfant à recevoirun apprentissage,c’est l’objectif de “Félicitée”.

h Une méthode,un jeu de 47 cartesqui entend libérerl’élèveet apaiser l’enseignant.

Auvelais. Ecole Saint­François.Il est 8h30. Dans la cour de récré’, les

parents et instituteurs discutent, lesenfants s’amusent. Comme chaquematin, l’excitation est à son pa­roxysme. On retrouve ses petits cama­rades, on court, on saute, on se cache,on débat du dernier dessin animé de laveille ou, pour les moins jeunes d’entreeux, on se réjouit d’être le second jourde la semaine pour regarder, en ren­trant le soir à la maison, son émissionhebdomadaire musicale préférée.

8h40, il est l’heure de rentrer enclasse. D’un pas assuré, Madame Do­minique s’approche de son petit trou­

peau. “Deux par deux”, s’écrie­t­elle im­médiatement. Le ton est donné, les 23petits bouts s’exécutent et se mettentsur­le­champ en rang d’oignons. En­core un petit détour par les vestiaireset voilà les élèves de troisième B qui in­vestissent leur lieu de travail. Dans cetespace confiné, le brouhaha initiale­ment supportable se mue soudaine­ment en une véritable cacophonie. Ilest grand temps d’apaiser tout ce petitmonde. “Guillaume, reprends les enquê­tes de lectures s’il te plaît. Zoé, veux­tubien ramasser les devoirs de calculs ? Onva commencer la méthode.”

Inutile d’en dire davantage, chacunse met en place. Tandis que Léa fermela porte de la classe, ses camarades selèvent en chœur. Désormais postésderrière leurs bancs, les 23 petits corpss’immobilisent.

“Tout le monde boit une grande gorgéed’eau”, ordonne l’institutrice. Quel­ques rythmes africains en toile de fondet c’est parti pour six minutes de “Féli­citée”. “Mouvements croisés”, lance Ma­dame Dominique.

A ces mots, 24 jambes se lèvent sou­dainement en l’air pour venir aussitôtformer un X avec les membres infé­rieurs laissés au sol. Les genoux se

plient, les mains s’agitent, les épauless’enroulent puis se déroulent.

“Et maintenant, on réveille le corps”,poursuit la maîtresse d’école, une carterose à la main.

Les 23 gamins attrapent alors les lo­bes de leurs deux petites oreilles et semettent à les masser. “Carte verte, rondsdu bassin, on fait circuler l’énergie”, en­chaîne­t­elle. L’assemblée s’exécute.L’institutrice s’exclame ensuite : “Carterouge pour enraciner”.

Revêtant soudainement des alluresde guerriers, les enfants lancent àl’unisson un grand “Oh” avec force. Unmoment exutoire qu’ils apprécientparticulièrement, nous confiera Domi­nique Robaux ultérieurement. “Orange: exprimer, libérer, on y va”, annonce­t­elle plus calmement. “Heureuse”, “bien”,“agressif”, “endormi”, “amoureuse”…chacun fait part de son émotion, deson ressenti du jour.

Un parfum de quiétude emplit pro­gressivement la pièce.

“Lucas, quelle est la couleur de ton cer­ceau ?” lui demande Madame Domini­que.

“Bleu clair”, répond immédiatementle garçon.

En effet, la carte mauve entend mobi­

liser l’imaginaire de l’enfant, lui fairedéfinir les contours de son espace. Laséance touche à sa fin. Avec la cartebleu foncé, on s’étire, on s’assied, on sedétend et on travaille sur l’estime desoi. Les six minutes sont maintenantécoulées. Un calme impressionnant rè­gne désormais en maître dans la classede troisième B. Mais pour combien detemps ? “Cela fait son effet pendant unebonne demi­heure”, estime l’institu­trice. Qui commente : “C’est énormepour des enfants de cet âge­là (7­8 ans).Chez les tout­petits, je pense que cela dureencore moins longtemps.”

Madame Caroline, institutrice endeuxième maternelle, le confirme.“Avec des petits bouts de 2­3 ans, la mé­thode est efficace pendant environ 15minutes après la dernière carte.” Et depoursuivre: “Je la pratique tous les jours,c’est devenu un vrai petit rituel. Et un be­soin aussi. Pour eux comme pour moi.”Car, si “Félicitée” a été conçue – sous laforme ludique d’un jeu de 47 cartes decouleurs – pour générer chez l’enfantun bien­être global et pour favoriserainsi une utilisation plus performantede ses capacités d’apprentissage àl’école, c’est aussi pour aider les profes­seurs à se sentir mieux dans leur corps

qu’elle a été imaginée.“Moi, je ne saurais plus m’en passer”,

avoue Dominique Robaux. “Depuis quej’ai suivi la formation il y a un peu plusd’un an avec la conceptrice du projet, Ca­therine Delhaise, je la pratique quotidien­nement”, constate­t­elle. Et d’estimer :“Mais c’est une question de convictionpersonnelle. Vous ne pouvez pas forcer unenseignant à utiliser “Félicitée”. Cela n’apas de sens.”

Ici, à Saint­François, la quasi­totalitédes instituteurs maternels adhère etutilise la méthode. Dans le cycle pri­maire par contre, beaucoup restent ré­ticents à l’idée de tester de nouvelleschoses.

“Pour ma part, je n’accroche pas du toutà ce genre de pratique. Je sais que je neprendrais pas le temps de le faire chaquematin. Pour être honnête, je crois quej’aurais l’impression d’être ridicule de­vant mes élèves. C’est une question de ca­ractère, c’est tout”, témoigne GaëtaneJoiris, institutrice en sixième primaire.

Pour Marc Busard, directeur del’école, opter ou non pour la méthodeFélicitée, c’est effectivement une ques­tion de tempérament. “C’est un exercicequi requiert que l’on fasse beaucoup degestes et de mouvements. Or certains pro­

fesseurs n’apprécient pas cette formed’extraversion. Il faut respecter cela.”

Ainsi, si le corps professoral sembleencore relativement timide face à lanouvelle méthode, du côté des enfantselle semble faire l’unanimité. “Si on nefait pas l’exercice, je suis un peu énervéesur ma feuille et je ne parviens pas à tra­vailler”, raconte Léa. “Et moi, je suismoins concentrée”, complète immédia­tement Zoé. “La méthode me permetd’être moins fatiguée”, constate Tonia.Quant à Aloane, c’est l’étape du verred’eau qui a retenu son attention.

“Le cerveau, c’est comme une éponge,nous dit Madame Dominique. Il ab­sorbe l’eau qu’on boit. Grâce à cela, onpeut mieux apprendre et mieux écouter.”

Aujourd’hui en Fédération Wallo­nie­Bruxelles, pas moins de 2 500 en­seignants sont formés à la méthode Fé­licitée. Huit cent vingt d’entre euxl’utilisent désormais régulièrement àl’école.

Un chiffre vraiment non négligeablequi interpelle, une pratique grandis­sante qui fait du bien... au corps et à latête.

ReportageAlice Dive

REPO

RTER

S

3 QUESTIONS ÀCATHERINE DELHAISEDiplômée en gestion des ressources humaines, Catherine Delhaise est la conceptricede laméthode Félicitée. Elle s’est formée à la kinésiologie et à la psychologie corpo­relle intégrative.

Votre projet est arrivé àmaturité en janvier 2010. Quelle était votre intentionen créant une telleméthode ?Je désirais mettre au jour des techniques permettant aux élèves de l’enseignement fonda­mental – âge d’or de la motricité – de mieux apprendre à l’école. Bien sûr, il m’a fallu dutemps pour concrétiser ce projet. Au départ, j’ai travaillé avec des enfants en consultationsindividuelles, rencontres au cours desquelles j’ai pratiqué plusieurs méthodes. Par la suite, jeme suis rapprochée des écoles en leur proposant des animations. C’est là que l’idée deconcevoir une méthode sous la forme d’un jeu de 47 cartes de couleurs a jaillie. Chaquesemaine, les élèves doivent piocher neuf cartes. Deux d’entre elles sont systématiques :“boire de l’eau” et les “mouvements croisés”. Les sept autres correspondent chacune à uneactivité précise. “Félicitée” est construite sur base d’une courbe de Gauss : vous commencezpar des exercices dynamiques, vous exprimez ensuite vos colères et frustrations via l’enra­cinement – pic situé aumilieu de la courbe – enfin, vous revenez progressivement au calme.

Concrètement, quels sont les effets escomptés de “Félicitée” ?Immédiatement après la méthode (qui prend une dizaine deminutes enmoyenne), onconstate unemise au travail plus rapide, unemeilleure concentration et une plusgrande réceptivité de l’élève. Ce dernier est aussi plus actif pendant le cours, canalisedavantage son énergie et gère mieux son stress. Du point de vue de l’enseignant, onobserve une diminution de la gestion des conflits, ce qui est positif pour lui. Globale­ment, l’ambiance est plus agréable en classe.

“Félicitée”, une explication à ce label ?En fait, il s’agit du nom de l’étoile. Elle est présente sur chaque carte du jeu. C’est aussi lelogo de notre ASBL. C’est celle qui est descendue du ciel pour aider les enfants à mieuxutiliser leur potentiel. Elle a deux bras mais aussi deux jambes. C’est donc une étoile qui abien les pieds sur terre. J’ai opté pour cette image parce que je voulais un personnageunisexe qui plaise autant aux filles qu’aux garçons.

Al. D.

Page 27: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

23Enseignement6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

Mens sana in corp ore sanoqu’elle a été imaginée.

“Moi, je ne saurais plus m’en passer”,avoue Dominique Robaux. “Depuis quej’ai suivi la formation il y a un peu plusd’un an avec la conceptrice du projet, Ca­therine Delhaise, je la pratique quotidien­nement”, constate­t­elle. Et d’estimer :“Mais c’est une question de convictionpersonnelle. Vous ne pouvez pas forcer unenseignant à utiliser “Félicitée”. Cela n’apas de sens.”

Ici, à Saint­François, la quasi­totalitédes instituteurs maternels adhère etutilise la méthode. Dans le cycle pri­maire par contre, beaucoup restent ré­ticents à l’idée de tester de nouvelleschoses.

“Pour ma part, je n’accroche pas du toutà ce genre de pratique. Je sais que je neprendrais pas le temps de le faire chaquematin. Pour être honnête, je crois quej’aurais l’impression d’être ridicule de­vant mes élèves. C’est une question de ca­ractère, c’est tout”, témoigne GaëtaneJoiris, institutrice en sixième primaire.

Pour Marc Busard, directeur del’école, opter ou non pour la méthodeFélicitée, c’est effectivement une ques­tion de tempérament. “C’est un exercicequi requiert que l’on fasse beaucoup degestes et de mouvements. Or certains pro­

fesseurs n’apprécient pas cette formed’extraversion. Il faut respecter cela.”

Ainsi, si le corps professoral sembleencore relativement timide face à lanouvelle méthode, du côté des enfantselle semble faire l’unanimité. “Si on nefait pas l’exercice, je suis un peu énervéesur ma feuille et je ne parviens pas à tra­vailler”, raconte Léa. “Et moi, je suismoins concentrée”, complète immédia­tement Zoé. “La méthode me permetd’être moins fatiguée”, constate Tonia.Quant à Aloane, c’est l’étape du verred’eau qui a retenu son attention.

“Le cerveau, c’est comme une éponge,nous dit Madame Dominique. Il ab­sorbe l’eau qu’on boit. Grâce à cela, onpeut mieux apprendre et mieux écouter.”

Aujourd’hui en Fédération Wallo­nie­Bruxelles, pas moins de 2 500 en­seignants sont formés à la méthode Fé­licitée. Huit cent vingt d’entre euxl’utilisent désormais régulièrement àl’école.

Un chiffre vraiment non négligeablequi interpelle, une pratique grandis­sante qui fait du bien... au corps et à latête.

ReportageAlice Dive

Épinglé

3 QUESTIONS ÀCatherine Delhaise3 QUESTIONS À

CATHERINE DELHAISEDiplômée en gestion des ressources humaines, Catherine Delhaise est la conceptricede laméthode Félicitée. Elle s’est formée à la kinésiologie et à la psychologie corpo­relle intégrative.

Votre projet est arrivé àmaturité en janvier 2010. Quelle était votre intentionen créant une telleméthode ?Je désirais mettre au jour des techniques permettant aux élèves de l’enseignement fonda­mental – âge d’or de la motricité – de mieux apprendre à l’école. Bien sûr, il m’a fallu dutemps pour concrétiser ce projet. Au départ, j’ai travaillé avec des enfants en consultationsindividuelles, rencontres au cours desquelles j’ai pratiqué plusieurs méthodes. Par la suite, jeme suis rapprochée des écoles en leur proposant des animations. C’est là que l’idée deconcevoir une méthode sous la forme d’un jeu de 47 cartes de couleurs a jaillie. Chaquesemaine, les élèves doivent piocher neuf cartes. Deux d’entre elles sont systématiques :“boire de l’eau” et les “mouvements croisés”. Les sept autres correspondent chacune à uneactivité précise. “Félicitée” est construite sur base d’une courbe de Gauss : vous commencezpar des exercices dynamiques, vous exprimez ensuite vos colères et frustrations via l’enra­cinement – pic situé aumilieu de la courbe – enfin, vous revenez progressivement au calme.

Concrètement, quels sont les effets escomptés de “Félicitée” ?Immédiatement après la méthode (qui prend une dizaine deminutes enmoyenne), onconstate unemise au travail plus rapide, unemeilleure concentration et une plusgrande réceptivité de l’élève. Ce dernier est aussi plus actif pendant le cours, canalisedavantage son énergie et gère mieux son stress. Du point de vue de l’enseignant, onobserve une diminution de la gestion des conflits, ce qui est positif pour lui. Globale­ment, l’ambiance est plus agréable en classe.

“Félicitée”, une explication à ce label ?En fait, il s’agit du nom de l’étoile. Elle est présente sur chaque carte du jeu. C’est aussi lelogo de notre ASBL. C’est celle qui est descendue du ciel pour aider les enfants à mieuxutiliser leur potentiel. Elle a deux bras mais aussi deux jambes. C’est donc une étoile qui abien les pieds sur terre. J’ai opté pour cette image parce que je voulais un personnageunisexe qui plaise autant aux filles qu’aux garçons.

Al. D.

Page 28: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

24 Enseignement 6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE 25Enseignement6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

My English is very badh L’enseignement des languesest un échec

h C’est ce qu’affirme unlicencié en languesgermaniques et doctorantaux Facultés de Namur

Entretien Isabelle LemaireDans un pamphlet intitulé “Il faut en

finir avec l’enseignement des langues”(1), Eloy Romero­Muñoz, doctorant enlinguistique éducationnelle aux facultésuniversitaires de Namur, n’y va pas parquatre chemins pour dénoncer lafaillite des méthodes traditionnellesd’enseignement des langues.

Sous ce titre volontairement provoca­teur, l’auteur expose les raisons de cetéchec et propose des pistes de solutions.Rencontre.

Pourquoi l’enseignement des langues est-ilun échec ?

Pour trois raisons. La première estscientifique. Les recherches démon­trent que les méthodes traditionnel­les ne fonctionnent pas. On se basesur une connaissance déclarative (ac­quérir des bases en étudiant des rè­gles, des listes de mots) alors quepour parler une langue, il faut ap­prendre les mots en contexte, fairedes associations. La deuxième est af­fective : les élèves sont réticents à ap­prendre des règles et on n’en tientpas compte. La troisième est que cesrègles que l’on enseigne sont simpli­fiées, au point que l’on se retrouveavec une tonne d’exceptions, malénoncées et non conformes à la réa­lité. Par exemple, le slogan d’unechaîne de fast­food, “I’m loving it”,est considéré comme grammaticale­ment erroné alors que, dans la lan­gue parlée, on l’utilise.

La grammaire, justement, vous n’êtes pastendre envers une approche inflexible.

Elle est prépondérante dans les ma­nuels scolaires et elle est enseignéeavec une mauvaise méthodologie.Elle doit rester un outil au service dela communication alors que, de parson aspect abstrait et systématique,elle sert surtout à renforcer les inéga­lités entre les élèves. Il y a une vraieréflexion à faire à ce sujet, convaincreles profs qu’elle est trop normative,changer la perspective du “gramma­

ticalement correct” qui fait de cer­tains élèves des complexés de la lan­gue qui n’osent pas s’exprimer.

Quelles sont les solutions que vous propo-sez ?

Tout d’abord, je tiens à souligner queles professeurs font des miracles avecce qu’ils ont. Mais leur formationn’est pas à la hauteur. Je plaide pourque les enseignants deviennent descoachs qui aident les élèves à attein­dre leurs objectifs. Il faudrait pourcela ajuster les méthodes d’appren­

tissage au profil de l’élève, proscrireles évaluations chiffrées en coursd’année qui encouragent la culturede la performance plutôt que l’ap­prentissage, favoriser l’autonomiedans le travail scolaire en utilisantdes plateformes informatiques gra­tuites du type “Claroline” et réduirela taille des classes.

Est-ce compatible avec les programmes offi-ciels ?

Oui mais il faut vaincre les réticenceset les habitudes bien ancrées. On

pourrait démarrer avec des expé­riences pilotes, leur donner du créditet assurer un suivi scientifique. Lespolitiques doivent enfin prendreleurs responsabilités face à ce constatd’échec.

U (1) “Il faut en finir avecl’enseignement des langues”, EloyRomero­Muñoz. Presses universitairesde Namur. 61 p. 5 euros etwww.ensaignement.be

REPO

RTER

S

Problèmesen pagailleArticles 20. Dany Etienne, professeur de langues dans le se­condaire et le supérieur, a consacré sa thèse à l’apprentis­sage des langues étrangères en Communauté française.

En février 2011, les pages Enseignement de “La Libre” s’enfaisaient l’écho. Programmes flous, manque d’équipements,classes surpeuplées, pénurie de profs…, le constat dressé parle chercheur est terrible. Le pouvoir politique était égale­ment pointé du doigt pour ses programmes d’apprentissagedes langues qui a imposé aux enseignants une méthodolo­gie plutôt qu’un contenu.

La ministre de l’Enseignement obligatoire, Marie­Domi­nique Simonet (CDH), avait répondu aux critiques formu­lées par Dany Etienne par quelques annonces : inscriptionde la Communauté française dans le programme d’échangelinguistique Comenius et au Pisa des langues, adaptationdes programmes et des référentiels et recours à l’informati­que pour pallier à la pénurie de profs de langues.

Cette pénurie qui perdure et conduit à l’engagement de

plus en plus d’Articles 20, ces enseignants n’ayant pas les ti­tres requis (4 111 Articles 20 engagés en 2008­2009), poursouvent “boucher des trous” dans des horaires et avec à la cléune rémunération inférieure à celle des agrégés.

Situation que dénonce ouvertement Eloy Romero­Muñozdans son pamphlet : “Il faut arrêter de faire croire aux gensque pour être professeur de langues, il suffit de connaître leslangues. […] Vous accepteriez que l’infirmière en charge du blocopératoire se charge de faire votre anesthésie ? Probablementpas. C’est pourtant ce que l’on fait dans l’enseignement lors­qu’on autorise des secrétaires ou des hôtesses de l’air à ensei­gner. Dans une école bruxelloise réputée, j’ai rencontré un pro­fesseur de néerlandais, ambulancier de formation, qui, pourtoute qualification, avait étudié en Flandre quelques années. Jen’en veux pas à ces personnes qui sont, pour la plupart, debonne volonté mais plutôt au système qui autorise ce genre depratiques”, écrit­ilI.L.

L’immersion, difficileà mettre en place ?h Cette méthoded’apprentissage seraitpourtant très efficace.

Robert Briquet est lepionnier de l’immersionlinguistique en Communautéfrançaise.

En 1989, il obtient des pouvoirs pu­blics l’autorisation d’expérimenter

cette méthode dans la section primairedu lycée Léonie de Waha à Liège. En2006, il a écrit un livre sur le sujet,“L’immersion linguistique”, publié chezLabo et il donne encore des conférencesà ce sujet. Aujourd’hui, l’immersion estpratiquée dans 250 écoles wallonnes etbruxelloises (soit moins de 10 % des éta­blissements) mais reste difficile à met­tre en place. “En Flandre, elle est interditeet chez nous, les barrages sont multiples :la force d’inertie de l’administration, l’ins­pection qui n’en comprend pas le bien­fondé, les syndicats hostiles car on engagedu personnel étranger et beaucoup d’en­seignants (de français notamment) qui y

sont réfractaires car ils craignent de sevoir ôter des heures de cours , indique Ro­bert Briquet. Pourtant, elle donne de trèsbons résultats et le personnel enseignantqui se lance sérieusement dans l’aventuredevient très vite convaincu. Pour appren­dre une langue étrangère, il faut commen­cer jeune et avoir beaucoup d’heures decours. Avec l’immersion, la langue sert devéhicule de communication puisque lesautres cours sont dispensés en langueétrangère. La langue est donc plus vivanteet appliquée. Les enfants immergés attei­gnent rapidement un niveau lexical etgrammatical élevé dans la langue étudiée,sans que cela compromette leur niveau en

français, au contraire. Attention toutefoisà éviter quelques dérives : les classes d’im­mersion mal organisées et utilisées par lesétablissements comme argument publici­taire.”

Et sur bien des points, Robert Briquetrejoint Eloy Romero­Muñoz dans sa cri­tique des méthodes traditionnellesd’enseignement des langues étrangères:“Notamment les manuels scolaires quisont effectivement assez figés, comme leslivres de “Martine”. Ils n’évoluent pas as­sez vite avec leur époque. Il faudrait vrai­ment mettre en place des méthodes d’ap­prentissage plus efficaces.”I. L.

“Objectif 30 juin” ou leparcours du combattantRoman. Dur dur d’être directeur d’école, c’est en substance lemessage du roman écrit par Robert Briquet, “Objectif 30juin”. Ce livre plein d’humour dépeint les petits bonheurs etles gros pépins auxquels est confronté un jeune chef d’éta­blissement nouvellement nommé, pendant une année sco­laire : “J’ai moi­même assumé cette fonction pendant des annéeset j’ai adoré cela. Mais avec ce roman, j’ai voulu souligner les dif­ficultés que rencontrent les directeurs : diversité des tâches àprendre en charge, solitude… Dans sa formation, les futurs chefsd’établissement ne sont pas préparés aux 1 001 problèmes aux­quels ils doivent faire face. Alors, on se débrouille, on apprend surle tas”, explique l’auteur.

Outre ses fonctions officielles, un directeur doit effective­ment assumer tous les rôles : assistant social, chef de chantier,secrétaire, psychologue, gendarme, imprimeur ou DRH. “Ob­

jectif 30 juin” décrit avec bonheur toutes les facettes de cemétier pour le moins exigeant. Mais s’agit­il vraiment d’unroman ? “Oui et non. Dans les écoles, le personnel enseignant sedit toujours qu’il faudrait faire un livre de toutes les histoires quinous arrivent. C’est ce que j’ai fait. J’ai compilé des anecdotes réel­les et je les ai mises en forme. Quasiment tout ce que je décris dansle livre est arrivé, à moi ou à d’autres. Evidemment, il s’agit d’unecaricature et le trait est un peu forcé.”

Le roman a déjà visiblement fait mouche auprès des princi­paux concernés. “Des directeurs d’école l’ayant lu m’ont ditqu’ils se reconnaissaient dans le personnage principal”, souligneRobert Briquet. Un livre drôle et féroce qui offre un regardcomplet sur ce métier difficile.I.L.U“Objectif 30 juin”, Robert Briquet. Bénévent. 232 pp. 20 €.

Page 29: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

25Enseignement6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

My English is very bad

pourrait démarrer avec des expé­riences pilotes, leur donner du créditet assurer un suivi scientifique. Lespolitiques doivent enfin prendreleurs responsabilités face à ce constatd’échec.

U (1) “Il faut en finir avecl’enseignement des langues”, EloyRomero­Muñoz. Presses universitairesde Namur. 61 p. 5 euros etwww.ensaignement.be

Problèmesen pagailleArticles 20. Dany Etienne, professeur de langues dans le se­condaire et le supérieur, a consacré sa thèse à l’apprentis­sage des langues étrangères en Communauté française.

En février 2011, les pages Enseignement de “La Libre” s’enfaisaient l’écho. Programmes flous, manque d’équipements,classes surpeuplées, pénurie de profs…, le constat dressé parle chercheur est terrible. Le pouvoir politique était égale­ment pointé du doigt pour ses programmes d’apprentissagedes langues qui a imposé aux enseignants une méthodolo­gie plutôt qu’un contenu.

La ministre de l’Enseignement obligatoire, Marie­Domi­nique Simonet (CDH), avait répondu aux critiques formu­lées par Dany Etienne par quelques annonces : inscriptionde la Communauté française dans le programme d’échangelinguistique Comenius et au Pisa des langues, adaptationdes programmes et des référentiels et recours à l’informati­que pour pallier à la pénurie de profs de langues.

Cette pénurie qui perdure et conduit à l’engagement de

plus en plus d’Articles 20, ces enseignants n’ayant pas les ti­tres requis (4 111 Articles 20 engagés en 2008­2009), poursouvent “boucher des trous” dans des horaires et avec à la cléune rémunération inférieure à celle des agrégés.

Situation que dénonce ouvertement Eloy Romero­Muñozdans son pamphlet : “Il faut arrêter de faire croire aux gensque pour être professeur de langues, il suffit de connaître leslangues. […] Vous accepteriez que l’infirmière en charge du blocopératoire se charge de faire votre anesthésie ? Probablementpas. C’est pourtant ce que l’on fait dans l’enseignement lors­qu’on autorise des secrétaires ou des hôtesses de l’air à ensei­gner. Dans une école bruxelloise réputée, j’ai rencontré un pro­fesseur de néerlandais, ambulancier de formation, qui, pourtoute qualification, avait étudié en Flandre quelques années. Jen’en veux pas à ces personnes qui sont, pour la plupart, debonne volonté mais plutôt au système qui autorise ce genre depratiques”, écrit­ilI.L.

“Objectif 30 juin” ou leparcours du combattantRoman. Dur dur d’être directeur d’école, c’est en substance lemessage du roman écrit par Robert Briquet, “Objectif 30juin”. Ce livre plein d’humour dépeint les petits bonheurs etles gros pépins auxquels est confronté un jeune chef d’éta­blissement nouvellement nommé, pendant une année sco­laire : “J’ai moi­même assumé cette fonction pendant des annéeset j’ai adoré cela. Mais avec ce roman, j’ai voulu souligner les dif­ficultés que rencontrent les directeurs : diversité des tâches àprendre en charge, solitude… Dans sa formation, les futurs chefsd’établissement ne sont pas préparés aux 1 001 problèmes aux­quels ils doivent faire face. Alors, on se débrouille, on apprend surle tas”, explique l’auteur.

Outre ses fonctions officielles, un directeur doit effective­ment assumer tous les rôles : assistant social, chef de chantier,secrétaire, psychologue, gendarme, imprimeur ou DRH. “Ob­

jectif 30 juin” décrit avec bonheur toutes les facettes de cemétier pour le moins exigeant. Mais s’agit­il vraiment d’unroman ? “Oui et non. Dans les écoles, le personnel enseignant sedit toujours qu’il faudrait faire un livre de toutes les histoires quinous arrivent. C’est ce que j’ai fait. J’ai compilé des anecdotes réel­les et je les ai mises en forme. Quasiment tout ce que je décris dansle livre est arrivé, à moi ou à d’autres. Evidemment, il s’agit d’unecaricature et le trait est un peu forcé.”

Le roman a déjà visiblement fait mouche auprès des princi­paux concernés. “Des directeurs d’école l’ayant lu m’ont ditqu’ils se reconnaissaient dans le personnage principal”, souligneRobert Briquet. Un livre drôle et féroce qui offre un regardcomplet sur ce métier difficile.I.L.U“Objectif 30 juin”, Robert Briquet. Bénévent. 232 pp. 20 €.

Page 30: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

26 Enseignement 6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE 27Enseignement6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

Crédits résiduels :quand le cadeau de vient fardeauh Permettre à un étudiantqui n’a pas réussitous ses examens d’accéderà l’année supérieure estune arme à double tranchant.

h Faut­il revoir le système ?

Depuis quelques années, en HauteEcole ou à l’université, il n’est plus né­cessaire de réussir tous ses examenspour passer dans l’année supérieure.La réussite à 48 crédits (sur 60, voir ci­dessous) fait partie de ces mesuresd’aide à la réussite prévues par la ré­forme de Bologne, surtout destinéesaux étudiants de premier baccalauréat.Les cours ratés (pour un maximumd’un cinquième de la matière) sont

alors reportés à l’année suivante, lorsde laquelle ils devront absolument êtreréussis. Un système qui a ses avantages(on évite l’échec et son impact psycho­logique) et ses inconvénients (l’échecrisque d’être simplement reporté).

“Mais”, pointe Jean­FrançoisVanwelde, ex­président de l’Union desétudiants de la Communauté française(Unecof), “rater sa deuxième plutôt quesa première constitue un véritable pro­blème. La première année sert à se tester,dit­il. Postposer l’échec à la deuxième,c’est postposer le moment de réflexion surle choix de ses études. L’étudiant croyaitêtre lancé, il s’est trompé. La chute en estplus lourde.”

Prenons le cas de Tristan (1), qui étu­die dans une Haute Ecole bruxelloise.Ou plutôt, qui étudiait. En premièreannée, il avait réussi tous ses examens,sauf deux. Il a pu passer en deuxième,avec des crédits résiduels. Sa deuxièmeannée s’en retrouvait d’autant plus

chargée. Et les sessions d’examens “hy­perchargées”. “J’ai eu quatre examens lemême jour, dont un des crédits résiduelsde première. Je savais que si je le ratais, jeloupais mon année.” C’est ce qui est ar­rivé.

Après deux ans d’études, son escar­celle était donc toujours vide. Et laperspective de recommencer à nou­veau, et “de repasser des examens pourla cinquième ou sixième fois” ne le ré­jouissait pas. Il a donc arrêté ses études.“J’étais à bout, complètement déboussolé.”

Judith (1) a également eu maille àpartir avec la réussite à 48 crédits. Ellepasse en deuxième avec des crédits ré­siduels, les réussit l’année suivante,mais rate son année. Elle ne doit dèslors plus repasser ses crédits résiduelssauf un cours parce qu’elle n’avait que11/20 (et la dispense est à 12). Puis elleréussit sa deuxième Bac 2 sauf… lecours en question (9/20), qu’elle avait

pourtant réussi l’année précédente.Elle loupe donc une seconde fois sa bac2. Des cas comme ceux­là sont nom­breux.

Davantage en Haute Ecole (où près de10 % des étudiants sont concernés parles crédits résiduels, surtout en pre­mière), qu’à l’université (bon an, malan, 4 à 5 %). Car en Haute Ecole, la réus­site à 48 crédits est un droit pour l’étu­diant, pour autant que les cours ratésne soient pas considérés comme desprérequis pour l’année suivante. Al’université, par contre, le jury est sou­verain : c’est lui qui juge s’il est oppor­tun d’accorder ou non la réussite à 48crédits. Et la situation varie fortementd’une faculté à l’autre.

Il y a quelques années, le Conseil gé­néral des Hautes Ecoles avait mené uneétude sur la question, au terme de la­quelle il avait émis quelques recom­mandations. Parmi celles­ci, calquer lapratique des Hautes Ecoles sur celle

des universités (“la souveraineté du jurydoit être assurée”) et, concernant lesprérequis, soit les supprimer, soit lesfaire établir par une instance supé­rieure afin d’éviter des incohérences etune certaine rivalité entre les établis­sements et de faciliter la mobilité desétudiants.

A l’université catholique de Louvain,on est en tout cas persuadé que c’estune bonne chose que le jury reste sou­verain. “Les crédits résiduels sont à utili­ser au cas par cas, avec parcimonie”, es­time Philippe Parmentier, directeur del’administration de l’enseignement etde la formation. “Les jurys sont très pru­dents”, confirme Piotr Sobieski, prési­dent des jurys des ingénieurs poly­techniciens. “En bac 1, surtout, car leprogramme de bac 2 est lourd, et il nes’agit pas d’envoyer les gens au casse­pipe. Si l’étudiant a un bon profil, avecjuste un trou dans une matière, OK. Maissi on a des doutes sur les perspectives de

réussite, alors… C’est une question de bonsens. En bac 2, on est davantage libéral,car les étudiants ont appris à travailler.Cela vaut la peine de les faire avancer. Eten bac 3, on limite à nouveau les cas,pour éviter des problèmes juridiques liésà l’anticipation de cours de masters.”

En master, par contre, la politique està nouveau plus libérale. A l’UCL, on aégalement observé ce que devenaientensuite les étudiants. Sur les 319 étu­diants de bac 2 qui avaient des créditsrésiduels à repasser en 2010­2011,123 ont réussi et ont donc pu passer enbac 3 (soit 38,56 %), 176 ont échoué (etrestent en bac 2 avec des crédits rési­duels de bac 1 à repasser (55,17 %) et20 ont abandonné (6,27 %).

“On peut analyser cela de deux maniè­res, commente Philippe Parmentier.Soit le verre est à moitié vide, soit il est àmoitié plein : 40 % de réussite, c’est peu,en bac 2, où le taux de réussite est norma­lement plus élevé. Mais on peut aussi sedire que pour 40 % des étudiants, c’est sa­lutaire.”

Autre constat : ce sont (logiquement)les étudiants qui ont peu de crédits àrepasser qui réussissent le mieux.“Douze crédits, cela représente trois ouquatre cours. Ce n’est pas anodin. Un oudeux, c’est plus abordable. Le seuil dedouze crédits n’est­il pas trop élevé ?”Jean­François Vanwelde partage cetteinterrogation. Il prône une diminutiondu nombre de crédits résiduels possi­

bles de 12 à 10, voire 8. Il insiste égale­ment sur l’importance de faire prendreconscience aux étudiants qu’ils sonttoujours dans l’année inférieure tantqu’ils n’ont pas réussi leurs crédits ré­siduels, quitte à les autoriser à suivrel’entièreté des cours de deuxième en“crédits anticipés”. Enfin, il rappellequ’auparavant, les jurys laissaient pas­ser les étudiants avec trois points debalance et qu’il serait bon qu’ils se sou­viennent de cette règle tacite, désor­mais moins usitée. Quelques pistespour, peut­être, revoir et améliorer lapratique des crédits résiduels.Laurent GérardU(1) Prénom d’emprunt.

REPO

RTER

S

Réussir avec crédits

Une année d’études supérieures comportegénéralement 60 crédits, représentant unnombre variable de cours ou de travaux,selon l’institution (en Haute Ecole, les courssont plus nombreux qu’à l’unif) et la faculté(en ingénieur, les cours sont plus gros etmoins nombreux). La réussite à 48 crédits, etson corollaire, les crédits résiduels, sont régispar une réglementation précise, rappeléedans une circulaire ministérielle adresséechaque année aux Hautes Ecoles. Elle dit ceci: “En seconde session, le jury prononce la réussited’une année d’études non diplômante (donc pasla 3e bac ni la 2e master) dès que l’étudiant,n’ayant pas réussi sur décision du jury, a acquisdurant cette année d’études un ensemble d’aumoins 48 crédits (ou, le cas échéant, le nombrede crédits de l’année d’études moins 12 si elleporte sur plus ou moins de 60 crédits) pourchacun desquels il a obtenu au moins 50 % despoints et pour l’ensemble desquels il a totalisé aumoins 60 % des points pour autant qu’aucun des12 crédits résiduels n’ait été défini commeprérequis nécessaire à la poursuite des études,peu importe que cet étudiant ait présenté ou nonl’ensemble des examens de l’épreuve. Les prére­quis nécessaires à la poursuite des études sontarrêtés annuellement par les autorités de laHaute Ecole et mentionnés dans le programmedes études de l’année académique. La réussite à48 crédits est prononcée, sauf cas tout à faitexceptionnel, en seconde session.”L’année suivante, “le solde des crédits doit êtreintégralement obtenu au cours de l’année d’étu­des en cause. Ces crédits sont délibérés avecl’ensemble des crédits de cette année d’études.”Dans cette nouvelle année, la réussite à 48

crédits est de nouveau possible, à conditionqu’il n’existe plus aucun échec dans les cré­dits résiduels. e

Page 31: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

27Enseignement6 JUIN 2012 - SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

Crédits résiduels :quand le cadeau de vient fardeau

des universités (“la souveraineté du jurydoit être assurée”) et, concernant lesprérequis, soit les supprimer, soit lesfaire établir par une instance supé­rieure afin d’éviter des incohérences etune certaine rivalité entre les établis­sements et de faciliter la mobilité desétudiants.

A l’université catholique de Louvain,on est en tout cas persuadé que c’estune bonne chose que le jury reste sou­verain. “Les crédits résiduels sont à utili­ser au cas par cas, avec parcimonie”, es­time Philippe Parmentier, directeur del’administration de l’enseignement etde la formation. “Les jurys sont très pru­dents”, confirme Piotr Sobieski, prési­dent des jurys des ingénieurs poly­techniciens. “En bac 1, surtout, car leprogramme de bac 2 est lourd, et il nes’agit pas d’envoyer les gens au casse­pipe. Si l’étudiant a un bon profil, avecjuste un trou dans une matière, OK. Maissi on a des doutes sur les perspectives de

réussite, alors… C’est une question de bonsens. En bac 2, on est davantage libéral,car les étudiants ont appris à travailler.Cela vaut la peine de les faire avancer. Eten bac 3, on limite à nouveau les cas,pour éviter des problèmes juridiques liésà l’anticipation de cours de masters.”

En master, par contre, la politique està nouveau plus libérale. A l’UCL, on aégalement observé ce que devenaientensuite les étudiants. Sur les 319 étu­diants de bac 2 qui avaient des créditsrésiduels à repasser en 2010­2011,123 ont réussi et ont donc pu passer enbac 3 (soit 38,56 %), 176 ont échoué (etrestent en bac 2 avec des crédits rési­duels de bac 1 à repasser (55,17 %) et20 ont abandonné (6,27 %).

“On peut analyser cela de deux maniè­res, commente Philippe Parmentier.Soit le verre est à moitié vide, soit il est àmoitié plein : 40 % de réussite, c’est peu,en bac 2, où le taux de réussite est norma­lement plus élevé. Mais on peut aussi sedire que pour 40 % des étudiants, c’est sa­lutaire.”

Autre constat : ce sont (logiquement)les étudiants qui ont peu de crédits àrepasser qui réussissent le mieux.“Douze crédits, cela représente trois ouquatre cours. Ce n’est pas anodin. Un oudeux, c’est plus abordable. Le seuil dedouze crédits n’est­il pas trop élevé ?”Jean­François Vanwelde partage cetteinterrogation. Il prône une diminutiondu nombre de crédits résiduels possi­

bles de 12 à 10, voire 8. Il insiste égale­ment sur l’importance de faire prendreconscience aux étudiants qu’ils sonttoujours dans l’année inférieure tantqu’ils n’ont pas réussi leurs crédits ré­siduels, quitte à les autoriser à suivrel’entièreté des cours de deuxième en“crédits anticipés”. Enfin, il rappellequ’auparavant, les jurys laissaient pas­ser les étudiants avec trois points debalance et qu’il serait bon qu’ils se sou­viennent de cette règle tacite, désor­mais moins usitée. Quelques pistespour, peut­être, revoir et améliorer lapratique des crédits résiduels.Laurent GérardU(1) Prénom d’emprunt.

Réussir avec crédits

Une année d’études supérieures comportegénéralement 60 crédits, représentant unnombre variable de cours ou de travaux,selon l’institution (en Haute Ecole, les courssont plus nombreux qu’à l’unif) et la faculté(en ingénieur, les cours sont plus gros etmoins nombreux). La réussite à 48 crédits, etson corollaire, les crédits résiduels, sont régispar une réglementation précise, rappeléedans une circulaire ministérielle adresséechaque année aux Hautes Ecoles. Elle dit ceci: “En seconde session, le jury prononce la réussited’une année d’études non diplômante (donc pasla 3e bac ni la 2e master) dès que l’étudiant,n’ayant pas réussi sur décision du jury, a acquisdurant cette année d’études un ensemble d’aumoins 48 crédits (ou, le cas échéant, le nombrede crédits de l’année d’études moins 12 si elleporte sur plus ou moins de 60 crédits) pourchacun desquels il a obtenu au moins 50 % despoints et pour l’ensemble desquels il a totalisé aumoins 60 % des points pour autant qu’aucun des12 crédits résiduels n’ait été défini commeprérequis nécessaire à la poursuite des études,peu importe que cet étudiant ait présenté ou nonl’ensemble des examens de l’épreuve. Les prére­quis nécessaires à la poursuite des études sontarrêtés annuellement par les autorités de laHaute Ecole et mentionnés dans le programmedes études de l’année académique. La réussite à48 crédits est prononcée, sauf cas tout à faitexceptionnel, en seconde session.”L’année suivante, “le solde des crédits doit êtreintégralement obtenu au cours de l’année d’étu­des en cause. Ces crédits sont délibérés avecl’ensemble des crédits de cette année d’études.”Dans cette nouvelle année, la réussite à 48

crédits est de nouveau possible, à conditionqu’il n’existe plus aucun échec dans les cré­dits résiduels. e

Page 32: Dossier Enseignement du 6 juin 2012 LLB

© S.A. IPM 2012. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.