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26 lundi 3 juin 2013 Pouvoirs publics-école privée, des relations presque apaisées d Les relations que l’enseignement catholique entretient avec l’État et les collectivités territoriales restent, pour l’essentiel, régies par la loi Debré de 1959 qui associe les établissements privés sous contrat au service public de l’éducation. d Régulièrement, cependant, se manifestent quelques tensions, liées notamment au fnancement des écoles ou encore au contenu des programmes. En dépit de soubresauts récur- rents, plus d’un demi-siècle après l’adoption de la loi Debré, un savant équilibre semble avoir été trouvé entre l’enseignement catholique et les pouvoirs publics. Adopté en 1959, au terme de longues tracta- tions, ce texte avait à l’origine pour objectif de répondre à des besoins croissants en éducation, liés au baby-boom et à l’allongement de la scolarité obligatoire, portée à 16 ans en cette même année. Il s’agissait aussi d’assurer la survie de l’ensei- gnement catholique, de plus en plus obligé de recourir à des laïcs, aux- quels il convenait de donner une meilleure qualifcation et une ré- munération plus élevée. Depuis lors, sous l’efet de la mas- sifcation de l’éducation, de la mon- tée d’une forme de « consumé- risme » éducatif et de la perte d’infuence de l’Église, le paysage scolaire a beaucoup changé. Mais pas les grands principes de la loi Debré. « En échange de la rémuné- ration de leurs enseignants et de la prise en charge de leurs dépenses de fonctionnement, les établissements sous contrat d’association avec l’État sont tenus d’appliquer les pro- grammes et les horaires arrêtés par le ministère », rappelle Bernard Tou- lemonde, inspecteur général hono- raire de l’Éducation nationale. « Ils doivent aussi être ouverts à tous les enfants, sans distinction d’origine, d’opinion ni de croyance. Enfn, ceux qui y enseignent sont des agents pu- blics, recrutés sur concours parallèles à ceux du public et placés sous le contrôle de l’État, qui les nomme, après accord de la direction de l’éta- blissement. En d’autres termes, une école privée sous contrat ne peut pas recruter comme professeur n’importe quelle personne, sous prétexte qu’elle correspond à sa ligne politique ou religieuse », précise cet ancien di- recteur de cabinet de Jack Lang, artisan en 1992 des accords Lang- Cloupet destinés à régler le conten- tieux entre l’État et l’enseignement catholique au sujet du forfait d’ex- ternat et de la formation des maîtres. À ses yeux, la loi Debré a le mérite d’avoir évité à l’enseignement privé de s’aventurer sur le terrain de la « marchandisation », en lui assi- gnant des missions de service pu- blic. « Même si, idéologiquement, les tenants d’une laïcité pure et dure se refusent à l’admettre, l’enseigne- ment catholique fait bel et bien par- tie, juridiquement, du service public. Lequel ne préjuge pas de la façon dont il est assumé, soit par des per- sonnes publiques, soit par des per- sonnes privées, comme c’est le cas très souvent, par exemple, dans le domaine des transports », fait re- marquer Bernard Toulemonde. Ce qui a beaucoup évolué, en revanche, au fl des décennies, c’est le statut du secrétariat général de l’enseignement catholique, désor- mais considéré par les gouverne- ments successifs comme un inter- locuteur naturel, là où la loi Debré ne reconnaît ofciellement de « ca- ractère propre » qu’aux établisse- ments. « L’autonomie individuelle de chaque établissement tend à être limitée, au proft des décisions col- lectives », observe Bernard Toule- monde. Cette évolution soulève encore, chez les tenants d’une laïcité pure et dure, de vives réactions. « On s’accoutume à l’existence de ce réseau basé sur une spiritualité et qui veut à la fois des fnancements publics et la liberté d’exprimer ses positions, y compris sur le bien-fondé des pro- grammes de sciences de la vie et de la Terre », fait valoir Laurent Escure, le secrétaire national de l’UNSA Éducation, en référence à la polé- mique autour de l’enseignement de la théorie des genres. Cet ex-secré- taire général du Comité national d’action laïque (1) réclame notam- ment « un vaste débat de société pour s’interroger sur la façon et les raisons de subventionner massivement, comme c’est le cas aujourd’hui, une école autre que celle de la Répu- blique » (1,9 milliard d’euros par an pour les coûts de fonctionnement, 6,3 milliards pour la rémunération des enseignants – hors enseigne- ment privé agricole). Laurent Escure souhaite aussi voir abrogée la loi Carle de 2009 portant sur l’épineuse question des « forfaits communaux » que doit payer toute ville ou village pour la scolarisation d’enfants résidents dans une école privée située dans une autre commune. « Ma loi a l’avantage d’être équitable et appli- cable, d’une façon qui est du reste plus restrictive que ne le prévoyait initialement la loi Debré », se défend le sénateur UMP de la Haute-Savoie La loi Debré a le mérite d’avoir évité à l’enseignement privé de s’aventurer sur le terrain de la « marchandisation », en lui assignant des missions de service public. Enseignement catholique (1/10) Gilles de Bailliencourt directeur de l’enseignement catholique du diocèse de Lyon « Je n’ai jamais fait de plan de carrière. À chaque fonction que j’ai occupée, comme enseignant, comme chef d’établissement puis comme directeur diocésain, depuis vingt-trois ans, à Toulon puis à Lyon, j’ai toujours été appelé. C’est là l’une des forces de l’enseignement catholique. Nous ne sommes pas dans une logique de concours, à laquelle est contraint par sa taille l’enseignement public. Nous faisons confance à des hommes et des femmes, en prenant le risque de leur confer des responsabilités, pour leur permettre de déployer leurs talents au service d’une œuvre qui les dépasse. Je me sens bien dans cet univers où la relation à l’autre est première. Je suis admiratif de cette directrice de collège, demandant à la maman d’un élève ce qu’elle avait à dire de bien sur son enfant. Cette mère m’a raconté l’anecdote, encore surprise. Cette dimension de l’accueil est un trésor pour notre enseignement catholique. C’est cela qui nous donne un supplément d’âme. Je dois moi-même veiller à ne jamais tomber dans une logique administrative. Un directeur diocésain donne une direction, un sens. Un esprit, un élan. Je dois y être attentif et fidèle. » RECUEILLI PAR BéNéVENT TOSSERI (à Lyon) BRUNO AMSELLEM / SIGNATURES POUR LA CROIX

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26 lundi 3 juin 2013

Pouvoirs publics-école privée, des relations presque apaisées d Les relations que

l’enseignement catholique entretient avec l’État et les collectivités territoriales restent, pour l’essentiel, régies par la loi Debré de 1959 qui associe les établissements privés sous contrat au service public de l’éducation.

d Régulièrement, cependant, se manifestent quelques tensions, liées notamment au financement des écoles ou encore au contenu des programmes.

En dépit de soubresauts récur-rents, plus d’un demi-siècle après l’adoption de la loi Debré, un savant équilibre semble avoir été trouvé entre l’enseignement catholique et les pouvoirs publics. Adopté en 1959, au terme de longues tracta-tions, ce texte avait à l’origine pour objectif de répondre à des besoins croissants en éducation, liés au baby-boom et à l’allongement de la scolarité obligatoire, portée à 16 ans en cette même année. Il s’agissait aussi d’assurer la survie de l’ensei-gnement catholique, de plus en plus obligé de recourir à des laïcs, aux-quels il convenait de donner une meilleure qualification et une ré-munération plus élevée.

Depuis lors, sous l’effet de la mas-sification de l’éducation, de la mon-tée d’une forme de « consumé-risme » éducatif et de la perte d’influence de l’Église, le paysage scolaire a beaucoup changé. Mais pas les grands principes de la loi Debré. « En échange de la rémuné-ration de leurs enseignants et de la prise en charge de leurs dépenses de fonctionnement, les établissements sous contrat d’association avec l’État sont tenus d’appliquer les pro-grammes et les horaires arrêtés par le ministère », rappelle Bernard Tou-lemonde, inspecteur général hono-raire de l’Éducation nationale. « Ils doivent aussi être ouverts à tous les enfants, sans distinction d’origine, d’opinion ni de croyance. Enfin, ceux qui y enseignent sont des agents pu-blics, recrutés sur concours parallèles à ceux du public et placés sous le contrôle de l’État, qui les nomme, après accord de la direction de l’éta-blissement. En d’autres termes, une école privée sous contrat ne peut pas recruter comme professeur n’importe quelle personne, sous prétexte qu’elle correspond à sa ligne politique ou religieuse », précise cet ancien di-

recteur de cabinet de Jack Lang, artisan en 1992 des accords Lang-Cloupet destinés à régler le conten-tieux entre l’État et l’enseignement catholique au sujet du forfait d’ex-ternat et de la formation des maîtres.

À ses yeux, la loi Debré a le mérite d’avoir évité à l’enseignement privé de s’aventurer sur le terrain de la « marchandisation », en lui assi-gnant des missions de service pu-blic. « Même si, idéologiquement, les tenants d’une laïcité pure et dure se refusent à l’admettre, l’enseigne-ment catholique fait bel et bien par-tie, juridiquement, du service public. Lequel ne préjuge pas de la façon dont il est assumé, soit par des per-sonnes publiques, soit par des per-sonnes privées, comme c’est le cas très souvent, par exemple, dans le domaine des transports », fait re-marquer Bernard Toulemonde.

Ce qui a beaucoup évolué, en revanche, au fil des décennies, c’est le statut du secrétariat général de l’enseignement catholique, désor-mais considéré par les gouverne-ments successifs comme un inter-locuteur naturel, là où la loi Debré ne reconnaît officiellement de « ca-ractère propre » qu’aux établisse-ments. « L’autonomie individuelle de chaque établissement tend à être limitée, au profit des décisions col-lectives », observe Bernard Toule-monde.

Cette évolution soulève encore, chez les tenants d’une laïcité pure et dure, de vives réactions. « On s’accoutume à l’existence de ce réseau basé sur une spiritualité et qui veut à la fois des financements publics et la liberté d’exprimer ses positions, y compris sur le bien-fondé des pro-grammes de sciences de la vie et de la Terre », fait valoir Laurent Escure, le secrétaire national de l’UNSA Éducation, en référence à la polé-mique autour de l’enseignement de la théorie des genres. Cet ex-secré-taire général du Comité national

d’action laïque (1) réclame notam-ment « un vaste débat de société pour s’interroger sur la façon et les raisons de subventionner massivement, comme c’est le cas aujourd’hui, une école autre que celle de la Répu-blique » (1,9 milliard d’euros par an pour les coûts de fonctionnement,

6,3 milliards pour la rémunération des enseignants – hors enseigne-ment privé agricole).

Laurent Escure souhaite aussi voir abrogée la loi Carle de 2009 portant sur l’épineuse question des « forfaits communaux » que doit payer toute ville ou village pour la

scolarisation d’enfants résidents dans une école privée située dans une autre commune. « Ma loi a l’avantage d’être équitable et appli-cable, d’une façon qui est du reste plus restrictive que ne le prévoyait initialement la loi Debré », se défend le sénateur UMP de la Haute-Savoie

La loi Debré a le mérite d’avoir évité à l’enseignement privé de s’aventurer sur le terrain de la « marchandisation », en lui assignant des missions de service public.

Enseignement catholique (1/10)

Par Nom du photographeGilles de Bailliencourtdirecteur de l’enseignement catholique du diocèse de Lyon

« Je n’ai jamais fait de plan de carrière. À chaque fonction que j’ai occupée, comme enseignant, comme chef d’établissement puis comme directeur diocésain, depuis vingt-trois ans, à Toulon puis à Lyon, j’ai toujours été appelé. C’est là l’une des forces de l’enseignement catholique. Nous ne sommes pas dans une logique de concours, à laquelle est contraint par sa taille l’enseignement public. Nous faisons confiance à des hommes et des femmes, en prenant le risque de leur confier des responsabilités, pour leur permettre de déployer leurs talents au service d’une œuvre qui les dépasse.

Je me sens bien dans cet univers où la relation à l’autre est première. Je suis admiratif de cette directrice de collège, demandant à la maman d’un élève ce qu’elle avait à dire de bien sur son enfant. Cette mère m’a raconté l’anecdote, encore surprise. Cette dimension de l’accueil est un trésor pour notre enseignement catholique. C’est cela qui nous donne un supplément d’âme. Je dois moi-même veiller à ne jamais tomber dans une logique administrative. Un directeur diocésain donne une direction, un sens. Un esprit, un élan. Je dois y être attentif et fidèle. »

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27lundi 3 juin 2013

Un dialogue continu avec le gouvernement, quelle qu’en soit la couleur d Après l’ère Sarkozy, durant laquelle

fut privilégiée la discussion pour tenter d’atténuer l’impact des réductions d’effectifs, l’enseignement catholique conduit avec le gouvernement Ayrault un dialogue « constructif », un temps compliqué par les débats sur le projet ouvrant le mariage aux personnes homosexuelles.

Les gouvernements passent, la donne politique évolue, et avec elle, parfois, le positionnement de l’exécutif à l’égard de l’enseignement catho-lique. « Traditionnellement, ce dernier se sent plus proche de la droite, estime un de ses res-ponsables. Du moins trouve-t-il plus facilement en son sein des relais parlementaires. » Ce que dément Pierre Marsollier, délégué général de l’enseignement catholique, en charge des rela-tions politiques : « Les rapports avec les différents gouvernements sont stables, faits d’écoute et de partenariat. Les nuances tiennent à la person-nalité des interlocuteurs. Deux ministres de même couleur peuvent avoir des approches plus diffé-rentes que deux ministres de bords opposés », affirme-t-il.

Ce qui est sûr, c’est que, de droite comme de gauche, aucun ministre de l’éducation ne peut, sauf à prê-ter le flanc aux critiques, afficher une trop grande proximité avec l’enseignement catholique. « Le dialogue entre ministère de l’édu-cation et secrétariat général de l’enseignement catholique (SGEC) est continu, même si en apparence les relations peuvent sembler froides ou conflic-tuelles », décrypte Bruno Lamour, le secrétaire général de la FEP-CFDT. « Face à ce couple, il faut se battre pour faire entendre la voix des personnels », raconte le syndicaliste.

De 2007 à 2012, l’équipe Sarkozy a supprimé environ 80 000 postes dans l’éducation, dont 6 700 dans l’enseignement catholique. Jamais au cours du quinquennat, le SGEC n’a ouvertement contesté le bien-fondé des réductions d’effectifs, destinées à contenir les déficits publics. Le se-crétaire général Éric de Labarre a certes tiré la sonnette d’alarme, en 2010. « L’enseignement catholique n’est pas en mesure d’assurer la pro-chaine rentrée scolaire », déclarait-il ainsi à La Croix. Mais il proposait alors plusieurs aména-gements, tels que le développement de la for-

mation à distance pour certaines options ou encore un allègement de l’emploi du temps au collège, afin de rendre supportable la baisse des moyens.

« Institutionnellement, le SGEC ne pouvait peut-être pas refuser de participer à “l’effort de guerre”. Mais sa stratégie n’était pas la nôtre », se souvient Bruno Lamour. Ainsi, en septembre 2011, de façon très symbolique, les cinq syndicats de l’enseignement catholique ont défilé pour la première fois ensemble, aux côtés de ceux du public, pour refuser les suppressions de postes.

À l’approche de la présidentielle, l’enseigne-ment catholique a ensuite présenté un manifeste pour apporter au débat sur l’école sa vision d’une éducation basée sur « l’égalité des chances, la reconnaissance des professeurs, l’autonomie des établissements, la diversité des parcours et la liberté de choix ». Après l’élection de François Hollande, le SGEC, tout comme l’APEL, l’Association des parents d’élèves de l’enseignement libre, a plei-nement joué le jeu de la concertation destinée à préparer la loi de « refondation ».

Depuis, il est resté en retrait dans l’épineux dossier des rythmes scolaires. De fait, la réforme, qui ne porte ni sur les programmes ni sur le volume

horaire global, ne s’impose pas aux écoles catholiques. Et si le SGEC est convaincu qu’un pas-sage à la semaine de quatre jours et demi peut être l’occasion de trouver une nouvelle dynamique, il laisse chaque établissement décider.

Les relations avec le gouver-nement se sont en revanche ten-dues lorsque, fin 2012, Éric de

Labarre a invité les chefs d’établissement à « prendre les initiatives (…) les plus adaptées » pour ouvrir le débat sur « le mariage pour tous ». Une « faute » aux yeux du ministre Vincent Peillon. L’un et l’autre se sont ensuite empressés de clore la polémique. A-t-elle laissé des traces ? Certains l’affirment. Ces mêmes interlocuteurs évoquent aussi, côté public, des craintes concernant les nouveaux statuts de l’enseignement catholique, interprétés comme le signe d’un repli. Mais là encore Pierre Marsollier s’inscrit en faux. « Entre Vincent Peillon et Éric de Labarre, le fil du dialo-gue était renoué dès la fin janvier. Et leurs cabinets sont en contact quasi quotidiennement. »

D. P.

Demain : L’école catholique explore son identité

« Les rapports avec les différents gouvernements sont stables, faits d’écoute et de partenariat. »

Jean-Claude Carle. De fait, le ver-sement du forfait n’est obligatoire que si la commune de résidence n’est pas en mesure de scolariser elle-même l’enfant ni d’assurer la restauration et la garderie, ou bien si la scolarisation de l’enfant ailleurs que sur son territoire est justifiée par des raisons médicales, par l’ins-cription d’un frère ou d’une sœur dans un établissement de la même commune ou par les obligations professionnelles des parents. « Au-jourd’hui, les maires comprennent parfaitement que l’éducation, qu’elle soit publique ou privée, constitue le meilleur investissement pour nos enfants et qu’il n’y a rien de pire qu’une situation de mo-nopole », souligne le sénateur.

Il n’empêche, la ques-tion des forfaits (com-munaux, pour le pri-maire ; départementaux, pour le collège ; régio-naux, pour le lycée) et de leur montant n’est pas totalement réglée. Selon la Fédération na-tionale des organismes de gestion des établissements de l’enseigne-ment catholique, le manque à ga-gner s’élève encore, toutes collec-tivités confondues, à 500 millions d’euros par an (lire La Croix du 24 mai 2012). Des démarches auprès des préfets sont possibles, des ac-tions en justice sont parfois entre-prises mais, dans la plupart des cas, les responsables de l’enseignement catholique privilégient la négocia-tion.

« Globalement, nous entretenons d’assez bonnes relations avec les collectivités locales », assure le se-crétaire général de l’enseignement catholique Éric de Labarre. « Mais alors que dans leur immense majo-rité les Français sont attachés à un système éducatif qui marche sur ses deux pieds, public et privé, les élus n’ont pas totalement intégré les pré-occupations de l’enseignement ca-tholique, toujours considéré comme une deuxième école. Ils commencent à se pencher sur les problèmes de l’école catholique quand ils ont réglé ceux de l’école publique », déplore-t-il.

La décentralisation d’une bonne part des compétences en matière d’éducation s’est ainsi traduite par une augmentation des tensions entre les établissements privés et les collectivités territoriales. En re-vanche, notamment parce que les gouvernements successifs se tien-nent à une répartition des effectifs enseignants selon la règle tacite du 80-20 (80 % pour le public, 20 % pour le privé) définie en 1992, les sujets de discorde avec l’État se sont faits plus rares. « Ne nous situant pas dans une logique de parts de marché, nous pouvons envisager des partenariats avec le public », décla-

rait même à La Croix le secrétaire général de l’Enseignement catho-lique, Éric de Labarre, à sa prise de fonction en 2007.

Dans les Pyrénées-Orientales, une convention portant sur la sco-larisation des enfants du voyage permet, par exemple, à des ensei-gnants du public d’intervenir dans le privé, et inversement. « Mettre en commun les compétences de ces quelques professeurs spécialisés, qui se déplacent sur tout le territoire, permet d’assurer un meilleur suivi de ces élèves, à chacun de leurs pas-sages dans le département », fait valoir le directeur diocésain Yannick Gainche.

« Quand on aborde les questions éducatives plutôt que les aspects juridiques, quand on se place dans une logique de réseau, sur un terri-toire, on parvient à nouer des liens de confiance avec nos partenaires du public », relève un fin connais-seur de l’enseignement catholique. Mais pour aller plus loin sur la voie de cette coopération, il est néces-saire, insiste Éric de Labarre, de renforcer l’autonomie des établis-sements. « La paix scolaire passe par un traitement similaire des écoles publiques et privées dans le cadre d’un contrat entre, d’une part, les établissements et, d’autre part, les autorités académiques, les collecti-vités et l’État », considère-t-il.

Denis Peiron

(1) Il rassemble notamment la FCPE, l’UNSA éducation et la Ligue de l’enseignement.

rEPèrESLe secrétariat généraL De L’enseignement cathoLique

P Le secrétaire général de l’enseignement catholique est nommé par la Conférence des évêques de France. il est responsable devant les évêques des orientations de l’enseignement catholique. il a

une mission de coordination et d’exécution aux plans administratif, pédagogique et pastoral pour promouvoir l’enseignement catholique. il est en lien habituel avec les organismes et les responsables de l’enseignement catholique. il assure les relations de l’enseignement catholique avec les pouvoirs publics. Le secrétariat général est un des services nationaux de la Conférence des évêques de France. (Source : SGeC)

La citationEmmanuEl d’alzonfondateur des Augustins de l’Assomption

« Il faut agir sur les cœurs, comme sur l’intelligence,

et former les âmes des enfants en même temps que leurs esprits. Sans cette influence, la mission qu’on s’impose est incomplète… »

« Quand on aborde les questions éducatives plutôt que les aspects juridiques, quand on se place dans une logique de réseau, sur un territoire, on parvient à nouer des liens de confiance avec nos partenaires du public. »

Deux semaines d’enquêtes et de reportages Enseignement catholique

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26 mardi 4 juin 2013

Une école qui explore son identité d Après plusieurs années

de discussions, le nouveau statut de l’enseignement catholique a été adopté par les évêques. Il vise à définir le caractère « catholique » des établissements.

En quoi l’enseignement catho-lique est-il catholique ? Sous son apparence triviale, la question porte en elle une infinie com-plexité. Pour preuve, les trois an-nées de travail nécessaires pour élaborer le nouveau statut de l’en-seignement catholique en France, adopté en avril par la Conférence des évêques de France (CEF) et rendu public ce week-end. Une manière de définir la spécificité de l’enseignement catholique, que la loi identifie comme le « caractère propre » de l’école privée.

« De notre point de vue, le carac-tère propre est lié au caractère confessionnel, mais il n’a pas à l’être du point de vue de la loi », explique Mgr Alain Planet, évêque de Car-cassonne et Narbonne, et membre du Conseil pour l’enseignement catholique à la CEF. Contrairement au texte précédent, publié en 1992 et révisé en 1999, qui comportait un préam bule en sept cha-pitres « élaboré par les évêques de France », suivi du statut proprement dit, il est frappant de constater que cette dissociation est désormais considérablement amoindrie.

« Il y a vingt ans, la catholicité d’un établissement était mesurée à l’aune de la pastorale, au sens limité du terme, c’est-à-dire de l’action des personnes chargées de la caté-chèse », relève Philippe Poussin, le secrétaire général du Conseil na-tional de l’enseignement agricole privé (Cneap). Il arrivait parfois que l’activité soit reléguée à la marge de l’établissement. « En réalité, la pastorale n’est pas une dimension à part. Elle est la mise en œuvre du projet de Dieu », sou-ligne Mgr Alain Planet.

Cette « irrigation » du caractère catholique transparaît dans le nou-veau statut. Tout au long de ses 385 articles, ce texte de 50 pages fait constamment référence à l’Évangile, et à la doctrine sociale de l’Église… jusque dans le fonc-tionnement des Ogec, les orga-

nismes qui assurent la gestion de chaque établissement. L’action des gestionnaires doit ainsi être « ré-férée à l’Évangile ».

En résulte un socle de valeurs, composé de « traits communs à toute école catholique », pour re-prendre les mots utilisés par la Sacrée congrégation pour l’édu-cation catholique en 1982. Le texte romain énonce, entre autres, la nécessité de ne pas séparer ap-prentissage et éducation, ainsi que temps de la connaissance et temps de la sagesse. Dans les établisse-ments, peut-on aussi y lire, la vérité doit être recherchée, « en honorant la liberté qui fonde la dignité hu-maine » et la « formation à l’esprit critique, en vue du discernement éclairé ». La « charité éducative » est une « ardente obligation pour tous les projets éducatifs des écoles catholiques ». D’où « une attention préférentielle à ceux qui connaissent une fragilité personnelle, familiale ou sociale ».

Ouverture à tous, dialogue avec la société en une recherche de synthèse entre raison, culture et foi, formation intégrale de la per-sonne humaine, les valeurs énon-cées dans le statut peuvent paraître très générales. « Elles sont difficiles à définir de manière précise », ad-met le délégué général de l’ensei-gnement catholique, Pierre Mar-sollier. Il insiste sur l’autonomie des écoles lorsqu’elles définissent leur propre projet éducatif. « Le projet en tant que tel appar-tient bien à chaque école, portée par une communauté, dans un contexte social et géographique précis », poursuit-il. Il écarte l’idée de publier « une sorte de prêt- à-penser » où figureraient des « in-variants moraux » indispensables à l’ouverture d’une école.

« Dans mon établissement, l’as-pect catholique se concrétise dans mon projet éducatif, qui s’inscrit dans des valeurs évangéliques », explique Jean-François Coursol, directeur du lycée Notre-Dame, à

Toulon (Var), et également secré-taire du Syndicat national des chefs d’établissement de l’enseignement libre (SNCEEL). « Ma responsabi-lité est à la fois de ne pas transfor-mer mon établissement en paroisse, mais aussi de me rattacher à

l’Église, institution, dont je dépends directement », poursuit-il.

De fait, sur un plan formel, le caractère catholique d’une école se manifeste notamment par la charge confiée à un chef d’établis-sement. Signe de cette tâche, une

« lettre de mission » lui est officiel-lement remise, pour trois ans re-nouvelables, au même titre que les autres « laïcs en mission ecclé-siale » du diocèse. C’est lui qui porte la responsabilité pastorale de l’établissement. « Il est

« Moi, animatrice en pastorale ? Hors de question ! C’est en tout cas la réaction qui fut la mienne, alors que mon mari et mes enfants m’encourageaient à répondre à l’appel lancé lors d’une célébration. J’ai fini par céder. En me demandant bien ce que je faisais là ! Mais, très rapidement, je m’y suis sentie à l’aise, après un chemin de foi personnel. J’avais auparavant travaillé dans les ressources humaines d’une grande entreprise, avant de déménager et d’élever mes quatre enfants. Puis j’ai cherché un “vrai travail”, avec un “vrai salaire”, de “vrais horaires”, une reconnaissance. Sans succès…Après avoir fait quelques suppléances comme professeur d’histoire-géographie, puis comme professeur des écoles, je me retrouvais donc

animatrice en pastorale. Cela n’était peut-être pas un hasard ! Je me suis laissé guider. Et j’ai pris conscience de l’importance de cette mission, dans un monde empreint d’individualisme et de relativisme. La spécificité de l’enseignement catholique permet de proposer un projet différent à nos jeunes. En élaborant des propositions adaptées et variées. Des temps de prière et d’éducation religieuse, bien sûr. Mais aussi des débats et des temps de fête. En tout cas, nous devons être volontaires, ne pas vivre avec une bienveillante indifférence notre spécificité. Il faut la mettre en pratique, à tous les niveaux. Avec une pastorale que j’aimerais toujours plus ambitieuse ! »

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La « charité éducative » est une « ardente obligation pour tous les projets éducatifs des écoles catholiques ». D’où « une attention préférentielle à ceux qui connaissent une fragilité personnelle, familiale ou sociale ».

Enseignement catholique (2/10)

Nathalie AlonsoChargée de pastorale au centre scolaire La Favorite (Lyon)

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27mardi 4 juin 2013

A Montrond-les-Bains, le collège propose une annonce de la foi « décomplexée » d Sous tutelle de la communauté

de l’Emmanuel, le seul collège de la commune, inauguré il y a deux ans, assume clairement sa dimension catholique.

Montrond-les-Bains (loire)De notre correspondant régional

Douze heure trente. La pause déjeuner attendra. Une dizaine de personnes prennent place dans la chapelle, pour la messe célébrée tous les mar-dis. Dans l’assemblée, une poignée d’élèves. C’est peu au regard des 220 inscrits du collège Saint-Pierre, inauguré voilà deux ans à Montrond-les-Bains, commune résidentielle proche de Saint-Étienne. « Les parents attendaient l’ouverture d’un collège, pas nécessairement d’un établissement catholique », reconnaît sa directrice, Marie-Alix de France.

Une chapelle est nichée au cœur du bâtiment dessinant un « X » – « la première lettre de “Xristos”, en grec », glisse-t-elle. Une ligne blanche partant du hall se prolonge jusqu’au pied de l’autel et du tabernacle. Et toutes les salles de classe, portant des noms de saints, sont ornées d’une croix dis-crète. « Nous affichons la cou-leur », sourit Olivier Lamoril, chef d’établissement du groupe scolaire Jean-Paul-II et membre de la communauté de l’Em-manuel, qui recevra la tutelle du collège à la ren-trée prochaine.

Car la diversité des élèves n’empêche en rien de « faire vivre l’Évangile ». « Un idéal fort » qui s’inscrit d’abord dans le projet pédagogique. Exemple parmi d’autres, les enseignants insistent auprès de leurs élèves sur la quête de la vérité. « Nous voulons développer des esprits en recherche », explique Marie-Alix de France, qui déploie éga-lement une « théologie de la sanction », dit-elle en souriant. « Nous expliquons aux élèves punis que nous différencions la personne de l’acte et rappelons notre confiance en chacun. »

Avec un tel projet, le collège ne souffre pas trop de ne pouvoir encore compter sur une animatrice en pastorale. « Croyant ou non, chaque adulte de l’établissement peut faire de la pastorale », explique Olivier Lamoril. Les enseignants en sont les pre-miers surpris, dont les « valeurs universelles »

rejoignent les convictions de la communauté de l’Emmanuel, de l’« accueil de tous » à l’« attention à la personne ».

Les élèves n’en sont pas nécessairement conscients. Comme ils ne comprennent pas tou-jours la portée des « ateliers talents » leur permet-tant de partager leur passion avec leurs camarades. « Nous ne sommes pas là pour convertir, insiste Marie-Alix de France. Cela ne m’embête pas que les trois quarts des élèves ne soient pas catholiques et qu’ils ne le deviennent pas au cours de leur sco-larité. L’essentiel est qu’ils vivent quelque chose qui les aidera à entamer un chemin. »

Deux élèves ont toutefois demandé le baptême, après avoir participé au cours de culture chrétienne et religieuse. Un cours d’une heure, tous les quinze jours, débutant en sixième par l’étude du chris-tianisme. La participation est obligatoire pour les élèves non inscrits au catéchisme. « Il y a bien sûr dans ce cours une dimension d’annonce », estime le professeur bénévole Jean-Claude Boehm qui, le matin même, a décrit « la fonction du prêtre »

à une classe constituée d’élèves dont « la moitié n’est pas bap-tisée ». « Nous sommes clairs vis-à-vis des jeunes, qui appré-cient la liberté de pouvoir aller plus loin, ou non. Ils ont appris à être à l’écoute. » Certains en

redemandent. Notamment à la suite de deux « temps d’intériorité » organisés dans l’année, au cours desquels les jeunes ont été rassemblés par petits groupes, dans des salles éclairées à la bougie, afin qu’ils « apprivoisent le silence et découvrent leur intériorité », explique Marie-Alix de France. L’ini-tiative a fait l’unanimité parmi les collégiens, les élèves modèles comme les perturbateurs, assure-t-elle. Ils ont étanché une soif que l’on néglige trop.

On l’aura compris, l’on ne craint pas ici une « an-nonce de la foi décomplexée ». Aux élèves ensuite de se saisir des propositions plus traditionnelles – retraite, chemin de croix, opération bol de riz, etc. « Même si un seul élève y répondait, nous serions satisfaits, insiste Olivier Lamoril. Nous sommes là pour témoigner authentiquement de notre foi, en toute transparence. Le reste ne nous appartient pas. » 

BénévenT TOSSeRI

DEMAIN : Recruter de nouveaux professeurs,un défi de taille.

« L’essentiel est que les élèves vivent quelque chose qui les aidera à entamer un chemin. »

nécessairement catholique », est-il précisé. Pourrait-il être le seul dans son établissement ? « En théo-rie oui, répond Pierre Marsollier, mais dans ce cas, il devra être par-ticulièrement soutenu par sa tutelle. »

Les membres de la communauté éducative, composée à la fois par les professeurs mais aussi par les autres membres du personnel de l’établissement, ne peuvent être recrutés sur des critères confession-nels. Mais « même si le rapport à la foi n’est pas le même pour tous, cha-cun fait vivre l’esprit chrétien de la communauté édu-cative », estime Phi-lippe Poussin. « L’en-seignant doit être au minimum bien-veillant », juge Théo Lobbes, professeur de philosophie au lycée et secrétaire fédéral du Syndicat professionnel de l’enseignement libre catholique (Spelc). Lors de son recrutement, chaque professeur doit être clairement informé du projet de l’école et des valeurs qu’il porte. « Il est évident que les ensei-gnants ne peuvent promouvoir une laïcité pure et dure. Mais à l’inverse, ils ne sont pas là pour inculquer une culture religieuse », analyse-t-il.

Pour leur part, les parents d’élèves ne sont que 10 à 20 % à inscrire leurs enfants dans le privé pour des raisons d’abord confes-sionnelles. « Pourtant, s’ils sont là, c’est bien qu’ils attendent quelque chose de l’enseignement catholique. Dans bien des cas, l’école est souvent le seul visage de l’Église auquel les parents ont accès », souligne Annie Jus, responsable du réseau d’ani-mation pastorale de l’Association de parents d’élèves de l’enseigne-ment libre (Apel). C’est par cet accueil d’enfants éloignés de toute foi que l’enseignement catholique joue l’un de ses principaux rôles, estime-t-elle. L’Apel encourage tous les établissements, au cours d’ate-liers spécifiques, à faire réfléchir les parents autour des valeurs de l’enseignement catholique (l’effort, le travail, la générosité, la promo-tion du bien commun, etc.). L’as-sociation promeut aussi les cours Alpha, afin de proposer aux parents qui le souhaitent une première annonce de la foi.

De fait, l’annonce de la foi de-meure l’une des caractéristiques fondamentales de l’enseignement catholique. Même si chaque éta-blissement est libre de mettre sur pied sa propre proposition, la ma-jorité des écoles ont aujourd’hui pris le parti de proposer une caté-chèse obligatoire au collège, et un temps facultatif au lycée. Certains veulent aller plus loin. Comme

l’évêque de Fréjus-Toulon, Mgr Do-minique Rey, qui préconisait en 2010 l’organisation d’un cours de religion d’une durée comparable à celle des autres matières, soit au minimum trois heures hebdoma-daires. À Avignon, Mgr Jean-Pierre Cattenoz a, lui, mis en place dans certains établissements des parcours baptisés « Chemin de vie » et « Ose la vie », conçus comme des moyens de « pré-évangélisation ».

Mais l’instauration de ce type de parcours ne peut être la règle pour tous les établissements. « Deux col-

lèges situés l’un à Marseille nord et l’autre dans le centre d’Angers ne peuvent fonctionner de la même façon », insiste François Moog, théo-logien et spécialiste de la ques-tion (1). « Certains parient davan-tage sur l’aspect confessionnel, d’autres estiment primordiale l’adé-quation entre leurs établissements et la société dans laquelle nous vi-vons. » Ces conceptions de l’école catholique ne sont-elles pas contra-dictoires ? « Pas du tout, répond le théologien. Tous doivent inventer leur mode de présence, en fonction d’un environnement spécifique. Mais tous reposent sur la même Bonne Nouvelle et sur l’autorité des pasteurs légitimes. »

« Nous devons éviter deux risques, résume Annie Jus, de l’Apel. D’une part, un accueil si large que ceux qui sont impliqués dans la foi ne s’y re-trouvent pas. D’autre part, la tenta-tion de rester uniquement entre baptisés, par peur de l’extérieur. À nous de naviguer entre ces deux écueils. »

LOUP BeSMOnD De SennevILLe

(1) À quoi sert l’école catholique ? Bayard, 132 pages, 15 €.

RepèResCE quE DIsENt lEs NouvEAux stAtuts

P Le caractère ecclésial de l’école est inscrit au cœur même de son identité d’institution scolaire. Cette particularité « pénètre et façonne chaque instant de son action éducative, partie fondamentale de son identité même et point focal de sa mission » (art. 17).

P La proposition éducative spécifique de l’école catholique possède ainsi en elle-même une dimension pastorale en tant que mise en œuvre de la mission ecclésiale au service d’une société de justice et de paix. Cette « proposition éducative qualifiée » s’exprime dans le projet éducatif de chaque école ; elle constitue ce que la loi désigne comme le « caractère propre » (art. 18).

lA CItAtIoNDon bosco (1815-1888) Fondateur des salésiens

Sans affection, pas de confiance.

Sans confiance, pas d’éducation. »

« Il est évident que les enseignants ne peuvent promouvoir une laïcité pure et dure. Mais à l’inverse, ils ne sont pas là pour inculquer une culture religieuse. »

Deux semaines d’enquêtes et de reportages Enseignement catholique

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26 mercredi 5 juin 2013

Recruter de nouveaux professeurs,un défi de taille d La pénurie de candidats

au métier d’enseignant touche aussi l’enseignement privé. d Plus que la réforme

de la mastérisation, c’est la dévalorisation de la profession qui en est la cause. d Mais l’enseignement

catholique mise sur les qualités de son accueil et de son système de formation pour attirer de nouvelles recrues.

« Ambition : enseigner » : c’est par ces mots que le ministre de l’édu-cation nationale, Vincent Peillon, lançait en décembre dernier une nouvelle campagne de recrutement d’enseignants, espérant susciter de nouvelles vocations et redorer le blason d’une profession en crise. La dégradation de l’image d’un mé-tier à la fois stigmatisé et jugé de plus en plus difficile, de même que le niveau peu attractif des salaires ont tari peu à peu le vivier des nou-velles recrues.

La réforme de la mastérisation, qui a porté à bac + 5 le niveau né-cessaire pour se présenter aux concours d’enseignement, a encore compliqué la donne. Résultat : en juillet dernier, plus de 700 postes offerts aux concours externes du second degré sont restés vacants. En particulier dans les matières scienti-fiques, mais aussi en lettres et en anglais. L’éducation nationale a donc dû, en urgence, piocher dans les listes des admissibles et passer des annonces à Pôle emploi pour compléter ses effectifs.

La situation est-elle aussi critique dans l’enseignement catholique ? Yann Diraison, délégué général chargé des ressources humaines au secrétariat général de l’enseigne-ment catholique, reste « très pru-dent ». « En l’état actuel, nous ne subissons pas la pénurie que subit l’enseignement public », assure-t-il. Ou plutôt l’école catholique a su s’adapter à cette situation tendue, qui n’est pas inédite. « Nous avons toujours eu à nos concours du second degré des rendements inférieurs à 100 % (entre 70 à 80 %). Pour nous, ce n’est donc pas une nouveauté. En revanche, depuis 2008, le nombre de candidats a baissé : dans le premier degré, on est passé de 7 à 4 candidats

pour un poste ; et dans le second degré, de 5 à 3. Avec des variantes selon les académies et les disciplines – pour certaines, on s’approche d’un candidat pour un poste. Le concours est donc moins sélectif. »

Dans le privé comme dans le pu-blic, la baisse du nombre des can-didats est particulièrement inquié-t a n t e d a n s l e s d i s c i p l i n e s scientifiques. « La France ne forme pas assez de scientifiques. Avec un master, ces derniers se vendent plus cher et préfèrent se diriger vers d’autres voies », indique Yann Di-raison.

La prochaine rentrée sera parti-culièrement délicate. En cette année de transition entre deux réformes, l’enseignement catholique s’attend en effet à ce que plus de la moitié des postes offerts aux concours du second degré restent vacants… « On complétera par des suppléants », précise-t-il. Mais les volontaires, là aussi, se font plus rares – en parti-culier en Île-de-France.

Yann Diraison continue néan-moins à miser sur les atouts de l’en-seignement catholique pour attirer les candidats : la dimension hu-maine de ses établissements, le travail en équipe, et surtout son

système de formation en alternance déjà bien rodé. « Nos établissements s’impliquent vraiment dans l’accueil des stagiaires, leur accompagnement. C’est un peu notre marque de fa-brique, et notre point le plus fort dans la bagarre du recrutement. » Face à la réforme de la formation des en-seignants, qui sera mise en place à la rentrée prochaine, avec la création des écoles supérieures du profes-sorat et de l’éducation, l’enseigne-ment catholique pense avoir une longueur d’avance, lui qui n’a cessé d’insister sur la professionnalisation.

Bruno Lamour (FEP-CFDT) est plus circonspect. « Même si on dit que les enseignants sont mieux ac-compagnés chez nous, il est toujours difficile pour des jeunes de s’engager dans ce métier. » Plus encore que le manque de profs, c’est la dévalori-sation de la profession qui l’in-

quiète. Qui se double d’une préca-risation plus forte. « Le pourcentage de non titulaires chez nous est énorme (notamment en Île-de-France), beaucoup plus élevé que dans le public, dit-il. Si la pénurie de candidats aux concours s’ampli-fie, on aura de plus en plus recours

à ces suppléants. Ils devront en 2015 eux aussi posséder un master (contre une licence aujourd’hui), ce qui constituera un obstacle supplémen-taire. »

Les situations sont certes dispa-rates d’un diocèse à l’autre, le re-crutement des enseignants du privé

étant académique et non pas na-tional. L’académie de Créteil est l’une des plus touchées, notamment la Seine-Saint-Denis. « On pâtit de la représentation qu’on donne des jeunes, même si une fois que les en-seignants sont en place, ils y restent », observe Philippe Delorme,

« Certains élèves ont choisi de rejoindre un lycée professionnel. D’autres y sont contraints. En majorité, ils ont une très mauvaise image d’eux-mêmes. Et se projettent difficilement dans l’avenir. L’enjeu est de les relancer dans une dynamique de réussite. Cela passe bien sûr par un projet pédagogique solide qui les emmène vers le diplôme, après des stages où leurs compétences sont valorisées. Dans l’enseignement catholique, toutefois, nous disposons de cordes supplémentaires à notre arc. Nous accueillons les élèves tels qu’ils sont, avec un regard bienveillant. C’est un atout. Comme de considérer que la vie d’un individu est riche

d’au moins deux dimensions. Une dimension horizontale, bien sûr, celle de la vie. Nous mangeons, nous travaillons, nous aimons. Mais, dans nos établissements, nous pouvons aussi dire à nos élèves qu’il existe une verticalité. Y compris en citant certains passages de l’Évangile à des élèves qui, rappelons-le, n’ont pas de cours de philosophie. Pourtant, ce sont des jeunes très pertinents, animés par une réflexion profonde, qu’ils n’expriment pas toujours. À nous de les aider à grandir, à réfléchir. À donner du sens, là où ils n’en voient parfois pas. Il faut leur montrer que l’avenir leur appartient toujours. »

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en cette année de transition entre deux réformes, l’enseignement catholique s’attend à ce que plus de la moitié des postes offerts aux concours du second degré restent vacants…

Enseignement catholique (3/10)

Ingrid DoubliezProfesseur en sciences médico-sociales au lycée professionnel Don Bosco (Lyon)

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27mercredi 5 juin 2013

Pourquoi ils ont choisi l’enseignement catholique d Au Centre de formation pédagogique

Emmanuel-Mounier de l’Institut catholique, à Paris, les étudiants qui préparent le concours de professeur des écoles s’apprêtent, pour la plupart, à enseigner dans le privé… mais pas tous.

Hébergé dans la maison mère du Réseau la-sallien, sous tutelle des Frères des écoles chré-tiennes, l’Institut supérieur de formation de l’enseignement catholique (Isfec) accueille des étudiants qui se destinent à l’enseignement dans le premier degré. Ils y préparent pendant deux ans leur concours, leur master (M1 et M2) en alternance et y reçoivent une formation pédago-gique inspirée du P. Faure, ce célèbre jésuite qui a irrigué l’enseignement catholique des pédago-gies « nouvelles » (de Maria Montessori à Em-manuel Mounier) qui trouvent un écho dans ce principe lasallien : « Accompagner chacun jusqu’à l’excellence de soi-même. » « Ce principe, on essaie de le faire vivre au quotidien avec nos étudiants, explique Pascale Buchon, directrice adjointe de l’Isfec, en essayant de construire des parcours personnalisés. »

Ce respect de chaque individu, le centre l’ap-plique jusqu’au bout, puisque les étudiants qu’il forme ne se destinent pas tous à enseigner dans des établissements catholiques. « Sur nos 54 étudiants, une dizaine enseigneront dans le pu-blic », précise Pascale Buchon. Il vaudrait mieux d’ailleurs parler d’« étudiantes », car la promotion ne compte cette année aucun garçon ! « Il est triste que si peu d’hommes choisissent cette profession », déplore-t-elle.

Les étudiantes ont conscience que la « déva-lorisation » du métier peut en faire fuir certains. « Les réactions oscillent entre deux extrêmes, ex-plique l’une d’elles. Un métier ingrat (“Ma pauvre, les enfants d’aujourd’hui sont si durs !”) ou un métier de planqué (“T’es toujours en vacances !”). Et pourtant, c’est un tel parcours du combattant pour arriver jusqu’au concours ! » Les candidates doivent en effet mener de front leurs partiels, leur mémoire, les deux parties du concours, les stages…

Mais ce surcroît de travail ne les a pas décou-ragées. Pas plus qu’elles n’ont choisi ce métier par défaut. Alix, 22 ans, licenciée en psychologie, a « toujours » voulu enseigner. Même Rose-Anne,

29 ans, qui a opéré une « reconversion réfléchie », après un détour par la médiation culturelle, rêvait d’être enseignante depuis qu’elle est toute petite.

Elles ne choisissent pas non plus par hasard l’enseignement catholique. Maryse, 24 ans, a ef-fectué toute sa scolarité dans le privé. Sa mère, d’ailleurs, y enseignait. « Je ne me suis donc jamais posé la question », dit-elle. Alix s’est interrogée l’an dernier : « Est-ce que je n’avais pas en tant que catholique quelque chose à apporter dans le pu-blic ? » Mais elle y a renoncé, se disant qu’elle ne pourrait pas « ouvertement y témoigner de sa foi ».

Rose-Anne, qui se dit « peut-être moins en-gagée que d’autres », a pensé à l’enseignement catholique pour ses « valeurs vécues ». « Je m’y sens bien, j’ai l’impression d’être pleinement ce que je suis. » Marianne, de confession protes-tante, est moins enthousiaste. Après avoir ex-périmenté la « non-considération de l’éducation nationale à l’égard de ses enseignants », elle a opté pour cette formation à l’Institut catholique, où elle s’est sentie « très bien accueillie », avec l’idée d’enseigner dans le privé. « Mais, dans certaines écoles où j’ai fait mes stages, je me suis

sentie un peu décalée. Je me retrouve dans des valeurs communes, mais certains aspects du ca-t h o l i c i s m e n e m e conviennent pas. J’ai-merais pouvoir trans-

mettre aux enfants l’aspect universel du chris-tianisme et j’espère que je saurai trouver ma place », confie-t-elle.

Élise, 25 ans, se dit « athée » et « ignorait tout du privé ». Elle est venue au Centre Emmanuel-Mounier « pour l’accompagnement humain et les pédagogies style Freinet qui ne sont pas enseignées dans le public ». Mais les stages sur le terrain l’ont fait changer d’avis : « J’y ai apprécié la dimension humaine, mais le côté catho me dérangeait, dit-elle. Plus j’avançais, moins je me sentais à l’aise. Si j’entrais dans l’enseignement catholique, j’aurais l’impression de mentir à tout le monde. » Maryse acquiesce : « Si on entre dans l’enseignement ca-tholique, il faut se sentir capable de le faire vivre. »

C. L.

SUR LA CROIX.COMTransmettre les valeurs lasalliennes

DEMAIN : les parents en attente d’un accompagnement sur mesure

Les candidates doivent mener de front leurs partiels, leur mémoire, les deux parties du concours, les stages…

directeur diocésain de Cré-teil. Mais en période de chômage de masse, les campagnes de commu-nication finissent par porter leurs fruits. « On soigne l’accueil et le bouche-à-oreille fonctionne. »

Dans l’académie de Caen, qui a pourtant perdu des élèves, on cherche aussi régulièrement des enseignants, notamment pour les zones rurales. « On a signé un par-tenariat avec le Crous pour présenter le métier sur les campus de l’univer-sité de Caen, explique Michel Cous-quer, directeur diocésain de la Manche. On a lancé une campagne publicitaire sur les télévisions locales. Le diocèse a passé aussi une conven-tion avec Pôle emploi, ce qui permet d’entrer en contact avec des personnes qui ne nous connaissent pas du tout. »

L’enseignement catholique recrute

aussi de plus en plus dans le cadre d’une seconde carrière : des ingé-nieurs ou techniciens qui ont perdu leur emploi, ou des mères de famille qui se reconvertissent… Mais pourra-t-il encore se permettre de sélection-ner ses enseignants pour qu’ils soient, de surcroît, en adéquation avec son projet ? Car il ne suffit pas d’avoir réussi son concours pour enseigner dans un établissement catholique. Ceux qui s’y destinent doivent au préalable passer un en-tretien devant une commission pour expliquer leur motivation, effectuer un stage, suivre une formation spé-cifique (lire les Repères).

Yann Diraison ne pense pas que la raréfaction des candidats rende cette question de l’« adéquation » plus compliquée. « On rencontre davantage de jeunes qui ne nous connaissent pas vraiment. Et peu se présentent comme “cathos”. Ceux qui frappent à notre porte, comme les parents, le font pour notre projet édu-catif. Et on a à leur égard une dé-marche assez proche de celle qu’on a vis-à-vis de nos élèves : notre mission

est de faire un bout de chemin avec eux. »

Hervé Bonamy, directeur diocé-sain de Loire-Atlantique, croit lui aussi en cette vocation missionnaire de l’enseignement catholique. « C’est quoi être en accord avec notre projet ? Cette question qu’on pose à nos jeunes enseignants, on peut se la poser à nous-mêmes. On recrute dans la so-ciété qui est la nôtre. Mais ceux qui franchissent notre porte sont suffi-samment honnêtes pour savoir qu’ils ne mettent pas les pieds n’importe où. C’est ensuite notre rôle de les ac-compagner et de les former, pour leur permettre de découvrir de l’intérieur ce que sont la religion chrétienne et notre projet éducatif. Je suis peut-être optimiste, poursuit-il, mais je suis frappé de voir qu’ils ne sont pas in-différents à la spiritualité. »

Il évoque ainsi le cas de cette en-seignante entrée par hasard dans l’enseignement catholique, et qui, au bout de trente ans de chemine-ment, s’est mise dans une démarche de foi. « Tout n’est pas aussi rose, concède-t-il, mais cette présence ori-ginale auprès des jeunes, qu’ils soient enseignants ou élèves, est le défi que doit relever l’enseignement catho-lique. »

CHristine LeGrAnD

SUR LA CROIX.COM Ces catholiques qui enseignentdans le public

RepèResDES DIpLôMES ET UN STATUT DIfféRENTS

P L’enseignement catholiquecompte 135 450 enseignants, dont environ 22 000 suppléants (en équivalents temps plein).

P Les titulaires sont recrutés sur concours : le CrPE pour le premier degré et le Cafep pour le second degré. Les candidats doivent donc dès le départ choisir entre l’enseignement public et privé, mais ils

passent les mêmes épreuves et sont corrigés par le même jury. Le niveau exigé pour se présenter est, depuis 2008, le master 2.

P environ 80 % des futurs professeurs des écoles primaires catholiques sont formés dans des instituts catholiques.

P La plupart des enseignants du second degré sont formés dans des universités et IUFM publics.

P Les candidats aux concours de l’enseignement doivent passer un entretien préalable devant une commission

(composée au minimum de deux chefs d’établissement) qui donne un pré-accord, suivre une formation spécifique de 30 heures (modules d’anthropologie chrétienne, d’animation pastorale et catéchétique, projet de l’enseignement catholique, etc.) et effectuer au moins un stage dans un établissement catholique, l’accord collégial définitif étant donné ensuite.

P Les suppléants et délégués auxiliaires doivent posséder au minimum une licence (un master à partir de 2015) et sont

formés sur le terrain. Mais ils doivent aussi obtenir cet accord collégial.

P À l’issue la campagne 2010- 2011, 83 % des candidats ont obtenu cet accord et 17 % ont été refusés.

P Les enseignants des établissements sous contrat sont payés par le ministère de l’éducation. Ils ne sont pas fonctionnaires mais « agents de l’État », et n’ont pas tout à fait les mêmes droits que ceux du public (notamment pour leur retraite).

LA CITATIONsaint ignace de loyola (1491-1556) Fondateur de la Compagnie de Jésus

Ce n’est pas l’abondance de la science qui rassasie l’âme

et la satisfait : c’est le sentiment et le goût intérieur des vérités qu’elle médite. »

L’enseignement catholique recrute aussi de plus en plus dans le cadre d’une seconde carrière.

Deux semaines d’enquêtes et de reportages Enseignement catholique

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30 jeudi 6 juin 2013

d Les motivations des familles qui choisissent l’enseignement catholique sont diverses.

d Le dénominateur commun est l’adaptation de l’école aux besoins de leur enfant.

Emmanuelle, 40 ans, vit en ban-lieue parisienne. Elle a suivi toute sa scolarité dans l’enseignement catholique à Nantes. « Ce que j’ai appris, enfant, chez les religieuses continue de m’accompagner. Que ce soit l’importance de la famille, le respect d’autrui, l’attention aux autres, l’ouverture à la charité… Comme les sœurs avaient raison ! », estime-t-elle. Lorsque sa propre fille eut l’âge d’entrer en maternelle, elle l’a tout naturellement inscrite dans l’école privée de son quartier, afin qu’elle y reçoive, dit-elle, « une for-mation humaine ». Sol-licitée par une autre maman, Emmanuelle a accepté de prendre en charge le catéchisme d’un groupe d’élèves de CE2. Cette expérience a renforcé ses motivations. « L’amour de Dieu ap-porte une vraie spécificité à l’enseignement. La re-ligion irrigue toute la formation des enfants », assure-t-elle. À la rentrée, sa fillette intégrera un autre établis-sement, privé sous contrat.

Choisir, comme Emmanuelle, l’enseignement privé par convic-tions religieuses ou spirituelles de-meure une motivation importante. Mais ce n’est pas la seule. D’autres parents s’orientent dans cette voie pour des raisons pédagogiques ou scolaires, voire pratiques. En France, un enfant sur deux passe par le sys-tème scolaire privé. Contrairement aux idées reçues, la population qui fréquente ces établissements est diverse et ses motivations sont tout aussi variées : pédagogie, encadre-ment, résultats, place des parents, orientation…

Attachée de direction dans une structure catholique à Nîmes, Fa-bienne ressent « l’énorme attente des familles, souvent modestes, qui viennent frapper à la porte ». « Elles consentent de gros efforts financiers pour payer la scolarité de leur enfant. Elles espèrent en retour une qualité d’enseignement, la motivation des enseignants, un soutien sur mesure, un encadrement favorable. La plu-part des enfants ne sont pas baptisés

ni même de culture chrétienne, avec une proportion croissante de mu-sulmans dont la demande se concentre essentiellement sur les ré-sultats scolaires et l’encadrement », constate-t-elle.

Parmi les critères mis en avant, l’approche globale de l’élève. « Les parents savent que l’école va s’adap-ter aux besoins de l’enfant  », confirme Caroline Saliou, présidente nationale de l’Apel (Association des parents d’élèves de l’enseignement libre). « Il n’y a pas de moule dans l’enseignement catholique. Chaque jeune est accompagné tout au long d’un parcours individualisé, en dia-logue avec sa famille, de façon à ce qu’il devienne un adulte épanoui, responsable, bien dans sa vie. »

« Le dialogue était primordial pour moi : je ne voulais pas de rupture au seuil de l’école », témoigne en Eure-

et-Loir Véronique Bilbault, mère de deux étudiants, dont l’un s’est révélé être un enfant précoce. « Le directeur m’a tout de suite parlé de relation avec la famille. L’équipe enseignante nous a alertés en classe de quatrième et a su mettre en place un encadre-ment adapté à notre fils. Charles-Édouard a bénéficié d’une attention particulière lui permettant de sup-porter la rigidité du système sco-laire », poursuit-elle.

La relation de confiance tissée avec les enseignants et le chef d’éta-blissement a, de même, constitué un élément décisif pour Françoise, qui élève seule ses deux fils dans le Languedoc-Roussillon. Ce lien a contribué « à adoucir les épreuves de la vie », raconte cette maman, devenue veuve alors que ses enfants étaient encore très jeunes. Françoise a dû trouver un emploi et apprendre à gérer seule le quotidien. « L’esprit familial de l’école me rassurait et sécurisait les enfants », dit-elle.

Autre facteur positif : la place des parents, considérés comme des partenaires de la « communauté éducative » au même titre que l’en-seignant, le chef d’établissement ou le personnel éducatif. Ils peuvent

ainsi intervenir dans la vie de l’école, pour améliorer la cantine ou pro-poser des projets pédagogiques. « Je me suis impliquée bénévolement dans l’orientation scolaire en parti-cipant à la création d’un BDI (bu-reau de documentation et d’infor-

mation sur l’orientation) au collège-lycée » souligne Véronique Bilbaut, responsable au bureau na-tional de l’Apel. De façon générale, l’orientation « choisie » est un des atouts de l’enseignement privé sous contrat.

Une forte attente parentale concerne l’encadrement. Les fa-milles souhaitent que les enfants trouvent de solides repères éduca-tifs. D’où le succès des soirées-dé-bats, organisées pendant l’année, en particulier celles qui sont

Les parents en attente d’un accompagnement sur mesure

« C’est par le bouche à oreille que nous avons été amenés à inscrire nos enfants dans l’enseignement catholique. Mon mari et moi y avons trouvé des valeurs de partage et de respect qui nous correspondaient. Ce sont des établissements qui font grandir. Les enfants, d’abord, considérés non seulement comme des élèves à qui il faut apprendre à lire, écrire et compter, mais comme des personnes, avec leur identité propre. Ma fille aînée manque de confiance en elle. Elle est perfectionniste. Si elle n’est pas certaine de réussir, elle ne tentera pas sa chance. L’école l’a aidée à prendre conscience qu’elle a le droit à l’erreur. Mon fils est son exact

opposé ! C’est un enfant extraverti. L’école a réussi à canaliser son énergie. Mais l’enseignement catholique nous a également fait grandir en tant que parents d’élèves. Les enseignants nous ont appris à lâcher prise, à ne pas exercer trop de pression sur nos enfants. Ils sont très disponibles et à l’écoute. En primaire, il est facile de discuter avec eux au portail ou de frapper à la porte de la directrice. Au collège, les rencontres sont plus encadrées. Mais elles sont nombreuses, déjà trois cette année ! Il y souffle un vrai vent de liberté facilitant les échanges. »

ProPoS rECuEILLIS PAr BÉNÉVENT TOSSERI

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La population qui fréquente ces établissements est diverse, et ses motivations sont tout aussi variées : pédagogie, encadrement, résultats, place des parents, orientation…

Enseignement catholique (4/10)

Nathalie Dufourmère de deux enfants inscrits en CM1 et en cinquième

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31jeudi 6 juin 2013

L’entretien d’inscription, une spécificité de l’enseignement catholique d Chaque inscription dans un établissement

de l’enseignement catholique s’accompagne d’un entretien avec la direction.

d Au lycée Notre-Dame de Rezé, près de Nantes, environ 400 familles ont été reçues cette année avant l’entrée en classe de seconde.

NaNtesDe notre correspondante

Cap au sud de la Loire, à quelques encablures de Nantes (Loire-Atlantique). Dans la commune de Rezé, le lycée général Notre-Dame accueille 800 élèves, de la seconde à la terminale. Cette année, 443 familles ont demandé à s’inscrire dans cet établissement qui ne propose que 280 places en seconde. À peine cinq jours après l’ouverture des inscriptions, son directeur, Yann Léandre, ouvrait déjà une liste d’attente. « Nous débutons habituellement les inscriptions au retour des va-cances de Noël, explique-t-il. Cette année, nous avons commencé avant la reprise des cours pour éviter la saturation de notre standard. »

Au total, 394 familles ont été reçues entre janvier et avril. Un marathon pour le directeur et son adjoint, qui peuvent enchaîner une dizaine de ren-dez-vous par jour. Mais Yann Léandre tient parti-culièrement à ces rencontres avec les parents, de préférence en présence de l’élève. « J’apprécie ces premiers contacts. Cela permet de mettre un visage sur un nom et même d’en reconnaître certains à la rentrée. »

L’entretien, qui dure une vingtaine de minutes, permet d’abord d’apprécier dans quelle mesure l’élève est désireux de rejoindre l’établissement. Classé 70e de France, avec un taux de réussite au baccalauréat de 98 % l’an dernier et 64 % de men-tions, il attire indéniablement les parents pour ses bons résultats. « Je savais que ce lycée avait une réputation de sérieux », confie Marie-Claire Jubé, pharmacienne et mère de Florent, élève en termi-nale ES au lycée, scolarisé dans le privé depuis la maternelle. « Nous avons d’abord fait ce choix par conviction religieuse, mais aussi pour la place offerte aux parents ». L’entretien d’inscription tout comme la « disponibilité des professeurs » constituent à ses yeux des atouts. « On a eu une conversation cordiale

qui nous a même amenés à parler de mon travail, se souvient-elle. C’est un échange intéressant qui personnalise l’inscription. »

Pour Christelle Battarel, présidente de l’Asso-ciation des parents d’élèves de l’enseignement libre (Apel) du lycée et mère de deux élèves, Denise et Louise, cette prise de contact « permet de savoir à qui on a affaire et de sentir l’ambiance de l’éta-blissement ». Quand le directeur reçoit un élève issu de l’enseignement public, il évoque avec sa famille l’éveil à la culture chrétienne prodigué au lycée. « Certains me répondent qu’ils sont déjà pratiquants, d’autres que c’est une occasion de découvrir la foi chrétienne et d’autres encore m’écou-tent poliment », indique Yann Léandre, qui n’en fait pas un critère de sélection. L’entretien permet aussi de passer en revue les choix d’orientation de l’élève. « On a pu valider les choix d’options de mon fils en fonction de ses centres d’intérêt », ajoute Marie-Claire Jubé.

Reste que la forte demande pesant sur le lycée, liée en partie à la présence du plus grand collège du département dans son bassin de recrutement,

met une certaine pression sur les familles. D’autant que les bulletins scolaires de l’année de quatrième et du premier trimestre de la troisième sont passés au crible lors de l’entre-

tien. « Si l’élève a vraiment des résultats en dessous de la moyenne, je refuse son inscription, indique le directeur. Mais le plus rédhibitoire, ce sont les problèmes de discipline. » Si le directeur reçoit « beaucoup de bons élèves », une partie des can-didats se voit chaque année refuser l’entrée au lycée. « Généralement, les familles le comprennent », assure le directeur, qui les aiguille vers l’enseigne-ment technologique ou professionnel. « Il m’est arrivé juste une fois qu’une mère quitte mon bureau en hurlant… » D’autres prétendants reçoivent une sérieuse mise en garde. « Je les mets sur liste d’attente et leur demande de bien travailler au second tri-mestre pour valider leur inscription », poursuit Yann Léandre, qui entend rassurer les élèves trop stressés et mettre un peu de pression sur ceux qui se montrent trop à l’aise.

FLORENCE PAGNEUX

DeMAIN : L’école catholique doit se redéployerpour mieux répondre aux besoins.

L’entretien permet d’abord d’apprécier dans quelle mesure l’élève est désireux de rejoindre l’établissement.

consacrées à l’autorité. Par-fois à l’aide d’un parcours-jeu pé-dagogique, les enseignants font réagir et échanger les parents sur des petits gestes très simples, comme le fait d’accrocher son vê-tement au portemanteau à la mai-son et à l’école, selon le principe de continuité éducative. Les parents sont aussi invités à témoigner, par exemple sur le fait de savoir dire non à leur enfant.

Le désir de discipline et le besoin de sécurité l’ont emporté chez Fran-çois, 52 ans, père de famille, en région Paca, qui avoue sans détour avoir « refusé la mixité », sociale et cultu-relle. Un fils de 17 ans en terminale, une fille de 13 ans en cinquième, tous deux scolarisés dans le privé depuis le primaire. Rien ne prédisposait pourtant ce couple à choi-sir pour ses enfants l’enseignement catholique. Le mari n’y a pour sa part jamais mis les pieds et s’affirme athée. Son aîné avait démarré sa scolarité dans l’école publique du village. « En fin de maternelle, des enseignants sont venus nous faire part de leurs craintes : nos enfants auront du mal à s’adapter à un univers difficile, où les “grands frères” s’embêtent les pe-tits », raconte François. « Nous avons posé un voile sur nos convictions au nom de l’intérêt de nos enfants et les avons inscrits dans une école privée. J’ai découvert un monde éducatif à l’écoute des élèves comme des parents. En tant que républicain, j’aimerais que l’école publique offre la même chose. Mais ce n’est pas le cas dans notre région. Ici, beaucoup de parents ont peur de ce qui se passe dans ces établissements. Mon fils et ma fille sont épanouis, heureux d’aller en cours alors qu’ils fournissent un gros investissement personnel pour ré-pondre à l’exigence de travail. Quant à la dimension spirituelle, c’est la cerise sur le gâteau. Je laisse mes en-fants suivre leur propre chemin. »

Le chemin n’est pas forcément linéaire. Certains élèves en effet ef-fectuent des allers-retours entre pu-blic et privé. Une minorité de parents choisit un établissement catholique hors contrat. C’est le cas de Louise,

mère de cinq enfants, qui a expéri-menté dans l’Ain plusieurs systèmes éducatifs. « Nous ne nous sentions plus en confiance dans l’école privée sous contrat », justifie-t-elle. Pour sa petite dernière, Louise s’est alors tournée vers un établissement créé par un groupe de mamans, adeptes d’une pédagogie plus traditionnelle. « Ces mères vivent leur foi chrétienne au quotidien dans un esprit de bien-veillance. Ma fille apprend à rendre service, à pardonner. C’est un sacré témoignage ! », explique-t-elle.

D’autres catholiques font au contraire le choix du public, celui de la mixité sociale et religieuse, et

préfèrent se charger eux-mêmes de transmettre, au sein de la famille, les valeurs chrétiennes.

Selon Véronique Bilbault, les pa-rents sont de plus en plus impliqués. « Avant, ils faisaient confiance à l’école. Maintenant, ils veulent com-prendre, avoir des clés afin de donner toutes les chances à leur enfant. »

FRANCE LEBRETON

Sur LA croIx.coM, le témoignage d’une famille catholique qui a choisi d’inscrire ses enfants dans le public.

repèresLeS choIx DeS pAreNtS

P S’ils avaient un enfant à scolariser, 43 % des Français souhaiteraient pouvoir le faire dans l’enseignement privé catholique.

P 80 % des Français sont d’accord avec l’idée selon laquelle le privé assure un enseignement de qualité d’une part et accorde une place importante à l’éducation des enfants d’autre part. 78 % pensent

que cet enseignement est ouvert aux non-croyants et/ou aux autres religions. 72 % estiment qu’il forme des citoyens responsables et 67 % qu’il prépare efficacement à la vie professionnelle (sondage OpinionWay pour La Croix et Enseignement catholique, mai 2013).

P 5 % des élèves du second degré passent d’un secteur à l’autre chaque année.

P En 2005, selon une étude du Crédoc, environ la moitié des parents choisissaient

le privé par conviction, même si d’autres motivations entraient en ligne de compte : 12 % par adhésion aux valeurs véhiculées et à l’enseignement religieux ; 20 % pour la transmission des valeurs morales et les liens avec les enseignants ; 14 % après une déception dans le public.

P Plus d’un tiers des parents choisissaient le privé pour des raisons plus pragmatiques : 13 % pour la proximité, les horaires, la restauration ; 19 % sans motivation claire,

que ce soit par tradition familiale ou sociale, ou pour une question de filière spécifique.

P L’Apel, association apolitique et non confessionnelle, représente tous les parents d’élèves des établissements catholiques d’enseignement associés par contrat à l’État. Elle compte 843 475 familles adhérentes. Elle possède un service d’information et de conseil aux familles. Le numéro de cette plate-forme téléphonique nationale est le 0810 255 255. Site Internet : www.apel.fr

Le chemin n’est pas forcément linéaire. Certains élèves en effet effectuent des allers-retours entre public et privé.

LA cItAtIoNJean-Paul IILa personne de chacun, dans ses besoins

matériels et spirituels, est au centre de l’enseignement de Jésus : c’est pour cela que la promotion de la personne humaine est le but de l’école catholique. »

Deux semaines d’enquêtes et de reportages Enseignement catholique

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22 vendredi 7 juin 2013

L’école catholique doit se redéployer pour mieux répondre aux besoins d Ses établissements

ne sont pas suffisamment présents dans les zones à la démographie dynamique.

d L’adaptation du maillage territorial aux demandes des familles se heurte à des obstacles financiers, fonciers mais aussi à la difficulté d’obtenir de l’État des postes d’enseignants.

Rentrée après rentrée, c’est le même constat : faute de places dis-ponibles, l’enseignement catholique se voit contraint de refuser 30 000 à 40 000 demandes d’inscription. Un chiffre à manipuler avec pru-dence, car une même famille peut avoir reçu des réponses négatives de la part de plusieurs écoles, avant, le cas échéant, de voir son enfant accepté dans un établissement voi-sin. Cette statistique, surtout, cache une réalité très contrastée.

Depuis cinq ou six ans, l’ensei-gnement catholique gagne des élèves dans le secondaire, mais en perd dans le premier degré. « En cause, notamment : la mauvaise localisation de nombreux établisse-ments, souvent implantés au cœur des villes, alors que les jeunes familles s’installent plutôt à l’extérieur. Or, en primaire, le choix d’une école est dicté avant tout par la proximité », commente Yann Diraison, directeur général de l’enseignement catho-lique, chargé des ressources hu-maines.

En réalité, l’enseignement catho-lique est mieux armé dans certaines régions que dans d’autres pour ré-pondre à cette demande éducative croissante dans des zones rurales rattrapées par l’étalement urbain : « Soit, pour des raisons historiques, comme en Bretagne ou dans les Pays de la Loire, nous possédons déjà sur place des établissements. Soit nous y sommes peu présents et, dans ce cas, nous ne pouvons guère tirer profit de l’afflux de population », analyse-t-il. Un autre facteur contri-bue à l’érosion enregistrée par les écoles primaires privées : « Les frais de cantine y sont plus élevés – parfois de 2 ou 3 € par repas – que dans le public, où de nombreuses munici-palités subventionnent la restaura-tion collective », souligne Yann Di-raison.

Les disparités géographiques, elles aussi, sont fortes. Il est fréquent de refuser des demandes d’inscrip-tion dans certains territoires,

comme la région parisienne, l’arc méditerranéen, Bordeaux et ses environs, ainsi que dans une partie des Pays de la Loire. De même, plu-sieurs académies qui, à l’instar de celles de Rennes, Limoges et Be-sançon, perdaient des effectifs de-puis des années, recommencent à en gagner. À l’inverse, dans d’autres régions, l’enseignement catholique ne parvient pas à enrayer son déclin.

S’il n’est pas toujours en mesure de répondre à la demande des fa-milles là où elle se manifeste, c’est notamment parce qu’il est tributaire de l’État pour la mise à disposition de professeurs. Contrairement à ce qui se passait jusqu’en 1985, avant que ne s’applique le principe des « crédits limitatifs », il ne suffit plus de manifester le désir d’ouvrir une classe sous contrat pour que les pouvoirs publics mettent automa-tiquement à disposition les moyens d’enseignement nécessaires. Et les démarches d’ouverture de classe ont donc plus ou moins de chances d’aboutir selon que le gouvernement supprime ou crée de nouveaux postes dans l’éducation nationale, les suppressions ou créations de postes étant réparties, depuis les accords Lang-Cloupet de 1992, se-lon la règle du 80-20 (80 % pour le public, 20 % pour le privé – ce qui correspond, peu ou prou, à la ré-partition des effectifs d’élèves).

Pour s’adapter à cette contrainte, l’enseignement catholique redéploie des postes depuis les académies qui perdent des élèves vers celles qui en gagnent. « Mais les enseignants ne sont pas des pions. Il nous faut donc attendre qu’un professeur parte à la retraite pour réaffecter son poste dans une autre région », explique Yann Diraison. « Il ne faut pas non plus, en taillant dans leurs effectifs, accélérer le déclin de nos établisse-ments déjà en difficulté. Et cette stratégie du redéploiement est d’au-tant plus difficile à mettre en œuvre lorsque, comme c’était le cas ces der-nières années, l’enseignement catho-lique dans son ensemble doit faire

face à des suppressions de postes décidées par le gouvernement », poursuit le responsable des res-sources humaines.

Plutôt que d’attendre passivement d’hypothétiques moyens supplé-mentaires, certains établissements sous contrat font le choix d’ouvrir

des classes hors contrat. C’est le cas dans le Vaucluse, à La Tour-d’Aigues, où l’école Notre-Dame ouvrira l’an-née prochaine une seconde classe de CM2 pour pouvoir scolariser les 50 élèves inscrits. « Cette classe ne fera donc pas l’objet de financements publics, note Thierry Aillet, le direc-

teur diocésain. Les frais de scolarité ne seront pas revus à la hausse pour autant. En revanche, l’organisme de gestion va devoir supporter une aug-mentation de la masse salariale à hauteur de 25 000 € pour l’année à venir », détaille-t-il.

D’ailleurs, cette école ne

« Ma mère avait été avant moi directrice d’une école privée. Mais ça n’est pas par tradition familiale que j’ai marché dans ses pas ! C’est après mes stages, dans le public et le privé, que j’ai déterminé mon choix, voilà dix ans. Dans l’enseignement catholique, je me sens investie d’une mission particulière. Au-delà de la simple transmission des savoirs, je me dois d’accompagner chaque enfant dans son épanouissement. En âme, en corps et en esprit. Comme un guide. Particulièrement avec des élèves qui ne sont pas dans la norme, précoces ou souffrant de « dys » (NDLR : dyslexie et

troubles semblables affectant l’apprentissage). Pour y parvenir, j’apprécie de m’appuyer sur une équipe. Au sein de l’école et main dans la main avec la direction diocésaine, nous trouvons des solutions, en ajustant les apprentissages en fonction du parcours de chacun. Une démarche collective, à l’image de ce que nous essayons de vivre dans l’école, une véritable communauté rassemblant le personnel et les parents, qui attendent de nous, surtout en zone rurale, que nous accompagnions leurs enfants dans leur développement personnel. Tous ensemble ! »

RECUEilli PAR BÉNÉVENT TOSSERI

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L’enseignement catholique est mieux armé dans certaines régions que dans d’autres pour répondre à cette demande éducative croissante.

Enseignement catholique (5/10)

Céline HugonProfesseur et directrice de l’école Jeanne-d’Arc à Lentilly (Rhône)

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23vendredi 7 juin 2013

Un rôle à jouer dans l’aménagement du territoire d Dans le Val-d’Oise, sollicité à

Argenteuil, Jouy-le-Moutier ou Louvres, où il a ouvert un lycée international, l’enseignement catholique ne peut répondre à toutes les demandes des élus locaux désireux d’élargir leur offre.

À Argenteuil (Val-d’Oise), la population ne cesse de s’accroître. L’arrivée récente du tramway et l’implantation d’entreprises conduisent de plus en plus de salariés à venir s’établir, avec leur famille, dans les quartiers pavillonnaires. Même des habitants des communes plus huppées mais toutes proches des Hauts-de-Seine franchissent la Seine et « s’agrandissent » à Argenteuil. Une nouvelle population dont la mairie souhaite accompagner les besoins… Deux projets

d’ampleur ont ainsi été lancés en partenariat avec l’enseignement catholique : le double-ment du collège Sainte-Geneviève, accom-pagné de la construction d’un lycée, et le déménagement de l’école Notre-Dame. Dans les deux cas, l’opération a pu se réaliser « grâce aux bonnes relations entretenues par l’école avec les collectivités locales », via un échange ou une cession de terrain. « On fait une ville pour tous », avait résumé le maire (PS) Philippe Doucet, fin 2012, lors d’un conseil municipal mouvementé, après avoir rappelé à certains de ses élus que « des per-sonnes quittent la ville » parce qu’elles ne trouvent pas l’offre d’enseignement qu’elles recherchent.

« Pour les élus, élargir leur offre de forma-tion participe à l’aménagement du territoire », appuie Maurice Girona, directeur diocésain de l’enseignement catholique dans le Val-d’Oise, et donc res-ponsable de ses 32 ensembles scolaires (18 sous tutelle dio-césaine et 14 sous tutelle congréga-niste) accueillant plus de 20 000 élèves. À Jouy-le-Moutier, en lien avec la muni-cipalité UMP, un ly-cée professionnel a été inauguré tout récem-ment, en relation avec le collège-lycée Notre-Dame de la Compassion de Pontoise.

À Louvres, surtout, c’est tout un ensemble scolaire, l’Institut Paul-Ricœur, à forte di-mension internationale, qui a été créé à la demande de l’établissement public d’amé-nagement de la Plaine-de-France. Pour transformer de fond en comble cette vaste zone allant du nord de Paris jusqu’à l’aéro-port de Roissy, celui-ci avait identifié « trois leviers de changement : les transports, la culture et l’enseignement ». Ainsi, à Paul-Ricœur, l’enseignement des langues est pleinement intégré dans les cours dès la maternelle et les enseignants sont tous bi-lingues… Une manière de répondre aux besoins « des personnels français et étrangers

des entreprises internationales implantées dans la zone aéroportuaire de Roissy », pré-cise l’établissement sur son site Internet.

Dans toutes ces villes en plein dévelop-pement, dans lesquelles les élus souhaitent attirer ou maintenir une population de cadres avec leurs familles, la présence d’un ensei-gnement privé, complémentaire des éta-blissements publics, est un argument de poids. « Le maire de Sarcelles a coutume de dire que l’enseignement catholique contribue à stabiliser la population, même pour ceux qui n’y mettent pas leurs enfants », raconte Maurice Girona. « L’accent mis pendant des années sur la mixité sociale, y compris avec la création de huit bus pour la scolarisation des enfants de la communauté des gens du voyage, nous rend aussi crédibles dans ce domaine, précise-t-il. Si nous sommes ap-pelés à Argenteuil par la municipalité PS et

PC, c’est parce que nous avons montré que nous étions ca-pables d’accueillir une population à la fois fragile et aisée. »

Mais ces ouvertures ou agrandissements d’établissements ne seraient pas possibles sans le soutien du se-

crétariat général de l’enseignement catho-lique, qui participe lui aussi à cet effort d’accompagnement des zones en forte crois-sance. « L’appui du national consiste à faire des réserves de postes pour les régions dans lesquelles les effectifs repartent à la hausse », explique le directeur diocésain. Paradoxa-lement l’une des plus déficitaires de France en termes d’encadrement par élève, l’aca-démie de Versailles bénéficie ainsi depuis quelques années d’un rééquilibrage. « Mais compte tenu de la contrainte budgétaire glo-bale, ces redéploiements sont très, très com-pliqués », reconnaît Maurice Girona.

ANNE-BÉNÉdIcTE HOFFNER

LUNDI : Une école libre d’innover

À Louvres, c’est tout un ensemble scolaire, à forte dimension internationale, qui a été créé à la demande de l’établissement public d’aménagement de la Plaine-de-France.

perçoit pas de forfait com-munal pour la scolarité de la plupart de ses élèves, car ils résident sur une autre commune, à Pertuis, à une dizaine de kilomètres de là. « C’est, avec la volonté d’offrir de meilleures conditions d’accueil, l’une des raisons qui conduiront dans les prochaines années ce groupe scolaire à quitter la Tour-d’Aigues pour s’ins-taller dans la ville voisine », confie Thierry Aillet. Dans son diocèse, d’autres projets de délocalisation ont vu le jour, notamment à Avi-gnon, où le groupe Louis Vasseur s’implantera extra-muros plutôt que de s’engager dans une très coûteuse mise aux normes de ses bâtiments, qui seront revendus.

Changer d’implantation permet p a r f o i s à u n é t ab l i s s e m e nt jusqu’alors sur le déclin de se re-mettre en adéquation avec la de-mande d’éducation. Du point de vue de l’enseignement catholique, cette solution est préférable à l’ou-verture de nouvelles écoles, en par-tant de zéro, car celles-ci doivent fonctionner pendant cinq ans sans financement public (un an dans les zones d’urbanisation nouvelle), avant de pouvoir solliciter un contrat d’association. « Cette stra-tégie s’est avérée payante pour le collège Les Louez Dieu qui, en quit-tant Arras pour sa périphérie, a trouvé un vrai dynamisme », observe Philippe Mignot, vice-président du SNCEEL, syndicat de chefs d’éta-blissement. Mais dans le Nord-Pas-de-Calais, notamment en Flandre et sur la côte, beaucoup d’établis-sements souffrent de leur implan-tation dans des zones démographi-quement peu dynamiques, de surcroît durement touchées par la désindustrialisation. « La solution est alors souvent une fusion ou une mise en commun des services admi-nistratifs et techniques. Même s’il ne faut guère en attendre de miracle », poursuit ce syndicaliste.

Se délocaliser suppose des moyens financiers et/ou des res-sources foncières. « Certains diocèses ont créé une caisse de solidarité im-mobilière sur la base d’une cotisation de 2 ou 3 € par élève. Cela permet parfois de soutenir les projets d’un groupe scolaire, de lui apporter par exemple une caution pour un prêt », indique Yann Diraison. Nécessaires, ces initiatives demeurent cependant insuffisantes. C’est pourquoi l’en-seignement a créé, en 2010, la Fon-dation Saint-Matthieu, qui offre une assistance et une mutualisation des moyens pour des projets de réno-vation, de création d’antennes ou de délocalisation d’établissements. Son ambition : « Collecter de façon récurrente 10 millions d’euros pour cofinancer 100 millions d’euros de travaux par an. »

dENIS PEIRON

repèresLes évoLUtIoNs D’effectIfs DaNs L’eNseIgNemeNt cathoLIqUe

P 30 000 à 40 000 demandes sont refusées chaque année dans l’enseignement privé.

P dans certains diocèses, comme celui d’Avignon, 80 % des établissements ont clos dès l’automne leurs inscriptions pour la rentrée suivante.

P L’an dernier, les effectifs globaux de l’enseignement catholique ont augmenté

de 12 000 élèves, enseignement agricole inclus. l’année précédente, la hausse avait été de 9 600 élèves. Sur cinq ans, le nombre d’élèves a progressé de 25 000.

P L’augmentation des effectifs se situe majoritairement au collège, qui gagne 6 000 élèves à la rentrée 2012 par rapport à 2011.

P Parmi les académies qui ont gagné des élèves en 2012, Aix-Marseille (+ 1,6 %),Besançon (+ 2 %), la Corse (+ 3,1 %), limoges (+ 1,4 %), lyon (+ 1,3 %) et Versailles (+ 1,5 %).

P Parmi celles qui en ont perdu, Clermont-Ferrand (– 0,8 %), Dijon (– 0,8 %) et lille (– 1,4 %).

P de 2008 à 2012, les établissements catholiques ont perdu 5 500 emplois d’enseignant, soit près de 4,5 % des emplois affectés par l’État.

P Sur cette période, 762 emplois de professeur ont été retirés à lille, 480 à Rennes et 480 à Nantes. les académies bénéficiaires sont celles de Versailles (+ 79), Paris (+ 53), Nice (+ 44) et Aix-Marseille (+ 23).

La cItatIoNMarie PoussePin Fondatrice de la congrégation des Sœurs dominicaines de la présentation

Ayez beaucoup de vigilance avec les enfants. Tâchez

de vous en faire craindre et aimer tout ensemble. Soyez douces sans lâcheté, fermes sans dureté, graves sans hauteur. Corrigez sans emportement. Ne témoignez pas moins d’amour aux pauvres qu’aux riches. »

deux semaines d’enquêtes et de reportages Enseignement catholique

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26 lundi 10 juin 2013

Une école libre d’innover d Grâce à l’autonomie de ses

établissements, l’enseignement catholique peut proposer des solutions originales pour répondre aux défis du décrochage, de l’intégration de tous ou encore du numérique. d Il s’inscrit ainsi dans une

longue tradition d’innovations, portées par les congrégations religieuses et modelées par les publics qu’elles ont accueillis. d Mais l’institution éprouve

parfois du mal à diffuser et pérenniser ces initiatives.

C’est un concept pédagogique aux airs de slogan marketing : «  L’évaluation par contrat de confiance. » Mais dans cet établis-sement de la campagne gersoise, c’est une belle revanche prise sur le décrochage scolaire. « On est parti du constat qu’une mauvaise note pouvait déstabiliser un élève et le décourager, raconte Sylvie Débat, du collège La Salle-Saint-Chris-tophe, à Masseube. S’il n’a pas com-pris la question et qu’il est sanc-tionné, il peut avoir un sentiment de trahison. » Pour rétablir la confiance et éviter le décrochage, le collège a donc mis en place, chaque semaine, une heure de ré-vision sur des notions précises qui constituent, systématiquement, les deux tiers de l’évaluation suivante.

« Les élèves savent que s’ils tra-vaillent bien, ils assurent les deux tiers de la note. Ils sont moins stres-sés, ils comprennent mieux leurs erreurs et leurs points faibles. Ils sont plus motivés. » Les heures de révi-sion sont, en outre, encadrées par des éducateurs. Ce qui permet aux élèves d’établir une autre relation, moins académique, avec des adultes. « Et ça mobilise l’ensemble de l’équipe pédagogique », conclut Sylvie Débat.

Son établissement a pour devise « Une autre vision de l’éducation » et incarne, selon elle, l’innovation pédagogique, version enseignement catholique : un établissement au-tonome, une équipe à l’initiative, des méthodes originales et l’adhé-sion de tous au projet. Une « autre vision » partagée aussi par le jeune établissement breton de Notre-Dame-La Blanche, dans le Morbi-han. Dans ce collège ouvert en 2005, une équipe d’enseignants motivés a décidé de supprimer complète-ment les notes des élèves de sixième

et cinquième pour ne plus les éva-luer que par compétences « non acquises », « en cours d’acquisi-tion », « acquises » ou « parfaitement acquises ». « Le risque, avec les notes, est de bloquer les élèves et de braquer les parents, explique Thérèse Mer-cier, l’une des initiatrices du projet. L’évaluation par compétences permet à la fois de sortir de la logique de l’évaluation-sanction et de mieux comprendre là où l’élève doit pro-gresser. Cela nous a demandé à tous, élèves, profs, parents, de repenser l’enseignement. C’est un travail de fond. »

Ces initiatives s’inscrivent dans une longue tradition de recherches et d’innovations. Première d’entre elles : la classe, tout simplement. Une « innovation » fondamentale qui date du début du XVIIIe siècle, quand l’État ne se préoccupait pas encore d’instruction. « À l’époque, les élèves étaient regroupés sans dis-tinction de niveaux et faisaient cha-cun des exercices particuliers, le maître s’occupant tour à tour de chacun d’entre eux, explique Bruno Poucet, chercheur en sciences de l’éducation (1). Les jésuites pour le secondaire, puis Jean-Baptiste de la Salle pour le primaire, ont mis au point la méthode simultanée, qui réunit les enfants par niveau et les soumet, en même temps, aux mêmes notions et exercices. » Une révolution dont les enseignements public et privé se sont emparés, au début du XIXe, lorsque le ministre Guizot l’a imposée à tous.

Au fil du temps, les congrégations ont chacune établi leur identité et pédagogies propres : les Frères des Écoles chrétiennes, fondés par Jean-Baptiste de La Salle, tournés vers l’intégration du plus grand nombre ; les jésuites, dont les visées sont plus élitistes ; les ursulines, première congrégation religieuse à s’occuper de l’éducation des filles. « Le foison-nement des congrégations a créé une émulation positive, analyse Jean

Houssaye, professeur en sciences de l’éducation, et on ne peut nier qu’il y ait eu, dans l’histoire de l’en-seignement catholique, une forte réflexion pédagogique. Mais c’est aussi parce qu’il a longtemps été le seul à s’occuper d’éducation ! Je ne

suis pas sûr qu’il y ait, aujourd’hui encore, une spécificité de l’enseigne-ment catholique en matière d’inno-vation. »

Dans les années 1960, l’enseigne-ment catholique a bien défini le concept de la « communauté édu-

cative », qui mobilise l’ensemble des personnels et la famille autour de l’intérêt de l’enfant. Et plus ré-cemment, des centaines d’établis-sements ont testé les cours de qua-rante-cinq minutes ou les journées raccourcies, bien avant que

« J’ai eu la chance d’avoir été une très mauvaise élève. L’école classique ne me correspondait pas ! En tant que chef d’établissement, j’ai voulu faire en sorte que les élèves soient heureux, comme le personnel du collège. Les accompagner au-delà de ce qu’ils pensent être capables de réaliser. J’ai eu les moyens de cette ambition. Le collège Saint-Louis est un établissement sous tutelle jésuite qui me pousse à la créativité. L’important n’est plus aujourd’hui l’accumulation de connaissances, mais notre capacité à les traiter. L’enfant est acteur de son apprentissage. Élève, c’est un métier qui s’apprend ! Dès la sixième, chaque enfant y consacre trois heures par semaine. La première consiste à se demander

comment on se situe par rapport aux autres. La deuxième heure, on s’interroge sur l’élève qu’on est aujourd’hui, par rapport à l’élève qu’on était voilà une semaine. Durant la dernière heure, on développe des outils personnels permettant un meilleur apprentissage. Dans le même esprit,nous n’évaluons plus les élèves par des notes, en classes de sixième et de cinquième. Et tout au long de leur scolarité, les jeunes choisissent leurs enseignants (lire La Croi du 14 janvier 2008). Une collégienne m’a confié avoir préféré à d’autres un professeur d’histoire qu’elle n’aimait pourtant pas. Pourquoi ? Parce qu’elle apprenait mieux ! »

rECUEiLLi Par Bénévent tosseri

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Dans ce collège ouvert en 2005, une équipe d’enseignants motivés a décidé de supprimer complètement les notes des élèves de sixième et cinquième.

Enseignement catholique (6/10)

Michèle MasourenokDirectrice du collège saint-Louis de la Guillotière (Lyon)

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27lundi 10 juin 2013

A Brive,l’inventivité pédagogique est une arme contre l’échec d L’ensemble scolaire Edmond-Michelet

de Brive-la-Gaillarde (Corrèze) a misé sur l’innovation pour stopper la baisse des effectifs et permettre à tous de réussir.

Brive-la-GaillardeDe notre envoyée spéciale

Avant 2000, les établissements, aujourd’hui re-groupés dans l’ensemble scolaire Edmond-Miche-let de Brive-la-Gaillarde (Corrèze), étaient confron-tés à une baisse « inquiétante » de leurs effectifs, explique François David, directeur. L’idée fut alors d’innover pour favoriser la réussite de tous et de concevoir des projets capables d’attirer des élèves « pas comme les autres ». C’est ainsi que furent mis en place des cursus personnalisés.

Edmond-Michelet accueille ainsi par exemple aujourd’hui 68 élèves à haut potentiel (HP), venus de toute la France, dont beaucoup étaient en échec scolaire. Ces élèves suivent une scolarité classique, dans des classes hétérogènes, mais bénéfi-cient d’un accompagnement per-sonnalisé. Poser des mots sur leur manière de fonctionner permet aux enseignants de mieux les com-prendre. « Être HP, c’est plus une différence qu’un avantage », ex-plique Danis Bessières, 16 ans, en première S. « Ici, ajoute Tristan Moreau, 15 ans, en première L, les enseignants sont plus investis dans la réussite des élèves et comprennent mieux comment fonctionnent les HP, pourquoi ils ne savent pas orga-niser leurs idées, n’écoutent pas ou ont des sautes d’humeur. »

Une section d’enseignement général et profession-nel adapté (Segpa), tournée vers les métiers de l’es-pace rural, a par ailleurs été ouverte pour les élèves en difficulté d’apprentissage, avec des enseignants volontaires et un accompagnement spécifique pour comprendre l’origine de leurs blocages et mettre en place des stratégies de contournement.

Mais l’innovation va bien au-delà de ces deux pro-jets spécifiques. La souplesse, par exemple, est partout la règle. En maternelle et primaire, les élèves travaillent ainsi chaque année sur une thématique particulière (cette année, les couleurs) pour laquelle toutes les

compétences – y compris en pastorale – sont sollici-tées, et les classes décloisonnées. Autre leitmotiv : la responsabilisation. En primaire par exemple, des élèves de CM2 animent entre 12 heures et 14 heures un atelier de jeux de société pour les plus petits. Le tutorat entre élèves est par ailleurs habituel et des conseils d’élèves existent dès la maternelle.

Chacun des établissements s’appuie aussi sur le périscolaire – théâtre, musique, sport – pour aider les élèves à réussir. « Des élèves en difficulté et en souffrance dans le cursus scolaire traditionnel se révèlent, constate Patricia Deshors, chef d’établissement. On mesure les efforts qu’ils sont capables d’accomplir et on peut s’appuyer dessus pour leur redonner confiance, les rebooster. »

L’ouverture au monde est également perçue comme un enrichissement, une manière de se construire, de « penser » le sens de la vie. Depuis 2006, des confé-rences suivies d’un débat permettent aux élèves, rejoints ensuite par leurs parents et tous ceux qui le

souhaitent, de réfléchir sur des problèmes d’actualité. À la suite d’une conférence de Jean-Marie Petitclerc, toutes les classes se sont impliquées dans un projet de solidarité, une action TVLA (Tourné vers l’autre) selon la terminologie salésienne. Le salon du livre de Brive est également l’occa-

sion de très nombreuses initiatives, comme la Nuit de la lecture proposée aux enfants du primaire.

Aujourd’hui, parce que l’inquiétude liée aux effec-tifs s’est éloignée, et que les résultats sont excellents, l’équipe de direction souhaite se donner le temps d’approfondir le travail accompli. « On a fait beaucoup de choses par intuition, explique Sylvie Pierre, chef d’établissement. Il nous faut maintenant mettre des mots dessus, en redire le sens pour qu’elles puissent être partagées et transmises. » « L’innovation ne passe pas uniquement par des projets, insiste François Da-vid. Elle doit au quotidien se trouver au cœur de la pédagogie, jusque dans l’évaluaiton des compé-tences. »

MArtine De sAUto

DEMAIN : Handicap, l’enseignement catholique fait beaucoup avec peu.

en primaire, des élèves de CM2 animent entre 12 heures et 14 heures un atelier de jeux de société pour les plus petits.

le ministre Vincent Peillon ne lance sa réforme des rythmes scolaires. Mais des innovations com-parables ont aussi été testées dans le public. « Il ne faut pas opposer les deux ni les mettre en concurrence, juge Nicole Priou, ancienne forma-trice dans l’enseignement catholique. Aux côtés du public, l’enseignement catholique doit continuer d’innover, sans se laisser inhiber par le poids des inspections et des programmes. Je crois au contraire que l’autonomie des établissements, le pouvoir d’ini-tiative de leurs directeurs et des équipes laissent une marge de manœuvre qui gagnerait à être da-vantage investie », estime-t-elle.

Le risque, sinon, est de voir l’ensei-gnement catholique se cantonner à des expériences isolées, reposant sur les épaules d’un seul enseignant. C’est un peu le problème de Pascal Bihouée, professeur de physique dans un col-lège de Saint-Brieuc, qui a mis en place seul – bien que soutenu par sa directrice –, une nouvelle méthode d’enseignement. Passionné par le numérique, lieu d’innovation s’il en est, il a développé la « classe inver-sée ». « L’idée est qu’au lieu d’écouter en classe et de faire des exercices à la maison, les élèves découvrent les no-tions chez eux, de façon ludique, grâce à des supports numériques. Puis ils les mettent en pratique lors d’exercices faits en classe, avec mon aide. » L’en-seignant a constitué un corpus de vidéos, jeux et animations en ligne qui « permet d’éveiller l’intérêt des plus récalcitrants ». En classe, les élèves travaillent en groupes, une manière de les stimuler et de les faire participer.

Pascal Bihouée aussi y trouve son compte, débarrassé de son cours magistral, et circulant parmi les élèves, au plus près de leurs difficul-tés. « Il me semble qu’on ne peut plus faire autrement aujourd’hui, tellement les classes, les niveaux et les environ-nements culturels sont hétérogènes, juge l’enseignant. Cela demande beaucoup d’investissement, en dehors des heures de classe, mais au moins j’ai le sentiment du travail bien fait. Mon objectif, désormais, c’est que d’autres, parmi mes collègues, s’em-parent des outils que j’ai mis en place. Là aussi, ça demande de l’énergie ! »

L’institution assure qu’elle y met toute la sienne, se définissant, en présentation de sa convention, les 2 et 3 juin derniers, comme « un labo-ratoire de l’innovation pédagogique qui (…) apporte des réponses origi-nales aux défis éducatifs ». « Une de nos missions est de favoriser l’inno-vation en faisant des appels à projets puis en les soutenant financièrement, explique ainsi Marguerite Barbieux, directrice de l’organisme de forma-tion Formiris, en Île-de-France. Nous essayons de faire en sorte que des ini-

tiatives ponctuelles se structurent, se partagent, se pérennisent. » En exemple, elle cite des collèges de sa région travaillant pour l’intégration des élèves handicapés, la personna-lisation des parcours d’orientation dès la sixième ou le renforcement des relations avec les familles.

Mais plus largement, innover si-gnifie aussi repenser en profondeur le métier d’enseignant, la définition du temps de service, l’organisation du travail. « L’enseignement catho-lique doit porter sa vision du métier, valoriser son savoir-faire et devenir force de proposition, notamment auprès de l’éducation nationale, au moment où celle-ci est en période de “refondation” », estime Nicole Priou. L’ancienne formatrice pense aussi à toutes les initiatives qui pourraient être prises en matière de mixité so-ciale. « Là, l’enseignement catholique peut travailler sur des solutions pé-dagogiques innovantes, basées sur ses valeurs, sa tradition d’accompa-gnement des élèves et ses structures à taille humaine. Car une institution qui n’invente pas se sclérose. »

FLore tHoMAsset

(1) Auteur de l’ouvrage L’Enseignement privé en France, Éd. PUF, 2012.

sur lA-CroIx.CoM : Un reportage vidéo dans une école qui utilise le numérique.

REPÈRESlEs obsErvAtoIrEs DE péDAgogIE

P « reconnaître et valoriser ceux qui essaient, entreprennent, innovent » : telle est la mission des douze « observatoires régionaux de pédagogie » qui se sont créés, depuis dix ans, au sein de l’enseignement catholique. interfaces entre le terrain et l’institution, ils

doivent permettre de « croiser les regards » et de mutualiser les expériences, tout en évitant les lourdeurs de la machine administrative et des directives imposées par le haut.

P Certains ont créé des sites internet qui permettent de rendre compte des réflexions menées dans chaque région. À Lire AUssi sur : http://departementeducation.enseignement-catholique.fr

lA CItAtIoNJean-Baptiste de La saLLe (1651-1719)Fondateur de la congrégation des Frères des Écoles chrétiennes

Avez-vous regardé jusqu’à

présent le salut de vos élèves comme votre propre affaire, pendant tout le temps qu’ils ont été sous votre conduite ? »

L’enseignant a constitué un corpus de vidéos, jeux et animations en ligne qui « permet d’éveiller l’intérêt des plus récalcitrants ».

Deux semaines d’enquêtes et de reportages Enseignement catholique

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26 mardi 11 juin 2013

Handicap, l’enseignement catholique fait beaucoup avec peu d Depuis la loi de 2005

sur le handicap, l’enseignement catholique a multiplié par deux l’accueil des élèves à besoins particuliers dans les collèges et les lycées. d Intégralement à la charge

des familles, l’adaptation des établissements catholiques aux normes d’accessibilité se heurte en revanche à des obstacles financiers. d Les responsables

de l’école catholique demanderont un étalement et une priorisation des travaux à réaliser avant l’organisation prochaine d’un comité interministériel du handicap.

L’enseignement catholique n’a pas attendu la loi de 2005 pour se préoccuper de l’accueil des élèves handicapés. Nombre d’établisse-ments précurseurs avaient déjà expérimenté, avant l’obligation de les scolariser en milieu ordinaire, des manières d’intégrer des enfants autistes ou trisomiques, par exemple. Le texte législatif a toute-fois permis un véritable bond en avant, surtout dans le secondaire, alors que les premiers efforts s’étaient avant tout concentrés dans les petites classes (lire le reportage, ci-contre).

En primaire, l’enseignement ca-tholique dispose de 250 classes pour l’inclusion scolaire (Clis) au sein de ses établissements. Une donnée restée stable ces dernières an-nées. En re-vanche, l’insti-tution propose maintenant 250 unités locali-sées pour l’in-clusion scolaire (Ulis) au collège et au lycée, contre 110 en 2008 (1). « Nous avons plus que doublé nos effectifs, et cela sur nos moyens propres, sur fond de restriction des financements de l’État », se félicite Françoise Maine, chargée des be-soins éducatifs particuliers, fière d’avoir fait mieux que dans le public. À la rentrée 2010, l’école catholique avait connu une hausse de 0,50 % des élèves handicapés dans le pre-mier degré, et de 9 % dans le second degré. En comparaison, les effectifs

avaient chuté de 5,5 % et stagné à + 0,25 % dans le public.

Nombre d’établissements catho-liques permettent une scolarisation du primaire au lycée, ce qui a sans doute facilité l’extension de la prise en charge du handicap dans les classes supérieures. Ce fut le cas notamment à Notre-Dame-des-Missions à Toulon. Avant la loi, les professeurs des petites classes avaient déjà rédigé une charte pour épauler des élèves atteints de dys-lexie sévère. « En 6e, il nous fallait les diriger ailleurs, ce qui a incité les enseignants du secondaire à s’inves-tir à leur tour », se souvient Gilles-Henri Mathon, directeur de l’éta-blissement. Depuis trois ans, une Ulis y a été créée. Ordinateurs à commande vocale, logiciels adaptés, ergothérapie : les nouveaux amé-nagements ont permis aux jeunes en difficulté de prolonger leur pro-gression, avant de s’insérer dans des classes ordinaires. « À présent, ces jeunes entrent en CAP, envisagent d’avoir un métier et de devenir in-dépendants », constate Gilles-Henri Mathon.

Cela n’aurait sans doute pas été possible sans miser sur la formation des personnels. L’an dernier, sur 6 000 enseignants désireux d’acquérir de nouvelles compétences sur la prise en charge du handicap, 4 000 ont suivi des modules spécialisés. Le dispositif est à la carte. « Un profes-seur de mathématiques qui a un élève dyspraxique peut, s’il le souhaite, suivre uniquement les deux paliers

de progression qui concernent ses be-soins  », explique Françoise Maine. Elle reconnaît toute-fois qu’il faudra en-core du temps pour changer des pra-

tiques encore trop souvent conçues pour le plus grand nombre. Lente-ment, la notion de « rampe d’accès pédagogique », développée par les chercheurs en sciences de l’éduca-tion, infuse dans les salles de classe. « Un micro-détail peut faire la diffé-rence, comme un support papier pour un élève qui a besoin de lire, ou une table de travail adaptée. Parfois, il suffit de répéter le cours différem-ment », souligne Française Maine.

Les parents d’élèves, eux aussi, ont retroussé leurs manches. « De-

puis 2005, nous avons proposé des accompagnements spécifiques de familles dans plusieurs départe-ments, mais il faut maintenant aller beaucoup plus loin », exhorte Mar-tine Carré, responsable du service d’information et de conseil aux fa-milles de l’Apel, l’association des parents d’élèves de l’enseignement libre. Selon elle, les préoccupations

qui surgissent dans les Clis et Ulis sont encore trop rarement débat-tues dans le reste de l’établissement. « Il faudrait systématiquement leur réserver une place dans les conseils de parents. Les questions qu’elles soulèvent seraient ainsi l’affaire de tous », poursuit-elle.

C’est le combat de Christian Pi-tiot, père rennais d’un adolescent

de 17 ans, qui souffre d’un handicap neurologique. Pour l’heure, il a réussi à faire valoir les points de vue des parents d’élèves handicapés dans cinq établissements d’Ille-et-Vilaine, où des projets inédits émer-gent, comme la création d’une documentation adaptée pour l’orientation scolaire. « Ailleurs, nous essuyons refus sur refus, au

« Je suis arrivée du Québec il y a trois ans. Nous avons déménagé pour le travail de papa. Mes parents m’ont inscrite dans cette école privée. Pour que l’on fasse plus attention à moi. Parce que l’on vient de loin. Et que j’ai des problèmes de surdité. Une assistante de vie scolaire (AVS) m’aide douze heures par semaine. Surtout pour les maths. Mais j’ai bien progressé ! Je suis maintenant une élève “normale”. Et je n’aurai

plus besoin d’une AVS l’année prochaine. Mais ça n’est pas la seule personne qui m’ait accompagnée. Une maîtresse formée à mon handicap vient m’aider une heure par semaine. Grâce à elle, j’ai pu rencontrer d’autres enfants sourds. Et j’ai une heure d’éducation religieuse par semaine. Je n’en avais pas au Québec. J’aime bien les histoires qu’on y raconte ! »

REcUEilli PAR B. T.

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Lentement, la notion de « rampe d’accès pédagogique » infuse dans les salles de classe.

Enseignement catholique (7/10)

Laurence Siroisélève en CM1 à l’école Sainte-Thérèse (Sainte-Foy-lès-Lyon)

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Page 14: 26 lundi 3 juin 2013 Enseignement catholique (1/10) Pouvoirs … · 2013-07-20 · 26 lundi 3 juin 2013 Pouvoirs publics-école privée, des relations presque apaisées d Les relations

27mardi 11 juin 2013

A Lyon, la différence au cœur du projetdu lycée Don Bosco d L’unité localisée pour l’inclusion

scolaire permet aux élèves d’être scolarisés avec leurs camarades, malgré leur handicap.

Lyon (Rhône)De notre correspondant régional

Émilie travaille d’arrache-pied. La jeune fille prépare son examen d’histoire-géogra-phie. Un exposé sur « la mondialisation de la pizza », murmure de son filet de voix cette élève inscrite en première année de CAP « agent polyvalent de restauration ». En jan-vier, pourtant, Émilie était encore dans l’in-capacité de suivre un tel cursus. « Elle est très inhibée. Rester dans un groupe est très difficile pour elle », confie Anne-Claire Cur-telin, coordinatrice de l’unité localisée pour

l’inclusion scolaire (Ulis), qui accueille 12 élèves souffrant de troubles des fonctions cognitives.

L’Ulis a été installée en 2007 dans des locaux symboliquement situés « au centre de l’éta-blissement, entre le lycée professionnel et le lycée technologique », souligne François Jean-selme, directeur de cet établissement salésien accroché à la colline de Fourvière. Comme pour signifier que « le handicap est au cœur du projet pédagogique ». D’ailleurs, les élèves n’y passent en moyenne que six heures et demie par semaine. Le reste du temps, en fonction de leurs capacités, ils suivent les cours avec leurs camarades, en milieu ordi-naire.

Tout comme eux, ils partent quelques se-maines par an en stage. « J’en ai fait quatre », rapporte Pierre, en plein problème de maths. Mais malgré ses capacités de travail, le jeune homme souffrant de troubles du comporte-ment ne sait pas encore si au terme de sa scola-rité, dans un an, il rejoin-dra un Esat (Établisse-ments ou services d’aide par le travail, ancienne-ment appelés CAT) ou un accueil de jour. Quelle que soit son orientation toutefois, « rien se sera figé », rappelle Anne-Claire Curtelin. Et il sera aidé dans ses démarches futures par les attesta-tions de compétences obtenues au lycée, à défaut de pouvoir valider un diplôme.

Émilie, qui combat sa dyscalculie avec une orthophoniste, aura du mal à décrocher son CAP. Qu’importe. Aux yeux de la coordinatrice, « l’essentiel est que les élèves rejoignent un en-vironnement où ils se sentent bien », après avoir pu « explorer tout ce qu’ils sont capables de faire, en fonction de leur projet personnel », poursuit-elle.

Au contact des autres lycéens, encouragés par des enseignants formés au handicap, ils parviennent à se dépasser. « Sophie travaille énormément, et ne me laisse parfois pas le temps d’avaler un sandwich. Elle veut faire des

exercices, encore des exercices », sourit Lucie Tran, auxiliaire de vie scolaire de cette élève inscrite en CAP, après avoir passé toute sa scolarité au sein d’un institut médico-éduca-tif (IME). « Depuis son entrée à Don Bosco, son temps en IME a été progressivement diminué, rapporte Anne-Claire Curtelin. Jusqu’à être supprimé cette année. »

Pour remplir sa mission, l’établissement met toutes les chances de son côté. « Le pro-cessus de recrutement est moins impersonnel à Don Bosco que dans le public, explique Anne-Claire Curtelin, nous recevons à plusieurs re-prises l’élève et sa famille. » Un vrai atout aux yeux de la coordinatrice, qui accueille ainsi uniquement des adolescents « capables de jongler entre l’Ulis, le lycée, et les structures qui les suivent à l’extérieur ». Un exercice « diffi-cile », reconnaît-elle.

L’établissement ne s’arrête pas là. Une classe expérimentale « pré-CAP » a été créée

il y a quatre ans. Un « fi-let » pour rattraper des jeunes en échec sco-laire, souvent en raison d’un handicap mal dia-gnostiqué. D’autres élèves encore suivent une scolarité parfaite-ment ordinaire. Comme Charlotte, en terminale STS sanitaire et social. Déficiente visuelle, elle a « compris en rencon-trant la directrice » d’un

autre établissement qu’elle n’y serait pas forcément « la bienvenue »… Alors ce fut le privé. « J’avais peur d’arriver dans un lycée super sévère, qui exige de bons résultats, té-moigne la jeune fille qui a fait toute sa sco-larité dans le public. J’ai au contraire ren-contré des professeurs qui encouragent avant tout ceux qui ont des difficultés, poursuit-elle. J’ai pris confiance en moi. » C’est peu dire pour cette excellente élève, qui caracole aujourd’hui en tête de sa classe.

BéNéVENT TOSSERI

DEMAIN : L’enseignement catholique cherche à se défaire de son étiquette élitiste.

« L’essentiel est que les élèves rejoignent un environnement où ils se sentent bien », après avoir pu « explorer tout ce qu’ils sont capables de faire, en fonction de leur projet personnel. »

motif que l’orientation et la pédagogie sont l’affaire des profes-sionnels de l’éducation. C’est dom-mage. En tant que parents, nous avons dépensé beaucoup d’énergie pour admettre, puis comprendre les difficultés de nos enfants, nous pour-rions faire gagner beaucoup de temps à d’autres qui se posent exactement les mêmes questions aujourd’hui. » Jamais Christian Pitiot n’aurait pensé que son enfant irait aussi loin. Son fils, après une section d’ensei-gnement général et professionnel adapté (Segpa), a entamé un CAP « aide à la personne ». « De nom-breux parents retardent ce genre d’orientation, pensant à tort qu’il s’agit d’une voie de garage », té-moigne-t-il.

Reste la délicate question de la mise aux normes des bâtiments. Dans ce domaine, l’enseignement catholique accuse un retard. Contrairement à ce qui se passe dans les établissements publics, qui sont plutôt d’un seul tenant, son parc immobilier est souvent ancien et dispersé, ce qui com-plique les travaux. Selon une ré-cente estimation, il en coûterait 1,6 milliard d’euros pour mettre en conformité l’ensemble des établis-sements, alors que la contribution annuelle des familles pour couvrir l’ensemble des dépenses immobi-lières est de 500 millions d’euros (lire les repères).

Le secrétaire général de la Fédé-ration nationale des organismes de gestion des établissements de l’enseignement catholique (Fno-gec), Jean-Marie Lelièvre entend bien exposer aux autorités cette équation impossible avant la tenue en juin d’un comité interministériel du handicap. Le responsable de-mandera à la fois un étalement et une priorisation des travaux à ef-fectuer. « Rendre l’ensemble des bâtiments accessibles de la même manière n’a pas de sens. Ne serait-il pas raisonnable d’aménager en premier lieu les rez-de-chaussée, alors que l’installation d’ascenseurs représente à elle seule 45 % de la facture ? », interroge-t-il. Ce res-ponsable demandera enfin au gou-vernement d’aligner le niveau de TVA imposée au privé (19,6 %) sur celle qui s’applique au public, le-quel bénéficie de fonds de com-pensation revenant, selon lui, à une quasi-exonération.

JEAN-BAPTISTE FRANÇOIS

(1) Une classe adaptée compte au maximum 12 élèves.

REPÈRESL’AccEssIbILIté DEs étAbLIssEMENts

P Pour se mettre aux normes prévues par la loi de 2005 sur le handicap, l’enseignement catholique doit encore investir 1,6 milliard d’euros, avec de fortes variations de dépenses en fonction des 5 200 organismes de gestion

des établissements (OGEc) présents sur le territoire (1). En effet, 14 % sont totalement en règle ou presque, avec moins de 50 000 € à investir pour répondre aux exigences fixées. En revanche, 13 % d’entre eux doivent encore réaliser des travaux pour un coût compris entre 500 000 et un million d’euros, tandis que 4 % dépassent le million de dépenses nécessaires.

P Les efforts qui restent à fournir fluctuent fortement en fonction du type de travaux encore à réaliser. les circulations intérieures verticales (ascenseurs, rampes, etc.) représentent à elles seules entre 40 et 45 % des sommes à débourser. la mise aux normes des éclairages et des sanitaires représente quant à elle de 20 à 25 % du coût total de la mise aux normes. D’autres aménagements, en revanche, sont moins onéreux.

les cheminements extérieurs, les places de stationnement et les accès ne représentent qu’environ 10 % des dépenses ; les portes, portiques, sas, de 5 à 10 % ; les circulations horizontales (rampes, revêtements de sol, etc.), environ 5 %.

(1) Informations fournies par l’enseignement catholique le 15 janvier 2013 à la sénatrice Claire-Lise Campion, chargée d’une mission parlementaire sur le handicap.

LA cItAtIoNP. Pierre Dabosville (1907-1976) oratorien

L’école est une société de personnes. Cette société peut avoir besoin d’un minimum de contraintes

pour exister comme corps, pour se donner les conditions de son existence. Mais elle ne commence à exister que par l’échange de paroles vraies, dans le respect mutuel, dans l’amitié (…). Il n’y a pas d’école si les maîtres n’acceptent pas d’être jugés comme ils jugent. Il n’y a plus de père, ni de fils, si le fils ne peut devenir l’égal du père. »

Il en coûterait 1,6 milliard d’euros pour mettre en conformité l’ensemble des établissements.

Deux semaines d’enquêtes et de reportages Enseignement catholique

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26 mercredi 12 juin 2013

Comment se défaired’une étiquette élitiste d Implantation dans

des quartiers favorisés, sélection sociale et scolaire drastique… L’école catholique se voit reprocher une stratégie élitiste. d Elle met cependant en avant

la diversité des situations locales et son travail d’aide aux élèves en difficultés.

Il est bientôt 8 h 15, ce vendredi matin. Des collégiens pressent le pas pour arriver à l’heure à Saint-Germain de Charonne – qui regroupe, dans le 20e arrondissement de Paris, une école et un collège sous tutelle des Frères des Écoles chrétiennes. « Nous accueillons des élèves de toutes origines et de tous niveaux scolaires, explique Hélène Hamelin, la directrice. Je n’or-ganise aucune sélection à l’inscription, dans un quartier où la mixité sociale est encore une réalité. »

Quand on lui demande si l’ensei-gnement catholique n’est pas trop élitiste en France, Hélène Hamelin bondit. « Ce sont des idées reçues. Derrière quelques établissements très réputés et très en vue, dans certains quartiers ou certaines villes, se cache une réalité autrement plus diverse. » Sur le papier, pourtant, les chiffres sont têtus, avec une surreprésentation dans l’enseignement privé des couches sociales favorisées (lire les Repères).

« Il y a incontestablement un désé-quilibre (…) qui tient à l’histoire, à la géographie et à la sociologie », ex-plique le professeur des sciences de l’éducation Bruno Poucet. Les éta-blissements catholiques, historique-ment, se sont implantés dans les centres-villes « où les niveaux sociaux sont actuellement plus élevés ». Pour ce chercheur, « les établissements pu-blics participent aussi à un “entre-soi social”, mais dans une mesure nette-ment moindre, sauf dans une ville comme Paris où les établissements des “beaux quartiers” sont aussi ségréga-tifs. »

Nombre d’établissements catho-liques, en tout cas, jouent la carte de l’ouverture. « La mixité sociale a toujours figuré dans notre projet », souligne Bernard Lassablière, di-recteur du lycée technique Le Ma-rais Sainte-Thérèse, à Saint-Étienne, sous tutelle jésuite. Implanté depuis un siècle dans un ancien quartier industriel, il accueille aussi bien des élèves des barres de HLM du quar-tier voisin, que des jeunes de mi-lieux plus favorisés.

« D’une part, explique Bernard Lassablière, nous tenons à mainte-nir, voire étendre, le nombre de nos formations de niveau CAP, car elles permettent à une population en dif-ficulté d’obtenir une qualification plutôt que de décrocher. D’autre part, nos filières en prothèses dentaires et en optique-lunetterie attirent aussi des élèves de milieux plus aisés. » En formation professionnelle pour adultes, le lycée accueille également des personnes placées sous main de justice et des réfugiés politiques.

Laurence Lévêque, directrice du collège Saint-Gabriel, à Tourcoing, revendique pour sa part une quête d’élitisme… en matière de pédago-gie pour ses 300 collégiens, dont 70 % viennent de milieux défavori-sés. « Notre pédagogie fondée sur des projets (“patrimoine”, “artis-tique”…) leur donne accès au savoir, à la culture et à la citoyenneté, dé-crit-elle. Nous essayons d’ouvrir des portes réputées cadenassées. Récem-ment, nous avons proposé des cours de golf, nos élèves n’en revenaient pas. Nous voulons les valoriser, les responsabiliser aussi. » Résultat : un taux de réussite au brevet qui est passé en quelques années de 70 % à 80 %.

« Dans la lutte contre l’échec sco-laire, le privé catholique a des atouts », reconnaît Claude Lelièvre, historien de l’éducation. Des atouts fondés sur une plus grande liberté pédagogique, mais aussi sur la pos-sibilité donnée au chef d’établisse-ment de choisir ses enseignants.

Il existe, certes, des lycées catho-liques qui pratiquent une sélection sociale de leurs élèves et s’arran-gent, en plus, pour ne conserver que les meilleurs éléments afin d’approcher 100 % de réussite au bac. Mais le palmarès annuel des lycées établi par l’éducation natio-nale « accorde une prime à l’ensei-gnement catholique en matière

d’accompagnement des jeunes », souligne le sociologue François Dubet. Ce classement recense les établissements montrant une grande capacité à amener au bac des élèves qui avaient peu de pro-babilités, statistiquement, de le

décrocher. « Or il s’avère que la moi-tié sont privés », insiste-t-il.

Des travaux ont conclu que « des fils d’ouvrier ayant fait entièrement leur scolarité dans le privé réussissent mieux que des fils d’ouvrier l’ayant intégralement suivie dans le public »,

explique le sociologue Gabriel Lan-goüet, un des auteurs. « Les parents, surtout de milieu populaire, qui choisissent le privé sont davantage attachés à l’éducation – et donc plus impliqués pour leur enfant – que des parents du même milieu qui

« À mon arrivée en France, il y a un an et demi, je parlais mal le français, que je ne pratiquais plus depuis mon enfance. Je m’exprimais en kinyarwanda. Et j’étais seule. Comme beaucoup des élèves que j’ai retrouvés trois mois plus tard dans ma classe, accueillant des élèves nouvellement arrivés en France. Peu à peu, mon français est revenu. Et j’ai pu suivre certains cours. Dont les maths ! Les autres élèves venaient souvent me demander conseil, et cela facilitait mes échanges avec eux. J’étais douée dans cette matière au Rwanda, où j’étais déjà scolarisée dans un collège catholique – ce qui m’a aidée à prendre mes repères ici. À la rentrée, j’ai intégré une troisième générale. Au départ,

mes professeurs ont, en me notant, pris en compte mes difficultés. Cela m’a encouragée. Aujourd’hui je suis évaluée comme les autres. Et j’ai passé un examen de plus, pour obtenir le diplôme d’études en langue française. Mais je n’aurai pas les moyens financiers de suivre des études supérieures. J’ai donc décidé de préparer un bac gestion-administration. Dans un lycée professionnel privé, parce que l’on y est moins nombreux et que j’y ai rencontré des enseignants qui accordent des heures supplémentaires aux élèves maîtrisant mal le français. Même si je me suis déjà bien améliorée ! »

RECuEiLLi PAR BÉNÉVENT TOSSERI

(1) Le prénom a été modifié.

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« Nous tenons à maintenir, voire étendre, le nombre de nos formations de niveau CAP, car elles permettent à une population en difficulté d’obtenir une qualification plutôt que de décrocher. »

Enseignement catholique (8/10)

Ornella (1)Élève en troisième au collège Mère Teresa (Villeurbanne)

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27mercredi 12 juin 2013

A Marseille, Tour-Sainte emmène ses élèves le plus loin possible d Présenté récemment par le ministère

de l’éducation, le palmarès des lycées a distingué cet établissement catholique des quartiers Nord pour sa capacité à faire progresser ses élèves.

marseilleDe notre envoyé spécial

C’est peu dire qu’ils ne s’y attendaient pas. En-seignants comme élèves sont restés bouche bée en découvrant le nom de leur établissement tout en haut du palmarès des lycées, présenté en mars dernier par le ministère de l’éducation. Si Tour-Sainte y apparaît comme le « meilleur » établisse-ment de France, ce n’est pas en raison de son taux de réussite au baccalauréat – 75 %, soit quasiment dix points de moins que la moyenne nationale –, mais pour sa « plus-value », sa capacité à faire pro-gresser les jeunes qu’il accueille, y compris les plus faibles. Le pourcentage d’élèves qui décrochent le bac est ainsi supérieur de 20 % à celui « attendu », en fonction de leurs caractéristiques sociales (les effectifs sont composés pour moitié de boursiers) et scolaires.

Perché sur les hauteurs de Sainte-Marthe, ce groupe scolaire jouit d’une vue panoramique sur la rade de Marseille et, de façon plus immédiate, sur ces fameux quartiers Nord, de sombre réputa-tion, qui s’étirent à ses pieds et lui adressent l’es-sentiel de ses 760 élèves, de la maternelle à la ter-minale. « Quand ils arrivent, ces enfants ne sont pas moins doués que les autres », observe Marie-Pierre Chabar-tier, la directrice. « Mais, dans bien des cas, leurs familles ne possèdent pas les codes de l’école. Ils ne savent pas tra-vailler seuls », poursuit-elle.

Pour y remédier, l’établisse-ment ouvre dès 7 h 35, et ne ferme qu’à 18 h 15, de manière à ménager des temps d’études encadrées, matin et soir. En cas de trou dans l’emploi du temps, pas question de paresser dans la cour, et moins encore de s’aventurer à l’extérieur : on fait ses devoirs, on révise, sous la surveillance d’un adulte prêt à aider en cas de besoin. Pas de place non plus pour l’absentéisme. « À chaque cours, l’enseignant fait l’appel, puis un surveillant passe récupérer la feuille de présence. Si jamais quelqu’un sèche, la direction appelle tout de suite ses parents », approuve Sabri, un élève de seconde. « Ici, pas de bavardage ni de violence », assure pour sa part Amira, une de ses camarades de classe. « Tout le monde veut ramener des bonnes notes à la maison pour montrer aux parents qu’ils ne se sacrifient pas pour rien », insiste-t-elle, en évoquant les 90 € mensuels de frais de scolarité. D’ailleurs, s’amuse la jeune fille, beaucoup de parents ont tôt fait d’employer la menace en cas de mauvais résultats : « Soit tu fais des efforts, soit on t’envoie dans l’école du quartier ! »

Cette pression parentale s’exerce aussi sur les personnels. « Ils paient, ils attendent que leurs enfants réussissent », résume Marie-Pierre Chabartier. Avec

un corollaire : une franchise dans les rapports et une immense gratitude quand le succès est au rendez-vous. Mère de trois garçons scolarisés à Tour-Sainte, Atika Adjouri, le visage ceint d’un foulard, n’est pas venue les mains vides répondre à nos questions. Comme elle le fait très souvent, elle arrive avec des fleurs et des gâteaux au miel en guise de remerciement pour l’équipe pédagogique. Dans cet établissement qui accueille 70 % d’élèves musulmans, on accepte chacun tel qu’il est, se réjouit-elle. « On ne s’arrête pas à la couleur de peau ni au prénom, on met en valeur les capacités », vante cette maman, qui, au départ, a choisi cet établis-sement par « peur » du collège public. « J’entendais dire que les élèves y étaient livrés à eux-mêmes », se souvient-elle. « Ici, au contraire, on forme une grande famille », confie son fils Abdel, en première S, et qui vise une carrière d’architecte.

Tous ses copains, loin s’en faut, ne nourrissent pas de telles ambitions. « L’un des enjeux consiste à aider nos jeunes à voir plus loin que l’horizon de leur quartier », glisse ainsi Christine Michetti. Pour les inviter à surmonter leurs inhibitions, cette conseillère principale d’éducation mise notamment sur le témoignage d’anciens de l’école, comme celui d’un jeune chercheur en médecine, réguliè-rement invité à des colloques à l’étranger, et qui récemment est venu en toute simplicité raconter son parcours. Elle sait aussi compter sur l’engage-ment des enseignants, dont une partie acceptent, bénévolement, d’être présents dans l’établissement pendant les vacances scolaires afin d’épauler les

élèves dans leur prépara-tion au baccalauréat.

Tout n’est pas rose pour autant. Cette année, Tour-Sainte a dû exclure trois élèves pour des raisons de discipline. Et si le récent palmarès des lycées a re-donné de la fierté à ses équipes, cet établissement sous tutelle diocésaine doit continuer à se battre contre les préjugés liés à son im-plantation géographique

et au public qu’il accompagne. Sa directrice, qui a longtemps été en poste dans un quartier huppé de Marseille, doit faire montre d’une grande force de persuasion pour obtenir d’autres établissements catholiques, davantage réputés, d’organiser conjoin-tement des manifestations sportives ou des voyages à Lourdes. Craignant pour leur image, certaines écoles primaires privées du secteur ont même, raconte Marie-Pierre Chabartier, refusé qu’elle vienne présenter aux familles les possibilités d’ins-cription en sixième au collège de Tour-Sainte. Du coup, certains de leurs élèves poursuivront pro-bablement leur scolarité dans un établissement de Gignac, sur les bords de l’étang de Berre, à une vingtaine de kilomètres de là, en faisant matin et soir le trajet en car.

DENIS PEIRON

demain : abattre les cloisons pour formerune communauté éducative.

En cas de trou dans l’emploi du temps, pas question de paresser dans la cour, et moins encore de s’aventurer à l’extérieur : on fait ses devoirs, on révise, sous la surveillance d’un adulte prêt à aider en cas de besoin.

restent dans le public. » Par ailleurs, sous l’effet du « zapping » scolaire, 40 % d’une classe d’âge passe au moins un an par le privé. Preuve que celui-ci n’accueille pas que les élites sociales.

Reste la question financière. Les établissements privés demandent une « contribution familiale » des-tinée notamment à assumer les coûts immobiliers, qui ne sont pas pris en charge par les pouvoirs pu-blics. En pratique, certains tiennent compte des revenus des parents et des enfants à charge. « Aucun élève n’est refusé en raison de difficultés financières familiales », insiste Ma-rie-Claude Tribout, directrice de l’enseignement diocésain de Lille.

À Bordeaux, l’école-collège-lycée Saint-Joseph de Tivoli, sous tutelle jésuite, a défini douze catégories de tarifs. Dans cet établissement réputé pour accueillir les enfants de la haute société bordelaise, « les élèves sont inscrits par ordre d’ar-rivée, sans autre critère », insiste Dominique Gérard, le directeur. Il reconnaît sans peine qu’il existe « une part “d’entre-soi social” de la part de familles favorisées », sans que cela corresponde à une stra-tégie de son établissement. « Il peut y avoir aussi de l’auto-censure chez des personnes modestes qui n’ont pas l’idée d’inscrire leur enfant à Tivoli. En tout cas, nous sommes là pour éduquer et faire grandir les élèves, d’où qu’ils viennent, et à partir du point où ils sont, à la ma-nière ignatienne. Personne ne doit être laissé sur le bord de la route », soutient-il.

L a q u e s t i o n d e l ’é l i t i s m e s’adresse aussi à l’enseignement supérieur qui se défend, tout au-tant, de sélectionner par l’argent. « Nous avons le même taux de bour-siers que dans le public », martèle le P. Pierre Debergé, recteur de l’Institut catholique de Toulouse (ICT) et président de l’Udesca. Le prix d’une année est fonction des ressources parentales et nous at-tribuons, à Toulouse, des bourses internes, ainsi que des subventions pour le déjeuner des étudiants. Les tarifs restent supérieurs au public (2 000 € l’année, au mini-mum, à l’ICT) « car nous devons payer nos professeurs », explique Pierre Debergé.

Pour aller plus loin, certains sug-gèrent de systématiser une solida-rité financière entre les établisse-ments catholiques au niveau national. Car il existe seulement, aujourd’hui, des initiatives locales. Ainsi, décrit Marie-Claude Tribout, « il existe à Tourcoing une mutua-lisation entre écoles des frais d’en-tretien des locaux ». Autre piste : généraliser le système de contri-bution familiale sous conditions de ressources, qui ne concerne que 50  % des établissements au-jourd’hui.

« L’État pourrait par ailleurs ac-corder, suggère Bernard Toule-monde, inspecteur général hono-raire, davantage de moyens au privé qui s’installe dans des zones diffi-ciles, comme il le fait pour le public dans les ZEP. » Même si, recon-naît-il, « l’ouverture d’établissements catholiques dans les banlieues des grandes villes a parfois pour effet indésiré d’attirer à eux les meilleurs élèves de ces zones ».

MARIE DANCER

repèresLes caractéristiques sociaLes de L’enseignement cathoLique

P L’enseignement privé accueille 35,9 % d’enfants de chefs d’entreprise, de cadres et de professions intellectuelles supérieures.

P Dans le public, cette proportion est de 20,5 %. P Les proportions sont exactement les mêmes, mais inversées,

pour ce qui concerne l’accueil des enfants d’ouvriers ou d’inactifs. P La proportion d’enfants boursiers est exactement moitié moindre

dans le privé que dans l’enseignement public (13 % versus 27 %).

Il existe « une part d’entre-soi social de la part de familles favorisées ».

La citationbenoît xvi

Dans l’éducation à la foi des jeunes, un devoir important

est confié aussi à l’école catholique : je vous encourage, par conséquent, à poursuivre votre travail qui place au centre l’Évangile comme projet éducatif qui vise à la formation intégrale de la personne humaine. »

Deux semaines d’enquêtes et de reportages Enseignement catholique

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26 jeudi 13 juin 2013

Abattre les cloisons pour formerune communauté éducative d Enseignants et personnels,

éducateurs et parents, tous attelés à la promotion humaine des élèves de lycée général ou professionnel, ont conscience que pour mieux travailler à l’œuvre commune, il faut croiser les compétences.

Pour qu’existe une communauté éducative, laquelle inclut la com-munauté spécifiquement pédago-gique, il faut que chacun se sente solidaire de l’œuvre commune. Dans l’enseignement catholique, cela suppose le désir chevillé au cœur de voir grandir et s’épanouir tous les élèves, sans qu’aucun ne reste à la traîne, tant sur le plan humain que sur le plan scolaire. C’est, par exemple, ce qu’on peut lire dans l’éditorial d’un numéro de L’écho de St-Jo, le journal du groupe scolaire Saint-Joseph-La-Salle d’Auxerre (Yonne), fondé par les Frères des écoles chrétiennes, et qui compte 1 535 élèves, de la maternelle à bac + 4 : « Nous devons aider nos jeunes à trouver les vraies valeurs, spirituelles et humaines, qui feront d’eux des hommes libres, heureux et remplis d’espérance. »

Des grands mots ? Il serait insul-tant de l’insinuer : aucun des acteurs rencontrés ne prétend à la perfec-tion, mais tous témoignent de leur engagement sans faille – et en-semble – auprès des élèves qui leur sont confiés. Sandy Cazier, 30 ans, surveillante au collège Saint-Jean de La Madeleine (Nord), où sont inscrits 600 élèves de la 6e à la 3e, raconte comment elle s’est intégrée dans le projet commun de l’établis-sement : « J’ignorais tout de l’ensei-gnement catholique. J’avais un re-gard très négatif sur le privé. Mais un tel lien entre professeurs et élèves, je n’avais jamais vu ça. J’ai découvert une humanité que je ne connaissais pas. Et on m’a fait confiance : j’avais suivi des études d’histoire de l’art, on m’a confié un rôle dans ce do-maine, coordonner tout ce qui touche à l’art entre les professeurs, en vue du passage du brevet. Ainsi je me suis sentie impliquée dans la vie du collège, on m’a reconnue. Pour moi, faire communauté, c’est former un groupe uni. »

Comment est-ce possible lorsque les métiers au sein d’un même éta-blissement sont si différents, ceux liés à l’enseignement en général mieux considérés que les autres ?

Au collège Saint-Pierre des Essarts (Vendée), pas question de minimi-ser le rôle des gens qui font autre chose qu’enseigner. La preuve est flagrante quand on s’aventure du côté des cuisines où s’active la bri-gade de Christophe Hayreaud, chef cuisinier à la tête d’une équipe de quatre femmes. « Bien sûr, nous sommes impliqués dans le projet éducatif ! Si nous appartenions à une société de restauration extérieure à l’établissement, ce serait différent », estime-t-il.

Brigitte Drapeau, plus spéciale-ment chargée des entrées, affirme : « Nous faisons partie des murs, nous défendons des valeurs, nous connais-sons bien les enfants. Nous aussi, nous contribuons à leur éducation. » Et de raconter comment parfois, « même s’ils sont mignons tout plein, on doit les reprendre au réfectoire, pour qu’ils se parlent entre eux cor-rectement, pour qu’ils ne gaspillent pas la nourriture, pour qu’ils pren-nent conscience que ce n’est pas bien de “piquer” un dessert supplémen-taire ».

Constituer une communauté éducative, c’est aussi faire tomber les cloisons qui risquent de séparer l’enseignement général du profes-sionnel. À l’internat Saint-Joseph d’Ollioules (Var), dit « lycée La Cor-deille », fondé par les Pères maristes et qui rassemble plus de 2 000 élèves, c’est même une priorité. Aussi, tous les enseignants du cycle général ont récemment été invités à passer une journée dans les locaux du lycée professionnel : « Ils étaient stupéfaits de voir à quel niveau de technicité nous parvenons ici », a remarqué Christel Louis, directrice de ce secteur. Elle se félicite par ailleurs de travailler en étroite col-laboration avec les éducateurs du collège chargés de repérer les élèves qui auraient tout avantage à s’orien-ter du côté des « bacs pro », mais aussi avec les enseignants du pri-maire. « Nous tenons beaucoup à cette cohérence entre les cycles afin

d’identifier dès que possible les élèves en difficulté, et faire comprendre aux parents qu’il vaut mieux les accom-pagner sur une voie qui leur soit adaptée », poursuit Christel Louis.

Car les parents aussi font partie de la communauté éducative. L’en-

seignement catholique les considère même comme les premiers concer-nés, dès lors qu’il s’agit du bien de l’enfant. Aussi faut-il « ramer dans le même sens », entend-on souvent. Pas si facile d’ailleurs, surtout à l’âge du lycée, car ce qui est visé en prio-

rité est l’obtention du bac, sans beaucoup plus d’attention au reste. « Pour que les parents comptent vraiment, il faut qu’ils apportent un vrai plus », relève Christine Nicolet, présidente de l’Apel au lycée géné-ral et professionnel Saint-

« J’ai toujours inscrit mes engagements dans une finalité. D’abord auprès d’une organisation d’employeurs, où j’ai travaillé à l’insertion professionnelle des jeunes. Chez ATD Quart Monde, ensuite. Puis comme conseillère d’insertion. Et, depuis trois ans, en tant qu’auxiliaire de vie scolaire (AVS), notamment auprès de jeunes en situation de handicap.J’ai besoin de sens ! À l’heure de prendre mon premier poste d’AVS, j’aurais pu intégrer le public ou le privé. Or, le directeur de l’école primaire privée que j’ai rencontré a insisté sur son projet pédagogique, tandis qu’ailleurs on s’est contenté de me présenter le profil

du poste. Cela a dû influencer mon choix ! J’ai depuis rejoint la classe “pré-CAP” du lycée professionnel Don Bosco. J’y accompagne des jeunes en échec scolaire, la plupart parce qu’ils sont en situation de handicap, sans que celle-ci ait toujours été reconnue. C’est une classe innovante, voulue par l’enseignement catholique, attentive à ne laisser personne au bord de la route. Elle a été créée à partir du constat des enseignants, non pas d’une théorie ! J’y vois l’effet du levain dans la pâte. À nous maintenant de la travailler tous ensemble ! »

RECuEilli PAR BÉNÉVENT TOSSERI

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Au collège Saint-Pierre des Essarts, en Vendée, pas question de minimiser le rôle des gens qui font autre chose qu’enseigner.

Enseignement catholique (9/10)

Monique RodaryAuxiliaire de vie scolaire au lycée professionnel Don Bosco (Lyon)

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27jeudi 13 juin 2013

Le rôle clé du chef d’établissement d Dans l’enseignement catholique,

les directeurs ont pour mission de faire vivre la communauté éducative.

« Avant, dans l’enseignement catholique, le chef d’établissement avait le bénéfice de la soutane », se souvient un vieux professeur de français. Aujourd’hui, l’autorité ne tient plus à l’habit, ni d’ailleurs à un ordre hiérarchique qui serait vite considéré comme arbitraire, mais à la capacité de fédérer des personnes et des univers différents. Or cela n’est possible que si l’intéressé s’emploie quotidiennement à faire vivre la communauté éducative dont il est chargé.

Il n’est d’ailleurs pas un seul membre des établissements visités qui n’ait reconnu le rôle primordial du chef : « L’humanité dont il fait preuve, le talent qu’il a de repérer la pépite en chacun, tout cela m’a aidé à progres-ser », relève par exemple Patrice Laborie, directeur administratif et financier de l’internat Saint-Joseph d’Ollioules (La Cordeille), que dirige Yves Ruellan. Les mé-thodes de ce dernier pour-raient en effet surprendre dans les entreprises clas-siques : « Chaque lundi, je réunis mes directeurs et nous faisons le point de ce qui a réussi. Je consi-dère en outre que tous – syndicats, profession-nels, enseignants – nous sommes porteurs de l’esprit “La Cordeille”. Nous en sommes les héritiers, les responsables, et nous devons en être les visionnaires. »

Nul ne saurait parvenir à cet objectif sans ce qui est essentiel aux yeux de Véronique Esculier, qui dirige le collège Saint-Jean de La Madeleine, en banlieue de Lille : « la confiance et le dialogue ». Il s’agit pour elle de deux mots clés. « Je ne peux pas entendre un élève se dévaluer. Que doit-on faire alors, sinon l’aider à retrouver confiance en lui ? Eh bien, pour les adultes avec lesquels je travaille chaque jour, c’est pareil : tout passe forcément par la qualité relationnelle, l’écoute, le dialo-gue. » Aussi cette petite femme à l’énergie

débordante ne ferme-t-elle que très rarement la porte de son bureau. Et chacun dans l’école sait qu’il peut à tout moment « passer une tête ».

Cette priorité donnée à la qualité de la re-lation humaine ne va parfois pas sans petites révolutions. Lorsqu’il a été nommé directeur du collège Saint-Pierre des Essarts, non loin de La Roche-sur-Yon, il y a sept ans, Benoît Dugast a peut-être un peu bousculé l’ordre établi – et la prééminence des enseignants – en constituant une véritable équipe de res-ponsables de la vie scolaire, qui doivent faire en sorte que tous les moments, hors cours, se passent au mieux : « Nous avons développé les contacts, l’écoute, l’attention à chaque élève. Nous ne sommes plus les “pions”de service », indique le responsable François Brochard. En fait, ils sont considérés comme le person-nel éducatif indispensable à la bonne marche du collège. La plupart des professeurs, au-jourd’hui, leur sont reconnaissants. « Ils don-

nent le la », conclut Benoît Dugast.

Dans le gros établisse-ment que dirige Gabriel A n d r e ï , «   S a i n t - J o   » d’Auxerre, l’esprit d’équipe est bien vivant, notamment grâce au chef. Ici, on l’ap-pelle volontiers par son prénom, il est très présent

auprès de tous et quand il intervient dans les réunions en veillant à ce que tous se soient exprimés, on sent une écoute attentive. « La personnalité du directeur est absolument ca-pitale pour la vitalité d’une communauté comme la nôtre », confie un enseignant qui a connu des périodes moins enthousias-mantes. Pourquoi les gens, ici, sont-ils mo-tivés ? « La plupart des projets viennent de la base », répond Gabriel Andreï. « C’est un prin-cipe simple ! Une école sans projet ne fait que gérer les problèmes. » Cela ne suppose encore une fois rien d’autre que la confiance. Mais une confiance éclairée par ces mots du chef : « L’élève est au centre, l’éducateur est au cœur. »

L. C.

DEMAIN : Une école ouverte sur le monde du travail

« Nous avons développé les contacts, l’écoute, l’attention à chaque élève. Nous ne sommes plus les pions de service. »

Vincent-de-Paul de Nîmes. Elle a mis en place, à titre expéri-mental, au sein de cet établissement qui compte 1 200 élèves, une forma-tion au développement personnel pour aider le jeune à se positionner, à être à l’aise avec lui-même et avec les autres. « Mais c’est du bénévolat et ça demande beaucoup d’énergie », conclut-elle.

Dans un petit établis-sement rural, on peut même affir-mer, comme le fait Sandra Clinard, dont les enfants sont inscrits à l’école primaire Notre-Dame-de-la-Bretanche, à Chécy (Loiret), que « sans bénévolat, l’école ne pourrait pas marcher ». La création d’un yearbook, « journal de l’année », proposée par une équipe de parents de l’Institution Marmoutier de Tours, est l’exemple d’initiative qui construit la communauté éducative, puisqu’elle oblige les familles à connaître tous les événements qui font la vie de l’établissement.

Les enseignants, dont le métier est de transmettre un savoir, sont impliqués, à des degrés divers, dans le projet éducatif global : « Dans un établissement catholique, on peut être plus ou moins croyant ou pra-tiquant, cela n’empêche pas l’atten-tion portée aux élèves, qu’on le fasse au nom du Christ ou par simple conviction personnelle », note Olivier Riant, directeur adjoint chargé du collège au sein du groupe scolaire Saint-Joseph d’Auxerre.

« L’enseignement est même pour moi un prétexte », confie Stefania Ranucci, professeur d’italien à « La Cordeille », passionnée par les pro-jets humanitaires qu’elle y a lancés et qui n’a pas hésité ces jours-ci à partir sur les chemins de Compos-telle avec huit élèves du lycée pro-fessionnel.

Car la communauté éducative tient aussi par le fait qu’elle sait faire preuve de créativité, sinon elle per-drait peu à peu sa motivation. Ar-melle de Fombelle, chargée de la pastorale dans ce même établisse-ment, le sait bien, elle qui invite le plus possible les enseignants à par-

ticiper aux activités qu’elle propose : « Je les mets dans le coup pour la marche de nuit qu’on organise à la Sainte-Baume, lieu de pèlerinage non loin d’ici. Je veux aussi monter

un atelier avec la professeur de philo. Ici, à la pastorale, on accueille le plus largement possible. Mais il ne faut pas hésiter à aller chercher les gens ! » Ne laisser personne sur le bas-côté. Fernanda Gerza, en classe de première à Saint-Joseph d’Auxerre, d’origine mexicaine, qui ne savait pas un mot de français lorsqu’elle est arrivée, connaît sa chance : « Ce sont les professeurs qui m’ont aidée à apprendre la langue et qui m’ont permis de me trouver très vite à niveau », confie-t-elle. Sans doute y a-t-elle pensé quand elle s’est portée volontaire pour un projet humanitaire en Tanzanie, monté par son lycée.

LOUIS DE COURCY

repèresLes vaLeurs que revendique L’enseignement cathoLique

P Accompagner l’élève tout au long de sa scolarité en prenant en compte l’ensemble de sa personne, afin de favoriser au mieux son épanouissement.

P Ouvrir un espace de confiance au sein des établissements entre enseignants, éducateurs, personnels, parents, dans

lequel soit inclus l’élève, sachant que tous les jeunes n’ont pas le même rapport à l’enseignement et qu’il est parfois nécessaire de lancer de nouveaux chemins et parcours pédagogiques.

P Éduquer à un « vivre ensemble » dans un esprit de respect, de solidarité, de justice et de tolérance.

P Éveiller les élèves « à des cultures chrétiennes et autres », les cours de

catéchèse relevant, eux, d’une démarche volontaire, délibérée, soit des parents, soit des enfants.

P Accueillir dans son sein toutes les familles et tous les élèves, sans discrimination financière, ethnique ou religieuse.

P Permettre la collaboration d’enseignants, personnels d’éducation et agents de service pas obligatoirement catholiques

mais qui se sentent totalement impliqués sur le plan professionnel et humain dans la mission éducative de l’établissement et attentifs aux élèves qui leur sont confiés.

P Favoriser la participation des parents aux activités qui contribuent à la bonne marche des établissements et à leur créativité, de sorte qu’ils se sentent engagés auprès de l’ensemble des élèves et non pas seulement auprès de leurs propres enfants.

lA cItAtIoNMgr dupanloup (1802-1878)

Sous les auspices de la religion, la vérité pénètre dans

l’intelligence, non pas comme une sèche théorie qui n’entraîne qu’une sorte d’adhésion passive, mais comme quelque chose de vivant, de substantiel, qui féconde l’esprit et l’élève, et par lui arrive à l’âme tout entière pour la vivifier. »

La communauté éducative tient aussi par le fait qu’elle sait faire preuve de créativité, sinon elle perdrait peu à peu sa motivation.

Deux semaines d’enquêtes et de reportages Enseignement catholique

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22 vendredi 14 juin 2013

Une école ouverte sur le monde du travail d Dans l’enseignement

catholique, la dimension professionnalisante constitue, de longue date, une vraie préoccupation.

d Les formations, pour autant, ne sauraient se limiter à un apprentissage purement technique mais doivent être porteuses de sens.

d Les établissements s’appuient beaucoup sur le réseau des parents pour faire découvrir aux élèves les horizons professionnels les plus variés.

L’école est-elle suffisamment ou-verte sur le monde du travail ? Cette question cruciale, et d’autant plus lancinante que le nombre de chô-meurs vient de dépasser la barre des trois millions, l’enseignement catholique se la pose de longue date. « Même si on n’en fait jamais assez, les cursus que nous proposons pren-nent largement en compte la dimen-sion professionnelle », estime Fer-nand Girard, ex-délégué général et aujourd’hui président du Réseau national d’enseignement supérieur privé (Renasup). « Nous disposons de très nombreux lycées profession-nels et technologiques. Nous misons aussi beaucoup sur l’apprentissage. Ainsi, en Île-de-France, nous comp-tons plus d’apprentis que les univer-sités et les chambres de commerce. De même, à Orléans, nous possédons le plus grand centre de formation des apprentis de toute la région Centre. »

À ce tableau, il convient d’ajouter les établissements agricoles privés, qui, dans certaines régions, sont plus nombreux que ceux du secteur public, de même que les écoles de production, développées notam-ment par les jésuites, et qui propo-sent à des jeunes en difficulté un tiers d’apprentissage scolaire et deux tiers de formation professionnelle.

« Nous sommes présents du CAP jusqu’aux grandes écoles », résume Fernand Girard. Et de préciser que de nombreuses conventions ont été signées pour permettre, par exemple, à des bacheliers profes-sionnels de poursuivre leurs études dans de bonnes conditions au sein de BTS, puis, le cas échéant, de viser un diplôme d’ingénieur. « L’objectif est de renforcer le lien entre nos éta-blissements du secondaire et du su-périeur pour une meilleure conti-nuité, du bac – 3 au bac + 3 », poursuit-il.

Tous les cursus ont en tout cas pour spécificité commune d’être conçus en lien direct avec les projets d’établissement. « Nos formations ne sauraient se résumer à la trans-mission d’une gestuelle profession-nelle, à des apprentissages purement techniques », insiste le président du Renasup. « Chacune d’elles s’inscrit dans un projet d’éducation de l’en-semble de la personne. Il s’agit de donner du sens, de véhiculer une certaine conception du travail, une culture de la responsabilité et de la solidarité, ainsi qu’une réflexion sur l’économie. L’homme n’est pas un instrument pour la production ni un consommateur avisé. Il est une personne en développement. L’éco-nomie doit être à son service, et non l’inverse », plaide Fernand Girard.

Pour transmettre aux élèves le goût de l’initiative et leur faire tou-cher du doigt les réalités du monde du travail, l’enseignement catho-lique possède peut-être un atout supplémentaire par rapport à l’école publique : en gérant eux-mêmes leur budget, ses établissements ac-quièrent « des réflexes et des compé-tences proches de celles de PME », assure Fernand Girard. De même, beaucoup comptent dans leur équipe d’anciens salariés d’entre-prise qui effectuent une seconde carrière en tant qu’enseignants.

« Passer d’un trajet scolaire qui ne relève que de la notation ou de l’in-fluence du milieu social de l’élève pour aborder l’univers professionnel relève d’une démarche éducative et pédagogique voulue, conçue, orga-nisée », fait valoir Fernand Girard. « Dans nos sociétés largement post-industrielles, le monde du travail est souvent abstrait. Aujourd’hui, la planète de l’adolescent est trop cou-pée du sociétal et du social, trop monopolisée par l’univers des mé-dias, des réseaux sociaux ou de son groupe de pairs. L’école doit rappro-cher ces mondes pour donner aux jeunes l’envie de s’insérer dans la

société et d’en devenir les acteurs. »L’ouverture au monde du travail

passe aussi par la signature de pro-jets avec des associations patronales de partenariat, comme le dispositif « classe en entreprise », proposé par l’Union des industries et des métiers de la métallurgie. « Dans le cadre de

l’option “découverte professionnelle”, nos élèves ont conçu l’aménagement d’un hangar de stockage de 150 m2 pour le compte d’une entreprise qui produit des abris de piscine », raconte Luc Favaro, professeur de technolo-gie au collège Notre-Dame-Le-Clos Fleuri, à l’Île-Jourdain (Gers). « Nous

avons effectué une première visite, au cours de laquelle on nous a présenté le projet. Puis nous sommes revenus prendre mesures et photos, en fonction des produits à stocker et des étagères et racks à palettes à disposer. Ensuite, les élèves ont travaillé en classe, sur papier et sur ordinateur, pour

« J’apprécie la taille modeste de mon établissement. La plupart des lycées agricoles sont de grosses machines, avec 30 à 35 élèves par classe. Dans la mienne, c’est le paradis ! Nous sommes seulement 15. Et pas parce qu’il n’y aurait pas suffisamment d’inscrits ! C’est la volonté très claire de notre directeur qui veut privilégier les contacts humains. Dans un autre lycée agricole privé, il avait déjà ouvert une classe supplémentaire, alors même qu’il ne disposait pas des financements extérieurs nécessaires. Entre élèves des trois classes de BTS, nous nous connaissons tous.

Nous avons échangé sur nos parcours et nos projets respectifs. Bien entendu, la taille des classes permet également un meilleur enseignement. Nous avançons à un rythme plus souple, en accélérant si tout le monde suit bien, en prenant le temps des explications si certains élèves en ressentent le besoin. On fait attention à chacun. C’est ce que l’on peut attendre d’un établissement rattaché à l’Église. Mais c’est toujours mieux quand les paroles sont suivies d’actes ! »

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« L’homme n’est pas un instrument pour la production ni un consommateur avisé. Il est une personne en développement. L’économie doit être à son service, et non l’inverse. »

Enseignement catholique (10/10)

Luc BlancÉlève de BTS production végétale à l’institut Sandar (Limonest)

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23vendredi 14 juin 2013

Les mini-entreprises, un apprentissage de l’économie grandeur nature d À Lille, les élèves du groupe Ozanam-Epil

se familiarisent avec le monde du travail en créant de A à Z des entreprises éphémères.

LiLLeDe notre envoyé spécial

« C’est un produit innovant, qui permet, avec un système de sangles et de ventouses, de fixer un appareil multimédia au siège de devant, dans la voiture ou les transports en commun, pour re-garder un film pendant le voyage tout en ayant les mains libres. » Le discours de Paul, élève de première au lycée Frédéric-Ozanam de Lille, est parfaitement rodé. Et pour cause : mise au point avec ses cama-rades, fabriquée au sein de leur établissement puis commercialisée dans leur entourage, cette invention a permis à sa mini-entreprise de remporter, il y a deux ans, un concours régional organisé par l’asso-ciation Entreprendre pour apprendre. Une mini-entreprise ? « Une entreprise presque comme les autres, avec gérant, responsable des finances, responsable administratif, etc., et qui fonctionne le temps d’une année scolaire », explique Paul.

À ses côtés, Alexandre, aujourd’hui en seconde, montre lui aussi avec fierté le produit qui a rem-porté l’an dernier le deuxième prix régional du concours SNCF mobilité, un kit de protection pour selle et poignées en papier biodégradable. Cet ensemble, qui permet de ne pas se tacher les mains ni les vêtements lorsqu’on emprunte un vélo en libre-service, était vendu « un euro l’unité, pour un coût de revient de 0,50 centime »,

précise le jeune homme. « Un temps, il avait été question de faire produire nos kits à grande échelle par une association qui œuvre à la réinsertion des personnes handicapées par le travail. Le res-ponsable d’un grand magasin d’articles de sport était même prêt à les commercialiser dans ses rayons », se félicite-t-il.

Ce travail avait été réalisé pendant les cours, dans le cadre d’un des enseignements optionnels, intitulé « Principes fondamentaux d’économie et de gestion ». Mais, dans ce type de projet, les compétences mobilisées sont encore plus larges : « Sans s’en rendre compte, les membres de la mini-entreprise se familiarisent avec les statis-

tiques en effectuant l’étude de marché, ils perfection-nent leur français en ré-digeant la notice, prati-quent l’anglais en la traduisant », souligne leur professeur, Frédéric Rousselle. « L’idée du pro-duit vient des élèves. Et on part des problèmes qu’ils

rencontrent dans la vie de leur mini-entreprise pour aborder les notions du programme », précise un de ses collègues, Lionel Helin, professeur de sciences de l’ingénieur.

Autre établissement du groupe Ozanam, l’Epil (anciennement École professionnelle des in-dustries lilloises) mise lui aussi depuis plusieurs années sur le concept de mini-entreprise pour donner à ses élèves le goût de l’initiative écono-mique. Ce lycée professionnel sera même re-présenté, début juillet à Paris, lors de la finale du concours Entreprendre pour apprendre, avec un concept original : une fondation alimentée par les bénéfices réalisés par quatre mini-entre-prises de l’établissement, qui ont imaginé et commercialisé notamment des porte-clés à partir de capsule de boisson en métal ou des clips en bois pour refermer les sachets de pains de mie. Nommée Smooth (« douceur », en an-glais), cette fondation a pu offrir, via l’association Les clowns de l’espoir, des coffrets cadeaux avec soin ou massage à des proches de malades en mal de répit. « Nous avons été très touchés par le témoignage d’une de nos camarades, dont le père est gravement malade », confie Morgane, membre de cette « mini ». « Elle nous a expliqué que la société n’était pas assez attentive à ceux qui ac-compagnent quotidiennement les patients… Nous qui abordions notre projet dans une logique de compétition avons finalement profité de cette aventure pour faire passer un message de solida-rité », se réjouit-elle.

D. P.

« Une entreprise presque comme les autres, avec gérant, responsable des finances, responsable administratif et qui fonctionne le temps d’une année scolaire. »

proposer trois agencements différents. Les responsables de l’en-treprise ont retenu l’un d’eux. Ils étaient tellement satisfaits qu’ils nous ont permis de réaliser et d’installer le balisage du hangar », se réjouit-il.

Pour mieux préparer l’insertion future des jeunes sur le marché de l’emploi, les établissements catho-liques s’appuient beaucoup sur les familles, qui donnent de leur temps et de leurs savoirs via l’Association des parents d’élèves de l’enseigne-ment libre. L’Apel a, par exemple, créé, il y a cinq ans, un réseau inti-tulé « École et monde profession-nel », constitué de référents dans les académies, les départements ou les établissements. « Parmi nos ob-jectifs, favoriser le dialogue entre les enseignants et les chefs d’entreprise, qui ne se connaissent pas suffisam-ment », explique Christophe Simon, son coordinateur. « Il s’agit aussi de recenser, dans un but d’essaimage, les initiatives de terrain portées par les parents d’élèves. Et nous adressons des courriers aux familles pour qu’elles nous aident à constituer une base de stages et permettre à des élèves dont les parents ne possèdent pas le “bon” réseau professionnel de découvrir la profession de leur choix », indique-t-il.

Ici et là, des parents viennent parler de leur profession à la faveur de forums organisés par l’Apel. C’est le cas, par exemple, au collège Saint-Julien, au Mans (Sarthe), où une quarantaine de professionnels d’ho-rizons très divers prennent part à ces rencontres programmées tous les deux ans. Dans cet établisse-ment, les collégiens peuvent aussi préparer leur orientation au sein du bureau de documentation et

d’information (BDI), ouvert tous les lundis, mardis et jeudis, durant la pause de midi. Cette année, tous les élèves de 3e et 4e, soit 300 per-sonnes, ont visité le BDI par petits groupes, avec leurs professeurs principaux. Quelque 150 jeunes y sont venus ou revenus de leur propre initiative, y compris des 6e et des 5e.

« Les élèves nous parlent du ou des métiers qui les font rêver, de ceux qui les rebutent », raconte Lucian Les, éducateur qui anime le BDI en par-tenariat avec une équipe de six pa-rents exerçant dans des secteurs très variés (neurologie, maintenance, télécom, professions libérales, etc.). « Dans la mesure où les membres du BDI ne sont pas des professeurs, la discussion est plus libre. Peu à peu, le dialogue aide les jeunes à cerner leurs choix, à affiner leur projet. Gé-néralement, la documentation pré-sente dans nos locaux est suffisante. Mais il arrive aussi que nous soyons amenés à effectuer d’autres recherches, comme lorsqu’un élève nous a confié son souhait de travailler dans la filière nucléaire », raconte Lucian Les.

Ce type d’initiative apparaît indis-pensable, observe Christophe Si-mon : « Lorsqu’on leur demande le métier qu’exercent leurs parents, cer-tains élèves de l’école primaire ne savent même pas répondre », re-marque-t-il.

DENIS PEIRON

repèresPoursuivre des études suPérieures dans des établissements catholiques

P Environ 30 % des élèves qui obtiennent le baccalauréat dans un lycée catholique poursuivent des études dans des établissements d’enseignement supérieur catholiques.

P Il existe en France cinq universités catholiques (paris, angers, Lille, Toulouse et Lyon), qui rassemblent 40 000 étudiants, dont 9 000 étrangers. Ces « Cathos » se préoccupent, elles aussi, de l’entrée de leurs étudiants sur le marché du travail. À angers,

par exemple, 900 professionnels donnent chaque année des cours, notamment au sein de ses onze instituts et quatre écoles associées. Chaque année se déroulent 2 800 à 3 000 stages pour 6 000 étudiants présents sur le campus angevin. L’institut catholique de paris compte, lui, dans son giron des écoles comme l’isit (traduction, interprétariat et management interculturel) ou l’institut supérieur d’électronique de paris.

P La Fesic rassemble 27 grandes écoles d’ingénieurs et de management.

P De nombreux lycées catholiques proposent des BTS, de même que des formations en classes préparatoires aux grandes écoles.

« Aujourd’hui, la planète de l’adolescent est trop coupée du sociétal et du social. »

la citationBienheureux Jean Martin Moyë(1730-1793) Fondateur de la congrégation de la Divine providence

Attachez-vous, comme dit l’Écriture, à remplir le cœur

des enfants. »

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