Dossier Aventure L’homme du desert AlexAndre de … · L’homme du desert AlexAndre de Gouyon...

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L’HOMME ALEXANDRE DE GOUYON MATIGNON DÉSERT D’ATACAMA DÉSERT DU SAHARA DÉSERT DE GOBI ANTARCTIQUE Aventure DOSSIER www.MensHealth.fr 76 MARS 2011

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L’homme du desertAlexAndre de Gouyon MAtiGnon

Désert D’AtAcAmA

Désert Du sAhArA

Désert De Gobi

AntArctique

AventureDossier

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L’homme du desertGobi en 2007, sAhArA en 2008, AtAcAMA en 2009, AntArctique en 2010. AlexAndre de Gouyon MAtiGnon est, à ce jour, le seul FrAnçAis à être venu à bout des 4 deserts, un enseMble de quAtre ultrAMArAthons orGAnisés dAns les plus GrAnds déserts du Monde pAr rAcinG the plAnet. coureur AchArné, cApAble de courir huit heures durAnt dAns le bois de bouloGne à l’entrAîneMent, cet AvocAt de proFession ne souhAite pAs renouveler son exploit MAis se révèle intArissAble sur le sujet.

TexTes : GeorGia Diaz

un brin réservé. veste bleu marine sur chemise blanche, cravate rouge et discrète chevalière à la main gauche.

c’est dans les bureaux cossus d’un grand cabinet d’avocats, installé dans le 16e arrondissement de paris, qu’Alexandre de Gouyon Matignon reçoit. 1,68 m pour 65 kg à cause d’une « ossature un peu forte ». les tempes grisonnantes. difficile d’imaginer que derrière le sobre avocat international, inscrit au barreau de paris depuis 1985, se cache un tenace coureur de l’extrême, ayant notamment couru l’an passé les 24 heures de bâle (suisse), le jungle Marathon (brésil) et le last desert race en Antarctique. une dernière sortie qu’Alexandre de Gouyon Matignon n’est pas près d’oublier car elle lui a permis de faire son entrée dans le cercle très fermé des coureurs étant venus à bout des 4 deserts. un ensemble de quatre

ultramarathons se disputant aux quatre coins du monde, dans les milieux les plus hostiles à l’homme. là où les précipitations annuelles ne dépassent pas les 250 mm. à savoir : les déserts de Gobi (chine), d’Atacama (chili), du sahara (égypte) et l’Antarctique. depuis 2003 (date à laquelle a été organisée la première Marche de Gobi, la toute première étape des 4d), ils sont quatre-vingt-un seulement dans le monde à avoir réalisé cet exploit…

Mens sana…pour le Français, tout a commencé à la lecture d’un article du Time, dans un avion à destination des états-unis. en 2008, les 4d figuraient à la seconde place du classement des dix courses d’endurance les plus difficiles au monde établi par le célèbre magazine américain qui citait également les 24 heures du Mans, le tour de France, le paris-dakar ou le vendée Globe. « Dès le début, j’ai eu

envie de relever le défi et de finir les quatre courses », confie Alexandre de Gouyon Matignon. à l’époque, il est déjà un coureur entraîné, amateur d’ultradistances (supérieures à la distance marathon, 42 km), que ce soit des courses de plus de 100 km ou des courses de plus de 24 heures. le marathon, très peu pour lui ! l’avocat se fixe alors un objectif : « Courir chaque course une fois, à raison d’une course par an », même s’il est physiquement possible d’enchaîner les quatre raids en douze mois. onze participants y sont d’ailleurs parvenus depuis la création des 4d. Alexandre de Gouyon Matignon effectue sa première traversée du désert en 2007. sur la Marche de Gobi. et il profite du déplacement – à sa charge – pour découvrir, avec son fils, la chine et sa capitale. de cette première fois, il garde le souvenir d’un « environnement varié et intéressant » faisant alterner vastes plaines, zones désertiques dures et classiques (parfois même enneigées) ©

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NomAlexandre de Gouyon Matignon

âge53 ans

SituatioNMarié, 3 enfants

taille1,68 m

PoidS65 kg

ProfeSSioNAvocat international

Bio

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et imposantes montagnes… le souvenir aussi d’une sensation de déphasage temporel assez dérangeante car l’intégralité du territoire chinois, bien qu’étant à cheval sur cinq fuseaux horaires, « s’aligne sur Pékin et a une seule et même heure légale »… le souvenir enfin de ces traversées de villages où personne n’avait encore vu d’européen. car Alexandre de Gouyon Matignon

n’envisage pas la course à pied comme un simple exercice physique. en fait, il la conçoit presque comme « une expérience spirituelle » qui lui permet d’aller à la rencontre de nouvelles cultures, de s’évader et de « se perdre dans ses pensées, dans son esprit ». une retraite méditative en mouvement qu’il a expérimentée lors de la course du sahara en 2008, la deuxième de ses 4d. « C’est ce que j’ai trouvé de plus beau… Des dunes à perte de vue, on se serait cru dans le film lawrence d’Arabie. » était-ce le high du coureur, cet état d’ivresse quasi addictif causé par une plus grande sécrétion de dopamine lors d’un effort intense et long ? l’avocat assure que non, affirme qu’il ne l’a même jamais connu et préfère évoquer « un état de semi-conscience » propice à la réflexion. un état qu’il est, selon Alexandre de Gouyon Matignon, plus facile d’atteindre en courant sur du dur. « Sur du mou, l’esprit doit être attentif au terrain et à ses accidents. Sur du dur, le mouvement est plus homogène, plus régulier et moins fatiguant. Il est donc plus facile de s’échapper intellectuellement », explique-t-il.

… in corpore sanol’homme ne laisse rien au hasard et s’est astreint, pour venir à bout des 4d, à un entraînement dur, progressif, d’une rigueur quasi militaire. peut-être parce que c’est à l’armée, lors de sa conscription, qu’il a pris goût à la course à pied. l’an passé, le hasard du calendrier – justement – a voulu qu’il enchaîne le jungle Marathon en octobre et le last desert race en novembre. cette accumulation de kilomètres en moins de deux mois ne l’a pas empêché d’être performant. Mais lui aurait

préféré espacer ses sorties et appliquer son programme d’entraînement habituel. un programme qui débute dix semaines avant l’événement, et au cours duquel il augmente progressivement le nombre de ses sorties hebdomadaires et leur durée. « À la fin du cycle (sur les deux dernières semaines d’entraînement, ndlr), je fais quatre sorties par semaine et l’une d’elle dure 8 heures. » en temps normal, il se contente de deux sorties, d’une et deux heures, par semaine. elles ont toujours lieu au bois de boulogne, autour du lac ou de l’hippodrome. le soir, de préférence. « Je n’aime pas courir le matin », avoue Alexandre de Gouyon Matignon. et toujours seul car « il est très dur de courir avec quelqu’un. C’est une question de rythme. Il arrive toujours un moment où l’un va aller plus vite que l’autre »… à tout cela, s’ajoute une série de pompes quotidiennes. « Mais je ne fais pas de cross training, je ne pratique pas d’autre sport que la course à pied. Le vélo, ce n’est pas pour moi. Quand on fait de la course à pied, on travaille sur certains muscles, et ça ne sert à rien de travailler sur les autres », précise-t-il. et d’enchaîner : « Les gens pensent que l’entraînement, c’est

essentiellement courir. Mais c’est courir et se reposer. Ce sont deux phases aussi importantes l’une que l’autre. Car on casse ses fibres musculaires à l’entraînement pour qu’elles puissent se reconstruire de manière plus forte… » et pour se reposer, il dort. tout simplement. côté alimentation, Alexandre de Gouyon Matignon ingurgite le « même mix de compléments alimentaires depuis vingt-cinq ans ». cinq gélules par jour. de la vitamine c, des sels minéraux, des oligo-éléments, de la vitamine e et du sélénium (« pour leurs propriétés antioxydantes »), de l’huile de foie de morue et de l’huile de foie de saumon. pour lui, prendre de la « complémentation » pour couvrir ses éventuelles carences, quitte à « se taper beaucoup de bouquins pour maîtriser le sujet », est essentiel. tout comme le fait d’être en dessous de son poids d’équilibre. en course, le coureur français opte pour du muesli au petit déjeuner et de la nourriture instantanée « type Bolino » au déjeuner et au dîner. « Je mets du lait en poudre dans tout. Du gras, des sucres et des protéines : c’est l’idéal », confie-t-il. dans son sac à dos, on trouve également quelques barres énergétiques et des boissons isotoniques, riches en sels minéraux et rapidement absorbées par l’organisme.

Dans sonsac

« Quand on cherche la performance, le sac à dos pèse environ 8 kg. C’est le minimum, sinon, on tourne à 12-15 kg. On emporte un équipement classique : un sac de couchage, des vêtements de rechange, des chaussettes, surtout. Elles sont essentielles à notre confort. Puis de la nourriture pour une semaine. Ce sera ou des aliments lyophilisés (un sachet par repas, voire deux pour le dîner) ou des aliments en vrac dans des sacs zippés. Moi, j’opte pour du muesli et des aliments type “Bolino”. Avec du lait en poudre. C’est finalement la nourriture qui pèse le plus lourd. Et pourtant, nous n’avons pas à porter l’eau. Elle nous est fournie le matin et tout au long de la course par les organisateurs. On emporte enfin un kit de survie composé d’un sifflet, un couteau, un miroir, des médicaments (antalgiques et antidiarrhéiques) et selon la zone, un kit antivenin ou une fusée de détresse dans les déserts de sable. »

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J’ai une vision à long terme de la course à pied. Je ne vais pas me défoncer sur une course et m’abîmer, parce que moi, ce que je veux, c’est courir encore longtemps.

Désert Du saharaLe plus vaste désert

chaud du monde (8,5 millions de km2).

Température maximale : 58°C.

Désert De GobiLe désert le plus froid du monde après l’Antarctique (1,3 million de km2). Température minimale : - 43°C.

personne n’avait encore vu d’car Alexandre de Gouyon Matignon

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« Quand on cherche la performance, le sac à dos pèse environ 8 kg. C’est le minimum, sinon, on tourne à

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le ravitaillement en eau est, lui, effectué par l’organisateur de la course lors des différents check points de la journée. Au final, reconnaît Alexandre de Gouyon Matignon, « on prend toujours trop de nourriture, donc on en jette ou on en distribue ».

Trop Dur ?et si courir dans le sable du sahara (2008) lui a semblé « éprouvant, dur physiquement », c’est la traversée de l’Atacama (2009) qu’il considère a posteriori comme la course la plus difficile des 4d. « C’est l’endroit le plus sec au monde, qui reçoit moins de 50 mm de pluie par an (0,8 mm en moyenne par an à Arica, ndlr). Les différences d’altitudes et de températures sont très importantes, les terrains très durs et les monticules de sel traîtres. Au bout de quatre heures de course, on a les malléoles explosées », explique-t-il. « Il y a énormément de casse sur le plan physique. Beaucoup s’abîment sérieusement les pieds. Les abandons sont nombreux : 10 à 25 % des coureurs engagés lâchent. C’est trop dur, trop long, poursuit celui qui n’a jamais renoncé à une seule des quatre épreuves. Moi, j’ai un bon équilibre biomécanique. Je n’ai pas de problème de bassin, aucun problème physique et je n’ai jamais d’ampoule. » ses pieds à toute épreuve sont d’ailleurs quasiment devenus légendaires. dans le portrait consacré au Français sur le site internet de racing the planet, à la rubrique 4 deserts club (où figurent les portraits de tous ceux ayant couru et terminé les 4d depuis leur création), trois lignes sont consacrées à ce « don de Dieu » ! Mais Alexandre de Gouyon Matignon a d’autres secrets pour ne jamais

craquer. à court terme, d’abord. et mentalement. « Je coupe la course en morceaux. C’est la technique la plus utilisée chez les coureurs. S’il s’agit de courir 40 km, je m’imagine courir quatre tronçons de 10 km pour passer plus facilement. S’il s’agit de tenir 100 km, je me dis qu’il y a dix check points à passer… » à long terme, ensuite. et éthiquement. « Je ne vais pas me défoncer sur une course et m’abîmer, parce que moi, ce que je veux, c’est courir encore longtemps. Et ce n’est pas la philosophie de tous les coureurs, explique-t-il, insistant sur sa conception presque morale de l’ultradistance et sur les valeurs qu’il entend respecter. On court pour soi. Le vainqueur ne reçoit aucun prix. C’est un investissement conséquent, c’est vrai. Mais j’ai la chance d’avoir assez d’argent pour me le permettre. » son seul regret ? celui de ne pas croiser plus de Français sur ce genre de courses. « La France est sous-représentée. Sur une course, il y a vingt à vingt-cinq nationalités au départ et je suis quasiment toujours le seul Français engagé. Pourtant on organise beaucoup de grandes courses, de renommée internationale, le TMB (tour du Mont-blanc,

ndlr), la Traversée de l’Île de la Réunion… C’est dommage », ajoute-t-il. Mais cela ne l’empêche pas de créer des liens avec d’autres participants aux 4d. « Il y a toujours des hypercompétitifs, des gens moins sympas que d’autres. Et la compétition est plus importante aujourd’hui qu’il y a cinq ans parce qu’il y a de plus en plus de gens qui se tournent vers l’ultradistance. Mais des amitiés naissent, bien sûr. Et on se revoit après. » l’après, justement, Alexandre de Gouyon Matignon le prépare. « Je ne veux pas faire deux fois la même course donc je ne répéterai pas les 4D. » l’homme s’est fixé de nouveaux objectifs. en septembre prochain, il participera sûrement au Kimberley ultramarathon, une course également organisée par racing the planet : 100 km en plein cœur de l’une des dernières étendues sauvages de la planète, située au nord-ouest de l’Australie. relief accidenté, climat tropical, et baobabs à foison. tout un programme !

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Les 4 deserts eN ChIFFres

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en kilogrammes, le poids moyen du sac à dos des coureurs sur les 4d.

l’âge de Kazuo isomura (japon), le plus vieux coureur à avoir terminé les 4d.

l’âge moyen des coureurs engagés sur les 4d.

le nombre de kilomètres parcourus en six étapes et en autosuffisance, à chaque course (Atacama, Gobi, sahara et Antarctique).

en dollars (soit 2 500 euros environ). le coût de l’inscription à un raid (Marche de Gobi, course du sahara ou traversée de l’Atacama).

en dollars (soit 7 800 euros environ). le coût de l’inscription à la traversée de l’Antarctique. ne peuvent y participer que les coureurs ayant déjà terminé deux des trois autres 4d.

le nombre de coureurs ayant terminé

les 4d au cours d’une même année.

le nombre de coureurs ayant terminé les 4d depuis

leur création.

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antarctiqueLe plus venteux et le plus froid, là où la température naturelle

la plus basse de la planète a été enregistrée : -89,2°C, le 21 juillet 1983.

Désert D’atacamaLe désert le plus sec au monde, où il ne pleut

que deux à quatre fois par siècle. La Nasa y a expérimenté plusieurs véhicules destinés

à l’exploration de la planète Mars.

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