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La Gazette Santé-Social • septembre 2015 15 DOSSIER Christelle Destombes et Émilie Lay 70 ans de la Sécu: le nouveau sens de la solidarité La Sécurité sociale (Sécu) a été créée à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour édifier « un ordre social nouveau » (1). Mais face au vieillissement de la population, à l’évolution de nos structures sociales et de nos territoires, aux nouveaux besoins de confort ou de prévention, la Sécu craque et pas seulement financièrement. Quels principes mettre en œuvre pour refonder un système qui s’avère inapte à résorber les inégalités de santé et joue de moins en moins son rôle d’amortisseur de crise? Les solutions inventées sur les territoires (recours aux nouvelles technologies, mutuelles communales) préfigurent-elles de nouvelles formes de solidarité ou modifient- elles notre contrat social? ANALYSE DES BESOINS 70 ans de la Sécu: le nouveau sens de la solidarité P. 15 INITIATIVE Pour l’accès aux soins pour tous, des villes se font mutuelles P. 18 INITIATIVE Les Landes misent sur le numérique P. 19 POINTS DE VUE L’impossible refonte de la Sécurité sociale? P. 20 VU D’AILLEURS La Finlande expérimente le minimum vital P. 22 C hômage de masse, crise et déficits publics récurrents, vieillissement de la popula- tion, nouvelles pathologies – certaines liées à l’augmentation de l’espérance de vie –, départs à la retraite des baby-boomers, inversion de la pyramide des âges, etc. Notre situation n’a rien à voir avec l’après-Guerre. Pour s’adapter au XXI e siècle, les propositions ne manquent pas et à droite comme à gauche, chacun se targue de refonder un système à bout de souffle. Et qui, en dépit des dix-neuf plans de redressement des comptes de l’assurance maladie entre 1975 et 1995 et des réformes des retraites de 1993, 2003, 2008, 2010 et 2012, est toujours déficitaire. La Sécurité sociale est composée de 366 orga- nismes (dont 101 CAF, 101 CPAM, 22 Urssaf, 16 Carsat) de droit privé avec une mission de service public. S’y côtoient une multitude de régimes (salariés, agriculteurs, fonctionnaires, mineurs, etc.), aux mécanismes de financement complexes. En cette année de commémoration des 70 ans de la Sécu (2), la ministre de la Santé Marisol Touraine a annoncé une réflexion sur la création d’un « régime maladie universel » afin de simplifier « radicalement » la couverture des soins pour tous : « tout le monde dans notre pays a droit à une couverture, (mais) il est parfois com- >> © DWIGHT ESCHLIMAN / GETTY

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La Gazette Santé-Social • septembre 2015 15

DOSSIER

Christelle Destombes et Émilie Lay

70 ans de la Sécu�: le nouveau sens de la solidarité

La Sécurité sociale (Sécu) a été créée à la fi n de la Seconde Guerre mondiale pour édifi er « un ordre social nouveau » (1). Mais face au vieillissement de la population, à l’évolution de nos structures sociales et de nos territoires, aux nouveaux besoins de confort ou de prévention, la Sécu craque et pas seulement fi nancièrement. Quels principes mettre en œuvre pour refonder un système qui s’avère inapte à résorber les inégalités de santé et joue de moins en moins son rôle d’amortisseur de crise�? Les solutions inventées sur les territoires (recours aux nouvelles technologies, mutuelles communales) préfi gurent-elles de nouvelles formes de solidarité ou modifi ent-elles notre contrat social�?

ANALYSE DES BESOINS70 ans de la Sécu�: le nouveau sens de la solidarité P. 15

INITIATIVEPour l’accès aux soins pour tous, d es villes se font mutuelles P. 18

INITIATIVELes Landes misent sur le numérique P. 19

POINTS DE VUEL’impossible refonte de la Sécurité sociale�? P. 20

VU D’AILLEURSLa Finlande expérimente le minimum vital P. 22

Chômage de masse, crise et défi cits publics récurrents, vieillissement de la popula-tion, nouvelles pathologies – certaines

liées à l’augmentation de l’espérance de vie –, départs à la retraite des baby-boomers, inversion de la pyramide des âges, etc. Notre situation n’a rien à voir avec l’après-Guerre. Pour s’adapter au XXIe siècle, les propositions ne manquent pas et à droite comme à gauche, chacun se targue de refonder un système à bout de souffl e. Et qui, en dépit des dix-neuf plans de redressement des comptes de l’assurance maladie entre 1975 et 1995 et des réformes des retraites de 1993, 2003, 2008, 2010 et 2012, est toujours défi citaire.La Sécurité sociale est composée de 366 orga-nismes (dont 101 CAF, 101 CPAM, 22 Urssaf, 16 Carsat) de droit privé avec une mission de service public. S’y côtoient une multitude de régimes (salariés, agriculteurs, fonctionnaires, mineurs, etc.), aux mécanismes de fi nancement complexes. En cette année de commémoration des 70 ans de la Sécu (2), la ministre de la Santé Marisol Touraine a annoncé une réfl exion sur la création d’un « régime maladie universel » afi n de simplifi er « radicalement » la couverture des soins pour tous : « tout le monde dans notre pays a droit à une couverture, (mais) il est parfois com- >>©

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16 septembre 2015 • La Gazette Santé-Social

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pliqué de faire valoir ses droits », après un démé-nagement, une période de chômage, etc. D’ores et déjà, la sécurité étudiante a été adossée au régime général. Alors que la Sécu est historiquement attachée au statut de travailleur, celui d’assuré dépendant d’une caisse unique s’adapte mieux à notre époque du travail précaire et des CDD.

Des salaires à la TVA sociale

L’autre chantier concerne le fi nancement. À l’origine quasi totalement assuré par les salaires (cotisations sociales), il pioche de plus en plus du côté de l’impôt, en particulier avec la contri-bution sociale généralisée (CSG) créée en 1991. Frédéric Bizard, économiste de la santé, y est favorable : « Une montée en puissance de la CSG, compensée par une baisse des cotisations santé […] renforcerait l’équilibre financier de l’assurance maladie et serait favorable à l’emploi. Elle serait socialement juste en met-tant davantage à contribution les seniors aisés qui sont plus gros consommateurs de soins et plus faibles contributeurs que les actifs » (3). D’autres préfèrent l’idée d’une TVA sociale. Une étude macroéconomique réalisée par la chaire Transition démographique-transition écono-mique de la Caisse des dépôts indique (4) : « la (mesure) la plus effi cace est l’instauration d’une TVA sociale et la moins effi cace la hausse de la CSG, et cela en intégrant leurs effets respectifs sur la compétitivité de l’économie française ». En attendant de trancher, le gouvernement a demandé au Haut Conseil du fi nancement de la protection sociale un rapport sur « la lisibilité

des prélèvements et l’architecture fi nancière des régimes sociaux ». Rendu public en juillet (5), il préconise des mesures techniques pour clarifi er et faciliter les règles et procédures, réduire les coûts de gestion dans l’objectif « d’une plus grande transparence et d’une meilleure lisi-bilité du prélèvement social au service d’une adhésion renforcée des citoyens à ce dernier ».

Assurer la santé plutôt que la maladie

« En 1945, la Sécurité sociale remboursait plus d’indemnités journalières que de médi-caments », souligne Frédéric Pierru, chercheur en sciences sociales et politiques. « Pour réno-ver l’assurance maladie, il faudrait assurer la santé plutôt que la maladie : être ambitieux en termes de prévention et promotion de la santé, plutôt que d’indemniser les malades. » Certes, l’assurance maladie s’est positionnée comme un acteur de prévention avec Sophia, le service d’accompagnement des patients diabétiques. Mais alors qu’un des enjeux majeurs consiste à freiner la progression des maladies chroniques ou de la dépendance, la prévention reste le parent pauvre. Passer de la notion de « dépenses sociales » à celles « d’investissement social » est pourtant une nécessité selon Frédéric Bizard : « On ne dépense plus uniquement pour réparer, guérir, assister mais pour prévenir, accompagner et former à la gestion du risque ». Car le patient du XXIe siècle est responsable de son état de santé et un acteur à part entière. Les textes l’ont consacré (loi de 2002 sur les droits des patients), il gère les « restes à charge » (les soins de ville

476,6MILLIARDS D’EUROSC’est le poste dépenses de prestations sociales mentionné dans le projet de loi de fi nancement de la Sécurité sociale 2015, soit 1,5 fois le budget de l’État. Les recettes devraient atteindre 466,2 Mds d’euros.

ÉVOLUTION DU DÉFICIT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (EN MILLIARDS D’EUROS)

>>

-35

Déficit réélPrévisions de déficit

-30

-25

-20

-15

-10

-5

0 2003

-11,3-12,6

-13,6

-10,2 -10-8,9 -9,3

-8-9,4 -8,9

-23,5

-8,6

-28

-30,6

-20,9 -21,4

-17,4

-13,9

-16,5*

* Prévisions au 25 septembre

-11,5*-13

-11,2

-3,9

2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014

Source : PLFSS - 26/09/2013

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sont remboursés à 55 %), reste à mettre en place une réelle démocratie sanitaire… L’Observa-toire de la régionalisation du système de santé créé en 2011 par Olivier Mariotte, président de l’agence conseil Nile (6), préconise « d’informer et sensibiliser le grand public aux conseils de vie sociale, de transformer les conférences régio-nales de la santé et de l’autonomie en instance « force de propositions » et de permettre une capacité d’adaptation des territoires de santé ».

Donner des moyens aux acteurs

de terrain

Depuis les lois de décentralisation de 1983 et 2003, des pans entiers de l’action sociale ont été délégués aux départements, avec notam-ment la gestion du revenu minimum d’insertion en 2004. À tel point qu’en 2011, ils prennent en charge 86,9 % des dépenses sociales des collectivités locales… Côté santé, la loi HPST de 2009 ambitionnait de réduire les inégalités ter-ritoriales de santé, d’assurer un meilleur accès aux soins en répartissant l’offre. Mais là encore, c’est l’État qui gère, via les agences régionales de santé, à qui le PLFSS 2015 confi e de nouvelles missions. En Suède, les autorités locales sont responsables devant la loi de la fourniture des soins de santé aux personnes résidant sur leur territoire. En Allemagne, l’organisation fédérale confère un pouvoir aux länder en matière hospi-talière. Donner de vrais moyens aux acteurs sur le terrain est une piste, « alors que la région est supposée être l’unité géographique et politique

centrale de l’organisation et de l’effi cience du système de santé… », souligne Olivier Mariotte.« La conscience de la solidarité […] n’existe pas spontanément, il importe de la créer et de l’entretenir par un effort d’éducation, condition fondamentale de la poursuite et de l’expansion de l’institution dans les années qui viennent », écrivait Pierre Laroque. Or, force est de constater que les assurés ne se sont pas emparés de la Sécu. D’aucuns prônent le retour en force des parte-naires sociaux dans la gouvernance du système, qui appartient désormais aux experts et à l’admi-nistration. Car si les Français restent très attachés à leur système protecteur, ils commencent à le trouver trop coûteux. Surtout, ils sont nombreux à penser que la protection sociale ne devrait bénéfi cier qu’aux cotisants (7). Pour « continuer à faire vivre ce cœur battant de notre République sociale » (8), il est temps d’expliquer à nouveau le sens de la solidarité. ◆ Christelle Destombes

(1) Pierre Laroque, «�Le plan français de Sécurité sociale », in « Revue française du travail », n° 1, avril 1946.(2) http://communication-securite-sociale.fr/(3) « Pourquoi et comment réinventer notre sécurité sociale pour la sauver�? », http://www.huffingtonpost.fr/frederic-bizard(4) « Financement de la protection sociale - Équilibre financier – Fiscalisation », Lionel Ragot, http://www.institut-montparnasse.fr/financer-la-protection-sociale-n2-equilibre-financier-fiscalisation-2/(5) « Rapport sur la lisibilité des prélèvements et l’architecture financière des régimes sociaux », Haut conseil du financement de la protection sociale, juillet 2015, http://www.securite-sociale.fr/IMG/pdf/rapport_sur_la_lisibilite_des_prelevements_et_l_archi-tecture_financiere_des_regimes_sociaux.pdf(6) http://observatoire-regionalisation.fr/(7) Baromètre Drees en juin 2015, http://www.drees.sante.gouv.fr/le-barometre-d-opinion-de-la-drees,11136.html(8) Marisol Touraine à l’occasion du lancement des 70 ans de la Sécurité sociale.

« Il est institué une organisation de la Sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leurs capacités de gain, à couvrir les charges de maternité ou les charges de famille qu’ils supportent ». Universalité, unité, uniformité, sont les trois ambitions à l’œuvre. Une seconde ordonnance est prise le 9 octobre relative aux prestations. Article 1er de l’ordon-nance portant organisation de la Sécurité sociale du 4 octobre 1945.

LA DÉFINITION LE POINT DE VUE

Patrick Doutreligne, président de l’Uniopss

En 1945, les caisses de l’État sont vides, les dif-fi cultés économiques sont majeures et pourtant le système social de protection se met en place. Cette protection a participé à la croissance, au ni-veau économique et social. C’est un choix de so-ciété, de solidarité et d’universalité. Cette inven-

tion extraordinaire a certes besoin de se moderniser et de s’adapter, mais son sens reste entier. Aujourd’hui, c’est la guerre économique, la problématique est celle de la redistribution des richesses�: quelle so-ciété voulons-nous�? Un système de protection universaliste, solidaire où tout le monde contribue ou un système assurantiel comme l’ont développé les États-Unis�? L’erreur serait de défendre un système à bout de souffl e, mais pour réinventer un système dynamique pour les 50 ans à venir, il faut arrêter de nous plaindre et trouver des solu-tions�: soyons moins plaintifs, et plus créatifs.

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REPÈRES

• « Allons enfants…

de la Sécu »,

publication de l’Institut Montparnasse, juin 2015.

• « La Sécurité sociale,

une institution de la

démocratie »,

Colette Bec, Gallimard, 2014.

• « Refonder le modèle

social français�?

Pourquoi�?

Comment�? »,

Frédéric Bizard, institut Thomas More, 2013.

• « Refonder le système

de protection sociale.

Pour une nouvelle

génération de droits

sociaux »,

de Bernard Gazier, Bruno Palier et Hélène Périvier, Les Presses de Sciences Po, 2014.

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18 septembre 2015 • La Gazette Santé-Social

COMPLÉMENTAIRE SANTÉ

Pour l’accès aux soins pour tous, d es villes se font mutuellesFace aux baisses de remboursements, certaines villes n’hésitent plus à proposer elles-mêmes

une mutuelle. À Drancy en Seine-Saint-Denis, les élus y trouvent leur compte.

Plus de 3 millions de Français sont sans complémentaire santé, selon des chiffres de la Mutualité française. Or, le risque

de renoncer aux soins est multiplié par deux en l’absence de complémentaire et ce n’est pas l’accord national interprofessionnel du 11 jan-vier 2013 – qui prévoit la généralisation de la complémentaire à tous les salariés du privé au 1er janvier 2016 – qui va améliorer la situation. Quid des salariés à temps partiel, des retraités, des chômeurs, des artisans ?

Solution mutualisée

À Drancy, la municipalité dirigée par Jean-Christophe Lagarde (député-maire, UDI) est devenue partenaire de l’association Actiom (lire Repères) et de son dispositif « Ma commune, ma santé ». L’objectif : permettre aux Drancéens de bénéficier des avantages d’une mutuelle collective, avec des tarifs attractifs et négociés. « C’est une solution de santé mutualisée, qui laisse le libre choix entre trois mutuelles et deux ou trois niveaux de garantie (économie, sécurité, confort) de façon à pouvoir s’adapter aux besoins de l’adhérent. Nous proposons également une aide à l’acquisition d’une com-plémentaire santé, dans une démarche d’action sociale », précise Émilie Garat, chargée de com-munication à Actiom.

Actiom a négocié avec les trois mutuelles par-tenaires (Miel Mutuelle, Pavillon Prévoyance et Smatis) que les tarifs soient fi gés sur deux ans. L’une d’entre elles permet d’individualiser coti-sations et remboursements : si dans la famille, une seule personne a des problèmes de vue, elle peut seule choisir de cotiser pour les frais optiques. Pour bénéfi cier du dispositif, aucun questionnaire médical, même si les cotisations varient en fonction de l’âge, la seule condition est de résider à Drancy. La ville ne joue qu’un rôle de relais, en mettant l’association en relation avec les habitants : trois réunions publiques ont été organisées afi n de présenter le dispositif à

environ 800 personnes et des permanences sont organisées dans différentes structures (point d’accès droit, CCAS) pour que les administrés épluchent les pourcentages des remboursements à l’aune de leurs besoins, avec un représentant d’Actiom. Fin juillet, 170 personnes avaient eu un entretien avec un conseiller, 145 choisi d’adhérer à l’une des trois mutuelles proposées. Parmi elles, 48 n’avaient pas de mutuelle. 9 igno-raient l’existence de l’ACS.

L’union fait la force

Le dispositif « Ma commune ma santé » offre aux municipalités une solution clé en main : « Nous partons du principe que l’union fait la force. Nous sommes en position de négocier face aux mutuelles au niveau national, des offres intéressantes, avec des garanties adap-tées. À Drancy, pour l’instant, la satisfaction règne : « les mutuelles gagnent des clients, qui y trouvent leur compte en payant moins de cotisations pour une meilleure couverture », assure Jean-Christophe Lagarde. ◆

Christelle Destombes

REPÈRES

• Actiom

(actions de mutualisation pour l’amélioration du pouvoir d’achat de ses adhérents) est une association loi 1901 créée par trois courtiers indépendants du réseau Sofraco en mai 2014. Dans un souci d’action sociale, ils ont créé le dispositif « Ma commune ma santé », pour offrir aux villes des contrats santé mutualisés.

• En un an, 337

communes ont adhéré à cette solution, de Coutras (8�200 hab.) à Drancy (68�000 hab.) en passant par Bayonne (45�000 hab.).

• Contact�:

Actiom, http://www.macommunemasante.org/

DOSSIER

DR

Jean-Christophe Lagarde, député-maire de Drancy (UDI)

« Nous visons notamment les

personnes stigmatisées par les modèles

de l’assurance complémentaire »

« Nous avions commencé à travailler sur l’accès aux mu-tuelles pour notre personnel communal (1�300 agents).

Faire un appel d’off res groupé permettait d’obtenir de meilleurs tarifs et de meilleures conditions de remboursements pour nos agents. Nous avons donc réfl échi au fait d’étendre le dispositif à toute la population, pour qu’elle bénéfi cie de l’eff et groupe, notamment les personnes stig-matisées par les modèles de l’assurance complémentaire, les personnes âgées, les jeunes. Nous l’avons fait dans un but d’action sociale, parce que Drancy est une ville populaire et qu’une partie importante de la po-pulation – celle qui n’a pas été visée par le tiers payant de Mme Touraine – a les plus grandes diffi cultés d’accès aux complémentaires santé. Nous avons aussi des personnes illettrées, primo-arrivantes qui ne gèrent pas les démarches administratives. Au CCAS, désormais quand on identifi e des diffi cultés fi nancières, une absence de couverture santé, nous avons un dispositif à proposer. »

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La Gazette Santé-Social • septembre 2015 19

DOSSIER

Liées en partie au vieillissement, les mala-dies chroniques touchent 20 % de la population, selon l’Institut de veille sani-

taire. Avec pour corollaire une multiplication des besoins de santé et sociaux de longue durée. Alors que le « virage ambulatoire » est un pilier du projet de loi « Santé », le maintien à domicile des personnes dépendantes reste un défi dans les territoires ruraux, désertés par les médecins et les services publics.

Pléiade de services

L’agence régionale de santé (ARS) d’Aquitaine a donc noué, en 2015, un partenariat avec le conseil départemental et les collectivités locales des Landes, dans le cadre de l’appel à projets national « Territoire de soins numé-rique » (TSN). Baptisé « XL ENS », le TSN aqui-tain s’articule autour d’un interlocuteur unique et pluri-professionnel, la cellule de soutien territoriale, appuyé par une pléiade de services numériques. D’abord expérimenté dans le nord et l’est des Landes, le dispositif concernera potentiellement 15 000 malades, soit environ 7 % des habitants. « Dans ce territoire très rural, la population est plus âgée que la moyenne de l’Aquitaine, avec un habitat isolé et dispersé », souligne Francis Lacoste, directeur du service Solidarité des Landes.Mise en place au printemps, la cellule de sou-tien territoriale « Santé Landes » assurera la coordination complète des prises en charge. « Nous orienterons les professionnels de santé, du secteur social et médicosocial, ainsi que les patients et les aidants vers les services adap-tés et les dispositifs d’aide sociale », explique Mylène Lefèbvre, assistante sociale de « Santé Landes ».

Cette centralisation devrait favoriser une équité sur le territoire. « Cela évitera aux per-sonnes les plus éloignées des allers-retours incessants, parfois inutiles, dans les grandes villes pour rencontrer un travailleur social. » « Santé Landes » n’a jusque-là élaboré que

des procédures types. « Tout démarre en sep-tembre », annonce Marie-Noëlle Billebot, direc-trice du projet à l’ARS.

Plateforme d’outils

La véritable innovation d’« XL ENS » est la plateforme d’outils numériques. Développée par Capgemini/Orange, elle doit se déployer progressivement à partir de 2016. Outre le bouquet de services de « Santé Landes », les pro-fessionnels disposeront d’un navigateur pour accéder aux dossiers des personnes. Un autre outil sera destiné aux patients et aux aidants. Face à la quantité croissante de dossiers, « le numérique est devenu absolument nécessaire. Cela représente un gain de temps à tous les niveaux : nous pourrons contacter le médecin traitant, puis transmettre les informations au conseil départemental plus rapidement pour la mise en place d’un plan d’aide », illustre Mylène Lefèbvre. Cependant, ce dispositif, s’il est mal équilibré, peut occasionner une charge impor-tante pour les conseils départementaux. « Le maintien à domicile sollicite beaucoup le volet social. Il y a un risque fi nancier pour nous », met en garde Francis Lacoste. ◆ Émilie Lay

Le maintien à domicile des personnes dépendantes est devenu diffi cile en milieu rural. L’ARS

et les collectivités locales des Landes s’appuient sur les nouvelles technologies pour favoriser

l’égalité d’accès aux soins.

MAINTIEN À DOMICILE

Les Landes misent sur le numérique

REPÈRES

• Lancé dans le cadre des

investissements d’avenir,

le programme national

« Territoire de soins

numérique » (TSN)

est doté de 80 millions d’euros. Il vise à expérimenter, dans des zones rurales ou urbaines, des services et technologies innovants en matière d’e-santé.

• Financement TSN

aquitain�:

10 millions d’euros, contact�: [email protected]

• Les dépenses d’aide

sociale pour l’APA

des Landes ont cru de 5,6 millions d’euros entre 2010 et 2014 (conseil départemental).

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Mylène Lefèbvre, assistante sociale de la cellule de soutien

territoriale « Santé Landes »

« Nous nous assurons que tous

les droits du patient sont ouverts »

« Il arrive que des personnes de plus en plus dépen-dantes n’aient pas sollicité de plan d’APA (allocation personnalisée d’autonomie). Outre la prestation fi nan-

cière, celui-ci peut prévoir l’intervention d’une auxiliaire de vie ou encore le portage des repas. Faute de mise en place suffi samment précoce de ces services, la situation de la personne peut se trouver dégradée. Dans le cadre de la cellule de soutien territoriale « Santé Landes », nous nous assurerons que tous les droits des patients sont ouverts, notamment en cas de changement de situation. Si ce n’est pas le cas, nous pourrons informer le patient – ou son aidant – de ses droits à l’APA ou à la CMU-C (couverture maladie universelle complémentaire), et l’orienter vers les structures adéquates. Dans l’idéal, cela devrait permettre de lutter contre le non-recours, fréquent. En eff et, les professionnels de santé mécon-naissent souvent certains dispositifs. Or, les patients, hospitalisés ou non, ne rencontrent pas systématiquement les travailleurs sociaux.�»

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20 septembre 2015 • La Gazette Santé-Social

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Frédéric Pierru et Colette Bec partagent la même ambition d’une Sécurité sociale inspirée des

principes du Comité national de la résistance. Ils prônent une refondation politique et lucide

d’une institution qui structure la société française depuis soixante-dix ans.

POINTS DE VUE

L’impossible refonte de la Sécurité sociale�?

Si nous devions créer la Sécurité sociale

aujourd’hui, à quoi ressemblerait-elle�?

Frédéric Pierru�: C’est une politique-fi ction… L’ambition originale de la Sécurité sociale était de lutter contre l’insécurité économique et sociale qui a accompagné le libéralisme triom-phant de la fi n du XIXe siècle jusqu’à la crise des années 1930. Elle est le fruit d’une réfl exion sur le fonctionnement du capitalisme, pour qu’il ne soit pas synonyme de paupérisme et d’insé-curité économique et sociale pour les travail-leurs. À l’heure de la « pauvreté laborieuse », ce principe n’a pas pris une ride ! Mais il ne suffi t pas de revenir au programme du Conseil national de la résistance, il faut moderniser et adapter l’institution. Mettre l’accent sur la formation professionnelle, adapter l’assurance vieillesse au défi du vieillissement, privilégier la santé et la prévention plutôt que la répara-tion. Trouver d’autres formes de démocratie, les assurés sociaux n’ayant jamais fait leur cette institution et la démocratie parlementaire étant insatisfaisante : le projet de loi de fi nancement de la Sécurité sociale est un exercice dominé par l’exécutif, les cabinets, la direction de l’administration centrale.Colette Bec�: Le contexte d’aujourd’hui lui imprimerait des formes tout à fait différentes. D’une part, la prépondérance d’une logique de marché privilégie le calcul d’intérêts indi-viduels ou de groupes. Le politique, ensuite, a renoncé à penser le fonctionnement de la société comme un tout, dont les parties sont interdépendantes et solidaires. La protection

est de plus en plus vécue comme un droit et une responsabilité individuelle ayant peu à voir avec l’organisation de la collectivité. L’idée d’un individu autosuffi sant et d’une société autorégulée s’est imposée. Dans une telle confi guration, le projet de 1945 aurait peu de chances de voir le jour et même d’être conçu. Je peux imaginer qu’un système de protection dual serait le choix fait dans ce contexte ; un système dans lequel chacun supporterait la charge de sa protection, avec une très faible solidarité entre les mieux pourvus et les autres. Ces derniers « bénéfi ciant » d’aides diverses et du coup stigmatisés.

Qu’est-ce qui a permis en 1945 la concréti-

sation de cette idée de solidarité, de redis-

tribution et d’universalité�?

CB�: C’est d’abord un contexte historico- politique. La génération de 1945 venait de connaître deux guerres mondiales et la secousse économique majeure de 1929. Ceci explique le large consensus politique (entre chrétiens sociaux, gaullistes, socialistes et communistes) pour instaurer un nouveau cours démocratique. Le projet de Sécurité sociale est consubstantiel à cette ambition ; il n’était rien moins que de « solidariser » la société.FP�: La droite était disqualifi ée, le patronat et la mutualité avaient joyeusement collaboré. Les forces qui s’opposaient alors au projet de Sécurité sociale étaient vaincues. Sans la Seconde Guerre mondiale, on aurait attendu longtemps…

Y a-t-il des erreurs originelles à la création

de la Sécurité sociale�?

CB�: Il s’agit moins d’erreurs que d’un éche-veau de causes diverses : l’effritement rapide du consensus ; la Guerre froide et les tensions entre partis qu’elle a engendrées ; la défi ance du patronat ; la résurgence des intérêts caté-

COLETTE BEC

« Il est temps

de dépasser

les débats

techniques

déconnectés

des fi nalités

politiques

et sociales »

Colette Bec, auteure de « La Sécurité sociale. Une institution de la démocratie », Gallimard, 2014, est professeur en sociologie à l’université Paris Descartes et membre du Laboratoire interdisciplinaire de sociologie économique CNAM/CNRS.

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DOSSIER

goriels qui ont retrouvé leur virulence. Dans ce contexte, certains principes fondateurs ont en effet été relégués. De fait, la classe politique était de moins en moins en mesure de tenir les débats nécessaires entre exigences écono-miques et ambition politique.FP�: Nous avons mythifi é le corps français de la Sécurité sociale. Le projet du CNR s’est trop vite heurté à des oppositions catégorielles et à la réalité de la stratifi cation sociale en France, à la façon dont les groupes se sont construits autour des régimes spéciaux de Sécurité sociale. Et le système n’a pas l’ambition de redistribuer les richesses de manière verti-cale : un ouvrier aura une retraite d’ouvrier ; un cadre, une retraite de cadre. Ce ne sont pas des ratés techniques, mais politiques : il a fallu faire avec la stratifi cation sociale, le système reste axé sur le travail (et sa division sexuelle) et il ne redistribue pas les richesses. Soyons lucide, pas nostalgique !

Une réforme est-elle possible�?

FP�: Les grands moments de refondation ou de création de la Sécurité sociale sont des moments historiques exceptionnels : la crise des années 1930, une guerre mondiale… Les avancées se font à la faveur de mouvements sociaux d’ampleur comme mai 1968.

Dans l’esprit de Pierre Laroque, la Sécurité

sociale c’est beaucoup plus que la simple

assurance sociale, c’est une certaine concep-

tion de l’économie régulée, d’un capitalisme

adouci, un compromis social-démocrate

entre les intérêts des salariés et ceux du

patronat. Notre époque est contraire à la

Sécurité sociale�: elle aggrave l’insécurité juridique des salariés, restaure le patronat de droit divin, remet en cause le Smic, traite les chômeurs d’assistés… Force est de constater qu’aujourd’hui, nous assistons à une deuxième vague d’un capitalisme qui s’émancipe de ces ancrages sociaux. Cependant, on sent que le discours de légitimation des réformes est en train de craquer… Nous entrons dans une phase de recomposition, de nouvelles divisions ou d’alliances politiques. Les mutuelles com-munales en sont un exemple : voilà des gens qui ne se reconnaissent plus dans la dérive du mouvement mutualiste, gestionnaire et com-merciale et tentent de renouer avec les vraies valeurs mutualistes.

CB�: Les différentes rencontres auxquelles j’ai participé à l’occasion de la sortie de mon livre me font penser qu’il y a une attente de débats sur ces questions de la part de publics très variés, certes des professionnels mais aussi des syndicalistes et des citoyens sensibles à cette question. Ou encore de plus jeunes, des lycéens de Terminale. J’ai été étonnée et agréablement surprise par leur curiosité et leur compréhension des enjeux. Cet intérêt exauce le vœu de Laroque d’une « éducation à la soli-darité » comme condition de réussite majeure de cette institution.

Nous allons pourtant célébrer les 70 ans de

la Sécurité sociale…

FP�: Il y aura des colloques et des discours mais ce qui compte, ce sont les actes. La réalité est que ce gouvernement a entériné le recul de la Sécurité sociale au profi t du marché des com-plémentaires. La Sécurité sociale est une ins-titution populaire, les Français comprennent que c’est un organe central de la République sociale. Dans une démocratie malade, où les gens sont tentés par un vote extrême ou l’abs-tention, la Sécurité sociale a un rôle à jouer dans une réanimation démocratique.CB�: Dans les médias, on ne parle que du trou de la Sécu depuis quatre décennies. Sans nier, bien au contraire, la légitimité d’un débat sur le fi nancement, posé tel quel il a pour effet d’oc-culter des questions tout aussi signifi catives et de faire perdre de vue la dimension politique de l’institution. Espérons que cet anniversaire sera l’occasion de revenir sur la raison d’être de la Sécu, ses principes fondateurs et ses ambitions. Pour ma part, je souhaite que ce soit l’occasion de mettre l’accent sur son rôle majeur dans notre démocratie. Il est temps de dépasser les débats techniques déconnectés des fi nalités politiques et sociales de l’institu-tion. Ils privent les citoyens d’un débat sur une des conditions essentielles de leur liberté et de la paix sociale, car il ne peut y avoir de paix sans justice sociale. ◆

FRÉDÉRIC PIERRU

« Il ne suffi t pas

de revenir au

programme du

Conseil national

de la résistance,

il faut moderniser

et adapter

l’institution »

Frédéric Pierru, chercheur en sciences sociales et politiques au CNRS et membre du comité

de direction de la Chaire Santé de Sciences Po Paris, a publié « Hippocrate malade de ses réformes » en 2007. D

R

Christelle Destombes

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22 septembre 2015 • La Gazette Santé-Social

Le système de sécurité sociale fi nlandais repose sur l’idée que « les prestations sociales visent à

accompagner les trajectoires de vie, non à remplacer le revenu », estime Bruno Palier, directeur de recherche du CNRS au Centre d’études européennes. C’est le fruit d’une refondation « consécutive à la grave crise économique des années 1990. L’État a alors remis en cause la générosité des prestations. En contre-partie, des efforts ont été déployés en faveur de l’emploi, avec un accompa-gnement renforcé des chômeurs, des formations à tout âge… »Les services sociaux et de santé (lire encadré) sont organisés par les col-lectivités locales. À leur charge éga-lement, une aide sociale ponctuelle d’un montant minimum de 485 euros.

« Mais celle-ci est souvent tenue pour stigmatisante et arbitraire », observe Pertti Honkanen, chercheur à Kela, l’Institut des assurances sociales fi n-landais. Or, le pays est confronté à une nouvelle crise, avec un taux de chô-mage à 10 % en juin. « En 2013, environ 11 % de la population étaient touchés par la pauvreté. » Selon l’OCDE (1), « les dépenses des communes se sont accrues régulièrement ces dernières années ». Élu en mai, le nouveau Gou-vernement de centre droit a annoncé un plan national d’au moins 4 milliards d’euros d’économies.

Allocation automatique

Le Premier ministre Juha Sipilä a aussi promis un projet de loi pour l’expéri-mentation d’un revenu de base (perus-tulo, en fi nnois). À l’origine de cette idée, « le chômage de masse et la com-plexité du système actuel », précise Pertti Honkanen. Le principe serait de verser une allocation identique, incon-ditionnelle et permanente, afi n d’assu-

rer à tous un minimum vital. Mais quel sera son niveau ? Remplacera-t-elle les allocations existantes ? Pour quels résultats ? Les spéculations vont bon train. Un rapport cofi nancé par la fon-dation Sitra (Fonds public d’investisse-ment pour l’innovation) pourrait servir de feuille de route. Il recommande une expérimentation pendant au moins deux ans, chez 8 000 personnes âgées de 18 à 62 ans et dont les ressources sont inférieures au revenu médian.Certains en espèrent une réduction de la pauvreté. D’un autre côté, une allocation automatique, simplifiant le système, pourrait alléger les charges des com-munes « en rationalisant les services. Mais le revenu de base devient problé-matique si on abandonne la popula-tion », en supprimant du personnel d’ac-compagnement, analyse Alain Lefèbvre, spécialiste des systèmes nordiques et résidant en Finlande. « Face aux besoins sociaux, on a avant tout besoin de ser-vices », conclut Bruno Palier. ◆ Émilie Lay(1) «�Études économiques de l’OCDE », 2014.

VU D’AILLEURS

La Finlande expérimente le minimum vitalConfronté à une nouvelle crise après une première refondation dans les années 1990,

le Gouvernement fi nlandais projette une série de réformes, dont l’expérimentation d’un revenu

de base universel.

FINLANDE

• Population�: 5,4 millions. 18 % de personnes de plus de 65 ans�; 26 % en 2030 (www.stat.fi ).

• Dépenses liées à la sécurité sociale�: santé 8,7 % du PIB�; social�: 31 % du PIB (OCDE)

• Système universel�: tous les résidents fi nlandais bénéfi cient d’un même régime de protection sociale, sans distinction de statut, ni de profession. Le chômage et les retraites sont couverts par une allocation de base nationale associée à des assurances volontaires.

DOSSIER

DR

Alain Lefèbvre, spécialiste des systèmes nordiques

« La fi le d’attente peut être importante

pour certains soins »

« Dans le système de sécurité sociale fi nlandais, les communes sont responsables de l’off re de santé. Il s’agit d’un service public d’État, mais avec des médecins salariés en centres de santé

municipaux et des hôpitaux publics fi nancés par les communes. La fi le d’attente peut être importante pour certains soins, chirurgicaux notamment, avec une disparité selon les régions. Il n’existe pas de système de complémentaire santé mais le reste à charge pour les patients ne doit pas excéder le plafond annuel de 679 euros. Les salariés disposent souvent d’une assurance payée par l’entreprise. Cela leur permet d’être bien pris en charge dans le secteur privé, qui assure 5 à 10 % de l’ensemble des soins du pays. Au contraire, une personne au chômage ou retraitée n’a d’autre choix que de se rendre dans le secteur public. Tout cela crée une inégalité d’accès aux soins à laquelle le nouveau gouvernement, élu en mai, veut remédier en révisant l’organisation de son système de santé.�»

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