Dom juan Scène d' exposition - Acte I, scène 1

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Proposition d'une analyse du début de la scène d'exposition de Dom Juan de Molière

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Dom JuanActe I, scène 1

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Introduction : Inspiré par l’interprétation italienne d’une pièce créée en 1630 en Espagne, Molière apporte en 1665 sa contribution au mythe de Don Juan. Dans sa version, il va resserrer l’intrigue autour du couple maître/valet et atténuer la noirceur du héros.La scène 1 de l’Acte I ouvre la pièce d’une façon originale, si bien que l’on peut se demander si cette scène correspond à une scène d’exposition traditionnelle.

Proposition de plan

1 - Une présentation des personnages principaux : le maître et le valet2 - L’annonce d’une comédie atypique 3 - L’annonce d’une esthétique originale et baroque

© Caroline REYS

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I - Une présentation des personnages principaux : le maître et le valet

1 - Un valet bavardSganarelle a le premier mot - et aura le dernier mot - de la pièce. La tirade sur le tabac avec laquelle il entre en scène lui octroie une personnalité forte isolée de tout lien de soumission, cependant, sa deuxième intervention fait apparaître son évidente dépendance à son maître, Dom Juan.

Le première scène de DJ présente deux personnages de valets ; c’est donc à travers leurs propos que le spectateur va entrer dans la pièce. On observe d’emblée une disproportion de texte entre les deux, ce qui fait apparaître que c’est le personnage de Sganarelle (joué à l’origine par Molière lui-même) qui porte l’exposition.

Admiration et répulsionle présente comme un séducteur

prédateur qui connaît les «pièges pour attraper les belles»cf accumulation (+ asyndète) et hyperboles pour évoquer les

conquêtes de DJ (de «Dame... à... soir»)

le présente avant tout comme «le plus grand scélérat que la terre

ait jamais porté»cf accumulations (+ asyndètes),

hyperboles et références mythiques pour évoquer les

travers immoraux de DJ© Caroline REYS

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Par le jeu de la double énonciation, le portrait que présente Sganarelle en réponse aux questions de Gusman permet au spectateur de comprendre les grands enjeux de la pièce :- les relations de Dom Juan avec les femmesOn comprend que son mariage avec Done Elvire n’est pas un obstacle à la poursuite de ses conquêtes :«J'ai peur qu'elle ne soit mal payée de son amour, que son voyage en cette ville produise peu de fruit, et que vous eussiez autant gagné à ne bouger de là.»

- les relations de Dom Juan avec la religion«tu vois en Dom Juan (...) un diable, un Turc, un hérétique, qui ne croit ni Ciel, ni Enfer,(...) qui ferme l'oreille à toutes les remontrances [chrétiennes] qu'on lui peut faire, et traite de billevesées tout ce que nous croyons.»

- les relations de Dom Juan avec Sganarelle« il me vaudrait bien mieux d'être au diable que d'être à lui, et qu'il me fait voir tant d'horreurs, que je souhaiterais qu'il fût déjà je ne sais où. Mais un grand seigneur méchant homme est une terrible chose ; il faut que je lui sois fidèle, en dépit que j'en aie : la crainte en moi fait l'office du zèle, bride mes sentiments, et me réduit d'applaudir bien souvent à ce que mon âme déteste.»

2 - «...une ébauche du portrait» de Dom Juan

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Le couple du maître et du valet tel qu’il est présenté est riche de possibilités théâtrales car les personnages sont opposés socialement et par leur caractère. Molière annonce que ce couple est essentiel. Il appartient à la tradition comique.

Conclusion intermédiaire/transition :

II - L’annonce d’une comédie atypique

1 - Sganarelle comique, bouffon, farcesque : le valet de comédie annonce un comique de farce. le personnage est associé à un univers matériel, qui relève du farcesque : cf l’éloge du tabac avec lequel le personnage entre en scène :

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Quoi que puisse dire Aristote et toute la Philosophie, il n'est rien d'égal au tabac : c'est la passion des honnêtes gens, et qui vit sans tabac n'est pas digne de vivre. Non−seulement il réjouit et purge les cerveaux humains, mais encore il instruit les âmes à la vertu, et l'on apprend avec lui à devenir honnête homme. Ne voyez−vous pas bien, dès qu'on en prend, de quelle manière obligeante on en use avec tout le monde, et comme on est ravi d'en donner à droit et à gauche, partout où l'on se trouve ? On n'attend pas même qu'on en demande, et l'on court au−devant du souhait des gens : tant il est vrai que le tabac inspire des sentiments d'honneur et de vertu à tous ceux qui en prennent.

éloge paradoxal, porté par - le registre épidictique, - la parodie (détournement de l’argument d’autorité se référant à Aristote),

- vers blanc («et qui vit sans tabac n'est pas digne de vivre»)

dimension burlesque de cet éloge : rhétorique et procédés emphatiques appliqués au tabac (décalage burlesque)

Mais aussi, dimension provocatrice de cet éloge : les dévots condamnaient l’usage du tabac vente du tabac interdite par Louis XIII ordonnance royale excommunication

Compagnie du St Sacrement (très influente) réprouve son usage (elle avait fait interdire Tartuffe )

+ les grands thèmes de l’honneur et de la vertu sont ridiculisésCette considération matérialiste du valet entrant en scène aura pour pendant la triple exclamation comique de la fin : « mes gages ! »

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La thématique amoureuse est présente dans les considérations des deux valets. Après l’éloge du tabac, c’est la première information que le spectateur reçoit : Si bien donc, cher Gusman, que Done Elvire, ta maîtresse, surprise de notre départ, s'est mise en campagne après nous, et son coeur, que mon maître a su toucher trop fortement, n'a pu vivre, dis−tu, sans le venir chercher ici.

L’enlèvement d’Elvire introduit un fil d’intrigue qui relève de la comédie héroïque à l’espagnole. Gusman : (...)...je ne comprends point comme après tant d'amour et tant d'impatience témoignée, tant d'hommages pressants, de voeux, de soupirs et de larmes, tant de lettres passionnées, de protestations ardentes et de serments réitérés, tant de transports enfin et tant d'emportements qu'il a fait paraître, jusqu'à forcer, dans sa passion, l'obstacle sacré d'un couvent, pour mettre Done Elvire en sa puissance

Mais l’inconstance de Dom Juan programme d’autres intrigues amoureuses et pose en cela des jalons pour l’acte II.

II - L’annonce d’une comédie atypique (suite) 2 - La thématique amoureuse

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L’impiété religieuse du héros comme la mention du couvent d’où Elvire a été enlevée mettent en place le thème religieux. Le dénouement est envisagé : « il faut que le courroux du Ciel l’accable quelque jour ». Le mariage traditionnel des comédies à l’italienne ne sera pas la fin attendue car Dom Juan est un « épouseur à toutes mains ».

II - L’annonce d’une comédie atypique (suite)

3 - Un héros impie

Conclusion/Transition : Cette exposition de comédie est atypique à plus d’un titre (mélange des thèmes, retardement des informations,...) ; elle ne suit pas en cela la rigueur du théâtre classique, mais relève d’une certaine fantaisie baroque

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III - L’annonce d’une esthétique originale et baroque

1 - L’artifice de GusmanMolière recourt à l’artifice de deux serviteurs qui parlent de leurs maîtres pour construire l’exposition. Ce caractère artificiel est emblématisé par le personnage de Gusman qui disparaît ensuite. En cela, le personnage est peu économique. Cette déperdition d’énergie est aussi présente avec l’éloge paradoxal du tabac : le passage possède une certaine autonomie, le thème du tabac ne sera pas repris et n’a qu’un rôle de provocation à l’encontre des dévots.

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Molière annonce ainsi la facture peu classique de sa pièce, enchaînant des épisodes qui jouissent d’une autonomie plus ou moins forte. De fait, la scène d’exposition reste muette sur bien des éléments de la pièce et même à l’échelle de l’acte I, les lacunes sont nombreuses : ni le père de Dom Juan, ni Monsieur Dimanche ne sont par exemple annoncés.

2 - Un exposition incomplète

Cette dépense d’énergie et cette esthétique de la surprise sont conformes au caractère du héros inconstant, dynamique, peu soucieux du lendemain (il repousse son repentir : IV, 7). C’est bien lui qui sera au centre de la pièce comme l’indique le titre. Croisée avec la thématique religieuse, cette esthétique de la dépense et de la surprise revêt une dimension baroque.

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Conclusion :

Les scènes d’exposition recourent de façon classique au dialogue par questions/réponses, ce qui permet - par le jeu de la double énonciation - d’informer le spectateur en même temps que le personnage sur les données essentielles à la compréhension de la pièce. Ainsi, nous apprenons les caractéristiques du héros, ses rapports avec les femmes, avec la religion et avec son valet. Le spectateur est également convaincu de la dimension comique de la pièce, grâce à la posture bouffonne de Sganarelle.Toutefois, cette exposition révèle des aspects plus graves et provocateurs, comme la thématique religieuse, de même qu’elle s’octroie des libertés non conventionnelles (éloge du tabac). En ce sens, elle sort du cadre de la scène d’exposition traditionnelle, ce qui prépare le spectateur à assister à une comédie elle-même non conventionnelle qui, de fait, se terminera par la mort du héros.

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Une fausse scène d'exposition ? 1 Une ouverture de scène d'exposition étonnante, déroutante..

1 par sa composition et par son sujet, son thème1 Une tirade de Sganarelle. sur le thème du tabac qui semble être une sorte

de hors-d'oeuvre, de jeu2 qui pourrait être supprimé (la tirade)3 qui retarde l'information (---- le contraire d'une scène d'exposition)4 on commence rarement une pièce au 17ème avec une tirade.5 un passage dont le thème est inutile apparemment pour l'action

2 Un passage qui remplit sa fonction dans une scène d'exposition, car il permet de tracer un portrait de Sganarelle.

1 Un pédant solennel1 Longueur de la tirade (qui est censée s'inscrire dans une conversation) :

un « numéro" pour éblouir.2 Un morceau d'éloquence : les moyens rhétoriques3 Changement total de ton inattendu et maladroitement brutal quand il a fini

son morceau de bravoure2 Mais un personnage populaire et ridicule :

1 Construction brouillonne de la tirade.2 Burlesque de la phraséologie pompeuse.3 Des approximations et des affirmations pseudo scientifiques où il joue au

savant (référence à Aristote déplacée, ... ).3 Elle prépare le spectateur à la spécificité de cette comédie dramatique.

1 La tirade sur le tabac qui donne indirectement des informations non concrètes mais importantes : l'éloge du tabac suggère ce qui lui importe (par imprégnation et identification avec Dom Juan) :

1 Goût pour le plaisir sensuel, gratuit (l'agrément du tabac, substance inutile, superflue) plus que pour le devoir.

2 Goût pour la provocation, la contestation des idées reçues et les lois sociales : pas de respect pour les tabous.

2 Cela indique que le fond de la pièce n'est pas dans l'action, l'intrigue mais1 dans la réflexion et les thèmes traités

1 rapports avec la société et ses lois morales1 les relations humaines, l'amour

2 dans le ton et la perspective1 les thèmes ne seront pas traités sur un ton sérieux (par un maître)

et philosophique, mais un ton comique2 Parodie des discours de Dom Juan.

http://efm.lasiate.com/index.php?id=324

Le tabac: un éloge paradoxal, à la fois sérieux et comique:

1 Un éloge exagéré1 Éloge qui ne souffre aucune objection, exagéré,

sans nuances;2 hyperboles3 contraste entre l'objet et le sujet anodin (le tabac)

et les bienfaits qui lui sont attribués4 le ton grandiloquent

2 Éloge sans preuves : aucune justification, uniquement des assertions

1 Argument d'autorité: Sganarelle supérieur à toute la Philosophie

2 Argument de communauté : "on"3 Arguments médicaux( on connaît la valeur

qu'accorde Molière à la science des médecins)3 Éloge surprenant, subversif, choquant; le ton de la

provocation1 correspondrait à l'éloge des drogues de nos jours .

4 Éloge qui cache une critique, une attaque1 rappel historique :

1 vente du tabac interdite par Louis XIII ordonnance royale excommunication Compagnie du St Sacrement (très influente) réprouve son usage (elle avait fait interdire Tartuffe ).

2 Molière règle ses comptes avec les bien-pensants:3 les grands thèmes, la vertu et de l'honneur, sont

ridiculisés4 Parodie de l'honnête homme dont l'obligeance

devient insupportable.5 Molière règle ses comptes avec les bien-pensants:

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