Dom Antoine Joseph Pernety - Les Fables Égyptiennes Vol.2

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    DON PERNETY FABLES EGYPTIENNES & GRECQUES 1

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    LES FABLES GYPTIENNES

    E T

    GRECQUES

    Dvoiles & rduites au mme principe,

    AVEC

    UNE EXPLICATION DES

    HIROGLYPHES,

    ET DE

    LA GUERRE DE TROYE :

    Par DomANTOINE-JOSEPH PERNETY, Religieux Bndictin de la Congrgation deSaint-Maur.

    Populum Fabulis pascebant Sacerdotes gyptii ; ipsi autem sub nomimbusDeorum patriorum philosophabantur.Orig.l. i. contra Celsum.

    TOME DEUXIEME.

    Prix, 12 liv. les 2. Vol rel.

    A PARIS,

    Chez DELALAIN lan, Libraire, rue Saint-Jacques, N. 240.

    M. DCC. LXXXVI.

    AVEC APPROBATION, ET PRIVILEGE DU ROI.

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    LES FABLES EGYPTIENNE ET GRECQUES.

    LIVRE III.

    La Gnalogie des Dieux.

    CHAPITRE PREMIER.

    aN

    ous lavons dit, les fictions des Grecs viennent pour la plupart dEgypte & dePhnicie. On ne saurait en douter, aprs le tmoignage formel des plusnciens Auteurs. Les Fables taient le fondement de la Religion : elles avaient

    introduit ce grand nombre de Dieux quon avait substitus la place duvritable. Ainsi, en apprenant la Religion des Egyptiens, les Grecs apprenaientaussi leurs Fables. Il est certain, par exemple, dit M. lAbb Banier (Myth. Tom. I.

    p.84), que le culte de Bacchus tait form sur celui dOsiris ; Diodore le dit enplus dun endroit (Lib. I.). Les reprsentations obscnes de leur Herms & deleur Priape, ntaient-elles pas les mmes que le Phallus des Egyptiens ? Crs &Cyble, les mmes quIsis ? Le Mercure des Latins, lHerms des Grecs, leTeutat des Gaulois, diffraient-ils du Thot ou Thaut dEgypte ? Enfin ni lesPlasges, quHrodote (Lib. 2.) dit avoir introduit en Grce le culte & les infa-mies du Phallus, ni les Grecs mmes ne sont beaucoup prs si anciens que lesEgyptiens. Sil y a donc quelques diffrences & dans les noms & dans lescirconstances des Fables, cest que les Grecs qui avaient un penchant marqu

    pour les fictions, & qui dun autre ct voulaient passer pour anciens,changeaient les noms & les aventures, pour quon ne reconnt pas dabordquils descendaient des autres Peuples, & quils avaient appris deux lescrmonies de la Religion. De-l vient sans doute que lon trouve chez les Grecsles Fables Egyptiennes si dfigures, & quil y a tant de diffrence entre cequHrodote, Diodore de Sicile & Plutarque disent dIsis & dOsiris daprs lesPrtres dEgypte, & ce que les Potes racontent de Crs, de Cyble, de Diane,de Bacchus & dAdonis, quon serait tent de croire que ce ne sont pas lesmmes Divinits.

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    Si nonobstant toutes ces diffrences, les Mythologues, qui ne souponnaient pas

    le vritable objet de ces fictions, y ont reconnu le mme fond, quoique habilldiffremment, ils auraient d nen pas varier si fort les explications, & les faireenvisager routes dans le mme point de vue : mais, & les Historiens & lesMythologues sont si peu daccord entre eux, quon ne sait quoi sen tenir. Carenfin, si toutes ces Fables ont t inventes pour le mme objet ; si celles desGrecs ne diffrent de celles des Egyptiens que par lhabillement & les noms,quand on a explique ces dernires, on ne devrait pas donner des premires desexplications diffrentes des autres. Si les voyages de Bacchus sont les mmesque ceux dOsiris, quand on sait ce que signifient ceux du prtendu RoidEgypte, on sait aussi quoi sen tenir pour ce qui regarde ceux de Bacchus.

    Homre & Hsiode sont en quelque manire les pres des Fables, parce quilsles ont rduites en corps, & quils les ont divulgues dune faon assezconstante; mais ils nen sont pas les inventeurs : lidoltrie tait plus ancienneque ces deux Potes. Orphe, Mlampe, &c. en avaient rempli leurs ouvrages, &lon nignore pas que ces Potes & bien dautres, de mme quHomre, avaientpuis ces fictions en Egypte & dans la Phnicie.

    Entreprendre de rfuter les Potes & les historiens sur lexistence relle desDieux & des Desses, comme tels, cest louvrage dun Chrtien, qui nenvisage

    ces Dieux que par rapport la Religion. Ce nest pas lobjet que je me propose.Le sentiment de plusieurs Mythologues qui les regardent comme des personnesrelles, & qui adoptent cette existence comme celle des personnes que lespeuples ont divinises, mais qui ont un rapport ncessaire & direct lHistoire ;& ceux qui pensent que les fables font des allgories pour la morale, ne pensentmme pas quelles puissent avoir eu un autre objet. Les uns & les autresmengagent examiner cette thogonie, & prouver quils se sont galementtromps : car enfin si ces Dieux, ces Desses, ces Hros nont jamais existpersonnellement, le Chrtien prendrait aujourdhui une peine fort inutile pour

    combatte au milieu du Christianisme un tre actuel de raison. LHistorienChronologique tablirait son histoire sur des poques chimriques, telle questlHistoire du Monde de M. Samuel Shuckford, quant au profane de ces siclesappelles fabuleux. Et comment le Moraliste trouverait-il des rgles pour lesbonnes murs dans des exemples qui sont propres qua les corrompre ?

    M. lAbb Banier a recueilli avec un travail immense tout ce que les Potes & lesHistoriens nous ont transmis des Dieux, & en a fait trois volumes deMythologie, dans lesquels il sest propos de dmontrer que toutes les fables nesont que des traits dhistoire, dfigurs par une quantit prodigieuse de fixions

    quon y a mles. Il est surprenant que ce Savant, aprs stre vu forc davouer

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    que toutes les anciennes Fables des Grecs sont des imitations dautres Fables

    pures dEgypte, il ait malgr cela pris le parti den regarder les personnesfeintes, comme des hymnes oui ont rellement exist. Cest dans ce Livre, dit-il ( liv. 5. du tome 1.), quaprs avoir rapport les sentiment des Philosophesanciens sur la Divinit, je prouverai par tout ce que lantiquit a de plusrespectable, que malgr leurs raffinements, on a cru toujours que la plupart desDieux avaient t des hommes, sujets la mort, comme ceux qui les adoraient ;& jespre que cet article de la Thologie Paenne sera prouv dune manire quine souffrira point de rplique.

    Ce nest cependant pas un peut embarras que de dbrouiller dans ce sens l la

    gnalogie des Dieux ; & ne pourrait-on pas lui dire avec Horace (Art Poet) .

    Verum quid tanto feret promissor hiatu ?

    Cet auteur, pour tenir sa promesse a employ tous les textes des Anciens quifavorisent son systme, & suivant les circonstances ou il en avait besoin. Il estarriv de-l que ce quil dit dans un chapitre, dtruit souvent ce quil avait ditdans un autre, & que son ouvrage est rempli de contradictions. Jen donne despreuves dans ce-lui-ci, lorsque je traite la mme matire, & lon pourrait faireun volume des exemples dont je ne ferai point mention Quelquefois mme il

    donne pour une vritable histoire, ce que dans quelques autres endroits il traitede fable pure. Il avoue que Palephate & beaucoup dautres Auteurs sont trssuspects, & il ne laisse pas de stayer de leur autorit toutes les fois quil trouveleurs textes propres son projet. Quel fond peut-on faire aprs cela sur lesexplications quil donne des Fables ? Et pensera-t-on avec lui quelles nesouffriront point de rplique ? Je laisse au Lecteur sens & attentif, juger sicette grande confiance tait bien fonde.

    Les Fables nous ont t transmises dans les crits de plusieurs anciens Auteursqui nous restent. Hsiode dans sa Thogonie, Ovide dans ses Mtamorphoses,

    Hygin & plusieurs autres en ont trait assez au long. Homre (Iliad. lib. 8.) parlede cette gnalogie des Dieux sous lallgorie dune chane dor, laquelle tousles Dieux staient suspendus pour chasser Jupiter du Ciel, & dit que leursefforts furent inutiles. La plupart des Paens regardaient Jupiter comme le plusgrand des Dieux, mais comme ils ne disaient pas quil navait point dautreorigine que lui-mme, nous examinerons quels taient son pre, sa mre & sesaeux.

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    CHAPITRE II.

    Du Ciel & de la Terre.

    aL

    es Auteurs des gnalogies des Dieux nont eu que des connaissances fortconfuses sur la vritable origine du Monde ; on pourrait mme dire quils lontbsolument ignore. Eclairs par les seuls lumires de la raison, ils se sont

    gars dans leurs vaines spculations, comme lAptre Saint Paul le leurreproche, & ils se sont en consquence forms des ides diverses & de Dieu &de lUnivers. Cicron, qui avait recueilli toutes ces ides dans son Livre de lanature des Dieux, nous en a fait voir lui-mme le peu de solidit.

    Quelques-uns ont entrevu un tre indpendant de la matire, une intelligenceinfinie & ternelle qui donne au Monde le mouvement, qui lui a donn laforme, & qui le conserve dans sa manire dtre ; mais ils ont aussi suppos lamatire coternelle cette intelligence. Aristote & les Pripatticiens paraissentlavoir pens ainsi. Platon & ses sectateurs reconnaissent un Dieu ternelcomme cause efficiente de tout ce qui existe, & lUnivers comme un effet decette cause, produit par ce Dieu, quand il lui ***** & non de toute ternitcomme lui. D ***** avec Epicure, ont pens que le Monde tait form par leconcours fortuit du ****** datomes, qui, aprs avoir longtemps voltig dans levide, se seraient runis ou coaguls comme le beurre ou le fromage se forme dulait, sans nous dire quelle a t ou pu tre lorigine de des atomes.

    Thals, Hraclite & Hsiode ont regard leau comme la premire matire deschoses, & ils seraient en cela daccord avec la Gense, sils avaient ajout que lechaos ou cet abme nexistait pas de lui-mme, & quune suprme intelligence &ternelle lui avait donn ltre, la forme & lordre que nous y voyons

    La cration de lUnivers sest faite dans des tnbres trop paisses, pour quenous puissions voir comment les chutes sy sont passes. Cest temps perdu quede raisonner l-dessus, & de vouloir imaginer des systmes. Tous ceux qui enont form, ou qui ont voulu raffiner sur le peu que Mose nous en a dit, nontrien donne de satisfaisant, & sont quelquefois tombs dans le ridicule. Je laisseaux Physiciens la discussion de tous ces sentiments ; je ferai seulement observerque le Crateur de tout ce qui existe, ntant pas assez connu des anciensPhilosophes, ils nont peut-tre tudi la nature des Dieux que par rapport auxchoses sensibles, dont ils cherchaient connatre lorigine & la formation, &quau lieu de soumettre la Physique la Thologie, comme le dit fort bien M.lAbb Banier, ils ne fondaient leur Thologie que fur la Physique.

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    Ces ides se formrent des consquences mal entendues, mais puise dans les

    principes philosophiques que les Grecs furent tudier chez les Egyptiens.Thaut, suivant le tmoignage de Philon de Byblos, Traducteur deSanchoniathon, avait crit lhistoire des anciens Dieux ; mais ctait des Dieuxdont nous avons parl dans le premier Livre ; & le mme Philon avoue que desAuteurs mmes des sicles suivants ne les avaient regards que comme desallgories. Nous avons assez prouv que Thaut ou Mercure Trismgiste nereconnaissait quun seul Dieu, & sil na parl & crit de quelques autres Dieux,il ne croyait ni ne voulait pas que lon croit quils avaient t des hommesvritables & mortels, quon avaient difis dans la suite, puisquil tait dfendu,sous peine de la vie, de dire quils avaient exist sous forme humaine ; non

    quils eussent t en effet des hommes, mais pour les raisons que nous avonsdduites assez au long, lorsque nous avons expliqu les ides des PrtresEgyptiens sur Isis & Osiris. Ainsi tous les tmoignages des Auteurs que lonapporte pour prouver que les Dieux avaient t de vrais hommes, prouventseulement quils ntaient pas au fait du secret des Prtres dEgypte, & quilsavaient pris la lettre ce quon navait donn que pour des allgories.

    Les Philosophes & les Potes se sont souvent moquas de ces Dieux. Rien deplus indigne & de plus choquant que la manire dont ils en parlent. Ils en font

    des monstres, dit le clbre A. Bossuet (Discours sur lhistoire Universelle.) ; ilsen reprsentent de ronds, de quarrs, de triangulaires, de boiteux, daveugles :ils parlent dune manire bouffonne des amours dAnubis avec la Lune; ilsdisent que Diane eut le fouet ; ils font battre les Dieux, & les font blesser par deshommes ; ils les font fuir en Egypte, o ils sont obligs, pour se cacher, de semtamorphoser en animaux. Apollon pleure Esculape, Cyble Athis : lun,chass du Ciel, est oblig de garder des troupeaux ; lautre, rduit travailler des ouvrages de maonnerie, na pas le crdit de Se faire payer : lun estMusicien, lautre Forgeron, lautre Sage-femme. En un mot, on leur donne desemplois indignes ; ce qui sent plutt la bouffonnerie du Thtre, que la majestdes Dieux.

    Peut-on en effet trouver rien de plus indcent que le rle quHomre leur faitjouer dans Ses Ouvrages ? Et si ces Dieux avaient t des Rois, ou mme desHros, en aurait-il parl avec si peu de respect ? Lucien, dans Ses Dialogues, neSe joue-t-il pas aussi des Dieux ? Juvenal dit (1) que les enfants Seuls le croient.

    Nec pueri credunt, nisi qui nondum are lavantur.

    1 Sat. 6.

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    Nombre danciens Philosophes & Poles reconnaissaient cependant un Dieu

    unique, une intelligence suprme, de laquelle tout dpendait, qui gouvernaittout (2) : mais comme peu de gens avaient assez rflchi pour connatre le vraiDieu, & en avoir une ide juste, ne trouvant rien de plus parfait que le ciel & laterre, il tait tout naturel de les regarder comme les premiers Dieux. Ilsimaginrent del que lair & le ciel, la mer & la terre, les neuves, les fontaines,les montagnes, les vents doivent tre parents ou allis, ou du moins contempo-rains, ou mme, ce qui tait plus croyable, tous frres & surs jumeaux (3).Mais comme le soleil & la Lune taient les deux objets les plus beaux & les plusfrappants qui se prsentent nos yeux, ces deux astres devinrent les Dieux depresque tous les Peuples. Si nous en croyons les Anciens, le soleil tait lOsiris

    des Egyptiens, lAmmon des Lybiens, le Saturne des Carthaginois (4); lAdonisdes Phniciens, le Bal ou le Belus des Assyriens, le Moloch des Ammonites, leDionysos ou lUrotal des Arabes, le Mithras des Perses, le Belenos des Gaulois.Apollon, Bacchus, Liber ou Dionysus, taient la mme chose que le soleil chezles Grecs, Macrobe (5) le prouve dune manire qui ne laisse point de rplique,dit M. lAbb Banier (6).

    De mme la Lune tait Isis en Egypte, Astare en Phnicie, Alilat chez lesArabes, Mylitta chez les Perses; Artmis, Diane, Dictynne, &c. en Grce, dans

    lle deCrte, dans celle de Dlos & ailleurs. Macrobe va mme jusqu dire quetous les Dieux du Paganisme devaient rapporter & rapportaient en effet leurorigine au Soleil & la Lune. Aprs un tel aveu de M. lAbb Banier, nest-il pas

    2 Il y avait l'entre du Temple de Delphes une ancienne inscription comprise dans ces deux

    lettres grecques EI : sur quoi Plutarque fait dire Ammonius, principal interlocuteur dans le

    Dialogue qui a cette inscription pour objet, que ce mot EI tait le titre le plus auguste que l'on

    pouvait donner la Divinit ; qu'il signifie Tu ES, & exprime l'existence ncessaire de l'Etre

    Suprme ; que comme ce titre ne peut convenir aucune crature, & qu'il n'y en a aucune dont

    on puisse dire dans un sens, absolu, EI, Tu ES, parce que leur existence est emprunte,incertaine, dpendante, sujette au changement & momentane, ce nom peut, dans son sens le

    plus propre, tre donn la Divinit, parce que Dieu est indpendant, incr, immuable,

    ternel, toujours le mme, & par consquent que c'est de lui seul qu'on peut dire, qu'il est

    Plutarque conclut encore mieux de ce seul moi EI, l'unit de Dieu, sa simplicit, & les droits

    qu'il a sur nos hommages .

    3 Voy. Hsiode Theog. v. 125. & Suiv.

    4 Servius in 2. neid.

    5 Sat. 1. I. c. 10.

    6 Myth. T. I. p. 451.

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    surprenant quil veuille en faire des hommes ?

    Mais enfin on convenait que le Soleil & la Lune devaient leur origine quelquun plus ancien queux, & lon tablissait en consquence une successiongnalogique, dont le Ciel& laTerre taient la premire racine.

    Uranus, dont le nom dans la Langue Grecque signifie le Ciel, pousa Tite ou laTerre, sa sur, & en eut plusieurs enfants. Voila le Ciel & la Terre reconnuscomme source des Dieux Cest donc eux & leur race que nous allons passer enrevue limitation de dHsiode (d).

    Ces Dieux eurent pour enfants, Titan, Ocan, Hyprion, Japet, Saturne, Rhe,

    Thmis & les autres que ce Pote rapporte. De Saturne & Rhe naquirentJupiter, Junon, Neptune, Glauca & Pluton : de Saturne & Phillyre, Chiron leCentaure. Des suites dune opration violente que Jupiter fit Saturne, naquitVnus De Junon seule vint Heb. De Jupiter & de Mtis, que ce Dieu avaitengloutie, sortit Pallas. Jupiter eut de Junon, Sa Sur, Vulcain & Mars, deLatone, Apollon & Diane ; de Maja, Mercure ; de Smle, Denys ou Bacchus ; deCoronis, Esculape ; de Dana, Perse ; dAlemene, Hercule ; de Leda, Castor &Pollux, Hlne & Clytemnestre ; dEurope, Minos & Rhadamante; dAntiope,Amphion & Zethe ; les Palisques de Thalie, & Proserpine de Crs.

    Nous ne ferons mention que de Saturne, Jupiter & ses enfants que nous venonsde nommer, & nous y ajouterons seulement quelques-uns de ses petits-fils ; carnous ne finirions pas, si nous voulions parler de tous. Au reste ce que nousdirons de ceux-ci, Sera plus que suffisant pour apprendre interprterce quiregardeceux que nous omettrons.

    Comme la gnalogie du Ciel & de la Terre ne stend pas au-del deux, moins quavec quelques Auteurs on ne les dise enfants du Chaos, il est inutileden parler plus au long. Voyons ce que ctait que Saturne, afin davoir

    quelque connaissance du pre par le fils.CHAPITRE III.

    Histoire de Saturne.

    Saturne fut le dernier & le plus mchant des fils du Ciel & de la Terre. LesAnciens, pour saccommoder aux procds que la Nature emploie dans toutesses gnrations, se sont trouvs dans la ncessit de personnifier ces deuxparties qui composent lUnivers : & comme toute gnration suppose un

    d Thog. V. 104

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    accouplement du mle & de la femelle dans les tres anims, ou de lagent & du

    patient dans ceux qui ne le sont pas, on a donn Saturne, suppos anim &intelligent, un pre & une mre de mme espce.

    Il ny a pas dapparence quen supposant le Ciel qui est sur nos ttes, & la Terresur laquelle nous marchons, pre & mre de Saturne, Hsiode & les autres aientprtendu nous faire croire que le Ciel & la Terre se soient accoupls lamanire des tres anims ; cest donc comme agent & patient, comme forme &matire ; le Ciel faisant la fonction de mle, & la Terre loffice de femelle ; lepremier comme agent, donnant la forme ; la seconde comme patiente, &fournissant la matire. Il ne faut donc pas simaginer que les Anciens aient

    dlir au point de supposer en ralit au Ciel & la Terre des parties animalespropres la gnration dindividus anims.

    Les Mythologues qui ont voulu rapporter les Fables lHistoire, ont t obligsden fabriquer une, sans sinquiter beaucoup si elle tait conforme ce que lesplus anciens Potes nous ont dit de Saturne, quoique ce fut deux seuls que lonpouvait apprendre lhistoire de ce Dieu, puisquils sont plus anciens que lesHistoriens. On a donc feint quUrane ou le Ciel tait un Prince, qui surpassatellement tout ce que son pre & ses prdcesseurs avaient fait de remarquable,quil effaa dans le souvenir de la postrit jusquaux noms mmes de ceux

    dont il descendait (a). On ajoute quil passa le Bosphore, porta ses armes dansla Thrace, conquit plusieurs Iles, se jeta rapidement sur les autres Provinces delEurope, pntra jusquen Espagne, & payant le dtroit qui la spare delAfrique, il parcourut la cte de cette partie du Monde, do revenant sur sespas (b), il alla du ct du Nord de lEurope, dont il soumit tout le pays sapuissance. On dit mme quil ne fut nomm Urane, que par le soin quil eut desappliquer la science du Ciel, en connatre la nature, les rvolutions & lesdivers mouvements des astres.

    Si Uranus na pris son nom que de l, il faudra donc dire aussi que Tite na prisle sien que de lapplication quelle sest donne connatre la nature de la Terre& ses proprits Mais ne voit-on pas que de telles explications sont peusatisfaisantes ? On ne sest pas avis de celle du nom de Tite, elle etcependant t ncessaire pour former une explication vraisemblable. Carcomment serait il arriv que la femme dUranus se serait prcisment nommeTite ? Et sils navaient lun & lautre ces noms, que par des raisons aussi peusolides que celles que nous venons de dduire, comment les Titans, leurs

    a M. lAbb Banier T. II. P. 22.

    b Diod. De Sic. I.

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    enfants, en auraient-ils pris occasion depublier quils taientlesenfants du Ciel &

    de la Terre, croyant se rendre aussi respectables par cette origine, quils taientredoutables par leur force & leur valeur(a) ?

    Les Titans que nous venons de nommer, ne furent pas les seuls enfants de laTerre. Irrite de la victoire que les Dieux avaient remporte sur eux, elle fit undernier effort, & fit sortir de son sein le redoutable Typhon, qui seul donna plusde peine aux Dieux que tous ses autres frres ensemble : mais nous en avonsdj parl dans le premier Livre; revenons Saturne.

    Urane, pre de Saturne, dit Hsiode (b), ayant jet les Titans, ses fils, lis &garrotts dans le Tartare, qui est le lieu le plus tnbreux des Enfers, ce fut,ajoute cet Auteur, dans cette occasion que Tite, indigne du malheureux sortde ses enfants, engagea les autres Titans dresser des embches son mari, &quelle donna Saturne, le plus jeune de tous ses fils, cette faux de diamantavec laquelle il le mutila.

    En feignant Urane & Tite enfants du Chaos, comme ont fait les Anciens, il nestpas naturel de les regarder comme des personnes relles, & cette mutilationdUrane ne peut en consquence avoir lieu, & tre prise dans le sens naturel. Sion les prend pour le Ciel & la Terre, quauraient-ils engendrs ? Sans doute un

    autre Ciel & une autre Terre, puisque chaque individu engendre son semblabledans son espce. Saturne, Rhe & leurs enfants auraient donc t autant denouveaux Ciels ou de nouvelles Terres. Les Mythologues nont pas fait cetterflexion. De Saturne ils ont fait le Temps, de Thtis une Desse marine, deThmis la Desse de la Justice, de Crs la Desse des grains, de Titan, de Japet,&c. je ne sais trop quoi. Selon les Atlantides, ces enfants du Ciel & de la Terretaient au nombre de dix-huit, & Suivant les Crtois, cette famille ntaitcompose que de six garons & de cinq filles.

    Du nombre des garons, Saturne fut le plus clbre. On le reprsentait

    anciennement sous la figure dun vieillard pale, & courb sous le poids desannes, tenant une faux la main, avec un dragon qui se mordait la queue, &de lautre un enfant quil portait sa bouche bante, comme pour le dvorer. Satte tait couverte dune espce de casque, & ses habits sales & dchirs, la ttenue & presque chauve. On plaait ses cts ses quatre enfants, Jupiter muti-lant son pre, & Vnus naissante de ce quil avait coup. Saturne, quoique leplus jeune des enfants dUrane, sempara du Royaume, qui appartenait par

    a M. l'Abb Banier, T.II. p. 22

    b Theog.

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    droit danesse Titan Les enfants de celui-ci eurent beau sopposer la

    puissance naissante de leur oncle, tout plia sous elle ; mais il ne mit fin cetteguerre que par une paix, dont les conditions taient que Saturne serait mourirtous les enfants mles quil aurait de Rhe, son pouse & sa sur. Scrupuleuxobservateur du trait, Saturne les dvorait lui-mme mesure quils naissaient.

    Jupiter eut prouv le mme sort, si Rhe navait us de stratagme pour lesoustraire la voracit filicide de son pre. Elle prsenta son mari un caillouemmaillot, & tout couvert de langes. Saturne sans examiner lavala, pensantque ctait Jupiter.

    Rhe ayant ainsi tromp son poux, mit Jupiter en nourrice chez les Corybantes,

    & leur confia son ducation, jusqu ce quil fut parvenu un ge propre rgner. Neptune & Pluton furent aussi sauvs par quelquautre ruse Saturnedevint ensuite sensible aux appas de Phillyre, fille de lOcan, & se voyant prissur le fait par Ops, il se mtamorphosa en cheval : cest pourquoi Phillyre mitau monde Chiron, le plus juste & le plus prudent des Centaures, qui fut con-te lducation dHercule, celles de Jason, dAchille, &c. Jupiter en usa ensuiteimpitoyablement avec Saturne, comme celui-ci en avoir us avec le Ciel, sonpre. On dit mme que dans une des imprcations que la colre dicte aux pres& aux mres contre un fils ingrat, Urane & Tite annoncrent Saturne que ses

    enfants le traiteraient comme il les avait traits lui-mme & quintimid parcette menace, il prit le parti de faire prir tous ses enfants.

    Saturne mutil & dtrn, errant duCiel,se retira en Italie, o il se cacha ; &cest de l, ajoute-t-on, que lItalie prit le nom de Latium, de latere, se cacher (a).Il est en vrit bien surprenant quune si petite portion de la Terre air pucontenir & cacher le fils dun pre si vaste & si tendu. Il a plu aux Auteurs desgayer ainsi, sans doute dans le dessein de donner leurs Villes & leur paysun relief qui les mt au-dessus des autres Peuples.

    Saturne tait un des principaux Dieux de lEgypte, de mme que Rhe sonpouse. Quelques Auteurs ont mme avanc quil fut pre dIsis & dOsiris.Hrodote, & aprs lui beaucoup dHistoriens, & presque tous les Mythologues,conviennent que les Grecs ont pris des Egyptiens le culte des Dieux. Il estconstant dailleurs que le culte de Saturne tait tabli en Egypte avant que les

    a Primus ab thereo venit Saturnus Olympo, Arma Jovis fugiens & regnis exul ademptis. Is

    genus indocile, ac dispersum montibus altis Composuit, legesque dedit, Latiumque vocari

    Maluit, his quoniam latuisset tutus in oris.Virg. neid. I. 8.

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    Phniciens prissent le parti de conduire des Colonies dans la Grce. Il est

    certain encore, comme lassure le mme Hrodote, que les Egyptiens nontpoint emprunt le Saturne ni le Jupiter des Grecs. Quoique lantiquit nous aitlaiss peu de lumire sur le temps auquel Saturne & Jupiter ont rgn, M.lAbb Banier (a) pense quon peut le dduire de la gnalogie de Ducalion,dont les marbres de Paros placent le rgne en la neuvime anne de celui deCcrops. Enfin tout calcul fait, ce savant Mythologue croit quon peut fixer lamort de Jupiter lan 1780 avant lEre vulgaire, & le rgne de Saturne vers lan1914 avant Jsus-Christ Il sagit de savoir si le Saturne dont il parle, est le mmeque celui dEgypte : Hrodote (b) parle des huit grands Dieux des Egyptiens ; &puis des douze ; & lon sait que Saturne & Jupiter taient du nombre des

    premiers.On les disait mme lun & lautre pres dOsiris, comme nous lavonsrapport dans le premier Livre. M. lAbb Banier pense aussi (c) quOsiris est lemme que Mesram, fils de Cham, quil dit tre Ammon. Mais de quelquemanire quon regarde la chose, il restera pour constant que Saturne tait undes grands Dieux dEgypte, & que sil fut Roi dans ce pays-l, on a tort desupposer son rgne dans la Grce ou dans lItalie, puisque les meilleurs & lesplus anciens Auteurs soutiennent que les Grecs empruntrent des Egyptiens leculte des Dieux, dont celui-ci tait du nombre.

    Au reste, tout ce que les Grecs disaient de leur Saturne, convenait trs-bien auSaturne dEgypte, & il y a grande apparence que lamour-propre & la vanitseule avaient engag les (Grecs feindre que Saturne & Jupiter avaient prisnaissance chez eux ; parce que, comme nous lavons dit, ils ne voulaient pasquon crut quils tiraient leur origine dautres que des Dieux. Si M. lAbbBanier & la plupart des Anciens avaient fait cette rflexion, ils ne se seraient pastant mis lesprit la torture pour chercher lpoque du rgne de Saturne & desautres Titans, & auraient vu sans peine que toutes ces fables taient des fablespurement allgoriques, & non de vritables histoires racontes fabuleusement.Il suffit mme, pour en tre convaincu, de lire avec un peu dattention lhistoirede ces Dieux dans la Mythologie du savant Abb que nous citons si souvent.Quelque ingenieuses que soient les explications quil en donne, on sent combienil est difficile de suivre, ou plutt de faire promener Saturne dans diffrentscantons de la Grce, de Espagne, ensuite de lItalie ; combien il en cote au

    Jugement pour se persuader quil y a eu un autre Saturne que celui dEgypte,sils comme lui du Ciel & de la Terre, frre & poux de Rhe, & pre de Jupiter !

    a T. II. p. 130.

    b Liv. 2.

    c T. I. p. 484.

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    Crs mme, fille de Saturne, suivant les Grecs, nest point diffrente dIsis.

    Vesta, autre fille de Saturne, tait aussi une Desse de lEgypte. Typhon enfin,qui causa tant de peines & dembarras aux Dieux Saturne, Jupiter, &c. tait unTitan, & un Titan Egyptien, de mme que Promthe, fils de Japet, & neveu deSaturne, puisque Osiris le constitua Gouverneur dune partie de ses Etatspendant le voyage quil fit aux Indes Il suffirait donc de rapprocher toutes ceshistoires, pour voir dun coup dil sur les explications que nous avonsdonnes dans le premier Livre, & sur ce que nous venons de dire que cesprtendus Princes Titans ne sont que des tres fabuleux & allgoriques.

    Par Saturne, plusieurs ont interprt le Temps, cause de son nom Chronos. Il

    est unique, dit-on, il parat engendre, ou, si lon veut, combin & mesur par lemouvement des Cieux ; cette filiation unique a fait imaginer quil avoir mutilson pre. On se fonde encore dans ce sentiment, sur ce que le temps dvore tout; ce qui se fait dans le temps, est comme son enfant, & sil pargne quelquechose, cest tout au plus les cailloux & les pierres les plus dures : cest pourquoilon feint quil vomit le caillou quil avait aval, croyant avoir dvor Jupiter.Tempus edax rerum, dit Horace.

    Telle est lexplication de quelques autres Mythologues, appuye sur letmoignage de Cicron mme, qui dans son Livre de la nature des Dieux, fait

    parler deux Philosophes, dont un des Interlocuteurs dit que ctait ce Dieu quigouvernait le cours du temps & des saisons.

    Il faut avouer que cette explication nest pas mal trouve : maismalheureusement elle cloche par quelque endroit, & laisse ct plusieurscirconstances de cette fable. Que le Ciel soit pre de Saturne, passe ; mais que laTerre soit sa mre, cela ne cadre pas tout--fait bien. La Terre aurait-elle doncconu le Temps ? Et que fait la Terre sa production ? Quy fait mme le Ciel ? moins que lon ny considre que le cours & le mouvement des Plantes & des

    Astres, Pour moi, jaurais plutt imagin le Soleil que Saturne pour pre duTemps ; on ne le regarde cependant que comme le petit-fils de ce premier desDieux. Cest sur le cours du Soleil que se rglent le jour & la nuit, lanne, lt,lhiver & les autres saisons. Je laurais mme pris pour le Temps mme, pluttque le fils du Ciel.

    Pourquoi en effet reprsenter le Temps sous la figure dun Vieillard ple,languissant, courb sous le poids des annes, par consquent trs pesant & trstardif, lui qui vole plus vite que le vent, lui dont rien ngale la clrit, lui quine vieillit jamais, & qui se renouvelle a chaque instant ? On dit que le dragon ou

    serpent que lon met la main de Saturne, signifie lanne & ses rvolutions,

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    parce quil mord sa queue ; mais il reprsenterait mieux, sil me semble, le

    symbole de la jeunesse, parce que le serpent semble rajeunir toutes les fois quilchange de peau, au lieu quune anne passe ne revient plus. Je ne vois mmeaucune diffrence entre ce serpent, & ceux que lon donne Mercure, Esculape, ceux mmes qui taient constitus gardiens de la Toison dor & du

    jardin des Hesprides. Pourquoi serait-il donc l le symbole de la rvolutionannuelle, ici celui de la concorde & de la runion des contraires, l celui de laMdecine, & ici celui de la prudence & de la vigilance ?

    Pour trouver la vritable signification de ce serpent, cest des Egyptiens, lespres des symboles & des hiroglyphes, quil faut lapprendre. Horappollo (a)

    nous dit que ces Peuples voulant reprsenter hiroglyphiquement la naissancedes choses, leur rsolution dans la mme matire, & les mmes principes dontelles sont faites, mettaient devant les yeux la figure dun serpent qui dvore saqueue. Le mme Auteur dit que pour reprsenter lEternit, les Egyptienspeignaient le Soleil & la Lune, ou un Basilic, appel par les Egyptiens Ure,parce quils regardaient ces Astres comme ternels, & cet animal commeimmortel (b). Il ajoute (art. 3.) que la figure dIsis tait le symbole de lanne,comme le palmier : mais il ne dit en aucun endroit, que le serpent mordant saqueue, en fut la figure. Le Pre Kircher (c) semble avoir voulu gnraliser lide

    dHorapollo, en disant que les Egyptiens voulant dsigner le Monde,reprsentaient un serpent mordant sa queue, comme sils eussent vouluindiquer que tout ce qui se forme dans le monde, tend peu peu sadissolution en sa premire matire, suivant cet axiome, in id resolvimur ex quosumus. Il apporte mme en tmoignage le sentiment dEusebe, qui en parlant dela nature du serpent, suivant lide quen avaient les Phniciens, dit : .

    Le Pre Kircher approche mme de lide que les Philosophes Hermtiquesattachent la figure & au nom du serpent, lorsquil dit ( d) que les Egyptien

    figuraient les quatre lments par ce reptile : car les Philosophes prennent leserpent, tantt pour symbole de la matire du Magistre, quils disent trelabrg des quatre lments, tantt pour cette matire terrestre rduite en eau,& enfin pour leur soufre ou terre igne, quils appellent la minire du feucleste, & le rceptacle dans lequel abonde cette vertu igne qui produit tout

    a Lib. 2. cap. 2.

    b Ibid. chap. I.

    c Ideae Hierog. Lib. 4.

    d Loc. cit.

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    dans le monde. Cette matire, disent-ils, compose des quatre lments, doit se

    rsoudre en ses premiers principes, cest--dire en eau, & cest par son actionque les corps sont rduits en leur premire matire. Si vous voulez savoir quelleest noire matire, ajoutent-ils, cherchez celle en quoi tout se rsout ; car leschoses retournent toujours leurs principes, & sont composes de ce en quoi ilsle rsolvent. Bernard Trvisan (e) explique cette rsolution, & avertit quil nefaut pas simaginer que les Philosophes entendent parler des quatre lmentssous les noms de premire matire, ou de premier principes ; mais les principessecondaires ou principis des corps, cest--dire eau mercurielle

    Les Philosophes ont souvent pris le serpent ou le dragon pour symbole de leur

    matire. Nicolas Flamel y est prcis. Majer (a) en a fait le quatorzime de sesemblmes,avec ces versau-dessous :

    Aiguillonn par la sinistre faim, le poulpeRonge ses membres, et lhomme se repat de lhomme.Tandis que le dragon mord et mange sa queue,Il a pour aliment une part de lui-mme.Dompte-le par le feu, la faim et la prison ;Quil se mange et vomisse, et se tue et senfante.

    Les Disciples dHerms ont donc suivi les ides de leur Matre sur lhiroglyphedu serpent. Ils en ont donn Cadmus, Saturne, Mercure, Esculape, &c. Ilsont dit quApollon avait tu le serpent Python, pour dire que lor philosophiqueavait fix leur matire volatile. Ils en ont fait Typhon lanagramme de Python, &lui ont donn pour enfants tous ces dragons & ces monstres dont il est parldans les Fables. Les Philosophes plus modernes se sont conforms aux anciens,& par le serpent qui dvore sa queue, ils entendent proprement leur soufre,comme nous lapprennent une infinit dentre eux, particulirement RaymondLulle, en ces termes (b) : Mon fils, cest le soufre ou la couleuvre qui dvore sa

    queue, le lion rugissant, lpe tranchante qui coupe, mortifie & dissout tout .Et lauteur du Rosaire : On dit que le dragon dvore sa queue, lorsque lapartie volatile, vnneuse & humide semble se consumer, car la volatilit duserpent dpend beaucoup de sa queue . DEspagnet fait aussi mention de ceserpent en ces termes :

    In ambabus his posterioibus operationibus saevit in seipsum draco, & caudam suam

    e Philos. Des Mtaux.

    a Atalanta fugiens.

    b Codic. c. 31.

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    devorando totum se exhaurit, ac tandem in lapidem convertitur.

    Quant au serpent simplement considr en lui-mme, les Philosophes en ontdonn le nom leur eau mercurielle, parce quon dit communment que leseaux serpentent en scoulant, & que les ondes imitent les inflexions que leserpent fait en rampant. Dailleurs, dans la seconde opration du Magistre, leserpent philosophique commence se dissoudre par sa queue, au moyen de satte, cest--dire de son premier principe.

    Ces explications ne sont pas de moi. Il ne faut quavoir tant soit peu lu lesouvrages des Philosophes, pour en tre convaincu. Considrez bien ces deuxdragons, dit Flamel (a) ; car ce sont les vrais principes de la Philosophie, que lessages nont pas os montrer & nommer clairement leurs enfants propres.Celui qui est dessous sans ailes, cest le fixe ou le mle ; celui qui est dessusavec des ailes, cest le volatil, ou la femelle noire & obscure, qui prendra ladomination pendant plusieurs mois. Le premier est appel soufre, ou biencalidit & siccit & le second, argent-vif, ou frigidit & humidit. Ce sont leSoleil & la Lune de source mercurielle & origine sulfureuse, qui par le feucontinuel sornent dhabillements royaux pour vaincre toute chose mtallique.solide, dure & forte, lorsquils seront unis ensemble, & puis changs enquintessence. Ce sont ces serpents & dragons que les anciens Egyptiens ont

    peints en cercle, la tte mordant la queue, pour dire quils taient sortis dunemme chose, & quelle seule tait suffisante elle-mme, & quen son contour& circulation elle se parfaisait.Ce sont ces dragons que les anciens Potes ontmis garder, sans dormir, les pommes dores des jardins des ViergesHesprides. Ce sont ceux sur lesquels Jason, en laventure de la Toison dor,versa le jus prpar par la belle Mde ; des discours desquels les livres desPhilosophes sont si remplis, quil ny en a point qui nen ait crit, depuis levridique Herms Trismgiste, Orphe, Pythagoras, Artphius, Morienus & lesautres suivants jusqu moi. Ce sont, &c .

    Le portrait que Basile Valentin fait de Saturne (b) convient trs-bien avec celuide la Fable. Moi Saturne, dit ce Philosophe, la plus leve des Plantes duFirmament, je confesse & proteste devant vous tous, mes Seigneurs, que je suisle plus vil & le moindre dentre vous ; jai un corps infirme & corruptible, decouleur noire, sujet beaucoup dafflictions, & toutes les vicissitudes de cettevalle de misre. Cest moi cependant qui vous prouve tous ; je nai point unedemeure fixe, & en denvolant, jenlve tout ce que je trouve de semblable

    a Explic. des fig. chap. 4.

    b Prf. de ses douze Clefs.

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    moi. Je ne rejette la faute de ma misre que sur linconstance de Mercure, qui

    par sa ngligence & son peu dattention, ma caus tous ces malheurs . UnAuteur anonyme, en parlant de la gnration de Saturne, dit (c) : Il est sujet beaucoup de vices par le dfaut de sa nourrice, boiteux, mais cependant dungnie doux, ais, sage, prudent ; & mme si rus, quil est le vainqueur de tous,except de deux. Sa mauvaise digestion, ajoute-t-il, le rend ple, infirme, courb; il porte la faux, parce quil prouve les autres. On lui donne un serpent, parcequil les renouvelle & les rajeunit, pour ainsi dire, en se renouvellent lui-mme .

    Je ne prtends pas nier que la plupart des Anciens naient pris Saturne pour le

    symbole du Temps. Cicron, assez bien instruit de la Thologie Paenne, ditpositivement dans son second livre de la nature des Dieux : Les Grecsprtendaient que Saturne est celui qui contient le cours & la conversion desespaces & du temps. Ce Dieu sappelle en grec, Chronos, mot qui signifie letemps. Il est appel Saturne, parce quil est saoul dannes : & lon feint quil advor ses propres fils, parce que lge dvore les espaces du temps, & seremplit insatiablement des annes qui scoulent. Il a t li par Jupiter, de peurque sa course ne ft immodre : voil pourquoi Jupiter sest servi des Etoiles,comme de liens pour le garrotter.

    Si cet endroit de Cicron prouve pour ceux qui prtendent avec lui que Saturnene signifie que le Temps, au moins prouve-t-il galement que Saturne ne fut

    jamais un Prince rel de la Grce, mais seulement un personnage feint, & sonhistoire une allgorie. Et si ctait le sentiment mme des Grecs, en vain M.lAbb Banier & quelques autres Mythologues se mettent-ils en frais deraisonnements & de preuves tires de Diodore de Sicile & de plusieurs Anciens,pour en fabriquer une histoire donc ils prtendent nous soutenir la ralit.Varron lui-mme, aprs bien dautres Philosophes qui avaient raisonn sur lanature des Dieux, trouvrent tant dabsurdits dans le fond mme de leurs

    Histoires, quils sentirent la ncessit indispensable de recourir lallgorie,pour trouver quelques explications au moins vraisemblables : mais la grandediversit de leurs interprtations, prouve quils ntaient pas au fait des objetsque les Auteurs de ces allgories avaient en vue. Saint Augustin les trouvait sipeu satisfaisantes, quil dit que par leurs explications, ils veulent faire honneura ces fables ridicules, extravagantes, en les appliquant aux oprations de laNature & de lUnivers, & aux diffrences parties de lun & de lautre. Il suffit eneffet de lire tout lendroit que nous venons de citer de Cicron, pour voir

    c Philos. Occ. ch. 12.

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    clairement que ces explications sont absolument forces. Car qui prendra jamais

    des toiles pour des liens de laine ? Qui pourra penser avec lui que Saturne at ainsi nomm, de ce quil est saoul dannes, quod saturetur annis, puisque leTemps en est au contraire insatiable ? Len croira. t-on sur sa parole, quand ilajoute, que lon feint que Saturne a dvor ses propres si fils, parce que lgedvore les espaces du temps ? Si cela tait ainsi, comment aurait-on pu direquil revomit le caillou & le reste quil avait dvor, au moyen dune boissonquon lui fit prendre, puisque le temps une fois pass ne revient pas, & ne rend

    jamais ce quil a englouti ?

    Lhistoire de Saturne renferme mme une infinit de circonstances qui ne

    peuvent convenir au Temps. Ses guerres, par exemple, avec les Titans, samutilation, son dtrnement, sa fuite, & sa retraite en Italie pour sy cacher, sonrgne avec Janus, sa parent mme ; car que ferait-on de Titan, de Japet, dAtlas,de Rhe & des autres ? quelles parties du Temps les attribuera-t-on ? Et si leTemps le plus ancien est lan des choses, comment pourra-t-on dire queSaturne tait le plus jeune des enfants du Ciel & de la Terre ?

    Quant son nom grec , quon dit tre le mme que , tempus, jecroirais que cette ressemblance de noms a t la cause de lerreur de ceux quiont pris Saturne pour le Temps. Si lon avait fait attention aux autres noms que

    les Grecs donnaient ce Dieu, on aurait reconnu que pouvait ne passignifier le Temps, puisque celui d, que Philon de Byblos interprte deSanchuniathon, donne Saturne, suivant le tmoignage dEusbe, na aucunrapport avec le Temps. On sait quI veut dire du limon, de la boue, & quil at fait d,palus, duquel on peut galement avoir fait I , qui est le nomde Saturne ; & alors pourrait venir de K, , que les Doriensdisaient pour K,fons ; car on nignore pas que les Grecs changeaient assezsouvent la en o : peut-tre viendrait-il encore de K, fons scaturiens, qui at fait aussi de K, & dans ce cas on aurait dit par syncope pour

    K. Cette tymologie parait dautant plus naturelle, que la plupart desAnciens admettaient avec les Philosophes Hermtiques, leau comme premierprincipe, ou le chaos, quils regardaient comme une boue, & un limon duqueltout tait sorti. Quelques-uns ont mme dit que lOcan ou leau tait le plusancien & le pre des Dieux. Dautres ont dit quOcan tait feulement frre deSaturne, sans doute parce que leau & la boue sont toujours ensemble. Leauserait alors lOcan, & le limon Saturne ; ce qui serait dsign par son nom I.

    Les Philosophes Hermtiques ont toujours eu cette ide de leur Saturne,puisquils ont donn ce nom leur chaos ou matire dissoute, & rduite en

    boue noire, quils ont appele plomb des Sages. Mais comme ces noms deplomb

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    & de Saturne pouvaient induire en erreur les Chimistes, Riple les en avertit, en

    disant (a) : Notre racine est renferme dans une chose vile, mprise, & laquelle la vuene mec point de prix ; (quy a-t-il en effet de plus mprisable que la boue ? )Mais prenez garde de vous tromper sur notre Saturne. Le plomb, croyez-moi,sera toujours plomb.

    Telle est la vritable ide que nous devons avoir de Saturne ce Dieu couvert dehaillons, ou dhabits sales & dchirs ; puisque la matire du Magistre est danscet tat de dissolution & de noirceur, un objet vil mpris comme de la boue,qui parat lil sous un dehors sale, & plus capable de la faire rejeter & fouleraux pieds, que dattirer des regards. Les Philosophes, toujours attentifs nesexprimer que par nigmes, ou par des allgories ont parl de cette matire,tantt en gnral tantt en particulier, & lont appele Saturnie vgtale, race deSaturne ; ils en ont parl dans cet tat de confusion & de chaos comme de lamatire de laquelle se formait ce chaos & cette boue. Raymond Lulle dit enconsquence (b) ; Elle parat nos yeux sous un habit sale, puant, infect, &venimeux . Et lauteur du Saculum aureum redivivum : Le lait & le mielcoulent de ses mamelles. Lodeur de ses vtements est pour le Sage commecelle des parfums du Liban & les fous lont en horreur & en abomination.

    Cest proprement cette dissolution, appele par les Philosophes, rduction descorps en leur premire matire, qui a fait donner le serpent & la faux pour symbole Saturne, comme nous lavons dit ci-devant, conformment lide quenavaient les Egyptiens, desquels les Grecs avaient emprunt la plupart des leurs.Et si lon a feint que Saturne avait dvor ses propres enfants, cest qutant lepremier principe des mtaux, & leur premire matire, il a seul la proprit & lavertu de les dissoudre radicalement, & de les rendre de sa propre nature. AussiAvicenne dit-il avec les autres Philosophes : Vous ne russirez jamais, si vous ne

    rduisez es mtaux ( philosophiques ) en leur premire matire (a).De tous les enfants que Saturne dvora aucun nest nomm jusqu Jupiter ; &les Philosophes nen nomment aucun jusqu la noirceur, ou leur Saturne.Avant que cette couleur paroisse, ils appellent leur matire chaos. Elle est ditSynsius (b), le nud & le lien de tous les lments quelle contient en soi,

    a Philori, cap. 20.

    b Theor. c. 18.

    a Avicen. Epist. de recta.

    b Sur l'uvre des Philosophes.

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    comme elle est lesprit qui nourrit & vivifie toutes choses & par le moyen

    duquel la Nature agit dans lUnivers . Cette matire, dit un Anonyme, est lasemence du Ciel & de la Terre premier principe radical de tous les trescorporels. Saturne est le dernier des enfants du Ciel & de la Terre & rgnenanmoins au prjudice de Titan, son frre an ; mais il nobtient pas laCouronne sans guerres & sans combats ; car ta dissolution ne peut se faire sansune fermentation. Les Titans, fils de la Terre, sont les parties de la terrephilosophique, qui se combattent avant la putrfaction ; de cette putrfactionnat la noirceur appele Saturne : & comme cette noirceur est aussi appeleTartare, cause du mouvement & de lagitation des parties de la matirependant quelle est dans cet tat on a feint que Saturne avait prcipit les Titans

    dans le Tartare, qui vient de , turbo, commoveo.

    Le rgne de Saturne dure donc autant que la noirceur. Il semble alors dvorertout jusquau caillou mme quon lui prsente au lieu de Jupiter, puisque toutest dissous ; mais le caillou est de trop dure digestion & sitt quon aura faitboire Saturne une certaine liqueur que la fable ne nomme pas cest--dire,aprs que les parties aqueuses & volatiles auront commenc monter au hautdu vase en forme de vapeur & aprs stre condenses en eau elles retomberontsur la matire terrestre & noire, appele Saturne, comme pour lui donner

    boire dans le sens que Virgile dit : Claudite jam rivos pueri, sat prata biberunt.On, comme on dit que la rose & la pluie abreuvent la terre : alors Saturnerendra le caillou quil avait englouti la matire des Philosophes, qui tait terreavant dtre rduite en eau par sa dissolution, recommencera paratre, sittque la couleur grise commencera se manifester. Alors Jupiter, qui nest autreque cette couleur grise, par consquent fils de Saturne & de Rhe puisquil estform de la noirceur, lave par la pluie, dont nous venons de parler. Cette pluieest parfaitement dsigne par Rhe qui vient de ,fluo, fundo. Jupiter alorsdtrnera son pre ; cest--dire, que la couleur grise succdera la noire. Les

    quatre enfants de Saturne & de Rhe sont tous forms dans cette occasion.Jupiter est cette couleur grise ; Junon est cette vapeur ou humidit de lairrenferm dans le vase ; Neptune est leau mercurielle ou la mer philosophique,venue de la putrfaction ; Pluton ou le Dieu des richesses est la terre mme quise trouve au fond du vase : ce qui a fait dire aux anciens Potes, que lEnfer oule Royaume de Pluton tait au fond de la Terre. Jupiter & Junon se trouvent parconsquent les plus levs & occupent le Ciel parce que cette couleur grise semanifeste sur la superficie de la matire qui surnage ; cest-l le Ciel desPhilosophes, o nous verrons que sont cous les Dieux Neptune ou leau se

    trouve au-dessous, & enfin Pluton est la terre, qui est au fond de leau. Cette

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    terre renferme le principe aurifique ; elle est fixe & cest elle qui fait la base de la

    pierre philosophale, source des richesses. On a donc raison dappeler Pluton, leDieu des richesses : & si lon donne Mercure lpithte de dator bonorum, cestque le mercure philosophique est lagent de luvre, & celui qui perfectionne lapierre. Quant Chiron le Centaure, autre fils ce Saturne & de Phillyre,

    jexpliquerai dans son lieu ce quon doit en penser.

    Ceux qui ont pris Saturne pour le Temps, lont reprsent quelquefois avec unclepsydre ou fable sur la tte, au lieu dun casque que quelques Anciens yavaient mis pour dsigner & force. Les ailes avec lesquelles quelques-unsreprsentent Saturne, contredisent visiblement ceux qui ont avanc quil avait

    les pieds lis avec des cordes de laine ; moins quon ne veuille dire quon luiavait donn des ailes pour suppler au dfaut des pieds. Pour moi, je croiraisplutt que ceux qui se sont aviss anciennement dexpliquer allgoriquementles Fables & de les reprsenter par figures symboliques sans tre au fait delintention des Auteurs de ces Fables ont confondu la figure ou lhiroglyphe duTemps avec celle de Saturne. Je penserais donc quil faut distinguer les unes desautres, & ne regarder comme figure de Saturne que celles qui ont un rapportvisible avec son histoire, & laisser au Temps celles qui lui conviennent. Je ne niecependant pas que chez les Grecs & les Romains on nait pris Saturne pour le

    Temps, & quon ne lui en ait donn les attributs ; mais on ne trouve aucunmonument Egyptien, & aucun Auteur ne peut avancer sur des raisons solides ,que les Egyptiens ou les Phniciens aient jamais regard Saturne comme lesymbole du Temps. Il peut se faire que dans les sicles postrieurs ceux quiont transport les fictions Egyptiennes dans la Grce, les Artistes mal instruitsde leurs intentions, aient reprsent Saturne comme le Temps. Ainsi lesmauvaises interprtations des Fables & les reprsentations de Saturne faites enconsquence, auront contribu faire natre lerreur, & lentretenir.

    Aucun des Philosophes disciples dHerms ne le sont aviss de donner dans

    cette erreur. Ils ont pris Saturne suivant lide des Egyptiens, & sils disent aveceux quil fallut combattre ion frre Titan pour semparer du Trne cest quilssavent que le fixe & le volatil sont frres ; que celui-ci dans la dissolutionremporte la victoire , & demeure le matre ; de manire que Jupiter son fils, estle seul qui puisse le dtrner par les raisons que nous avons dites ci-devant. Ilssavent aussi quHsiode (a) avait raison de dire que la pierre avale & rejetepar Saturne, fut dpose sur le Mont-Hlicon, o les Muses font leur sjourparce quils nignorent pas que ceMont-Hlicon nest autre chose que cette terre

    a Theog.

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    surnageante, en forme de mont, qui peut tre appele Mont-Hlicon ou Mont

    noir, d

    , niger, On peut le dire proprement lhabitation des Muses,puisque cest sur lui que voltigent les parties volatiles, que nous avons dit dansle premier Livre avoir t dsignes par les Muses, comme nous ledmontrerons encore dans la suite. Cest dailleurs cette pierre clbre dposesur le Mont-Hlicon, qui a fourni matire aux Pomes dOrphe, dHomre &de tant dautres. Ce mont a pris diffrents noms. Suivant les diffrents tats oil se trouve, & les variations de couleurs quil prouve pendant le cours deluvre. Lorsquil transpire ou transsude, cest--dire, que lorsque ayant laforme du chapeau qui slve sur le mot ou suc de raisin dans la cuve, il formeune espce de monticule, & que leau mercurielle qui est au-dessous transsude

    travers, pour slever en vapeurs & retomber en rose ou pluie, on lui a donnle nom de Mont-Ida , d, sueur, quant aprs cela il devient blanc, beau &brillant, cest le mont couvert de neige dHomre (b) ; le Mont-Olympe, surlequel habitent les Dieux. Tantt cest lIle flottante, o Latone met au mondePhbus & Diane ; tantt Nisa environn deau, o Bacchus fut lev : ici cestlIle de Rhodes, o tombe une pluie dor la naissance de Minerve, l cest lIlede Crte, &c.

    Les Philosophes Hermtiques reprsentent Saturne dans leurs figures

    symboliques, de la mme manire que les Anciens, cest--dire sous la figuredun Vieillard tenant une faux & ayant des ailes. Nicolas Flamel nous aconserv dans ses figures hiroglyphiques celles dAbraham Juif, & nousprsente dans la premire. Mercure ou un jeune homme ayant des ailes auxtalons, avec un caduce ; & un Vieillard venant lui les ailes dployes, avecune faux la main, comme pour lui couper les pieds.

    Nol le Comte, entt de sa morale, quil croit voir dans toutes les fables, nepeut souffrir quon leur donne dexplications qui tendent un autre but. Ilavoue que les Chimistes interprtent la fable de Saturne des oprations de la

    Chimie ; mais il parat quil ne savait pas faire la distinction dun Chimistevulgaire & dun Chimiste Hermtique. Comme on a attribu dit-il (c), unmtal chaque plante, cause de quelques ressemblances quon a cruremarquer entre elles les tyrans des mtaux ou Chimistes ont expliqu presquetoute cette fable relativement leur art, voulant se donner par-l pour lesdisciples & les imitateurs dHerms de Geber & de Raymond Lulle qui taientPlatoniciens. . . . Car ces bourreaux des mtaux sefforcent dinventer de tels &

    b Iliad. l. I. v. 420. & al.bi.

    c Myth. 1. 2.

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    semblables artifices pour les transmuer & leur donner dautres formes par la

    crainte quils ont de la forme affreuse de la pauvret. Cet Auteur en traitant les Disciples dHerms de bourreaux des mtaux, montreson ignorance parfaite de lart Hermtique ; premirement, parce que Geber,Raymond Lulle & les autres Philosophes ne parlent que des mtauxphilosophiques, & non des vulgaires ; & ont soin davertir que ceux du vulgairesont morts, & les leurs vifs (a). 2. Ils ne suivent pas les procdes de la Chimievulgaire dans leurs oprations, & ne bourrellent pas les mtaux, puisquon peuttre trs-bon Philosophe Hermtique, & ignorer parfaitement la Chimievulgaire (b). Celle-ci nest gure occupe que de la destruction des mixtes,

    lautre travaille les perfectionner. Les Chimistes vulgaires ou plutt lesSouffleurs, cherchent faire de lor, & dtruisent celui quils ont. LartHermtique se propose de faire un remde qui gurisse les maladies du corpshumain : il ne Se flatte pas de faire de lor immdiatement, mais de faire unematire qui perfectionne les bas mtaux en or. Dailleurs Nol le Comte dit fortmal--propos que Geber, Herms taient Platoniciens, puisque Platon fut trspostrieur Herms. Mais peut-tre ce Mythologue le disait-il, comme S.

    Jrme disait de Philon Juif : aut Plato philonisat, aut Philo platonisat.

    Nous avons dj parl du rgne de Saturne en Italie, dans le Livre prcdent, au

    chap. du Sicle dor. Il nous resterait parler du culte de-ce Dieu, & des ftesinstitues eu son honneur ;

    mais nous renvoyons cet article au Livre suivant, qui traitera des ftes, des jeux& des combats institus en lhonneur des Dieux & des Hros.

    CHAPITRE IV.

    Histoire de Jupiter.

    Si je mtais propos dexpliquer toute la Mythologie, ce serais ici le lieu deparler de Titan, Japet, Thtis, Crs, Thmis & les autres enfants du Ciel & de laTerre : mais comme jen parlerai dans les circonstances qui Se prsenteront, jeles laisse pour ne pas rompre la suite de la chane dore, & je viens Jupiter.

    Entreprendre de discuter ici tous les sentiments diffrents sur Jupiter, sagnalogie, ses diffrents noms ; vouloir aussi entrer dans le dtail de tout ceque les Historiens, les Potes & les Mythologues en ont dit, soit pour rendre son

    a DEspagnet Arcan. Herm. Philosof. Can. 21 & in Can 23, & in Can 44.

    b DEspanet Can.n 7. Cosmop. Nov. Lumen Chemic. Tract. 2. Philal. Introit. Apertus. Cap. 18.

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    histoire moins absurde, soit pour constater son existence relle, comme Dieu, ou

    comme Roi, ou mme comme homme, ce serait se mettre en tte un ouvrage quinaurait pas une liaison assez directe avec le but que je me suis propos. Onpeut voir tout cela dans le premier Livre du second Tome de la Mythologie deM. lAbb Banier.

    Ainsi, que des Rois de la Grce aient, si lon veut, port le nom de Jupiter, peumimporte ; & quelque matire contradiction que me fournisse la fixation despoques des vies & des rgnes de ces prtendus Rois, par le Savant Mythologueque je viens de citer, je nexaminerai point si, comme il ledit (a). Apis, RoidArgos & petit-fils dInachus, prit le nom d Jupiter, & vivait 1800 ans avant

    Jsus-Christ. Sil est vrai quun Astrius, Roi de Crte, environ 1400 ans avantlEre Chrtienne, ait pu enlever Europe, fille dAgenor, Roi de Phnicie, & surde Cadmus, qui vint stablir dans la Grce, suivant le mme Auteur (b), 1350ou 60 ans avant Jsus-Christ, la quatrime anne du rgne dHellen, fils deDeucalion, qui rgnait 1611 ans avant la mme Ere (c). Si le premier fait est vrai,il faut avouer que les Crtois gardaient la rancune & le dsir de se venger parreprsailles bien long-temps, puisque plus de 400 ans ne purent dteindre.Hrodote, au commencement de son Histoire, convient avec Echemenide dansson histoire de Crte, que les Crtois, en enlevant Europe, ne le firent que par

    droit de reprsailles, les Phniciens ayant auparavant enlev Ino, filledInachus. Il nest pas moins surprenant quApis, Roi dArgos & petit-filsdInachus, ait rgn prs de 1800 ans avant Jsus-Christ (d), pendantquInachus lui-mme ne stablit dans le pays, qui depuis fut appelPloponnse, que 1880 ans avant le mme Jsus-Christ (e). On sent combien detelles fixations dpoques me donneraient dembarras discuter; jabandonnedonc tout cela ceux qui voudront se donner la peine de faire une critiquesuivie de ce savant & pnible ouvrage, pour men tenir lhistoire de Jupiter,suivant lopinion la plus commune.

    Que nous regardions ici Jupiter comme Egyptien, ou comme Grec, cest peuprs la mme chose, puisque lun & lautre. Selon presque toute lAntiquit,taient fils de Saturne & de Rhe, & petits-fils du Ciel & de la Terre. Titan ayantfait une convention avec Saturne, par laquelle le premier cdait lEmpire

    a Loc. cit. c. I.

    b Tom III.p.62.

    c Loc. cit.p,60.

    d Tom. II. p. 14

    e Tom. III. p. 22.

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    lautre, a condition quil ferait prir cous les enfants mles quil aurait de Rhe ;

    Saturne les dvorait mesure quils naissaient. Rhe, indigne den avoir djperdu quelques-uns, songea sauver Jupiter, donc elle se sentait grosse ; &quand elle fut accouche, elle trompa son mari, en lui prsentant, au lieu de

    Jupiter, un caillou emmaillot. Elle ft transporter Jupiter dans lle de Crte, &le confia aux Dactyles pour le nourrir & llever. Les Nymphes qui en prirentsoin (a), se nommaient Ida & Adrast : on les appelait aussi les Mlisses.Quelques-uns disent quon le fit allaiter par une chvre, & que les abeillesfurent aussi les nourrices : mais quoique les Auteurs varient assez l-dessus ,tout se rduit presque dire quil fut lev par les Corybantes de Crte, quifeignant des sacrifices quils avaient coutume de faire au son de plusieurs

    instruments , ou, comme quelques-uns le prtendent, dansant & frappant leursboucliers avec leurs lances, faisaient un assez grand bruit pour quon ne ptentendre les cris du petit Jupiter.

    Quand il fut devenu grand, Titan en fut averti ; & croyant que Saturne avaitvoulu le tromper & violer les conditions de la paix, en levant des enfants mles,Titan assembla les siens, dclara la guerre Saturne, se saisit de ai & dOpis, &les mit en prison Jupiter prit a dfense de son pre, attaqua les Titans, lesvainquit, & mit Saturne en libert. Celui-ci peu reconnaissant, tendit des piges

    Jupiter, qui par le conseil de Mtis, fit prendre son pre un breuvage qui luifit vomir premirement la pierre quil avait avale, & ensuite tous les enfantsquil avait dvors. Pluton & Neptune se joignirent Jupiter, qui dclara laguerre Saturne, & sen tant saisi, il le traita prcisment de la mme manirequil avait trait lui-mme Son pre Uranus, & avec la mme faux. Il le prcipitaensuite avec les Titans dans le fond du, Tartare, jeta la faux dans lleDrepanum, & les parties mutiles dans la mer, desquelles naquit Vnus.

    Les autres Dieux accompagnrent Jupiter dans la guerre quil soutint contre lesTitans & contre Saturne. Pluton, Neptune, Hercule, Vulcain, Diane, Apollon,

    Minerve, Bacchus mme lui aidrent remporter une victoire complte.

    Bacchus y fut si maltrait, quil y fut mis en pices. Heureusement Pallas lerencontra dans cet tat, & lui trouvant encore le cur palpitant, elle le porta

    Jupiter, qui le gurit.

    Apollon, habill dune toffe de couleur de pourpre, chanta cette victoire sur saguitare, Jupiter, plein de reconnaissance envers Vesta, qui lui avait procurlEmpire, lui proposa de lui demander tout ce quelle voudrait. Vesta fit choix

    a Apollod. 1. I.

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    de la virginit & des prmices des sacrifices. Les Gants firent ensuite la guerre

    Jupiter, & voulurent le dtrner, mais aid encore des Dieux, il les vainquit,les foudroya, & ensevelit les plus redoutables sous le Mont-Ethna. Il est remarquer que Mercure ne se trouva pas dans la guerre contre les Titans, &quil fut un de ceux qui combattirent avec le plus dardeur contre les Gants.

    Les Anciens reprsentaient Jupiter de diffrentes manires. La plus ordinairedont on le peignait, tait sous la figure dun homme majestueux, & avec de labarbe, assis sur un trne, tenant de la main droite la foudre, & de lautre unevictoire, ayant ses pieds un aigle, les ailes dployes, qui enlev Ganymde,ou seule : ce Dieu ayant la partie suprieure du corps nue , & ta partie infrieure

    couverte. Pausanias (a) dcrit la statue de Jupiter Olympien en ces termes : CeDieu est reprsent assis sur un trne, il est dor & divoire, & il a sur la tteune couronne qui imite la feuille dolivier .

    De la main droite il tient une victoire, qui est aussi divoire & dor, orne debandelettes, & couronne; de la gauche, Jupiter tient un sceptre o brillenttoutes sortes de mtaux. Un aigle repose sur le bout de ce sceptre. La chaussure& le manteau sont aussi dor : sur le manteau sont reprsents toutes sortesdanimaux, toutes sortes de fleurs, & particulirement des lys. Le trne est toutclatant dor & de pierres prcieuses : livoire & lbne y font par leur mlange

    une agrable varit. Jamblique (b) dit que les Egyptiens peignaient Jupiterassis sur le lotus. Les Libyens le reprsentaient, ou sous la forme de blier, ouavec des cornes de cet animal, & le nommaient Ammon, parce que la Libye ole temple de ce Dieu fut bti, tait pleine de sable. La raison quils croyaientavoir de le figurer ainsi, est parce quon le trouva, disent quelques-uns, encredes moutons & des bliers, aprs quil eut abandonn le Ciel par crainte desGants ; ou quil se mtamorphosa lui-mme en blier, de peur dtre reconnu.

    Je ne rapporte pas ici les autres raisons quen donnent Hrodote au sujet dudsir quHercule avait de voir Jupiter, & Hygin en parlant des dispositions que

    Bacchus fit pour son voyage des Indes.

    On trouve dans les Anciens, & lon voit sur les monuments que le temps apargns, plusieurs autres reprsentations de Jupiter. LAntiquit explique deD. Bernard de Montfaucon, en fournit de bien des sortes, mais on ne peut nierque la plupart des symboles, des attributs & des attitudes mmes de ce Dieu nesoient venus on du caprice des ouvriers, ou de la fantaisie de ceux qui faisaientfaire ces statues ou ces peintures. Cicron nous en donne une grande preuve,

    a In Eliac.

    b De Myster. Aegyp.

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    Lorsquil dit (c) : Nous connaissons Jupiter, Junon, Minerve, Neptune,

    Vulcain, Apollon & les autres Dieux, aux traits que leur a donns la caprice desPeintres & des sculpteurs ; & non seulement aux traits, mais encore lge, lhabillement, & dautres marques. Jai expliqu dans le premier Livre cequon entendait par Jupiter Srapis.

    Jupiter a t de tous les Dieux du Paganisme un de ceux donc le culte tait leplus solennel & le plus tendu. Les victimes les plus ordinaires quon luiimmolait, taient la chvre, la brebis & le taureau blanc, donc on avait soin dedorer les cornes.

    Les Anciens varient si fort entre eux sur lide que lon avait de Jupiter, quilserait trs-difficile de sen former une fixe & nette. On peut en conclureseulement quils ne le regardaient pas comme un Dieu qui avait exist sousforme humaine, malgr que les Crtois, au tmoignage de Lucien , voulussentfaire croire quil tait mort chez eux, & quils taient possesseurs de sontombeau (a). Callimaque dit que les Crtois taient des menteurs, puisque

    Jupiter vit toujours, & se trouve partout.

    Cretes mendaces semper, Rex alme, sepulcrum, Erexere tuum : tu vivis semper, &

    usque es. (b)

    Les uns avec Horace (c) prenaient Jupiter pour lAir : Jacet sub Jove frigido ; &Thocrite dans sa quatrime Elogue : Jupiter & quandoque pluit, quandoqueserenus. Virgile parlait de lui sous le nom dEther.

    Tum Pater omnipotens soecundis imbribus AEther Conjugis in gremium lata descendit,

    & omnes Magnus alit magno conumistus corpore foetus.

    L. 2. Georg.

    Cicron (d) dt aussi daprs Euripide, que lEther doit tre regard comme le

    plus grand des Dieux. Anaxagoras dbitait que cette partie de lUnivers taittoute igne & pleine de feu, & que de l il se rpandait pour animer toute laNature. Platon (e) semble avoir pris Jupiter pour le Soleil. Mais lorsquon a

    c De Nat. Deor. 1. I.

    a Luciam. in sacrif.

    b In hymn.

    c in I Odar.

    d De Nat. Deor. 1. 2.

    e In Praedro.

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    voulu le prsenter comme Dieu, alors Jupiter est devenu le pre des Dieux &

    des hommes, le principe & la fin de tout, & celui qui conserve & gouverne toutela Nature, comme il lui plat (f). Cest sans doute ce qui la fait nommer, tanttJupiter Olympien ou le Cleste, & tantt Jupiter infernal, comme on le voitsouvent, & dans Homre & dans Virgile. Un ancien Pote a mme dit que

    Jupiter, Pluton, le Soleil & Bacchus ntaient quune mme chose

    Toute lAntiquit saccorde nanmoins dire que Jupiter tait fils de Saturne &de Rhe ; & ce quil y a dassez extraordinaire, cest que la plupart desMythologues font Saturne fils du Ciel & de Vesta, qui est la Terre, selon eux demme que Cyble, Ops, Rhe & Crs ; Rhe serait par consquent la propre

    mre elle-mme, & sa propre fille ; elle serait aussi mre, femme & sur deSaturne. Crs, qui eut Proserpine de Jupiter, serait devenue sa femme en mmetemps que sa mre & sa sur. Il serait bien difficile daccorder tout cela, si lonne lexplique allgoriquement ; & quelle allgorie trouvera-t-on qui puisse yconvenir, a moins quon en fasse lapplication la Chimie Hermtique, o lepre, la mre, le fils, la fille, lpoux & lpouse, le frre & la sur ne sont eneffet que la mme chose, prise sous diffrents points de vue ? Mais pourquoi,dira-t-on, inventer un si grand nombre de fables sur Jupiter & les autres ?Ctait pour prsenter la mme chose de diffrentes manires. Les Philosophes

    Hermtiques ont fait une quantit prodigieuse de Livres dans ce got-l. Toutesleurs allgories ont pour but les mmes oprations du grand uvre, &nanmoins elles diffrent entre elles suivant les ides & la fantaisie de ceux quiles ont inventes. Chaque homme sest exprim selon la manire dont il taitaffect. Un Mdecin a tir son allgorie de la Mdecine, un Chimiste a form lasienne sur la Chimie, un Astronome sur lAstronomie, un Physicien sur laPhysique, & ainsi des autres. Et comme la Pierre Philosophale a suivantlexpression dHerms (a), toutes les proprits des choses suprieures &infrieures, & ne trouve point de forces qui lui rsistent. Ses disciples ontinvent des fables qui pussent exprimer & indiquer tout cela.

    Tel nous est reprsent Jupiter, appel en consquence, Pre des Dieux & desHommes, le Tout-puissant. Hsiode, presque toutes les fois quil le nomme,ajoute le surnom de Largitor bonorum, comme tant la source & le distributeurdes biens & des richesses. Il ne faut pas non plus simaginer avec quelquesMythologues, que la prtendue cruaut de Saturne envers ses enfants lui a faitperdre la qualit de pre des Dieux, pendant que sa femme Rhe ou Cyble a

    f Orpheus in Hymno quodam.

    aTable d'Emeraude.

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    t appele la mre des Dieux & la grand-mre, & tait honore comme celle

    dans tout le Paganisme La vritable raison qui a fait conserver ce titre Cyble,cest que la Terre Philosophique do Saturne & les autres Dieux sont sortis, estproprement la base & la substance de ces Dieux. Il est mme bon de remarquerque quoiquon ait confondu souvent, & fait une mme chose de Rhe & deCyble, on na jamais donn le nom de mre des Dieux Rhe, comme Rhe ,mais seulement comme Cyble, parce quil parat que lon a fait le nom deCyble, de , caput, & de , lapis, comme si lon disait la premire, laprincipale ou la plus ancienne, & la mre pierre. Les autres noms quon adonns cette mre des Dieux, sont aussi pris des diffrents tats o se trouvecette pierre ou terre, ou matire de luvre pendant le commencement des

    oprations. Ainsi en tant que terre premire ou matire de luvre, mise dans levase en commenant luvre, elle fut nomme Terre, Cyble, mre des Dieux &pouse du Ciel, parce quil ne parat alors dans le vase, que cette terre avec lairqui y est renferm. Lorsque cette terre se dissout, elle prend le nom de Rhe, &femme de Saturne, de , fluo, & de ce que la noirceur appele Saturne, semanifeste pendant la dissolution. On la ensuite nomme Crs, & on la ditefille de Saturne & sur de Jupiter, parce que cette terre dissoute en eau,redevient terre dans le temps que la couleur grise ou Jupiter parat : & commecette mme terre o Crs devient blanche, on a feint que Jupiter & Crs

    avaient engendr Proserpine. Il est mme trs vraisemblable quon a fait le nomde Crs du Grec & qui signifient lun & lautre terre. Vossius lui-mmeparat admettre cette tymologie (a), prtendant que les Anciens changeaientassez souvent le G en C. Varron & Cicron ont pens en consquence que Crsvenait degerere, & Arnobe dit (b), daprs eux : Eamdem hanc (terram) alii quodsalutarium seminum frugem gerat, Cererem esse pronunciant. Mais Hesychiusconfirma mon sentiment. Tout ceci suppose que Crs vient du Grec ; mais dequelque faon quon la prenne, tout le monde fait que par Crs on entendait laterre, & cette ide est trs-conforme celle quen ont les Philosophes

    Hermtiques, puisque leur eau tant devenue terre, est celle quils appellentterre feuille, dans laquelle il faut, disent-ils, Semer le grain philosophique,cest--dire leur or. Nous avons parl de cette terre quil faut ensemencer, dansle I. Livre, & nous en ferons encore mention dans le quatrime, lorsque nousparlerons des mystres dEleusis.

    Un quatrime nom donn la Terre, tait Ops, quon appelait proprement laDesse des richesses, & avec raison, puisque cette terre philosophique est la

    a Etymol.

    b L. III.

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    base de la Pierre PhilosophaIe, qui est la vritable source des richesses.

    Les Anciens & les Modernes ne souponnant mme pas les raisons que lonavait eu de varier ainsi les noms de la mre des Dieux, les ont souventemploys indiffremment. Mais Orphe & ceux qui taient au fait du mystre,ont su en faire la distinction : nous avons trois Hymnes fous le nom de ce Pote,en lhonneur de la Terre ; lun sous le nom de la mre des Dieux , lautre souscelui de Rha , & le troisime sous son propre nom de Terre. Homre nous en aaussi laisse trois sous les mmes noms quOrphe (c). Il les distingue mmetrs-bien, puisque dans celle de la Terre, il lappelle mre des Dieux, & lpousedu Ciel. Dans celle de la mre des Dieux, il dsigne Rha, qui se plat, dit-il, au

    son des crotales & autres instruments, sans doute cause de ceux que lesCorybantes, auxquels elle avait confi Jupiter, faisaient retentir pour empcherSaturne dentendre les cris de son fils. Homre distingue particulirement Crsen la joignant avec la belle Proserpine, & ne lui donne pas la qualit de mredes Dieux, donc il avait honore les deux autres. Enfin il suffit de suivre lespoques de leur naissance, pour voir quon doit les distinguer, & que lesinventeurs de ces Fables navaient pas intention de les confondre, & de parlerde la Terre proprement dire sous ces diffrents noms. La Terre, pouse duCiel, est la mre, Rha sa fille, & Crs fa petite-fille. Telle est aussi la gnalogie

    de la terre des Philosophes. Une semblable allgorie ne peur sexpliquerhistoriquement, ni moralement, ni physiquement, ds que presque tous lesMythologues sont daccord regarder Cyble Rhe & Crs, comme des nomsdiffrents dune mme chose cest--dire la Terre.

    En distinguant ces trois Desses, comme le font les anciens Potes, Jupiter setrouve en effet fils de Rhe, & frre de Crs. Le son bruyant des instrumentsdairain, que ceux qui lon avait confi son enfance, faisaient retentir pourempcher Saturne dentendre ses cris, est une allusion au nom dairain & delaton ou leton, que les Disciples dHerms donnent leur matire, lorsquelle

    tient encore de la couleur noire & de la grise. Cest cet airain donc il est parl sisouvent dans les Ouvrages Hermtiques, ce leton quil faut blanchir, & puisdchirer les livres, comme inutiles (a). Il en est fait mention presque chaquepage du livre qui a pour titre, la Tourbe ; & jai dj rapport un bon nombre detextes sur ce sujet : cest proprement la signification des mots Cymbalum,Tympanum, quant la matire de ces instruments. On peut voir sur cela le Traitde Frdric-Adolphe Lampe, de Cymbalis veterum, & particulirement le

    c Hym. 12. 13. & 29.

    a Morien, Entretien du Roi Calid.

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    chapitre 14. du Livre premier. Nol le Comte les appelle tinnientia instrumenta

    (b).Cest au bruit de ces instruments, que les Abeilles sassemblrent auprs de

    Jupiter. On suit encore aujourdhui cet usage pour conduire la ruche unessaim qui veut s chapper. On bat sur des chaudrons, des poles, &c. Herculeemploya de semblables instruments pour chasser ces oiseaux qui ravageaient lelac Stympbale, & dont le nombre & la grosseur taient si prodigieux, que par lavaste tendue de leurs ailes, ils interceptaient la lumire du Soleil.

    Les Nymphes Adraste & Ida nourrirent Jupiter, & lon dit que les Abeillesmmes se joignirent elles. Ces deux Nymphes taient filles es Mlisses, oumouches miel, & le firent allaiter par Amalthe. Nous avons dit que lorsque lacouleur grise ou le Jupiter philosophique parat, les parties volatiles de lamatire dissoute se subliment, & montent en abondance au haut du vase enforme de vapeur, o elles se condensent comme dans la distillation de laChimie vulgaire, & aprs avoir circul, retombent sur cette terre grise quisurnage leau mercurielle. La Fable pouvait-elle nous prsenter cette oprationpar une allgorie plus palpable & mieux caractrise que par cette feinteducation de Jupiter. Les deux Nymphes expriment par leurs noms mmescette matire aqueuse, volatile, puisque Ida vient d, sudor, & Adraste, d

    compltif, & de fugio. Si on les dit filles des Mlisses ou mouches miel,nest-ce pas de ce que ces parties volatiles voltigent au-dessus du Jupiter desPhilosophes, comme un essaim dabeilles autour dune ruche? Ces partiesvolatiles nourrirent donc cette terre grise, en retombant dessus, comme unerose ou une pluie qui humecte la terre, & la nourrit en limbibant. Il y a grandeapparence que lquivoque du mot grec , qui veut dire galement chvre &tempte, a donn lieu la fiction, ou plutt lerreur de ceux qui ont dit que lachvre Amalthe avait allait Jupiter : car la volatilisation se faisant avecimptuosit, de mme que la chute en pluie de ces parties volatilises,

    reprsente proprement une tempre, & lon sait qu vient d, ruo, cumimpetuseror. Cette ide mme de tempre, joint ce que cette terre ou Jupiter desPhilosophes commence devenir igne, a sans doute fait donner Jupiter lafoudre pour attribut, parce que les temptes sont ordinairement accompagnesdclairs, de foudres & de tonnerres. Cest lide qu Homre semble avoir voulunous en donner en divers endroits de son Iliade, o il parle du Mont-Ida, quil

    b Mythol. 1. 2.

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    dit tre le sjour de Jupiter. Ce Mont est, selon ce Pote, arros de fontaines (b),

    & couvert de nuages que Jupiter fait lever avec des tonnerres. Il dit mme dequelle nature (a) taient ces nues, cest--dire des nuages dor semblablesapparemment ceux qui produisirent les pluies dor, donc nous avons parldans le Livre prcdent.

    Telles sont les nues que Jupiter excite sur le Mont-Ida, ou le mont de sueur ;telles sont la pluie & la rose qui y tombent; telles sont aussi ces parties volatilesqui circulent, montent & descendent, & limitation des Abeilles, semblent allerchercher de quoi nourrir le petit Jupiter au berceau. Tel aussi est le laitdAmalthe, celui donc Junon nourrit Mercure, celui donc Platon fait mention

    dans la Tourbe, & que les Philosophes appellent lait de Vierge ; celui enfin dontparle DEspagnet en ces termes (7) : Lablution nous apprend blanchir lecorbeau, & faire natre Jupiter de Saturne ; ce qui se fait par la volatilisation ducorps ou la mtamorphose du corps en esprit. La rduction ou la chute enpluie du corps volatilis rend la pierre son me, & la nourrit dun lait derose & spirituel, jusqu ce quelle ait acquis une force parfaire. Il dit ensuite(8) : Aprs que leau a fait sept rvolutions, ou, circul par sept cercles, lairlui succde, & fait autant de circulations & de rvolutions, jusqu ce quil soitfix dans le bas, & quaprs avoir chass Saturne du Trne, Jupiter prenne les

    rnes de lEmpire. Cest son avnement que lenfant philosophique se forme& se nourrit ; il parat enfin au jour avec un visage blanc & beau comme celuide la Lune.

    Ces paroles de DEspagnet sont si appropries au sujet que je traire, quellessemblent avoir t dites par ce Philosophe, pour expliquer cette ducation de

    Jupiter. Elles doivent suffire tour homme qui voudra sans prjug en fairelapplication. Cest pourquoi je passerai sous silence une quantit dautrestextes qui y ont aussi un rapport immdiat; & je renvoie le Lecteur Homre(9), do, il semble que DEspagnet a tir ce quil dit.

    Jupiter, avant de dtrner son pre, prit sa dfense contre les Titans, & lesvainquit ; mais enfin voyant que Saturne avait dvor ses frres, & quil luitendait des piges lui-mme, il lui fit avaler un breuvage qui les lui fit rejeter.Alors Pluton & Neptune se joignirent Jupiter contre leur pre ; & celui-ci

    b Iliad. L. 14. v. 283. Idib. V. 307. L.15. v. 156. & suiv.L. 14. v. 93 & & alibi.L.17. v. 93. & seq. L. 8.

    v. 75 Idib. L. 14. v. 350. Idid. V. 341.

    7 Can. 63.

    8 Cant.78.

    9 L. 14. v. 301.

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    layant dtrn , le mutila, & le prcipita dans le Tartare avec les Titans qui

    avaient pris son parti. DEspagnet a renferm tout cela dans le Canon que nousvenons de rapporter, puisquil y dit : Donec figatur deorfum, & Saturno expulso,Jupiter insignia & regni moderamen sucipiat. Il avait dit auparavant (10) en parlantdes parties mutiler Sous le nom daccidents htrognes, superflua, sunt externaaccidentia, quae fusc Saturni sphaer rutilantem Jovem obnubilant, Emergentem ergo

    Saturni livorem separa, donec purpureum Jovis fidus tibi arrideat.

    Cest donc par la sparation de ces parties qui ont servi la gnration deJupiter, que ce fils de Saturne monte sur le Trne ; ce sont ces mmes partiesOsiris, quils ne ramassa pas. Il faut entendre par les Titans, la mme chose que

    par Typhon & ses compagnons, quHorus, fils dOsiris, vainquit. Il est inutilepar consquent den rpter ici lexplication, il suffit den faire le parallle, pourtre convaincu quils ne signifient que la mme chose Osiris, pre dHorus, futperscut par Typhon, son frre, qui voulait le dtrner & rgner sa place.Saturne fut attaqu par Titan son frre, pour la mme raison. Typhon avec sesconjurs se saisirent dOsiris, & le fermrent dans un coffre. Saturne fut pris parles Titans, & mis en prison Horus combattit Typhon, & le fit prir avec sescomplices. Jupiter prit aussi la dfense de Saturne, & aprs avoir vaincu lesTitans, il les prcipita dans le Tartare. Typhon, le plus redoutable des Gants,

    voulut aussi dtrner Horus ; il fut foudroy, & enseveli sous le Mont-Vsuveou Ethna. Encelade que les Mythologues mmes confondent Souvent avecTyphon, fut aussi foudroy & enseveli Sous la mme montagne. Sil y a doncquelques petites diffrences dans les deux fictions, cest que lune a t imitede lautre, mais habille la grecque.

    Aprs une telle victoire, Jupiter rgna en paix. Tous les Dieux & les Desses yprirent part :