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2 | Le Marathon des mots Vendredi 19 juin 20150123
Le Marathon des mots, extraits choisisLa 11e édition du Marathon des mots se tient à Toulouse et ses alentours du jeudi 25 au dimanche 28 juin. Liban et Syrie, Roland Barthes, Daniel Pennac comptent parmi les hauts lieux et les grands noms de la littérature à l’honneur cette année.Programme complet, tarifs et informations pratiques sur www.lemarathondesmots.com
De Beyrouth à DamasPrologue, mercredi 24, à 20 h 30, Colomiers, Pavillon blanc.« ParisBeyrouth ». Salah Stétié lit L’Etre (Fata Morgana), Brigitte Fossey et Vénus KhouryGhata lisent Le
Livre des suppliques (Mercure de France), deux recueils de poésie de Vénus KhouryGhata.
Vendredi 26, à 15 heures, Toulouse, au musée Paul Dupuy.Hyam Yared lit son roman La Malédiction (Les Equateurs).
Samedi 27, à 20 h 30, Toulouse, cloître des Jacobins« Beyrouth, le roman d’une ville », rencontre avec Georgia Makhlouf (Les Absents, Rivages), Diane Mazloum (Beyrouth, la nuit, Stock) et Alexandre Najjar (Dictionnaire amoureux du Liban, Plon).
Dimanche 28, à 12 heures, Toulouse, salle ErnestRenan
« Banquet littéraire » autour de Jabbour Douaihy (Saint Georges regardait ailleurs, Actes Sud), animé par Les Semeurs de mots.
dimanche 28, à 11 h 30, Toulouse, librairie Floury Frères« Rendezvous en Méditerranée », Rencontre avec Charif Majdalani (Le dernier seigneur de Marsad, Seuil), Abdellah Taïa (Un pays pour mourir, Seuil) et Valérie Zenatti (Jacob, Jacob, L’Olivier).
Centenaire Roland BarthesVendredi 26, à 17 h 30, Toulouse, cour d’appel, palais de justiceDaniel Mesguich lit La Chambre claire, de Roland Barthes
(Gallimard/Seuil/Cahiers du cinéma, 1980).
Samedi 27, à 16 h 30, Toulouse, cloître des JacobinsAurélien Recoing lit Mythologies, de Roland Barthes (Seuil, 1957).
Marathon France Culture : Daniel Pennacsamedi 27, de 17 heures à 20 heures, Toulouse, auditorium SaintPierredesCuisinesGrand entretien avec Daniel Pennac et plusieurs lectures par des comédiens : La Fée Carabine, Chagrin d’école et Journal d’un corps (Gallimard, 1987, 2007 et 2012).
Rendezvous littéraires dans chacun des quartiers de prédilection des écrivains de la cité levantine
Beyrouth, ses auteurs, ses cafés
Il est attaché à la montagne du nord duLiban, où il est né (en 1949) ; mais Beyrouth l’a toujours fasciné, il y a vécu dansles années 19601970. Son arrivée dans lacapitale a inspiré celle de son personnage, Nizam, avant qu’il ne soit malgré lui entraîné dans la guerre, dans Saint Georges regardait ailleurs (Actes Sud, 2013). Non loin de nous, la place des Martyrs, ou « El Bourj », était alors « la ported’entrée de Beyrouth » ; le tumulte ininterrompu, les joueurs de cartes et les cinémas, le souk de l’or, les cafés au narguilé et les maisons de prostituées. « Tout est parti. La guerre a réduit la ville àun nonlieu, à une nonrencontre. » Jabbour Douaihy souligne toutefois la présence voisine de la librairie ElBourj et duquotidien AnNahar, qui « intellectualisent un peu l’endroit ». Il n’a pas beaucoup envie de parler de l’actualité. Le Quartier américain, qui paraîtra en septembre chez Actes Sud, évoque pourtant un sujet qui ne la quitte plus : la montée de l’islamisme radical et la décadence desvieilles élites dans la ville de Tripoli qu’il connaît si bien – il y enseigne la littérature française à l’Université libanaise. « Il y a une chose que je n’ai pas réussi à comprendre : comment peuton convaincre quelqu’un de se suicider ? »
Il faut, pour retrouver Charif Majdalani,un ami et un compagnon de plume de Jabbour Douaihy, descendre plus au sud, vers le quartier de Badaro. Au Café de Pénélope, on est encore à Beyrouth ; mais sil’on traverse l’avenue, quelques mètres plus bas, nous voici en banlieue, s’amusele romancier. Qui s’en rappelle, dans la villepays (plus d’un tiers de la population libanaise vit dans le Grand Beyrouth), où les périphéries se sont agrégées à la cité ? Le Beyrouthin se passionne pour les transformationsurbaines. Il éprouve pour sa ville « beaucoup de gratitude. » « Elle m’a fait devenir ce que je suis. » Un écrivain et un passeur,professeur de lettres françaises à l’université SaintJoseph. Si l’on se voit à Badaro, où bars et restaurants poussent comme des champignons, c’est parcequ’on n’est pas loin de chez lui, et qu’il y a
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encore ces pins et ces immeubles des années 19501660 – l’époque qu’il aime par excellence. Il faut parfois hausser la voix pour s’entendre, à cause du bruit des marteaux piqueurs qui érigent du neuf clinquant sur l’ancien détruit. Le « cultedu dollar », la « spéculation immobilière »sont les maux contemporains de Beyrouth, regrette l’écrivain. Dans son dernier livre traduit, Le Dernier Seigneur de Marsad (Seuil, 2013), il nous emmène à travers un quartier imaginaire qu’il n’est pas difficile de situer. Certains lecteurs l’ont si bien fait qu’ils ont cru voir racontée, dans ce lieu à la mixité communautaire quasi disparue, l’histoire de leurpropre famille, et ont assailli l’auteurd’appels téléphoniques. Villa des femmes (à paraître en août au Seuil) promet un autre récit libanais de grandeur et deruine, de douceur de vie et de guerre, porté par des personnages féminins.
Les voix féminines, ce sont elles qui intéressent Hyam Yared. La place des fem
mes dans le monde arabe – et ailleurs – est une cause qui « fait partie de ses obsessions ». Elle le dit d’emblée, dans le jardin du café Raouda, en bord de mer,parmi petits palmiers et lauriersroses. Son troisième roman, La Malédiction (Les Equateurs, 2012), « on aime ou on déteste ». Dans son milieu à elle, bourgeois, « le livre a été très mal pris ». Le récit chavirant d’une « fillehélas », qui se heurte àun monde dévolu aux hommes, jusqu’aux tribunaux religieux. Le langageest sien, une écriture qui n’a pas froidaux yeux, mais la matière emprunte à la réalité – une société qui n’a reconnu (aminima) la violence domestique qu’en 2014. L’écrivaine vit sur les hauteurs de Beyrouth, mais elle aime venir au café Raouda, « un lieu intemporel, suspendu, serein, où la clientèle est de tous lesmilieux, toutes les origines, toutes les lan
gues ». C’est le désir d’altérité, d’accéder àune pluralité mémorielle – dans un pays où les récits de la guerre se combattent – qui a poussé la jeune femme (née en 1975) à écrire. Son prochain roman parlera encore de femmes et des bouleversements de la région. Beyrouth, ditelle, est « assommée, dans une attentehorrible », à l’ombre de la guerre qui ravage la Syrie et a porté vers le Liban plus d’un million de réfugiés. A l’écart de notre table, des enfants jouent sur des toboggans et des balançoires en métal ; ils pointent parfois les avions qui descendent audessus de la mer, pour bientôtatterrir. C’est dans cette partie de Beyrouth, l’Ouest, dans le quartier voisin de Hamra, que se trouvent la plupart des bouquinistes.
Au téléphone, Alexandre Najjar a hésité. Se voir au musée, où chaque visitel’émeut face aux « témoignages des dixsept civilisations qui se sont condensées au Liban », et qu’il rêve de voir agrandi ?
Ou place des Martyrs, qui porte lamémoire des révoltes libanaises– contre les Ottomans, le mandatfrançais, puis l’occupation syrienne ? La proximité de la statuede Mazzacurati, une « Liberté enlaçant un adolescent au pied desquels deux hommes se relèvent »,a eu sa préférence ; nous repartons vers le centreville, au cafédu luxueux hôtel Le Grey. C’estautour de la place des Canons –autre nom de la place des Martyrs– qu’Alexandre Najjar a construitson Roman de Beyrouth (Plon,
2005) ; elle tient une entrée de son Dictionnaire amoureux du Liban (Plon, 2014).Amoureux, il l’est, cet érudit et auteur prolifique, de ce « petit pays au granddestin » qu’il célèbre, et dont il racontedes anecdotes savoureuses – la conduite automobile qui « relève de l’héroïsme » dans une circulation anarchique ; les« douceurs », ce nom dont on désigne les pâtisseries libanaises. Celui qui dirige L’Orient littéraire – supplément mensuel du quotidien L’OrientLe Jour, auquel contribuent Douaihy et Majdalani, et qui fut jadis mené par Salah Stétié – regrette queles écrivains ne soient « pas assez écoutésau Liban. Dans d’autres pays, ils font partie de la vie publique. Ici, ce sont toujours les mêmes gueules politiques qu’on invite dans les débats ». L’avocat est inquiet pour son Liban, alors que la région « vit des heures sombres ».
Au Grey, on aurait pu se sentir basculerdans Beyrouth, la nuit (Stock, 2014), n’eût été l’heure matinale de notre café partagé ; l’hôtel branché a été rebaptisé Le Blue Grey dans le premier roman de Diane Mazloum, écrivaine et plasticienne. Elle est la benjamine des invités du Marathon des mots. Elle ne se voit pas
de filiation avec ses aînés, parce qu’elle ne se sent « appartenir à rien », et qu’elle les connaît mal, ou pas du tout. Son roman se déroule dans une bulle, celle d’une jeunesse ultraprivilégiée et qui s’ennuie. Elle vit dans un périmètre resserré, à Achrafiyé, dans l’est de Beyrouth, entre l’appartement de ses parents, l’atelier où elle conçoit ses installations et les commerces familiers de l’avenue de l’Indépendance – dont le café Najjar, lieu de notre rencontre. Diane Mazloum cherche et se cherche, elle voit ses amis trentenaires touchés par le « désenchantement, le découragement, l’envie de partir ». Elle partira peutêtre aussi, elle passe de plus en plus de temps à Paris.Elle a grandi à Rome, mais son imaginaire est ici, dans une ville dont lesodeurs seraient « la cigarette, le café, l’essence. Et parfois, mais c’est rare, l’effluve des fleurs que l’on vient d’arroser, le soir ».
Depuis Paris, et de sa voix de fumeuse,Hala Kodmani se souvient de la mer, de l’insouciance et des amours des annéespassées à Beyrouth. Quand elle y revient aujourd’hui, elle s’y sent « très tendue ». Pour son père, décédé, avec lequel lajournaliste francosyrienne mène unéchange de courriels fictif dans La Syriepromise (Actes Sud, 2014), Beyrouth des années 1970 fut une terre de liberté et de débats passionnés entre intellectuels. Leur complicité, leurs enthousiasmes et
Hyam Yared aime venir au café Raouda, « un lieu intemporel, suspendu, serein, où la clientèle est de tous les milieux, toutes les origines, toutes les langues »