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Le Devoir

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L E D E V O I R , L E M E R C R E D I 3 J U I N 2 0 1 5

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR

L’ex-premier ministre, chez lui, à L’Île-des-Sœurs. Économiste, ministre, visionnaire, motivateur, réformateur, fonctionnaire … ce grand intellectuel, qui a façonné le Québec, avait de nombreuses facettes.

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Jacques Parizeau (au centre) en compagnie d’un de ses héritiers et fondateur du parti Option nationale, Jean-Martin Aussant (à gauche),ainsi que de l’économiste et ancien ministre Jean Garon.

R O B E R T D U T R I S A C

Correspondant parlementaireà Québec

F élix Leclerc a écrità la mor t de RenéLévesque qu’il fai-sait par tie de lacour te liste des li-

bérateurs de peuples. JacquesParizeau aussi, peut-on dire,lui qui s’est consacré corps etâme à la libération écono-mique des Québécois.

Au début des années 1960,le gouvernement de Jean Le-sage menait, selon les termesdu premier ministre, une « en-treprise de libération écono-mique » du peuple québécois.Et dans l’entourage du chef li-béral se trouvait un conseillerspécial, un jeune économistebrillant, d’à peine 30 ans, quiallait être associé à la nationali-sation de l’électricité et à lacréation de la Société généralede financement. Et sur tout,dès 1962, le jeune diplômé al-lait avoir une idée de génie :créer la Caisse de dépôt et pla-cement du Québec.

L’État québécois partait deloin : un syndicat financier,A.E. Ames & Co, exerçait unmonopole sur tous les em-prunts de la «province», commeon le disait à l’époque et commeon a recommencé à le dire au-jourd’hui. Le père de JacquesParizeau, l’assureur Gérard Pa-rizeau, lui avait expliqué com-ment ce syndicat formé desbanques montréalaises anglo-phones, aujourd’hui à Toronto,avait coupé les vivres au gouver-nement de Maurice Duplessis,entraînant sa chute en 1939. Cen’était pas tombé dans l’oreilled’un sourd : l’économiste sou-haitait libérer l’État québécoisde cette emprise.

L’idée était de réunir danscette caisse d’État les fondsdisséminés de l’État, commeceux de la Curatelle publiqueet de la Commission de lasanté et sécurité au travail.Mais ce n’était pas suf fisantpour assurer une masse cri-tique. Ce n’est qu’avec la créa-tion d’un régime universel deretraite, devenu depuis le Ré-gime des rentes du Québec,que la Caisse pourra voir lejour. Cette caisse pour ra

acheter des obligations del’État, donc mettre fin au mo-nopole financier. Mais ellepourra aussi investir dans desactions d’entreprises et assu-rer ainsi le développement del’économie québécoise avecl’argent des Québécois, touten garantissant un rendementadéquat aux déposants. Onconnaît la suite.

C’est à Jacques Parizeauque René Lévesque, alors mi-nistre des Ressources hydrau-liques et des Travaux publics,a commandé en 1962 la pre-mière étude sur la faisabilité fi-nancière de la nationalisation

des compagnies d’électricité.Un mois plus tard, son rap-port, favorable à la nationalisa-tion, est remis à Jean Lesage.Et c’est un courtier new-yor-kais, plutôt que canadien-an-glais, qui dirigera le finance-ment de la nationalisation, uneopération de 350 millions, soitl’équivalent de 2,7 milliardsaujourd’hui.

Un ministreAprès la victoire du Parti qué-

bécois, René Lévesque nommeJacques Parizeau ministre desFinances et président duConseil du trésor. Il innovera.

En 1978, le ministre des Fi-nances signe un budget réso-lument social-démocrate enréduisant l’impôt des moinsnantis pour augmenter celuides plus riches.

La hausse d’impôt est trèsmal reçue par la classe possé-dante, d’autant plus qu’elle seconjugue avec l ’exode dessièges sociaux que l’électiond’un gouvernement souverai-niste a entraîné. C’est alorsque Jacques Parizeau, repre-nant la suggestion qu’unecontribuable lui a faite, trouveune solution : la création d’unrégime d’épargne-actions(REA). Lancé en 1979, ce ré-

gime accorde des déductionsfiscales aux investisseurs quiachètent de nouvelles actionsd’entreprises québécoises co-tées en Bourse. En 1983, ilmodifie le REA afin de favori-ser davantage les plus petitesentreprises : le Québec inc. —Cascades, Biochem Pharma,Canam Manac, Groupe SNC,Quebecor, Bombardier, JeanCoutu, etc. — prend son en-vol. En quelques années, lenombre de sociétés québé-coises inscrites à la Bourse deMontréal triple.

En 1980, avec la nominationde Jean Campeau, un sous-mi-

nistre des Financesé v i d e m m e n t t r è sproche du ministre, laCaisse de dépôt pro-cède à des investisse-ments majeurs enprenant des blocsd’actions importantsd a n s G a z M é t r o ,Domtar et Noranda,tout en accentuant

ses achats en Bourse.L’interventionnisme d’État

n’est pas toujours couronné desuccès. L’acquisit ion desmines d’amiante de l’Améri-caine General Dynamics par laSociété nationale d’amiante,une nationalisation qui figuraitdans le programme du PQ,s’avère un gouffre financier.

Le référendum de 1995, ill’a préparé de longue haleinesur le plan politique maisaussi sur le plan financier, etde façon méticuleuse avecson plan O dont il ne doutaitpas de la solidité dans l’éven-tualité d’un oui.

Toute sa vie, Jacques Pari-zeau a lutté contre ceux qui sou-tenaient que le Québec n’avaitpas la force économique de for-mer un pays. Ce pédagoguehors pair a exposé les argu-ments contraires et démontré laviabilité d’un Québec souverain,alimentant ses explications decomparaisons internationales.Et même s’il n’a pas atteint sonbut, le Québec, même confiné àson statut provincial, ne sera ja-mais plus le même, un peu plusaffranchi grâce à celui qui s’estposé avant tout comme unhomme d’État.

Le Devoir

L’économisteM. Parizeau a contribué à libérer les Québécois et leurs avoirs

Il faut voir le personnage tel qu’il est. Souvent, en faisant référence à son rôlede “ belle-mère ”, on s’imaginait un ancien premier ministre qui revenait parler.Mais c’est réducteur du personnage lui-même.Catherine Côté, professeure à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke

«»

F R A N Ç O I S D E S J A R D I N S

Q uand un jeune RaymondGarneau débarque au ca-

binet de Jean Lesage au milieudes années 60, les dossiers nese comptent plus. À titre deconseiller, Jacques Parizeauprend beaucoup de place,même si la pièce déborde degrosses pointures (André Ma-rier, Michel Bélanger, etc.)Quelques années plus tard,MM. Garneau et Parizeau seretrouvent à nouveau, de partet d’autre de la ligne de front.

« J’ai perdu mon ennemi po-litique », dit aujourd’hui Ray-mond Garneau, ministre desFinances dans le premiergouver nement de Rober tBourassa de 1970 à 1976.Jacques Parizeau n’est pasencore député, mais il est lecritique du Par ti québécoisen matière de finances pu-bliques. Orgueilleux, coriaceet documenté, i l a encorel ’État au bout des doigts.« Avec son dépar t, je tourneune page de ma propre vie. »

MultifacetteIls sont nombreux, dans la

sphère politique et le mondedes affaires, à tenter de résu-mer le rôle tentaculaire queJacques Parizeau a joué des an-nées 60 jusqu’à l’automne de savie politique. Parmi les instru-ments collectifs qu’il a impul-sés figurent la Caisse de dépôtet placement, la Société géné-rale de financement, la Régiedes rentes et l’émission d’obli-

gations sur les marchés étran-gers, mais aussi des mesuresplus ciblées, comme le Régimed’épargne-actions (REA).

« Pour moi, ce qu’on lui doitcomme ministre des Finances,c’est la création du REA », af-firme M. Garneau. Dès 1979,ce programme offre un incita-tif fiscal aux contribuablesqui achètent de nouvelles ac-tions d’entreprises québé-coises cotées en Bourse. Onassiste à la floraison d’unenouvelle classe d’af faires :Bombardier, Gaz Métropoli-tain, Cascades, Québecor…

Au service du peupleL’ex-mandarin Louis Ber-

nard le décrit comme le «pèredu Québec inc. », un point devue par tagé par la Chambrede commerce du Montréalmétropolitain. Dans un com-muniqué dithyrambique, celle-ci a estimé mardi que lemonde des af faires a gagné« un climat de confiance quin’existait pas auparavant».

Jacques Parizeau appartientaux «grands commis de l’État »,tranche Jean Campeau, qui

s’est occupé de la gestion de ladette publique au ministèredes Finances avant d’êtrenommé sous-ministre adjointen 1977. Il a été ministre desFinances de 1994 à 1995.

Invité à nommer sa princi-pale contribution, M. Cam-peau hésite. Silence. « Il y en atellement », laisse-t-il échapper.« Il n’y en a pas juste une.Comme ancien président de laCaisse de dépôt, j’ai un faiblepour la création de la Caisse.Ça ne veut pas dire que j’ai rai-son. Chose certaine, il a apprisaux Québécois à gérer leurs af-faires. » Jacques Parizeau était« flamboyant et clairvoyant »,dit-il. « Et profond. Il connais-sait l’économie comme le fondde sa poche. »

Aux yeux d’un autre ex-mi-nistre des Finances, RaymondBachand, il y a la Caisse de dé-pôt, certes, mais aussi l’émer-gence des francophones en af-faires et «cette contribution pé-dagogique selon laquelle l’éco-nomie est importante».

Avec Marco FortierLe Devoir

Le commis de l’ÉtatComme politicien et fonctionnaire, coriace, il connaissaitses dossiers comme personne

A L E X A N D R E S H I E L D S

I l avait quitté la vie politiqueactive depuis près de 20 ans.

Mais depuis, Jacques Parizeaune s’est pas fait prier pour criti-quer publiquement des déci-sions politiques qu’il jugeaitnéfastes pour la nation québé-coise. Plusieurs reconnaissentd’ailleurs la rigueur de sesanalyses, particulièrement surles questions économiques.

L’ancien premier ministre aainsi dénoncé à plusieurs re-prises la politique du déficitzéro au Québec, devenue uneobsession depuis près de deuxdécennies. « À par tir du mo-ment où vous fixez l’objectif zéropour une date butoir et que çadevient une religion, vous ces-sez de réfléchir. On coupe par-tout, on ne se pose pas de ques-tions », af firmait-il encore auDevoir en février 2013.

M. Parizeau insistait ainsisur la nécessité pour les gou-vernements de mettre de côtéla « peur » qui caractérise lediscours sur l’état des financespubliques. Dans une longueanalyse de la situation publiéeen mai 2013, l’économiste sou-lignait plutôt l’importance destimuler la croissance, maisaussi d’augmenter la producti-vité des entreprises et d’ac-croître la formation profes-sionnelle et technique.

Bien au fait des dossiers deRessources naturelles depuisdes décennies, Jacques Pari-zeau avait aussi vivement dé-noncé la première mouture duPlan Nord libéral, qui ouvraitselon lui toute grande la porte

à une dilapidation de fonds pu-blics. « Je ne vous dirai pas queça fait “ bar ouvert ”, mais lescompagnies qui ont des projetsdans le Nord ont compris immé-diatement ce qu’elles pouvaienten tirer. Le Plan Nord laisseplusieurs portes ouvertes, avait-il dit en entrevue. […] On estsur le point de se faire avoir.»

La fine analyseSur de tels enjeux, il avait

« une immense capacité d’ana-lyse et de synthèse », insisted’ailleurs Jacques Fortin, pro-fesseur honoraire à HECMontréa l . Même son decloche du côté d’André Véron-neau, président de l’Institut der e c h e r c h e e n é c o n o m i econtemporaine. « Lorsqu’ilanalysait un dossier, par exem-ple celui du Plan Nord, oualors les finances publiques, ille faisait toujours de façon trèsrigoureuse. Et il ne faut pas ou-blier qu’il pouvait apporter unedimension historique aux dos-siers », explique-t-il.

Le leader souverainiste avaitjustement expliqué la possibilitéd’envisager la gratuité scolaireau Québec en appuyant son ar-gumentaire sur des rappels his-toriques qu’il jugeait essentielspour aborder l’épineux débat.Après tout, disait-il, le gouverne-ment a imaginé la création duréseau des universités du Qué-bec dans cette perspective, etce, dès les années 60.

« Il ne faut pas oublier sonchapeau de professeur d’univer-sité, qui ne l’a jamais quitté. Ilavait cette idée d’échanger, d’ex-pliquer, d’argumenter et de

faire évoluer les mentalités », in-siste Catherine Côté, profes-seure à l’École de politique ap-pliquée de l’Université deSherbrooke.

Des prises de positions trèscritiques, notamment par rap-port au projet de charte des va-leurs du Parti québécois, ontnéanmoins suscité de vivesréactions, surtout chez les pé-quistes. « Il faut voir le person-nage tel qu’il est, rappelle toute-fois Mme Côté. Souvent, en fai-sant référence à son rôle de“belle-mère”, on s’imaginait unancien premier ministre qui re-venait parler. Mais c’est réduc-teur du personnage lui-même.»

« Il faut se rappeler qu’il a étéconseiller d’anciens premiersministres, mais aussi “ serviteurde l’État ”, ajoute-t-elle. Bref, ila toujours eu son mot à dired’une manière ou d’une autre.Donc, selon moi, il ne mettaitpas nécessairement son cha-peau d’ancien premier ministrelors de ses interventions, maisplutôt celui d’une personne quiavait contribué très fortement àbâtir le Québec et donc, quicontinuait de donner son avis. »

Selon cette spécialiste de lacommunication polit ique,M. Parizeau n’ignorait cepen-dant pas l’impact probable deses prises de position. Ce se-rait justement dans cette op-tique qu’il s’était montré trèscritique du défunt Accord mul-tilatéral sur l’investissement,mais aussi de la fusion de laBourse de Montréal avec cellede Toronto.

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Le critiqueIl a dénoncé l’obsession du déficit zéro, le Plan Nordet la fusion de la Bourse

I S A B E L L E P A R É

P arizeau, le professeur.Voilà comment se décrivait

au seuil de sa vie la bête poli-tique que fut Jacques Parizeauau terme d’une carrière qui amarqué quatre décennies devie publique au Québec.

Au moment de recevoir undoctorat honoris causa de l’Uni-versité de Montréal, l’automnedernier, Parizeau le tribun de-venu plus frêle s’était humble-ment présenté à la foulecomme «un enseignant». L’ex-premier ministre et le fin stra-tège n’eurent jamais raison duprof dans l’âme que resta Pari-zeau, après avoir joué un rôlecapital dans l’émergence detoute une génération de jeunesentrepreneurs québécois.

«À l’époque, il arrivait du Lon-don School of Economics, c’étaitun personnage très impression-nant, presque théâtral. Il exigeaitde ses étudiants des examensoraux. Plusieurs élèves étaienttraumatisés», se rappelle PierreLaurin, ancien élève et ex-direc-teur de HEC, aujourd’hui vice-président chez Québecor inc. Leverbe haut, d’une élégance toutebritannique, Parizeau avait surses ouailles un ascendant sanspareil. «Les questions d’examenoral étaient placées dans un bo-cal, et les élèves pigeaient à tourde rôle au hasard avant d’entrerdans son bureau», raconte Da-niel Paillé, ex-chef du Bloc qué-bécois, élève de Jacques Pari-zeau, recruté par son maître àpenser dans les années 70, puisnommé ministre de l’Industrieen 1994.

Pour le maître, savoir n’étaitpas suffisant. Encore fallait-ilexpliquer avec éloquence lesthéories ingérées. De retourd’Europe, on raconte que lejeune prof barrait carrément laporte de sa classe, dans l’édificede la rue Viger, avant d’amor-cer ses envolées oratoires. Vé-

néré plus que craint, Parizeautenait ses classes en haleine,lors de cours magistraux, aupropre comme au figuré. «Lesélèves buvaient ses paroles. Pourlui, ce n’était pas juste une“ job ” », relate Claude Séguin,vice-président principal chezCGI, élève à HEC entre 1969 et1972. «Il nous a TOUT appris»,ajoute celui que Parizeau ap-pela en renfort en 1987, commesous-ministre des Finances.

Parizeau le professeur sesouciait aussi, hors les murs,du cheminement de ses pu-pilles. Lors d’une rencontre for-tuite dans un vol Québec-Mont-réal, Parizeau aida ainsi PierreLaurin, diplômé de Harvard,mais boudé par HEC, à y obte-nir un poste de professeur.Idem pour Daniel Paillé, alorsjeune militant au PQ, qu’ilpoussa à aller étudier à HEC.« Il a joué un rôle majeur dansma décision d’aller étudier auxÉtats-Unis. Il s’intéressait tou-jours aux jeunes, repérait les ta-lents, et les accompagnait», rap-pelle le vice-président de CGI.

Son influence à HEC de-meura puissante, après sonpassage en politique. «Tout lemonde se battait pour assister àses cours ! Mais même aprèsavoir été ministre, il s’acquittaitde ses tâches comme tous lesprofs », affirme Pierre Laurin.Pour le recteur de l’Universitéde Montréal, Guy Breton,Jacques Parizeau incarne ceque peu d’hommes publics ontréussi, soit combiner avec pa-nache la théorie et la pratique,une rareté dans le monde uni-versitaire. « Peu de gens ontamené ainsi le savoir acadé-mique dans la fonction publiqueet dans l’arène politique, es-time-t-il. Il a incarné cela, etcette mobilité, très précieusepour nos institutions, c’est celaqui manque au Québec actuel. »

Le Devoir

Le maîtrePlusieurs générations d’entrepreneurs ont salué sa contribution

G U I L L A U M EB O U R G A U L T - C Ô T É

V ers la fin, sa démarcheétait fragile, l’homme se

déplaçant voûté sur sa canne.Mais quand il parvenait au lu-trin et prenait la parole dansles universités ou les cégepsdu Québec, Jacques Parizeauretrouvait vite une verve quifaisait fort effet : le vieux sagesavait parler aux jeunes.

Ils ont été plusieurs à souli-gner mardi l’attachement — etl’influence — que M. Parizeauavait pour les jeunes Québé-cois. «Il était toujours à l’avant-garde sur le plan des idées, iln’avait pas la langue de bois etil était d’une grande clarté, trèsbon pédagogue», relève la dépu-tée Mar tine Ouellet, qui seconsidère comme une « héri-tière » de l’ancien premier mi-nistre. Autant de qualités quiplaisaient aux auditoires étu-diants, dit-elle. «On sortait deses discours plus intelligents.»

En revenant sur la carrièrede M. Parizeau, le jeune souve-rainiste Jocelyn Beaudoin (can-didat du Bloc québécois auxprochaines élections, et deuxfois candidat pour Option natio-nale) notait que « l’importancequ’il accordait aux plus jeunesgénérations est moins connue.[Mais] pendant longtemps, ilétait plus facile pour un journa-liste de rencontrer M. Parizeaulors de ses conférences dans lescégeps et les universités que dansson propre bureau».

M. Beaudoin rappelait queJacques Parizeau avait livré undiscours marquant lors ducongrès d’Option nationale en2013. «Dans la salle, il y avaitplus de 1000 personnes, et lamoyenne d’âge ne dépassait pas35 ans. C’était du jamais vu de-puis longtemps en politiquequébécoise. »

L’élève AussantJacques Parizeau avait en ef-

fet trouvé auprès des militantsd’Option nationale un publicacquis à ses idées, l’incarna-tion de cette «nouvelle généra-

tion de Québécois [portant] leflambeau de la souverainetéavec un enthousiasme et uneardeur sans pareils », qu’il avaitsaluée dans son discours dedémission en octobre 1995.

Le fondateur d’Option natio-nale, Jean-Martin Aussant —qui n’a jamais caché sa pro-fonde admiration de M. Pari-zeau — s’est montré secoué parle décès de son mentor, mardi.«Pour moi, il n’avait tout sim-plement pas le droit de mourir, a-t - i l écrit depuis Londres.Jacques Parizeau est l’hommequi m’a le plus inspiré et je suisinfiniment reconnaissant enversla vie d’avoir pu le côtoyer.»

Il a salué un « révolution-naire dans le plus pur et le pluspacifique sens du terme », unhomme qui était le «convaincuen chef ».

« C’est clairement une in-f luence for te pour nous » ,confiait plus tard le chef SolZanetti. Influence sur toutesles questions liées à la souve-raineté, bien sûr, mais aussiplus largement comme men-tor d’une cer taine jeunessesouverainiste.

«Il était toujours là pour sou-tenir les jeunes», dit M. Zanettien rappelant que Jacques Pari-zeau a défendu l’idée de la gra-tuité scolaire dans la foulée duprintemps érable, en 2012. « Ilétait aussi celui qui disait :n’ayons pas peur des obstacles,allons de l’avant. Et son dis-cours était extrêmement clair,toujours. C’était très inspirant.»

L’ancien leader étudiant Ga-briel Nadeau-Dubois mention-nait mardi à quel point M. Pa-rizeau avait saisi le sens desrevendications étudiantes lorsdu printemps 2012. « Voilà unhomme qui avait compris qu’ilne servait à rien d’opposer lerespect de la chose publique, lebien commun et la mobilisa-tion de la jeunesse, écrivait-il.Il avait entendu le cri de lajeunesse de son pays et contrai-rement à d’autres, il avaittendu l’oreille. »

Le Devoir

L’inspirateurIl a été un modèle pour la relève souverainiste

9 août 1930Naissance à Montréal deJacques Parizeau, fils deGérard Parizeau, courtierd’assurance, et de Ger-maine Biron.

1955Il obtient un doctorat de laLondon School of Economics,après des études à l’École deshautes études commercialesde Montréal et à l’Institut desétudes politiques et la Facultéde droit à Paris.

1988Retour en politique commechef du PQ, alors dans l’opposition.

29 septembre 1994Il devient premier ministredu Québec.

30 octobre 1995Le camp du Non l’emportepar une faible marge lors du2e référendum sur la souve-raineté. Il démissionne lelendemain.

15 novembre 1976Il est nommé ministre des Fi-nances par René Lévesque,sept ans après son entrée au(PQ). Il démissionne le 22 no-vembre 1984, lorsque RenéLévesque opte pour «le beaurisque» du fédéralisme.

1961-1969Il joue un rôle clef au coursde la Révolution tranquille,notamment dans la créationde la Caisse de dépôt et pla-cement, la Régie des renteset la Société générale de financement.

En 1978, le ministre des Financessigne un budget résolument social-démocrate en réduisant l’impôt des moins nantis pour augmentercelui des plus riches

J’ai perdu mon ennemi politique.Avec son départ, je tourne une page de ma propre vie. Raymond Garneau, ministre des Finances dans le premier gouvernement de Robert Bourassa

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