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L E D E VO I R , L E M E R C R E D I 3 J U I N 2 01 5 PARIZEAU A 2 JACQUES NADEAU LE DEVOIR Jacques Parizeau dans sa maison dans les Cantons-de-l’Est en 2004 JEAN-FRANÇOIS NADEAU L a voix du ténor des indépendantistes qué- bécois s’est éteinte. Jacques Parizeau avait fêté ses 84 ans le 9 août dernier. Éminence grise de plusieurs gouverne- ments à compter des années 1960, professeur d’économie, ministre des Finances sous René Lévesque, chef du Parti québécois de 1988 à 1995, maître d’œuvre du référen- dum de 1995, il a profondé- ment marqué sa société. Sa mort bouleverse bien sûr ceux qui voyaient en lui une sorte de phare solennel planté au milieu de la nuit de leurs rêves politiques, mais aussi ceux, nombreux, qui reconnais- saient en lui l’expression dé- terminée d’une vision sincère et originale du Québec. L’ancien premier ministre ra- contera à plusieurs reprises être devenu indépendantiste en 1967, à l’occasion d’un voyage qui le conduit en train dans l’Ouest canadien. Là-bas, il doit prononcer une confé- rence sur l’avenir du Canada. Ce voyage promet de lui lais- ser le temps de rédiger le texte de sa conférence. Lorsqu’il monte à bord du train en gare de Montréal, dira-t-il, il est fé- déraliste. Mais lorsqu’il sort, après des heures d’une ré- flexion qui couvait déjà en lui, il est devenu indépendantiste. Il racontera cette anecdote no- tamment dans Pour un Québec souverain, succès de librairie en 1997. Habitué des complets trois- pièces et d’un maintien quelque peu aristocratique, celui qu’on appellera « Monsieur » est di- plômé des Hautes Études com- merciales où l’économiste Fran- çois-Albert Angers l’encourage à poursuivre ses études en Angleterre. À la London School of Economics, Jacques Parizeau travaille auprès de James Meade, futur Prix Nobel. Il obtient un doctorat et garde de son séjour anglais un ton et un certain humour. Jacques Parizeau poursuit également des études à l’Insti- tut d’études politiques de Paris et à la Faculté de droit de la ca- pitale française. Il rentre au pays pour honorer la dette mo- rale qui le lie à HEC, où il en- seignera de 1955 à 1976. Élu le 15 novembre 1976, il devient ministre des Finances du gou- vernement de René Lévesque. Il reviendra enseigner dans son alma mater de 1985 à 1989, mo- ment où il fait un pas de côté pour mieux pouvoir sauter à nouveau dans l’arène politique. En parallèle, il est un conseil- ler de première importance en matière d’économie dans l’ap- pareil d’État qui se met en place au tournant des années 1960. Il est un de ceux qui jet- tent les bases de la Société gé- nérale de financement (1962) et de la Caisse de dépôt et pla- cement du Québec (1965). Il va aussi suggérer une stratégie économique afin de faciliter la nationalisation des ressources hydroélectriques. On le trouve aussi mêlé à plusieurs réflexions qui donnent des outils à l’État pour valoriser les capacités de ses citoyens. Dans les années 1970, il s’impose alors comme un des personnages principaux du mouvement indépendantiste, tout en sachant apprécier le travail des éclaireurs de ce mouvement. Indépendantiste Ministre de René Lévesque, il démissionne avec fracas du ca- binet le 22 novembre 1984. Il ne tolère pas le virage de Lévesque en faveur du fédéralisme renou- velé favorisé par l’arrivée au pouvoir des conservateurs de Brian Mulroney, aiguillé sur cette voie par Lucien Bouchard. Parizeau se retrouve vite pro- pulsé à la tête d’un groupe de députés démissionnaires qui, à force de salves répétées, finiront par avoir raison de Pierre Marc Johnson, successeur éphémère de Lévesque. Jacques Parizeau est élu chef du parti le 19 mars 1988. La circonscription de L’Assomption va l’élire député l’année suivante. Il assume dès lors le statut de chef de l’oppo- sition officielle, fonction qui lui laisse le temps d’écrire et de ré- fléchir à la stratégie politique qu’il veut imposer. Il tend la main à Robert Bourassa au moment de la crise qui entoure l’accord du lac Meech et accepte de parti- ciper aux travaux de la com- mission Bélanger-Campeau. L’appui à l’option indépendan- tiste atteint alors un sommet. Le PQ, répétera-t-il, est souve- rainiste avant, pendant et après les élections. Premier ministre À l’élection du 12 septembre 1994, il forme le nouveau gou- vernement majoritaire. Se met alors en place la stratégie réfé- rendaire. Jacques Parizeau mise sur la tenue de commis- sions régionales préparatoires pour recueillir des avis sur ce que devrait comprendre son projet. Le 12 juin 1995 est constitué un front commun au- tour de trois chefs de parti, soit Lucien Bouchard (BQ), Mario Dumont (ADQ) et Jacques Pa- rizeau (PQ) pour assurer la pré- sence du Oui au référendum. Chef du camp du «Oui», Jacques Parizeau convient néanmoins de s’effacer de l’avant-scène au profit d’inter- ventions de Lucien Bouchard, plus en phase avec la ferveur populaire du moment. « Prome- nons l’icône sur le front des troupes », disait-il en privé. Au soir du 30 octobre 1995, l’option du Oui passe bien près de l’emporter avec 49,42 % des suffrages exprimés. Ce sont 54 288 voix qui départagent les gagnants des perdants. Amer, visiblement ébranlé, Jacques Parizeau estime alors, dans un discours livré à chaud, que c’est le vote des minorités ethniques et l’argent qui ont fait perdre le référendum. Sa déclaration, jugée malhabile, fera l’objet d’analyses multiples qui occupent une large place de l’espace médiatique dans les jours et les mois qui suivent la déconvenue référendaire. Cette sortie a sans doute accé- léré la décision de Jacques Pa- rizeau de quitter la politique active, du moins dans de hautes fonctions, même s’il avait déjà annoncé son inten- tion de ne pas rester en place pour gouverner une province. Dans les mois qui suivent la défaite référendaire, la commis- sion d’enquête conduite par le juge John Gomery révèle que le gouvernement fédéral a lar- gement enfreint la loi sur les consultations populaires qui en- cadre la pratique des référen- dums afin de favoriser l’équité des options au moment du vote. Après le référendum de 1995, l’homme d’État a acheté à Collioure, village du sud de la France, célèbre notamment pour ses peintres, une maison et un hectare de vignes. Le vin des Parizeau, commercialisé quelque temps au Québec par son ami Yves Michaud sous l’appellation Coteau de l’Éli- sette, offre un clin d’œil à la polémique qu’avait soulevé le couple en s’installant dans une résidence officielle en 1994. En 1997, Parizeau est un des premiers à montrer du doigt les dangers sociaux que représente l’Accord multilatéral sur l’inves- tissement (AMI), une entente négociée secrètement entre les 29 pays membres de l’OCDE. Il sera aussi un des seuls politi- ciens à dénoncer le projet d’une zone de libre-échange des Amé- riques (ZLEA) en 2002, sans pour autant remettre en cause son appui à un accord nord- américain du même type. Dans la foulée de la crise étudiante et sociale du prin- temps 2012, il prendra la pa- role pour rappeler que le pro- jet initial de la Révolution tran- quille à l’égard de l’éducation était d’en arriver à instaurer un système éducatif gratuit pour tous. « De 1965 à 1989, la société québécoise avait comme objectif un enseigne- ment gratuit à tous les niveaux. […] Que les étudiants disent aujourd’hui qu’ils veulent re- mettre en cause le nouveau mo- dèle pour revenir à celui que leurs parents et grands-parents ont connu, il n’y a rien de mal à cela, au contraire. » Filiations Il fera aussi des sorties très dures contre la politique économique du « déficit zéro » promulguée par Lu- cien Bouchard, un non-sens économique de son point de vue d’homme sensible aux enseignements de Keynes. Dans une entrevue réalisée en février mais diffusée seule- ment le 6 avril dernier, Jacques Parizeau réitérait que les sou- verainistes se trouvaient de- vant un «champ de ruines» à cause de l’incurie des débats au Parti québécois. Il précisait aussi que cette « fixation sur le déficit zéro» avait quelque chose de religieux qui était profondément néfaste. Né le 9 août 1930 à Montréal, Jacques Parizeau est le fils de Gérard Parizeau, assureur et professeur à HEC ; le petit- fils de Télésphore Parizeau, doyen de la Faculté de méde- cine de l’Université de Mont- réal ; l’arrière-petit-fils de Da- mase Dalpé dit Parizeau, dé- puté à Québec de 1892 à 1897. En somme, il appartient à une famille établie de longue date comme on en compte peu au Canada français. Fils d’hommes d’affaires, il montre pourtant, au sortir de la guerre, une attirance certaine pour un idéal d’ins- piration communiste. On ne pouvait pas, confiera-t-il plus tard, être sensible au sort du monde et ne pas éprouver un certain enthousiasme pour cet idéal de progrès social et col- lectif dont on ne connaissait pas encore la face cachée. Il n’aimait pas, chose certaine, que le pouvoir et l’argent conduisent à affaiblir davan- tage les plus faibles. En 1956, il épouse la roman- cière d’origine polonaise Alice Poznanska (1930-1990) avec qui il aura deux enfants. Jacques Parizeau se remarie en 1992 avec Lisette Lapointe, son ancienne attachée de presse qui deviendra par la suite députée. Lorsque Lisette Lapointe démissionne comme d’autres du gouvernement péquiste de Pauline Marois, Jacques Pari- zeau va ouvertement soutenir Option nationale, un jeune parti dirigé par Jean-Martin Aussant, un autre député dé- missionnaire, sans pour autant renier son ancien parti. En août 2014 à Montréal, à l’occasion d’un congrès de mili- tants indépendantistes qui se veut neutre, il répétera que le PQ n’a que lui à blâmer pour ses insuccès dont la cause tient à sa propension à cacher ses motivations. « À force de brouil- ler les cartes, de toujours passer à côté et de cacher ce qui est l’ob- jectif même du mouvement sou- verainiste, il ne faut pas s’éton- ner qu’à un moment donné, tout ça se dissout. » Jacques Parizeau aura su pour sa part demeurer fidèle à ses rêves avec une écla- tante vigueur et une puissance de réflexion que tous lui recon- naissaient. Mais a-t-on souligné assez un autre de ses traits forts, la volonté ? Le Devoir La vie de « Monsieur » JACQUES NADEAU LE DEVOIR Jacques Parizeau se remarie en 1992 avec Lisette Lapointe, son ancienne attachée de presse qui deviendra par la suite députée.

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L E D E V O I R , L E M E R C R E D I 3 J U I N 2 0 1 5

PARIZEAUA 2

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Jacques Parizeau dans sa maison dans les Cantons-de-l’Est en 2004

J E A N - F R A N Ç O I SN A D E A U

L a voix du ténor desindépendantistes qué-bécois s’est éteinte.Jacques Parizeauavait fêté ses 84 ans

le 9 août dernier. Éminencegrise de plusieurs gouverne-ments à compter des années1960, professeur d’économie,ministre des Finances sousRené Lévesque, chef du Partiquébécois de 1988 à 1995,maître d’œuvre du référen-dum de 1995, il a profondé-ment marqué sa société. Samort bouleverse bien sûr ceuxqui voyaient en lui une sortede phare solennel planté aumilieu de la nuit de leurs rêvespolitiques, mais aussi ceux,nombreux, qui reconnais-saient en lui l’expression dé-terminée d’une vision sincèreet originale du Québec.

L’ancien premier ministre ra-contera à plusieurs reprisesêtre devenu indépendantisteen 1967, à l ’occasion d’unvoyage qui le conduit en traindans l’Ouest canadien. Là-bas,il doit prononcer une confé-rence sur l’avenir du Canada.Ce voyage promet de lui lais-ser le temps de rédiger le textede sa conférence. Lorsqu’ilmonte à bord du train en garede Montréal, dira-t-il, il est fé-déraliste. Mais lorsqu’il sort,après des heures d’une ré-flexion qui couvait déjà en lui,il est devenu indépendantiste.Il racontera cette anecdote no-tamment dans Pour un Québecsouverain, succès de librairieen 1997.

Habitué des complets trois-pièces et d’un maintien quelquepeu aristocratique, celui qu’onappellera « Monsieur » est di-plômé des Hautes Études com-merciales où l’économiste Fran-çois-Albert Angers l’encourageà poursuivre ses études enAngleterre. À la London Schoolof Economics, Jacques Parizeautravai l le auprès de JamesMeade, futur Prix Nobel. Ilobtient un doctorat et garde deson séjour anglais un ton et uncertain humour.

Jacques Parizeau poursuitégalement des études à l’Insti-tut d’études politiques de Pariset à la Faculté de droit de la ca-pitale française. Il rentre aupays pour honorer la dette mo-rale qui le lie à HEC, où il en-seignera de 1955 à 1976. Élu le

15 novembre 1976, il devientministre des Finances du gou-vernement de René Lévesque.Il reviendra enseigner dans sonalma mater de 1985 à 1989, mo-ment où il fait un pas de côtépour mieux pouvoir sauter ànouveau dans l’arène politique.

En parallèle, il est un conseil-ler de première importance enmatière d’économie dans l’ap-pareil d’État qui se met enplace au tournant des années1960. Il est un de ceux qui jet-tent les bases de la Société gé-nérale de financement (1962)et de la Caisse de dépôt et pla-cement du Québec (1965). Il vaaussi suggérer une stratégieéconomique afin de faciliter lanationalisation des ressourceshydroélectriques. On le trouveaussi mêlé à plusieurs réflexionsqui donnent des outils à l’Étatpour valoriser les capacités deses citoyens.

Dans les années 1970, ils’impose alors comme un despersonnages principaux dumouvement indépendantiste,tout en sachant apprécier letravail des éclaireurs de cemouvement.

IndépendantisteMinistre de René Lévesque, il

démissionne avec fracas du ca-binet le 22 novembre 1984. Il netolère pas le virage de Lévesqueen faveur du fédéralisme renou-velé favorisé par l’arrivée aupouvoir des conservateurs deBrian Mulroney, aiguillé surcette voie par Lucien Bouchard.

Parizeau se retrouve vite pro-pulsé à la tête d’un groupe dedéputés démissionnaires qui, àforce de salves répétées, finirontpar avoir raison de Pierre MarcJohnson, successeur éphémèrede Lévesque. Jacques Parizeauest élu chef du parti le 19 mars1988. La circonscription deL’Assomption va l’élire députél’année suivante. Il assume dèslors le statut de chef de l’oppo-sition officielle, fonction qui luilaisse le temps d’écrire et de ré-fléchir à la stratégie politiquequ’il veut imposer.

Il tend la main à Rober tBourassa au moment de lacrise qui entoure l’accord dulac Meech et accepte de parti-ciper aux travaux de la com-mission Bélanger-Campeau.L’appui à l’option indépendan-tiste atteint alors un sommet.Le PQ, répétera-t-il, est souve-rainiste avant, pendant et aprèsles élections.

Premier ministreÀ l’élection du 12 septembre

1994, il forme le nouveau gou-vernement majoritaire. Se metalors en place la stratégie réfé-rendaire. Jacques Parizeaumise sur la tenue de commis-sions régionales préparatoirespour recueillir des avis sur ceque devrait comprendre sonprojet. Le 12 juin 1995 estconstitué un front commun au-tour de trois chefs de parti, soitLucien Bouchard (BQ), MarioDumont (ADQ) et Jacques Pa-rizeau (PQ) pour assurer la pré-sence du Oui au référendum.

Chef du camp du « Oui »,Jacques Parizeau convientnéanmoins de s’ef facer del’avant-scène au profit d’inter-ventions de Lucien Bouchard,plus en phase avec la ferveurpopulaire du moment. «Prome-nons l’icône sur le front destroupes», disait-il en privé.

Au soir du 30 octobre 1995,l’option du Oui passe bien prèsde l’emporter avec 49,42 % dessuf frages exprimés. Ce sont54 288 voix qui dépar tagentles gagnants des perdants.

Amer, visiblement ébranlé,Jacques Parizeau estime alors,dans un discours livré à chaud,que c’est le vote des minoritésethniques et l’argent qui ontfait perdre le référendum. Sadéclaration, jugée malhabile,fera l’objet d’analyses multiplesqui occupent une large placede l’espace médiatique dansles jours et les mois qui suiventla déconvenue référendaire.

Cette sortie a sans doute accé-léré la décision de Jacques Pa-rizeau de quitter la politiqueactive, du moins dans dehautes fonctions, même s’ilavait déjà annoncé son inten-tion de ne pas rester en placepour gouverner une province.

Dans les mois qui suivent ladéfaite référendaire, la commis-sion d’enquête conduite par lejuge John Gomery révèle quele gouvernement fédéral a lar-gement enfreint la loi sur lesconsultations populaires qui en-cadre la pratique des référen-dums afin de favoriser l’équitédes options au moment du vote.

Après le référendum de1995, l’homme d’État a achetéà Collioure, village du sud dela France, célèbre notammentpour ses peintres, une maisonet un hectare de vignes. Le vindes Parizeau, commercialiséquelque temps au Québec parson ami Yves Michaud sousl’appellation Coteau de l’Éli-sette, of fre un clin d’œil à lapolémique qu’avait soulevé lecouple en s’installant dans unerésidence officielle en 1994.

En 1997, Parizeau est un despremiers à montrer du doigt lesdangers sociaux que représentel’Accord multilatéral sur l’inves-tissement (AMI), une ententenégociée secrètement entre les29 pays membres de l’OCDE. Ilsera aussi un des seuls politi-ciens à dénoncer le projet d’unezone de libre-échange des Amé-riques (ZLEA) en 2002, sanspour autant remettre en cause

son appui à un accord nord-américain du même type.

Dans la foulée de la criseétudiante et sociale du prin-temps 2012, il prendra la pa-role pour rappeler que le pro-jet initial de la Révolution tran-quille à l’égard de l’éducationétait d’en arriver à instaurerun système éducatif gratuitpour tous. « De 1965 à 1989,la société québécoise avaitcomme objectif un enseigne-ment gratuit à tous les niveaux.[…] Que les étudiants disentaujourd’hui qu’ils veulent re-mettre en cause le nouveau mo-dèle pour revenir à celui queleurs parents et grands-parentsont connu, il n’y a rien de malà cela, au contraire. »

FiliationsI l fera aussi des sor t ies

très dures contre la politiqueéconomique du « déf ic i tzéro » promulguée par Lu-cien Bouchard, un non-senséconomique de son point devue d’homme sensible auxenseignements de Keynes.

Dans une entrevue réaliséeen février mais diffusée seule-ment le 6 avril dernier, JacquesParizeau réitérait que les sou-verainistes se trouvaient de-vant un « champ de ruines » àcause de l’incurie des débatsau Parti québécois. Il précisaitaussi que cette « fixation sur ledéficit zéro » avait quelquechose de religieux qui étaitprofondément néfaste.

Né le 9 août 1930 à Montréal,

Jacques Parizeau est le fils deGérard Parizeau, assureur etprofesseur à HEC ; le petit-fils de Télésphore Parizeau,doyen de la Faculté de méde-cine de l’Université de Mont-réal ; l’arrière-petit-fils de Da-mase Dalpé dit Parizeau, dé-puté à Québec de 1892 à 1897.En somme, il appartient à unefamille établie de longue datecomme on en compte peu auCanada français.

Fils d’hommes d’affaires, ilmontre pour tant, au sor tirde la guerre, une attirancecertaine pour un idéal d’ins-piration communiste. On nepouvait pas, confiera-t-il plustard, être sensible au sort dumonde et ne pas éprouver uncertain enthousiasme pour cetidéal de progrès social et col-lectif dont on ne connaissaitpas encore la face cachée. Iln’aimait pas, chose certaine,que le pouvoir et l ’argentconduisent à af faiblir davan-tage les plus faibles.

En 1956, il épouse la roman-cière d’origine polonaise AlicePoznanska (1930-1990) avecqui i l aura deux enfants .Jacques Parizeau se remarieen 1992 avec Lisette Lapointe,son ancienne at tachée depresse qui deviendra par lasuite députée.

Lorsque Lisette Lapointedémissionne comme d’autresdu gouvernement péquiste dePauline Marois, Jacques Pari-zeau va ouvertement soutenirOption nationale, un jeunepar ti dirigé par Jean-MartinAussant, un autre député dé-missionnaire, sans pour autantrenier son ancien parti.

En août 2014 à Montréal, àl’occasion d’un congrès de mili-tants indépendantistes qui seveut neutre, il répétera que lePQ n’a que lui à blâmer pourses insuccès dont la cause tientà sa propension à cacher sesmotivations. «À force de brouil-ler les cartes, de toujours passerà côté et de cacher ce qui est l’ob-jectif même du mouvement sou-verainiste, il ne faut pas s’éton-ner qu’à un moment donné, toutça se dissout.» Jacques Parizeauaura su pour sa part demeurerfidèle à ses rêves avec une écla-tante vigueur et une puissancede réflexion que tous lui recon-naissaient. Mais a-t-on soulignéassez un autre de ses traitsforts, la volonté?

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Jacques Parizeau se remarie en 1992 avec Lisette Lapointe, son ancienne attachée de presse quideviendra par la suite députée.