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  • A N N E 5 7 5 7 / 1 9 9 7

    DOSSIER SPECIALLa Foi du Rav Kook

  • EDITO

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    Vouloir faire connatre la pense du Rav Abraham ItshakHa-Cohen Kook au public francophone est un pari audacieuxque nous avons dcid de relever. En effet, alors que dautrespenses sont trs bien diffuses au sein de notre communaut,il devenait plus que ncessaire de combler cette lacune et ce, plus dun titre.

    En premier lieu, cet enseignement est dune richesse qui trouve son inspiration dansla tradition millnaire des grands matres qui ont marqu lhistoire du peuple juif. Cecine diminue en rien lexceptionnelle modernit de cette philosophie profondmentancre dans la foi dIsral et lcoute de lvolution de son histoire, de celle des

    autres nations.

    De plus lenseignement du Rav Kook a suscit une formidableimpulsion religieuse au sein des pionniers uvrant pour la renaissancede lEtat dIsral, uvre dont nous savourons aujourdhui encore lesfruits.

    Enfin, mais cette liste pourrait stendre linfini, nous ne pou-vions pas ne pas souligner lesprit douverture et de tolrence enverstoutes les composantes de lassemble dIsral et des peuples qui carac-trisait essentiellement le Rav Kook.

    Le Rav Kook crivait : Les justes purs, ils ne se lamentent pas surlimpit, mais ils ajoutent de la justice; ils ne se lamentent pas surlathisme, mais ils ajoutent de la foi; ils ne se lamentent pas sur ligno-rance, mais ils ajoutent de la connaissance. Cest dans cet esprit dedvouement et damour de la Torah quil uvra toute sa vie, sans cher-cher crer une nouvelle idologie ou une secte particulire au sein dupeuple juif, mais dans le seul souci de faire converger toutes les bonnesvolonts vers la rdemption finale dIsral et du monde : Toute actionqui a pour but ldification ou lamlioration de ce qui existe en EretsIsral est chre mon cur... Je me tiens prt aider rsoudre lesconflits... afin de calmer les curs dans la paix et la fraternit (IggarotHareya II, p. 29).

    Dans lespoir de participer autant que faire se peut cette rpa-ration du monde par la divulgation de lenseignement complexe et clair du RavKook, OROT sadresse tous les publics, sans vouloir imposer aucun dogme ni aucu-ne idologie, mais surtout dans le dsir de sensibiliser ceux qui voudront bien ltre la profondeur et la beaut des liens qui unissent Dieu, la Torah, Isral et le monde.

    Cest au travers de ses propres crits et de ceux de ses nombreux disciples, ainsiquau travers des enseignements dautres grands matres, quOROT proposeradans chaque bulletin daborder la philosophie du Rav Kook.

    Nous attendons les remarques et les suggestions de tous ceux que ces lectures auront interpells.

    Dan KLAJMICk l a j m i c @ f r a n c e n e t . f r

    C ,hers lecteurs, chres lectricesCe numro est ddi la mmoire de :Rav Lon ASHKENAZI (Manitou) ZTSL

    SOMMAIRELA CHRONIQUE DU RABBIN A. BLUM 3

    RAV A.I HACOHEN KOOK 4

    LE DOSSIER 6

    RAV KOOK ET E. LEVINAS 6

    O R O T H A - T E H I Y A H 1 1

    LETTRES DE FEU 12

    OUVERTURES 16

    LE FRUIT ET LARBRE 17

    DOSSIER VENIR 18

    REVUE DE PRESSE 19

    BIOGRAPHIE 20

  • OROTETUDIONS LA BIBLERaffirmer limportance de la Bible

    dans la vie juive peut paratre inutile.

    Et pourtant dans les centaines desynagogues de la rgion parisienne,dans les dizaines de centres communau-taires et cercles dtudes en dehors de laParacha de la semaine, combien y-a-t-ilaujourdhui de cours rguliers portantsur des textes bibliques ?

    Depuis la dispari-tion du ProfesseurAndr Neher (1914-1988) qui depuis1946 avait publiune vingtaine delivres et plus de 500articles, le plus sou-vent en rapportavec la Bible, trsrares sont lesauteurs juifs diffu-sant aujourdhui enFrance des leons sur la Bible.

    Comment en est-on venu une situa-tion aussi regrettable ? Peut-on y rem-dier ? Quels sont nanmoins lesouvrages rcents concernant la Biblecrits par des auteurs juifs en franais ?Quelle traduction de la Bible, quelleintroduction faut-il utiliser ?

    Voil quelques questions dont nouslaissons les rponses en suspens pourune prochaine chronique.

    A.B.

    Lgendes(1) Voir par exemple louvrage de Rav AvrahamRemez sur le Livre de Josu (Jrusalem 5755).(2) La Guemara Meguilla, traduite par le Grand-Rabbin Isral Salzer, Keren Ha-sefer, Colbo, Paris1978, p. 74 voir note 30.(3) Chabbat 31a.(4) Rabbnou Nissim.(5) Voir Choulhane Aroukh, Yor Da, Chap. 246.(6) Lentretien infini, Gallimard, Paris 1969, pp. 574-5, cit par Lionel Cohn Oui... je lis laBible, Jrusalem 1976, p. 33.

    avenir lointain, quasi-mythique. Il sagitde toutes les gnrations de lpoquepost-biblique.

    Le Rabbin babylonien Rava numrantles questions qui seront poses lhom-me au moment de comparatre auJugement (relatif tout son comporte-ment durant sa carrire terrestre) men-tionne Tsipita Li-Yechoua, as-tu vcudans lespoir de la dlivrance ? (3).

    Rachi explique : il sagit des parolesdes prophtes.

    Et le Ran (4) prcise : as-tu esprque se ralisent en ton temps les parolesdes prophtes?

    Il est donc vident quil faut tudierles textes prophtiques pour en com-prendre les significations. Du moins audbut de son apprentissage, chacundoit-il consacrer un tiers de son temps ltude des vingt quatre livres de laBible (5).

    Ne serait-ce quen tant que clef delHistoire, le texte biblique simposedonc nous pour que nous nous effor-cions den saisir les profondeurs.

    Un auteur non-juif contemporainMaurice Blanchot (6) a excellemmentexprim ce qui fait la spcificit dumessage biblique :

    Sil y a un monde o, cherchant lavrit et des rgles de vie, ce que lonrencontre, ce nest pas le monde, cestun livre, le mystre et le commande-ment dun livre, cest bien le judasme,l o saffirme, au commencement detout, la puissance de la Parole et delExgse, o tout part dun texte ettout y revient, livre unique dans lequelsenroule une suite prodigieuse de livres,Bibliothque non seulement universelle,mais qui tient de lunivers, et plus vaste,plus profonde, plus nigmatique quelui.

    Je me rjouis de ce projet qui tient mettre laccent sur loeuvre duGrand-Rabbin Abraham Isaac HacohenKook. Parmi les multiples positions ori-ginales dfendues par cet minentmatre du judasme universel, jaimeraisrappeler que le Rav Kook avait envisagde crer une yechiva diffrente des ta-blissements classiques. Il songeait fixerentre autres critres pour tre admis layechiva, de tenir compte non seulementcomme ailleurs des connaissances tal-mudiques du candidat, mais aussi de laculture biblique.

    En vrit, il semble bien que laYechiva Mercaz Harav na jamais appli-qu lessentiel du programme proposdabord par son fondateur.

    Cependant, plus quailleurs, ltude dela Bible a t mise en valeur par leslves du Rav A.I. Kook et de son fils leRav Tsvi Yehouda Kook (1).

    Un texte clbre du trait Meguila(14a) donne la rgle suivante : Denombreux prophtes ont apparu enIsral en nombre double du nombre desHbreux sortis dEgypte, mais seule laparole prophtique qui a t ncessairepour les gnrations venir a t misepar crit (2).

    Les gnrations venir ne sont passeulement celles qui sinscrivent dans un

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    L A C H R O N I Q U E D U R A B B I N A L E X I S B L U M

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    Publier un priodique en langue franaise consacr la

    pense juive est une heureuse entreprise qui mrite tous

    nos encouragements.

    Le Rabbin Alexis Blum est rabbin de laCommunaut de Neuilly-Sur-Seine(Hauts-de-Seine) o il dispense divers coursde Houmach, Michna et Guemara. Il estdiplm du Sminaire de lEcole Rabbiniquede France et titulaire dune LicencedHbreu. Il est charg galement de lau-mnerie de lEcole Polytechnique et des pri-sons, ainsi que du Journal des Enseignantsjuifs Hamor. Il a tudi une anne en Isral la Yechiva Mercaz Harav Kook sous ladirection spirituelle du Rav Tsvi YehoudaKook, le fils du Rav Kook, et du Nazir.

    R A B B I N A L E X I S B L U M

  • RABBIABRAHAM ITSHAK

    HACOHEN KOOK ZTSL

    du Rabbin Rouven HaLvi de Dvinsk, lundes talmudistes les plus rputs de sonpoque et auteur notamment de la collec-tion de responsa Roch Lerouvni ; cedernier ne cache pas son affection pour lejeune prodige en le prsentant aux autresMatres. Le Rabbin Rouven HaLvi a uneinfluence majeure sur la mthode talmu-dique du Rav Kook. Sous sa directionAvraham Yitzhak apprend concentrerson travail sur la manire de dduire unedcision lgale (hilhatique) tout en vi-tant la dialectique autant que labstrait,ces raisonnements dordre analytiques quijouissaient alors dune grande popularitauprs des jeunes talmudistes.

    Lorsque le Rav Kook se marie lge devingt ans, il est instruit et comptent danstous les domaines de ltude juive.Influenc par le Rabbin Naftali TzviYehouda Berlin (le Netziv), Roch Ychivade lcole talmudique de Volozhin, quisimpliquait alors dans divers enjeux natio-naux, le Rav Kook commence rechercherdes moyens pour pntrer de saintet tousles aspects de la vie de la nation. Sonactivit littraire commence Volozhinpar quelques articles sur le Netziv qui sontpublis dans les mensuels Kol MahzikHaDat et Knesset Isral. En 1888, le RavKook lance son propre magazine, le men-suel Itour Sofrim. Le but audacieux de cejournal rempli de nouvelles expressions etde phrases sur lunit nationale, le renou-veau et la littrature, est dunifier la Torahet le nationalisme dans cette poque pr-sioniste. Il est galement de construire unhvre de paix pour la littrature rabbi-nique et dunifier tous les mouvements lintrieur du peuple juif en lhonneur dela nation et de son renouveau. Lessaiobtient un large succs, mais par manquedorganisation il nest suivi dun secondnumro en 1889. Le rve du Rav Kook depublier un journal populaire, ChalomLaam, afin de faire connaitre ses ides neverra jamais le jour non plus.

    Durant la priode qui spare la publica-tion des deux numros dItour Sofrim, leRav Kook est nomm Rabbin de la petiteville de Zomel en Lithuanie. Il y assumera

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    B I O G R A P H I E 1 8 6 5 - 1 9 3 5

    Inspir dune biographie du Rabbin Moch Tzvi Neriyah zl dansCelebration of the soul (Ed.Genesis Jerusalem Press).Avraham Yitzhak HaCohen Kook est ndans le petit village de Grivia prs deDvinsk, en Lithuanie, le 16 Eloul 5625(1865), mois qui sera toujours loccasiondvnements importants dans sa viecomme on le verra par la suite. Son preest le Rabbin Chelomo Zalman HaCohenKook, pieux talmudiste de la Yechiva deVolozhin, centre alors incontest du mou-vement mitnagued (1). Sa mre se nommePrel Zelata, fille de Rabbi Raphal, lundes premiers Hassidim de RabbiMenahem Mendel de Loubavitch, lauteurdu Tzemah Tzedek. Le Rabbin ChelomoZalman sert notamment dmissaire Jrusalem pour la Yechiva de Volozhin etcelle dEtz Ham. Il remplit autant sa mai-son damour de la Torah et dobservancescrupuleuse des mitzvot que dune pas-sion inconditionnelle pour Eretz Isral. Illui arrive frquemment de parler hbreu leChabbat et ainsi le jeune AvrahamYitzhak acquiert-il un penchant pour laTerre Sainte et la langue hbraque.

    UN LVE HORS DU COMMUN

    Jusqu lge de treize ans AvrahamYitzhak tudie la Torah dans sa ville nata-le. Aprs sa Bar-Mitzvah en 1878, il tudiedans diverses Ychivot durant une priodede huit ans. Il passe dabord deux ans Lutzen sous la direction spirituelle desRabbins Eliezer Dan Yechivah et YaakovRabinowitz, fils du Rabbin MordhaGimpel Jaffe. Il retourne ensuite tudiertrois annes Grivia puis, en 1883, il vaapprendre Samargon dans la banlieue deVilna. Il sy fait connatre comme le pro-dige de Grivia et sa rputation atteint leRabbin Eliahou David Rabinowitz-Tomimde Poniowitz, qui choisit ce talmudiste enherbe pour sa fille. Entre les fianailles etle mariage, Avraham Yitzhak tudie enco-re un an et demi la fameuse Ychiva deVolozhin. On lappelle l-bas le prodigede Poniowitz daprs le nom de la villedorigine de son futur beau-pre : il prendlhabitude dtudier dix-huit heures parjour.

    Tout au long de son enfance AvrahamYitzhak frquente galement la maison

    ses fonctions de 1888 1895. En 1891 ilpublie anonymement un petit ouvrageintitul Havach Per qui traite de la misedes tfilin et de leur emplacement sur latte. Il voyage galement cette poquedune communaut lautre et, tel unprdicateur, enjoint avec ferveur les gensquil rencontre de prendre conscience delimportance de la mitzva des tfilin.

    En 1890, le Rabbin Mordha Elasberg,un des premiers sionistes religieux, aban-donne son poste de Bosk. Le Rav Kookaccepte de ly remplacer en 1895. Cest l-bas galement que senracinent ses incli-naisons nationales alors qu la mmepoque le sionisme politique et tous sesavatars stablissent fermement. DansTeoudat Isral Ouleoumiouto article paruten 1901 dans le journal HaPeles, il exposeavec profondeur et originalit la concep-tion de la Torah concernant lessence etles objectifs du nationalisme juif quil tientpour des lments intrinsques la Torah.Il souligne labsurdit de vouloir exclure lareligion du processus de reconstructiondEretz Isral. Cest encore Bosk quilaborde des sujets plus thologiques etquil commence notamment son com-mentaire sur les parties aggadiques duTalmud qui ne sera publi aprs sa mortsous le nom dEyn Ayah.

    LARRIVE EN ERETZ ISRAL

    Cest en 1902 que le Rabbin de Jaffa,Naftali Hertz HaLevi, dcde et quon pro-pose au Rav Kook de le remplacer. Jaffaest alors une petite ville et la communau-t achkenaze y est plus petite encore maiscest avec joie quil accepte le poste. Ilarrive Jaffa durant lt 1904. En tantque Rabbin de Jaffa et des implantationsvoisines, il cherche immdiatement li-miner les divisions qui existent dj entreles religieux et les lacs. Alors que certainsRabbins ignorent purement et simplementles pionniers non-religieux, le Rav Kooktente de les rapprocher de la Torah etencourage leurs efforts de reconstruction.Il leur montre son intrt par des lettresouvertes dans les journaux, des conversa-tions individuelles et des visites person-nelles. Ce faisant, il espre que ses acteshteront la rdemption tant attendue.

    Les premiers chapitres dOrot HaTe-chouvah, dans lesquels il expose ses ensei-gnements sur le repentir, sont publis

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  • Allemagne. La Convention est annule etle Rav Kook trouve refuge en Suisse.Pendant deux ans, il rside Saint-Gallen,puis en 1916, il devient rabbin de la com-munaut londonienne de Mahzik Hadat.

    Les annes Jaffa ainsi que son sjourforc en Suisse ont rendu le Rav Kook trsprolixe. Sa production littraire de cettepriode est peut-tre la plus cratrice. Lamasse de ces crits qui se composentdautant de rvlations intuitives quedanalyses personnelles profondes, estrecueillie dans des carnets de notes. Cestextes ont un large champ dapplication :lindividu et la collectivit, le peuple juif etles nations, le bien et le mal ou encorelUnivers et Dieu. Des portions de cescrits seront publies plus tard par le filsdu Rav Kook, le Rabbin Tzvi Yehouda

    Kook, sous le titre dOrot; la majorit destextes sera rcolte et dite par leNazir, le Rabbin David HaCohen dansOrot HaKodech.

    LA PREMIRE GUERRE MONDIALE

    Peu de temps aprs larrive du RavKook Londres dbute lactivisme poli-tique qui culminera avec la DclarationBalfour. Le Rav envisage la dclarationbritannique sur le Foyer National Juifcomme le dbut de la rdemption quitransformera la vie de la nation. Il fonde cette poque La Bannire de Jrusalem,organisation visant unir toutes les fac-tions des religieux avec les lacs. Sonobjectif est de parfaire les idaux poli-tiques et spirituels de la Nation. Il voyagedans de nombreuses villes anglaises etcorrespond avec les juifs europens ouamricains en sefforant de les convaincrede rejoindre son camp.

    Le dcs de sa fille Esther Yael lgede quatorze ans, juste aprs Soukkot 5680(1919) concide avec un tournant majeurde la vie publique du Rav Kook. Vers lafin de lt 1919, le Rav quitte Londrespour occuper le poste de Rabbin de

    OR

    OT Jrusalem. Ses activits dans la Ville Saintesont motives par les mmes objectifs queceux quil a fixs pour la Bannire deJrusalem. Lun deux est dtablir un

    Rabbinat et un Grand-Rabbinat pour toutEretz Isral. Il espre que les Matres lesplus rputs soutiendront son initiative etque le Rabbinat dEretz Isral sera organi-s de telle manire quil deviendra lauto-rit rabbinique centrale pour tout lepeuple juif. Il dpense sans compter sontemps et son nergie pour la ralisation dece projet, ignorant lopposition virulentede ceux qui refusent de reconnatrequelque Rabbinat que ce soit impliqudans le sionisme. 1920 voit la publicationdOrot, qui lui vaut dtre mis au ban parles deux autorits de lancien Yichouv : leRabbin Yithak Yerouham Leib Diskin et leRabbin Yosseph Hayim Sonnenfeld, ouplus exactement par les plus zls de leurentourage. Le Rabbin de Gour, RabbiAvraham Mordha Alter, sera mmeappel dEurope pour rtablir la paix entreles communauts.

    Une telle effervescence nempche pasla majorit des Rabbins dEretz Isral de serunir durant lt 1921 Jrusalem et defonder le Grand-Rabbinat la tte duquelils placent le Rav Kook ainsi que le RabbinYaakov Meir, premier Grand RabbinSpharade.

    LE MERKAZ HARAV

    Le second objectif du Rav Kook est lacration dune Ychiva Universelle qui ser-virait dinstitut dtudes juives suprieures.Le but de la Ychiva est double : formerdes Matres dans les tudes juives tradi-tionnelles mais aussi neutraliser lesapproches non-traditionnelles du Talmudet de la Bible grce dintensivesrecherches dans le domaine des contro-verses souleves. Il pense galement quela renaissance dune littrature juive reli-gieuse est ncessaire pour rpandre lasaintet dans toute la nation.

    En 1935 le Rav Kook tombe gravementmalade, atteint du cancer. Il combatdurant plusieurs mois avant de succomberle 3 Eloul 5695 (1935) seize annes jourpour jour aprs son arrive Jrusalempour y servir en qualit de Rabbin de laVille Sainte.

    partir de 1905. En 1906, il renouvelle sesefforts visant la sortie dun mensuel ;celui-ci doit sappeler HaNir. Mais ce pro-jet avorte une fois de plus. Cest encore la mme poque quil publie un courtessai intitul Ivk Hatzon dans lequel ilexprime les proccupations de sa gnra-tion et leurs enjeux spirituels.

    Proccup par lessor conomique dupays, le Rav Kook presse de nombreusesorganisations de Diaspora dacqurir desterres en Eretz Isral et les assiste dansleurs dmarches. En 1907 il rdige unouvrage halahique consacr ltrog, EtzAdar, dans lequel il tablit clairement lasupriorit de ltrog non-greff qui pous-se en Isral, esprant ainsi soutenir le sec-teur agricole encore embryonnaire. A par-tir de 1908, il assume certaines responsa-bilits au sein de lEcole Mizrahi, ce quilui vaut dj des cris dalarme de quelquesRabbins du vieux Yichouv de Jrusalemattachs au ban existant sur ltude deslangues trangres et des sciences pro-fanes dans les coles juives. Ce Hremexiste depuis la moiti du XIXme Sicle etest d en partie aux craintes suscites parles ravages de la Rforme. Mais depuis sondit il ne cesse dtre combattu par degrandes autorits rabbiniques comme leRabbin Yhochoua Leib Diskin de Brisk.Cest notamment son fils, le RabbinYitzhak Yerouham Diskin, qui signera leHerem prononc contre le Rav Kook lorsde la publication dOrot o le Rav Kookenjoindra dcouvrir les tincelles desaintet contenues dans les langages et lasagesse des peuples.

    Lanne sabbatique tombe en 1910.Sengage alors une controverse halahiqueacharne sur le point de savoir sil estlgitime de vendre la terre afin de ne pasperturber lagriculture naissante. Cetteanne-l le Rav Kook publie ChabbatHaaretz : cest un trait concernant leslois de la Chemitah aux termes duquel ilconclut que certaines formes dagriculturepeuvent tre permises sous certainesconditions et aprs notamment que laterre ait t vendue des non-juifs pourune dure dtermine.

    Au dbut de lanne 1914, le Rav Kookest nouveau sous le feu des zlotes deJrusalem en raison du poste de respon-sable spirituel quil a accept de prendre lEcole Tahkmoni de Jaffa, o leslangues trangres et les tudes profanessont enseignes aux tudiants. Cest ga-lement au cours de cette anne que leRav Kook accepte linvitation qui lui estfaite dassister la ConventionInternationale de lAgoudat Isral Berlin.Mais la premire Guerre Mondiale le sur-prend peu de temps aprs son arrive en

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    Lgendes(1) Au XVIIIme Sicle, sous limpulsion du BaalChem Tov, nat le Hassidisme qui est un mouve-ment de renouveau religieux insistant sur le servi-ce divin dans la joie et la proximit de tous avecDieu par le travail de lesprit. Ce mouvement ren-contre un cho populaire sans prcdent mais il seheurte des opposants dans les coles talmu-diques, les mitnaguedim dont la conception cen-tre sur ltude est plutt empreinte de rigueur.

  • &

    DOSSIER

    A PROPOS DE LA NON EXISTENCEDE DIEU

    a t pure. Dans les derniers jours delacheminement de la pense humainevers la sphre de la croyance pure, ladernire corce de la corporit-lattri-bution dune existence au divin-esttombe car en vrit tout ce que nousdfinissons par le terme dexistenceest totalement spar du divin. Lesombres que fait planer cette ngation

    Pour lheure nous nous sommesattachs mettre en relief, autantque faire se peut, ce qui, au curmme de la pense du Rav Kook agi-tait son me exalte : le fondementde tous les fondements, Dieu lui-mme. En effet, pour le cabbaliste, laDevekout Hachem (attachement Dieu) constitue le but ultime.

    Ainsi, dans un premier temps, le rab-bin Naor va-t-il nous guider larencontre de la foi du Rav Kook, for-ge dans le judasme le plus authen-tique, mais qui, confronte auxmodes de pense les plus divers, senest trouve renforce. En effet, et

    cest bien lun des aspects les plusdynamiques de sa pense, le RavKook nvite, ni ne craint aucune cri-tique, ou opposition. Il estime,comme lexposent clairement les cha-pitres 51 et 52 dOrot HaTehya, quede la discussion jaillit la lumire etque la confrontation des ides per-met doprer une purification desconcepts.

    Comme lenseignait notre matre leGrand Rabbin Meyer Jas, cest de laconception que lon se fait de Dieuque dpend la rponse apporter auxproblmes fondamentaux que consti-tuent, depuis laube de lhumanit, le

    mystre de lexistence de notremonde et le rle de lhomme ici bas.

    Nous verrons la lecture de la lettreadresse en 1906 par le Rav Kook lun de ses condisciples de jeunesse,que la diversit humaine fait partieintgrante du plan divin sans quau-cune superiorit ou inferiorit de sta-tut soit jamais invoque lencontredes uns ou des autres. Les imagesquil rapporte propos de la Yechivadu Messie et du Livre dAdamsont particulirement significatives cet gard. D.S

    Dune poque lautre, la confusionqui sest tablie entre le pur monothis-me et lobscurit provoque par la cor-porit est progressivement dissipe; etalors que chaque fois quun aspect de lacorporit seffondre, cest comme sictait la foi elle-mme qui disparaissait,il apparait en dernire analyse que la foinest pas amoindrie, mais plutt quelle

    On notera avec intrt, et non sansune certaine curiosit, que deuxpenseurs religieux de renom envisag-rent avec ironie-et dans un tat desprittypiquement juif-le dfi de Niezschecomme dun grand intrt pour la reli-gion plutt que le contraire.Dans ce qui peut tre considr commeson oeuvre matresse, Orot, le RavAvraham Yizhak ha-Kohen Kook (1865-1935) crivit audacieusement les lignessuivantes :

    6

    D I D I E R S E N A N E D J

    P A R L E R A B B I N B E Z A L E L N A O R

    Pour ce premier dossier, consacr lenseignement duRav Kook, nous avons choisi de ne pas exposer unaspect particulier de sa philosophie ou lune de sesprises de position originale qui lont plac sur le devant de lascne politico-religieuse. Ces sujets seront traits dans les pro-chains numros dOrot.

    Lorsque Friedrich Nietzsche dclara que Dieu tait mort (1),

    il dclencha un sicle de tumulte thologique. Plus particu-

    lirement dans les annes cinquante et soixante, cette pol-

    mique devint le sujet des sermons, ainsi que le thme dbattre au

    fil des pages des journaux spcialiss.

    R A V K O O K

    E M M A N U E LL E V I N A S

    -

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  • dpart dune nouvelle approche de ladivinit. Interview par son lveSalomon Malka, il dclara ceci : Le Dieude Nietzsche qui est mort est celui quiintervenait dans le monde, commeles autres forces du monde, et quilfallait orienter comme ces forces (7).

    Je pense que toutes ces choses-l doiventtre dites avec beaucoup de prcaution ;mme la manire dont je cherche les cir-constances o Dieu vient lide peuttre prise pour athisme (8).

    Le passage dOrot est renforc par unparallle figurant dans Iggerot Rayah :

    Nous ne devons pas avoir peur detoutes les polmiques suscites parlathisme, mais au contraire nous

    rjouir de notre capacit dmontrerque ces mmes tendances, qui semblentsi pernicieuses et si contradictoires avecla foi et la religion, en fait, rapprochentle monde de La Maison du Dieu deJacob (Isae 2 : 3), Lequel est lev etexalt. Toutes les attaques intelligentesne concernent en ralit que laspectimaginaire de la nature humaine, lequelse rapporte aux sentiments de foi, etce ct imaginatif doit tre dtruit ;nanmoins les bonnes choses quelleengendre dans le monde doivent treprserves. Des concepts clairs, convain-cants et libres de toute forme dillusion,ne peuvent se trouver que sur le planprofond de la pure unit divine, laquelleest la source fondamentale dIsral (9).

    Aussi bien dans les Lettres (10) quedans Orot, le Rav Kook fait allusion une volution spirituelle dans laquelle la

    DO

    SSIE

    Rfie le Ttragramme-YHWH comme lenom propre de Dieu (5).Compte tenu de ce qui prcde le RavKook avance la proposition Dieunexiste pas avec une certaine ironie :Dieu nexiste pas-dans le sens odautres tres existent. Lobjection nestpas dtre en soi face Dieu, maisseulement dtre dans le sens o celasapplique tous les autres. Autrementdit, il y a deux sortes dexistence :lexistence (avec un petit e) pour tousles autres et lExistence (avec un grandE) pour Dieu.Cette lecture dOrot est corrobore parun passage complmentaire dOrot ha-Emounah :

    Il existe de lincroyance qui est tenuepour de la croyance, et de la croyancequi est tenue pour de lincroyance.Comment cela? Il se peut quun hommeadmette que la Torah vient des cieux,mais les cieux quil se reprsente sontsi tranges quil ne reste rien dunevraie croyance. A linverse, commentlincroyance pourrait-elle tre considrecomme quelque chose dadmis? Tel estle cas dun homme qui rfute le fait quela Torah vienne des cieux, mais sonincrdulit est base seulement sur laconception des cieux que se font lesesprits vains et insenss, alors quilmaintient que la Torah doit trouver sonorigine dans une source suprieure... Cerefus est considr comme une ratifica-tion du principe selon lequel La Torahvient des cieux est un exemple detoutes les croyances, gnrales et parti-culires (6).

    [n.d.t. : Ainsi, lhomme qui croit queDieu existe, mais qui envisage cetteexistence sous langle des caractris-tiques de lexistence humaine, celui-lfait-il preuve dincroyance. Mais lin-verse, quiconque professe que Dieunexiste pas-dans le sens o dautrestres existent, celui-ci montre une vri-table croyance.]

    De la mme manire, le philosopheEmmanuel Lvinas (1905-1995) envisa-ge-t-il la dclaration de Nietzsche,Dieu est mort, comme le point de

    peuvent sembler de lathisme, mais enralit, il sagit ici de la plus hautecroyance qui puisse tre, conditionquelle soit convenablement clarifie... (2)

    Dans quel sens interprter ces parolesdu Rav Kook propos de la non-exis-tence de Dieu ? Rabbi Moche YehielTsuriel, dans son monumental abrg,Otserot Rayah (3), indique quil faudraitcomprendre les paroles du Rav Kookcomme rflective de Mamonide audbut du Mishn Torah :

    1. Le fondement de tous les fondementset le pilier de la sagesse est de savoirquexiste un Etre Primordial qui aamen tout existant tre. Toute exis-tence, ft-elle celeste, terrestre, ou rele-vant dun ordre intermdiaire, nexistequau travers de Sa vraie Existence.

    2. Sil tait possible dimaginer quIlnexistt pas, il en dcoulerait que riendautre ne saurait exister.

    3. Si, nanmoins, on supposait que tousles autres tres taient non-existants,Lui seul existerait toujours. Leur non-existence nimpliquant pas Sa non-exis-tence, car tous les tres dpendent deLui ; mais Lui, bni soit-Il, ne dpendpas deux, ni daucun deux. Ainsi Saralit est-elle diffrente de toute autre.

    4. Cest ce que le Prophte entend par :Mais Le Seigneur est le vrai Dieu(Jrmie 10 : 10) ; cest dire, que Lui-seul est rel, et que rien dautre na deralit comme Sa ralit. Cest la mmepense que la Torah exprime dans letexte suivant : Il ny a point dautreque Lui (Deut. 4 : 35) ; ce qui signifie,quil ny a pas dexistant rel autre queLui, comme Lui (4).

    Selon Mamonide Dieu nexiste pas dansle sens o les autres tres existent. SonExistence est absolue, ncessaire, ind-pendante et primordiale, alors quelexistence de tous les autres est relative,possible, contingente et drive. Ladynamique des thormes deMamonide est la relativisation desautres formes dexistence en faisant deDieu lExistence elle-mme. [LExistencedevient alors lexact oppos des attributscomme loue, la vue, etc...qui sont pr-cisment du domaine des tres humainset employs par la Torah propos deDieu dans un sens symbolique (Cf.LesPsaumes 94:9). A linverse, lExistencesapplique proprement parler audomaine de Dieu, et nest attribue auxhommes que dans un sens driv.] Cestavec le mme raisonnement que, dansson Guide des Egars, Mamonide justi-

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    Le Rabbin Bezalel Naor est le fondateuret le prsident dOrot, une organisationvoue la diffusion des enseignements duRav Kook. Il est galement ducateur enpense juive au Sminaire ThologiqueRabbi Yitshak Elhanan New-York.Ancien Roch Kollel Kiryat Arba, Isral, leRabbin Naor est lauteur de plus de vingtouvrages et de soixante-dix articles surdivers sujets dtudes et de problmescontemporains, ainsi que lditeur deOrot Newsletter. Il a enseign dans diversendroits comme Cajamarca, Prou, et Parisen France. Durant ses annes Jrusalem,le Rabbin Naor dveloppe une solide ami-ti avec le Rav Tsvi Yhouda Kook, le filsdu Rav Kook. Grce cette relation privi-lgie il a publi une traduction commen-te dOrot.

    R A B B I N B E Z A L E L N A O R

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    Ret de lincroyance, ce qui est une autremanire de dire quil est au del delexistence et de la non-existence,constitue une avance significative parrapport la thorie de lexistenceabsolue de Mamonide. Mamonideavait rserv la pleine signification duterme dexistence Dieu, en partantdes cas les plus bas dexistence pourarriver au plus haut : lExistenceAbsolue. Le Rav Kook a totalementbanni ce terme de la thologie, celui-cine pouvant sappliquer Dieu daucunemanire. [A ce point du raisonnementon pourrait arguer que la diffrenceentre lexistence la plus haute et cequi est au del de lexistence et de lanon-existence est purement sman-tique et que les deux traditions philoso-phique et Cabbaliste concordent tout fait. Cette question mrite dtre appro-fondie.]Lvinas, qui na jamais revendiquaucun penchant particulier pour laCabbale, a nanmoins atteint le mmersultat de manire tout fait indpen-dante. Cest dans son essai, Dieu et laPhilosophie extrait de son ouvrage DeDieu qui vient lide, que Lvinasexpose de la manire la plus complteet la plus ordonne sa conception deDieu. Dans le paragraphe 3 il crit :

    Cest pourquoi le discours philosophiquedoit pouvoir embrasser Dieu - dont parlela Bible-si toutefois ce Dieu a un sens.Mais pens, ce Dieu se situe lintrieurde la geste dtre. Il sy situe commetant par excellence... Et ce nest pas parhasard que lhistoire de la philosophieoccidentale a t une destruction de latranscendance. La thologie rationnelle,foncirement ontologique, sefforce faire droit dans le domaine de ltre latranscendance en lexprimant par desadverbes de hauteur appliqus au verbetre : Dieu existerait minemment, oupar excellence. Mais la hauteur - ou lahauteur dau-dessus de toute hauteur -qui sexprime ainsi, relve-t-elle de lon-tologie ? Et la modalit que ladverbeemprunt la dimension du ciel tenduau-dessus de nos ttes fait valoir nergit-elle pas le sens verbal du verbetre, au point de lexclure -insaisissable-du pensable, au point de lexclure delesse se montrant, cest -dire se mon-trant sens dans un thme ? (22)

    Lvinas ne cite aucun nom mais on peutaffirmer sans aucune hsitation quil sagitdune attaque directe contre Mamonide.Dans un texte plus ancien, Le Nom de Dieudaprs quelques textes talmudiques (publidans LAu-del du verset), il crit diversesreprises que Dieu nest ni tre, ni non-tre- au-del de ltre et du non-tre (23).

    appele Ayin (Nest pas), et cestseulement la seconde (Sefira) que lonappelle Yech (Est) car nous savonsquelle existe, et cest tout ce quil estpossible de saisir delle (la deuximeSefira). Nanmoins, en ce qui concerne lapremire (Sefira), et plus forte raisonen ce qui concerne En Sof, bni soit-Il, ilest interdit de Le contempler (17).

    Cela constitue clairement un rejet (toutau moins partiel, sinon total) de la doc-trine de Mamonide sur lExistenceAbsolue ou Ncessaire (18).On peut trouver dans Orot ha-Emounahune prsentation plus radicale :

    En ce qui concerne la plus haute vritdivine, il ny a aucune diffrence entre la croyance graphique (ha-emounah ha-metzouyeret) et lincroyance. Aucune des deux conceptions ne rapproche de la Vrit, si ce nest quen ce qui nousconcerne (le-gabey didan), la foi se rap-proche de la vrit et lincroyance du

    mensonge, et par consquent, le bien etle mal procdent de ces deux opposs-Le Juste y marchera ; mais les Pcheursy trbucheront (Ose 14 : 10)- et lemonde entier, avec toutes ses valeursmatrielles et spirituelles est tout denotre perspective (le-erkenou). Et denotre point de vue, la vrit se rvledans la foi et est la source du bien, alorsque le mensonge se rvle dans lin-croyance et est la source du mal. Mais ence qui concerne le Or En Sof (la Lumirede lInfini) tout est quivalent (19).

    Il apparat quici le Rav Kook opre dansun cadre cabbaliste (cf or En Sof). Bienque le contenu de son discours soit trsproche des Slections du Gaon R.Elijah, il semble nanmoins que soninspiration la plus spcifique vienne dela thologie de R. Aharon ha-LeviHorowitz de Starosselje, minent disciplede R. Schnour Zalman de Liady etbrillant commentateur de la HassidoutHabad. La preuve la plus marquante enest lutilisation du terme le-gabeydidan, qui est un leitmotiv dans lathorie de la relativit du Rabbi deStarosselje (20).Dire que Dieu est au del de la croyance

    conscience religieuse de lHommeatteint des conceptions toujours plusabstraites du divin. Dune poque lautre, la confusion qui sest tablieentre le pur monothisme et lobscuritprovoque par la corporit est progres-sivement dissipe (11). Dans ce sens, onpeut affirmer sans crainte que le RavKook considre Mamonide comme lunde ces jalons sur la voie de la dcorpo-ralisation et de lclaircissement.Comment pourrions nous ne pas trereconnaissant envers notre matreMamonide pour son formidable travaildans le Guide, davoir purifi les fonde-ments de la foi et davoir cart du seindIsral les inanits que constituent lacorporit divine ? Il est facile dimagi-ner ce quaurait t le sort de la Foi,sans son travail empreint de saintet...Dieu merci, son entreprise a achevdradiquer du coeur de la nation touteentire cette croyance errone et, dansle coeur de chacun, est dsormais tablile principe quil faut croire dune foiparfaite que Dieu nest pas un corps etnest affect par aucun phnomnephysique et ne possde aucune formeque ce soit (12). Mais alors, pourquoila rponse au dfi lanc par Nietzschereprsente-t-elle un jalon supplmentai-re ? La proscription de lexistence divineavec un e minuscule ne faisait-elle pasdj partie intgrante de lagenda duGuide ? Mamonide dit que la diffren-ce entre lexistence du Crateur, bni-soit-il, et lexistence dautres existants,est (la diffrence) entre une existencencessaire (ou absolue) et une existencepossible (13). [Mamonide] sonde laprofondeur de la diffrence entrelExistence la plus haute, qui est au-delde toute appellation, et les attributsexistentiels... (14). Ny aurait-il euaucune volution, en terme de thologiejuive, qui reprsenterait un progrs auregard de la dfinition limpide deMamonide ? On se hasarde dire dansce sens que selon le Rav Kook, lacontribution de la Kabbale (tellequnonce aux dix-huitime et dix-neuvime sicles aussi bien par lesadeptes de R. Isral Baal Shem Tov quepar ceux de R. Elijah, Gaon de Vilna(15)est significative en la matire.A cet gard, R. Tsevi Yehudah Kook(16), indique comme source du passagedOrot, Les Slections du GaonR.Elijah [de Vilna] publi la fin du[commentaire sur] Sifra di-Zeniuta,Mystre du Tsimtsoum. On peut y lire :

    Sache, en ce qui concerne le En Sof(lUnique Infini), bni soit-il, que nul nedoit Le contempler, car il est mmeinterdit de Lappeler ExistenceAbsolue. Mme la premire Sefirah est

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    ni tre, ni non-tre - au-del de ltre et du non-tre

    Dieu nest

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    Rexistence de Dieu, laquelle rsulte de laContraction Cosmique ou du Tzimtzoum-chantera dans le futur, aprs la rsurrec-tion, de la manire la plus loquente quisoit, le chant de la foi qui procde du EnSof ou de lInfini (30). Rabbi Nahman sedbat avec lange de lathisme comme lefait le Rav Kook : pris dans le vide de cemonde, Dieu est et nest pas tout lafois (31). Rabbi Nahman galementenracine la foi dIsral dans lInfini (EnSof) qui est au-del du Vide (halal ha-panouy) : Les Enfants dIsral sont appe-ls Ivriim (les Hbreux) car par leur foi ilssurpassent (ovrim) lhrsie qui procdedu Vide. Et cest pour cette raison queDieu est appel le Dieu des Ivriim (Exode3 : 18), comme dans Ever ha-Nahar, LaRive du Fleuve (Josu 24 : 2), ce quisignifie que la Divinit entoure le Vidersultant du Tzimtzoum, car Elle acontract la lumire vers les rives, lescts. De mme Isral est appel Ivriim,car par leur foi en le Dieu des Cts, ilstranscendent lathisme (32).

    Le Rav Kook, en tant que reprsentantmoderne de la tradition mystique juive,rpond au dfi de lathisme grce lanotion de En-Sof qui est au-del delExistence, ainsi quavec celle de lidalde la rvlation future. Ainsi, le mlangede rflexions cabbalistes nouvelles, avecdun ct celles de R. Elijah, le Gaon deVilna (1720-1797) et dun autre ctcelles de R. Nahman de Braslav (1771-1811) et de R. Aharon ha-Levi Horowitzde Starosselje (1766-1828), a-t-il donnnaissance une nouvelle configurationcosmique.

    lui-mme resta un idal hors de porte(26), na pas son quivalent dans limpu-ret. Et linfluence de cette CinquantimePorte, de lidal de la foi, prodigue unevie surnaturelle toutes les autres porteset force lcorce de lincroyance,dpourvue didal, abdiquer devant lasaintet de la croyance connecte lidalternel (27).

    Nous avons certainement parcouru unlong chemin depuis la conception deMamonide de lExistence Divine Absolue.Alors que chez Mamonide le nom EhyhAcher Ehy dnote une existence absoluedans le prsent (28), pour le Rav Kook,formule au futur, lexpression EhyhAcher Ehy offre la promesse dune rv-lation future. Selon un enseignementCabbaliste (29), la Cinquantime Portequi fut refuse Mose durant sa vie, luifut accorde lorsquil mourut sur le MontNbo. De mme, dans le discours deR.Nahman, Moche Rabenou -qui pr-sent doit adopter le silence commemoyen de se relier au flux decroyance/incroyance qui jaillit de lanti-nomie primordiale de lexistence/non-

    vingtime prliminaires) et II,1-en plus dessources dj rapportes par R. Tsvi Yehuda Kook la fin dOrot, p. 182 : Guide des Egars I, 8,35, 56, 57. Voir aussi les commentaires de RavKook sur le livre Hezyone Amatsyahou (Keidan,5694) 12 : 2, republi dans M. Zuriel, OzeretRayah, II, pp. 1035-1036.(5) Guide des Egars I,61.(6) R.A.Y.H. Kook, Orot ha-Emounah (Jrusalem,5745) p. 25.(7) Voir aussi Edith Wyschogrod, EmmanuelLevinas-The Problem of Ethical Metaphysics (TheHague, 1974) p. 80, n. 9.(8) Salomon Malka, Lire Lvinas (Paris, 1984) p. 113.(9) R.A.Y.H.Kook, Iggerot Rayah (Jrusalem, 5722)I, 50 (Lettre 44).(10) Ibid, pp. 46-48.(11) Cit ci-dessus, note (2) et c.f. R. Nahman deBraslav, Liqoutey Maharan, I, 6 : 3.(12) R.A.Y.H. Kook, Maamrey ha-Rayah

    Son crdo (ou plutt son anti-crdo) estparticulirement rvlateur : Lorsque jereconnais cette influence juive, jaime-rais ne pas parler en termes de croyanceou dincroyance. Croire nest pas unverbe employer la premire personnedu singulier. Personne ne peut relle-ment dire je crois-ou je ne crois pas ence qui nous concerne- que Dieu existe.Lexistence de Dieu nest pas une ques-tion relevant de lme dun individu uti-lisant des syllogismes et de la logique.Elle ne peut pas tre prouve. (24)Pour revenir au Rav Kook, son dialoguervolutionnaire avec lathisme voqueune autre tradition Hassidique: celle deBraslav. Effectivement, la suite de notrepassage dOrot prsente une similituderemarquable avec le clbre discours deRabbi Nahman, Bo el Paroh. Le RavKook conclue :

    Mais la foi dIsral prend racine dans leEn Sof (lInfini), qui est au-dessus detout contenu de la foi. Cest pourquoi lafoi dIsral est rellement considrecomme lidal de la foi et la foi de lave-nir, Ehyh Acher Ehy (Je serai ce que jeserai) (25), ce qui est inestimablementplus lev que ce que contient la foi dansle prsent. La conception spirituelle doitdescendre de nombreux niveaux pourpouvoir tre appele la foi dIsral entant que foi prsente et pas lidal de lafoi. Ainsi, dans la foi elle-mme appa-raissent les dommages de lincroyancemais ils ne peuvent prtendre atteindrelidal de la foi. Celui-ci est au-del duconcept de lincroyance comme il est au-del de la croyance... La CinquantimePorte, lidal de la foi, qui pour Mose

    Lgendes :

    (1) Friedrich Nietzsche, Also SprachZarathustra/Thus Spoke Zarathustra dansNietzsche (Walter Kaufmann, trad.) [New York1968] II, p. 202 ; IV, pp. 373, 375, 398, 399.(2) R. Avraham Yizhaq ha-Kohen Kook, Orot(Jrusalem, 5740) pp. 127-128. Il ne sagirait pasde lunique propos du Rav Kook relevant le dfi deNietzsche sans mentionner son nom. ComparerOrot, pp. 88-89, avec The Genealogy of Morals(Francis Golffing, trad.) [Garden City, N.Y., 1956]pp. 167-170, 185-186.(3) R. Moche Y. Tsuriel, Ozerot Rayah (Tel Aviv,5748) I, 223. C.f. R.A.Y.H. Kook, Eder ha-Yeqar(Jrusalem, 5745), p. 41-42.(4) Moses Maimonide, Sefer ha-Madda-The Bookof Knowledge (Moses Hyamson, ed.), Jrusalem,1971, p. 34 a. Cf. lintroduction de Mamonide auCommentaire sur la Michna, Sanhedrin, Chap. X(le premier principe), et le Guide des Egars(Shlomo Pines, trad.) [Chicago, 1963] I,52 (qua-trime groupe), II, Introduction (dix-neuvime et

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    (Jrusalem, 5740) I, 106. La citation est tire dutroisime des Treize Principes Fondamentaux de laFoi, clbre et trs populaire rsum des principesde Mamonide dans son introduction son com-mentaire du dixime chapitre de la Michna,Sanhedrin (Pereq Heleq).(13) Maamrey ha-Rayah, p. 108. Historiquement,la question de savoir jusqu quel point la croyan-ce anthropomorphique tait stagnante en Isralavant la campagne de Mamonide pour la dcor-porisation, est une question passionnante. Enfaveur du Rav Kook on peut ajouter les sourcessuivantes : R. Moch Taku, Ketav Tamim (Ms.ParisB.N.H 711 ; Ozar Nehmad, III, Vienne, 5620 ;Akademon (facsimile), (Jrusalem, 5744) ; KitveyRamban (Chavel, ed.) [Jrusalem 5728] I ; 345-348 ; Chlot Ou-Techouvot Rachba I, #414(lettre de R. Yedayah b. Abraham Bedersi).(14) Orot ha-Emounah, p. 59.(15) Voir Iggerot Rayah I, 304 (Lettre 266).

  • DOSSIER

    Yeshivat Mahon Mer : 2 Hameiri Street - PO Box 34107Jerusalem 91340 - Tel : (02) 652-5997 - Fax : (02) 651-4820- E-mail : [email protected]

    Yeshivat Ateret Cohanim : P.O. Box 1076 - Jerusalem 91009 Israel- E-mail : [email protected]

    Mossad HaRav Kook :PO Box 642 - Jerusalem 910006 - Tel : 02-5260 231 - Fax : 02-526 968

    Yeshivat Har Etzion : Alon Shevut - Gush Etzion 90433 - Tel. : 02-9931-456 - Fax. : 02-9931-298- E-mail : [email protected]

    Yeshivat Mercaz Harav Kook :12 Ben Dor St. - P.O.Box 5010 Jerusalem 91050 - Israel

    - Tel. : 02-6524793,02-6524821- Fax : 02-6540356 - E-mail : [email protected]

    Torah Outreach Program :54 Habad Street - Jerusalem - Israel - Tel. : 02-288968- E-mail : [email protected]

    10

    didan; idem, Adir ba-Marom, II (Jrusalem,5748) p. 74 ; R. Immanouel Ha Ricchi, Yocher Levav(Amsterdam, 5502) 10a : le-gabey didan... le-gabey ha-En Sof Atsmo.(21) Voir Lvinas, LAu-del du verset (Paris,1982) p. 150, n. 6.(22) Lvinas, De Dieu qui vient lide (Paris,1986) p. 95. C.f. aussi Eric Gutkind, The Body ofGod (New York: Horizon Press, 1969) p. 29 : Lathologie est athisme extrme parceque dans lathologie celui qui existe est subordonn lexis-tence, idoltrisant lexistence.(23) Lvinas, LAu-del du verset, pp. 148, 157.Assez curieusement, dans cette mme tude (p. 147) Lvinas cite verbatim le dbut du MichnTorah de Mamonide, quil mutile srieusement entraduisant che yech cham matzuy richon parque le Nom existe et quIl est ltre premier. Parerreur, il a vocalis cham en chem, quil traduitalors par Le Nom. Est-ce que le ProfesseurLvinas traduirait galement par Le Nom lemme mot dans, par exemple Hil.Taaniyot 5 : 1 ?En ce qui concerne lutilisation du mot champar Mamonide tout au long du Michne Torah,voir S.H. Kook, Iyounim ou-Mehqarim (Jrusalem,5719) pp. 320-321.(24) Face to face with Levinas (Richard A. Cohen,ed.) [Albany, 1986] p. 18.(25) Exode 3 : 14.(26) Roch Ha-chanah 21b.(27) Orot, p. 128.(28) Guide I, 62-63.(29) R. Isaiah ha-Levi Horowitz, Chnei Louhot ha-Berit, Vaethanan, citant R. Hayim Vital. Cf. R. Nathan Shapiro, Megalleh Amouqot (252Ofanim), ofan 29 et 50.(30) R. Nahman de Braslav, Liqoutey Maharan I,64 (sp. pars. 3,5). Voir Joseph G.Weiss, Studies inBraslav Hassidism (Heb.) [Jrusalem, 1974], Chap.VIII (sp. pp. 123-128, 139-140).(31) Liqoutey Moharan, ibid, par. 1 (cit parWeiss, pp. 123-124).(32) Liqoutey Moharan, ibid, par. 2 (cit parWeiss, pp. 143).

    R.Eisik le met en rapport avec metzia, objet trou-v se rapportant quelque chose qui apparataprs avoir t dissimul. [R. Chlomo Elyachev,dont louvrage Lechem Chevo ve-Ahlamah est lepoint culminant de la Cabbale dorigineMitnagued, fait une observation comparable, dansHaqdamot ou-Chearim 1 : 2.] En ce qui concerneDieu, nanmoins, le ct cach et le ct trouv(dvoil), les deux aspects dabsconditus et derevelatus, sont tous deux infinis. Comme R. Bahyaibn Paquda le dit de manire si loquente dansHovot ha-Levavot, Chaar ha-Yihoud, chap. 10 :O pourais-je Te trouver ? O ne pourais-je pointTe trouver ! (Hanah Ariel, ibid.) Voir galement R. Chalom Dov Schneerson, Sefer ha-Maamarim(5659) s.v. Tzeenah ou-Reenah, p. 182.(19) Orot ha-Emounah, pp. 23-24. Cf. R.A.Y.H.Kook, Arpiley Tohar (Jerusalem, 5743) p. 30, o lon trouve une opposition semblable de laVolont et de la Ncessit, de lIntentionnel et de lAccidentel.(20) Voir Rachel Elior, La Thorie de la Divinitdans la Hassidout Habad (Hbreu) [Jerusalem,1982] p. 28. Pour dautres conceptions de lathorie kabbaliste de la relativit, voir R. MocheCordovero, Pardes Rimonim 4 : 4 ; R. SchnourZalman de Liady, Tanya II, 6 (p. 81b) ; et R. Hayim de Volozhin, Nefesh ha-Hayim III, 5[cit par Norman Lamm, dans Torah for TorahsSake (Hoboken, 1989) pp. 82-84]. Dans la termi-nologie du Pardes Rimonim, lexpression retenuepour la relativit serait be-erkenou; dans le lan-gage du Nefesh ha-Hayim : mi-zidenou. Pourautant que je sache, le-gabey didan est uneexpression propre au Rabbi de Starosselje. [Jepense quune analyse plus approfondie de len-semble de loeuvre de Rav Kook permettrait dervler dautres lments de la Hassidout deStarosselje. Pour dbuter, comparer Arpiley Tohardu Rav Kook, p. 15 paragraphe commenant parLifeamim, Chaarey Avodah 4 : 10 de R.Aharon ha-Levi Horowitz de Starosselje (cit parElior p. 271).] Nanmoins, voir galement R.Moch Hayim Luzzatto, Kalah Pithey Hokhmah(Jerusalem, 5747) petah 27, p. 81 : le-gabey

    (16) Orot, p. 182.(17) Il doit tre rappel pour mention quil existecertains doutes quant au fait de savoir si LesSlections ont bien t crites par le Gaon. Voir R. Chelomo Elyachev, Lechem Chevo ve-Ahelemah/Heleq ha-Beourim (Jrusalem 5695)5a et la dfense de lattribution par Y. Avivi,Kabbalat ha-GueRA (Jrusalem, 5753), p. 27.(18) Voir aussi David S. Shapiro, The WorldOutlook of Rabbi Kook, dans Samuel K. MirskyMemorial Volume (New York, 1970) p. 79.[Le Professeur Lawrence Kaplan de Montral aport mon attention le fait que Rabbi Joseph B. Soloveitchik, dans son essai Ou-Viqachtem mi-cham (Ha-Darom, Tichri 5739) p. 78, note 15 in fine, souligne que les affirmations figurantdans Les Selections du Gaon sont une opposition Mamonide.]Dans ce texte attribu au Gaon, lExistenceAbsolue est plutt analyse comme lest lIntellectdans la pense de R. Schneour Zalman de Liady(lopposant du Gaon) : elle est relgue au rledune hypostasis. Voir Mamonide, M.T., Hil.Yessode ha-Torah 2 : 10, Hil.Techouvah 5 : 5,Guide des Egars I, 68; R. Yehoudah Loewe(Maharal) de Prague, Guevourot Hachem, Deu-xime Introduction ; idem, Dereh Hayim 5 : 6(Honig ed. pp. 233-236); R. Schneour Zalman deLiady, Tanya I, 2 (note), II, 9 (note) ; R. MenahemMendel de Loubavitch, Derekh Mitzvotekha,Chorech Mitzvat ha-Tefilah, Chapitres 29-30 ; R.Avraham Yitzhaq ha-Cohen Kook, Iggerot RayahIII, 207-208 (lettre 896). Ainsi, tant selon le Gaon(en admettant quil faille bien lui attribuer le textesus vis) que daprs le Baal ha-Tanya, la percep-tion de Mamonide de la divinit na pas t au-del de la deuxime sfirah, Hohmah ou Yech.En ralit, la tradition Habad est beaucoup plusexplicite que Les Slections du Gaon quant aucaractre inappropri de la terminologie existen-tialiste de Mamonide. Voir R.Yizhaq Eisik ha-LeviEpstein dHomel, Hanah Ariel (Berditchev, 5672)Toledot 43b. Aprs avoir expos que le termeemploy par Mamonide pour Dieu, Matzouy(Existant), est contestable pour les Cabbalistes,

    ADRESSESUTILES

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    R

    Lgendes

    (1) Michna Sotah 9 : 15.

    (2) De lhbreu keheh. Dans le texte originaldArpiley Tohar (Jrusalem, 5743), p. 28, on trouvelexpression halouch ou-mkhoar, faible etrpugnant. PuisquArpiley Tohar prcde Orotdans le temps, il faut en conclure que notre ver-sion est une tentative visant attnuer le tonnettement plus pjoratif de loriginal. Le RavKook pensait que le Judasme tel quil mergeaitdu long Exil vers la lumire du Jour (de laRdemption) aurait se dfaire de certaines

    conceptions errones qui staient infiltres dansla thologie et qui avaient assombri la vie juive.Voir notamment les extraits suivants:Du fait du moratoire gnral sur ltude sacredes sujets touchant la divinit, le concept mmede la divinit sest progressivement obscurci parmanque defforts intellectuels et motionnels.Dans le mme temps, la peur de lextrieur, la foinaturelle et la soumission contrite sont demeu-res dans de nombreux coeurs comme un hrita-ge des temps anciens, quand la connaissance etlmotion de Dieu brillaient si intensment queleur impact direct embrassait toutes les mes.

    Puisquainsi la conscience interne de Dieu estmaintenant amoindrie, lessence divine est consi-dre par les masses -et mme par certains indi-vidus supposs tre des lumires pour cesmasses- comme simplement une force dominatri-ce laquelle personne ne peut chapper et laquelle la sujtion est due. Quand une personnese soumet au service divin dans une situationaussi dsole, avec une mentalit aussi sombre,pleine dune confusion qui vient lesprit lorsquelon rflchit sur Dieu sans lintellect ni la Torah(la peur infrieure, yirah tataah, provient de sasource qui est la peur suprieure,yirah ilaah),

    ngativit- tout finira malgr cela par sedvelopper dans la puret et dans la force,dans la plus haute saintet, depuis lenoyau le plus sr, le plus pr et le plusexalt quaucune ngativit ne peut

    affecter. Sa claret resplendira sur Siondune nouvelle lumire (3), dune mer-veilleuse splendeur dpassant de loin lesconceptions que peuvent sen faire, avecleurs faibles (4) pouvoirs, des mes pui-ses matriellement et spirituellement parun long et alinant (5) exil.

    Parfois, des choses bonnes et saintesreposent sur des causes laides telles que la

    faiblesse, le mensonge et liniquit, cesdernires soutenant elles-mme occasion-nellement les bonnes fondations queconstituent lhumilit, la modestie, la foietc... Mais de la mme manire que lebien occasionn par le mchant est ex-crable pour le juste (6), le bnfice que lebon et le sacr retirent du mal et de lim-pur produit de nombreux maux. Lalumire de la rdemption ne sera actuali-se quavec la destruction de toutes lesmauvaises fondations, mme celles quisoutiennent le bon et le sacr. Bien que labont, la saintet et la foi en souffrirontet apparatront par l affaiblies, en vritcet affaiblissement et cette descenteseront une ascension et un encourage-ment. En effet, aprs lradication de cesmauvais lments, la lumire de la splen-deur (7) et de la saintet commenceraimmdiatement crotre sur les basessaines de la connaissance (8), de la sages-se (9), de la puissance (10), de la gloire(11), de lendurance (12) et de la splen-deur (13). Ainsi, la fin des jours, leroyaume dternit (14) sera fond (15)par la lumire et la bont de Dieu ainsiquau travers de la fidlit de lamour deDavid (16), en alliance perptuelle qui necessera jamais. Il dit : Assurment, ilssont bien mon peuple, enfants qui nementiront pas, et il devient pour eux unsauveur. Dans toutes leurs afflictions iltait afflig, et lange de sa prsence les asauvs; dans son amour et sa piti il les arachets, et il les a pris et les a portspour toujours (17).

    Tant que la nation nprouve pas lebesoin de corriger de manire gnralelapproche concrte quelle a de la vie, lesimpurets qui ternissent la comprhensiondu divin, de la crainte de Dieu, de la Foiet de tout ce qui sy rattache, ne causentpas de dommages apparents. Cependant,lorsque le temps arrive o la ncessit dela renaissance nationale se fait sentir eto la vritable Corne du salut doit trervle, immdiatement ces impuretscommencent gner. Il devient alorsimpossible pour la nation de sunir et deparachever au plus profond de son tre cequi est le secret de sa force et la mise enoeuvre de ses commandements, si ce nestgrce des conceptualisations et desactes clairs procdant de la puret lie la vritable connaissance de Dieu, autre-ment dit la plus haute clarification quisoit. Cest la raison pour laquelle se dve-loppe impudemment une grande forcengative lors des prmices du Messie(1), mais cest cette opposition elle-mmequi va permettre de purger tout ce qui estencore trouble (2) dans les conceptionsthologiques ainsi que dans les orienta-tions nationales qui en dpendent. Bienquil soit affreux de voir autant de belleschoses, de bonnes qualits, de lois et decoutumes tre balayes de la sorte etapparemment dracines par ce dluge de

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    OROT ha-tehiyahLES LUMIERES DE LARENAISSANCEC H A P I T R E 5 1 & 5 2D

    aprs une traduction et un commentaire du Rabbin Bezalel Naor

    dans OROT-The Annotated Translation of Rabbi Abraham Isaac

    Kooks Seminal Work, (Jason Aronson Inc., New Jersey, 1993).

  • DOSSIERcathartiques, republi dans ldition de 1950dOrot, p. 126).Lorsque la prire est corporalise, elle devientune imposture, une idoltrie. Il y est alors faitappel un dieu conu comme tant svre, dicta-torial et recherchant la servilit de ceux qui leservent. Un tel dieu est gratifi lorsquon vientlui demander ses faveurs en rampant. Alors sanature svre est adoucie et il accde la requtequi ne reprsente rien dlev mais juste unsimple souhait. Une telle prire nest pas conve-nable, elle est mme vicie et idoltre; il luimanque lessence mme de la prire et elle doittre considre comme pcheresse. (Ozerot ha-Rayah II, p. 919).(3) Extrait de la Prire du Matin. Fin de la pre-mire bndiction du Chma dans le riteAchknaze.(4) Dal (au singulier) dans ldition de 1920 est corrig dalim (pluriel) en 1950.(5) De lhbreu dildoul, littralement appauvris-sement et deloulah (appauvrie) dans Arpiley

    cette personne perd alors progressivement lanotion de la splendeur de ce monde car elle seforge une mentalit emprunte de lide de puni-tion (katnout ha-mohin). Alors, ce qui se rvle lme nest pas la gloire de Dieu mais plutt la petitesse de vaines chimres qui peignent letableau dun tre factice, troubl, appauvri etfurieux, un tel tableau terrorisant et dprimantquiconque y croit. Il paralyse le coeur et empchela gentillesse humaine de saffirmer tout en dra-cinant lclat divin qui se trouve au fond delme. Et quand bien mme une telle personnerpterait-elle toute la journe que sa croyanceest celle en un Dieu Unique, ce ne serait quunclich vide de sens duquel son me naurait aucu-ne connaissance vritable. Toute me sensible sedoit dignorer un tel clich qui constitue prcis-ment lincroyance typique de lpoque des pr-mices du Messie, quand les eaux constituant lamer de la conscience de Dieu se sont vides ausein de lAssemble dIsral (Knesset Israel) etdans le monde entier. (Zeroim, Souffrance

    Par la grce de Dieu, en la Sainte Villede Jaffa, puisse-t-elle tre recons-truite et affermie, le 13 Kislev 5667 (1).A mon ami, le grand Rav, le sage etexalt, notre matre, le Rav ChmouelAlexandrov (2), que sa lumire brille.Paix et bndiction.Vos lettres me sont parvenues il y a djun moment et je tenais particulirement y rpondre en raison du respect que jevous porte et galement du bnfice quien rsulterait, mais jai t pris dans letourbillon dobligations pressantes etcomme je voulais vous rpondre endtail ainsi quavec la claret qui sim-pose-tche qui demande beaucoup detemps libre-jai d reporter. Nanmoins,lorsque je me suis aperu que le probl-me tait sans fin et que je vous devaisune seconde rponse, jai dcid de neplus attendre. Je vais crire rapidement,autant que je le peux, en rpondant

    dans lordre chacune de vos lettres.Bien que je doive tre trs bref, jespreque cela suffira pour quelquun daussisage que vous.(...) (3)

    Ce processus dpend videmment de laqualit de la rvlation de cet amourextrme, ainsi que de laffirmation parIsral de son pouvoir original, non pasgrce des habits demprunt (4) maispar sa propre source dinspiration. Toutce qui trouve son origine dans la sages-se de lhumanit nest pas emprunt.Cela nous appartient autant quaumonde entier mais ce que lhumanit nepeut pas donner-limmense amour deDieu imprim dans lhistoire dunenation tel un fil rouge marquant tout cequil entoure et ce, depuis le dbut deson existence en tant que nation dis-tincte, avec ses hauts et ses bas- cela ne

    peut tre trouv au sein de lhumanit.Lhumanit ny est pas encore prte; elleest toujours vtue de ses habits den-fant, attendant quIsral laide ,sendfaire. Cest pourquoi cela ncessitequIsral utilise son pouvoir originel quiest toujours sa disposition. A notrepoque o les plantes attendent justesous la surface du sol (5) la lumiredIsral est en passe dtre rvle. Sinous voulons vraiment tre sages et ver-tueux et revenir [au judasme] paramour, nous rapprocherons la rdemp-tion finale ainsi que le salut de lhuma-nit-qui dpend largement de nous.Nous nous trouvons bien au-dessus detoutes les philosophies du dsespoir, ycompris de celles qui, bien qutant lesplus raffines et les plus attrayantes, nesont en ralit que de vaines moqueries.Mme le renouveau no-Kantien nepeut porter atteinte la part la plusinfime soit-elle, de la force dIsral. Ilest vrai, comme nous lavons toujourssu-sans pour autant avoir besoin deKant pour nous rvler ce secret-quetoute connaissance humaine est relativeet subjective. Cest ce quon appelle [leconcept de] la Royaut qui est telle

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    OROTLETTRES DE FEU1 3 K I S L E V 5 6 6 7 - 3 0 N O V E M B R E 1 9 0 6

    Inspir librement dune traduction et un commentaire du Rabbin

    Tzvi Feldman dans Rav A.Y. KOOK, Selected letters (Maaliot

    Publications, Yechivah Birkat Moche, Maaleh Adoumim, Isral 1986).

    Tohar (Jrusalem, 5743).(6) NAZIR 23B; YEBAMOT 103(7) De lhbreu zohar. Dans Arpiley Tohar, p.109, tohar, puret (8) Daat en hbreu.(9) Hohmah en hbreu.(10) Guevourah en hbreu.(11) Tiferet en hbreu.(12) Netzah en hbreu.(13) Hod en hbreu.(14) Toussad en hbreu, de Yessod.(15) Malhout en hbreu. Il semble que le RavKook fasse ici allusion au Mystre de la mort des Rois ou au Mystre de la brisure desVases. Sur les ruines des royaumes du mal sedressera Malhout Olamim, Le RoyaumedEternit. Voir galement Israel Ou-Tehyato,Isral et sa renaissance, Orot, Chapitre XIII.(16) Isae 55 : 3.(17) Isae 63 : 8, 9.

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  • dossier

    prouvante [de sa maison,] de sa nationsi solide, ordonne et distingue, nestquune fabrication de lesprit. Mais nousdevons galement marcher avec ces cap-tifs qui se sont loigns de la table deleur pre et nous devons leur dire sanshaine: Frres, [mme] sil est commevous le dites, des propos de lgendeayant une telle capacit engendrer lebien et la bndiction, lespoir infini etla morale, de tels propos sont si pr-cieux et nobles quils ne peuvent qutreles paroles du Dieu vivant. En cons-quence, il importe que tout ce qui a putre dcid en leur nom soit gard avechonneur et amour. Mme si cest insuf-fisant les revivifier compltement, cesera suffisant pour ouvrir une porte,pour carter le mpris et la haine, lerejet et le dgot pour tout ce qui atrait au judasme, mme dans les coeursde ceux de ses enfants qui en sont leplus loin. Et lclat du savoir intrieur, lamorale majestueuse et leve, la clarifi-cation des trs hautes aspirations de lanation toute entire, combines avecune solide intgration des aspirations lesplus raffines de llite de lhumanit,rapprocheront de plus en plus nosenfants de la saintet extrme. Et ilsreviendront et vivront une vraie vie, unevie de grandeur, de courage et de sain-tet.

    Il ne me semble plus ncessaire demtendre davantage en dtail sur lesujet du miracle de lexistence du Ain(Nant) (19), et du conundrum de luni-t des opposs (20). Tout cela rsulte

    dun regard dsinvolte et dun a prioriextrieur. La pense juive, si leve, nepeut tolrer la sparation des opposs.Comment nous serait-il possible en effetde constater dune part que, dans len-semble du monde sensible, la vie et leschoses sont toutes construites par lerapprochement et lharmonisation desopposs-le positif et le ngatif, le froidet le chaud, les mles et les femelles-

    cest le Seigneur ; nous lavons attendu;nous serons heureux et nous nousrjouirons dans son salut (16).

    Heureux le peuple qui se trouve dansune telle situation, heureux le peupledont lEternel est Dieu (17). Ce nestpas vers Kant que nous devons noustourner mais vers la Mer Morte, le Sina,Jrusalem, Abraham, Mose, David,Rabbi Akiba et Rabbi Chimon BarYoha, et vers tous ceux qui nous sontchers, qui sont notre vie et la joie de

    nos coeurs pour tou-jours. Prparez lavoie du Seigneur, unchemin droit dans laplaine pour notreDieu, Et il y auraune voie, un chemin,et on lappellera lechemin de la sainte-t... Et ceux quiseront rachets y

    passeront (18). Tout ce que leshommes les plus brillants et les plussublimes peuvent tre amens conce-voir se trouve dj dans notre trsorsous une forme plus complte et plushaute et, ce qui est plus important, sousune forme divine. Cest l que rside ladiffrence entre rien et tout.Maintenant, Dieu merci, nous noustrouvons proches de la rive [de lardemption]. Nous pouvons porter notredrapeau bien haut. Lesprit pur et sacrqui mane de notre source a dores etdj subjugu la totalit du mondescientifique et de lthique, tel pointque nous ne devons plus hsiter pro-clamer notre victoire. Bien sr, cetteproclamation ne sera pas accepte dansle monde entier, mais seulement len-droit ou elle fut accepte pour la pre-mire fois, la place o la lumire res-plendit, sur la Montagne de Sion. Mmeles plus faibles esprits parmi nousvivront, se redresseront et se tiendrontsur leurs pieds. Maintenant que notretravail spirituel a grandi et sest tendu,autant dans le respect de notre propresurvie que dans celui du monde entier,sur quoi les plus faibles dentre nouspeuvent-ils encore porter leurs doutes ?Seulement sur lincapacit expliquer lepass en fonction des donnes du pr-sent. Pour cette raison, [certains sou-tiennent par exemple] que les partiesnarratives de la Torah ne sont peut-treque des mythes qui nont jamais vrai-ment eu lieu. Mais ce mme doute nepeut quavoir t emprunt aux Gentils.En effet, quiconque sestime avoir gran-di et tre n dans une maison particu-lire en connait bien les rgles de fonc-tionnement et ne peut vraisemblable-ment penser que lexistence et lhistoire

    un rceptacle sans pouvoir par lui-mme, ou encore la Synagogue, oula Lune, et qui reoit lillumination.Tous nos actes, nos motions, nosprires, nos penses-tout dpend dezot, Be-zot ani boteah En celajaurai confiance (6). Mais quiconqueest issu dun peuple paen dont lesanctres ont t capables de scarterdu Dieu dIsral, quils appellent leDieu des dieux, (7) peut [ plus forteraison] dtourner galement son espritde Ce qui est invitablement plus grandque tout; mmesi pour nousgalement Ilparait tre sansexistencepuisquIl naaucune formeintellectuelle oumtaphysique.Mais nous, noussavons quil nepeut en tre autrement et que tout nepeut dcouler que de Lui. Nous ne par-lons ni mme essayons de contempler laSource de toutes les sources, mais par lesimple fait que nous ne le nions pas,tout peut vivre et exister jamais (8).Cest cela lide majestueuse et ternelledIsral mme si, au bout du compte,cette ide nest elle-mme rvle quautravers de la Chehina (9). Et puis quoi!Le nant et le Je [Ain et Ani] scri-vent avec les mmes lettres (10). Mais ilne sagit pas ici du monothisme, lequelnie les talents, lamiti et la beaut. Lemonothisme est une invention desGentils, une traduction imprcise, unesorte de comprhension de linfini quise contredit elle-mme, et qui parconsquent ne peut mener rien (11).Ce nest pas la source du nom du DieudIsral qui est linfini et lincomprhen-sible cause de toute existence, parcequil est lexistence-mme du monde(12) qui ne peut tre compris et donton ne peut parler quau travers desnuances des couleurs (13) et quaumoyen de ses nombreux hauts faits etde sa paix abondante, de son panche-ment damour et de courage. [Seul]Isral qui proclame cest mon Dieu et jeveux lembellir (14) peut dire cela, [etcette phrase ne peut trouver cho] dansle dsert aride du monothisme isla-mique pas plus que dans le ngationis-me bouddhiste (15); cest seulement [envivant] la plus haute existence quiapporte la joie tous et donne vie tout, rvle au travers de la perceptionsubjective de tous les coeurs qui larecherchent et la comprennent, Et toutun chacun pointera du doigt disantNon point, cest notre Dieu ; nouslavons attendu pour quil nous sauve ;

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    a grandi et sest tendu,autant dans le respect de notre propre survie quedans celui du monde entier

    travail spirituelNotre

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    ensemble corrige dune main puissantetoutes les doctrines et toutes les reli-gions, leurs principales sources, ramifi-cations et chemins, et scrute minutieu-sement leurs essences et leur buts en lesplaant toutes dans un systme ordonnet hierarchis, jusqu ce quil constituele Partzouf cumulatif de toute lhuma-nit, le Livre dAdam (25), et quilunisse ce qui est rvl ce qui estcach, le pass avec le prsent et lesdeux avec le futur. Et par cette expan-sion permanente, il se rapproche tran-quillement du trsor de vie particulier Isral o il trouve tout, tous lesgermes de flicit et de vie, tel pointquil nest plus ncessaire de faire dispa-ratre quoi que ce soit. Il transformetout en lumire, les tnbres en clart,lamertume en douceur. Il sagit l de laTorah complte par le Roch Yechivadans le palais du Messie (26). Quant moi, je nai crit que des articles, desimples observations, pauvres et insigni-fiantes, qui naideront rveiller lecoeur que de certains hommes sages etexceptionnels. Lveil du coeur porterases fruits. Cet veil et sa formidableproclamation doivent dbuter en TerredIsral. Cest mon dsir et mon espoir.[Ainsi,] le bien qui existe dans le mat-rialisme historique [le marxisme] resterade lui-mme avec nous. A ce propos, ilnous apparait avec certitude quil lui estimpossible de se maintenir en tant quedoctrine permanente, ft-elle ancienneou rnove, avec tous ses effets et sesramifications. Une telle doctrine abesoin dtre lague et taille, raffineet purifie, et ce qui est bon en elledurera jamais comme tout ce qui estcompatible avec la lumire dIsral, saforce et son ternit.(...) (27)A ceux qui rvrent le nom du Seigneurde Jacob, ceux qui ont choisi lhrita-ge de Jacob, ces mots peuvent apporterune nouvelle vie et une joie qui remplitle coeur.Je doit marrter ici. Paix et bndiction,selon votre dsir et celui de votre amiqui recherche votre bien-tre. Avec ungrand amour,Humblement vtre,Avraham Yitzhak Hacohen Kook.

    [IGROT 44]

    Mme si ces mots ne servent qu clai-rer lintellect et augmenter le couragede ceux qui se tiennent dj dans lecercle [des religieux], tant pourtantdj sensibles sans ces explications, celanen demeurera pas moins extrmementbnfique, en ce sens que si ces genssont eux-mme raffermis dans la sainte-t, ils seront capables de gurir et dle-ver dautres...

    Si je devais tre amen crire unlivre [de philosophie] jexplorerais cer-tainement les profondeurs du contenude lesprit, pour proposer un systme[expliquant] pourquoi nous ne devonspas craindre toutes les divisions des dis-cours hrtiques. Nous ne devons pasavoir peur de toutes les polmiques sus-cites par lathisme, mais au contrairenous rjouir de notre capacit dmon-trer que ces mmes tendances, qui sem-blent si pernicieuses et si contradictoiresavec la foi et la religion, en fait, rappro-chent le monde de La Maison du Dieude Jacob (Isae 2:3), Lequel est lev etexalt. Toutes les attaques intelligentesne concernent en ralit que laspectimaginaire de la nature humaine, lequelse rapporte aux sentiments de foi, etce ct imaginatif doit tre dtruit;nanmoins les bonnes choses quelleengendre dans le monde doivent treprserves. Des concepts clairs, convain-cants et libres de toute forme dillusion,ne peuvent se trouver que sur le planprofond de la pure unit divine, laquelleest la source fondamentale dIsral.Dans un livre, il faudrait certainementtout aborder en dtail afin dindiquercomment on peut approcher les idesfondamentales en rfutant les inanitset en montrant comment [par leur puri-fication] elles peuvent devenir vibrantes,sres et dlicieuses, avec une influencecertaine sur la vie et le monde rel. Maisun tel livre serait extrment long.Quand bien mme serait-il aussi courtet concis que possible, il serait impos-sible daccomplir correctement la tcheen un seul livre et en une seule gnra-tion. Cest pourquoi notre but essentieldoit tre de relever la gloire de la sages-se propre dIsral, de la tirer do quellepuisse tre, afin que pas mme unegoutte ne soit perdue de cette citerne.[Il doit sagir] non seulement dun cor-pus de littrature morale, de recherche,de philosophie, ou de cabbale, chacunavec sa propre singularit, mais encoredune louange de la valeur et de lten-due de la connaissance de la pensejuive et de la pense humaine depuis sesracines les plus profondes jusquau deldes ides humaines les plus hautes. Cet

    alors que, dautre part, le monde desides ne serait quune tendue aride etdsole, dcompose et corrompue, sansconnections ni relations, seulementfige dans le trouble et la confusion? Ilne fait aucun doute que le daltonismeintellectuel (21) consistant penser queles opposs nexistent pas et que toutest rvl en une seule couleur, est uneerreur. Mais comme il est vrai et clairque les hauts Partzoufim (22) du mondespirituel, perceptibles par toutes lesmes sensibles au savoir, joignent, unis-sent, harmonisent et connectent [lesopposs] comme elles le font dans lemonde infrieur, permettant des cou-leurs invisibles de devenir des nuancesvivaces. Comme elle est bnfique, plai-sante, vraie et joyeuse cette grande etpuissante loi qui guide lhomme au delde la mortalit (23)! Quand tu marche-ras elle te conduira; quand tu te cou-cheras elle te gardera; et quand tu terveilleras elle marchera avec toi (24). Ilest vident que tout ce que nousvoyons, entendons, et ressentons quelque propos que ce soit, et surtouten matire de morale ou de raisonne-ment et plus forte raison tout ce quitouche la divinit, nest quapparenceset appellations. Sous ces dernires setrouve le vrai contenu plus durable etplus vivant, par lequel toutes chosessunissent. Toutes les formes deconnaissance ne sont que des aspectsparticuliers de la forme interne, partiel-lement rvle, de la mme manirequune partie de locan est rvle

    celui qui se tient sur sa rive. Ce nestquen connectant de nombreuses pers-pectives que lon peut approcher la per-ception du tout, mme si ses partiessemblent certainement se contredirelune lautre. Si tel est le cas dans lemonde objectif, il en est a fortiori demme dans le monde subjectif, o nousne cherchons voir que la beaut, lhar-monie et couter notre impressionprofonde. Dans un tel monde, cestnotre simple capacit expliquer quiunifie et connecte ces conceptes. A lin-verse, seul un dfaut dapprciationpeut amener sparer, ou simplement tre ngligent dans lunification sousleffet dune certaine indolence.

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    Le Rabbin Tzvi Feldman enseigne et tudie laYechiva Hesder, Birkat Moche, MaalehAdoumim, Yechiva qui combine ltude de la Torahavec les obligations militaires au sein de Tsahal.

    R A B B I N T Z V I F E L D M A N

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  • OROT (13) Malhout est compar une perle qui refl-te toutes les couleurs du spectre.(14) Exode 15 : 2.(15) Le but que vise le bouddhiste est dat-teindre le Nirvana qui est la ngation compltede tous les dsirs.(16) Zohar, 1re Partie, 23a. La citation estdIsae 25 : 9.(17) Psaumes 144 : 15.(18) Isae 40 : 3; 35 : 8, 9.(19) Cest une rfrence louvrage du RavKook, Eder Hayakar, p. 33. Il y explique que leplus haut degr de divinit est appel Ain(nant), puisquil est totalement inconcevablepour lesprit humain. Dans sa lettre, Alexandrovaffirme que lexistence du nant est une impos-sibilit logique.(20) Alexandrov argue que les opposs, tels quelexistence et le nant, ne peuvent tre unis oumme co-exister.(21) Forme de ccit relative aux couleurs,dnomme ainsi daprs le nom du chimisteanglais John Dalton qui fut le premier lidenti-fier.(22) Terme cabbalistique rappelant la configura-tion des sefirot.(23) Jeu de mots sur le Psaume 48, verset 5 oal mout peut tre lu comme ayant la significa-tion de dans la jeunesse ou au-del de la mortalit.(24) Proverbes 6 : 22.(25) Le Livre dAdam fut donn par Dieu Adam. Il contient la gnalogie de toute la racehumaine jusqu la fin des temps et il dcritchaque gnration avec ses figures emblma-tiques, ses sages et ses chefs. Voir Baba Metzia85b.(26) Zohar, 1re Partie, 4b.Il entendit une voixproclamer: Faites place, faites place, parce quele roi Messie arrive la Yechiva de Rav ChimonCar tous les justes l-bas ont t dirigeantsdacadmies sur terre et ils sont devenus lvesde la Yechiva cleste; quant au Messie, il visitetoutes ces acadmies et appose son sceau surtoutes les dcisions qui sortent de la bouche dessavants. Ainsi le Messie collecte la vrit et lasagesse de tous les hommes sages de lunivers.(27) Ici le Rav Kook continue sa lettre en expo-sant limportance de la Cabbale et de laHaggada, puis stend un moment sur ltudecritique de la Bible et sur le rle que doit jouer cet gard la Yechiva Universelle quil entendcrer Jrusalem, mais ces sujets feront lobjetdune tude plus particulire dans un prochainnumro.

    labondance de la lumire divine atteint lemonde. Cest pourquoi tous nos actes, nosprires et nos penses-qui sont des expressionsde la saintet et de la rvlation de la lumiredivine au travers des actions humaines-dpen-dent de cette sefira qui est le lien entre lesmondes suprieur et infrieur. Malhout est auxplus hautes sefirot ce que le phenomenon est aunoumenon dans la terminologie de Kant.(7) Le Dieu dIsral a t appel le Dieu desdieux travers le monde et nanmoins lesnations ont choisi de ne pas ladorer Menahot110a.(8) Il nous est impossible davoir une perceptiondirecte de Dieu. Nous ne pouvons nous confron-ter son Etre de manire conceptuelle quaumoyen de la sefira de Malhout qui est notreseule possibilit de nous faire une conception deSon manation. Nous ne pouvons percevoir niconcevoir les sefirot de manire directe, pas plusque lInfini de quelque manire que ce soit. Cenest quen nous abstenant de le nier quil nousest possible de nous exprimer son gard ou dele concevoir.(9) La Chehina quon traduit gnralement parla Prsence Divine est galement assimile lasefira de Malhout et reprsente la PrsenceDivine dans le monde infrieur.(10) Lhbreu Ain (nant) est lanagramme deAni (Je). Ain symbolise la conception la plus le-ve de la divinit, le Ainsof ou lInfini, que nousne pouvons concevoir. En ce sens cest lenant. Ani est le symbole de Malhout, la sefi-ra la plus basse et celle avec laquelle nous pou-vons avoir la relation la plus directe possible, laplus personnelle (Je) avec Dieu. Bien que leconception ngative indirecte de lInfini ne soitpossible qu travers Malhout, ou la Chehina,qui est le seul canal possible pour toutes leslumires divines, cest en fin de compte indiff-rent. Malhout et Ainsof ont une connexionmystique spciale. Puisquen matire de cabbalechaque lettre de lalphabet hbraque a unesignification particulire et symbolise une cer-taine lumire divine, deux mots diffrents quicontiennent les mmes lettres doivent avoir unlien spirituel.(11) Le terme mme de monothisme estcontradictoire dans sa dfinition puisque leconcepte de linfini naccepte aucune dfinition.(12) Lorsque nous tentons de circonvenir lenom du Seigneur pourquoi lappelons nousMakom [lieu, endroit] ? Cest parce quil est les prmices du monde mais que son monde ne constitue pas ses prmices. Berechit Rabba 5 : 68.

    Lgendes

    (1) Le 30 Novembre 1906.

    (2) Le Rav Kook correspondit durant de nom-breuses annes avec le penseur S. Alexandrov(1865-1941) qui avait tudi avec lui laYechiva de Volozhin. Bien quAlexandrov soitrest pratiquant jusquau jour de sa mort entreles mains des nazis, ses ides radicales en firentbien souvent un hrtique aux yeux de certains.La plupart de ses changes dides avec le RavKook ont t publis par Alexandrov dans sonlivre Mihtevei Mehar Ouvikoret (1re Partie,Vilna 1907; 2me Partie, Krakovie 1910; 3mePartie, Jrusalem 1932).(3) La premire partie de cette lettre expliqueque lessence de lexistence juive ne se trouveque dans lamour de Dieu et que cette qualitintrinsque est inaltrable. Cette lumireunique du judasme est aussi un clairage pourtoute lhumanit mais elle se rvle plus parti-culirement dans le peuple juif. Cela nexclutpas lexistence dindividus exceptionnels etdune grande sagesse au sein des nations, maisle peuple juif, pris dans son ensemble et entant que tel, est unique dans sa qute de Dieu.Cette qualit du judasme nest pas seulementun trait de son caractre national, mais cestaussi ce qui fait la particularit de sa foi, quivise rvler lhumanit toute entire lamourde Dieu dans sa plus grande compltude.(4) Allusion aux ides des autres nations.(5) Rav Assi a soulev une contradiction : unverset dit Et la terre produisit de lherbe enparlant du troisime jour, alors quun autre ver-set dit propos du sixime jour Aucune poussentait encore sur la terre. Cela nous enseigneque les plantes attendaient juste sous la surfacedu sol quAdam vienne et prie, alors elles jailli-rent. Houlin 60b.(6) Psaumes 27 : 3. Le Zohar indentifie le motzot avec la sefira Malhout (la Royaut).Malhout est la dernire des dix sefirot et napas de pouvoir par elle-mme. Les cabbalistesutilisent de nombreux symboles pour dcrirecette sefira, parmi lesquels la lune qui nmetpas de lumire par elle-mme mais rflchitcelle du soleil et la synagogue qui nest pasintrinsquement sacre mais qui reoit sa sain-tet grace ceux qui viennent y prier. Le Zohar(2me Partie, 23a) dcrit Malhout comme tantcelle qui par elle-mme est sans lumire maisqui est tourne vers les autres et les clairecomme une lampe qui reflte le soleil. De cettemanire Malhout reoit toutes les lumiressuprieures et ce nest qu travers elle que

    Yeshivat Mercaz Harav Kook :http://www.virtual.co.il/education/edu-cation/mercaz/

    Site consacr au Rav Kook :http://www.ort.org/anjy/hadracha/kook/orot_fr.htm

    SPCIALINTERNET

    Yeshivat Mahon Mer :http://165.254.113.2/education/machon-meir/

    Yeshivat Ateret Cohanim :http://www.jer1.co.il/orgs/orgs/ateret/

    Ecrits du Rav Aviner :http://www.col.fr/aviner

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  • DO

    SSIE

    R

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    OROTOUVERTURESR A B B I N J O S E P H B . S O L O V E I T C H I KC

    et article est extrait de Hachkafot Ha-Rav-Reflections of

    the Rav Volume 1, Leons de pense juive adaptes des

    cours du Rabbin Joseph B.Soloveitchik, par Abraham

    Besdin (KTAV Publishing House, Inc. Hoboken, N.J.).

    RABBIN JOSEPH B.SOLOVEITCHIK

    Le Rabbin Joseph B.SOLOVEITCHIK est n enPologne en 1903 dans une famille clbrepour ses Talmudistes. Son grand-pre, Rav Hamde Brisk et son pre Rav Moch, ont donn unnouveau souffle ltude du Talmud par unenouvelle mthodologie mettant laccent sur unerecherche scientifique et une analyse rigoureuse.Le jeune Rabbin Joseph B. simprgne de cettemthode dtude talmudique grce lenseigne-ment quil suit sous la direction de son pre, leRav Moche.

    Il poursuit ses tudes profanes lUniversitde Berlin o il se lie damiti avec le futur Rabbide Loubavitch Menahem Mendel Schneerson.L, il sintresse aux mathmatiques et auxsciences physiques, puis plus particulirement la philosophie, la logique la mtaphysique etlpistmologie. En 1931 il obtient son doctoratgrce sa thse portant sur lEpistmologie et laMtaphysique dans loeuvre dHermann Cohen.Arriv aux Etats-Unis en 1932, il sinstalle Boston o il dirige et dveloppe lcoleMamonides Day School. En 1941 il succde son pre en tant que Roch Ychivah etProfesseur de Philosophie Yeshivah Universityo il prend galement lhabitude de donner descours hebdomadaires des tudiants avancs.

    Sa matrise de la Halaha et ses connais-sances tendues en matires profanes, allies une acuit particulire envers les problmesmodernes (il adhre au mouvement Mizrahi, leparti national-religieux en Isral, qui voit en luiun de ses chefs spirituels) font de lui lun despersonnages les plus influents du Judasme am-ricain et mondial. Il dcde en 1993.

    RABBIN ABRAHAM R. BESDIN

    Le Rabbin Abraham R.Besdin est Mousmachde la Ychivah Rabbnou Yitzhak Elhanan Yeshivah University, ainsi que le dirigeant spiri-tuel de la Communaut dEtz Ham de Flatbush Brooklyn, New-York. Il est lauteur de deuxouvrages sur le Rav Soloveitchik.

    Hahohmot (le fondement des fonde-ments et le pilier de toutes Sagesses)-forme le nom Havayah (le Ttragramme) ;ceci, afin de souligner que Dieu estCelui qui soutient le monde et pas sim-plement son crateur.

    Le terme dHavayah, compos desquatres lettres, youd, h, vav, h (leTtragramme), se distingue particulire-ment des autres noms de Dieu. Alorsque ces derniers sont drivs de Sesattributs, cest dire de Ses actionstelles quelles se manifestent lhomme,le nom Havayah se rattache Sonessence qui est dEtre et cest pourquoion lappelle le Chem Hameyouhad, leNom Unique (Sifr, Nom.143) ou leChem Hameforach, leNom Explicite prononcpar le Grand Prtre le jourde Yom Kippour ; on ne lenommera le NomIneffable que plus tardlorsquon ne pourra plus leprononcer (Yoma 39b ;Sotah 37b).

    Toutes ces raisons conf-rent ce nom une hautesaintet ainsi quune diff-rence fondamentale avecles autres appellationsdivines. Il y a une majestparticulire associe ce nom et grandeest la crainte de le prononcer car ilvoque Dieu lui-mme et pas seulementun aspect de la perception que nouspouvons avoir de lui. Alors que lesautres noms sont des noms communsqui sont aussi employs pour certaineschoses (par exemple lohim pour lesjuges, adoni pour mon matre,etc...), le Ttragramme (Havayah) sap-plique exclusivement Dieu.Havayah traduit une Existence Eternelle,cest la forme abrge de hayah, hoveh,veyiheyeh, qui signifient que Son exis-tence embrasse totalement le pass, leprsent et lavenir infini. Dieu estExistence et le monde est soutenu parLui qui, dans Sa Bont, renouvelle lacration chaque jour, continuellement(Office du Matin). Ainsi, Dieu nest-Il

    pas seulement le Crateur (Elohim) maisaussi le Sustentateur (Havayah).

    Mamonide ouvre son magnum opus, leMichn Torah, par la formulation dupremier Article de Foi. Le fondementessentiel et le pilier de toute sagesse estde savoir quexiste un Etre Primordial,matzou richon, qui a amen tout exis-tant tre. Et toute existence, dequelque ordre quelle soit, ne tire son

    existence que de la vri-table source de touteExistence (Hil.YessodeHatorah 1 : 1).Il est intressant de noterque Mamonide vitedutiliser les termesemploys par la Biblepour la cration, bor,nivra et beriah, leur pr-frant les termes mat-zou, mamtzi et nimtza.Pourquoi cette videnteprdilection pour destermes philosophiquescontemporains plutt

    que pour la terminologie biblique?Apparamment, Mamonide estime queberiah et ses drivs peuvent tre trom-peurs; ils pourraient suggrer quil nyeut quun seul acte de cration divineen un seul et unique moment, aprslequel Dieu Se serait dtach du monde.En arrivant cette conclusion, cest toutle Judasme, la Torah et les Mitzvot quiseffondreraient ! Les termes matzou oumamtzi, nanmoins, tablissent claire-ment que Dieu continue de veiller, desinquiter et de soutenir le monde etque son existence continue est contin-gente la Sienne.

    En effet, la combinaison de chacune despremires lettres des quatres premiersmots de la formulation de Mamonide-Yessod Hayessodot, Veamoud

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  • OROTLE FRUIT ET L ARBREtravail devient une corve. Le faiblereflet de son but est la seule chose quile retient.

    Cest dans cette situation que le RavKook voit le rsultat de la faute de laTerre. Dans la parabole le Fruit cest lebut, le got correspond linspiration etlarbre reprsente les moyens de raliserle but.

    A lorigine, les moyens darriver au buttaient supposs tre remplis des mmessens de plaisir et dinspiration que lersultat final. La satisfaction de la finpntrait le processus qui y menait.Cependant, le pch de la Terre tait degarder toute linspiration dans le but,laissant aux moyens un got insipide.

    Mais chaque dfaut est destin trerpar. Ainsi nous sommes assurs quele jour viendra o la Cration retournera son tat originel, et larbre aura legot du fruit. Alors la terre se repentirade sa faute et il ny aura plus dobs-tacles aux dlices de la lumire idale,qui sera soutenue par des moyensappropris sur la voie de la ralisation etstimulera son mergence de potentialitvers la ralit. (1)

    Il y a un espoir pour le monde malgrla faute de la terre. Le Rav Kook dit quechaque faute tt ou tard sera rpare,mme celle de la terre. Aujourdhui dj,nous commenons voir les dbuts dece Tikkoun (rparation).

    Les hommes idalistes qui prouvent leplaisir de la finalit dans les moyens ser-vent dexemple. Il y a 15 ans, jtais undes membres fondateur de la ville dOfra.Nous avions commenc dans un campe-ment de baraquements provisoires.Toute la journe nous faisions des tra-vaux extrmement durs, afin de poserdes cltures sur les montagnes environ-nantes. Mes compagnons avaient le feudans leurs yeux. Chaque mtre parcouruavait autant de signification pour eux

    tuelle, nous nous emplissons dune cer-taine sensation dallgresse et de joie.Imaginons que nous sommes le GrandPrtre entrant dans le Saint des Saints Yom Kippour. Ce serait srement uneexprience trs enrichissante. Mais noussavons tous quil nest pas si facile dat-teindre ce niveau de spiritualit. La pr-paration ncessaire est norme. Et cestprcisment pendant ce processus deprparation fastidieux quil est si facilede perdre linspiration reprsente par lebut atteindre.

    Par exemple, imaginez un professeurqui sort de luniversit. Il est plein derves dducation des jeunes de classessociales dfavorises, voulant fourniraux enfants une chance de russir dansce monde. Mais ds le dbut il estconfront aux ralits pnibles etbanales de lenseignement. Les copies corriger sentassent sur son bureau. Son

    Dans ce passage, le Rav Kook traitedu clbre midrach (2) o il estquestion de la faute de la Terre pendantles Six Jours de la Cration. Au troisi-me jour, le Saint, bni soit-Il ordonna :Que la Terre produise des vgtaux ...des arbres-fruits, portant des fruits. La terre a dsobi lordre originel etna produit que des arbres qui donnentdes fruits. Dans les yeux des Sages, laterre a faut en ne produisant pas desarbres-fruits. Quels sont donc , cesarbres dont lcorce et les branchesavaient eux-mmes un got de fruit ?Nous connaissons uniquement les arbresdont lextrieur brun est employ pourle bois de chauffage, tandis que seul lefruit offre un bon got.

    Ce midrach nous intrigue. Commentdes objets inanims peuvent-ils fauter ?Est-ce que la terre a le libre-arbitre,comme lhomme, de se rvolter contreson Crateur ? Dans une de ses lettres,le Rav Kook explique que le midrachemploie le mot faute pour dcrire undfaut de la nature. Ce dfaut, quisemble tre un phnomne naturel, estle sujet dont le Rav Kook faisait men-tion prcdement.

    Le Rav Kook explique le midrach parune parabole : Nous connaissons tous le phnomne

    qui veut que lorsque lon contemplequelque chose dune haute nature spiri-

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    P A R L E R A B B I N H I L L E L R A C H M A N I ( A D A P T P A R S I M M Y M I R V I S )

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    Au dbut de la Cration il tait destin que larbre ait lem