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Démographie : plus de médecins... moins d'accès aux soins Le journal de la 15 mai 2018 • n°1306 ISSN : 0399-385X Portrait Dominique Engalenc : un médecin intergénérationnel page 6 Rencontre Patrick Bouet, président du conseil national de l'Ordre des médecins page 4

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Démographie : plus de médecins...

moins d'accès aux soins

Le journal de la 15 mai 2018 • n°1306

ISSN : 0399-385X

PortraitDominique Engalenc :un médecin intergénérationnelpage 6

RencontrePatrick Bouet, président du conseil national de l'Ordre des médecinspage 4

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Le Médecin de France n°1306 • 15 mai 20183

sommaire

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L ’accord signé le 26 avril dernier entre la FNMR et la CNAM (avec l’implication de la CSMF),est sans aucun doute un accord qui dépasse les frontières de la radiologie pour intéresser l’ensemble des spécialités en médecine libérale (médecins généralistes inclus).

En effet, depuis plusieurs mois, la CSMF milite auprès du directeur de la CNAM afin que le concept de pertinence se superpose aux baisses tarifaires décidées de manière unilatérale par la Caisse.Le directeur de la CNAM, Nicolas Revel, vient enfin de donner son feu vert à cette idée basée sur la confiance, qui permettra la mise en œuvre d’une démocratie participative où l’Etat, les médecins et les patients géreront au quotidien (par leurs comportements) le devenir des finances de la Sécurité Sociale.Pour nous médecins, quelles que soient nos spécialités, c’est l’engagement de faire encore plusde pédagogie, auprès de nos patients, afin que la non-prescription de certains actes ne soit pas vécue comme une médecine au rabais.

Pour la CNAM, la pertinence, c’est plus de communication auprès des patients afin qu’ils ne soient plus des « consommateurs santé » exigeant tout « parce que j’y ai droit ». Mais c’est surtout un investissement à long terme car pour mesurer les effets escomptés, il faut du temps…La pertinence est aux finances de la Sécurité Sociale, ce qu’est la prévention à la santé, une grande idée qui peut tout changer.

Dr Jean-Paul Ortiz,président de la CSMF

La pertinence, investir aujourd'hui pour gagner beaucoup demain

4. Rencontre Patrick Bouet : président du Conseil national de l'Ordre des médecins

6. Portrait Dominique Engalenc : un médecin intergénérationnel

7. L'événement Radiologie : un accord moderne, des perspectives politiques clé

8. Dossier Démographie : plus de médecins...moins d'accès aux soins

12. Actu en bref L'actualité de la médecine

13. Produits de santé Actualités

14. À la loupe Accès aux soins : un zonage perfectible

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Ses trois idées fortes• « La dictature de l’économie et de l’équilibre budgé-taire ont profondément désorienté les professionnels de santé. » Pour lui, la mission de service public assurée par les médecins doit être valorisée.

• « Il faut laisser aux acteurs de terrain la faculté de s’organiser comme ils l’entendent à l’échelle des terri-toires. » L’article 51 ne doit pas aboutir à la conception de modèles imposés par les pouvoirs publics.

• « Le XXIe siècle sera fatalement éthique. » La réflexion doit être constante et continue, alors que l’accéléra-tion du progrès est porteuse d’espoirs mais aussi de risques.

Patrick Bouet, président du Conseil national de l’Ordre des médecins

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Investir pour préserver un système solidaire

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Vous venez de publier un livre à charge contre le pilotage du système de santé (*), tous gouvernements confondus. Vous dénoncez notam-ment la dictature de l’économie et des objectifs de redressement budgé-taire ?

En effet, je considère qu’à partir de 1974, tous les pouvoirs en place ont affiché la même volonté : parvenir - et souvent sans succès - à l’équilibre des comptes. Les préoccupations budgétaires l’ont emporté sur les impératifs sociaux, elles se sont traduites par une hypercentrali-sation de la décision et par une hyper-réglementation. Au passage, on a oublié les fondamentaux : la santé est un pilier de la bienfaisance républicaine, un bien essentiel qui justifie les investissements nécessaires pour le moderniser, au même titre que l’Education nationale. Entend-on des voix aujourd’hui s’élever pour exiger que les dépenses d’éduca-tion soient à l’équilibre ? Bien sûr, je ne dis pas qu’il faut dépenser sans comp-ter, ni que la régulation n’a pas lieu d’être. En revanche, j’estime que le leit-motiv de la rationalisation économique a considérablement désorienté le rôle et les missions des professionnels de santé. Ils se sentent constamment remis en cause dans leurs métiers et leurs sa-voirs. Il en résulte une souffrance réelle au quotidien pour une part d’entre eux. A l’occasion de la consultation nationale que nous avions menée auprès des mé-decins en 2015, 91% estimaient que leur mission de service public est mal recon-nue. 97% dénonçaient l’accumulation des contraintes administratives et 98% réclamaient plus de temps pour le soin. Et enfin 74% se disaient pessimistes sur l’avenir de leur profession.

Parmi les solutions, vous insistez sur l’impératif de la pertinence des soins et la promotion de la qualité. N’est-ce pas justement au cœur de la feuille de route d’Agnès Buzyn ?

Il est clair que la ministre de la santé, par son parcours professionnel, par les convictions qu’elle affiche, ne porte pas la même vision que ceux qui l’ont pré-cédée. Elle connait bien les forces et les failles du système de santé, elle entend agir pour placer l’exigence de qualité au

cœur de son programme d’action. Plus nous avançons, plus le consensus est large, mais cela ne se traduit pas dans les actes. Quand allons-nous enfin dépas-ser la phase de concertation pour entrer dans celles des solutions ? Au même titre que d’autres institutions, l’Ordre des médecins milite pour la pertinence des soins et la qualité des pratiques depuis plusieurs années. Je note par exemple que la question de la recerti-fication, qui suscitait la polémique il y a encore quelque temps, est aujourd’hui admise comme un thème de travail col-lectif. Il n’est plus possible d’espérer exercer la médecine sans un accompa-gnement en continu des connaissances et des savoir-faire. Au-delà, l’effort en matière de formation doit être consé-quent. Il faut réformer en profondeur les études de médecine, en diversifiant les profils de recrutement, en ouvrant davantage les contenus enseignés sur les réalités sociétales, en supprimant la loterie des ECN et en multipliant les ex-périences en médecine de ville. Quant à la formation continue, elle doit ré-pondre à une exigence : en finir avec la concurrence des savoirs et promouvoir le partage, notamment avec les patients.

Vous insistez également sur la néces-sité de s’appuyer sur les initiatives portées par les acteurs de terrain, à l’échelle des territoires de santé… L’article 51 de la LFSS 2018 pourra-t-il y contribuer ?

Il y contribuera, d’autant que ces pro-fessionnels, aujourd’hui, veulent agir ensemble pour mieux répondre à la demande de soins de la population. Il existe une opportunité historique à saisir. Tous les acteurs n’en peuvent plus du fonctionnement en silo. Ils de-mandent à travailler sur un mode coo-pératif et se disent prêts à partager leurs pratiques. Mais ils souhaitent rester maîtres des modalités d’organisation, qui pourront varier fortement d’un ter-ritoire à l’autre, en fonction de critères démographiques, des spécificités de la demande de soins ou même de l’im-plication des différents acteurs. L’ar-ticle 51 offre de réelles opportunités, en permettant des mesures dérogatoires sur le plan organisationnel ou tarifaire. Cela étant, l’exécutif prévoit déjà que

seulement trois à cinq modèles de-vront émerger de ces expérimentations. Cela voudra-t-il dire qu’en dehors de ces modèles, rien ne sera possible ? Il faudra prendre garde à ce que la tech-nostructure ne s’empare du sujet. A dé-faut, le risque est réel de décourager les bonnes volontés.

Faut-il investir davantage, alors que la France fait partie des pays qui dé-pensent le plus pour la santé ?

La question se pose moins en termes de moyens, même si je crois nécessaire de mieux rémunérer les médecins, que de finalités. Voulons-nous préserver la force du modèle français, basé sur la solidarité et l’universalité ? Alors il faut investir, notamment pour améliorer l’accès aux soins. Il faut également s’en-gager davantage dans la démocratie sa-nitaire et construire une vraie politique de prévention, au-delà des annonces médiatiques et du catalogue de bonnes intentions. Cela demande également d’investir, notamment dans la méde-cine scolaire et la médecine du travail, mais également dans la promotion de nouvelles pratiques pour l’ensemble des soignants.

Vous concluez votre livre en affir-mant que le XXIe siècle sera éthique. Qu’entendez-vous par là ?

Les défis posés par la révolution thé-rapeutique et technologique sont considérables. Mais ils sont moins techniques qu’organisationnels et éthiques. Que faire en effet face aux promesses extraordinaires offertes par la machine ? Comment s’assurer que l’humain conservera la maîtrise des technologies numériques ? Le progrès médical nous interpelle également sur des questions de société fondamen-tales, comme la PMA, le droit à mourir ou le don d’organes. Quelles limites poser à ces pratiques, dès lors qu’elles viennent interroger les valeurs pro-fondes de notre société ? La réflexion éthique doit être en perpétuel mouve-ment, afin de ne pas se laisser distancer par la science.

(*) Santé : Explosion programmée, Editions de l’Observatoire, 178 pages, 17 euros.

Installé en Seine-Saint-Denis, Patrick Bouet est le premier généraliste à présider l’Ordre des médecins. Elu pour la première fois en 2013, il a souhaité moderniser l’institution et mieux l’intégrer aux grands débats sur le système de santé. En publiant le livre « Santé : Explosion programmée », il livre un diagnostic sans concession sur la conduite actuelle de la politique sanitaire.Rencontre

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portrait

Dominique Engalenc se pose en fervent défenseur d’un exercice libéral aujourd’hui menacé. Au-delà de ses fonctions médicales, il s’implique activement dans la formation initiale pour mieux préparer l’avenir. Il pose les conditions d’une réforme aboutie de l’offre de soins, dans sa dimension territoriale et interprofessionnelle.

ORL de formation, Dominique Enga-lenc s’est installé à Bourges à 1985. « Une opportunité professionnelle,

conjuguée à un choix familial », affirme-t-il. Tout au long de sa carrière, il aura partagé son temps entre son cabinet libéral et la clinique Guillaume de Varye, au gré des aléas de son activité. « J’effectue mes consul-tations en ville et je pratique mes interventions à la clinique, en fonction des plages opératoires disponibles », précise-t-il.

Libéral dans l’âme, il a choisi ce mode d’exercice par conviction. Il voulait être son propre patron et rester maître de sa destinée. S’il a longtemps exercé seul, il aura également collaboré avec un associé pendant près de quatorze ans.

Agir sur la formation initialeDès le début de sa carrière, Dominique Engalenc s’est employé à défendre les in-térêts de sa profession. Séduit par sa di-mension pluri-catégorielle et sa vision de l’exercice libéral, il choisit spontanément d’adhérer à la CSMF. « Il me paraissait im-portant de bâtir des passerelles et de partager des projets communs toutes les autres spéciali-tés, dont la médecine générale. Les probléma-

tiques sont souvent interdisciplinaires. Elles le seront de plus en plus », commente-t-il. Longtemps militant, il héritera de la pré-sidence de la CSMF 18 en 2005. Il repré-sente aussi la région Centre au sein du co-mité directeur de l’UMESPE et du Conseil confédéral depuis de nombreuses années.

Vice-président de l’URPS ML Centre lors de la précédente mandature (2011-2016), il est aujourd’hui responsable de la commission formation médicale pour le compte de la nouvelle URPS ML Centre-Val-de-Loire. Il participe par ailleurs à la commission permanente de la Conférence Régionale de la Santé et de l’Autonomie (CRSA). Il est également président du Conseil territorial de santé du Cher (25). « Créées par la loi Touraine, ces structures locales réunissent tous les financeurs, les of-freurs de services de santé, les collectivités territoriales et les usagers. Elles ont notam-ment pour objectif de renforcer la démocratie sanitaire, dans une logique participative », rappelle-t-il. En tant que représentant des médecins libéraux dans diverses com-missions avec l’ARS et la Faculté, il alerte régulièrement les instances sanitaires sur toutes les questions relatives à l’accès aux soins et à la formation initiale. Il est éga-lement membre du conseil départemental et régional de l’Ordre des médecins, ainsi que délégué régional du SNORL*.

Accompagner la réforme de l’offre de soinsSelon Dominique Engalenc, l’exercice li-béral se situe à un carrefour de son exis-tence. « Nous manquons de visibilité et de sécurité. Les orientations choisies par les pou-voirs publics ne nous permettent pas d’envi-

sager l’avenir avec sérénité. L’organisation de l’offre sanitaire doit être rénovée et restructurée en profondeur », clame-t-il. Il considère la territorialisation des soins comme une op-portunité, mais il demeure méfiant quant à ses possibles déclinaisons. Il pose les conditions d’une réforme aboutie : « Les médecins spécialistes devraient pouvoir gérer leur cabinet comme une entreprise, mais ils n’ont pas les moyens de le faire. Le volume d’activité, même élevé, ne permet plus de com-penser le poids croissant des charges qui pèsent sur l’entreprise libérale », souligne-t-il. Re-valorisation des consultations, suppres-sion de tout ou partie des charges, aides fiscales, création de corps intermédiaires sous contrôle médical, rémunération du temps consacré à la gestion des projets : les leviers existent. Ils n’ont pas encore été actionnés.

Crise de la démographie médicale oblige, la prise en charge des patients nécessite une approche plus transversale. « Nous de-vrons apprendre à travailler avec d’autres pro-fessionnels de santé, sous toutes les formes de regroupements existantes, mais les médecins libéraux devront conserver le pilotage de la coordination des soins », prévient-il. Dernier prérequis et non des moindres, il faudra naturellement restaurer l’attractivité de la médecine libérale, notamment auprès de la jeune génération. « Nous manquons cruellement de postes d’internes et d’ensei-gnants en région Centre, ce qui ne facilite pas les nouvelles installations dans notre territoire », regrette-t-il.

(*) Syndicat national des médecins spécialisés en ORL et chirurgie cervico-faciale (SNORL).

Dominique Engalenc : un médecin intergénérationnel

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l'événement

Le plan de maîtrise des dépenses de radiologie signé fin avril entre dans le champ politique de la pertinence des soins, portée par Agnès Buzyn. Reste à présent à le mettre en appli-cation sur le terrain.

Qualifié d’historique, l’accord signé entre la CNAM et la FNMR, le 26 avril dernier, ouvre-t-il une nou-

velle période plus constructive entre les pouvoirs publics et les syndicats de médecins ? De fait, on notera que les deux principaux protagonistes ont valo-risé la communication de l’événement, en publiant une vidéo conjointe sur les réseaux sociaux. « C’est la première fois depuis dix ans que la FNMR obtient un plan de maîtrise médicalisée des dépenses, axé sur un objectif clair de pertinence des soins, s’y félicitait Jean-Philippe Mas-son, président de la FNMR. Il rejoint nos préoccupations en termes de qualité des pratiques professionnelles. » « C’est un nou-veau type d’accord, qui contient à la fois de nécessaires mesures d’ajustement tarifaire, mais également un engagement innovant en matière de pertinence et de qualité des soins, expliquait pour sa part Nicolas Revel, directeur général de la CNAM. Il doit d’ailleurs inspirer les futurs accords que nous pourrons conclure avec d’autres professionnels de santé. Plutôt que d’agir systématiquement sur la régulation par les tarifs, la maîtrise des volumes devra être privilégiée, pourvu qu’elle corresponde à une meilleure prise en charge des patients sur le plan scientifique. »

Réduire les radios pour mal de dosDans le détail, à quoi s’engagent les radiologues, et qu’obtiennent-ils en échange ? La part de l’accord relevant

de la pertinence des soins représente environ 60% du total des économies demandées, soit 207 millions d’euros sur trois ans. « Il s’agit pour nous de ré-duire de près de 10% les radiographies du rachis lombaire en cas de mal de dos, car une partie d’entre elles ne sont pas perti-nentes, indique Jean-Philippe Masson. Nous devrons également faire un effort sur le recours aux radios du crâne et du tho-rax. » Les actes réalisés sur le rachis lombaire représentent 500 millions d’euros par an, par rapport aux 4,7 mil-liards d’euros de dépenses globales d’imagerie. A ces économies directes en volume d’actes, la CNAM compte également ajouter un effort particulier sur l’utilisation de produits de contraste. En ce qui concerne les adaptations tarifaires, certains actes seront réajus-tés, par exemple les radiographies de membres selon plusieurs incidences. Au total, le plan de maîtrise de dé-penses représentera 167 millions d’eu-ros sur trois ans pour les cabinets de radiologie.

L’article 99 en ligne de mireEn contrepartie de leurs engagements, les radiologues obtiennent deux com-pensations jugées essentielles par leur organisation professionnelle. D’abord, le Z fait son retour : ce modificateur, qui vise à tenir compte des dépenses d’investissement des cabinets, avait été supprimé. Surtout, et uniquement en cas de réussite du plan, la CNAM demandera au gouvernement la sup-pression de l’article 99, ce dispositif in-troduit dans la LFSS 2017 et qui donne le droit à l’assurance maladie de bais-ser les tarifs unilatéralement. Effectif en décembre 2020 pour la LFSS 2021, l’article 99 ne sera pas utilisé d’ici là, promet la CNAM. Mais cette mesure

doit encore faire l’objet d’une lettre d’engagement de la part du gouver-nement. En tous les cas, cette annonce faite par la FNMR pourrait, dès le 26 mai prochain à l’occasion d’une AG extraordinaire, inciter la CSMF à si-gner l’avenant télémédecine, et donc à entrer officiellement dans la conven-tion médicale. En attendant, la FNMR s’emploie à présent à convaincre les ra-diologues de s’impliquer dans l’accord. « Nous avons prévu un large programme d’information et de formation, pour rap-peler à nos confrères que les radiographies lombaires ne sont pas utiles en phase aigüe du mal de dos, précise Jean-Philippe Masson. Et nous leur rappellerons égale-ment qu’au cas où les économies dégagées seraient supérieures à l’objectif fixé, nous partagerions les bénéfices avec l’assurance maladie. »

Radiologie : un accord moderne, des perspectives politiques clé

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ossier

Une étude de la DREES montre qu’en dépit d’une hausse des effectifs médi-caux, les difficultés d’accès aux soins s’accroissent, notamment parce que le nombre de généralistes en activité di-minue. Un facteur quantitatif aggravé par d’autres paramètres, comme la pro-portion croissante de médecins salariés et le vieillissement du corps médical.

DQui sont les médecins qui exercent en 2018 ? Combien sont-ils, quelle est leur moyenne d’âge, comment

se répartissent-ils sur le territoire ? Le thème de la démographie médi-cale est régulièrement abordé dans le cadre d’études statistiques. La tension chronique en matière d’offre de soins, dans de nombreux territoires ruraux ou dans les petites villes, mais aussi dans les zones périphériques des grandes agglomérations ou dans les cités ré-putées difficiles, est quotidiennement traitée dans la presse locale. Le départ en retraite de médecins généralistes, dans des villages marqués par l’exode rural, est souvent présenté comme un drame pour la population. Les maires déploient les grands moyens pour faire venir de nouveaux praticiens, sans toujours y parvenir. La France est-elle sur le point de devenir un vaste dé-sert médical ? Pourtant non, comme le prouvent les derniers travaux de la DREES, l’organisme affilié au ministère

de la santé et qui publie de nombreuses études sur ce sujet. Le 3 mai dernier, elle rendait publique une enquête dont le titre atteste même de la réalité statis-tique : « 10 000 médecins de plus depuis 2012 ». Mais, derrière le chiffre glo-bal, se cachent de fortes disparités qui montrent que les difficultés d’accès aux soins sont d’abord liées à la probléma-tique générale de l’aménagement du territoire.

10 000 médecins de plus en cinq ansCôté effectif, d’abord, le desserrement progressif du numerus clausus depuis quinze ans produit des effets quan-titatifs non négligeables. On compte en effet 226 000 médecins en activité au 1er janvier 2018, dont 45% de mé-decins généralistes (103 000) et 55% de spécialistes (123 000). Sur le plan du statut, 57% sont libéraux (50% des spécialistes et 66% des généralistes). 46% sont exclusivement libéraux et 12% ont un exercice mixte. Enfin, 44% exercent tout ou partie de leur activi-té à l’hôpital. Comme l’indique le titre de l’étude, il n’y a pas aujourd’hui de pénurie médicale sur l’ensemble de l’effectif, puisque 10 000 médecins de plus exercent, soit une progression de 4,5% depuis 2012. La densité n’est pas non plus en cause, puisqu’elle a aug-menté dans une moindre mesure en cinq ans (+ 1,5%). En revanche, si l’on regarde dans les détails, c’est là que le bât blesse. La démographie des géné-

ralistes (+ 0,7%) a quasiment stagné, tandis que celle des spécialistes a notoi-rement augmenté (+ 7,8%). Les chiffres montrent par ailleurs la baisse d’attrac-tivité du statut libéral, que les organi-sations professionnelles ne cessent de dénoncer : la proportion de libéraux n’a pas évolué (+ 0,04%), alors la part des salariés explose (+11,1%). La part des libéraux augmente certes chez les spécialistes, mais elle est compensée par une baisse chez les généralistes (-2%). Quant aux spécialistes salariés, leur progression est très soutenue, avec 13,9% de praticiens en plus en cinq ans.

Des facteurs d’inégalité d’accès aux soinsSi la dynamique de progression du corps médical est positive, donc, elle s’effectue au détriment des généra-listes libéraux. A ce phénomène sta-tistique s’ajoutent d’autres probléma-tiques qui illustrent les tensions pour accéder à un médecin traitant dans de nombreux territoires. La DREES note en effet que 63% des nouveaux instal-lés en 2017 sont salariés, alors qu’ils ne sont que 43% chez les praticiens déjà installés. Et les deux tiers de ces nouveaux venus exercent en tant que remplaçants. De fait, la durée moyenne d’exercice en tant que remplaçant ne cesse d’augmenter, ce qui prouve les hésitations chez ces jeunes praticiens à se lancer dans l’aventure de l’installa-tion. Autre facteur aggravant pour l’ac-

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cès aux soins, la moyenne d’âge s’élève. Elle est de 51,2 ans ; 30% des médecins ont désormais plus de 60 ans et même 47% d’entre eux ont plus de 55 ans (18% parmi les cadres et professions intel-lectuelles). Une donnée à croiser avec d’autres études, qui montrent qu’après 60 ans, la durée moyenne d’exercice hebdomadaire tend à décroître. Par ail-leurs, les vagues de départs en retraite, pour ces praticiens formés à l’époque du numerus clausus élevé, s’annoncent massives dans les cinq ans à venir. En-fin, la DREES rappelle que 11% des mé-decins exerçant en France ont obtenu

leur diplôme à l’étranger, mais les trois quarts d’entre eux sont des spécialistes.

L’étude de la DREES confirme par ail-leurs un mouvement connu depuis deux décennies : la féminisation du corps médical se poursuit. Au total, les femmes représentent 46% des méde-cins en activité, mais elles sont majori-taires chez les moins de 60 ans. Si elles sont moins représentées chez les libé-raux (38%), elles sont malgré tout plus nombreuses dans cette catégorie pro-fessionnelle chez les moins de 50 ans. Si l’on regarde dans le détail la popu-

lation des nouveaux inscrits au Conseil de l’Ordre (8600), on constate que 59% d’entre eux sont des femmes.

L’APL, un indicateur spécifique Sur le plan géographique, cette hausse des effectifs globaux permet-elle de réduire les disparités d’accès aux soins ? Non, même si, selon la DREES, elles n’ont pas varié d’un départe-ment à l’autre depuis les années 80 (16 à 18% en 2016 contre 20% en 1983). Mais, comme le rappelle l’organisme, les comparaisons entre départements

ne sont pas pertinentes. Aujourd’hui, c’est au plan infra-local, à l’échelle des bassins de population, que les dispa-rités peuvent être les plus marquées. Pour les mesurer, la DREES et l’IRDES ont conçu un indicateur, l’Accessibili-té potentielle localisée (APL), qui tient compte de l’activité de chaque médecin, de l’âge de la population et des temps d’accès entre commune de résidence du patient et commune d’exercice du médecin. Il se lit comme « une densité médicale par habitant à caractéristiques standardisées, au niveau communal ». A titre d’exemple, entre deux communes avec la même offre de soins, celle qui a la population la plus âgée aura un APL moins élevé. Que nous dit cet APL sur les inégalités géographiques ? D’abord, 98% des Français peuvent accéder en moins de dix minutes à un généraliste. Mais cela ne veut pas dire qu’ils pour-ront être reçus !

5,7 millions de personnes en zones sous-densesL’APL permet d’établir ainsi que les Français ont accès en moyenne à 4,1 consultations par an et par habitant. La

moitié ont accès à plus de 4 consulta-tions par an et un quart à plus de 4,9 consultations par an. A contrario, les 10% les plus défavorisés n’accèderont qu’à 2,7 consultations par an et par habitant. La DREES indique que « la distribution des temps d’accès au médecin généraliste est similaire à celle observée pour les principaux services de la vie courante ». A partir de quel niveau moyen peut-on considérer que la po-pulation souffre de difficultés d’accès aux soins ? La DREES ne se prononce pas, mais elle observe qu’en prenant le seuil de 2,5 consultations par an et par patient, « près de 5,7 millions de personnes vivent dans une commune sous-dense en 2016, soit 9142 communes. En détaillant la carte, on découvre que « c’est dans les communes rurales périphériques des grands pôles urbains et dans les communes hors d’influence des pôles que la part de la population vivant en zone sous-dense est la plus importante. » Mais des zones urbaines sont également touchées : un quart de la population habitant dans une commune sous-dense en médecins généralistes vit dans un pôle urbain, dont près de 18% dans l’unité urbaine de Paris.

Agir pour le monde libéralQuels enseignements politiques tirer de ce panorama statistique ? D’abord, il est urgent et essentiel d’agir pour améliorer l’attractivité de la médecine libérale auprès des jeunes générations, en multipliant les stages en cabinet, en facilitant les installations, en assou-plissant les statuts professionnels et en améliorant les revenus et les conditions d’exercice. Ensuite, tout doit être fait pour permettre aux praticiens d’exer-cer sur un mode coopératif, entre eux et avec les autres professionnels de santé, à partir d’un projet de santé qui prenne en compte ces difficultés géo-graphiques d’accès aux soins pour les populations les plus vulnérables. Enfin, ce n’est pas par la coercition, comme le souhaitent certains parlementaires, qu’on réduira la fracture médicale ter-ritoriale. La bonne répartition des ef-fectifs médicaux, fondée sur l’incitation à l’installation, doit s’intégrer dans une stratégie plus large de rééquilibrage entre les territoires.

Démographie : Plus de médecins...moins d'accès aux soins

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Dossier

Infirmiers :53% de professionnels en plus en 2040Selon la DREES, la France pourrait compter 881 000 infirmiers en 2040, soit une hausse de 53%. En parallèle, les besoins de la population vont exploser en raison du vieillissement.

Les infirmiers ont fortement progressé entre 2000 et 2017, soit + 70%. Ils sont au-jourd’hui plus de 600 000 en activité, ce qui en fait de loin la première population professionnelle du secteur de la santé. Un phénomène qui s’explique à la fois par la hausse des quotas d’étudiants admis entre 2000 et 2003, mais aussi par l’allongement des carrières lié à la réforme des retraites de 2010. Mais le mouvement n’est pas près de s’arrêter : la DREES, en réalisant ses projections à partir de la législation ac-tuelle, prévoit que les effectifs devraient augmenter de 53% entre 2014 et 2040. Un scénario médian, entre une hypothèse de réduction des quotas d’étudiants (-10% équivaudrait à 51 000 infirmiers en moins en 2040) et un scénario haut (tenant compte d’un allongement des carrières et de cessa-tions d’activité décalées d’un an) avec 1% d’effectifs en plus du chiffre initial dans 20 ans.

Forte hausse de la demandeAu passage, les statisticiens de la DREES prédisent une modification des statuts

professionnels. En 2040, la plus grande partie des infirmiers devraient exercer à l’hôpital (44%, soit l’équivalent des effectifs actuels). Et la proportion d’infirmiers libé-raux devrait passer de 14% en 2014 et 23% en 2040. Ce sont les infirmiers n’exerçant ni en établissement (hôpital ou EHPAD) ni en ville, par exemple en centres de san-té ou en établissements pour personnes handicapées qui verraient leurs effectifs fondre de 23 à 12%. Une évolution liée aux métamorphoses de la demande de soins : le vieillissement va en effet considérable-ment impacter leur rôle dans le suivi des patients. La DREES rappelle en effet que 15% de la population aura plus de 75 ans en 2040, contre 9% aujourd’hui. Or « cette classe d’âge consomme 27 fois plus de soins infirmiers que les moins de 65 ans », calcule-t-elle. A partir de cette donnée, l’étude es-time que « les besoins de soins augmenteraient légèrement plus que les effectifs infirmiers. » Faudra-t-il alors revoir les quotas d’étu-diants pour adapter offre et demande ? Une décision délicate, alors que ces projec-tions ne tiennent pas compte de nombreux paramètres, comme les collaborations in-terprofessionnelles, l’évolution de l’espé-rance de vie en bonne santé ou encore le progrès médical.

Médecine libérale :Un outil en ligne pour prévoir la démographieVous souhaitez savoir quelle pourrait être la démographie médicale dans le bassin de vie où vous exercez dans les années à venir ? La DREES a conçu un outil en ligne :

dataviz.drees.solidarites-sante.gouv.fr qui propose des projections d’effectifs et de densités de médecins. L’utilisateur sélectionne un jeu d’hypothèses de projections parmi 30 combinaisons possibles. Cinq niveaux de numerus clausus sont ainsi accessibles, de même que l’âge moyen de cessation d’activité ou le flux de diplômés étrangers. Il faut également choisir une catégorie de médecin (spécialité, tranche d’âge, sexe, mode d’exercice), ainsi que des tableaux ou des cartes. L’application peut être utile pour les futurs installés, ou pour eux qui envisageraient de changer de région ou poursuivre une activité à temps partiel au moment de la retraite. Bien entendu, la limite de ce type d’outils est qu’il fonctionne « toutes choses égales par ailleurs ».

Démographie : Plus de médecins...moins d'accès aux soins

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Dossier Démographie : Plus de médecins...moins d'accès aux soins

Territoires :Quand le départ du médecin traumatise la populationPas une journée ne se passe sans que la presse locale ne se fasse l’écho de la progression des déserts médicaux. Florilège d’histoires qui témoignent du désarroi des populations.

Départ à la retraite du dernier médecin du village, échec du projet de maison de santé, renoncement du médecin étranger installé à grands frais par la commune… A longueur d’éditions, les titres de la presse quotidienne régionale arpentent les terri-toires, en quête d’histoires à faire pleurer dans les chaumières. Derrière ces drames de la désertification médicale, on trouve d’abord des praticiens qui font le maxi-mum pour ne pas abandonner leurs pa-tients.

Corrèze : 40 ans sans fermer son cabinetA Beaulieu-sur-Dordogne, le journal La Montagne fait le portrait de Pierre Gou-deaux, un généraliste de 64 ans qui a an-noncé, la mort dans l’âme, sa décision de partir à la retraite en fin d’année. « Cela fait 40 ans que j’exerce dans le village, à soi-gner plusieurs générations. Je n’ai jamais fer-mé le cabinet, mais cette année, je n’ai plus de remplaçant. » Pourtant, plus d’une centaine sont venus l’épauler, durant huit semaines par an. Même si sa décision est prise, il ne laissera pas derrière lui ses 800 patients sans solution. « Une jeune femme est intéres-sée, mais il y a le problème de l’emploi pour son conjoint, qui est infirmier. Et puis elle a reçu 107 réponses à sa demande d’installation ! » A défaut de confier les clés de son cabinet, il place ses derniers espoirs dans un pro-jet de maison de santé pluriprofession-nelle, qui devrait voir le jour en 2019. « J’ai confiance en la jeune génération. Mon meilleur argument pour convaincre, c’est ma condition : je suis un médecin heureux. »

Bretagne : une ZAD médicaleEn Ille-et-Vilaine, Le Quotidien du Méde-cin se fait écho de la colère des profession-nels de santé de Couesnon-Marches-de-Bretagne. Motif : alors qu’ils exercent dans un pôle de santé créé en 2009, ils contestent la décision de l’ARS, qui veut supprimer le statut de zone d’intervention prioritaire. Elle prend prétexte du départ en retraite de deux des six médecins, d’ici à 2019, pour justifier ses intentions. Le problème est qu’un jeune médecin se dit prêt à s’instal-ler, à la condition de pouvoir bénéficier des conditions offertes par le statut de zone d’intervention prioritaire. Avec les élus, les professionnels ont lancé une pétition. Et ils ont décidé de lancer une « zone à défendre » médicale, pour tenter de faire plier l’ARS. Verdict le 3 juin prochain.

Languedoc-Roussillon : Christian Vedrenne monte au créneauLa Semaine du Roussillon, un hebdoma-daire des Pyrénées-Orientales, consacre un sujet à la progression des déserts mé-dicaux, constatant même que la démogra-phie baisse dans des communes comme Argelès et Perpignan. Président de la CSMF du département, Christian Vedrenne rap-pelle quelques vérités dans une interview. « Nous manquons de libéraux, parce que le sta-tut manque d’attrait pour les jeunes, indique-t-il. Et les jeunes médecins n’ont pas envie de travailler 12 heures par jour, ils veulent profiter de leur famille. » Pour lui, « il faut revaloriser la médecine générale, car les différentiels avec l’exercice salarié ont aujourd’hui disparu. » Les patients doivent aussi s’habituer avec les nouveaux modes d’exercice. « Le généraliste corvéable à merci, c’est terminé. » Enfin, face aux projets de MSP qui fleurissent dans le département, il rappelle que « ces projets ne peuvent réussir que s’ils sont pensés et portés par les professionnels. Il faut en finir avec les maisons médicales de Monsieur le maire, sans concertation préalable. »

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IPA :le médecin sera le chef d’orchestreSoumis à concertation depuis plusieurs semaines, les textes d’application instaurant le statut d’Infirmier de Pratique Avancée (IPA) ont été revus, après les pro-testations de plusieurs syndicats médicaux, dont la CSMF. Le pro-jet de décret et les deux arrêtés précisent le périmètre de ce su-per-infirmier instauré par la loi de santé. Sur le fond, les textes affir-ment le rôle central du médecin traitant dans la coordination du parcours de soins des patients éligibles à cette prise en charge, jusqu'ici expérimentale et hos-pitalière. En ville. l'IPA pourra bien exercer « en pratique ambu-latoire au sein d'une équipe de soins primaires coordonnée par le médecin traitant ». Les quatre domaines d'intervention de l'IPA sont re-vus. Le paramédical intervient toujours dans la prise en charge de huit pathologies primaires stabilisées mais aussi dans le champ intitulé prévention et polypathologies courantes en soins primaires. Outre l'oncologie, il peut aussi s'impliquer en héma-to-oncologie et dans la maladie rénale chronique, la dialyse et la transplantation rénale. En re-vanche, le domaine de la santé mentale et de la psychiatrie a été supprimé de la dernière mou-ture de projet de décret. Autre modification majeure : si l'IPA peut toujours réaliser des actes techniques (fixés par arrêté), prescrire des examens complé-mentaires (et désormais des dis-positifs médicaux), renouveler ou adapter des ordonnances en cours ou encore demander des actes de suivi et de prévention, il ne peut plus « interpréter les ré-sultats », responsabilité relevant uniquement du médecin. Enfin, ces IPA devront exercer dans le cadre d'un « protocole d'organisa-tion », précisant les règles de col-laboration entre eux et les prati-ciens, qui doivent le signer avant de le faire connaître à l'équipe

de soins. « Plusieurs de nos amen-dements ont été repris et permettent au médecin de rester le chef d’or-chestre du dispositif » a salué le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération qui reste néan-moins prudent sur la question du modèle économique, loin d’être réglée.

Urgences :le drame de Strasbourg met le feu aux poudres

Le décès d’une patiente de 23 ans, en décembre dernier, après qu’elle ait été éconduite avec mépris par l’opératrice du Samu de Strasbourg, provoque une vague d’émoi sans précédent dans la population. La transcrip-tion de l’échange téléphonique montre en effet l’absence totale d’écoute adaptée, alors que la jeune femme manifestait de vio-lentes douleurs au ventre et la peur de mourir. Elle décédera dans l’après-midi. Ayant expri-mé une profonde colère face au drame, Agnès Buzyn devait re-cevoir les médecins urgentistes dans la semaine du 15 mai pour faire le point sur le dossier des urgences. Un rapport parlemen-taire est par ailleurs en cours, consacré à la prise en charge des soins non programmés. « Nous l'aurons avant l'été et il y aura très vraisemblablement des décisions qui seront prises autour de l'orga-nisation des urgences », a indiqué la ministre. Dans La Croix, Eric Faure, président de la Fédéra-tion nationale des sapeurs-pom-piers de France, plaide pour une réforme du service autour du numéro unique, le 112. Il « per-mettrait de traiter la demande sur deux niveaux : d'abord, une per-

sonne non spécialisée prend l'appel, puis définit la nature du problème et l'endroit où se trouve l'appelant. Ensuite, l'opérateur renvoie l'appel vers un service métier, qui apporte-ra une réponse. Face à des systèmes qui ne marchent pas et qui sont en saturation, nous devrions apporter une autre réponse. Il faut arrêter de réfléchir uniquement en termes d'augmentation de moyens: nous devons aussi penser à nous réorga-niser pour être plus efficaces », in-siste-t-il.

ErratumDans le n° 1304 du Médecin de France, à la rubrique Rencontre, une malencontreuse erreur de maquette s’est produite dans les pages 4 et 5. Des questions erronées ont en effet été posées au président de la Fédération hospitalière de France, Frédéric Valletoux, alors que les réponses qu’il formulait étaient bien celles rédigées par la rédaction. Revoici les bonnes questions, à rapprocher des réponses de Fré-déric Valletoux. A la 1re question, il aurait fallu lire « Dix mois après l’élection d’Emmanuel Macron, comment analysez-vous la situation actuelle à l’hôpital public ? ». La 2e

question devait être « Le gouver-nement actuel a-t-il selon vous une vision claire des transformations à mener à l’hôpital ? », la 3e « Vous avez récemment reçu le rapport Jardry, qui formule 17 propositions pour améliorer les relations entre l’hôpital et la médecine de ville. Qu’en retenez-vous ? », la 4e « Cela veut-il dire que les établissements en-tendent s’engager dans des dispositifs du type article 51 ? Et comment les GHT pourraient-ils se coordonner avec les futures CPTS ? » et la cin-quième « Certains établissements, comme à Maubeuge ou à Wasque-hal dans les Hauts-de-France, ont annoncé des projets de consulta-tions avancées sans concertation. N’est-ce pas en contradiction avec ce que vous préconisez ? ». La di-rection et la rédaction s’unissent pour exprimer leurs plus vives excuses au président de la FHF, ainsi qu’aux lecteurs du maga-zine.

actu en bref

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Produits de santé

Pédiatrie :un nouveau vaccin hexavalentLe laboratoire américain MSD a obtenu le feu vert des autorités, le 30 mars dernier, pour la commer-cialisation en France d’un nouveau vaccin. Vaxelis® est un produit hexavalent, indiqué dès l’âge de 6 se-maines en primo-vaccination et en vaccination de rappel. Il protège les enfants contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, l’hépatite B, la poliomyélite et les maladies invasives à Haemophiluse Influen-zae de type b (Hib). Présenté sous forme de serin-gues pré-remplies, il est muni d’un système luer-lock. Le schéma d’administration préconisé par le calendrier vaccinal français avec deux doses de primo-vaccination à deux et quatre mois suivies d’une dose de rappel à 11 mois a été évalué dans le cadre du plan de développement, de même que la co-administration avec Prevenar 13®. La Haute Autorité de Santé a pris en considération les don-nées d’immunogénicité et de tolérance disponibles pour ce vaccin. Elle considère que Vaxelis® peut être utilisé pour la primo-vaccination et la vaccination de rappel du nourrisson selon les schémas actuels figurant au calendrier vaccinal en vigueur. Vaxelis® combine des antigènes contenus dans des vaccins déjà commercialisés dans le monde et en particu-lier en Europe et aux Etats-Unis. Il est déjà sur le marché en Italie, en Espagne et en Allemagne.

Vaccination :quand l’Europe s’en mêleLa Commission européenne prépare une vingtaine de mesures pour encourager la vaccination. Son projet, rédigé par la direction de la Santé, recom-mande ainsi aux Etats membres de simplifier et d'élargir l'accès à la vaccination dans les endroits les plus facilement accessibles à toute la population, à savoir « les pharmacies, les écoles, et les services de médecine du travail ». Une proposition saluée par Ila-ria Passarani, secrétaire générale du Groupement Pharmaceutique de l'Union Européenne (GPUE). Selon lui, les pharmaciens sont aujourd'hui les mieux placés pour expliquer aux patients l'impor-tance des vaccinations. Il cite ainsi l'exemple de l'Espagne, où les pharmaciens vaccinent contre la grippe, mais aussi contre les maladies des zones

tropicales pour les voyageurs. Le Groupement rap-pelle également que les compétences des pharma-ciens dépassent les seules vaccinations, car ils sont activement associés à la prévention de nombreuses maladies transmissibles dans plusieurs pays. En Finlande par exemple, 90% des officines effectuent des échanges de seringues au profit des usagers de drogues, afin de prévenir les maladies transmises par voie intraveineuse.

Levothyrox® :Seulement 15% des patients ont optépour une alternativeL'offre de lévothyroxine s'est nettement diversifiée en France depuis l'arrivée de la nouvelle version du Levothyrox®. Cinq spécialités différentes, en plus de la mise à disposition temporaire d'Euthyrox® (ancienne formule du Levothyrox), sont disponibles : Levothyrox® Nouvelle Formule (NF), L-Thyroxin Henning®, Thyrofix®, L-Thyroxine® SERB et Tcaps®. « Au cours du dernier trimestre 2017, 472 380 patients (soit 15,5% des patients) ont été traités par une de ces alternatives mises à disposition à partir d'octobre 2017 », note la Direction générale de la santé (DGS), en ci-tant les données du Système national d'information inter régimes de l'assurance maladie (SNIIRAM). Ainsi, 89,8% des patients ont reçu le Levothyrox® sur la période, loin devant la L-Thyroxin Henning® (11,2%), Euthyrox® (5,5%), les gouttes buvables de L-Thyroxine® Serb (1,8%) et le Thyrofix® (0,4%). Ces données sont supérieures à 100% sachant qu'un même patient peut avoir reçu plusieurs spécialités au cours de la période étudiée. Par ailleurs la DGS rappelle que trois études sont en cours ou en pré-paration sur la nouvelle formule du traitement.

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Accès aux soins : un zonage perfectible

Une nouvelle méthode de zonage des territoires éligibles aux aides gouvernementales a été prévue dans le plan national destiné à ren-forcer l’accès aux soins. Selon Luc Duquesnel, ces règles demeurent inéquitables. Elles permettront, au mieux, de gérer la pénurie… et pas partout.

DDans le cadre du plan gouver-nemental pour l’égal accès aux soins, présenté en octobre dernier

par Edouard Philippe et Agnès Bu-zyn, les territoires éligibles aux aides à l’installation ont été délimités par les ARS et le ministère de la Santé. Principale avancée de la réforme, le périmètre des zones concernées a été élargi à 18 % du pays, contre 7 % auparavant. Deux grandes catégories ont été identifiées : les « zones d’in-tervention prioritaire » et les « zones d’action complémentaire », moins im-pactées par le manque de médecins généralistes, mais qui nécessitent des moyens spécifiques pour éviter une détérioration de la situation. La première concentrera des mesures incitatives issues du champ conven-tionnel et du pacte territoire santé. La seconde sera uniquement alimentée par les fonds du pacte territoire san-té, en fonction des besoins constatés et en concertation avec les médecins

libéraux. Le zonage des territoires sous tension sera ajusté tous les deux ans.

Des critères à redéfinirSelon Luc Duquesnel, médecin gé-néraliste à Mayenne et président du syndicat Les Généralistes-CSMF, la méthode du zonage demeure per-fectible. « Le nombre d’habitants n’est pas forcément un bon critère de sélec-tion. Les zones urbaines et périurbaines sont aussi touchées que les zones ru-rales. Réduit à l’échelle populationnelle, le choix est à la fois difficile et inéquitable », souligne-t-il. Autre inconvénient majeur, les bassins et les territoires de vie ne tiennent pas compte de l’organisation territoriale des soins. « Souvent, la logique administrative n’est pas calquée sur la logique sanitaire », confirme-t-il. Inégalitaires, les cri-tères du zonage sont également in-complets. « Nous attendons un zonage identique pour les médecins du second recours, mais aussi pour les autres pro-fessions de santé », relève-t-il. En chute libre depuis 2007, le nombre de mé-decins libéraux devrait encore dimi-nuer de 10 % d’ici à 2025, selon les dernières projections de la Drees. Si les intentions du gouvernement sont louables, les mesures adoptées sont visiblement insuffisantes. « Ce plan nous permettra uniquement de gérer la pénurie », regrette-t-il.

Renforcer durablement l’accès aux soinsLa crise de la démographie médicale est plus profonde qu’elle n’y paraît. Pour Luc Duquesnel, la probléma-tique de l’accès aux soins nécessite des mesures structurelles d’enver-gure. « Il faut encourager et faciliter toutes les formes de réorganisations pro-fessionnelles, dont les regroupements. Il faut également restaurer l’attractivité de la médecine libérale dans son ensemble, en revalorisant les tarifs et en soutenant l’environnement professionnel. Il faut enfin dynamiser la maîtrise de stage pour redorer l’image du métier, notam-ment auprès de la jeune génération », énumère-t-il.

Infirmières de pratiques avancées, assistants médicaux, téléconsulta-tion, forfait structure : ce n’est pas une, mais plusieurs actions juxtapo-sées qui feront la différence. « L’enjeu consistera à libérer du temps médical, en favorisant la coopération interprofes-sionnelle et en rationalisation le mode d’organisation des cabinets médicaux. Il s’agit de répondre aux attentes de la population, en tenant mieux compte des besoins spécifiques de chaque territoire », affirme-t-il.

à la loupe

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2018, reforme des retraiteset élections à la CARMF

Comment rejoindre le SN-MCR ?En vous adressant au SNMCR : Syndicat National des Médecins Concernés par la Retraite • 79, rue de Tocqueville 75017 Paris Tél . 01 44 29 01 31 • Fax : 01 40 54 00 66 • email : [email protected] • Site internet : retraitemedecin.org

Vous recevrez par email les codes vous permettant un accès à la totalité du site.(cotisation 64 € par an en 2018, 32 € pour les conjoints, à envoyer à l’adresse du SN-MCR)

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L’année 2018 sera marquée par la mise en œuvre d’une reforme systémique des retraites.Tous sont concernés : retraités, cumul activité retraite, actifs proches ou éloignés de la cessation d’activité. Dans tous ces cas, vous avez besoin de conseils pour préparer cette étape. Le Syndicat National des Médecins Concernés par la Retraite (SN-MCR), avec la CSMF vous apporte, ainsi qu’à votre conjoint les éléments indispensables pour prendre les meilleures décisions, dans un dossier diffi cile à appréhender et qui va encore se modifi er. Pourtant le montant de votre retraite actuelle ou future dépend aussi des choix réalisés pendant votre activité et de la pérennisation de ces efforts pendant la retraite.2018 sera aussi une année d’élections pour la CARMF dans la majorité des départements. Il faut donc s’y intéresser !

Comprendre

Le SN-MCR vous apporte les informations nécessaires et actualisées, pour une bonne compréhension sur ce sujet important, avec :- un site www.retraitemedecin.org, auquel vous aurez accès en totalité, contenant les statuts du syndicat, les réponses à vos questions, la réversion au conjoint, et chaque année son guide mis à jour de la retraite, - une aide personnalisée en nous adressant un courriel à [email protected], - une étude gratuite, aux adhérents, permettant d’apprécier les meilleures dates pour liquider votre retraite,

- les conditions du cumul activité-retraite,- un courriel trimestriel (ou courrier si vous n’avez pas d’adresse mail) reprenant les actualités sur ce sujet, - en cas de nécessité, vous serez contacté par E-mail ou par courrier.

ParticiperVous pouvez indiquer vos objectifs prioritaires, vos interrogations ou toute autre question auprès du SNMCR. Sur son site, à tout moment, vous pouvez transmettre vos messages dans la rubrique : contactez-nous. Une réponse rapide vous sera adressée.

Sauver nos retraites et construire leur avenir avec équitéLa répartition obligatoire (cotisations des actifs payant les pensions des retraités) est la base de notre système. Elle permet de faire face aux aléas de la vie, aux turbulences de la capitalisation (qui complète cependant cette répartition avec le dispositif Madelin) et de préserver des ressources indispensables pendant les années de retraite. Il faut, en anticipant, prendre en compte les équilibres d’aujourd’hui et ceux prévisibles pour demain, avec une équité. La réforme annoncée de notre système de retraite devra respecter ces principes. La CSMF s’est battue pour sauvegarder cette répartition et tout particulièrement l’ASV que d’autres voulaient supprimer alors que cela représente 40% de la retraite moyenne du médecin, payée aux deux tiers par la caisse.

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