Diagnostic de la filière riz

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1 « CGER- Vallée - Analyse Économique Riz / CAMPAGNE 2011-2012» C GERV Avec un secteur agricole qui ne pèse plus que 6,5% du PIB en 2011 (8,4% du PIB en 2010), et une inflation agricole mesurée par le déflateur du PIB, éva- luée à 5,6% (16,3% en 2008), l’agriculture sénégalaise est en pleine crise. L’insécurité alimentaire menace 850 000 sénégalais se- lon de récentes études, les couches les plus vulnérables, étant constituées pour la plupart de ruraux qui ont pour activité principale l’agriculture. Au niveau national, la campagne agricole 2011-2012 a été très mauvaise, tant au niveau de la production que de la productivité, et ceci accentue d’autant le déficit céréalier national qu’il fragilise la situation alimentaire des ménages les plus pauvres. Un recul très prononcée des indicateurs des principales spéculations vivrières a été observée : baisse de 40,9% de la production de mil, de 46,6% du sorgho, de 33,5% du mais, et de 27,3% du riz. Parlant de la baisse de la production rizicole, à première vue entre 2010 et 2011, elle semble liée à un recul de 25,8% des emblavures de riz et 1,9 % des rendements et surtout à un déficit pluviométrique de 6 477 mm. En réalité les causes qui sous-tendent ce recul ne sont que le reflet des politiques agricoles, céréalières en par- ticulier qui ont montré leurs limites objectives et qui ont surtout fait régresser les producteurs à l’état d’ou- vriers agricoles. Un malaise profond a investi le secteur rizicole ; passer outre les contraintes liées au changement climatique, on dénote : - Un coût élevé des intrants agricoles associé à un su- rendettement devenu une donnée structurelle en mi- lieu agricole, qui contribuent à rendre les prix aux pro- ducteurs peu rémunérateurs. - Une opacité et un manque total de contrôle de l’Etat du marché de la distribution et de la commercialisation des intrants agricoles (subventionné ou non), mal ré- glementée et non organisée. - Des importations rizicoles en millions de FCFA qui ne cessent d’augmenter, +25,5% en 2011, et un mar- ché domestique à la merci du risque-prix inhérent à la volatilité des cours mondiaux. - Une période de soudure difficile, pour des produc- teurs déjà dans une situation précaire qui doivent faire face à des dépenses incompressibles. Diagnostic de la filière RIZ Campagne Hivernale RIZ 2011-2012 Centre de Gestion et dÉconomie Rurale de la Vallée du Fleuve Sénégal

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1 Diagnostic de la filière Riz

« CGER- Vallée - Analyse Économique Riz / CAMPAGNE 2011-2012»

C GERV

Avec un secteur agricole qui ne pèse plus que

6,5% du PIB en 2011 (8,4% du PIB en 2010), et une

inflation agricole mesurée par le déflateur du PIB, éva-

luée à 5,6% (16,3% en 2008), l’agriculture sénégalaise

est en pleine crise.

L’insécurité alimentaire menace 850 000 sénégalais se-

lon de récentes études, les couches les plus vulnérables,

étant constituées pour la plupart de ruraux qui ont pour

activité principale l’agriculture.

Au niveau national, la campagne agricole 2011-2012 a

été très mauvaise, tant au niveau de la production que

de la productivité, et ceci accentue d’autant le déficit

céréalier national qu’il fragilise la situation alimentaire

des ménages les plus pauvres. Un recul très prononcée

des indicateurs des principales spéculations vivrières a

été observée : baisse de 40,9% de la production de mil,

de 46,6% du sorgho, de 33,5% du mais, et de 27,3%

du riz.

Parlant de la baisse de la production rizicole, à première

vue entre 2010 et 2011, elle semble liée à un recul de

25,8% des emblavures de riz et 1,9 % des rendements

et surtout à un déficit pluviométrique de 6 477 mm.

En réalité les causes qui sous-tendent ce recul ne sont

que le reflet des politiques agricoles, céréalières en par-

ticulier qui ont montré leurs limites objectives et qui

ont surtout fait régresser les producteurs à l’état d’ou-

vriers agricoles.

Un malaise profond a investi le secteur rizicole ; passer

outre les contraintes liées au changement climatique,

on dénote :

- Un coût élevé des intrants agricoles associé à un su-

rendettement devenu une donnée structurelle en mi-

lieu agricole, qui contribuent à rendre les prix aux pro-

ducteurs peu rémunérateurs.

- Une opacité et un manque total de contrôle de l’Etat

du marché de la distribution et de la commercialisation

des intrants agricoles (subventionné ou non), mal ré-

glementée et non organisée.

- Des importations rizicoles en millions de FCFA qui

ne cessent d’augmenter, +25,5% en 2011, et un mar-

ché domestique à la merci du risque-prix inhérent à la

volatilité des cours mondiaux.

- Une période de soudure difficile, pour des produc-

teurs déjà dans une situation précaire qui doivent faire

face à des dépenses incompressibles.

Diagnostic de la filière RIZ Campagne Hivernale RIZ 2011-2012

Centre de Gestion et d’Économie Rurale de la Vallée du Fleuve Sénégal

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Le climat change, les rendements aussi En l’absence d’étude d’impact pertinente sur l’impact du

changement climatique sur la productivité agricole des

cultures irriguées en céréales, on ne peut se baser que sur

des observations. Néanmoins, le fait est qu’on observe

de plus en plus une variabilité spatiale et interannuelle

inhabituelle des précipitations. Pour les principales

régions productrices de riz au Sénégal, un déficit pluvio-

métrique assez important a été observé par rapport à

l’année 2010 : un déficit de 60% à Saint-Louis, de 54%

à Matam, de 56% à Kolda et 38% à Ziguinchor.

Les effets de ce bouleversement sont aussi décela-

bles dans :

- Une modification progressive et anodine des pratiques

culturales paysannes;

- la dégradation des sols en culture et leur salinisation

progressive qui réduisent l’étendue des périmètres agri-

coles viables. Ces dommages sont exacerbés par des

techniques culturales peu recommandables et l’inexisten-

ce de techniques écologiques régénératives des sols

(compostage, jachère etc.);

- une détérioration du couvert végétal qui réduit la biodi-

versité fourragère et entraine une disparition progressive

des parcours naturels ;

-une baisse progressive des rendements, surtout pour les

cultures céréalières.

Les superficies emblavées sont en net recul Selon les chiffres de l’ANSD, 53 594 Ha de riz ont

été emblavées dans la région de St Louis et Matam en

2011, soit une baisse de 28% par rapport à 2010. Au

total dans la Vallée du Fleuve Sénégal 21 419 Ha ont

été emblavées pour le compte de la contre saison

sèche de riz 2011 et 32 623 Ha pour l’hivernage 2011

(34 657 Ha en 2010) selon les estimations de la

SAED.

La baisse des superficies récoltées en hivernage, est

attribuable à un retard dans la mise à disponibilité et

l’accessibilité des engrais pour les producteurs de riz

(pénurie d’urée). Elle est surtout le fait d’un déficit de

financement dû à un endettement chronique des

OPB vis-à-vis des structures de crédit.

L’état de dégradation avancée des aménagements aussi, en cause La réduction des superficies emblavées est aussi impu-

table également à la précoce vétusté des aménage-

ments. Les producteurs pointent du doigt des imper-

fections constatées dès le transfert (défaut dans la

construction), alors qu’il s’agit le plus souvent d’une

mauvaise gestion : dégradation volontaire pour des

facilités d’usage, mauvaise planification des entretiens

et réparations.

Figure 1: Evolution des données pluviométriques dans les zones productrices de riz

0 10000 20000 30000 40000

Dagana

Podor

Matam

Bakel

Ensemble Vallée

HIV 10-11

HIV 11-12

Figure 2: Comparaison des superficies cultivées en hivernage (Données SAED)

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3 Diagnostic de la filière Riz

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L’analyse de la campagne hivernale riz 2011-2012: données CGER Pour la campagne hivernale riz 2011-2012, 78 organi-

sations paysannes de base (58 à Podor et 20 à Dagana)

ont été suivies, pour une superficie totale de 2616,16

Ha (1725 Ha à Podor et 892 Ha à Dagana).

140 producteurs ont été sélectionnés (Tableau 1) pour

les besoins de l’analyse, avec une superficie moyenne

par producteur de 0,83 Ha (0,55 Ha pour Podor et

1,96 Ha pour Dagana).

Matériel végétal La variété Sahel 202 reste la plus utilisée (Figure 3) par

les producteurs (71%), suivie du Sahel 108 avec 21%.

110 Kg de semence à l’hectare ont été utilisés en

moyenne, soit 157 Kg/Ha à Dagana et 100 Kg/Ha à

Podor.

Fertilisation et désherbage L’Urée a manqué pendant l’hivernage, ce qui a grande-

ment compromis les chances d’une bonne récolte chez

certains producteurs. En moyenne, les producteurs ont

disposé 266 Kg d’Urée pour un hectare, ce qui est peu

suffisant comparé à la norme qui est de 300 Kg/Ha.

Par contre, le DAP a été disponible et utilisé dans les normes recommandées par la SAED.

Les quantités de désherbants utilisés (Tableau 3) l’ont été selon le degré d’infestation des parcelles par les ad-ventices. En moyenne 5,2 L/Ha de propanyl et 1,30L/Ha de weedon ont été employé pour le désher-bage.

Un des handicaps majeurs pour la présente campagne

d’hivernage a été sans conteste, la disponibilité (respect du

calendrier cultural) et l’accessibilité des engrais (prix élevés), plus

particulièrement de l’Urée.

En cause, la subvention étatique qu’il faut supprimer et

laisser le soin aux opérateurs privés ainsi qu’au marché

de faire les arbitrages nécessaires. L’Etat à travers ses

structures décentralisées, serait alors plus utile en tant que régula-

teur du marché et organe de contrôle des circuits de distribution

des engrais.

Dagana Podor Echantillon

Surface exploitée 54,79 61,42 116,21

Producteurs 28 112 140

Moy Sup/Prod 1,96 0,55 0,83

Dagana Podor Echan Normes

Moy Moy Moy SAED

Urée 245 271 266 300

DAP 96 94 94 100

Dagana Podor Echant

En L/Ha Moy Moy Moy

Propanyl 4,96 5,31 5,20

Weedon 1,29 1,30 1,30

Londax 9,17 2,23 7,04

Mélange 6,16 6,38 6,34

Sahel 10821%

Sahel 2012%

Sahel 20271%

Tout venant

6%

Tableau1: Echantillon des 140 producteurs

Figure 3: Carte variétale de notre échantillon

Tableau 2:

Tableau 3:

Fertilisation minérale

Quantités de désherbants utilisés

5 ans après la crise, rien n’a encore changé ! Le constat est amère, le secteur rizicole au Sénégal est

en crise. Avec des rendements qui deviennent de plus

en plus aléatoires, un prix au producteur peu rémuné-

rateur et l’absence de mécanismes de diversification

des revenus du ménage, la priorité pour les produc-

teurs de riz : c’est la SURVIE (subvenir aux besoins

alimentaires de base) et ceci, au détriment le plus sou-

vent du remboursement des crédits de campagne.

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4 Diagnostic de la filière Riz

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Charges de campagne Hormis les frais de récolte et post-récolte, les charges

de campagne s’élèvent à 300 000 Fcfa à l’hectare ( 291

000 Fcfa à Podor et 279 400 Fcfa à Dagana).

Le coût hydraulique tourne en moyenne à 88 000 Fcfa

à l’hectare, soit 29,3% des charges de campagne, et les

engrais à 64 000 Fcfa (21% des charges de campagne).

Les engagements de campagne (11 % des charges),

alourdissent les charges de campagne et réduisent for-

tement les marges dégagées.

Rendement, marge et seuil de renta-bilité Les résultats des carrés de sondage de la SAED, don-

nent un rendement moyen pour l’ensemble de la Vallée

du Fleuve Sénégal de 5,16 Tonnes/Ha (5,10 Tonnes/

Ha à Dagana et 5,30 Tonnes/Ha à Podor). La pro-

duction est estimée à 168 360 Tonnes (99 884 Tonnes

à Dagana, 41 810 Tonnes à Podor et 23 834 Tonnes à

Matam).

Avec un prix de collecte de 120 Fcfa/Kg, la marge

dégagée (hormis les frais de récolte) par les producteurs

de l’échantillon, serait de 361 000 Fcfa à l’hectare et le

seuil de rentabilité de 2,5 Tonnes/Ha.

Les prix du riz A Saint-Louis, le prix moyen mensuel du riz local

décortiqué était de 278,4 Fcfa le kilo, contre respecti-

vement 300 Fcfa/Kg et 276,4 Fcfa/Kg sur les mar-

chés urbains de Dakar et de Thiès.

Par contre, le riz importé brisé ordinaire, s’est échangé

à Saint-Louis à 306,75 Fcfa/Kg contre 304 Fcfa/Kg

à Dakar et 294 Fcfa/Kg à Thiès.

Le prix moyen mensuel du riz parfumé ordinaire

cotait aux alentours de 350 Fcfa/Kg dans les marchés.

Dagana Podor Echanti

Redevance Hydraulique 75 607 91 382 88 227

Offset 21 792 23 039 22 820

Semence 40 712 33 468 34 730

Urée 32 227 32 996 32 842

DAP 32 885 31 110 31 521

Herbicide 20 376 23 233 22 533

Sous-total I (Charges Intrants) 223 599 235 229 232 673

Sacs vides 12 644 12 236 12 391

Réfection 6 629 6 629

Matériels 5 520 4 416

Divers 491 441 451

Fomaed 13 636 13 636

Omvs 3 781 3 711 3 723

Intérêts bancaires 12 573 13 971 13 692

Frais bancaires 3 236 4 789 4 499

Fonctionnement 7 140 5 952 6 214

Cger 2 362 2 518 2 495

Sous-total II (Autres charges) 55 865 55 767 68 146

Total Charges campagnes 279 464 290 996 300 820

Engagement campagne 39 583 24 828 32 697

Total Charges 319 046 315 825 333 517

200

225

250

275

300

325

350

375

janv-11

févr-11

mars-11

avr-11

mai-11

juin-11

juil-11

aout-11

sept-11

oct-11

nov-11

dec-11

janv-12

févr-12

Saint-Louis Dakar Thiès

Tableau4: Compte de charge pour l’échantillon de 140 producteurs

Figure 4: Evolution mensuelle du prix du riz local dé-cortiqué

Page 5: Diagnostic de la filière riz

5 Diagnostic de la filière Riz

« CGER- Vallée - Analyse Économique Riz / CAMPAGNE 2011-2012»

Compétitivité du riz local Comment allier autosuffisance en riz et sécurité ali-

mentaire des ménages grandes consommatrices de

céréales, surtout de riz ? Le dilemme des pouvoirs

publics se pose en ces termes, tout en sachant que les

importations croissantes de riz accentue le déficit de

la balance commerciale et impacte négativement sur

la croissance du PIB et que le secteur rizicole local

est en crise.

Une politique commerciale et agricole

inconséquente

Il parait difficile d’envisager la compétitivité à long

terme du riz local sans protection tarifaire et sans

investissements dans le secteur. Les essais de protec-

tion du riz local pendant la libéralisation (la loi n°95-

26 de 1995 et la loi n°96-35) ont montré les limites

techniques et le défaut de réactivité de l’administra-

tion douanière sénégalaise. Ils ont surtout montré, le

manque de volonté des pouvoirs publics à faire

respecter la législation contraint par le lobbying de la

poignée d’importateurs.

Le manque d’engagement de l’Etat en faveur de

mesures visant à réduire les importations de riz lais-

se à penser qu’il ne mise pas sur les capacités de la

filière locale à profiter de la protection pour la

résorption du déficit céréalier, au risque de se mettre

à dos le consommateur déjà confronté à la faiblesse

de son pouvoir d’achat. Cet indifférence est aussi à l’ima-

ge du déficit d’investissement conséquent qui entoure le

secteur rizicole local.

Pourtant les mécanismes de protections communautaires

(TEC,TVA,MSC,TCI), pourrait constituer un tremplin et

permettrait de relancer la filière : le plus prometteur étant

la Taxe Conjoncturelle à l’Importation, taxe ad valorem

temporaire et dégressive, comme mesure communautai-

re d’application nationale et le non moins probable, la re

-catégorisation du riz dans le TEC de la CEDEAO.

Miser sur la compétitivité structurelle

Conquérir des parts de marché par rapport au riz impor-

té à travers la compétitivité-prix parait lointain. Car les

mesures d’accompagnement pour la filière riz local ne

suivent pas:

- Réduction des coûts de production: amélioration des

rendements, réduction des taxes sur les intrants et le

matériel agricole.

- Investissements structurants: aménagements hydro-

agricoles, magasins de stockage, unités de transformation

(rizeries, décortiqueuses…), matériels agricoles, etc..

- Protection tarifaire (TCI, TCE etc.).

Il faut miser sur la compétitivité structurelle, comme stra-

tégie sur le long terme, à travers l’adaptation à la deman-

de des consommateurs sénégalais, qui accordent davanta-

ge d’importance à la qualité du produit, à son goût et sur-

tout à sa disponibilité. Pour cela, les acteurs de la filière

doivent se professionnaliser, et moderniser leurs outils de

travail pour les rendre plus performantes.

Figure 1: Evolution des importations de riz

Page 6: Diagnostic de la filière riz

6 Diagnostic de la filière Riz

« CGER- Vallée - Analyse Économique Riz / CAMPAGNE 2011-2012»

Favoriser la consommation du riz lo-cal, où comment changer les habitu-des alimentaires ? L’Etat du Sénégal doit au préalable soutenir la produc-

tion rizicole locale afin d’augmenter la compétitivité

du riz local, pour cela une ‘‘capacitation’’ de la filière

rizicole par les pouvoirs publics (les subventions sont

éphémères et n’agissent que temporairement et

superficiellement) et une action conjointe et ciblée des

différents projets et programmes de développement

du secteur rizicole, est nécessaire.

Il faudrait aussi à travers une approche holistique,

créer une véritable émulation pour la consommation

du riz produit localement dans les grandes aggloméra-

tions urbaines du Sénégal : son MARKETING-MIX .

Produit

La politique de produit doit s’appesantir préférentiel-

lement sur la qualité intrinsèque du riz local qui cons-

titue son principal handicap. En effet, l’augmentation

de la perception qu’a le consommateur du riz local,

passe par l’amélioration des qualités organoleptiques

(identité sensorielle), et peut atténuer les inconforts

liés à son utilisation.

Dès lors, le respect par les producteurs des pratiques

et normes culturales recommandées, est nécessaire à

l’obtention d’un riz de qualité. Et là, l’adoption du riz

local par la modification des comportements d’achat

du consommateur en faveur du produit, participe aus-

si de la réussite des structures de financement, d’enca-

drement et de recherche à l’atteinte de leurs objectifs

qui leurs sont spécifiques. Du choix de variétés sélec-

tionnées reconnues résistantes à rendement potentiel

et de décorticage élevé à l’utilisation inconditionnelle

de semences certifiées, rien ne doit être négligé.

La simplicité d’usage, par rapport au riz importé qui

possède un avantage produit certain (propreté, facilité

de cuisson, très goûteux, etc.), est perfectible. Perfec-

tionner les commodités liées à son utilisation, relève

alors de la bonne tenue des activités post-récoltes

(récolte, battage, stockage, etc.) et d’un usinage de

qualité (couleur, propreté, homogénéité des grains)

dans des rizeries fonctionnelles et performantes.

Le processus de labellisation du riz local doit aussi aller

au-delà de l’appellation et devenir une réalité basée sur

des exigences de qualité qui doivent se refléter jusque

dans le conditionnement, afin de permettre une meilleu-

re pénétration au niveau des réseaux de distribution.

Prix

Une politique des prix efficace et efficiente pour le riz,

relève plus d’une volonté de l’Etat du Sénégal à réduire

les importations de riz et à investir dans le secteur rizi-

cole locale, que des efforts des producteurs à optimiser

leurs coûts de production.

Pour cela les pouvoirs publics doivent s’appuyer sur les

outils de protection communautaires afin de réduire la

facture commerciale et ainsi créer les conditions d’une

relance de la filière riz local, notamment par le relève-

ment du prix plancher du paddy.

En effet un riz local compétitif par rapport au riz

importé et rémunérateur pour les producteurs, pourrait

à terme accélérer la modernisation des exploitations

agricoles productrices et promouvoir la culture du riz en

perte de vitesse par rapport aux cultures maraîchères

plus rémunératrices.

Cependant un prix rémunérateur pour les producteurs

rime avec une bonne gestion du crédit contracté

(réduire le surendettement) et une augmentation de l’in-

tensité culturale. La contractualisation aussi, tant est

qu’elle soit le fruit d’une concertation et d’un accord

mutuel peut-être un début de solution ; dans le sens où,

en plus de faciliter l’accès au marché, elle permettra de

garantir le prix (réduction du risque-prix inhérent à la

commercialisation).

Bien que la consommation riz soit ancré dans les habi-

tudes alimentaires des ménages sénégalaises (54% des

céréales consommées en milieu urbain,(PNUE,2004)),

la faiblesse de l’élasticité-prix (très faible substituabilité

du riz par rapport aux autres céréales), conforté par la

crise de 2008, montre que le consommateur sénégalais

est plus sensible à la qualité et aux commodités d’usage.

Page 7: Diagnostic de la filière riz

7 Diagnostic de la filière Riz

« CGER- Vallée - Analyse Économique Riz / CAMPAGNE 2011-2012»

Le prix du riz local doit aussi traduire le degré de professionna-

lisme et le niveau d’intégration et d’organisation des interprofes-

sions du secteur rizicole.

Place (distribution)

La création des conditions d’un approvisionne-

ment régulier en qualité et quantité suffisante du

marché en riz local est un préalable à l’optimisation et

à la fidélisation des circuits de distribution. En effet

l’efficience dans la gestion des chaines d’approvisionne-

ment relève tout d’abord d’une spécialisation des

acteurs du réseau qui doivent prôner davantage la

concertation pour une équité dans la répartition du

profit.

La facilitation de l’accès au financement agricole (crédit de cam-

pagne et de commercialisation), l’adoption de la contractualisation

et la volonté de produire un riz local de qualité, peuvent per-

mettre une meilleure intégration des réseaux de distri-

bution et pénétration du riz local dans les marchés

urbains.

Promotion

Il faut de véritables campagnes publicitaires sem-

blables à ceux des marques de riz importé pour espérer

promouvoir un label (Exemple Riz de la Vallée).

Cependant pour que la politique de communication

atteignent ses objectifs, il faudrait aussi que le produit,

ici le riz local soit à la hauteur de l’image qu’on lui

prête : c'est-à-dire un riz de qualité en rapport avec son identi-

té sensorielle et ses facilités d’usage.

La politique agricole et commerciale doivent aller dans le même sens Rendre effectif la mise en œuvre de la loi d’orientation

agro-sylvo-pastorale (LOASP) par le respect des (50)

engagements financiers à tenir pour moderniser et pro-

fessionnaliser les exploitations agricoles sénégalaises.

Son application permettra aussi bien de formaliser les

métiers de l’agriculture, de sécuriser leurs productions

(assurance, etc.), que de protéger l’intégrité physique

des agriculteurs (régime de protection sociale).

Pour une agriculture céréalière plus compétitive, il fau-

drait repenser les politiques agricoles nationales, par la

concertation avec l’ensemble des acteurs du dévelop-

pement en privilégiant et en impliquant les organisa-

tions professionnelles agricoles (Décret d’application

de la LOASP et relatif aux organisations interprofes-

sionnelles agricoles). Bien entendu, il faudrait aussi

que les perspectives publiques de développement de

l’agriculture vivrière locale, relèvent impérativement

d’une vision stratégique sur le moyen long terme

(fonds nationale de développement ASP et d’aide à la

modernisation des exploitations agricoles).

L’interventionnisme étatique est plus que nécessaire

pour lutter contre la volatilité et la variabilité des prix

alimentaires. De leur stabilisation dépend l’augmenta-

tion et la sécurisation des revenus agricoles et surtout

l’amélioration de l’accessibilité des ménages vulnéra-

bles aux produits alimentaires de base.

Pour la couverture de ses besoins céréalières, le Séné-

gal est fortement dépendant de l’offre internationale.

Dès lors, la politique commerciale agricole sénégalaise

doit s’appuyer préférentiellement sur les dynamiques

régionales (intégration régionale) et sous-régionales

pour plus d’efficacité et d’efficience (réduction de

l’impact négatif d’une hausse des importations agrico-

les sur la balance commerciale).

En effet, l’un des défis à relever pour l’ECOWAP est

de : ‘‘ rendre effectif l’intégration régionale et internationale

pour éviter la marginalisation de la région au sein de

l’économie des échanges internationaux.’’ La PAU va dans le

même sens à savoir une intégration de l’agriculture de

l’espace UEMOA dans le marché régional et mondial :

‘‘ il s’agit …de limiter la dépendance alimentaire des Etats

membres de l'Union, en assurant l'insertion progressive de l'agri-

culture dans les marchés régional et mondial ,… ’’

Des organisations paysannes et inter-professions, plus fortes Le manque d’organisation et de professionnalisme des

organisations paysannes et interprofessions, a été long-

temps décrié. En effet, de leur essor dépend l’émer-

gence du secteur agricole; mais entre l’échec du

leadership paysan, le manque de motivation des ac-

teurs et l’inégalité dans la répartition des profits le long

Page 8: Diagnostic de la filière riz

8 Diagnostic de la filière Riz

« CGER- Vallée - Analyse Économique Riz / CAMPAGNE 2011-2012»

de la filière, ces institutions sont fragilisées.

Un leadership paysan à renouveler

Le développement de l’agriculture repose inévitable-

ment sur l’émergence d’un nouveau type de leader

paysan ‘‘ NTLP ’’. Un leader jeune qui en plus

d’être instruit, ne fasse pas seulement office de person-

nalité morale mais qui s’implique entièrement dans le

fonctionnement et le développement de l’organisation.

Un responsable qui ne prend pas des décisions de

manière unilatérale et qui en plus de se limiter à ses

prérogatives (un leader pas « omnipotent ») est sensé

privilégier les intérêts du groupe au-delà de ses propres

prétentions et ambitions personnelles.

Un producteur accessible qui communique avec sa

base, réduisant ainsi l’asymétrie d’information gage

d’une transparence dans la gestion et qui lui permettra

de jouir de la confiance de ses paires.

Le bénévolat au sein des organisations

paysannes, constitue un frein à la profes-

sionnalisation et accentue l’endettement

Bien qu’étant un mal nécessaire (organisation à but

non lucratif), le bénévolat nuit à l’efficacité dans la

gestion institutionnelle et organisationnelle, et à la per-

formance dans la gestion du crédit de campagne

contracté auprès des institutions financières. L’exem-

ple le plus patent, qui influe sur le taux de rembourse-

ment du crédit de campagne étant le retard occasionné

au sein des OPB dans la validation et distribution des

exigibles de campagne : le plus souvent bien après la

récolte, car les membres des instances exécutives sont

aussi concernés par les opérations culturales.

A défaut d’y remédier, la conscientisation et la respon-

sabilisation de l’ensemble des membres des OPB

doivent être effective pour une implication et un sou-

tien inconditionnelle dans l’organisation et le fonc-

tionnement des instances représentatives.

Accroire et favoriser la résilience au changement climatique Il parait indéniable qu’une des principales causes de la

volatilité des prix est l’instabilité du climat qui influe sur

l’offre de riz en rendant la production incertaine. Les

revenus agricoles sont dès lors faibles et irrégulières,

nuisant à toute tentative d’accroissement de la capacité

productive par des investissements à moyen et long

terme.

Gérer le risque climatique

Comme outils de gestion des risques agricoles liés à la

variabilité et au changement climatique, la diversifica-

tion des revenus agricoles et leur sécurisation par

l’investissement dans l’élevage, paraissent être plus effi-

cace et plus efficiente. Cependant l’assurance-récolte,

comme instrument exogène existe, mais entretient une

progression très timide (coût encore très élevé pour le

producteur moyen). Des pistes très prometteuses pour

l’agriculture vivrière à exploiter sont l’assurance indi-

cielle et le warrantage.

Contractualiser pour lutter contre l’endette-

ment

Comme souligné tantôt, l’un des tendons d’Achille du

secteur rizicole est le degré de solvabilité des produc-

teurs auprès des structures de financement. En effet le

surendettement constitue un frein à l’amélioration de

l’intensité culturale et l’obtention d’un prix rémunéra-

teur pour les producteurs de riz. Ceci, nuit à la compé-

titivité du riz local car occasionnant un approvisionne-

ment irrégulier des marchés urbains (offre en riz local

irrégulière et atomisée) : le producteur ne faisant qu’une

seule campagne et choisissant de spéculer sur le prix

pour couvrir ses charges de campagne (coût de produc-

tion + arriérés de crédit de campagne) et rémunérer sa

force de travail.

La contractualisation si elle est volontaire et non

contrainte, paraît être la voie la mieux appropriée pour

sécuriser le crédit de campagne et assurer un débouché

à la production en limitant le risque-prix.

Page 9: Diagnostic de la filière riz

9 Diagnostic de la filière Riz

« CGER- Vallée - Analyse Économique Riz / CAMPAGNE 2011-2012»

« La contractualisation est l’ensemble des activités et processus

qui concourent à la préparation, à la négociation, à la formalisa-

tion, à la mise en œuvre et à l’évaluation des relations d’affaires

entre acteurs de la chaine de valeur riz » CIFA

Appuyer la recherche agricole

Financer la recherche et la vulgarisation de nouvelles

variétés de semences plus résistantes aux variations

erratiques du climat.

Développer l’agro écologie

En privilégiant la lutte biologique intégrée contre les

ravageurs des cultures, qui permettrait à moyen terme

de réduire les impacts néfastes des produits chimiques

sur l’environnement.

Accroître les surfaces aménagées

Accroitre la maitrise de l’eau à travers la réhabilitation

et/ou la construction d’ aménagements hydrauliques.

Le secteur rizicole mériterait une meilleure

considération de la part de nos autorités compétentes,

atteindre l’autosuffisance en riz en éloignant le spectre

de l’insécurité alimentaire est bien possible. Une

approche intégrée dans la planification des actions et

leurs mises en œuvre est nécessaire, et ceci tant au

niveau gouvernemental (entre ministères: agriculture,

économie, commerce), que des acteurs à la base (les

structures d’encadrement et de recherche, les interpro-

fessions, et les organisations paysannes).

Page 10: Diagnostic de la filière riz

10 Diagnostic de la filière Riz

« CGER- Vallée - Analyse Économique Riz / CAMPAGNE 2011-2012»

Centre de NDIAYE

BP : 913

Saint-Louis

Sénégal

Tél./ Fax : 962 64 02

NOS OBJECTIFS

Contribuer à la promotion de la démocratie et la bonne gouvernance au sein des organisations de

producteurs de la Vallée du Fleuve Sénégal. CGERV

RETROUVEZ-NOUS

SUR www.cger-vallee.com

Pour les adhérents CGER Pour les PP, BDF et partenaires

L’information économique pour les acteurs et décideurs du développement rural

Analyses filières

Analyses cultures

Analyses zones Informations

économiques Évaluation de l’impact des mesures et/ou

financements nationaux et internationaux

Identifier les leviers d’action économi-

ques les plus performants

Connaître précisément la situation écono-

mique des producteurs de la Vallée du

Fleuve

États financiers

Comptabilités

adhérents

Aujourd’hui, les CGER contribuent à la politique de développement agro-sylvo-pastorale en matière de

développement de l’information agricole. Ils apportent aux Pouvoirs Publics et aux acteurs du dévelop-

pement des outils complémentaires d’aide à la décision pour les politiques, stratégies et incitations.

L es CGER c’est aussi la production d’une in-

formation économique sur l’agriculture dans la

Vallée du Fleuve. A partir des données comptables

et financières de leurs adhérents, les CGER appor-

tent des éléments fiables et issus de situations réel-

les sur le terrain sur :

- la typologie et le degré de structuration des OP,

-les indicateurs de rentabilité économique des

activités des OP de la Vallée du Fleuve,

- les déterminants économiques par zones, filiè-

res, type d’exploitation, …

- les leviers financiers et économiques du déve-

loppement agricole de la Vallée du Fleuve.

Aujourd’hui les acteurs et décideurs du développe-

ment rural sont à la fois submergés et en panne d’in-

formations parce qu’il y en a trop et qu’elles ne sont

souvent pas fiables ou pertinentes. les CGER ap-

portent de l’information économique fiable sur :

- Les leviers d’action qui ont donné des résultats sur

le plan économique pour tels producteurs ou telle

filière,

- Les potentiels à appuyer, les zones, les filières, …

Tout ceci destiné aux :

- Pouvoirs Publics pour leur pilotage sectoriel

- bailleurs de fonds pour leurs stratégies d’inter-

vention

- acteurs du développement rural régional SAED,

ANCAR, CNCAS, …,

- ONG, collectivités locales et opérateurs privés