D.Guillaume AGRÉGATION 2001-2002 GRAMMAIRE...

52
D.Guillaume AGRÉGATION 2001-2002 GRAMMAIRE-STYLISTIQUE Victor Hugo La Légende des Siècles (1859) 1. Bibliographie + Lexicologie : . Étymologie, morphologie, définitions. — REY, Alain (dir.) : Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française, 1995 (1992) Trésor de la langue française, Klincksieck, 1971-1991 (état de la langue au 19 e + affixes) — BLOCH, Oscar et VON WARBOURG, Walther : Dictionnaire étymologique de la langue française, PUF, 1986 (1932) . Méthode et notions. — Rapport 2000 — LEDUC-ADINE, Jean-Pierre, PETIOT, Geneviève, « La question de vocabulaire aux concours », L’Information grammaticale n° 57, mars 1993. — PICOCHE, Jacqueline : Précis de Lexicologie française, Nathan, 1977 + Grammaire : . RIEGEL, Martin, PELLAT, Jean-Christophe, RIOUL, René : Grammaire méthodique du français, PUF, 1999 (1994) . MAINGUENEAU, Dominique : Précis de grammaire pour les concours, Bordas, 1991 (Dunod) . CALAS, Frédéric et ROSSI, Nathalie : Questions de grammaire pour les concours, Ellipses, 2001 . BONNARD, Henri, articles du Grand Larousse de la Langue française. + Stylistique . MOLINIÉ, Georges : Éléments de stylistique française, PUF, 1991 (1986) . PERRIN-NAFFAKH, Anne-Marie, Stylistique, Pratique du commentaire, PUF, 1989 . GOUVARD, Jean-Michel, La Versification, PUF, 1999 . MAZALEYRAT, Jean : Éléments de métrique française, Armand Colin, 1974 2. Points de syntaxe et de morphosyntaxe à voir : + Groupe nominal : l’article (les déterminants), les prépositions, l’adjectif qualificatif (la caractérisation), les propositions subordonnées relatives, l’apposition + Verbes et constructions verbales : le participe (les formes en –ant ), l’infinitif, l’attribut (constructions attributives), les constructions verbales (verbes transitifs et intransitifs ; valence), l’expression de la comparaison, les temps verbaux + Autres classes de mots : les indéfinis, l’anaphore (les pronoms) + Phrase : les constructions détachées, les propositions subordonnées, la négation, l’expression de la comparaison, modes et modalités (modalités d’énoncé / d’énonciation) Lexicologie : + Quelques mots hugoliens clairons (Aym.234, Evir.114, 542) légendes (171) . mots de la contemplation : abîme (Sacre 1, Androclès 92, Rois 311, Evir.382, 899) / gouffre (Sacre 70), nuées / huées (Sacre 37-38, Parricide 64, Galice 517, Evir.1104), prodige (Sacre 14, Evir.755), prodigieuse (Sultan 257), vermeille (Sacre 145, Galice 637), sembler (160) / apparaître (190), sombre / ombre (Conscience 65-66, Première rencontre 45, Roland 7-8, Rois 157, Evir.451, 476, 587, Zim.219, Sultan 148), fauve (Puissance 59, Rois 80, Chevaliers 44, Galice 559, Evir.116, 462, Zim.29, 50), profonde (Lions 13), énorme (Lions 122

Transcript of D.Guillaume AGRÉGATION 2001-2002 GRAMMAIRE...

D.Guillaume

AGRÉGATION 2001-2002

GRAMMAIRE-STYLISTIQUE

Victor Hugo La Légende des Siècles (1859)

1. Bibliographie

+ Lexicologie : . Étymologie, morphologie, définitions. — REY, Alain (dir.) : Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française, 1995 (1992) — Trésor de la langue française, Klincksieck, 1971-1991 (état de la langue au 19e + affixes) — BLOCH, Oscar et VON WARBOURG, Walther : Dictionnaire étymologique de la langue française, PUF, 1986 (1932) . Méthode et notions. — Rapport 2000 — LEDUC-ADINE, Jean-Pierre, PETIOT, Geneviève, « La question de vocabulaire aux concours », L’Information grammaticale n° 57, mars 1993. — PICOCHE, Jacqueline : Précis de Lexicologie française, Nathan, 1977

+ Grammaire : . RIEGEL, Martin, PELLAT, Jean-Christophe, RIOUL, René : Grammaire méthodique du français, PUF, 1999 (1994) . MAINGUENEAU, Dominique : Précis de grammaire pour les concours, Bordas, 1991 (Dunod) . CALAS, Frédéric et ROSSI, Nathalie : Questions de grammaire pour les concours, Ellipses, 2001 . BONNARD, Henri, articles du Grand Larousse de la Langue française. + Stylistique . MOLINIÉ, Georges : Éléments de stylistique française, PUF, 1991 (1986) . PERRIN-NAFFAKH, Anne-Marie, Stylistique, Pratique du commentaire, PUF, 1989 . GOUVARD, Jean-Michel, La Versification, PUF, 1999 . MAZALEYRAT, Jean : Éléments de métrique française, Armand Colin, 1974

2. Points de syntaxe et de morphosyntaxe à voir : + Groupe nominal : l’article (les déterminants), les prépositions, l’adjectif qualificatif (la caractérisation), les propositions subordonnées relatives, l’apposition + Verbes et constructions verbales : le participe (les formes en –ant ), l’infinitif, l’attribut (constructions attributives), les constructions verbales (verbes transitifs et intransitifs ; valence), l’expression de la comparaison, les temps verbaux + Autres classes de mots : les indéfinis, l’anaphore (les pronoms) + Phrase : les constructions détachées, les propositions subordonnées, la négation, l’expression de la comparaison, modes et modalités (modalités d’énoncé / d’énonciation)

— Lexicologie : + Quelques mots hugoliens clairons (Aym.234, Evir.114, 542) légendes (171) . mots de la contemplation : abîme (Sacre 1, Androclès 92, Rois 311, Evir.382, 899) / gouffre (Sacre 70), nuées / huées (Sacre 37-38, Parricide 64, Galice 517, Evir.1104), prodige (Sacre 14, Evir.755), prodigieuse (Sultan 257), vermeille (Sacre 145, Galice 637), sembler (160) / apparaître (190), sombre / ombre (Conscience 65-66, Première rencontre 45, Roland 7-8, Rois 157, Evir.451, 476, 587, Zim.219, Sultan 148), fauve (Puissance 59, Rois 80, Chevaliers 44, Galice 559, Evir.116, 462, Zim.29, 50), profonde (Lions 13), énorme (Lions 122

2

[lat.], Galice 453, 516, Sultan 132), vague (Parricide 98 ; cf. homonymes), béants (Roland 133), croulent (Rois 225), s’écroule (Galice 453) > cf. effondrées (Evir.140) . personnages : génie (Puissance 9), paria (47), colosse (56), maudit (Puissance 59, Zim.322), grave (Lions 8), pasteur (45) / pâtre (Cèdre 4, Evir.166), mage (Lions 76, Zim.284), pensif (Lions 117, Androclès 41, 95, Roland 18, Evir.567), prophète (Dieu invisible 1, L’An neuf 57, Parricide 41), farouche (Parricide 53, Roland 23, Chevaliers 18, Galice 271, 446, 638…) > cf. effarée (Chevaliers 63), tragique (Rois 308, Chevaliers 35), gueux (Galice 26), forban (30), formidable (626) + Vocabulaire visionnaire : . saisie de l’infini : chaos (Sacre 70), étonné (Sacre 128), rêve (Puissance 77, Rois 225, Galice 379, Evir.651) > rêverie (Evir.645) / songe (Parricide 51, Rois 150), vision (L’An neuf 54), mystérieux (Cèdre 8), vague (Parricide 98 ; cf. homonymes, Evir.412), vaguement (Evir.382), étrange (Roland 7, Evir.409), sourds murmures (Roland 39), idéal (Sultan 141) . aux limites du visible : lueur (Sacre 3, Chevaliers 4), aube (Sacre 128) / crépuscule (Rois 278 ≠ couchant 276), blême (Puissance 61, Rois 6), blêmissants (Evir.372), linéament (381) . horreur et peur : livide (Conscience 2, Parricide 113, Evir.459 v. faire), enfer (Puissance 60, Evir.1159), effrayant / effroyable (Androclès 9, 38, Evir.60, 115, Sultan 117), ténèbres / funèbres (L’An neuf 81-82, Rois 125-126), ténébreux (Sultan 288), noir (clairon Aym.234, gueux, fracas Galice 26, 572, souffles, monde Evir.114, 278, prisonniers Zim.221), hagards (Rois 205, Galice 99, Evir.112), horreurs (Rois 217), horrible (Galice 586 ; cf. lat.), hurler (Chevaliers 50, Sultan 181), effarée (Chevaliers 63 cf. farouche,), obscure (Galice 162), affreux (276), sinistre (Evir.10, 908), l’Épouvante (564), frissonner (645) . créatures : hydre (Sacre 21, Androclès 70, Roland 32, Evir.323, 498), alcyon (Sacre 21), monstre (Puissance 13, Evir.551), larves (Puissance 84, Galice 276), chimère (Evir.320, Sultan148), . mort : suaire (Sacre 149, Parricide 60, Rois 246), linceul (Evir.477, 1046), spectre (Cèdre 38, Parricide 118, Evir.9, 567), fantôme (Parricide 72), égrégore (Rois 213), lugubres (Evir.127, 412, Sultan 183), macabre (Evir.576) + Vocabulaire poétique / classique : hymen (Sacre 61), aquilon (107), onde (132), éther (133), sublime (147, Zim.155), auguste (Sacre 151, Booz 69, L’An neuf 118, Sultan 167), héros (Lions 68), candide (Booz 14), feuillée (34), couche (46), firmament (79), émaillaient (82), fange (Androclès 1), la nue (L’An neuf 10), glaive (Roland 46, 114), ramée (Aym.6), ennui (11), agreste (Bivar 16), pompe (51), urne (Chevaliers 27, Galice 555), septentrion (Chevaliers 65), + Vocabulaire antique : orgie (Androclès 8), bourreaux et martyres (19), belluaire (Parricide 59), le vieux foudre romain (Rois 247), + Vocabulaire médiéval et moyenâgeux : . guerre, armes et guerrier : cimier (Parricide 23), haubert (Roland 33), estoc (34), glaive (46, 114), une ville très forte (Aym.25), harnais (52), garçon (Aym.167, Evir.605), soudards (Aym.266), compagnon (279), frondeur (Bivar 49), écuyers (75), bannière (Galice 7), heaume (Evir.447), . société : cathédrale (Parricide 43), barons (Roland 9, Aym.258), pages (Roland 11), neveu (52), vassal (91), pairs (Aym.5), gentil (88), manant (104), ma duché (122), maison (127), comte (136), bailli (136), clerc (193), bachelier (283), fief (285), manoir (Bivar 1), fermier (Rois 168), bourgeois (177) <. Burg (Evir.95 sq. cf. AF borc), infants (Galice 1), moutier (119), rang (Evir.213, 541), madame (723 ≠ ma Dame…), . valeurs : païen (Dieu invisible 4), franc (Roland 53), traître (Aym.3, Galice 51), preux (Aym.14), fléaux (Rois 221), fier (Galice 24), félon (364), mécréant (432), dol (Evir.68), larron (113) . archaïsmes divers : pertuis (Rois 77), cèle (Galice 235), çà (249, 386), coquins (315) + Mots intéressants d’un points de vue morphologique (composition, étymologie) : immense, immensité (Sacre 62, Rois 311 [lat.], Sultan 260), ineffable (148 [lat.]), infâme (Puissance 90 [lat.], Evir.1019), infamie (Chevaliers 6 [lat.]), affamée (Lions 12 [lat.]), différend (116), pensif (Lions 117, Androclès 41, 95, Roland 18, Evir.567), énorme (Lions 122 [lat.], Galice 453, 516, Sultan 132), feuillée (Booz 34), entre-bâillée (35), émaillaient (82), effrayant / effroyable (Androclès 9, 38, Evir.60, 115, Sultan 117), trépas (40), hideux (Androclès 70 [AF], Parricide 21), un/une hymne (Parricide 37), L’informe (Parricide 76 [lat.]), difforme (Evir.452, 931 [lat.], Sultan 128), déracine (Roland 127), béants (133), baronnage (Aym.66), maillot (93), endiablé (139), ribotes (141), soudards (266), confiant (268), brandon (Rois 208), foudroyer (Chevaliers 8), souffleter (8), soufflet (Evir.738), méchant (Galice 51), cloîtrer (106), main-forte (372), hasardeux (392), se roidir (409), mécréant (432), goujats (543), taillis (Evir.4), intrépide (55 [lat.]), échevelé (117), effondrées (140), guerroyer ce mur (150), rafale (408), sept-bras (411), boutoir (445), meurtrier (445), orageux (553), grignoter (752), décombres (791), enivrés (818), la renverse (907), destinée (988), forfaits (995, Sultan.88), cependant

3

(Zim.68), tout-puissant (72), fulgurants (100), immonde (159), inexpiés (Sultan 88 [néol. ?]), flamboiements (210) + Autres… : halliers (Sacre 20, Galice 189, Evir.405)), prunelle (Lions 89), esclave (153), boisseau (Booz4, Cèdre 56), occident (Booz 84), champ (88), genre humain(Androclès 46) , race (68, Aym.118), chiffre / nombre (Androclès 63), vieux (L’An neuf 33, Parricide 61), champ vil (L’An neuf 75 ≠ vilain), bât (Cèdre 87), parricide (Parricide, 34 ) cf. fratricide (Zim.328), sauvage (21), duel (Roland 14 : monosyllabique), âpre (Roland 40, Evir.136), trempée (Roland 56, Rois 217), neuve (Roland 91), s’asseoir (106), rendus (Aym.59), le drôle (Aym.105, Galice 133), antienne (109), moulu (173), essaim (Bivar 28), altiers (43), espion (Rois 115), écumants de victoire (229), jadis (Chevaliers 1, Galice 11), rustre (Galice 130), superbe (Evir.156), roture (175), agape (387), son plein (606), encan (732), insulté (862), niais (dissyllabique 889), charmants (931), figure (1088), la chose (1173), glorieux (Sultan 2), gloires (289), sérail (3), grosses (57), plaie implacable (104)

I.I « Le Sacre de la femme », pp. 55-56, v.1-30

2. Syntaxe : la caractérisation — 2. Relevé classé : classes et fonctions syntaxiques + 1) Adjectifs qualificatifs . a) Épithètes liées — sans complément de l’adjectif :

« Une ardente lueur de paix et de bonté » (v. 3) « au front du ciel inaccessible » (v.5) « le brouillard obscur » (v.7) « la terre ravie » (v.9) « les lointains splendides de la vie » (v.10) « Et d’arbres effrayants que l’homme ne voit plus » (v.11-12) « L’Eden pudique et nu » (v.15) « Le seul rugissement du tigre était plus doux » (v.19) « dans le chœur des concerts infinis » (v.23)

— avec complément de l’adjectif :

« Les horizons pleins d’ombre et de rocs chevelus Et d’arbres effrayants que l’homme ne voit plus » (v.11-12)

— dans locution corrélative : « […] un hymne si charmant, / Si frais, si gracieux, si suave et si tendre, Que les anges distraits se penchaient pour l’entendre »(v.16-18)

. b) Épithètes détachées « Un abîme / D’éblouissement, vaste, insondable, sublime ; » (v.1-2)

. c) Attributs du sujets « […] et la clarté / Brillait sereine » (v.4-5) « Le seul rugissement du tigre était plus doux » (v.19) « La prière semblait à la clarté mêlée » (v.30)

. d) Attributs du COD « Étant tout ce que Dieu peut avoir de visible » (v.6)

+ 2) Groupes nominaux . a) GN prépositionnels CDN

« Un abîme / D’éblouissement, » (v.1-2) « Une ardente lueur de paix et de bonté » (v. 3)

4

« C’était aux premiers temps du globe » (v.4) « au front du ciel inaccessible » (v.5) « Des avalanches d’or » (v.8) « Le jour en flamme » (v.9) « les lointains splendides de la vie » (v.10) « Dans une profondeur d’éclair et de prodige ; » (v.14) « Le seul rugissement du tigre était plus doux » (v.19) « dans le chœur des concerts infinis » (v.23) « Entre le cri de l’antre et la chanson des nids » (v.24)

. b) GN en construction détachée (apposés) « Tout s’illuminait, l’ombre et le brouillard obscur » (v.7)

+ 3) Propositions subordonnées relatives

« Et d’arbres effrayants que l’homme ne voit plus » (v.12) « Les halliers où l’agneau paissait avec les loups » (v.20) « Les mers où l’hydre aimait l’alcyon » (v.21) « les plaines / Où les ours et les daims confondaient leurs haleines, » (V.21-22)

5

D.Guillaume

AGRÉGATION 2001-2002 GRAMMAIRE-STYLISTIQUE

Victor Hugo

La Légende des Siècles (1859)

I.I « Le Sacre de la femme », pp. 55-56, v.1-30

1. Lexicologie : « effrayants » v.12 + a) Morphologie et étymologie.

. Adjectif verbal (16e s.) formé sur le participe présent du verbe «effrayer », l’affixe –ant

indiquant que le terme déterminé par l’adj. est l’agent du procès dénoté par la base verbale :

« effrayant » = « qui effraye ». Ce verbe = d’abord esfreder, puis esfrer (11e siècle) et esfreier

(12e s) < lat. pop. *exfridare « faire sortir de la paix, de la tranquillité », composé du préfixe

privatif ex- et d’un verbe dérivé du francique fridu « paix » (cf. ancien haut allemand fridu et

alld ; Friede, de même sens).

. La forme française s’explique <

— ef- = variante contextuelle (combinatoire) [= allomorphe] du préfixe privatif é-

devant un radical commençant par f- (comme es- devant s-) [= en distribution

complémentaire]. . Termes de phonologie.

Variante libre (= une forme tj. substituable à l’autre, sans créer de différence de

sens — opposition non pertinente) : é/è en syllabe ouverte intérieure

(prononciations indifférentes de pays ≠ opposition en syllabe ouverte finale : fée

/ fait ).

Variantes contextuelles ou combinatoires en distribution complémentaire = un

phonème, ou un morphème, se réalise différemment selon le contexte, sans que

jamais le choix soit possible (indifférent). Ex. : pronom personnel sujet de la P1

= je + consonne / j’ + voyelle ; id. : préfixe e-/ ex-/ ef-/ es-.

6

— Forme verbal refaite àp du substantif (lui-même déverbal) : esfrei, effroi effroy :

(12e)

+ b) Étude diachronique.

. Le sens de l’adjectif effrayant prolonge l’évolution du verbe dont il dérive. Celui-ci a

d’abord (10e s) son sens étymologique de « troubler », propre à l’AF. Par extension, il signifie

ensuite « frapper de frayeur » d’où, par exagération, « provoquer de l’inquiétude » et « mettre

en défiance, choquer ». Peur plus ou moins forte et profonde. Cf. dès le 18e s., emploi

familier comme intensif, qui vaut jusqu’à aujourd’hui : cf. un prix effrayant.

. Rem. : le rapprochement avec frayeur n’est pas étymologique. Au contraire, sens et

forme de frayeur < rapprochement avec effrayer ; frayeur = réfection au 15e de frëor (12e) <

lat fragorem, de fragor « bruit éclatant, vacarme », dérivé de frangere = briser (> fraction). A

d’abord signifié « vacarme » en même temps que « peur violente, souvent passagère,

provoqué par un danger réel ou supposé » = seul sens demeuré usuel , dans un registre

soutenu < rapprochement avec effrayer.

. Sémantiquement, à distinguer de effroi, qui a pourtant marqué la contitution de l’adj. =

signifie au MA « grande frayeur » ; par exagération (àp 16e), se dit pour « appréhension » ds

loc ; comme avec effroi, à son grand effroi. Reste assez usuel mais soutenu pour « peur ».

— En dérive (16e) l’adj. effroyable (suffixe –able sans valeur modale de possibilité

ici : indique attribution de la qualité sée par la base substantivale) .= doublet + fort de

effrayant, reste jusqu’à aujourd’hui, ds registre soutenu. Se dit dès le 17e pour « énorme », h.

act. familier — cf. un embouteillage énorme.

+ Étude contextuelle.

. Déterminant des « arbres » du monde originel, signifie bien « qui frappe de frayeur »,

entre inquiétude et forme de terreur sacrée (face à l’originel : « que l’homme ne voit plus »).

Contexte = peut entrer dans le champ sémantique de termes et de syntagmes connotant la

peur et le mystère (cf. article indéfini): « pleins d’ombre », « rocs chevelus » (v.11), « songe »

et « vertige » (12) en contexte immédiat ; mais aussi « abîme » (1), « profondeur » (14),

« rugissement du tigre » (19), « les loups » (20), « l’hydre » (21), « le cri de l’antre » (24).

. L’ensemble se mêle à une série antonyme de la « paix » (2) lumineuse et de l’harmonie

(« chœur des concerts » 23), qui le transfigure. Positivité de la création première, divine, et

donc aussi de la nature sauvage. Tout près du Verbe et du premier élan créateur, réactivation

possible de la base étymologique de l’adj. : la paix cad. aussi l’immobilité première, dont

émerge à peine la vie des origine. En un sens, l’effrayant est presque consubstantiel à cette

vision de Genèse hugolienne.

7

. Ds le livre, détermine préférentiellement une forme de vie peu distincte, voire

monstrueuse : « L’amour et le bonheur, tout était effrayant » (Androclès 9), « Les barons

effrayants et difformes des Vosges » (Evir. 60), « Une sorte de vie effrayante, à sa taille »

(115).

— S’oppose clairement avec autre adj. de même base = « les éléphants, / Effroyables,

marchaient sur les petits enfants » (Andr. 38), « On voyait tressaillir l’effroyable coupure »

(Sultan 117) : cruauté +taille (archaïsme).

8

2. Syntaxe : la caractérisation

— 1. Introduction :

+a) Termes et relations concernés. . Usage = « manière d’être », indiquée par les adj. qualificatif, si nombreux chez VH

(« a inventé l’adj. ».

. Mais aussi définition très vaste possible, cf. Molinié 1986, p. 37 : « tout ce qui n’est

pas strictement obligatoire pour la complétude sémantique du message ressortit au champ

langagier des caractérisants » > tout sauf déterminants et noyau fonctionnel de la phrase

(SV) ?

— en fait notion transversale, stylistique : « stylème »

. La caractérisation concerne les relations sémantiques existant entre le GN minimal

(déter.+N ou substitut : PN) et ses modificateurs : pas seulement l’adj. qualificatif épithète ;

aussi : CDN, PSR et diverses constructions détachées.

. Elle peut être établie par l’intermédiaire d’un verbe > peut concerner l’attribut, du S et

du COD..

+ b) Caractérisation et actualisation . Elle permet de préciser le référent du GN. : « caractériser » = décrire une

caractéristique, une manière d’être, conférer une qualité > privilège trad. de l’adjectif

qualificatif (classe) et de l’attribut (fonction).

. Facultative, elle distingue de l’actualisation, obligatoire (même sous la forme zéro),

prise en charge par les déterminants et qui permet seulement de passer de la langue au

discours (notion pure et simple > insertion dans un contexte). ; prolonge l’actualisation.

+ c) Rapport déterminatif ou explicatif : une opposition sémantique majeure . La caractérisation restreint l’extension du N : rapport déterminatif (Riegel et alii)

[classifiant, objectif (Maingueneau)].

. Ne restreint pas l’extension du N : rapport explicatif (ou : descriptif, appositif) [non-

classifiant, subj.]. Dans ce cas, elle informe sur les modalités d’énoncé, cad. sur l’attitude du

locuteur / son énoncé (≠ modalités d’énonciation : relation locuteur / allocutaire = déclaratif,

injonctif ou interrogatif). Deux types de modalités d’énoncés, subjectives, peuvent concerner

le GN [cf. Kerbrat-Orecchioni](≠ modalités logiques, liées au mode du verbe = vrai, possible,

nécessaire…): — Affectif = expression d’un sentiment

9

— Evaluatif = jugement en terme de bon / mauvais (axiologique) ou vrai/faux (épistémique

. Différences sémantiques liées aux fonctions, elles-mêmes largement tributaires des classes

concernées > relevés par classes et fonctions, avant de discuter pt. de vue sémantique.

— 2. Relevé classé : classes et fonctions syntaxiques + 1) Adjectifs qualificatifs

. a) Épithètes liées

— sans complément de l’adjectif : « Une ardente lueur de paix et de bonté » (v. 3) « au front du ciel inaccessible » (v.5) « le brouillard obscur » (v.7) « la terre ravie » (v.9) « les lointains splendides de la vie » (v.10) « Et d’arbres effrayants que l’homme ne voit plus » (v.11-12) « L’Eden pudique et nu » (v.15) « Le seul rugissement du tigre était plus doux » (v.19) « dans le chœur des concerts infinis » (v.23)

— avec complément de l’adjectif : « Les horizons pleins d’ombre et de rocs chevelus Et d’arbres effrayants que l’homme ne voit plus » (v.11-12)

— dans locution corrélative : « […] un hymne si charmant, / Si frais, si gracieux, si suave et si tendre, Que les anges distraits se penchaient pour l’entendre »(v.16-18)

. b) Épithètes détachées « Un abîme / D’éblouissement, vaste, insondable, sublime ; » (v.1-2)

. c) Attributs du sujets « […] et la clarté / Brillait sereine » (v.4-5) « Le seul rugissement du tigre était plus doux » (v.19) « La prière semblait à la clarté mêlée » (v.30)

. d) Attributs du COD « Étant tout ce que Dieu peut avoir de visible » (v.6)

+ 2) Groupes nominaux

. a) GN prépositionnels CDN « Un abîme / D’éblouissement, » (v.1-2) « Une ardente lueur de paix et de bonté » (v. 3) « C’était aux premiers temps du globe » (v.4) « au front du ciel inaccessible » (v.5) « Des avalanches d’or » (v.8)

10

« Le jour en flamme » (v.9) « les lointains splendides de la vie » (v.10) « Dans une profondeur d’éclair et de prodige ; » (v.14) « Le seul rugissement du tigre était plus doux » (v.19) « dans le chœur des concerts infinis » (v.23) « Entre le cri de l’antre et la chanson des nids » (v.24)

. b) GN en construction détachée (apposés) « Tout s’illuminait, l’ombre et le brouillard obscur » (v.7)

+ 3) Propositions subordonnées relatives « Et d’arbres effrayants que l’homme ne voit plus » (v.12) « Les halliers où l’agneau paissait avec les loups » (v.20) « Les mers où l’hydre aimait l’alcyon » (v.21) « les plaines / Où les ours et les daims confondaient leurs haleines, » (V.21-22)

— 3. Approche sémantique + a) Caractérisation déterminative (restriction de référent) = svent problématique. En

partant du plus simple.

* 1) Les groupes nominaux

. GN prépositionnel (CDN) = normalement, sont tj. déterminatifs, mais avec

sémantismes différents, même pour une même préposition « de »

— possession : « C’était aux premiers temps du globe » (v.4) « au front du ciel inaccessible » (v.5)

— propriété : « les lointains splendides de la vie » (v.10)

— procès / agent : « Le seul rugissement du tigre était plus doux » (v.19) « dans le chœur des concerts infinis » (v.23) « Entre le cri de l’antre et la chanson des nids » (v.24)

. Un groupe non prépositionnel actualisé par un article défini, en construction détachée

= la caractérisation permet l’identification du réft. du terme qu’elle complète (PN. indéfini =

substitut d’un GN) : en restreint l’extension par extraction de deux élts. « Tout s’illuminait, l’ombre et le brouillard obscur » (v.7)

11

Malgré valeur d’identité référentielle, due à l’article défini, nuance explicative, concessive, du groupe détaché = « même l’ombre et le brouillard… [renforce l’argument]»

* 2) Propositions subordonnées relatives

. Valeur déterminative vient préciser emploi du déterminant indéfini = un exemplaire

quelconque d’un type défini par la PSR. « Et d’arbres effrayants que l’homme ne voit plus » (v.12) [il existait peut-être d’autres dont l’espèce est encore visible à l’homme]

* 3) Adjectifs

. Cas peu contestables = rares : « Les horizons pleins d’ombre et de rocs chevelus Et d’arbres» (v.11-12) [=les horizons sombres eux aussi luisaient ; sens affaibli de l’adj. + « de » = indique une relation plus qu’une qualité ; peut se gloser par verbe= qui contient] « Étant tout ce que Dieu peut avoir de visible » (v.6) [s’oppose à tout ce qu’il a d’invisible]

+ b) Caractérisation explicative ou descriptive

* 1) Adjectifs qualificatifs :

— affectifs : « Et d’arbres effrayants que l’homme ne voit plus » (v.11-12) « Le seul rugissement du tigre était plus doux » (v.19)

— impressionnistes (Maingueneau = précise ) : « la terre ravie » (v.9) « […] et la clarté / Brillait sereine » (v.4-5)

— évaluatifs axiologiques : « les lointains splendides de la vie » (v.10) « L’Eden pudique et nu » (v.15) « […] un hymne si charmant, / Si frais, si gracieux, si suave et si tendre, Que les anges distraits se penchaient pour l’entendre »(v.16-18) « Un abîme / D’éblouissement, vaste, insondable, sublime ; » (v.1-2) [modalité se diffuse àp du troisième adj. ; mais distinction possible ; « insondable » = épistémique ?]

* 2) Les GN. exprimant une modalité d’énoncé :

— impressionnistes : « Un abîme / D’éblouissement, » (v.1-2) « Des avalanches d’or » (v.8) « Le jour en flamme » (v.9) « Dans une profondeur d’éclair et de prodige ; » (v.14)

— évaluatifs axiologiques :

12

« Une ardente lueur de paix et de bonté » (v. 3) « Dans une profondeur d’éclair et de prodige ; » (v.14)

+ c) Cas problématiques

* 1) Valeur explicative et non déterminative (cf. test de suppression), en raison de la

valeur générique de l’article défini.

— Adjectifs qualificatifs : « au front du ciel inaccessible » (v.5) « le brouillard obscur » (v.7) [cf. tout s’illumine = même ombre et brouillard, lequel est obscur en tant que tel (hésitation possible)] « les anges distraits se penchaient pour l’entendre »(v.18) « dans le chœur des concerts infinis » (v.23)

— Propositions subordonnées relatives : « Les halliers où l’agneau paissait avec les loups » (v.20) « Les mers où l’hydre aimait l’alcyon » (v.21) « les plaines / Où les ours et les daims confondaient leurs haleines, » (V.21-22)

* 2) Difficultés liés à des emplois particuliers de l’adjectif

— Hésitation entre sens propre et sens figuré (cf. antéposition) : « Une ardente lueur de paix et de bonté » (v. 3) [une lueur possible parmi d’autre ; cf. « quelle aurore ? » ; mais antéposition renforce possibilité d’un sens figuré, subj., évocateur d’amour]

— Adjectif à valeur adverbiale comme marqueur argumentatif d’exclusivité : =

ne relève pas de la caractérisation (ni détermination ni explication) ; délimite champ où vaut

la prédication (assurée par le GV) : « Le seul rugissement du tigre était plus doux » (v.19) [ « Seul le rugissement… Le rugissement seulement… Il n’y a que le rugissement qui… »]

— Attribut régi par un verbe à valeur modale > expression évaluative

épistémique : « La prière semblait à la clarté mêlée » (v.30)

— 4. Conclusion. + a) Analyse sémantique des cas fait apparaître étroite relation (interaction) des différentes composantes de la phrase, qui toutes contribuent à la caractérisation du GN

ou de ses substituts éventuels :

. Actualisation, ordre des mots, sens propre / figuré, valeur modale d’un verbe,

contexte…

13

+ b) Certains cas semblent montrer limites de l’opposition entre caractérisation

déterminative et explicative :

. Coexistence de l’identification et de l’explication (v.7) [orientation argumentative de

la phrase]

. GN portant modalités d’énoncé propres aux modificateurs explicatifs sont en même

temps déterminatifs (test de suppression = pbmatique) < détermination d’un univers

imaginaire par transgression des catégories sémantiques usuelles.

14

D.Guillaume

AGRÉGATION 2001-2002

GRAMMAIRE-STYLISTIQUE Victor Hugo

La Légende des Siècles (1859)

« Sultan Mourad » pp. 292-293, v.93-125

1. Lexicologie :

A. « béant » v.102

— 1. Morphologie et étymologie

+ Participe présent du verbe béer, verbe intransitif : d’abord baer puis baier (12e s.) avant

bayer (1662), graphie distinctive / bâiller[= ouvrir involontairement la bouche avec large

inspiration + contraction spasmodique < sommeil, ennui…]

. Issu du lat. tardif batare (attesté 8e s.), V. onomatopéique évoquant le bruit que l’on

fait en ouvrant la bouche (cf. onomatopée bat, à basse époque) ; le dérivé lat. pop. bataculare

(attesté au sens du fr.) > bâiller.

— à distinguer de son homonyme bailler = restreint à des locutions en FM ms

très usuel au MA (plus que donner ) = « porter, saisir, avoir à sa charge, donner » < lat.

bajulare = « porter sur son dos ou ds ses bras ».

+ Dp. db. 17e, forme bayer = confondu avec bâiller > usage se raréfie, sf. ds locution bayer

aux corneilles (1662) = « rêvasser, perdre son temps à regarder en l’air niaisement » ;

littéralement : « en regardant en l’air une chose aussi insignifiante que l’est une corneille pour

un chasseur » ou « le fruit du cornouiller[= arbre commun ds les haies] pour l’amateur de

fruits » [< valeur de corn- = pas claire]. Interprétation moderne > sens de « s’ennuyer ».

+ Forme béer = usuelle au 16e s., moins que bayer au 17 et 18e, a été reprise db. du 19e

(Chateaubriand) et subsiste ds langue litt., surtout infinitif, présent et imparfait de l’indicatif.

15

. hormis baie, déverbal de l’ancien baer (12e = « ouverture ds une charpente ou un

mur, pour faire une porte ou une fenêtre »), les dérivés attestent jusqu’à aujourd’hui

prédominance de la variante béer.

— 2. Étude diachronique

+ Bayer : « ouvrir tout grand », en particulier « la gueule » pour un animal et « la bouche »

pour un humain (12e) ; ce dernier emploi > sens abstrait : « aspirer à, désirer ardemment »

(12e) et « demeurer ma bouche ouverte, dans une attitude passive d’étonnement,

d’admiration » (13e). Sens concret et abstrait perdurent jusqu’à aujourd’hui ds les quelques

emplois de béer.

. béant, béante, adjectif verbal dérivé du participe présent de béer (13e) a triomphé de

bayant. Employé en AF au sens figuré de « qui aspire à quelque chose », n’a gardé que le sens

propre de « largement ouvert » (16e), avec des métaphores.

. dérivé béance (13e ) : sens figuré de « désir, intention » a disparu au 15e ; a été repris

avec sens concret, spécialt. en pathologie (1865) / larynx, artère dilatée, gencive > cf. chez

Céline. Mot a retrouvé récemment valeurs métaphoriques sur le thème de l’ouverture, du vide

impossible à combler ; cf. Lacan / « la fonction de la cause » in Séminaire IX.

— 3. Étude contextuelle

+ Sens de être « largement ouvert » ; porte sur le cou blessé ; or : peu avant que subst.

béance se fixe ds le vocabulaire médical.

+ Construction : forme verbale > régit un CO interne ; cf. vivre sa vie, aller son chemin,

marcher d’un bon pas. CO < sens reproduit partiellement celui du verbe. Ici : comme

« blessure » est une « plaie » 104 et « coupure » 117, sens d’ouverture répète le verbe. Mais :

groupe CO permet de spécifier le sémantisme du verbe ; nature de l’ouverture = traumatisme

+ qui inspire l’horreur (« affreux » < « affres »).

+ Champ sémantique de l’ouverture.

. Terme préparé par ouverture que suppose le « râle » (101) > amorce la description,

avec rétrécissement de champ et analogies qui l’accompagne : large ouverture > métaphore

hyperbolique du « lac » de sang (105).

. Montrant aussi, ds ce poème, profondeur du mal et de la souffrance d’où surgira la

rédemption, mot peut se relier à celui, très hugolien d’ abîme, présent dès premier vers du

recueil (55.1). Cf. paradigme romantique de l’infini (≠ mesure classique > goût), ds ce

passage emblématique d’une esthétique.

16

B. « sombre » v. 104

— 1. Morphologie et étymologie

+ Adj. Relevé au 14e et ss doute + ancien : composé essombre = préfixe intensif es- (du lat.

classique ex-) attesté dès le 13e : « obscurité, lieu obscur ». Sombre galt. dérivé d’un

hypothétique *sombrer « faire de l’ombre » < bas lat. subumbrare (vers 400) attesté seult. 2x

et qui aurait disparu à époque prélittéraire (> mots esp., port., catalan, ancien provençal).

Subumbrare = sub- qui marque la position inférieur et de umbrare, « faire de l’ombre »,

dérivé de umbra (> ombre).

* Famille à distinguer du verbe sombrer qui, avec influence de sombre et par aphérèse <

ancien V. soussoubrer = « se renverser à la suite d’un coup de vent » (1614) < esp. ou

portugais < catalan sotsobre = « sens dessus-dessous », = sots (« sous » < lat. subtus) et sobre

(« au-dessus » < lat. supra [> sur]).

— 2. Étude diachronique

+ Depuis 16e, adj. s’applique couramment à ce qui reçoit peu de lumière, est peu éclairé >

spécialt. un temps sombre = « couvert, pluvieux » (1530) et il fait sombre. Substantivé mais

cet emploi n’a pas survécu (≠ le noir, les ténèbres). Par ext. qualifie ce qui est privé de

lumière (16e) et en partic. ds mythologie les sombres bords, les sombres rivages = « les

Enfers », et ds emploi figuré pour « qui frappe peu l’attention » (sorti d’usage).

. ds voc. des eaux et forêts ds locution coupe sombreou d’ensemencement = n’enlever

qu’une partie des arbres qui composent un massif < arbres qui restent puissent

ensemencer le sol de leurs graines ; ≠ coupe à blanc = partie d’un bois qu’on exploite

entièrement ss y laisser aucun arbre de réserve ; > emploi figuré de coupe sombre (=

« suppression importante » et nott. 20e = « licenciement massif ») est partiellement

erroné.

. se dit par anlogie d’une voix grave et voilée (1871), spécialt. en phonétique ds voyelle

sombre ≠ claire.

17

+ Idée d’obscurité > idées morales et psychologiques de tristesse et menace, dès fin 16e >

emplois métaphoriques.

. 1580 s’applique à ce qui évoque l’austérité (emploi disparu).

. fin 16e = qualifie une pers. dont pensées et sentiments empreints de tristesse ou

d’abattement. Par ext. (1689) = / choses d’une tristesse tragique, menaçante ; = alors sinistre,

inquiétant. Spécialt. (av. 1778) d’un projet nuisible qui se prépare en secret, ds l’ombre.

. Dp. milieu 19e, utilisé fam. avant un subst. (1869) comme intensif, pour renforcer un

terme dépréciatif, comme sinistre (un sombre idiot).

+ Dérivés :

. Adv. : sombrement = « qui se fait peu remarquer » (15e), sens conservé jusqu’au db.

18e, puis valeur actuelle = « d’une manière triste ».

. V. : sombrer = « rendre sombre » (17e) > remplacer par assombrir ce dernier formé

de a-, sombre + suffixe verbal, attesté isolément au sens de « rendre obscur » (16e), puis repris

au 18e. S’emploie par analogie à propos de sonorités (19e) et avec valeur figurée, souvent ds

forme pronominale s’assombrir = « devenir sombre, triste » (av. fin 18e).

— 3. Étude contextuelle

+ Adj. épithète portant sur « la plaie » en même tps que « implacable » > figure : syllepse de

sens = sens propre en même temps que figuré.

. Sens propre = « privée de lumière, obscure » (> profondeur de la plaie, d’autant plus

que, par ailleurs, rayons de soleil y pénètrent).

. Sens figuré double aussi : par hypallage — comme « implacable » auquel coordonnée

= caractérise les bourreaux (boucher + foule) > sinistre et inquiétante (annonce mort) ;

caractérise victime =état de tristesse profonde, déréliction.

+ Sens concret entre ds sysème d’oppositions dont le texte active les connotations, ds champ

associatif desquelles entre son sens figuré : sombre > opposition ombre / lumière, mais aussi

« puissant, vainqueur » (122) / « maudit » (121) et « malheur » ; victime obscure — inconnue

— / bourreaux illustre, d’apparence « auguste » (94).

2. Étude stylistique

— Intro.

18

+ À plusieurs reprises dans L1 : longue description (notamment de personnages tyranniques

— « Parricide », « Zim » —, mais aussi de lieux et de héros — « Lion d’Androclès »,

« Eviradnus ») précède anecdote montrant instauration de la justice : châtiment des bourreaux,

assomption des faibles et des parias (fable > morale).

. Cette articulation, ici : après présentation du Sultan, sa rencontre avec un porc

écorché auquel il porte secours > obtiendra son salut ds balance de la justice divine.

+ Lecture :

+ Étude :

. I Éléments d’un récit

. II Description et figures

. III Ressorts d’un discours

I Un récit exemplaire

— A. Actualisation des circonstances et des personnages

+ 1) Clarté d’une mise en place progressive : . article indéfini : « Un jour », « une rue » (92), « une chaumière » (98)

« un porc » (99), « une blessure » (101)

. déterminant démonstratif : « Cette bête râlait devant cette masure » (101)

. article défini : « du bouge » (105), « Le porc » (115), « la plaie » (108),

la « coupure » (117)

* Rem. : reprise par paronymes (presque synonymes) = esthétique de la variété

+ 2) Statut différent du pers. principal à ce moment du récit : « Il » (98) + « le sultan »

(120).

. Pers. déjà connu > simple anaphore (« il » 93) + article défini (« le sultan » 120).

— solitude = stylistique aussi : prépare la suite paradoxale.

— B. Singulièrement, les temps verbaux du passé s’organisent autour d’un unique passé

simple, temps du récit.

+ 1) Aspect inaccompli de l’imparfait >

. action qui dure : « comme il passait » (93), « Cette bête râlait » (101),

. valeur itérative : « Ils [les moustiques] allaient et venaient » (110)

19

. description : « son cou s’ouvrait » (100), « Le soleil … brûlait » (103)

. aux franges de la description et du discours (double valeur de l’imparfait, récit et

discours): « On voyait » (117), « Le porc et le sultan étaient seuls… » (120)

+ 2) Seule action relatée au passé simple : « Il vit » (98) = pivot du poème.

. Proximité de la périphrase aspectuelle « Venait de » (100) = aspect récent ; imparfait

de la périphrase oriente vers une saisie sécante de la scène(≠ passé simple = non sécant) >

donne présence à la vision.

. Rythme confère à cette action, de voir, caractère de rupture et d’évt..

— attaque dissyllabique ponctuée détache structure phrastique v. 93 > 98 :

« Un jour, » > « Il vit, »

— mise en tension de l’alex. par rythme possible en 4-4-4 (trimètre sans

parallélisme sxq. ni anaphore ; CR dissyllabique interne + coupe enjambante 9e) 99 : « Gisant

à terre, = un porc + féti=de qu’un boucher »

— C. Noyaux propositionnel des phrases mêlant à l’imparfait pause narrative et description =

présentent agents comme sujets d’action.

+ 1) Valeur dramatique : opposition entre action ou mouvement de tous, et impuissance et

inaction du porc (sx. de la victime et des bourreaux…)

. S pluriel +V d’action ou de mouvement : « Cent moustiques suçaient » (108), « Ils

allaient et venaient » (110), « Tous les passants fuyaient » (118)

. S singulier (siège ou expérimentateur : ≠ rôles sémantique pour un même actant ou

argument syntaxique) + V non transitif ou auxiliaire de modalité : « Cette bête râlait » (101),

« Le porc ne pouvait faire un mouvement » (115)

+ 2) Ce contexte tend à conférer le trait animé aux agents inanimés des verbes qui

peuvent en admettre (avec léger changements de sens).

. Cf. « Le soleil de midi brûlait l’agonisant » (104) [donner sensation de brûlure /

soumettre au feu, détruire par le feu] ; « le sang / Faisait un lac fumant » (104-105)

[constitue : ces montagnes font un ensemble majestueux » / composer délibérément : « il fait

une maison »].

* Organisation actancielle du passage = alimente le drame (antithèse) + laisse affleurer

postulat métaphysique (« Tout est plein d’âme » in « Bouche d’ombre » des Contemplations)

qui est aussi riche ressource métaphorique.

20

II. La force des images

— A. Lexique chargé : structuration fortement binaire des isotopies.

. Étude des champs sémantiques onomasiologiques (communauté de sé = idée

commune à plusieurs mots ; ≠ champs sémasiologiques : communauté de sant = homonymie,

polysémie, étymologie, composition et dérivation)

+ 1) Le porc comme victime et paria. . a) De la mort à la souffrance et à la torture :

— famille « agonisant » (103), « agonie » (112) [mort lente + combat : agon],

> « mourant » (121) ; « tombes » (110) = sé d’une mort calme plus rare.

— domaine corporel : « râlait » (101) implique souffrance du mourant >

abondance d’un lexique de la blessure et de son champ associatif conduit à l’idée d’une

torture, explicitée (121) : « torturé » . champ générique de « blessure » (101) : « plaie » (105, 108), « coupure » (117)

. champ associatif de la blessure : « écorcher » (100), « saigner à vif » (100),

« sang » (104, 111)

. acharnement et cruauté des bourreaux, en particulier animaux : mots et

locutions impliquant cruauté de l’agent :

— rayons entrent « comme un fer rouge » (106)

— action d’ingestion lente (douleur > profit, plaisir) : « Cent

moustiques suçaient la plaie » (108), « des mouches dévoré » (116)

— > explicite : « livré / Au féroce soleil » (116)

. b) Investissement expressif de la bassesse et de la cruauté :

— Champ générique de l’animal > connotation d’impureté, de bassesse

morale : « porc » (99), « parasites » (110), « mouche » (114, 116) ; réactivation

possible, en ce contexte, du sens figuré de « corruption » (112)

— Adjectifs évaluatifs axiologiques, de l’horreur au dégoût: . « affreuse » (101) > « effroyable » (117)

. « fétide » (99) > « hideux » (119), « infect, immonde » (121)

— Réseau allitératif dense, suggérant relations sémantiques : . [b] d’attaque et suivie de consonne (99-105) = microcosme de la cruauté:

« boucher », « bête », « béant », « blessure », « brûlait », « implacable et

sombre », « bouge »

. [f] surtout des adj. (99-106): « fétide », « à vif », « affreuse », « Faisait un lac

fumant », « fer rouge »

21

. reprises proche, en particulier en [s], pê générées par le « sang » : « Dans la

plaie implacable et sombre dont le sang » (104), « Cent moustiques

suçaient… »(108)

+ 2) La lumière : ambiguïtés de la puissance . a) Sens figuré de la lumière, connoté — outre contexte culturel : fiat lux, Zeus, « roi

soleil » — par v. 123 caractérisant Mourad : « Triomphant aussi haut que l’homme peut

monter » ; or hauteur fait partie des sèmes du « soleil », présent dès v. 95..

— > plutôt opposition victime / bourreau que impur / pur ; même si

« colombes » [comparant : non présentes dans la scène] = peuvent activer connotation de

pureté, d’innocence [ms idéale, plutôt que réel].

— cf. deux champ génériques (en relation métonymique ?) : « soleil » (96,

104,107), « astre » (114)[hyperonyme] + « lumière » (97) [id], « rayons » (106, 110).

. b) Dualités mises en place ne sont pas simplement antithétiques :

— Certes vers clairement binaire (connotations bas/haut, ombre/lumière) : . « Leur frange d’ombre au bord d’un tapis de lumière » (97) [métaphores

contribuent à la couleur local : « tapis » oriental]

. « Les pattes dans le sang, l’aile dans le rayon » (111)

. « Où la mouche travaille en même temps que l’astre » (114)

— Mais : l’obscurité réunit l’innocence répugnante et la cruauté splendide

(figure burlesque, grotesque + héroï-comique). . « Les deux extrémités sinistres des ténèbres » (125)

. Réunion du mal apparent et réel dans un même rejet universel : comme si

mélange des genres (esthétiques) affectait aussi l’ordre moral = le pt. de vue du

créateur (Dieu, VH) admet tout.

. Genre (ton) particulier du passage : sérieux / moral et mixte / poétique.

— B. Description et figures + 1) Omniprésence du visible.

. a) Champ sémantique de la vision = explicite, au-delà de la simple lumière.

— « apparue » (94) > polyptote du V. « voir », avec amplification du S., de

Mourad à tout spectateur potentiel (PNP3 > indéfini) : « Il vit » (98) > « On voyait » (17) [fin

de la scène = œil du porc > suite = regard de Dieu…].

. b) Composition d’une véritable hypotypose (suggestion d’une vision, où le discours

s’efface) < choix du détail visible [gros plan], avec progression du tout à la partie

(enchaînement par synecdoque) : « blessure » (102) > « sang » (104 sq) + « bord » (108),

insectes : « moustiques » (108) > « pattes » + « aile » (111).

22

+ 2) Les tropes glosent le visible : en renforcent puissance expressive + l’intègrent à un

discours poétique

. a) Métonymie et métaphore : adj. abstrait (exprime ou implique caractère moral) /

substantif concret, visible :

— métonymie : « tête auguste » / Mourad (92)

— hypallage [attribuer à certains mots — d’une phrase — ce qui semble porter

sur d’autres mots]: « plaie implacable » (104) [implacable = rayons de soleil —

ou boucher]

. b) Comparaisons : une certaine élévation du discours poétique.

— participent de l’amplification phrastique (oratoire) : . parallélismes + anaphore : reprise de « Comme » en début de phrase et de vers

(107, 109 — 124)

. cadence majeure (apodose > protase) : (109-111) et (120-125)

— véhiculent des termes et des références valorisés (par connotation ou

dénotation) / opposition au contexte de dégradation et cruauté : . « soleil » (107), « colombes » (109), « destin » (124)

. Moustiques = « Comme s’ils accouraient à l’appel du soleil » (107) : cf.

Apollon protecteur des troupeaux (détournement burlesque dans une forme

héroï-comique)

. Comparaison développée amorçant une phrase = tournure homérique.

. c) Gradation, entre logique visionnaire de l’hypotypose et pratique plus prosaïque du

discours.

— Ambivalence entre sens propre (concret) du verbe, impliquant un S animé

(> métaphore), et sens figuré, lexicalisé (> simple composition d’un tableau, effet visuel). . « les arbres et les blés / Jettent […] / Leur frange d’ombre » (95-97)

[réactivation du jet délibéré par « accablés »]

. « le sang / Faisait un lac fumant… » (104-105) [action du sang suggéré par

« plaie implacable »]

+ Entre prose rhétorique et vision,

III La constitution d’un discours

— A. Du récit au discours

+ 1. Ponctuation et modalités d’énonciation (cf. types de phrase : assertif, interrogatif,

injonctif).

23

. a) Avant le point final du passage, seul signe de ponctuation fort = « ? »v.119 :

interrogation rhétorique (Morier ; oratoire) [sens = personne, alors, n’aurait eu pitié de ce

malheureux] sollicitant la sympathie.

— Précédé d’une série de points-virgules à valeur de points atténués <

accumulation de traits descriptifs formant un ensemble (point possible v. 100, ap. charnière

anecdotique « il vit » 98)

. b) > Passage au discours (120-125) = commentaire synthétique de l’anecdote et du

tableau précédent : cf. saisie totalisante du derniers vers avec enjambement typique de VH.

(N//épith.+CDN : cf. fin de « Pasteurs et troupeaux » in Contemplations : « La laine des

moutons sinistres de la mer »).

— adjectif numéral « deux » [groupe déterminant « Les deux… »] (après

l’opposition des PN indéfinis « L’un » et « L’autre ») + comparaison = rassemble la dualité du

drame + la transpose en discours.

+ 2. Temps verbaux du discours.

. a) Question > commentaire final = subjonctif PQP à valeur d’irréel du passé

(hypothèse) : « Qui donc eût eu pitié » (119), « Comme si le destin eût voulu confronter »

(123).

. b) En amont, imparfait (entre récit et discours : cf. porte caractérisation descriptive

évaluative) ms aussi présent :

— caractérisation déterminative et CCM, bq. contexte passé, en PSR 95-96:

« À l’heure où les maisons […]Jettent […] Leur frange d’ombre » ; en PS conjonctive

circonstancielle 109 : « Comme autour de leurs nids voltigent les colombes »

— assertion générale, introduite pas conjonction de coordination à valeur

d’explication (sinon : cause ou justification) « Car », 112-114 : « Car la mort, l’agonie et la

corruption / Sont ici bas le seul mystérieux désastre / Où la mouche travaille en même temps

que l’astre »

+ Passage bascule vers le discours, mais lui-même travaillé par une parole subjective et

évaluative.

— B. Le jugement. + 1. Nuances énonciatives

. a) Adj. évaluatif prépare dès la description le jugement de la puissance :

24

— cf. « de soleil accablé » 96 > « livré / Au féroce soleil, de mouches

dévorés » (115-116) : parallélisme de la construction passive intro. par « de » renforce

rapprochement sémantique « mouche »/ « soleil ».

. b) Glissement énonciatif dans l’accumulation d’épithète caractérisant la victime v.

121.

— « torturé, mourant, maudit » = discours du poète.

— « infect, immonde » = évaluation axiologique négative plus cohérente si elle

est attribuée aux persécuteurs et aux indifférents, écho de la vox populi aliénée sous la

tyrannie (= ceux qui maudissent) : changement de locuteur (polyphonie).

+ 2. Rimes . a) Association de la souffrance et de la misère : le porc comme figure allégorique de

l’oppression, des « misérables ».

— « masure » / blessure » (101-102), « bouge »/ »rouge » (105-106)

. b) Rapprochement de ce qui dénote et connote la puissance avec des termes de

dégradation.

— « rayon » / « corruption » (111-112), « « désastre » / « astre » (113-114),

« immonde » / « maître du monde » (121-122).

— > réunion des deux parias : « hideux » / « deux » (119-120)

— Concl..

+ Clarté (didactique) de l’articulation et force de l’image au service du discours (grands

nombres de traits convergents) n’empêchent pas nuances de celui-ci : par pluralité de ses

moyens, préparant une morale où le salut de l’horrible passe par une esthétique du mélange et

de l’excès.

25

D.Guillaume

AGRÉGATION 2001-2002

GRAMMAIRE-STYLISTIQUE

Victor Hugo La Légende des Siècles (1859)

V.II « Eviradnus », pp. 216-217, v.108-154

1. Lexicologie

A. « fauve » v. 116 — 1. Morphologie et étymologie

+ Adj. [ici] et n.m., emprunté au bas lat. falvus (9e), falbus (8e-9e), latinisation du germanique

falwa « jaune tirant sur le roux » (cf. ancien haut all. falo et all. moderne falb = « fauve »).

Comme pour d’autres noms germaniques de couleur (blanc, bleu, blond, gris), mot ss doute

intro. en bas lat. par soldats.

— 2. Étude diachronique

+ Fauve a conservé le sens étym. (1080 ; 1176 n. m. « cheval fauve » = hapax).

. Bêtes fauves (16e) = / anx. sauvages au pelage de cette couleur — cerf, lièvre, lion,

etc. — ≠ bêtes noires et bêtes rousses. Mot s’emploie pour les animaux sauvages en gal. (18e)

et enfin parmi eux pour les bêtes féroces (1832 adj. et 1859, n. m. chez Hugo) > h. act. surtout

= « félin de grande taille ». L’adj. a été bcp. utilisé par les romantiques, en partic. par

métaphore, pour qualifier ce qui a les caractères de la bêtes fauve avec une valeur voisine de

farouche.

+ Dérivés.

. Db. 20e (1923, n.m. plur.) = fauves / peintres français utilisant des couleurs pures,

violentes ; > fauvisme (1927) pour le mvt. et fauviste (synomyme didactique de fauve).

. fauvette (13e) = petit passereau < couleur du plumage.

. fauverie (1949) = terme technique, « endroit d’une ménagerie réservé aux fauves ».

26

— 3 Étude contextuelle

+ Adj. qualificatif épithète de « sœur », subst. lui-même déterminé par « de la bataille »,

pour caractériser « la tempête » [= assertion métaphorique] ; sens de « farouche », « sauvage »

(< forasticus « étranger » < foras « dehors » ; ≠ domesticus) ; sur le ms. = correction de

« folle ».

+ Ds contexte de l’œuvre. Évolution du terme chez VH., selon Ch. Bruneau (ds Dico. Acad.

1835 = encore seult. sens de couleur) : qualifie lion > désert > prophète : Isaïe, SJB. (ces deux

derniers in LS. : III et I [St. Jean à Patmos : visionnaire de l’apocalypse) ; > caractérise pers.

romantique, proche d’Hernani ou Ruy Blas = tumultueux, violent et doux, redresseur de tort,

chevalier errant du progrès.

. proche du grandiose et du puissant : peuple et force de la nature ; s’oppose à

l’abjection dans la petitesse (difforme, laid, fétide, horrible…) ; troisième adj. qualif. le plus

caractéristique de LS.I (après « sombre » et « altier »).

+ En contexte immédiat :

. Suggestion d’une possible syllepse : cf. « rouilles » (108) [pluriel oriente vers le

concret] et surtout « souffles noirs » (114) > [champ onomasiologique de la couleur] :

« fauve » (116) reprend de son sens concret, en même temps que son sens figuré.

. Ce dernier, tout de même, renforcé par présence — à la même place ds le vers : après

la césure — de « féroce » (117) ; sémantiquement proche aussi de « effrayante » (115), en

même position ; série liée aussi par [f]. Le rythme du passage renforce la créartion de sens

que VH. introduit ds le texte — et ds la langue.

B. « ombre » v. 145

— 1. Morphologie et étymologie

+ Substantif féminin ; masculin jusqu’au 16e s. ; apparaît d’abord sous la forme umbre (10e-

14e s.) puis ombre (12e) < latin umbra = ombre produite par un corps interposé entre la

lumière et la terre >, par métonymie, l’ombrage, une place à l’ombre > un abri, une

protection.

. Mot latin s’applique notamment à l’ombre par opposition au corps qui la produit >

sens d’ »imge sans consistance, apparence » et « spectre, mort ». En lat. chrét. = signifie aussi

« allégorie, préfiguration ».

27

+ Rapprochement possible de umbra / sanskrit andhàh = « obscurité »; le suffixe propre au

latin peut s’expliquer par l’influence de tenebrae (> ténèbre ).

— 2. Étude diachronique : richesse des emplois en locutions + sens figurés

+ Première série de significations en fr. : protection que donne l’ombrage conte les rayons du

soleil, et l’espace privé de lumière, par interposition d’un corps opaque.

. Sens figuré d’ « abri, protection » ds loc. en l’umbre de (12e) ; à partir de la loc. faire

de l’ombre = « gêner la vue », notion de protection s’inverse en « secret, anonymat » >

locution figurée porter ombre à (17e).

— > sans doute aussi, en argot : mettre à l’ombre (18e) = d’abord « tuer »,

avant de signifier, fam. : « mettre en prison »

. Au 17e s., devient terme de peinture > loc. fig. usuelle :« une ombre au tableau »

(1664).

+ Seconde série de significations : « vaine apparence »

. [vanité] Réalisée au MA ds locutions par umbre de = « en prenant prétexte de » (12e)

et sous ombre de = « sous couleur de » (13e) > s’est prolongée par acception de « simulacre,

image affaiblie » > « soupçon, faible quantité », par ex ; ds une ombre de, pas l’ombre de

(17e).

— idée sensible dans toute une tradition folklorique : avoir peur de son ombre

(12e) > s’affirme au 16e et 17e ds locution combattre son ombre, courir après son ombre.

— 16e = a pris sens d’ « aspect pris par les morts » (chez Du Bellay, par

référence à la mythologie gréco-latine), prolongeant l’ancienne expression ombre de la mort

(12e) = approche de la mort, puis la mort elle-même (Pascal).

. [forme] Mot désigne aussi le contour dessiné par une ombre volontairement projetée,

par ex. ds le théâtre d’ombres.

— ombres chinoises (1776) < grand engouement pour un spectacle d’ombres

présenté sous Louis XVI au Palais-Royal = spectacle de figure « à la silhouette », ; qu’on a dit

inventé en Chine.

+ Rem. : ombre = aussi une espèce de poisson ; mais subst. masc..

. < aussi lat. umbra = « poisson de couleur sombre »

. sauf ds ombre-chevalier (18e) =< Suisse romande : altération d’omble, lui-même

altération d’amble (forme employée sur ls bords du lac de Neuchâtel) < lat. amulus.

+ Nombreuses dérivations : vaste champ dérivationnel

28

. Subst. masc. ombrage (12e) = « ens ; de feuilles et de branches qui produisent de

l’ombre » et « ombre donnée par cet ensemble ».

— Courant 16e, s’affirme sens figuré de « défiance, susceptibilité, jalousie »,

sentiment provoqué par la crainte d’âtre éclipsé, mal traité ; d’où locutions : porter-donner-

prendre ombrage (à qqn.) (17e) = « indisposer, donner de l’effroi »

. Adj. ombrageux (14e) < dérive ≠ V. ombrager (12e) mais ancien adj. ombrage =

qualifiant personne sombre, mélancolique, soupçonneuse, ou un cheval facile à effaroucher.

— adj. ombreux (13e) [< umbrosus < umbra ; = « ombragé, sombre »] = parfois

syn. Litt. de ombragé ; maus aussi parfois sens fig. de « sombre » (16e) = « pudique, prompt à

s’effaroucher ».

— 3. Étude contextuelle : second substantif le plus caractéristique du livre, après « rois ».

+ Emploi de « l’ombre » = attribut du COD « qu’ », mis pour « cette sombre rue » ;

juxtaposé à « l’infini » et coordonné à « l’immensité ».

+ Sens = espace privée de lumière, quoique éléments de polysémie.

. Reste quelque chose de l’ombre comme projection due à l’interposition d’un corps

opaque < « sombre rue » : suppose présence de bâtiments qui font de l’ombre ; enfoncement

ou profondeur masquant un soleil lointain < cf. aussi « hiver » (142) et « Janvier » (143) =

soleil faible et caché.

. Mais : juxtaposition à deux substantif signifiant (morphologiquement) l’absence de

limite > mise en valeur de ce sens d’espace : non seulement une qualité de l’espace, mais

l’espace lui-même [< infini / immensité = proximité de sens > redondance : progression par

expolition = réexposition plus vive, plus nette, d’une pensée ; approximation ;

impressionnisme, par touches successives] ; opposition très nette / sens de « forme,silhouette

projetée par un corps ».

. « Sombre rue » caractérisée par l’ombre = espace de « passants » anonymes,

qu’explicite certainement « Le tourbillon […] / Le tonnerre, la trombe et le typhon […] »

(146-147) = ph. naturels violents mais sans véritable matérialité. De plus, activité [=

« S’acharnent » sur Corbus (148)] = « en vain » (145) > réactive, pour « ombre », sens de

« spectre », « vaine apparence ».

— d’où aussi connotation de tristesse et de mort qui affleure ds diachronie du

mot et < par proximité et homophonie de « sombre » : ne riment pas, comme souvent, mais ts

deux sont 2e lexèmes avant deux rimes successives (144-145) ; et « sombre » peut d’autant

plus connoter une tristesse de mort qu’il rime avec « décombres » (111-112).

29

+ Les relations phrastiques et rythmiques, jouant de ses diverses valeurs en langue, font ici

de « l’ombre » le mot d’un illimité funèbre et spectral.

2a. Morphosyntaxe : les formes en « -ant »

Introduction — Grande diversité de ces formes (/ classes et fonctions) < morphologie, d’un point de

vue diachronique. + En effet <

. gérondif latin (ablatif à valeur circonstancielle) : type amando

— forme française : prép. « en » + radical + « -ant »

. participe présent (accusatif > cas régime) : type amantem

— formes verbales et déverbales (adjectivales, nominales et même adverbiales)

+ Plan :

. Classement : formes non verbales / verbales

. Approche morphologique

. Approche syntaxique et sémantique

Relevé et classement des occurrences

A. Formes n’appartenant plus à la classe des verbes 1. Adverbes

Pourtant / L’hiver lui plaît ; […] (109-110)

2. Substantifs

[…] l’hiver, sauvage combattant, (110) […] tous les passants de cette sombre rue […] S’acharnent (144-148)

3. Adjectifs verbaux

Une sorte de vie effrayante […] (115) Et le puissant donjon […] (117) Le Fôhn bruyant s’y lasse (151)

30

B. Formes appartenant à la classe du verbe

1. Participe présent

Des nuages hagards croulant sur ses décombres, (112) Quand, jappant comme un chien poursuivie par un loup, Novembre, dans la brume errant de roche en roche, Répond […] (122-123) La nuée attaquant, farouche, la ruine ! Un ruissellement […] Descend des profondeurs (128-130) Et, sous la pluie entrant par les trous des plafonds, (138)

2. Gérondif

L’âpre averse en fuyant vomit sur les griffons ; (137)

[3. Périphrase aspectuelle (avec un verbe de mouvement)

Morphologie — Radical :

+ a) Certains adjectifs verbaux conservent formes anciennes de participes présents, qui ont

été remplacées, dans la conjugaison, par des formes analogiques :

. puissant (117) = ancien part. présent du V. « pouvoir » > pouvant

. bruyant (151) = id. pour « bruire » > bruissant (conj. alignée sur V. du 2e groupe)

+ b) [Généralité] Dans les participes présent, pour les consonnes [k] et [g], les graphies

« qu » et « gu » on été conservées, par analogie (pression paradigmatique) devant « a » et

« o », et donc devant « -ant ». Formation savante des participes présent au 17e > graphies « c »

et « g » comme en latin : fatiguant / fatigant, vaquant / vacant…

— Terminaison et désinences :

+ a) [Généralité] Terminaison en –ant, issue des V. latin du 1e groupe, s’est généralisée dès

le Xe siècle.

. Cependant : après que s’est fixée la différence entre participe présent et adj. verbal

(17e) > formation savante d’adj. verbaux par analogie avec les formes latines en –entem >

certaines opposition entre formes verbales en -ant/ formes adjectivales (et nominales) en -ent:

affluant / affluent, adhérant / adhérent, émergeant / émergent…

31

+ b) L’opposition entre participe et gérondif, invariables, d’une part, et adjectif verbal,

variable, de l’autre, ne s’est faite que progressivement.

. MA. : participe présent = variable en cas et en nombre (différence floue / adj. verbale

et gérondif : même accord, en cas et nombre)

. 15e : accord possible du participe présent, en genre et en nombre.

. 16e : usage dominant = variation en nombre (comme lat.) : aussi pour le gérondif.

. 17e : Académie française (1679) fixe que le part. présent est invariable en genre et en

nombre / adj. verbal variable ; ≠ce / gérondif, qui doit être tj. précédé de « en » (av. : parfois

non, ou régi par « à » : cf. locution « à mon corps défendant ») — seule préposition possible

avant une forme verbale en « -ant » (différence / autre forme verbale non personnelle et non

temporelle : l’infinitif).

+ c) Opposition claire ici des différentes formes :

. Accord au féminin singulier de la forme adjectivale, qui prend « e » (115).

. Accord au masculin pluriel d’une forme nominale, qui prend « s » (144)

. Participe présent invariable, même s’il porte sur un substantif masculin pluriel (112)

ou féminin singulier (128, 138).

. Gérondif précédé de la préposition « en » (137)

— Une formation marginale : Pourtant (109) + a) Contrairement à certains adverbes — maintenant (< maintenir), nonobstant (< AF non

+ obstant « faire obstacle »), cependant (< ce + pendant, part. présent de pendre )… —,

pourtant n’est pas un déverbal ou un mot composé dont le second élément (lexème) est une

forme verbale en « -ant ».

. Seul exemple du corpus à ne pas dériver d’une forme verbale latine : ressemblance

purement graphique ; en fait : extérieur au paradigme.

+ b) Composition (12e) < pour + tant : = « à cause de cela » > 16e > sens moderne dp. fin

16e, vient de l’emploi en phrases négatives.

Syntaxe et sens

3. Formes non verbales ne régissent pas de complément (ds ce

corpus)

+ a) Adverbe : Pourtant(109)

. Adv. dit de liaison = pas de fonction syntaxique à proprement parler ds la phrase.

32

. Fonctionne comme une conjonction de coordination (remplacement possible par

mais) : connexion sémantico-logique = concession .

+ b) Adjectifs verbaux (indiquant qualité stable) :

. Épithète postposée (115, 151) et antéposée (117)

+ c) Substantifs (agents galt. humains du procès dénoté par la base verbal > caractérisation

permanente) :

. GN apposé sans déterminant (lui-même déterminé par un adj. épithète) (110)

. GN S, actualisé par déterminant complexe (144)

— Formes verbales = liées à une base nominale mais peuvent régir complément s d’un

verbe. + a) Participes présents :

. Épithète détachée, antéposée > + CCM (122)

. Épithètes liées > CCL (112, 123, 138)

. Verbe d’une prop. sub. participiale ( < S. « la nuée »128 différent de celui de la

principale « un ruissellement … descend » 129-130) : valeur de CCC ou CCT.

+ b) Gérondif

. Porte sur le S. du V. principal, par rapport auquel fonction de CCM (ou : complément

de phrase).

Conclusion

— Dualité des formes verbales en –ant. + a) Participe présent.

. Peut fonctionner à la fois comme adj. qualificatif (/ gpe qu’il détermine) et comme

V. (/ groupes qu’il régit).

. Forme apposée a aussi valeur circonstancielle, comme une prop. participiale et

comme un gérondif : 122 = comme CCM ( « répond en jappant »).

+ b) Gérondif.

. Usage ancien (17e) et tours parlés > proximité / prop. participiale, qui a un S. propre.

— Productivité stylistique et sémantique de ces formes pour VH. + a) Contribue à l’amplification phrastique

. Manière condensée de subordonner l’expression d’un procès à une base nominale.

+ b) Participe d’une poétique vitaliste et historiciste.

33

. Multuplie l’expression de procès divers (> temps, énergie).

. Forme adjective et substantive = peut suggérer un continuum entre acte, qualité et

substance.

2b. Syntaxe : les constructions détachées

Introduction

4. Définition :

+ Construction marquée par encadrement entre virgule (à l’oral : pause éventuelle et

contraste d’intonation) tout en correspondant à une relation de dépendance unilarérale

(subordination : sens large).

. ≠ juxtaposition

. une seule virgule si groupe détaché est en début ou fin de phrase (différence /

juxtaposition : pas mise sur le même plan avec un autre syntagme lui non apposé.

— Distinction :

+ A. Plan syntaxique. Les cas de complémentation :

. modificateurs détachés du GN

. les circonstants (compléments de phrase)

+ . B. Plan logique et communicatif. Les cas de détachement — ou dislocation — permettant

une mise en relief du thème.

Relevé et classement des occurrences + commentaire.

A. Les compléments détachés

1. Les modificateurs du GN et de ses substituts

a. GN apposés […] sauvage combattant, / Il se refait […] (110-111)

34

Il est joyeux, ce bourg, soldat encore debout, (121)

b. Groupes adjectivaux Corbus, triste, agonise (110) Et le puissant donjon, féroce, échevelé, (117) Il est joyeux, ce burg, soldat encor debout, Quand, jappant comme un chien poursuivi par un loup, Novembre […] Répond au hurlement de janvier qui s’approche. (121-124) La nuée attaquant, farouche, la ruine ! (128) Le château de granit, pareil aux preux de fer, Lutte toute, la nuit […] (141-142) Le tourbillon, d’un fouet invisible hâté, (146)

c. GN prépositionnels Une sorte de vie effrayante, à sa taille ; (115)

d. PSR explicatives

— Sens :

+ Permet caractérisation explicative (≠ déterminative : groupes facultatifs ne limitant pas

l’extension) du GN :

. cf. abondance des mots évaluatifs (axiologiques VH. : « soldat encore debout »(121)

[courage, résistance], « farouche » (128) [force et indépendance], affectif ou impressionniste :

« « triste » (110).

— Construction :

+ Directe (même v. 146 := inversion : CA du participe épithète qui est intro ; par « de ») ou

indirecte : GN prépositionnel, à valeur qualifiante ici (v.115 ; ≠ nuance circonstancielle,

possession, destination, tout/partie, matière, procès/actants…).

+ GN apposés :

. v. 110-111. Apposés à un PNP : antéposés lorsque PN. a sa forme conjointe

(clitique : « il ») ; sinon : forme disjointe (tonique, forte : « lui »).

— v. 121 : apposition / « ce bourg » (et non « il »)

. Emploi sans déterminant : le référent est actualisé par ailleurs > substantif apposé =

simple support de qualités (envisagée virtuellement, ds leur généralité : comme ds cas d’un

adj.)

2. Les circonstants […] l’hiver, sauvage combattant, / Il se refait […] (110-111) Il se refait, avec les convulsions sombres Des nuages hagards croulants sur ses décombres, Avec l’éclairs qui frappe et fuit comme un larron,

35

Avec les souffles noirs qui sonnent du clairon, Une sorte de vie […] (111-115) Il rit quand l’équinoxe irrité le querelle Sinistrement, avec son haleine de grêle ; (120) Il est joyeux, ce burg, soldat encor debout, [1]Quand, jappant comme un chien poursuivi par un loup, Novembre, [2] dans la brume errant de roche en roche, [1]Répond au hurlement de janvier qui s’approche. (121-124) Et, sous la pluie entrant par les trous des plafonds, Les guivres […] Grincent des dents […] (138-140)

— Capacité des circonstants au détachement < mobilité qui le caractérise :

+ CC. Ne fait pas partie de la valence du V. (aptitude à imposer des actants :S + CO)

. Pas de pronominalisation (cf. / « l’hiver » 110-111).

+Porte en lui-même caractérisation de sa fonction :

. < prép. et conjonction [≠ celles qui introduisent les COI : « à » et « de » relationnelles

, non sémantiques, et contraintes] (« avec » = moyen 114-115, manière 120 ; « quand »=

temps 122, « dans »123 et « sous »138 = lieu).

. sens et forme des termes construits directement : « l’hiver »110 (> temps).

— Le détachement des CC permet de varier la dynamique communicative : + ≠ absence de détachement : CC fait alors partie du prédicat exprimé par le verbe, qu’il

complète (fonction rhématique).

. Cf. : « Le château […] Lutte toute la nuit » (141-142) : CC = interprétable comme O

privilégié de la négation.

+ Détachement en tête de phrase — et en incise — : fonction thématique ou « scénique » =

mise en place du cadre où prend place le reste de la phrase.

. Net v. 110 ; incise entre S et V (111-115, 123) : cadre ds suspens de la résolution

phrastique (avant achèvement du prédicat).

+ Détachement en fin de phrase : fonction plutôt prédicative (ajout d’un second prédicat)

. Cf. 121-124 : vérification par pertinence de la tournure « C’est… que » [or =

extraction du prédicat].

B. La dislocation de phrase

. Mise en relief du GS.

Il est joyeux, ce burg […] (121) Il craint peu l’ouragan, lui qui vit Attila. (126)

36

— Mise en relief du thème par détachement en fin de phrase, avec annonce

pronominale. + Groupe détaché =

. GN. v. 121 (reprend « Il »)

. Forme disjointe du PNP 126 : « lui » / « il »

— forme permet expansion par relative explicative, à nuance causale (« parce

que ») ou de justification (« puisque »).

Conclusion

— Rôle majeur du détachement dans la dynamique communicative :

+ Expansions détachées du GN =

. Permettent caractérisation explicative > portent modalités d’énoncés (jugt.).

+ CC. détachés comme dislocation phrastiques =

. Permettent mise en valeur du thème — parfois du prédicat.

— Lien avec l’acte d’énonciation (plus que marque morphologiques ou syntaxiques

immédiates) > + Cas délicats, qui nécessitent une interprétation : apposition ou juxtaposition ?

. v. 115 : « Une sorte de vie effrayante, à sa taille ; »

— Adj. épithète pas détaché > GN simplement juxtaposé : cf. 129 : « Un

ruissellement vaste, affreux, torrentiel » (pas de virgule si pas adj. avant).

— Mais : fin de proposition = place appelant valeur prédicative, que permet le

détachement ; pê façon de gloser (expliquer) locution à valeur de déterminant complexe

indéfini « une sorte de » = pourquoi pas une véritable vie (mais une quasi vie), et pourquoi

« effrayante » < « à sa taille » (nuance CC : justification, explication > nvelle prédication).

+ Rôle stylistique, ds tonalité particulière à VH. :

. Imitation de la langue parlé ; certaine familiarité de registre : cf. dislocation.

. Amplification oratoire : détachement des expansions du GN + des circonstants.

— cf. cumul, en db. de période (110-111)

— prolongement de l’apodose : postposition + incise (121-124)

37

D.Guillaume

AGRÉGATION 2001-2002

GRAMMAIRE-STYLISTIQUE

Victor Hugo

La Légende des Siècles (1859)

V.I « Le petit roi de Galice », pp. 184-185, v.109-140

1a. Lexicologie : « ce drôle » v. 115

— 1. Morphologie et étymologie.

+ Drôle n. m. -, d’abord drolle (fin 15e d’ap. édition de 1670) et draule (16e), ss doute

emprunté au néerl. drolle, drol « lutin, petit bonhomme », d’où au figuré « bon vivant, joyeux

compagnon ». Étym. du mot est inconnue : rapprochement avec le nom scandinave du lutin

(troll) := fait pb..

— 2. Étude diachronique : bon vivant > enfant ; adj. : qui fait rire + étrange

+ a) Mot a désigné un bon vivant et, avec valeur péj., un débauché (16e), une pers. dont il fait

se méfier (17e Scarron), une pers. méprisable (18e) = ts sens vieillis.

+ b) Sens d’enfant = dvlpé au 18e ds le Midi de la Fr. et s’y est maintenue, souvent avec le

souvenir de la péjoration initiale (mauvais drôle = « garnement ») ; emploi très vivant en fr.

régional (Centre, Sud-Ouest) > chez auteurs méridionaux (cf. Daudet, Mauriac).

+ c) N. adjectivé au 17e (1636) > qualifie d’abord une personne qui amuse, fait rire, puis une

situation, un objet (1670). En attribut, exprime l’idée de « bizarrerie », ou ds la construction

un drôle de + N (1664) — glisst ; de sens id. ds son synonyme anglais funny. Plus famt.,

construction drôle de (1842-43) exprime idée intensive = fort, rude, sacré.

+ d) Plusieurs dérivés àp du 16e : vitalité particulière au 19e (Bzc)

. drôlerie (16e) = « action, propos plaisant » > seult. 19e (av. 1850 : Bzc) à propos du

côté plaisant d’une personne ou d’une situation.

. drôlatique (1565, Rabelais) quasit. éteint ap. db. 17e > repris par Balzac en 1832 :

Contes drôlatiques, pastiche du moyen fr..

38

. drôlement (17e) dont sens propre « d’une façon comique » = devenu rare au profit de

valeurs apparues 19e avec évolution de drôle > = « singulièrement » (1845) et

« extrêmement » (Bzc. 1837 ; répandu ap. 1945).

— 3. Étude contextuelle.

+ Emploi substantif avec déterminant démonstratif (anaphorique + valeur péjorative : cf. iste

lat.)

+ Sens : pers. méprisable (lâche) + sens possible d’enfant, garnement (cohérent en

contexte) : Espagne < usage du SW.

1b. Lexicologie : « affront » v. 109 (131)

— 1. Morphologie et étymologie.

+ Affront, déverbal fin 16e < affronter, v. tr. composé ap. de a- + front [a < ad- + subst. =

direction vers] ; AF = (12e) « abattre en frappant sur le front » » et par figure (13e) = « aller

hardiment au-devant d’une difficulté, d’un adversaire ».

. Front < (11e) du lat. frons, frontis = « front » (de l’h., des anx) ; mots obscur (ss

rapporchement indo-eur.) qui reprend ts les sens du gc, langue où le front était considéré

comme ke miroir des sentiment (partict. de la pudeur et impudence) ; frons a vite aussi le sens

de « devant d’une chose », nott. ds domaine militaire.

. Au sens propre, front = (11e) la partie supérieure de la face humaine (oude certains

anx. 17e) > par méton. (12e) tête ouvisage, surtout ds emploi figuré type courber le front. Fin

12e / siège de la pensée et du sentiment > le visage en ce qu’il a d’expressif (17e°).

— Mot a repris du lat. le sens de « partie antérieure d’une chose » (13e) >

« troupes rangées face à l’ennemi » > mot frontière, locution faire front = « faire face »…

Employée absolt, front = zone des batailles (1914).

— 2. Étude diachronique :

+ Évolution du sens très fortement lié à représentation du front comme siège du sentiment et

en patriculier de la pudeur, du sens moral (cf. effronté = sans front > sans sens moral).

. déverbal fin 16e (1588 = « tromperie ») = « offense faite publiquement » [= sens

actuel]

. > par métonymie (17e) = « honte éprouvée par celui qui subit l’affront » et par ext.

« échec humiliant ».

39

+ Champ dérivationnel comporte essentiellement termes sortis d’usages (< notion de

tromperie, plus présente ds sens du mot).

. Affronterie (16e) = « action de tromper impudemment ; affronteur = « imposteur »,

ms au sens de « personnne qui affronte » = resté ds usage litt..

. Affrontement = « rencontre face à face » (16e) est sorti de l’usage au sens de

« tromperie » (16e) ms spécialisé ds domaine militaire (16e), médical et technologique (19e) =

« mettre face à face » (bords d’une plaie).

— 3. Étude contextuelle.

+ Attribut caractérisant le S. « la vie » : sens courant galisé < preuve d’une absence de prise

de risque.

. paradoxe < affront = infligé par soi-même (lâcheté) ; sinon : propos blasphématoire

de la créature / son créateur (pas impossible, dans cohérence interne du livre / figures de

tyran).

. importance de la réfutation (offense publique)

+ À comprendre dans éthique aristocratique déterminée av. tout par vertu militaire ; lié à tout

un paradigme opposant les nobles aux roturier.

. Miné < pers. complotent à plusieurs élimination physique ou politique d’un enfant ;

de plus = complot secret : ≠ valeur du « front » haut, de la lutte face à face — qu’incarnera

Roland : vraie noblesse, défense courageuse des faibles : affrontera ses pers. qui commettent

un affront / équité et sens de l’histoire.

2. Stylistique

— Introduction :

+ Passage théâtral de l’œuvre épique : dialogue + tirade.

. Situation : db. discussion des infants / sort à réserver au petit roi = le cloîtrer, le

vendre, le tuer > arrivée de Roland, qui libérera Nuno et vaincra les infants.

+ Particularités stylistiques < disc. dialogué.

. Oralité > tvL du vers.

. Argumentation > intégration dans projet historique et politique de VH.

40

I. Un poème de paroles

A. Dialogue et oralité

— 1. Marques du discours indirect + a) Phrases d’introduction avec verbe de parole :

. Le plus souvent — dans le dialogue entre Pacheco et ses frères — = après le discours

rapporté, et donc avec inversion du S. Dit Pacheco (110), Dit Jorge (113), dit Materno l’Hyène (113), disent Ponce et Ramone (114) > Réplique Pacheco (115)

— Très peu d’effort de variation (hormis dernière occurrence, réponse après

rafale) = au contraire, effet de scansion répétitive, en rejet (classique) au db. des vers : pê

mimèsis lointaine de l’épopée populaire de type chanson de geste [trad. de la CR 1852, lue

récemment] (répétition < style formulaire : mémoire — légendes).

. Dans la tirade de Pacheco = précède le discours rapporté, qui vient après deux point

et entre guillemets : Je lui dirais : « Choisis […] » (117), Je dirais : « Le feu roi hantait les filles […] » (127), [la mort] Et nous lui crions : « Viens ! » (139)

— Une occurrence sans guillemets : Et je lui dit : C’est bon […] (120) = seule

occurrence d’une seconde adresse au même interlocuteur fictif : la fiction est posée > plus

besoin de cette démarcation.

— De même : guillemet au début du passage = prise de parole de Pacheco >

pas de rappel en db. de vers (≠ 128-133) : rappel inutile, fusion de la voix fictive dans la voix

épique du poète.

+ b) Spécification et singularités de mise en page.

. Tirets marquent les changements d’interlocuteur.

. S’ajoutent au décalage trad. des répliques ds textes de théâtre versifiés, ds passage de

style stichomythique [chaque réplique = un vers, ou en tout cas bref et de longueur voisine à

celle des autres] (mais : changement d’interlocuteur signalé alors en didascalie).

. > Dispositif spécifique, donnant valeur emphatique à l’isolement de chaque segment

de vers dans la page : misèsis graphique du désordre dialogué (éclatement polyphonique)

[accompagne orchestration par répétition des V. introducteurs].

— Cf. isolement d’un vers seul ds passage narratif : « Sacre » = intro. des pers.,

puis vision du couple : L’époux priait, ayant l’épouse à son côté. (61.143) Le beau couple innocent songeait silencieux. » (63.200)

41

— Décrochage > isolement dramatique d’une partie de vers : « Soir des rois »

= précède surrection et déclamation finale du mendiant. Le pont de Crassus […] Resta désert. Alors, tragique, se dressant, Le mendiant […] Montra sa souquenille […] (169. 307-310)

— 2. Marques syntaxiques et lexicales d’oralité + a) Types de phrases et modalité d’énonciation.

. Phrases exclamatives : injonctive (S+V mais aussi nominale) + Interjection (ici :

renforcement d’affirmation dévaluant une partie du contenu de l’énoncé) > tournure

exclamative de même valeur: Qu’il vive ! au couvent ! (112) « Viens » (139)

Mais, bah ! […] / […] que m’importe après qu’il reparaisse ! (123-126)

. Phrases interrogatives :

—dans le dialogue = n’ont de spécifique que leur incomplétude : protases de

système hypothétique, sans apodoses > participe du ballet verbal au même titre que la reprise

du verbe « dire » : Mais s’il reparaît plus tard ? (112), s’il revient ? (113), S’il revient ? (114)

— dans la tirade = questions rhétoriques > trouve sa réponse, ou correspond à

un acte illocutoire ≠ interrogation (plutôt : affirmation négative ; refus catégorique [voir id.

pour question précédente]) : A-t-il eu quelque part ce fils ? Je n’en sais rien ;

Mais depuis quand, bâtard et lâche, est-on des nôtres ? (128-129)

+ b) Un rapport singulier à l’autre

. Mots-phrases servant à reprendre un énoncé qui précède : — Renforcement à valeur d’approbation :

Oui, s’il revient ? (/ Mais s’il reparaît plus tard ?) (111-112)

— Reconnaissance d’une vérité = réponse à soi-même (approbation = / à un

énoncé présenté comme étnat celui d’autrui, mais qui en est ss doute la déformation) : Le feu roi hantait les filles ; bien ; (127)

. Marques de la P2 = ne sont pas dans le dialogue, mais dans la tirade : même

apostrophe « Frères » = intervient en débit de tirade, après dialogue. Prise à témoin pour

emporter adhésion (≠ échange, apport d’info.).

— P2 in tirade désigne des absents : prosopopée de Nuno puis de la mort. « Choisis […] » (117), « C’est toi qui l’as voulu. » (120)

« Viens ! » (139)

42

— autre P2 = cas de datif éthique, visant à impliquer affectivement l’autre

dans l’action décrite (démarche de persuasion, conviction) : Je vous l’enferme au fond d’un moutier vermoulu (119)

+ Suggestion d’une vaine agitation. Une communication imparfaite — lacunaire et comme

entravée — se compence par marques fortes d’oralité. Le rythme qu’elles induisent s’empare

de la métrique avec une vivacité particulière — comme au théâtre chez Hugo. L’alex. permet

la mise enscène rythmique de rodomontades condamnées par l’Histoire.

B. Le théâtre verbal de l’alexandrin

— 1. L’alexandrin est brisé par le dialogue : v. 111-115. + a) Les changements d’interlocuteurs et de niveaux énonciatifs segmentent les vers.

. Découpage en deux, puis trois parties : trois configurations différentes.

— Réplique 1 / Réplique 2 (111)

— Phrase d’intro. post-posée / Réplique 3 + Phrase d’intro. post-posée (112)

— Réplique 4 + Phrase d’intro. post-posée / Réplique 5 > Phrase d’intro. post-

posée en rejet (114-115)

. Découpage de plus en plus complexe au fil du dialogue (agitation croissante : chaos),

et avant récupération d’une continuité de parole ds le monologue.

+ b) Cette segmentation produit des discordances internes et externes.

. Contre-rejet interne monosyllabique sur une conjonction de coordination :

« Mais » (113) = sur mot atone ; très exceptionnel chez Hugo ailleurs qu’au théâtre (où apparaît

dès 1827) [un seul autre ex. in LS1 à ma connaissance = in « Mariage de Roland » : Sans

m’arrêter et sans // me reposer, je puis (131.93)]

— discordance très forte : emphase sur difficulté signifiée (pivot dramatique de

l’ens. de la scène : motive dialogue agité + longue tirade) + confirmation du statut théâtral de

ce passage.

. Rejet interne trisyllabique : et Ramon + CR externe id. Qu’il revienne ! / Réplique

Pacheco. (114-115) . Progression, par vague, de la discordance, de l’int. jusqu’à l’ext. du vers + la plus

grave correspond au schéma énonciatif le plus simple (deux segments) / schéma le plus

complexe (en 4 segments sur un v. et demi, à la fin) : moins discordant, et récupéré par

syntagme-hm. : tj. maintenir un certaine clarté, simplicité.

43

— 2. Le verbe de la tirade travaille lui aussi les frontières métriques. + a) Discordances brèves, notamment liées à l’oralité du discours :

. Rejet externe dissyllabique avec resserrement accentuel (contre-accent

tonique)[Mesch.] lié à l’interjection : Mais, bah ! / Ayant plié le jour où mon bras le courba, (123-124)

. Enchaînement question > réponse : Ri dissyllabique A-t-il eu quelque part // ce fils ? Je n’en sais rien ; (128)

. Changement de niveau énonciatif (> propos rapportés) : Ri4 (5 ?) Je dirais : « Le feu roi // hantait les filles ; bien

. Plus amorti (non ponctué) Cri2 = aussi porté par simple mouvement de la phrase :

(S)GV + CC (locution prépositionnel ou subst. construit directement). Je vous l’enferme au fond // d’un moutier vermoulu, (119)

Ayant plié le jour // où mon bras le courba, (124)

+ b) Mise en place de configurations de relais.

. Trimètres 4-4-4(possible : laissant toujours possibilité du 6//6) [3/31 = près de 10%

soit double de la moyenne : fort investissement rythmique ; concentration sur la fin] Mais depuis quand, bâtard et lâche, est-on des nôtres ? (129)

Une jeunesse courte et gaie à fin sanglante ; (137) [coupe 4e enjambante]

Son pas lugubre avec le bruit de nos clairons. (140)

— vers à ponctuation ternaire : charge polémique

— deux autres = GN, ds caractérisation dynamique des princes guerriers.

. Échos internes aux vers, entre fins des deux hémistiches :

— vocaliques : rime intérieure : Nous le laissons vivant, nous le faisons manant. (116)

— consonantiques : allitération de début et fin de mot Si, pouvant disparaître, il aime mieux décroître, (118)

. Richesse et variété de la rime :

— tour de force et humour dans rime entre interjection et terminaison du passé

simple (oral / litt. ; disc. / récit) : bah ! / courba 123-124 (fléchissement du registre)

— presque rime équivoquée (homophonie pour sens différent) : la paresse / qu’il

reparaisse (125-126) = dans les deux cas, un des mots-rimes est (phonétiquement) une partie du

mot-rime suivant [variante incomplète de la rime complexe : mot rime décomposé en

plusieurs > bonheur / bonne heure (Aragon)]

44

— rime enrichie par reprise (et proximité) de phonèmes précédents [mot rime

presque anticipé] : nous accélérons / nos clairons (139-140)

+ Mouvement propre du texte hugolien traverse parole de ses personnages. L’énonciation du

poème fonde sa simple élocution (acte illocutoire / locutoire) : elle anime un style qui à la fois

caractérise les créature de l’œuvre et donne des effets de sens qui les dépasse.

II. Rhétorique et politique du poème

A. Une rhétorique polémique — 1. Prégnance de l’antithèse et des constructions binaires.

+ a) Antithèse structurant le vers

. Double opposition A-B//A’-B’, liée à une hypothèse (construction de discours

affichée comme telle) Tué, c’était le roi ; vivant, c’est un bâtard. (111) = double supposition, enchaînement cause > conséquence [part. + attribut] Si, pouvant disparaître, il aime mieux décroître, (118) [V+COD]

Le rustre voudra vivre et le prince mourir (132) [apodose au futur d’une protase

en « si » ; S+COD(inf.)]

+ b) Opposition binaire inférieure ou supérieure au vers.

. Dans un hémistiche : alternative Je lui dirais : « Choisis : la mort ou bien le cloître. » (117)

. Opposition en « mais » d’une phrase à l’autre et entre les deux parties d’une phrase

(CC/SGV ; reprise anaphorique en « mais ds la première) : Nuno mort, c’est un spectre ; il reviendrait. Mais, bah !

Ayant plié le jour où mon bras le courba,

Mais s’étant laissé tondre […]

[…] que m’importe après qu’il reparaisse ! (123-126)

+ c) Parallélisme binaire non antithétique : valeur de renforcement, enchaînement cause >

conséquence (explication).

. Double binaire de renforcement : parallélisme par reprise de participes présents

composés (A-B [=b1,b2]): Mais, bah ! / Ayant plié […],

Mais s’étant laissé tondre, ayant eu la paresse / De vivre […] (123-126)

. Avec anaphore en « nous », dans un vers : Nous sommes les guerriers, nous trouvons la mort lente, (138)

45

+ Structures traditionnelles fortes chargées par des formulations énergiques.

— 2. Une grammaire de la force argumentative

+ a) Une tendance au resserrement : style globalement peu périodique, coordination et

juxtaposition l’emporte sur la subordination.

. Formulations brèves, même sur le mode assertif (≠ injonction, exclamation) et au-

delà des mots phrases.

. Propositions et phrases brèves (SVC) : sentence, maxime / réplique dans un dialogue

(fictif) : brièveté tient au fait qu’elle prend sa valeur du contexte (anaphore conceptuelle :

« c’ », « en » [ne reprend pas un terme particulier, mais le contenu d’une assertion

précédente]). La vie est un affront […] (109)

C’est bon. (120), Je n’en sais rien ; (128), Or ce drôle a vécu. (133)

. Peut aller jusqu’à la phrase nominale : lecture du v.117 suggérée par la ponctuation

= double assertion nominale après les deux points (plutôt que séparation du COD). « Choisis : la mort, ou bien le cloître. »

+ b) L’accent prédicatif : récurrence de « c’est ».

. « C’ » = anaphorique neutralisant l’opposition animé / inanimé (rhétoriquement

pertinent / petit roi, qu’il s’agit de tuer ou non) Tué, c’était le roi, vivant, c’est un bâtard. (111)

Nuno mort, c’est un spectre ; (123)

. Permet le détachement du thème = donne du relief à l’articulation prédicative ;

détachement du thème comme cadre circonstanciel (dans ex. précédents), mais aussi du S. : Toute la différence entre un rustre et nous autre, / C’est que […] (131)

. Permet l’extraction du prédicat, par association avec « qui » : C’est toi qui l’as voulu.

(120)

+ Liée à l’oralité, rhétorique et plus familière, du style déployé, ces formes de brutalité

assertive prennent un sens politique qui n’est pas étranger à la pente visionnaire de cette

poésie, dans son rapport à la mort.

. B. Satire d’une aristocratie spectrale

— 1. Mots et classes.

46

+ a) L’argumentation de Pacheco pose et sous-entend une opposition de classes qui se

déploie en deux champs onomasiologiques opposés.

. Part de l’opposition initiale : « roi » / « bâtard » (111), liée à une opposition entre

lâcheté et noblesse d’âme (accepter ou non « l’affront » 109 d’une vie sans régner) [pb. de

l’argumentation : faire passer l’héritier pour un bâtard = difficile si mère est vivante : est

morte ?]

— argument porte sur le sang, et donc l’être : manière de comprendre

récurrence de « c’est » aux moments forts de l’argumentation.

. Champ associatif passe des personnages de sang royal (père > fils [éventuellement

parenté plus éloignée : princes de sang) aux militaires : « roi » (111, 121, 127) et « prince(s) » (132,

136) > « guerriers » (138).

— relation roi > prince = lexicale et référentielle : les infants, frères du roi, sont

aussi fils de roi > princes.

— relation princes > guerriers = est prédiquée, et s’accompagne de la

constitution d’une communauté : « Nous » (=je [Pacheco] + vous) ≠ P3 : les bourgeois, mais

aussi ≠ P2 (interlocuteurs imaginaires) : le petit roi qui aurait la faiblesse de vivre + le peuple

à qui il faudrait expliquer sa bâtardise.

— cette communauté se caractérise par son courage : vertu aristocratique, non

explicite mais démontrée notamment par goût de la guerre et appel de la mort, mépris pour la

vie.

. Champ onomasiologique correspondant aux autres catégories sociales que les

souverains héréditaires = comprend surtout des termes péjoratifs.

— « bâtard » (111, 129, 135) : généralisation, de Nuno > bourgeoisie = suggère

bien que le petit roi représente le peuple (position quasi-christique : sacrifié en leur nom) ;

bâtardise de N., selon P. (qui prétend raisonner en des termes que le peuple partage : cf. 141

sq. = joue de son aliénation + veut régner par l’opinion [cf. NIII]) < acceptation de vivre :

refus d’un combat ds lequel il serait sûr de mourir mais qui lui donnerait statu royal : ce statut

= < courage hyperbolique mais surtout position de supériorité dans un pur et simple rapport

de force ; argumentation implicite de P. fait de la monarchie une tyrannie.

— autres termes :

« bourgeois, marchands » (135), mais surtout « rustre » (130, 132), « manant »

(133) = mots vieillis, connotant l’ancien régime ; ont sens social

précis (paysan [vieilli < rusticus] ; roturier assujetti à la justice d’un

47

seigneur [< V. AF manoir < lat. manere) + sens péjoratif (homme

grossier ; paysan [dans langue classique])

+ b) Déterminants, classes sociales et classes de mots.

. Dépréciation ne tient pas qu’à la classe des substantifs, désignant des groupes

sociaux ; autre termes (/ Nuno et non régnants) et constructions présentant sème de la

bassesse morale

— adj. « lâche » (129) et « caducs » (134) [semi-métaphorique : proche de sa

fin + périmé], « vieux » (136) [construction attributive avec un verbe occasionnellement

attributif ; très fréquent chez VH. ; prédication attributive est le vrai propos de l’énoncé : cf.

test de négation].

— verbes : « décroître » (118), « avilit »(121), « méprise » (122).

— développement métaphorique : V sens figuré > impliquant réduction à

l’animalité (d’un mouton : troupeau > appartenance au peuple… : mais peut faire de Pacheco

un loup [implication > connotation]). Ayant plié > S’étant laissé tondre […] (123-124)

. Jeu des déterminants travaille aussi la différence : d’emblée « le roi » / « un bâtard »

(111) < valeur d’unicité (comme un nom propre [d’ailleurs roi a un nom propre, de

souvedrain]) = désigne le roi régnant effectivement, à tel moment et sur tel peuple (cf. « Le

roi est mort, vive le roi ! ») / exemple quelconque d’une généricité.

— autre article déf. = unicité de fait (et non de droit) : « le feu roi » (127)

— article indéfini porte sur « un roi » = « qu’on avilit »(121) ; cf. aussi opposit°

« un rustre » / « ns autres »(129) — classes opposées se retrouvent derrière article défini = ds opposition de

généralités : « Le rustre voudra vivre et le prince mourir » (132)

— seuls les roturiers se retrouvent sans article : mots qui les désignent sont ou

peuvent être facilement des adjectifs (à part « manant ») = tournure révèle qu’ils désignent des

attributs / « rois » et « princes » ayant valeur d’essences. Ils sont bourgeois, marchands, bâtards (135)

+ Cette virulence lexicale se construit sur fond d’une mort décrétée par le poète et l’histoire.

— 2. Un théâtre d’ombre

+ a) Un pouvoir seul face à la mort à venir.

. La virulence polémique de P. = solitaire : interlocuteurs qu’il agresse (Nuño, peuple)

sont absents (cf. Benv.) : P2 (exprimée ou impliquée) = P3.

48

— leur place d’opposants = sera occupée par Roland (justicier de la cause du

peuple, qui, comme lui à ce moment du texte, appartient à l’avenir).

. Succession des interlocuteurs = aboutit à la prosopopée de la mort [mettre en scène

les absents, morts, surnaturels ou inanimés ; les faire parler, répondre, agir] : dit sans doute

leur vérité (Hgl. : fruit comme vérité de la fleur). Mise en place de celle-ci :

— personnification < apostrophe (interpellation par l’injonct°) : « Viens ! »

(139)

— 1e amorce : « jeunesse » caractérisée par « gaie » (137) = marquée par la

gaieté, mais signifié de puissance (actualisé a posteriori par la suite) = qui a de la gaieté

(s’applique alors à un animé).

— 2e amorce, de même type : « lente » / « la mort » = qui manque de rapidité

dans ses effets (/ inanimé), ou dans ses déplacements (/ animé).

— développement (qui fait seulement prosopopée : sinon, seulement

apostrophe et personnification) : métaphore génitive impliquée par « son pas »

. Métaphore filée peut prendre sens allégorique : défi mortel de l’aristocratie

usurpatrice au son du clairon (instrument de l’épopée : métonymie du signe pour la chose) =

appelle sur elle condamnation de l’histoire.

— cf. d’ailleurs, ds le récit : l’interlocuteur opposant libérera le souverain

légitime et vaincra les infants.

+ b) Les marques du châtiment : mots et rythme.

. Programme onomastique des infants :

— « Materno l’Hyène » : gésine / charogne + rime impossible / « revienne » (113-14)

— « Ponce » (114) = cf. Ponce Pilate : laisse condamner l’innocent.

. Échos, entre un césure et deux rimes (115-116) : « maintenant »-« vivants »-

« manants » = contre discours de Pacheco, peut suggérer que le présent vivant est l’heure du

peuple.

. Connotation historique d’un mot : « Une jeunesse courte et gaie à fin sanglante »

(137)

— personnification latente de « jeunesse » + fin (performative) du vers sur

« sanglante » > rappeler dérivé « raccourcir », dont sens fam. = décapiter.

— ironie dramatique (/suite du texte) et tragique (/histoire) : ds sa déclaration

de l’amour de la guerre, pers. laisse entendre sa propre condamnation.

49

— Conclusion : double travail poétique

+ Création de formes de discours =

. Densité des marques d’oralité, alliée à virulence du vocabulaire > ≠ Racine ou

Chénier.

. Porte un rythme qui trouve force expressive dans saisie de la métrique (et non

inclusion en elle).

+ Mobilisation des ressources rhétoriques, argumentative, reconnaissable, au profit d’une

visée discursive d’ordre politique (ds une certaine lecture de l’histoire).

. Dispositif complexe et stratifié :

— clarté de surface

— agencement de marques (lexicales, figurales) > discours du personnage

laisse apparaître énonciation politique du poème : = les mots de l’usurpateur tyrannique ont

un style romantique et des implications démocratiques.

50

AGRÉGATION 2001-2002 GRAMMAIRE-STYLISTIQUE

Victor Hugo La Légende des Siècles (1859)

« Eviradnus », v. 546-574

QUESTIONS

I. Langue

—1. Lexique. Étudiez les mots farouche (v. 449), rêve (v. 554), pensifs (v. 567) et formidable (v.568) [4 points] — 2. Syntaxe. a) Étudiez l’apposition dans le texte. [6 points] b) Faites toutes les remarques qui vous paraissent nécessaires sur : Le métal fait reluire, en reflets durs et froids, / Sa grande larme au mufle obscur des palefrois ; (v. 565-566) [2 points]

II. Style

— Étudiez le style de ce texte. [8 points] D. Guillaume

AGRÉGATION 2001-2002 GRAMMAIRE-STYLISTIQUE

Victor Hugo La Légende des Siècles (1859)

« Eviradnus », v. 546-574

Corrigé

I. Langue

— 1. Lexique + a. Farouche v. 549 : adj. issu de l’altération de l’AF forasche (13e), par métathèse des voyelles ; ce dernier < bas-lat. forasticus (dérivé de l’adv. foras « dehors, au-dehors ») « extérieur, étranger », d’où « sauvage », par opposition à domesticus. L’évolution du sens marque d’abord l’isolement, puis la violence. S’est dit d’un animal non domestiqué (13e) puis d’une personne craignant la compagnie des hommes, et enfin des manières d’une telle pers.. Se développe ensuite son emploi pour désigner quelqu’un de rude, violent (14e), dont l’aspect et le comportement sont hostile, sauvage (16e). Extension pour ce qui se manifeste avec vigueur. Le champ dérivationnel exploite aussi les deux dominantes : le composé effaroucher (15e), plus proche du sens étym., l’adv. farouchement,15e mais usuel depuis peu, dans le sens d’une violence. — VH emploi ici l’adj. métaphoriquement (porte sur un inanimé), pour désigner un aspect violent et donc inquiétant, mais non sans relation avec le sens étymologique : cf. isolement du lieu, cerfs ≠ domestiques, et proximité même avec « sauvage » (< silvaticus : cf. bois 549 puis forêt 551). + b. Rêve v. 554 : substantif déverbal dérivé (17e) du V. rêver (12e) < étym. problématique : préfixe re- + probablement V. *esver (non attesté mais cf. AF. Desver « perdre le sens ») < gallo-romain *esvo « vagabond » < lat. pop. *exvagus « qui erre çà et là », de vagus id. et « indéterminé » ; ou : origine possible de *esver dans lat. evadere « sortir, s’échapper » > rêver compris comme « s’échapper en imagination » ; en outre, confusion possible de rêver avec raver « délirer, être en fureur », d’où cumul des sens. Sens concret du V. AF et MF d’une part : « aller de-ci de là pour son plaisir, s’amuser », d’autre part sens de « délirer » jusqu’à l’époque classique ;

51

16e convergence de l’abstrait et du concret : « laisser aller sa pensée au hasard », souvent péjoratif, comme le montrent aussi les dérivés dès 15e rêvasser, rêvasserie, rêvasseur. Rêve (17e, mais assez rare avant le 19e) apparaît après rêverie (13e « délire »), pour désigner d’une part les phénomènes psychiques accompagnant le sommeil (activité + résultat), d’autre part les constructions de l’imagination (faculté + ses productions), et notamment du désir — le mot tend à supplanter (en particulier dans premier sens), à ce titre, songe, qui l’a précédé. — Le verbe créer dont le rêve est ici sujet montrez bien que le substantif désigne ici la faculté créatrice de l’imagination (ce que confirme aussi « jeux », impliquant une dynamique), le rêve étant ici au bronze (personnifié, toutefois, par le contexte) ce que la pensée est à la matière ; cf. aussi le caractère fantastique et foisonnant des création (créatures) du rêve ; le rêve comme puissance créatrice tend à produire des objets douteux voire fictifs, puisque cimiers et armures, quoique bien réels, apparaissent avec un statut de réalité incertaine, voire explicitement onirique (champ onomasiologique de l’illusion : Semblent une forêt 531, vaguement aperçus 570, et du rêve nocturne : Cauchemars entrevus dans le sommeil 547). + c. Pensifs v. 567 : dérivé (11e) de penser [radical du verbe + suffixe adjectival -if : le substantif ainsi complété se voit attribuer comme qualité le fait d’être agent du procès dénoté par le V.] = forme savante (10e) du lat. pensare, fréquentatif de pendere (> fr. pendre) « peser » et « estimer » ; l’évolution phonétique donne peser, la forme penser provient de l’écrit, comme panser, de même origine. Dès les premiers emplois fr., le V. désigne l’action de réfléchir, méditer, et s’utilise aussi comme V. d’opinion pour « croire, estimer, juger » ; l’évolution essentielle est liée à celle de la transitivité (AF-MF penser de = « se mettre à, tâcher de », « avoir dessein de ») ; la construction penser à s’impose généralement : « attacher sa pensée à »(12e), « songer, réfléchir à, se souvenir de, avoir dans l’esprit » (13e). Pensée dérive du part. passé (13e) et désigne d’abord le siège de ce qui est pensé, puis, par métonymie, la manière d’user de cette faculté, un de ses contenus possibles. Pensif apparaît d’emblée pour désigner une personne absorbée dans ses pensée, puis, métonymiquement, le visage ou l’expression correspondant. — Ce sont ici les spectres (désignation métaphorique des armures) qui sont absorbés dans leurs pensées (importance ici du pluriel, et d’un certain vague impliqué par cette « absorption », où le S. tend à se perdre), en contradiction relative avec leur aspect farouche ; la pensée qui leur est attribuée n’a pas de contenu précis : ils ne pensent pas quelque chose, mais « pensent à », éventuellement « se souviennent de » : cf. « songent » 560, et « l’odeur du temps s’exhale » juste après cette émission de pensée… VH a particulièrement illustré cette aptitude de l’adj. au vague et au mystère (cf. opposition de sens / autres dérivés : subst. penseur, part. pensant = activité et faculté précises). + d. Formidable v. 568 : adj. emprunté (14e) au lat. formidabilis « qui inspire la crainte » < V. formidare « craindre, redouter » < N. formido, -inis « épouvantail » d’où « effroi, terreur ». Le sens étym. est devenu archaïque : seul sens début 19e « de grande taille, puissance », d’où l’emploi, par exagération, pour « étonnant » ; devenu même un superlatif, généralement laudatif (selon une évolution proche de celle de sensationnel, extraordinaire) > abréviation par apocope au 20e ( formide vers 1960). — VH joue ici sur les deux sens de l’adj., attribut de Leur ombre. Le sens étymologique, vieilli, est premier, cf. la description des ombres qui achève le passage : De grands nuages noirs aux profils effrayants (574) ; présence global d’un champ onomasiologique de la peur, pour caractériser ce qu’inspire les vieilles armures : cf. l’Épouvante bâille 564, rangée horrible 572, voire — métaphoriquement — flambeau frissonnant 569. Mais l’idée de grande taille est également présente (et motive pour une part la crainte) : cf. Elle remue et croît 571, l’énormité des vieux combles 573, grands nuages noirs 574. — 2a L’apposition [6 pts] + A. Intro. : discussion et définition de la notion (toujours : envisager aussi des thèses que vous en retenez pas…). Double définition possible de l’apposition comme expansion du GN ou de ses substituts : par relation attributive (coréférence), et par construction (détachement). Caractère problématique de la première définition, nécessaire cependant si le corpus comporte des appositions sans détachement (cf. les « métaphores appositions » chères à VH. ; on parlera d’ailleurs plutôt, en de tels cas, de noms épithète, le second substantif déterminant ou caractérisant le premier), surtout en cas de construction par préposition (type « la ville de Paris » = peut s’analyser comme complément du N : il n’y a pas coréférence à strictement parler). Pas de cas ici (pour ce qui serait un I). Le corpus ne comprend que des expansions détachées du GN : classement selon la nature, et différenciations sémantiques (selon que la relation se glose avec les verbes être ou avoir). + B. Relevé: CONFIRMATION : UN RELEVÉ EXAUSTIF EST NÉCESSAIRE, qu’il soit présenté séparément ou non ; LES OUBLIS SONT PÉNALISÉS ; sauf : corpus pléthorique (plus de 15-20 occurrences) dont vous devez seulement citez (à l’oral, notamment) des occurrences représentatives de chaque type. . a. GN apposés

v. 546-549 : Les cimiers surprenants, tragiques, singuliers, / Cauchemars entrevus dans le sommeil sans bornes, Sirènes aux seins nus, mélusines, licornes, / Farouches bois de cerfs, aspics, alérions, v. 553-557 Tous ces êtres, dragons, cerbères orageux, […] / Lions volants, serpents ailés, guivres palmées, […] / Espèces de démons composés de terreur,

52

. b. Participes apposés v. 553-556 Tous ces êtres, […] / […] Faits pour l’effarement des livides armées, […] songent v. 556-559 Espèces de démons composés de terreur, / Qui […] / Hurlaient, accompagnant la bannière géante, v. 553-561 Tous ces êtres […] / […] / Sur les cimiers glacés songent, gueule béante, / Comme s’ils s’ennuyaient, trouvant les siècles longs ; v. 562-564 Et, regrettant les morts […] / Le carnage, on dirait que l’Épouvante bâille.

. c. Prop. sub. relat. explicatives v. 553-554 Tous ces êtres, […], Que le bronze et le rêve ont créé dans leurs jeux, v. 557-559 Espèces de démons composés de terreur, / Qui […] / Hurlaient […]

. d. Constructions absolues v. 553-560 Tous ces êtres […] / […] / Sur les cimiers glacés songent, gueule béante,

+ C. Analyse syntaxique et sémantique : . a. Caractère non déterminatif (non classifiant) des appositions : cf. absence d’article ici dans les nombreux GN apposés > pas d’actualisation, de restriction d’extension, mais appartenance à une classe, qui explicite la compréhension comme le font des adj. non déterminatifs, auxquels ils sont d’ailleurs juxtaposés v. 546 sq. ; cf. d’ailleurs extension inférieur de nombreux subst. par rapport à la base des appositions, qui fournissent autant d’exs.. . b. Nature verbales des participes apposés : ils s’analysent comme des épithète détachées d’un nom ou de son substitut ; mais, lorsqu’ils se rapportent au sujet de la principale, on peut les considérer comme noyau d’une proposition participiale dont le sujet est omis en raison de sa coréférence avec le S. de la principale (et par impossibilité, ici, qu’un PN relatif 558 ou qu’un PN personnel de forme conjointe 561, soit immédiatement S d’un participe) ; la participiale — comme souvent les modificateurs détachés — a alors valeur circonstancielle (CCM v.556, 559 ; CCC v. 561, 562sq.) ; cela est moins sensible pour le part. passé (< accord, et ici effacement de sa valeur proprement verbal, dans la locution « fait pour » = « propice à »). . c. Cas particulier des constructions absolues : N+adj. (ici adj. verbal 560), participe ou groupe prépositionnel ; le N(N2) représente généralement la partie d’un tout désigné par un autre N(N1) de la phrase (partie du corps, le + souvent) ; contrairement aux autres appositions, la tournure se glose à l’aide du verbe avoir : N1 a N2(COD) + attribut du COD (*tous ces êtres ont la gueule béante). — 2b. Remarques sur : Le métal fait reluire, en reflets durs et froids, / Sa grande larme au mufle obscur des palefrois ; (v. 565-566) [2 pts] + Construction factitive , où la phrase P [S2-V] (*Sa grande larme reluit) s’intègre dans une structure [S1 - faire [S2-V]] > [S1-faire [infinitif-S2]], où le sujet S1 (ici « Le métal ») est considéré comme cause du procès dénoté par P.. On peut comprendre alors le groupe S2-V comme une proposition infinitive, ayant son sujet propre et régie par faire comme elle le serait par des verbes comme laisser, entendre, voir… . Toutefois, le verbe faire est le seul à exiger, dans ces constructions, que S2 soit postoposé à l’infinitif s’il s’exprime sous forme nominale (*Le métal fait sa grande larme reluire ≠ laisse sa grande larme reluire) : faire et l’infinitif ne peuvent être séparés par le S de ce dernier, ni par un de ses compléments essentiels — mais on observe que le CCM en reflets… est détaché sans difficulté entre l’infinitif et S2. Cette contrainte, ajoutée à la pronominalisation de S2 par un PN conj. de forme COD (*Le métal la fait reluire), incite à analyser la tournure comme une périphrase factitive faire+infinitif ; le complément S2 exprime alors l’agent du procès (ici le siège, plutôt), et le sujet S1, sa cause.

II. Style — Passage où le registre légendaire (accueil du fantastique et du merveilleux) permet de fait à l’épique (élévation du genre et travail de l’histoire) de remettre en cause la distinction, en poésie, entre description et vision (accès par le langage à un référent spécifique : cf. Rimbaud « voyant » puis surréalisme). + I. L’extrême descriptif : 1. Généralité, indétermination et profusion (extension des termes, déterminants, richesse lexicale) 2. Vie des phrases et des choses (amplitude périodique, ponctuation, rythme et mètre). + II. Le basculement visionnaire : 1. Moyens de l’image : du tableau à la vision (organisation de la description ; types syntaxiques de comparaison et de métaphore : gradation dans l’effacement de l’analogie [remarque : les modalisateurs défont le merveilleux épique, mais lui substituent le vertige de la contemplation, engageant la subjectivité : Hugo ≠ Voltaire…]) 2. Mots d’une réalité spectrale (détermination des champs onomasiologiques, et leur communication, entre le propre et le figuré).