DEUX GEANTS DE LA PEINTURE AMERICAINE :

Edward HOPPERNorman ROCKWELL

EDWARD HOPPER

1882/1967

HOPPER est né dans un milieu de commerçants aisés où il reçoit une morale stricte, empreinte d’introspection et d’humilité, morale propre aux protestants évangéliques.

Jeune enfant, il joue près de la rivière et des docks, rêvant de devenir architecte naval.

Il aime dessiner et ses parents vont l’encourager dans cette voie; il se passionne pour la lecture ( écrivains russes et français)

Il va commencer son apprentissage artistique par correspondance et envisage une carrière d’illustrateur.

En 1901, il intègre les Beaux Arts ( New York School of Art) et ce jusqu’en 1906

EDWARD HOPPER

1882/1967

« Autoportraits » 1903 et 1906

« Le Pavillon de Flore » 1909 « Notre Dame de Paris » 1907

Robert HENRI, son professeur, grand admirateur de MANET, aura une importante influence sur son travail.

HOPPER vient à PARIS où il est séduit par le travail des impressionnistes ( PISSARO, SISLEY, RENOIR…), une passion pour DEGAS. Il y séjournera entre 1906 et 1910

« Couple buvant » 1906/1907( aquarelle, mine de plomb et crayon sur papier)

Pendant ces 4 années en Europe, il va visiter les grands musées de LONDRES, AMSTERDAM, BRUXELLES, BERLIN…

Il va réaliser des études à partir de l’ »Olympia » de MANET, à partir des œuvres de DEGAS.En 1909, il peint « SUMMER INTERIOR »

Une jeune femme a tiré le drap du lit jusqu’à sol et s’est laissée glisser. Court vêtue d’une petite chemise, le poignet entre ses cuisses nues, elle a la tête penchée et semble prostrée, abonnée.Seule la pointe de son pied gauche est dans le champ du soleil.Elle n’a ni la force d’une prostituée ni la grâce d’une danseuse: elle fait face à la solitude ( à l’abandon?) dans une chambre anonyme.

Sans aucun doute, il y a inspiration des danseuses de DEGAS mais avec plus d’obscénité;

Ce tableau qui, pour le puritain qu’était HOPPER, représente une transgression à sa morale : il ne l’a jamais exposé

« Blackwell’s Island » 1911Dans cette peinture : 3 parties -le ciel bleu avec ses petits nuages, la mer bleu cobalt un peu agitée et entre les 2 une composition architecturale complexe. Des jeux d’ombre et de lumière sur les rivages. La seule présence humaine : la silhouette sombre du pilote du bateau à moteur

« Sailing » 1911

A partir de cette époque HOPPER va à l’essentiel : simplification des arrière-plans, isolement des figures humaines mais il vit surtout grâce à ses travaux d’illustrateur. Aucune toile ne sera vendue lors de son expo en 1920

« American Village » 1912

Hormis la maison blanche et le bus jaune, une scène de début de soirée dans des tons sombres.L’activité humaine est suggérée par des touches de peintures.C’est sans doute le 1er tableau décrivant « son Amérique »

C’est surtout en qualité d’illustrateur qu’il va vraiment faire ses débuts

Entre 1915 et 1928, il s’adonnera à la gravure. Avec une densité des traits, une force des contrastes il donne un réalisme puissant aux scènes.

« Métro aérien la nuit » 1918 « Ombres, la nuit » 1921

Il va peindre des scènes d’intérieur qui révèlent l’intimité d’une vie privée.Une certaine forme de voyeurisme qui va devenir le style de HOPPER ; à partir de 1925,la peinture va lui fournir un revenu suffisant

« Moonlight Interior » 1921 « Jeune fille devant sa machine à coudre »1921

« Maison près de la voie ferrée »1925

Dans cette œuvre qui va révéler HOPPER et surtout le consacrer,* nous sommes face à une maison d’un style très en vogue au XIXème .Aucune vie ni humaine, ni animale ni même végétale. Pas de porte visible, une façade dans l’ombre seule la présence d’une voie ferrée.

Sentiment de solitude, d’étrangeté, d’angoisse qui suggère une atmosphère sinistre, cette maison inspirera HITCHOCK pour « Psychose »

* Entrera au MOMA de New York en 1930

« Le phare sur la colline » 1927

Encore une scène de désolation malgré la lumière qui inonde le tableau, malgré le bleu limpide du ciel : peu de végétation ( une herbe rase) pas de personnage On ne voit que des ombres au sol ce qui rend le spectacle encore plus désertique, encore plus dramatique

« Station Service » 1940

Un personnage seul derrière les pompes à essence bien éclairées, aux couleurs vives. La scène se passe au crépuscule toujours dans un paysage désertique qui donne un caractère d’isolement

« Nuit au bureau » 1940

Décor nu pour ce bureau avec ces 2 personnages éclairés par un rayon de lumière: une secrétaire aux formes féminines accentuées et le « boss » affairé qui semble concentré sur la lecture des feuillets qu’il tient entre les mains.Que va-t-il se passer ?

« Noctambules »ou « Oiseaux de Nuit » 1942 84x 152 cm

Dans ce bar éclairé par un halo jaune: 3 clients et le barman donnent à l’œuvre un caractère pesant et tendu ( film policier?) Pour certains critiques, il s’agit de 2 tueurs à gages qui attendent leur victime.Le personnage féminin est la femme d’HOPPER ( Jo, qu’il représente toujours dans ses toiles), on ne sait pas vraiment ce qu’elle tient entre ses doigts ( de l’argent?) intimité entre les 2 mains qui se frôlent . L’autre personnage nous tourne le dos : énigmatique par sa solitude.Les 2 percolateurs à la taille disproportionnée sont eux dans la lumière tout comme le barman qui s’affaire dans cette brasserie déserte où règne une forme de désolation tout comme dans la rue. Intérieur et extérieur sont peints dans une tonalité sombre( côté lugubre).

« Café de Nuit » Vincent VAN GOGH 1888

Cette œuvre aurait inspirée HOPPER et surtout ce qu’en disait VVG :« c’est un endroit où on peut se ruiner, devenir fou, commettre des crimes »

« Matin dans une ville » 1944 « Soleil Matinal » 1952

Il exprime toute la solitude de l’être humain dans les villes nouvelles, froides et sans âme.Le symbole de la fenêtre ( lien entre l’intérieur et l’extérieur) que regarde cette femme où l’on ne décèle aucun sentiment avec son visage inanimé tel un masque.Dans ces 2 tableaux tout y est austère, impersonnel, inhabité

« Personnages au soleil » 1960 (102 x 153 cm) 3 des 5 personnage sont happés par la lumière, par le paysage (?) tout en étant figés, statiques dans leur fauteuil en bois. Paysage sans relief, traité en aplats de couleurs sans la moindre végétation

HOPPER disparait à 84 ans, le15 mai 1967, après une carrière d’illustrateur et de peintre réaliste (environ une centaine d’œuvres entre 1902 et 1966)

NORMAN ROCKWELL

1894- 1978Rêvant de devenir artiste, il entre à la New York School of Art à l’âge de 14 ans puis il part étudier l’art à la National Academy of Design.Il connait le succès dès ses 16 ans en réalisant 4 cartes de Noël puis il prend a direction artistique de la publication des scouts américains.

A 22 ans, il réalise sa 1ère couverture pour « Le Saturday Evening Post » et au long de sa carrière, il fera 320 illustrations.

Son succès sera acquis avec des œuvres majeures traitant de la non violence, de la paix, de l’égalité …

LES PRINCIPALES ILLUSTRATIONS

Même si l’illustration est considérée comme un domaine mineurdes arts graphiques, ROCKWELL a su y marquer son empreinte et devenir ainsi très populaire.

En peignant une Amérique optimiste, jugée parfois désuète et mièvre il a su à travers ses réclames et surtout ses couvertures de magazines trouver la célébrité.Ses thèmes de prédilection : les joies de l’enfance..

« Le garçon au landau » 1916 « Baignade interdite » 1921

« La championne de billes »1939

La jubilation de la petite fille et le mécontentement des garçons qui ont leurs sacs de billes totalement vides alors que la fillette à la frimousse mutine amasse son butin et continue à jouer avec détermination

Il va créer un personnage mythique, représentant un G.I. simple et sympathique durant le conflit de la 2nde guerre mondiale : Willie GILLIS;

A traves ses aventures, ROCKWELL va dédramatiser la guerre, l’humaniser car il peint des situations cocasses et jamais de violence.

Il réalisera 11 couvertures d’octobre 1941 à octobre 1946

« Willie Gillis à l’université » 1946« Le colis de nourriture » 1941 et « Willie Gillis dans un convoi »

« A l’Eglise » 1942« Les Gillis combattants » 1944

C’est surtout le discours prononcé par le président américain FranklinROOSEVELT en janvier 1941 qui va inspirer ROCKWELL qui illustrerasa vision des valeurs des 4 libertés garantissant un mode de vie digne pour tous les citoyens.

Ces illustrations seront publiées dans le Saturday Evening Post en février et mars 1943 et serviront de support pour l’effort de guerre par le biais de la vente de bons de guerre.

« Liberté d’expression » 1942 (116 x90 cm)

Un homme debout prend la parole devant une assemblée.Il se présente avec un blouson usé, une chemise au col ouvert pour défendre ses idées, à ses côtés, les personnages en vêtements de ville l’écoutent attentivement.

« La Liberté de conscience » 1943 (117 x 90)

Pas de discrimination religieuse afin de créer un monde uni retranscrit à travers l’acte de la prière .8 personnages d’âges , de sexe différents sont peints en plein recueillement.La monochromie renforce le sentiment d’unité

« Liberté de vivre à l’abri du besoin » 1942(116 x 90cm)

Pour illustrer cette liberté, il s’est inspiré de la traditionnelle fête américaine de Thankgiving.Autour d’une table richement garnie(porcelaine, argenterie, cristal), des visages heureux, souriants qui semble en pleine conversation.C’est l’esprit de famille et la convivialité qui se dégagent de cette œuvre qui fut pourtant critiquée: en 1942 une dinde de cette taille n’était pas sur toutes les tables…

« Liberté d’être protégé » 1942( 116x90 cm)

Le décor est planté dans une chambre à l’étage ( escalier éclairé) où les enfants sont endormis. Les parents, d’un regard protecteur, viennent s’assurer qu’ils sont bien. Le journal que le père tient entre les mains parle de bombardements sur Londres, les enfants londoniens ne sont pas protégés comme ceux-ci!!!

Plus de 4 millions d’affiches reproduisant ces 4 libertés vont être diffusées à travers le pays en 1943.Vendues dans les bureaux de poste, elles servaient pour l’effort de guerre

« Rosie la riveteuse »1943 (132 x101 cm)

Cette ouvrière d’usine, en bleu de travail, lunettes de protection et bracelet de force a sa riveteuse sur les genoux.(inspiration Michel-Ange : Isaïe)Elle tient d’une main un sandwich et écrase de son pied gauche « Mein Kampf » tandis que le drapeau américain flotte derrière elle et semble l’envelopper. Au dessus de sa tête comme une auréole.Elle est face au spectateur dans une attitude déterminée, sûre d’elle et de ses valeurs : la bonne ouvrière patriote écrase l’Allemagne nazie.La femme remplace l’homme parti au front dans toutes les professions ( effort de guerre au féminin)

« Homme cartographiant les manœuvres »1944 (88x 83)

Cet homme préoccupé trace sur la carte les positions des forces américaines où combattent sans doute ses 3 fils : en uniforme de l’air, de terre et de la marine, punaisés sur le mur prés d’un fanion avec 3 étoiles.Sur la carte murale où sont plantés des petits drapeaux américains ( lieu des théâtres d’opération) le portrait des généraux EISENHOWER et MAC-ARTHUR

« Retour aux vêtements civils » 1945(100 x 76cm)

Ce jeune pilote ( uniforme sur la chaise + photo d’ avion accrochée au mur) se retrouve dans sa chambre après la guerre.La chambre n’a pas changé mais lui a grandi !!! Ses vêtements sont trop petits… sa vie que sera-t-elle?

« La Règle d’or » 1961113 x 100 cm

« Fais aux autres ce que tu aimerais qu’ils te fassent »

« Le problème qui nous concerne tous » 1963 (91 x 147cm)Parait en janvier 1964 pour commémorer les 10 ans de la ségrégation dans les écoles publiques américaines

Cette petite fille noire de 6 ans, tout de blanc vêtue ( innocence, pureté), fait sa rentrée dans une école jusqu’alors réservée aux blancs. Elle marche d’un pas décidé. Elle est escortée par 4 agents fédéraux complètement anonymes et identiques dans leur attitude.Sur le mur décrépi et lézardé des tags ( « Nigger » = négresse) et une tomate écrasée ( qui fait penser à du sang)

« Meurtre dans le Mississippi » 1965(106 x 88 )

Cette huile sur toile fait référence à un fait réel : 3 militants pour les droits civiques sont abattus à bout portant par des hommes du KKK.

Œuvre monochromatique ( inhabituelle chez ROCKWELL) avec comme seule couleur le rouge du sang. Jeu d’ombres et de lumière ( seul l’homme encore debout est éclairé alors qu’il fait face à sa mort)Les agresseurs sont suggérés par leurs ombres projetées au sol, ils deviennent ainsi anonymes

« Frères de sang » vers 1968

Il traite à la fois du conflit au Vietnam et en même temps de la fraternité entre soldats blancs et noirs qui combattent côte à côte et qui, ici, sont unis dans la mort avec ce sang qui se mélange à terre

« Veille de Noël à Bethléem » 1970 ( 83x 129 cm)Œcuménisme avec un musulman debout, des soldats israéliens et une famille de touristes européens pour cette procession vers la basilique de la Nativité

En 1978, mort de Norman ROCKWELL à l’âge de 84 ans après avoir affiché toutes les facettes d’une grande nation.

Man on the Moon » ( « l’Homme sur la Lune, la Navette spatiale ») 1967180 x116

Même si les proportions, les détails astronomiques sont erronés ( alors qu’il était allé à Huston pour s’informer), c’est vraiment l’hommage à la grandeur de son pays

2 visions de l’Amérique HOPPER et ROCKWELL2 personnages bien différents :

HOPPER : l’introvertiROCKWELL : l’extraverti

2 visions distinctes de l’AmériqueHOPPER : solitude, austérité, pessimismeROCKWELL : bonheur, fraternité, optimisme

Dans le tableau d’HOPPER :NOCTAMBULES » personnages figés, tendus. On voit l’intérieur de ce bar glauque et l’extérieur d’une ville sans âmeDans celui de ROCKWELL « Après la promenade » 1957 montre un jeune couple, un militaire en tenue à l’air bienveillant et un barman un peu goguenard.

« Early Sunday morning » 1930 ( Tôt un dimanche matin) HOPPER 1930 immeuble-barre avec le rez de chaussée composé de boutiques vides et fermées dans les tons verts et à l’étage de couleur brique 10 fenêtres.1 bouche à incendie et une enseigne lumineuse qui projettent leurs ombres sur le trottoir

« Walking to church » 1953Même décor ( enseigne, bouche à incendie) mais une rue animée avec une famille endimanchée qui se rend à l’église

« The barber shop »1931Le barbier n’est pas le personnage central, c’est une femme qui consulte une revue. Elle semble préoccupée et nous renvoie un certain mystère sur cette scène où la froideur règne.

« Shuffleton’s barber shop » 1950Des musiciens jouent à l’arrière de la boutique; celle-ci fourmillent de détails qui donnent vie au quotidien . Un bric à brac qui devient amusant avec ce style hyperréaliste

« Autoportrait » 1925/1930

« Triple autoportrait » 1960