Déterminisme Et Liberté. Kant

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18/6/2014 Phi l oLog » Détermi ni sme et l i berté. Kant. » Pr i nt http://ww w .philolog.fr/determinisme-et-liberte-kant/print/ 1/4 - PhiloLog - http://www.philolog.fr - Déterminisme et liberté. Kant. Pos ted By Simone MANON On 7 novembre 2008 @ 6 h 57 min In Ch apitre XXI - La liberté., Explication de texte,Textes | 20 Comments  « Qu’on prenne un acte volontaire, par exemple un mensonge pernicieux, par lequel un homme a introduit un certain désordre dans la société, dont on recherche d’abord les raisons déterminantes, qui lui ont donné naissance, pour juger ensuite comment il peut lui être imputé avec toutes ses conséquences. Sous le premier point de vue, on pénètre le caractère empirique de cet homme jusque dans ses sources que l’on recherche dans la mauvaise éducation, dans les mauvaises fréquentations, en partie aussi dans la méchanceté d’un naturel insensible à la honte, qu’on attribue en partie à la légèreté et à l’inconsidération, sans négliger les circonstances tout à fait occasionnelles qui ont pu influer. Dans tout cela, on procède comme on le fait, en général, dans la recherche de la série des causes déterminantes d’un effet naturel donné. Or, bien que l’on croie que l’action soit déterminée par là, on n’en blâme pas moins l’auteur et cela, non pas à cause de son mauvais naturel, non pas à cause des circonstances qui ont influé sur lui, et non pas même à cause de sa conduite passée ; car on suppose qu’on peut laisser tout à fait de côté ce qu’a été cette conduite et regarder la série écoulée des conditions comme non avenue, et cette action comme entièrement inconditionnée par rapport à l’état antérieur, comme si l’auteur commençait absolument avec elle une série de conséquences. Ce blâme se fonde sur une loi de la raison où l’on regarde celle-ci comme une cause qui a pu et a dû déterminer autrement la conduite de l’homme indépendamment de toutes les conditions empiriques nommées. Et on n’envisage pas la causalité de la raison, pour ainsi dire, simplement comme concomitante, mais au contraire, comme complète en soi, quand même les mobiles sensibles ne seraient pas du tout en sa faveur et qu’ils lui seraient tout à fait contraires ; l’action est attribuée au caractère intelligible de l’auteur ; il est entièrement coupable à l’instant où il ment ; par conséquent, malgré toutes les conditions empiriques de l’action la raison était pleinement libre, et cet acte doit être attribué entièrement à sa négligence ». Kant : Critique de la raison pure.  [1]  1781 (2°éditi on 1787).PUF. Trad.Tremesay gu es et Pacaud. p.405.  Introduction :  Thème : le déte rmi ni sme et la li berté .  Peut- on concili er l’idée qu’il y a du détermini sme et néanmoi ns que l’h omm e est libre et donc qu’on peut lui im puter la respo nsabili té de s es actes ? (Question)  Telle est la question que Kant affronte dans ce texte où il nous propose d’examiner le problème à partir d’un cas particulier. L’acte délictueux,  posé comm e exem pl e est un m ens ong e dont le s conséqu ences on t été domm ageabl es. Un m ens ong e est un acte v ol ont ai re dans l a mesu re où seul peut travestir la vérité celui qui la connaît. Ce n’est pas un acte qui s’opère en moi sans l’intervention de la conscience. Un homme commettant volontairement un acte délictueux s’expose à devoir rendre des comptes. Il est jugé et d’ordinaire puni. La question est de savoir comment les hommes s’y prennent pour juger leurs semblables (Question ). Imputent-ils d’emblée la responsabilité de l’acte à son auteur ou au contraire s’assurent-ils qu’ils peuvent le faire ? Kant n’envisage pas dans ce texte le cas où on est conduit à déclarer un homme irresponsable mais le fait qu’il commence par envisager le déterminisme de l’acte n’exclut pas que cette première enquête rende impossible le présupposé de responsabilité. C’est pourquoi le code pénal prévoit une clause d’irresponsabilité.  L’analyse kantienne consiste à montrer qu’on peut prendre sur cet acte deux points de vue absolument hétérogènes : un point de vue scientifique et un point de vue métaphysique et moral. Kant introduit la seconde perspective comme la seule possibilité d’échapper à la contradiction consistant à blâmer un acte considéré comme entièrement déterminé. ( Thèse)  Quelle est donc la nature de ces deux perspectives, pourquoi y aurait-il contradiction à juger moralement un acte tout en s’en tenant à un point de vue scientifique et qu’est-ce qui rend possible l’imputation de responsabilité ? ( Question)  Kant s’explique dans un e argum entation d’une g rande rigueu r. Après a voir décrit l a nature d’une approche scienti fi que il pointe le  probl ème : « Or , bien que l’on croie que l’action soit déterminée par là, on n’en blâme pas moins  l’auteur ». Cette objection le conduit à établir ce qui fonde ce blâme. L’élucidation de ce fondement est très précise. « On suppose » quelque chose, dit l’auteur avant de s’appliquer à expliciter le contenu de ce postulat. Nous apprenons que cette supposition est une exigence de la raison (« une loi de la raison » dit le texte) nous demandant de considérer celle-ci « comme une cause qui a pu et a dû déterminer autrement la conduite de l’homme » cette causalité n’étant pas considérée « simplement comme concomitante, mais au contraire comme complète en soi ». ( Thèse) Que faut-il entendre par là ?  veloppement : explicat ion détaill ée .

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    Dterminisme et libert. Kant.

    Posted By Simone MANON On 7 novembre 2008 @ 6 h 57 min In Chapitre XXI - La libert.,Explication de texte,Textes | 20 Comments

    Quon prenne un acte volontaire, par exemple un mensonge pernicieux, par lequel un homme a introduit un certain dsordre dans la socit,

    dont on recherche dabord les raisons dterminantes, qui lui ont donn naissance, pour juger ensuite comment il peut lui tre imput avec toutes

    ses consquences. Sous le premier point de vue, on pntre le caractre empirique de cet homme jusque dans ses sources que lon recherche

    dans la mauvaise ducation, dans les mauvaises frquentations, en partie aussi dans la mchancet dun naturel insensible la honte, quon

    attribue en partie la lgret et linconsidration, sans ngliger les circonstances tout fait occasionnelles qui ont pu influer. Dans tout cela,

    on procde comme on le fait, en gnral, dans la recherche de la srie des causes dterminantes dun effet naturel donn.

    Or, bien que lon croie que laction soit dtermine par l, on nen blme pas moins lauteur et cela, non pas cause de son mauvais naturel,

    non pas cause des circonstances qui ont influ sur lui, et non pas mme cause de sa conduite passe ; car on suppose quon peut laisser

    tout fait de ct ce qua t cette conduite et regarder la srie coule des conditions comme non avenue, et cette action comme entirement

    inconditionne par rapport ltat antrieur, comme si lauteur commenait absolument avec elle une srie de consquences. Ce blme se

    fonde sur une loi de la raison o lon regarde celle-ci comme une cause qui a pu et a d dterminer autrement la conduite de lhomme

    indpendamment de toutes les conditions empiriques nommes. Et on nenvisage pas la causalit de la raison, pour ainsi dire, simplement

    comme concomitante, mais au contraire, comme complte en soi, quand mme les mobiles sensibles ne seraient pas du tout en sa faveur et

    quils lui seraient tout fait contraires ; laction est attribue au caractre intelligible de lauteur ; il est entirement coupable linstant o il

    ment ; par consquent, malgr toutes les conditions empiriques de laction la raison tait pleinement libre, et cet acte doit tre attribu

    entirement sa ngligence .

    Kant : Critique de la raison pure. [1] 1781 (2dition 1787).PUF. Trad.Tremesaygues et Pacaud. p.405.

    Introduction :

    Thme : le dterminisme et la libert.

    Peut-on concilier lide quil y a du dterminisme et nanmoins que lhomme est libre et donc quon peut lui imputer la responsabilit de ses

    actes ? (Question)

    Telle est la question que Kant affronte dans ce texte o il nous propose dexaminer le problme partir dun cas particulier. Lacte dlictueux,

    pos comme exemple est un mensonge dont les consquences ont t dommageables. Un mensonge est un acte volontaire dans la mesure o

    seul peut travestir la vrit celui qui la connat. Ce nest pas un acte qui sopre en moi sans lintervention de la conscience. Un homme

    commettant volontairement un acte dlictueux sexpose devoir rendre des comptes. Il est jug et dordinaire puni. La question est de savoir

    comment les hommes sy prennent pour juger leurs semblables (Question). Imputent-ils demble la responsabilit de lacte son auteur ou au

    contraire sassurent-ils quils peuvent le faire ? Kant nenvisage pas dans ce texte le cas o on est conduit dclarer un homme irresponsable

    mais le fait quil commence par envisager le dterminisme de lacte nexclut pas que cette premire enqute rende impossible le prsuppos de

    responsabilit. Cest pourquoi le code pnal prvoit une clause dirresponsabilit.

    Lanalyse kantienne consiste montrer quon peut prendre sur cet acte deux points de vue absolument htrognes : un point de vue

    scientifique et un point de vue mtaphysique et moral. Kant introduit la seconde perspective comme la seule possibilit dchapper la

    contradiction consistant blmer un acte considr comme entirement dtermin. (Thse)

    Quelle est donc la nature de ces deux perspectives, pourquoi y aurait-il contradiction juger moralement un acte tout en sen tenant un point

    de vue scientifique et quest-ce qui rend possible limputation de responsabilit ? (Question)

    Kant sexplique dans une argumentation dune grande rigueur. Aprs avoir dcrit la nature dune approche scientifique il pointe le

    problme : Or, bien que lon croie que laction soit dtermine par l, on nen blme pas moins lauteur . Cette objection le conduit

    tablir ce qui fonde ce blme. Llucidation de ce fondement est trs prcise. On suppose quelque chose, dit lauteur avant de sappliquer

    expliciter le contenu de ce postulat. Nous apprenons que cette supposition est une exigence de la raison ( une loi de la raison dit le texte)

    nous demandant de considrer celle-ci comme une cause qui a pu et a d dterminer autrement la conduite de lhomme cette causalit

    ntant pas considre simplement comme concomitante, mais au contraire comme complte en soi . (Thse) Que faut-il entendre par l ?

    Dveloppement : explication dtaille.

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    1) Lapproche scientifique : sa nature, ses consquences.

    Sous le premier point de vueeffet naturel donn

    Kant analyse dans cette premire partie ce qui caractrise une approche scientifique des phnomnes. Tout savant commence par observer

    les faits, son objectif tant de les rendre intelligibles. Pour cela il sen tient ce qui est donn dans lexprience ; cest ce que connote la

    proposition : on pntre le caractre empirique de cet homme . Lempirie cest lexprience, ce qui est objet dobservation, ce qui se

    constate et dont il faut prendre acte. Pour expliquer les faits le savant postule le principe du dterminisme des phnomnes. Celui-ci pose que

    tout fait a une cause et que les mmes causes produisent les mmes effets . Rendre intelligible pour le savant consiste dcrire

    lenchanement des causes et des effets, mettre en rapport un fait avec dautres faits de telle sorte que le fait expliquer soit conu comme la

    consquence ou leffet ncessaire dautres faits, ceux-ci tant penss comme causes dterminantes. Est ncessaire ce qui, les conditions

    dterminantes tant donnes, ne peut pas ne pas tre ou tre autrement.

    Exemple : Pour expliquer lacte dlictueux (ici un mensonge pernicieux) le psychologue, le sociologue, lconomiste cest--dire des

    spcialistes des sciences de lhomme vont mettre en rapport lacte incrimin avec des donnes empiriques : la mauvaise ducation, les

    mauvaises frquentations, certaines causes occasionnelles (il se peut que ce mensonge ait permis au dlinquant de ne pas saliner sa petite

    amie ou de faire une bonne affaire) un temprament ordinairement peu scrupuleux sur le plan moral ou enfin une manifestation dinconscience

    au sens dirrflexion. La lgret, linconsidration sont en effet le propre de celui qui ne rflchit pas avant dagir et ne mesure pas les

    consquences de ses actes.

    Dans tout cela, explique Kant, on considre lacte humain comme on considre nimporte quel phnomne naturel. Un fait physique,

    chimique, biologique est conu comme un fait soumis des lois naturelles. Les lois sont des rapports constants et ncessaires entre les faits tels

    que, les uns tant donns, les autres sensuivent ncessairement et peuvent tre prvus avec certitude. Insrer lacte volontaire dans la srie

    des causes dterminantes revient donc lenvisager comme un simple effet mcanique de causes antcdentes. Au fond cela revient cesser

    de le considrer comme volontaire dans la mesure o lon entend par l, non pas une manire dtre dtermin par des causes mais un

    pouvoir de se dterminer pour des motifs ou des raisons.

    2) Mise en vidence de la contradiction : Orlauteur.

    Il va de soi que si nous devions nous en tenir cette premire perspective il serait parfaitement inconsquent de juger moralement lacte. Ce

    qui est lexpression dune ncessit naturelle se constate mais ne se juge pas moralement. La condamnation morale (le blme) ou lapprobation

    morale (la louange) prsuppose :

    Dune part que lagent est un sujet conscient apte distinguer le bien et le mal, le permis et linterdit, apte anticiper les consquences

    de ses actes et donc agir en connaissance de cause.

    Dautre part que ce quil a fait (ici mentir), il avait la possibilit de ne pas le faire.

    Le jugement moral pose implicitement le sujet comme conscience et libert. Il sensuit quil est en totale contradiction avec les rquisits de

    la perspective scientifique.

    Certes, cette inconsquence est coutumire : on entend tous les jours aux informations tlvisuelles que le virus du sida est responsable de

    cette terrible maladie, que lanticyclone des Aores est responsable du beau temps, formules nayant en toute rigueur aucun sens. Seul un tre

    conscient et libre peut tre dit responsable. Si nous rflchissions toujours ce que nous disons il faudrait dire que le virus du sida est la cause

    de la maladie ou que les deux faits sont lis par une loi. Il y a dans cette manire de parler une survivance dune mentalit archaque

    consistant projeter sur les phnomnes matriels des oprations nayant de sens que pour un agent moral. Cette confusion est dailleurs

    inhrente la notion de cause . Lalande rappelle que le mot grec atia signifiant cause connote les ides dimputation, accusation, voire de

    culpabilit. En latin le mot causa veut dire la fois cause au sens de ce qui produit et au sens de procs, plaidoirie . Ltymologie rvle quil

    y a bien une projection de lide de responsabilit sur celle de causalit. Au fond est cause ce qui est mis en cause, ce qui est accus.

    Kant pointe linconsquence en faisant remarquer que bien quon admette lide dun dterminisme des phnomnes naturels on blme

    nanmoins le menteur. Cest donc quon ne sen tient pas strictement la premire approche de lacte. On fait implicitement intervenir le

    principe dune autre causalit. Cest ce que la deuxime partie va examiner avec prcision.

    3) Le fondement de limputation de responsabilit. Car on supposesa ngligence

    Comme la perspective scientifique repose sur un postulat, le postulat du dterminisme des phnomnes naturels, la perspective morale met en

    jeu, elle aussi, un postulat. Un postulat est une proposition indmontre et indmontrable quon demande dadmettre parce quelle est la

    condition de possibilit de quelque chose. Kant pointe explicitement le caractre conjectural de ce qui rend possible le jugement moral avec la

    formule on suppose que . Il sagit dadmettre quon peut faire abstraction de toutes les causes dterminantes prcdemment envisages : la

    mauvaise ducation, les mauvaises frquentations ; un temprament mal dispos moralement, une circonstance ponctuelle ou la manifeste

    inconscience. On suppose quon peut laisser tout cela de ct . Kant attire notre attention sur lhtrognit radicale de la nouvelle

    faon de considrer lacte dlictueux par rapport la prcdente.

    Alors que le savant conoit le fait comme conditionn par des faits antcdents, alors quil le rintgre dans un processus o celui-ci est un

    effet mcanique, le moraliste ou le juge arrachent laction lenchanement mcanique des causes et des effets et font comme si lauteur

    commenait absolument avec elle une srie de consquences . Proposition importante permettant de prendre la mesure du changement de

    perspective. Au fond il sagit de faire comme si lagent tait le vritable auteur de son acte. Je suis lauteur de ce que je fais si je suis au

    principe de mon action, si celle-ci trouve son origine en moi, si je suis la cause premire de mon acte. Je suis lauteur, le sujet de mon

    mensonge si on peut considrer que ce mensonge nest pas leffet dun mcanisme exigeant de me rintgrer dans un enchanement de causes

    et deffets mais si cest bien moi qui initie ce mensonge. Initier cest tre cause de, cest commencer quelque chose. Cette capacit de

    rompre lenchanement mcanique des causes et des effets, de sinstituer cause premire de son acte, le juge ou le moraliste ne disent pas que

    cest une capacit empirique, ils se contentent de faire comme si lagent moral en avait la possibilit car sils nadmettaient pas cela il nauraient

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    pas le droit de demander qui que ce soit de rpondre de ses actes.

    Kant appelle mtaphysique la discipline du comme si . De fait, en faisant comme si le sujet avait le pouvoir de commencer absolument

    un acte, on le soustrait lordre empirique o une telle possibilit est exclue par principe. On lui confre un pouvoir proprement

    mtaphysique savoir la facult de commencer de soi-mme, un tat dont la causalit nest pas subordonne son tour suivant la loi de la

    nature une autre cause qui la dtermine quant au temps (Kant). On ne suppose un tel pouvoir ni dans lanimal ni dans la chose, cest

    pourquoi on ne les juge pas moralement.

    Exemple : Le loup mange lagneau. Cest ainsi selon la loi de la nature. Il serait ridicule de condamner moralement le loup. En revanche on

    blme le fort lorsquil crase le faible car on considre lhomme non pas comme un simple tre empirique, rgi par les lois naturelles. Certes il

    est aussi un tre naturel ou empirique mais cette dimension npuise pas son tre. Il est aussi un tre porteur dune raison. Comme tel, il

    participe dune dimension mtaphysique ou mtempirique lui permettant de se rendre indpendant des lois naturelles et de soumettre sa

    conduite la loi quil peut se reprsenter.

    Voil pourquoi le texte oppose le caractre empirique (de lhomme) auquel sen tient le savant dans la premire perspective, au

    caractre intelligible que postulent le moraliste ou le juge dans la seconde perspective.

    Do le dualisme thoris par Kant, mais au fond implicite dans les pratiques humaines, de la nature et de la raison, de lordre sensible

    et de lordre intelligible, de la sphre du dterminisme et de celle de la libert.

    4) La thse kantienne : la libert est un postulat de la raison pratique.

    Ce blme se fonde sur une loi de la raison o lon regarde celle-ci comme une cause qui a pu et a d dterminer autrement la conduite de

    lhomme indpendamment de toutes les conditions empiriques nommes .

    La raison nest pas seulement la raison thorique cest--dire la facult permettant de construire les savoirs. Cest aussi la raison pratique

    cest--dire la facult permettant de se reprsenter la loi morale et de soumettre la conduite cette loi sous la forme du droit ou de la morale.

    La raison pratique ou morale est ainsi linstance qui est au principe des diverses obligations confrant lexistence humaine sa dimension

    morale et consquemment, levant lhomme la dignit dune personne exigeant le respect.

    Or Kant nous dit que ce qui autorise imputer la responsabilit un agent moral est une loi de la raison . La raison pratique formule des

    lois qui sont des exigences. Une exigence nnonce pas ce qui est, cet nonc tant du type : Lhomme est un sujet libre capable de se donner

    la loi de sa conduite.

    Une exigence formule ce qui doit tre, cet nonc tant du type : Il faut, on doit admettre que la raison est ce qui peut et ce qui doit

    dterminer la conduite de ltre qui en est porteur.

    Notons lexpression qui a pu et a d . L est lide cardinale du texte. Elle nonce que la raison se considre elle-mme comme ce qui

    doit tre au principe de la conduite. Elle formule un devoir. La loi de la raison ou loi morale nous fait obligation de nous autodterminer

    rationnellement et cest parce quelle nous assigne ce devoir quelle nous demande dadmettre que nous en avons la possibilit. Car si lon ne

    pouvait pas supposer que lhomme a la possibilit de se rendre indpendant (= de saffranchir) de la loi de ltre (lordre du dterminisme)

    pour soumettre sa conduite la loi du devoir tre un ordre juridique et un ordre moral seraient impossibles.

    Il sensuit que pour comprendre la possibilit du droit et de la morale il faut postuler que lhomme est libre. Tu dois donc tu peux crit

    Kant dans un autre texte. La libert est un postulat de la raison pratique non lnonc dun fait empirique. Ce nest pas parce que tu es

    libre que tu dois, cest parce que tu fais lexprience de lobligation morale, parce que tu dois quil faut supposer que tu es libre.

    La fin du texte prcise bien que la causalit de la raison ne doit pas tre envisage comme concomitante, entendons comme coexistant avec

    les causes empiriques. La perspective mtaphysique et morale exige de faire abstraction de ces dernires et de nadmettre au principe de lacte

    volontaire que la causalit de la raison. Et si Kant prcise que celle-ci doit tre conue comme complte cest pour rappeler

    lhtrognit absolue des plans. Il ne sagit pas de croire que limputation de responsabilit repose sur une distribution du rle des diffrentes

    causalits comme si celle de la raison pouvait navoir quun rle partiel. La cohrence exige de comprendre que soit un acte est dtermin

    empiriquement et il ny a aucun sens en imputer la responsabilit son auteur, soit on impute la responsabilit et on suppose que lauteur est

    bien lauteur de lacte. Auteur, avons-nous dit, celui qui est au principe de laction, qui linitie et qui par l sexpose devoir en assumer les

    consquences. Auteur, celui qui a la capacit de commencer une srie de consquences cest--dire qui est libre. Cela est sans rserve.

    Kant insiste : quand bien mme les mobiles sensibles ne seraient pas du tout en sa faveur , malgr toutes les conditions empiriques de

    laction . Cest--dire, quand bien mme lducation dun sujet serait dsastreuse, ses frquentations trs mauvaises, les circonstances

    favorables la dlinquance laction est attribue au caractre intelligible de lauteur . Cest pourquoi il est entirement coupable linstant

    o il ment .

    Lacte volontaire met ncessairement en jeu une spontanit spirituelle cest--dire une capacit de se dterminer agir en se reprsentant

    des possibles : Ex : Ai-je intrt mentir ou dire la vrit ? Premire possibilit : Si je mens ma petite amie ne men voudra pas ; deuxime

    possibilit : Si je dis la vrit elle risque de me quitter. Il met en jeu une capacit de se dterminer pour des raisons : Ex : Comme je ne veux

    pas compromettre ma relation avec ma petite amie, je choisis la premire possibilit.

    Puisque lacte volontaire implique la conscience et le pouvoir de choisir entre des possibles, on peut et on doit considrer son auteur comme

    responsable.

    Exemple : Tu ne dois pas mentir prescrit la raison humaine. Parce que la conscience est la capacit de se reprsenter la loi du devoir, on

    suppose que tu peux ne pas mentir. Il sensuit que si tu mens ton mensonge est imput ta ngligence. Puisque tu as nglig de te conduire

    comme la personne quon te fait lhonneur de respecter, tu dois rpondre de tes actes. Conclusion : Ce texte tablit que seul un parti pris mtaphysique et moral sauve le jugement moral et les institutions demandant aux hommes de rpondre de

    leurs actes de linconsquence. Parti pris mtaphysique qui chez Kant nest pas lobjet, comme chez Descartes, dune affirmation

    dogmatique. La libert nest pas prsente comme une vidence dont il est impossible de douter. Elle est suppose, elle est un postulat quil

    faut admettre pour fonder la dignit de la personne humaine et la rationalit de nos pratiques. En effet nous jugeons moralement et

    juridiquement les hommes. Il est donc important de prciser au nom de quoi nous le faisons afin de savoir si nous avons le droit de le faire. Car

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    tant que ce prsuppos permet de fonder la dignit de la personne humaine, il ne nous pose aucun problme. Mais ds quil apparat que la

    contrepartie de la dignit cest la responsabilit, les choses se compliquent. Car la responsabilit, cest ce qui autorise les juges condamner

    la rclusion criminelle perptuit, parfois la peine de mort. Bref, cest ce qui confre le pouvoir de punir or il faudrait tre bien superficiel

    pour ne pas voir que ce pouvoir est redoutable et quil est impossible de lexercer dans une totale srnit. Lhomme prouve un scrupule

    faire souffrir lhomme car il lui semble que son devoir moral est de diminuer la somme des maux dans le monde non de laccrotre. Or il doit

    remplir le devoir de justice et la rtribution exige, l o un homme a fait subir un mal un autre de prononcer une peine (= une sanction qui fait

    souffrir). Le tribunal de justice rend effectives ces diverses exigences.

    Ce texte montre que ce solennel difice repose sur des assises bien fragilesDo la difficult dviter un certain nombre de doutes. Et sil

    ny avait que du dterminisme de telle sorte que ce quun homme a fait, il tait dtermin le faire ? Ne serait-il pas monstrueux de cautionner

    moralement un jugement impliquant un prsuppos relevant de la pure fiction? Ne faudrait-il pas alors souponner avec Nietzsche que le

    prsuppos de libert appartient une mtaphysique du bourreau et que ce qui est au principe de laffirmation de la libert relve de la

    mchancet, de la volont cruelle de punir, de lapptit de vengeance ? Si lon a conu les hommes libres, cest seule fin quils puissent tre

    jugs et condamns, afin quils puissent devenir coupables crit-il dans Le crpuscule des idoles.

    Avouons quil y a l de quoi donner encore davantage de scrupules. Le philosophe Paul Ricur ne cachait pas ses doutes lorsquil crivait :

    Lorsque la conscience sattarde mditer sur ses conditions et sur ses limites, elle nest pas loin dtre accable .

    Autour de ce Sujet :

    1. Libert/dterminisme: la question pineuse. [2]

    2. Libert et obligation. Kant. [3]

    3. Libert: le problme mtaphysique. [4]

    4. Libert et ncessit. Spinoza. [5]

    5. La libert dindiffrence est-elle une vraie libert? [6]

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    [2] Libert/dterminisme: la question pineuse. : http://www.philolog.fr/libertedeterminisme-la-question-epineuse/

    [3] Libert et obligation. Kant. : http://www.philolog.fr/liberte-et-obligation-kant/

    [4] Libert: le problme mtaphysique. : http://www.philolog.fr/liberte-le-probleme-metaphysique/

    [5] Libert et ncessit. Spinoza. : http://www.philolog.fr/liberte-et-necessite-spinoza/

    [6] La libert dindiffrence est-elle une vraie libert? : http://www.philolog.fr/la-liberte-dindifference-est-elle-la-vraie-liberte/

    Par Simone MANON, professeur de philosophie au Lyce Vaugelas de Chambry. Tous droits rservs.