Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

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UNIVERSITE D’ANTANANARIVO FACULTE DE DROIT, D’ECONOMIE, DE GESTION ET DE SOCIOLOGIE Département : Economie IIIe Cycle DE L’HOMO ŒCONOMICUS VERS LE RENOUVEAU DU DISCOURS SUR L’ECONOMIQUE. Réflexions sur l’ascendance de la représentation de l’homme par lui-même sur le concept « homo œconomicus » et essai de précisions conséquentes des discours sur le fondement, la fonction et l’utilité de la science économique LIVRE PREMIER Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la redécouverte du thème l’« homo œconomicus » Thèse de doctorat de IIIe cycle en Sciences économiques Présenté par RAMAMBAVOLOLONA Robson Johanès Sous la direction de Monsieur Jeannot RAMIARAMANANA Professeur de science économique Monsieur RAJAOSON François, Président Monsieur RAMIARAMANANA Jeannot, Directeur de thèse Monsieur MANDRARA Eric Rapporteur interne Madame RABEARIMANANA Lucile Rapporteur Extérieure Directeur de thèse Monsieur RAMIARAMANANA Jeannot Date de soutenance : 09 Mars 2015

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UNIVERSITE D’ANTANANARIVO

FACULTE DE DROIT, D’ECONOMIE, DE GESTION ET DE SOCIOLOGIE

Département : Economie

IIIe Cycle

DE L’HOMO ŒCONOMICUS VERS LE RENOUVEAU DU DISCOURS SUR L’ECONOMIQUE. Réflexions sur

l’ascendance de la représentation de l’homme par lui-même sur le concept « homo œconomicus » et

essai de précisions conséquentes des discours sur le fondement, la fonction et l’utilité de la science

économique

LIVRE PREMIER

Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la redécouverte du

thème l’« homo œconomicus »

Thèse de doctorat de IIIe cycle en Sciences économiques

Présenté par RAMAMBAVOLOLONA Robson Johanès

Sous la direction de Monsieur Jeannot RAMIARAMANANA

Professeur de science économique Monsieur RAJAOSON François, Président

Monsieur RAMIARAMANANA Jeannot, Directeur de thèse

Monsieur MANDRARA Eric Rapporteur interne

Madame RABEARIMANANA Lucile Rapporteur Extérieure

Directeur de thèse Monsieur RAMIARAMANANA Jeannot

Date de soutenance : 09 Mars 2015

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REMERCIEMENTS

Le présent travail est le fruit d’une longue recherche et de nombreuses discussions

avec beaucoup de personnes dont les contributions de natures et de formes différentes

m’ont été toutes précieuses. Les unes m’ont apporté de nouvelles inspirations, par leurs

opinions sincères et profondes, alors que d’autres n’ont pas lésiné sur les moyens matériels

avec lesquels, j’ai pu faire et refaire cette thèse sans penser au coût. Il me serait impossible

de les mentionner toutes, et j’espère qu’elles trouvent sous ces lignes, l’expression de ma

profonde gratitude.

Je tiens d’abord à remercier Monsieur le Professeur RAMIARAMANANA Jeannot,

directeur de cette thèse, pour sa patience, ses encouragements et ses conseils, son profond

souci pour la protection des valeurs et acquis de la science économique et en même temps

son ouverture d’esprit pour d’autres domaines de l’économie, sa compréhension du sujet

qui sort du chemin battu de la science économique. Qu’il retrouve ici mes gratitudes et mes

admirations pour son savoir-faire.

Je remercie également le corps enseignant de l’Université d’Antananarivo, en

particulier Monsieur le Professeur RAMAHATRA Olivier, pour leur enseignement, leur

conseil technique et surtout leur orientation intellectuelle et morale bénéfique pour la

réalisation de cette thèse.

Je dois aussi beaucoup au Département philosophie de l’Université d’Antananarivo,

plus particulièrement Madame Irène RAJAONARIVELO, Monsieur Lala

RARIVOMANANTSOA qui m’ont montré l’importance de la philosophie dans la

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compréhension de l’homme et m’ont donné le bénéfice d’assister aux cours dispensés par

leur établissement.

Je suis reconnaissant Monsieur ANDRIAMPARANY Rajesy, responsable du

centre de documentation du Musée d’Art et d’Anthropologie, qui m’a laissé exploiter la

bibliothèque de cet établissement, grâce à laquelle j’ai pu approfondir mes connaissances

en matière d’anthropologie.

Les discussions que j’avais eues avec le Révérend père RAHERIMANDIMBY

Pascal, ancien professeur de lettre malgache de l’Université d’Antananarivo, m’ont été

d’une grande aide pour voir claire dans la relation entre la migration et l’homme ainsi que

sur d’autres sujets d’ordre général.

La confrontation de mes idées avec celle des connaissances artistiques et littéraires

de Mademoiselle Mihoby RABEARISON m’a été d’une grande importance pratique. Elle

m’obligé de me relire, de me redire, de répéter mes propres idées et d’avoir une

représentation précise et concrète de la représentation de l’homme. C’est dommage qu’elle

soit venue tardivement dans cette thèse.

RAMAMBAVOLOLONA Robson Johanès

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Préface DES CRITIQUES DE LA SCIENCE ECONOMIQUE

Auguste COMTE (1798 – 1857) , un sociologue français du XIXe siècle, dans son «

Cours de philosophie positive », en 1819, critiquant la science économique, décrivait cette

dernière dans les termes suivants : une pseudoscience ou, dans ses termes, « une tentative

prématurée d'élaborer la science sociale, c'est-à-dire le savoir adapté à la société

industrielle en train de naître et destiné à lui insuffler tout à la fois ordre et progrès»

(STEINER 2001). Il préconisait, en conséquence, d’abandonner cette démarche pour une

autre discipline qu’est la sociologie. Dans ses propos, il lançait trois thèmes de défis aux

économistes : la méthode, parce que celle de l’économie n’est pas scientifique, l’objet de la

science, parce que celle de l’économie se limite à la compréhension de la société

industrielle naissante, et son but, parce que celui de la science économique, l’établissement

de l’ordre et le progrès, relève plutôt de l’idéologie.

De tel affront, effectivement demande une réponse de la part des économistes. Ces

derniers, par les propos des œuvres de John Stuart MILL (1806 – 1873) qui, dans sa « La

logique », avançaient une requête fondée et démontrant le caractère inéluctable de la

nécessité, de l’objet et du but de la science économique : la construction de la science

sociale, réclamait John Stuart MILL, passe par la reconnaissance d’une vérité universelle,

évidente et partagée entre les individus s’intéressant à la société ou à l’homme. Pour ce

fait, il avança alors le constat selon lequel l’homme préfère plus de richesse que moins

(STEINER, 2001). Voici comment John Stuart MILL s’est exprimé à ce propos

« Il y a, par exemple, une vaste classe de phénomènes sociaux dans laquelle les

causes immédiatement déterminantes sont en première ligne celles qui agissent par le désir

de la richesse, et dont la principale loi psychologique, familière à tout le monde, est qu'on

préfère un gain plus grand à un moindre. » (MILL, 1866, page 61, Ed électronique)

Cette phrase contient l’énoncé du statut épistémologique de la science économique

en quelques mots : l’existence d’une part, de l’action animée par le désir de gagner plus

que de moins de richesse, qui est une force économique comparable à celle de la force

physique de la pesanteur, et d’autre part, de l’existence d’une base à la fois sociale et

individuelle (psychologique) de l’économique ouvrant la science économique à d’autres

disciplines de la science sociale.

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Par cette phrase, John Stuart MILL a indiqué la particularité de la science

économique par rapport aux autres disciplines se réclamant des sciences sociales et de

l’homme : les lois de l’économie relèvent à la fois des exigences impétueuses de la nature

et des limites imposées par la morale, l’éthique ou le social. Par les propos de John Stuart

MILL, la science économique trouve des arguments justifiant sa nécessité et sa distance ou

son indépendance par rapport aux autres disciplines se réclamant de la science sociale ou

de la science humaine.

Seulement la voie ouverte et la méthode proposée par John Stuart MILL, est

imprécise, car elle désigne en fait deux voies parallèles : celle, inquisiteur de soi-même,

basée sur l’observation de l’homme par l’homme lui-même en vue de confirmer l’existence

sur soit de la préférence pour plus de richesse et celle, praticienne, ancrée sur la recherche

de lois de la nature en rapport avec celle de l’homme. Dans ce dernier programme, le

constat unique sur lequel s’appuie la proposition est la quête humaine du plus que moins de

richesse, alors que dans le premier programme, l’hypothèse utilisée par l’économiste est

que l’homme a une sorte d’obligation de faire mieux pour la société ou vis-à-vis de ses

paires. L’homme de l’économie est ainsi un être à la fois éthique et économique. En tant

qu’éthique, son comportement est critiqué en fonction de « bien » et du « mal », alors que

dans sa quête de plus de richesse, il est jugé en fonction du rendement de son action et en

fonction de l’efficacité de ses moyens. Le conflit entre ces deux contraintes a été plus ou

moins levé par l’insertion de la Main invisible par Adam SMITH et par la théorie de

l’ordre socio-économique spontané de Friedrich August Von HAYEK (1899 – 1992). Le

premier soutient que ce qui est bien pour l’individu ne peut pas être mal pour la

collectivité, à cause d’une sorte de Main invisible qui harmonise les intérêts en jeu, alors

que le second, dans sa théorie de l’ordre spontané défend l’existence de l’ordre malgré

l’absence de la centralisation des activités individuelles fusionnant ainsi le bien et

l’efficace. Pour HAYEK, la coordination des activités individuelles est un mécanisme qui

se crée automatiquement à l’intérieur de chaque communauté humaine. Elle est une cause

de l’augmentation de la richesse dans la mesure où elle est faite par le marché. HAYEK ne

s’oppose donc pas, lui-aussi, à l’enrichissement de l’individu. Aussi, pour comprendre la

théorie de John Stuart MILL, il faut adopter la conciliation de la morale à l’économique,

ou plus précisément, la compréhension de l’économique reposant sur une disposition

d’âme reconnaissant les bienfaits sociaux de la richesse et des actions conséquentes. La

voie ouverte par John Stuart MILL repose en fin de compte sur l’harmonie de l’humanité

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avec ses membres et avec son environnement ; elle observe les effets de la projection de

l’homme dans la société et dans la nature pour mieux se connaître lui-même. John Stuart

MILL nous propose alors d’étudier en fin de compte les informations que l’homme obtient

de lui-même, alors que celui-ci se regarde lui-même comme s’il est devant un miroir, avec

des questionnements sur l’identité de soi (la découverte de soi), l’esthétique et la

représentation, et non la performance et l’enrichissement.

John Stuart MILL n’a pas précisé le statut des autres disciplines académiques dans

la formation de la pensée économique, bien qu’il reconnaisse l’importance des autres

disciplines académiques dans cette formation. Lorsqu’il admet qu’un bon nombre de

phénomènes sociaux s’expliquent par le désir (de plus) de richesse, il soutient l’existence

d’un préalable sociologique ou anthropologique et d’autres disciplines académiques dans

l’économie. Dans le fond, il n’a pas considéré la science économique comme une

discipline observant directement la nature, mais comme une synthèse des réflexions

profondes (empiriques ou non) de plusieurs penseurs ; c’est pourquoi, il affirmait que : «

serait piètre économiste, celui qui n'est qu'économiste »1. Cette esprit de synthèse de John

Stuart MILL trouve sa rédaction dans ses « Système de logique déductive et inductive.

Exposé des principes de la preuve et des méthodes de recherche scientifique » (1843).

Cette synthèse cependant n’a pas pu empêcher ni la spécialisation, ni l’institutionnalisation

de cette discipline, réduisant ainsi les visions de l’économiste : ce dernier est devenu borné

par les méthodes et par les objets de sa discipline. La conception de la science économique

de John Stuart MILL – et peut-être avec elle, toutes les autres conceptions scientifiques –

est fortement diminuée par ces lacunes : la science économique ainsi présentée s’avère être

une science non autonome, avec un objet particulier qu’on peut résumer par l’expression

de la vie sociale des objets. Il faut alors ouvrir de nouveau le thème de fondement de la

science économique pour voir dans quelle partie de la conception, la science économique

est-elle condamnée à être réducteur.

VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DU DISCOURS SUR LA SCIENCE ECONOMIQUE

Devant ces faits, nous proposons, l’élargissement de la base conceptuelle de la

force régissant les activités économiques (la préférence pour plus de richesse de John

1Gérard LELARGE, dans son Dictionnaire thématique des citations économiques et sociales, page 117 cité dans GUILLOT P. et al. « La pensée économique et sociologique par le texte », document pédagogique réalisé par l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres de La Réunion, 1995 et adapté à Internet en 1999 par Philippe GUILLOT, page 61

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STUART MILL, ou tout simplement la rationalité) en détachant celle-ci des thèmes de la

raison et de rapport ainsi que de leurs connotations (le marché) pour introduire un nouveau

champ de raisonnement et d’argumentation par le concept de l’interdiction. Au lieu de

soutenir la proposition selon laquelle les agents sont mus par la recherche de plus de gain,

nous défendrons l’hypothèse selon laquelle les agents sont dotés de connaissance préalable

de ce qu’il ne faut pas faire et évitent à chaque instant cet obstacle d’interdiction. Cette

connaissance est une évidence anthropologique connue sous le terme de l’interdiction. Ce

n’est donc pas seulement la psychologie ou la sociologie qui défendent l’économique, mais

l’anthropologie.

En outre, nous avons substitué la « préférence » à plus que moins de richesse au

« sens » de la richesse, pour mettre l’accent sur le caractère actif du choix. En effet, ce

n’est pas la définition de la richesse qui est importante dans la science économique – celle-

ci fait d’ailleurs défaut dans la science économique ou encore la définition existante de la

richesse se prête encore à de discussion ; en plus, elle est le résultat d’un choix

dogmatique, celui de l’abandon de la conception respective des physiocrates et des

mercantilistes – mais l’attitude devant elle. A notre avis, devant la richesse, l’homme ne

s’arrête pas à la contemplation, mais se dirige vers elle par l’action. Telle est d’ailleurs

notre deuxième hypothèse de travail. La richesse n’est donc pas un objet, mais un lieu ou

un point dans un espace mental vers lequel se dirigent toutes les actions et les mouvements

de l’être humain. Conséquence, nous concevrons la science économique à partir d’une base

différente de celle prônée par les économistes classiques. Pour nous, l’économie est une

science mettant l’homme en action et en mouvement vers le lieu de la richesse. L’objet de

la science économique est la recherche des mots et des concepts précis pour concrétiser et

pour objectiver la sensation humaine de la richesse et de la démarche intellectuelle menant

vers elle.

Dans cette nouvelle conception de la science économique, nous adhérons en même

temps aux programmes afférents de recherches de l’approche subjectiviste de l’économie,

en accusant le courant dominant actuel (marqué par l’économie comme science de richesse

matérielle) d’excès de rationalisme. Qu’ils soient des rationalistes « pragmatiques » (à

l’instar des techniciens de développement économique) ou des rationalistes « bornés » par

leurs prétendus acquis (comme la plupart des théoriciens de l’économie), les différentes

variantes du courant dominant de l’économie actuelle partagent les mêmes fautes : elles

n’ont pas tenu en considération la réalité de l’inconscience, de l’indicible et de

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l’impossible, réduisant ainsi leur vision au seul monde réel, intelligible, conscient, où tout

peut être modifié par la volonté consciente pour mettre comme certitude la répétition et le

retour du passé. Elles se sont inspirées de la philosophie des KANT Emmanuel (1724 –

1804) pour qui l’expérience ou la vérification par la répétition est la seule preuve de la

véracité des idées, et de celle d’ARISTOTE (384 – 322 av. J.C.) et consorts, pour qui,

l’intelligibilité logique de la construction théorique est un fondement de la connaissance. A

notre avis, la science s’est développée par la violation progressive des interdictions que

l’homme a plus ou moins instituées d’avance. Cette conception n’est pas neuve ; ses bases

ont été jetées par le philosophe autrichien Paul Karl FEYERABEND (1924 – 1994) qui

soutenait que la science s’est développée par l’abandon des idées reçues et par le rejet des

théories dominantes.

Nous récusons aussi le relativisme à cause de son absence d’ambition scientifique,

comprenant la prévision et l’explication, pour se cantonner à une approche descriptive –

voire contemplative – et monographique de l’homme dans l’économie régionale, bien que

nous partagions leur programme de recherche anthropologique. A notre avis, la science

économique n’est pas une science pratique ou technique, mais une discipline pragmatique,

car elle ne cherche pas à résoudre un problème pratique concret, mais à bien vivre, grâce à

une bonne règle de conduite sans sentiment ni raison, dans une situation pratique et

problématique, c’est-à-dire à refuser l’aléa de l’inconnaissable. La science économique est

une information des êtres ayant une conscience et qui est soumis à des influences

indomptées. De ce fait, en faveur de l’approche subjectiviste, notamment l’école

autrichienne de l’économie, nous avancerons d’autres arguments allant dans le sens de

précision des existants portant sur le rôle des institutions dans la pensée économique : les

institutions qui gouvernent le monde économique ne proviennent pas certainement – et

Karl MENGER (1840 – 1921) l’a bien dit dans sa théorie sur la monnaie – de la volonté ni

du souhait des agents économiques. La création de la monnaie, par exemple, n’a pas été

demandée par les agents économiques. Nous généralisons alors cet argument en affirmant

et en l’insérant dans les éléments fondamentaux de l’économie que les faits dits non

intentionnels étaient déjà dans la pensée de l’homme, mais pas dans les thèmes actuels de

la science économique. Ils sont des évidences qui ne se démontrent pas, au même titre que

la préférence pour plus que moins de richesse.

La prise en compte des activités économiques inconscientes a été faite

respectivement par Adam SMITH, avec l’affirmation selon laquelle un agent économique

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qui parvient à s’enrichir apporte aussi de façon non intentionnel du profit à la société, par

Karl MENGER, avec sa théorie selon laquelle les institutions qui gouvernent le monde

économique n’a jamais été l’objet d’une demande de la société, et enfin par Von HAYEK

avec sa théorie de l’ordre spontané. Au niveau individuel, les activités inconscientes ont

été analysées et théorisée par le psychanalyste Sigmund FREUD.

Etant donné que l’homme – réel ou imaginaire – qui sera au premier plan de la

présente étude, nous allons être obligé de faire en quelque sorte une psychanalyse de

l’homme de l’économie car l’économie relève de l’inconscience ou de la subconscience

collective. A notre avis, la science économique est en train de libérer la conscience de

l’humanité de l’homme que chaque être humain renferme dans leur pensée, et qui fait le

choix pour « plus de richesse ». Les différentes représentations littéraires et artistiques de

l’homme ne sont pas multiples car elles ne sont tous que la dérivée d’une représentation

unique ou d’une représentation-source. Il existe une ou quelques images uniques et

présentes dans toutes les différentes représentations littéraires et artistiques de l’homme, « l

»’image de l’homme. Ces images sont des thèmes – sources de la représentation de

l’homme. Ces images ou ces thèmes sont pénétrées ou infiltrées par le concept « homo

œconomicus ». Il faut donc préparer le terrain pratique ou épistémologique pour accueillir

« cet » homme venu de tous les êtres humains, ce concept opérationnel, par lequel un René

DESCARTES (1595 – 1650) et ses cartésiens puissent s’écrier sans fausse note, « j’existe !

», d’où le thème de notre recherche : de l’homo œconomicus vers la rénovation de

l’économique.

Le nœud de ce thème est la libération de la description de « l’homme qui préfère

plus de richesse sur le moins » de cette emprise de la situation (dans la société ou dans

l’espace géophysique, ou encore dans les vanités2 du corps physique), ou encore de la

construction de la description de ce que la philosophie et la psychologie appellent la

« conscience » et que la théologie chrétienne appelle « âme » et encore que la science

économique appelle la « raison » – pour désigner la substance qui fait l’homme –, des

idées fausses issues de l’imprécision de la théorie économique, et ce, en apportant plus

d’explication et des arguments supplémentaires sur ce qu’on est en train de faire. Cet

homme qui préfère plus de richesse, en effet, se trouve et s’impose, à notre avis, dans

2 « Vanités » car les corps sont fonctionnellement et biologiquement semblables, pourtant ils demandent des traitements physiques ou sociaux différents. La vanité est actuellement institutionnalisée sous forme de « droit », de titre de position sociale hiérarchisée, alors que avec ou sans droit, adulé et affabulé par des titres, l’homme reste humain.

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l’inconscience ou dans l’inspiration de chaque être humain et le guide dans

l’accomplissement des activités pratiques et artistiques humaines ; il est, comme le

phénomène de la divinité dans la pensée religieuse, une sensation perçue collectivement et

qui, par la répétition de discours et par le regroupement des individus pratiquant le même

discours avec des mots qui leur sont choisis, arrive à s’imposer, voire à s’immiscer dans la

vie quotidienne de l’homme, pour s’ériger en doctrine. Cet homme ou cette conscience a

été plus ou moins contrôlée par les cadres de la discussion et par le choix des participants à

ces discussions (les étudiants ou ceux qui ont acquis une certaine connaissance ou éthique).

Notre propos part de la réflexion sur l’homo œconomicus et se prolonge dans un discours

sur ce qu’est l’environnement perçu ou susceptible d’être perçu par cet homme. Le thème

traité est donc l’homme et la nature avec les limitations respectives que nous apportons à

ces deux composantes.

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Introduction générale 

LES QUESTIONS : QUI EST « L »’HOMME ET QUEL (ET OU) EST SON DOMAINE ?

La décentralisation des lieux de discussion sur le thème de la vie terrestre humaine,

l’utilisation des concepts et de l’analyse économique dans les débats portant sur l’avenir de

la vie terrestre et le changement de la composition des individus qui prennent part aux

discussions sur ces thèmes sont des phénomènes nouveaux et intrigants marquant notre

époque et ouvrent le débat sur l’utilité et la fonction de l’économie sur l’homme. L’époque

où la démarcation entre les personnes qui ont fait des études et celles qui ne les ont pas

faits est révolue : les intellectuels imposent leur science sur les gens non éduqués, et ces

dernières trouvent des réponses plus ou moins satisfaisants aux curiosités et intrigues

rencontrés par les conseils et discussions qu’ils entretiennent avec les intellectuels.

Mais la démocratisation de l’enseignement, la spécialisation entre les savoirs

académiques et la facilité des accès aux informations n’ont pas tenu la promesse

d’apaisement et de bonheur apportée par l’acquisition de ce que la littérature romantique

appelle le « sentiment de la nature » c’est-à-dire la sensation de bien-être ou l’extase

fondée sur la ressemblance entre la vie intérieure et la vie extérieur de l’homme. Elles

n’ont pas également apporté les raisons suffisantes pour maîtriser l’élan de la force

impulsive de l’homme. Les hommes d’aujourd’hui sont plus éduqués, plus matériellement

aisés, pourtant ils sont moins heureux que ceux d’il y a dix ou vingt ans. La consommation

croissante des produits aphrodisiaques, le stress et le mal-être accompagnent l’opulence

matérielle.

Les nouveautés dans les discussions actuelles sur la vie terrestre sont les

dimensions de la question : il ne s’agit plus de la vie d’un individu ou d’un groupe

d’individu, mais de la vie de l’homme en général. De même il ne s’agit plus de gagner des

biens matériels de survie, mais de la richesse en général (y compris le bien-être). D’où les

questions de fond qui se posent sont : Le « zoos » ou le bios (la vie) est-il donc finalement

une question de « oika » (domaine) ? L’homme n’est-il donc plus animé par la vie mais par

son domaine ?

Derrière ces questions, on constate que les discussions sur la vie se font alors que

l’homme lui-même est aussi méconnu. Conséquence, les discussions sur le sens de la vie

terrestre et la richesse matérielle sont à la fois une demande de solution sur les problèmes

de la méconnaissance de l’homme et un soulagement, car plus on en discute, plus un espoir

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de promesse semble apparaître. Si l’homme avait pu avoir une plus grande connaissance de

lui-même, il saurait se positionner dans le domaine de la vie et de la richesse. Qui est

« l »’homme et quel (et où) est son domaine ? Telles sont les questions inséparables que

nous répondrons dans cette thèse.

On remarque qu’il s’agit de « l »’homme et non pas « des » hommes ou encore de

l’usuelle homme avec un grand « h ». Cela s’explique par le fait que nous parlons de « la »

vie et non « des » vies des hommes, ni de vie avec un grand « v » de l’homme ou des

hommes. En outre, le terme « domaine » est utilisé à la place de l’ « oika » économique

pour pouvoir étendre notre propos hors du domaine dans lequel l’expression « homo

œconomicus » a enfermé le thème de l’homme.

POSITIONS THEORIQUES DE LA QUESTION

Les discussions sur l’homme et sur la vie tombent dans les rues, sous forme de

littératures de tous genres et expressions (orale ou scripturale, voire musicale, artistique ou

industriel, incantation ou contestation, etc., bref, des activités intellectuelles et mentales qui

s’accomplissent malgré nous, avec les différents fonctions vitales de notre corps), et est fait

par des individus de toutes les classifications sociales et de tous les niveaux intellectuels

imaginables. L’homme est devenu un sujet courant de discussions, comme s’il est un

thème accessible à tous, et les lieux fréquentés par plus de deux individus peuvent

accueillir de telles discussions, comme si chaque lieu est une tribune pour juger, critiquer

ou commenter l’homme, sa vie ou son comportement.

Cet intérêt populaire croissant pour les questions de l’homme et de la signification

de la vie matérielle est préoccupant, car il annonce l’existence d’un sentiment de malaise

non guérissable. Des questions se posent sur le sens de la vie et sur la richesse ; et le peu de

réponse offert par les économistes ne sont que des révélations de phénomènes lugubres :

inflation, besoin, mortalité, etc. Ces questions sont le nœud de plusieurs conflits actuels :

les conflits de génération, la dissension entre les époux ou entre les voisins, et même entre

des parents proches. Mais personne ne peut s’engager à donner la réponse aux questions de

l’existence et de la vie, ni prétendre à une connaissance parfaite de l’homme et indiquer les

règles de sagesse, ou de vérité, ou avoir suffisamment de connaissances nécessaires pour

remettre un homme vers le chemin de « l »’Homme, et d’indiquer dans quel lieu et dans

quel référentiel l’homme peut-il trouver une esquisse de réponse aux questions de sens de

la vie et des activités humaines.

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La recherche de sens de la vie matérielle est un problème ouvert à toutes les

civilisations. Elle reste l’apanage des religions, car sans elle, peut-être, ces religions n’ont

pas de raison d’être. Voici comment le judaïsme, le christianisme et l’Hindouisme retrace

cette problématique de la recherche du sens de la vie :

La culture chrétienne met en relief la précarité et le malheur dans la vie terrestre

présentée distribuée entre des individus humains sous forme de corps charnel et matériel, et

proclame l’existence d’une vie éternelle réservée aux élus reconnus par leur « victoire » sur

la vie terrestre, ou sur la chaire. L’idée de « vie éternelle » leur est d’ailleurs une thèse

récente (le premier usage de ce concept se trouve à l’époque de Daniel, un prophète de

l’exil juif vers le VIIe siècle avant notre ère) et dans un contexte de résurrection des morts

(Daniel 12 : 2-). Ce n’est que dans le Nouveau Testament que cette conception est devenue

courante : Jésus et les évangélistes l’avaient évoquée comme une récompense (Voir La

Bible, Evangile selon Mathieu, chapitre 19, versets 16 et 29, chapitre 25, verset 45). Les

cultures mésopotamiennes et égyptiennes chez qui les Hébreux ont été exilés ont ajouté un

nouvel élément dans le thème. Les Juifs apprirent en Babylone, la mesure du temps, et

l’introduire dans leur problème. Ils y apprirent une autre mesure du temps (celle basée sur

la position des planètes) et se conçoit comme une limite, deux conséquences théoriques

importantes en découlent : premièrement l’existence d’une durée où le temps n’existe pas,

ou encore l’adhésion à une conception selon laquelle un temps initial existe ;

deuxièmement, le temps, puisqu’il a un commencement, possède lui-aussi son achèvement.

Pratiquement, la vie matérielle se situe dans le temps et place son existence et ses actions

sur cet axe. A partir d’une telle notion de temps, des conséquences sociales et d’ordre

éthique en découlent, notamment la notion de bien et de mal. Généralement, le bien est

associé à une longue durée, alors que le mal est de courte durée. Une représentation de ce

qui n’est pas visible apparaît et se déduit dans la pensée humaine.

Les chrétiens ont d’ailleurs développé cette conception de la personnification de

temps par la vie éternelle en la personne de JESUS. Ce dernier a certes affirmé qu’il est la

vie (Jean 14 : 6 -) et qu’il donne la vie pour l’univers (Jean 6 : 33-). Sans vouloir traîner sur

le domaine de la religion qui dépasse le sujet, nous pouvons remarquer que seul

l’évangéliste JEAN parle de JESUS comme étant celui qui donne la vie et que la vie éclaire

le monde, et surtout, en ce qui concerne notre thème, que le temps donne un sens spirituel

aux objets nécessaires à la survie de l’homme, car il révèle que les objets terrestres sont

inférieures aux nourritures spirituelles dont JESUS dispose aux êtres humains. S’agit-il

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alors d’une interprétation personnelle de la notion de vie matérielle (la « théologie

johannique » comme l’affirment certains théologiens) ? Ou est-ce une réalité concernant la

nature de la vie humaine ? Il semble en tout cas, que ce caractère vital et « lumineux » de

JESUS réclame et justifie la pratique de l’évangélisation. Avec cette conception,

désormais, la raison de l’évangélisation est donnée : diffuser le modèle de comportement

véhiculé par JESUS.

De même l’idée de récompense (un objet limité au récompensé) pour le

comportement vertueux est aussi une nouveauté de la culture chrétienne. La récompense

chrétienne est la vie éternelle qui, évidemment, se conçoit dans le cadre de communion

avec le dieu qui est à la fois une nourriture et un objet de vénération. Quand, avec les

anges, les ressuscités louent le dieu, non seulement ils accomplissent une cérémonie

religieuse, mais aussi ils « consomment » leur dieu sous forme de repas vitalisant. Mais

pour pouvoir se faire inviter à ce banquet, il faut en être digne d’y assister. La métaphore

évangélique présente alors cette action purificatoire par la croyance et la foi, par la

conversion. Cette préparation spirituelle se réalise dans le cadre de monde terrestre. Mais il

faut aussi se demander de quel enseignement les chrétiennes tiennent-ils cette

connaissance ?

Déjà dans la conception religieuse égyptienne, chez qui également les Hébreux ont

séjourné, on reconnaît l’existence d’un lieu de séjour des morts dont OSIRIS, un dieu en

est le maître de lieu. Pour les Egyptiens de l’Antiquité, le lieu de séjour des morts est une

récompense, et ne pas être admis dans ce lieu le jour de la mort conduit à une

condamnation à l’errance. Il n’y a cependant point d’aversion pour l’errance dans leur

conception, car bien que les Egyptiens soient établis dans une société sédentaire organisée

sous la tutelle et sous la surveillance du roi représentant de dieu, la mort n’est point un

repos ; au contraire, elle est le lieu de voyage interstellaire avec les dieux.

Ainsi, le christianisme diffuse non seulement le message du salut et de la

rédemption, mais aussi d’éthique qui a influencé les premiers économistes. Leur

enseignement est fort de la représentation matérielle de temps et de substance vitale par la

personne de JESUS ainsi que de comportement approprié pour mériter cette substance

vitale. La question de l’existence et de sens de l’action trouvent ainsi un sens, pour les

chrétiens : se diriger vers l’éternité parce que cette dernière n’est pas seulement une durée,

mais aussi une substance vitale ; elle est une richesse. La question de l’existence – et donc

Page 15: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

12

de la vie matérielle – trouve aussi et plus particulièrement le modèle ou l’idéal de l’être en

la personne de JESUS, le dieu vivant temporellement sur terre, le CYRUS de certains

philosophes.

Le ou les rédacteurs du Bhagavad-Gîtâ, un livre daté du IIe siècle avant notre ère,

sinon selon d’autres indianistes au IVe siècle avant notre ère et classé par les littéraires

dans le genre de poème philosophique et épique, posaient eux aussi la question de la vie

matérielle à travers le thème de la connaissance de l’homme et de l’orientation de ses

actions dans un contexte où deux armées composées chacune d’hommes notables et

valeureux et qui sont aussi parents, sont sur le point de s’affronter. Le penseur, en la

personne d’un protagoniste appelé ARJUN, se pose alors la question du sens de la guerre,

lorsque, face à face, des hommes admirables pour leur conduite sont sur le point de

s’entretuer. Les questions que ARJUN se posent sont : qu’est-ce que ces soldats ont-ils fait

pour arriver à ce stade de combat ? Pourquoi sont-ils prêts à livrer leur vie ? Les réponses

de celui qui, en la personne de KRISHNA, prétend connaître les choses sont alors

surprenantes : en termes non littéraire, sa réponse est que le devoir fait changer le sens de

la vie ; la mort n’est pas une atrocité. Pour l’homme animé par l’éthique et le sens du

devoir, la vie n’est pas aussi précieuse que cela en vaut une lamentation. Autrement dit et

dans l’occurrence de notre sujet, le devoir impose sa forme de conduite et éventuellement

son modèle de comportement ; le sens de l’action et de la vie est donné par les

circonstances. Nous trouvons dans ce modèle de réflexion alors le concept d’idéal-type de

la sociologie. Si la vie est faite de guerre et de conflit, l’idéal type est de héro des guerres

ou l’entrepreneur conquérant. Tel est d’ailleurs l’image véhiculée par la culture du

capitalisme.

Faut-il aussi ajouter la pensée bouddhiste ? Le bouddhisme a aussi cette

problématique de la vie matérielle. Son point de départ est la souffrance, la vieillesse, la

mort et la dépendance à la nature. Le héro, un prince d’une région rurale tibétain, a

découvert lui tout seul l’origine et la cause de la souffrance, et il propose alors

l’indépendance de l’homme vis-à-vis de la nature et de la matière. Certains fondateurs de

religion, notamment celui du Taoïsme, prétendent apporter la réponse à la question en

enseignant, non pas le sens de la vie, mais de la voie qui mène à l’état de détachement total

de la vie éphémère : la pratique du yoga, le respect de soi et le retrait de la vie publique,

etc. Ils œuvrent pour conseiller les autorités de l’Administration publique (comme le font

les entourages notables des princes dans les sociétés méditerranéennes à l’époque de la

Page 16: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

13

monarchie) sur la façon de vivre et de mener les affaires dans un monde secoué par des

changements politiques et sociaux (le Taoïsme méconnaît la crise économique). Au peuple,

ils recommandent l’ignorance de la société pour se conformer à ce qu’il appelle de

« principe fondateur de l’univers » qu’il faut comparer avec ce que le discours moderne

appelle de « loi de la nature »). Leurs enseignements suscitent les remarques suivantes :

En termes économiques, le fait d’ignorer la société relève d’une approche

microéconomique de la question, car l’homme ainsi étudié n’est plus celui qui est influencé

par la culture mais par le marché. En outre, la recherche de conformité de comportement

au « principe fondateur de l’univers » est à comparer à l’anticipation du marché. A cet

effet, pour le Taoïste, le mieux serait de « non agir » pour dire l’opposé de l’action. En

termes de l’économie politique, cette recommandation évoque le libéralisme, mais il s’agit

de libéralisme spontané, avec les impulsions naturelles et sans artifice humaine. Pour que

ce libéralisme fonctionne, le prince taöiste se doit lors de cacher au peuple le luxe afin de

mieux satisfaire le besoin restant. De ce fait, l’Etat idéal serait celui dirigé par un prince

philosophe sur un peuple soumis et passif. Le Bouddhisme tibétain, pour sa part, constatant

que le malaise (ou la souffrance selon les termes de la problématique bouddhiste) peut être

dissipé par le détachement et par l’absence de désir ; autrement dit, en termes économique,

la souffrance ou la malaise humaine est causée par le besoin et par l’appropriation

(l’attachement). Dans ce sens alors, le système économique qui, comme le capitalisme, a

institutionnalisé la propriété privée, le malaise est très fort et le sens adopté de la vie est

erroné.

L’homme bouddhiste ne se pose-t-il donc pas des questions sur la vie et le sens des

activités humaines ? Leurs apologètes répandent certes l’idée que les bouddhistes sont

tolérants, et même dans leur approfondissement, les bouddhistes ont posé le principe de

l’égalité de la vie, indépendamment de la nature l’être qui l’incarne, faisant en sorte que

tous les êtres vivants sont animés par les mêmes principes vitaux. En outre les

préoccupations initiales (la maladie, la vieillesse, la mort et la misère) de son doctrinaire,

BOUDDHA, dénotent déjà et aussi les problématiques du sens de l’action humaine. La

question de la vie est ainsi résolue par la vision qualifiée d’ « illuminé » de leur maître :

chaque être vivant n’est que le détenteur d’une vie. Cette dernière est alors un bloc

transcendant de données sans lesquels les êtres humains n’arrivent pas à survivre. La

question du sens de l’action ne se pose pas de façon critique, mais par l’enseignement du

BOUDDHA, ses adeptes ont trouvé la raison de vivre et d’agir.

Page 17: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

14

Ainsi, dans les religions révélées, ou dans la pensée populaire, l’objet de culte et

son système de valeur qui se décrivent ou se révèlent lui-même, par la voix et par la plume

d’un narrateur, indiquent le sens de la vie, ou plus précisément, ce qui se passe après la

mort. Ces religions révélées ainsi que beaucoup de religions anciennes ont exposé des

idées sur la vie et sur ce qu’elles prétendent être la véritable vie. Elles ont offert à leurs

auditeurs des réponses pesantes sur l’esprit humain, obligeant ce dernier à penser ce qui

n’est pas visible et immédiat. Les penseurs ou les pensées qui ont construit ces idées ont

servi d’intermédiaires entre les hommes qui sont victimes du poids de la vie et de celui du

salut ; ces pensées ont permis à l’humanité d’avoir une vision plus claire, plus élargie, ou

plus pratique de l’inconnu ; sans ces penseurs et leur discours, l’homme n’aurait pas de

croyance et peut-être pas de notion d’avenir, mais surtout, l’homme n’aurait pas pu différer

dans le temps ses besoins de solution sur le sens de la vie.

Dans le même sens, les philosophes ont aussi apporté leurs arguments au débat en

proposant à l’homme, en quête du sens de la vie à se contempler lui-même et à admirer

superficiellement ou profondément la nature. Pour eux, la question est abordée à partir de

démarches différentes. Certains philosophes - PLINE l’Ancien (v. 23 – 79 apr. J.C),

BOECE (v. 480 – v. 524), notamment3 – ont posé la question de l’homme à partir de la

compréhension du lien de l’homme avec la nature, alors que d’autres la posent à partir du

lien avec la divinité. Pour BOECE, plus particulièrement, sentant une injustice pesée sur

lui, il se pose en quelque sorte la question suivante dans sa «Consolation philosophique » :

pourquoi la nature fonctionne-t-elle encore alors qu’une injustice est faite sur terre ? Cette

question est aussi posée et répondue par PLATON dans ses « Lois », mais sous une autre

forme : la distribution de la richesse ou de la fortune. Pour PLATON, la fortune se

distribue de façon aléatoire, alors que la nature est régie par la mécanique.

Rares sont les écrivains qui, polygraphes comme XENOPHON, se permettent de

poser la question de l’homme à partir d’un récit historique et analytique de l’homme

conquérant capable de prédire ce qu’il sera plus tard. Cet homme idéal est, d’après

XENOPHON, CYRUS. Dans son sens, CYRUS est l’homme idéal dont la naissance et la

vie mérite d’être récité, car tout ce qu’il a entrepris a inspiré l’homme, tout ce qu’il est,

3 BOECE (Anicius Manlius Severinus Boetius) était un consul romain né en 480 et mort (exécuté) en 525 sur une accusation de magie, se demandait dans sa « Consolation philosophique » pourquoi il est victime d’une injustice et que le cours des choses humaines soit désordonné, alors que la nature reste ordonnée (BREHIER 1932, T1 Page 361). PLINE, pour sa part, a redigé une ouvrage sur la science de la nature. PLINE a écrit l’ « Histoire naturelle »

Page 18: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

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beau de corps, doté de plusieurs qualités, et muni de bonté d’âme4. Les Grecs ont raison de

poser la question de l’homme ainsi présenté et qui mérite la particule de « l »’homme, sous

forme d’énigme selon lequel « si cet homme n’est pas un homme » (AZOULAY 2000).

Depuis la séparation de la science de la nature avec la philosophie au IVe siècle, les

philosophes restant se sont tournés vers une meilleure compréhension de soi, tout en

considérant les travaux de leurs prédécesseurs comme des acquis exploitables pour leur

raison et leur raisonnement. Il suffit alors à l’humain de suivre leur méthode et de

poursuivre la voie que les philosophes ont ouverte pour eux pour atteindre le bonheur.

(BREHIER, Histoire de la philosophie, Tome I, 1928). En termes économiques, les

philosophes ont indiqué la valeur et le mécanisme d’enrichissement, avec un fond de

problème de la quête de l’identité – et non de la quantité – de la richesse. Pour eux, la

richesse a un sens immatériel et ne se porte pas encore sur la satisfaction de besoins. Pour

justifier cette position, Emile BREHIER remarque que la séparation de la science avec la

philosophie a entraîné une sorte de transfert de la sagesse : un homme sensible à la nature

est aussi doté de capacité de rationalité en philosophie, et inversement, et de la même

rationalité.

La religion, les discours et discussions de l’homme de la rue ont proposé leurs

propres solutions en avançant comme axiome5 de réflexion l’imperfection de la nature

humaine contrastant au comportement d’un homme idéal par rapport à leur modèle

respectif et qui, théoriquement, peut et doit être acquis par un homme ordinaire par la

raison (selon le confucianisme et la tendance intellectuelle de certains économistes utilisant

le concept d’homo œconomicus comme une réalité et non comme un instrument

d’explication théorique) ou en suivant les lois naturels ou les lois divines. En d’autres

termes, l’homme de la rue, la religion et la philosophie ont idéalisé la raison à tel point que

l’axiome implicite de comportement pour la position du problème est que l’homme n’est

pas naturellement rationnel, mais qu’il est en mesure d’acquérir celle-ci par ses propres

moyens. Cette conception se rencontre déjà durant le IVe siècle dans la communauté

grecque ancienne : après la séparation de la science de la philosophie, cette dernière a pu

affiner son orientation, il apparaît aux yeux des philosophes grecs de l’époque que la

4 Voire XENOPHON, « Cyropédie » Notice par CHAMBRY Pierre (XENOPHON s.d.) 5 Il s’agit d’un axiome et non pas d’une hypothèse. La différence est que un axiome (du grec « άξίωμα» « axioma » désigne une proposition évidente qui ne demande donc plus de démonstration, alors que l’hypothèse (du grec « ΰπόθεσισ », « upothesis ») indique une supposition du rhéteur

Page 19: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

16

conception de l’univers déterminée avec la raison permet d’atteindre le bonheur (la science

de la nature permet d’atteindre les objectifs philosophico-économiques). Le problème est

donc, selon la philosophie, la description de la construction de la rationalité par l’homme

non rationnel ou encore l’énonciation du cheminement intellectuel menant vers la raison.

Elle a été développée par la philosophie analytique. Mais les philosophes qui se sont

intéressés sur la richesse matérielle – du moins ceux de la période préindustrielle – et les

philosophes de la religion ont apporté une autre dimension au débat : le problème, pour

eux, était de savoir pourquoi le monde tourne encore alors que l’injustice existe plus

particulièrement par la condamnation des justes ? Pourquoi la nature produit-elle encore

des biens pour l’homme, alors que les hommes sont injustes entre eux ?

Les discussions sur le thème de l’homme et de la vie ne cessent pas d’être

fréquentes, et malgré l’éminence des participants, il semble qu’on est encore loin de

trouver une piste susceptible de mener vers une clôture assurée de la discussion. Que peut-

on faire ? Pourquoi n’a-t-on pas abandonné ce sujet ? C’est que les discussions sur

l’homme et la vie de l’homme ont renforcé une conviction forte de la possibilité d’une

réponse « magique » susceptible d’apporter une explication définitive et satisfaisante de

ces thèmes, sinon les discussions sur l’homme elles-mêmes s’inscrivent dans un thème de

l’en-soi (ou de l’ontologie) de l’homme.

LES REPONSES

De prime abord, il semble que les questions de la connaissance de l’homme et de

l’établissement du lieu de la discussion de l’homme sont résolues, une fois que quelqu’un,

comme le BOUDDHA, JESUS, MOHAMMET et les autres, prétend de connaître la vérité

et de l’enseigner par la suite. Dans cette situation, en effet, les disciples n’ont plus besoin

d’évidence ou de voir la vérité ou la réalité – à ce lieu dans lequel le discours est porté,

plus n’est besoin de vérifier la chose ; alors ce n’est plus sa dénomination, vérité ou

évidence, qui importe, mais le fait qu’il est cru, sans être vu –, ils n’ont plus besoin ni des

yeux ni de main pour s’en convaincre, mais seulement des oreilles et de l’esprit critique

pour admettre la prétendue … vérité. Dans la question de ce qui se dit sur l’homme, ce ne

sont pas le regard et le toucher qui appréhendent initialement le discours, mais l’ouïe et la

réflexion, ou tout simplement, l’idée. Dans cette suite d’idées, le thème de l’homme

appartient au monde de la narration et de la croyance. L’homme qui en est issu est un

homme narré et accepté, un produit de l’éducation et de transfert de la représentation.

Page 20: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

17

Dans la littérature en général – que nous appelons aussi le « monde narré » - le

sens de la vie est fait par des thèmes intelligibles et compréhensibles du moment. Certains

thèmes dits indoeuropéens, mettent au premier plan non pas l’homme, mais le « héro6 ».

Ce dernier se distingue par leur quête de la sagesse, de la foi, la richesse, du bonheur, le

paradis, etc. Ces idéaux donnent un sens à la vie et en même temps fournissent des

prétextes pour obtenir l’admiration collective. Le récit indoeuropéen présente déjà son héro

à travers des cadres familiers de la science économique de lutte et de concurrence et de

rationalité (HAUDRY s.d.). Le thème de la recherche de la rationalité de l’homme est aussi

vulgarisé et présenté sous forme de récits d’aventure où le héro est à la recherche de

quelque chose qui vaut la peine. Bref, la littérature expose une quête de quelque chose,

d’un objet rare, susceptible de modifier la situation sociale, mentale ou autre de l’individu.

La trame de fond commun de la littérature correspond à la description des faits d’un

entrepreneur devant la rareté de l’opportunité de l’investissement ou de l’investissement

lui-même. Dans le monde narré, la raison a sa place quoique de façon imprécise. Les

productions artistiques et littéraires des narrateurs, écrivains ou artistes, sont la solution

primitive à partir de laquelle dérivent toutes les réponses relatives aux questions du sens de

la vie. En combinant la rationalité et la narration – produisant un récit … rationnel ou une

rationalité descriptible – la narration laisse entrevoir, en esquisse et en imagination, la

représentation de l’homme avec laquelle se résout la question de la vie et du sens de

l’action humaine. Cette représentation de l’homme apparaît en imagination comme un être

à la recherche de capital ou d’opportunité d’investissement et guidé par la croyance en un

comportement vertueux et prodigue en compensation. C’est l’homme à l’image du dieu

représentant corporellement ou mentalement par la parole de ses inspirés ou émissaires.

Tel est d’ailleurs l’homme – et non pas un homme – de l’histoire universelle montré aussi

par la théorie économique. Cet homme représenté est un intermédiaire entre le dieu de la

religion et l’homme de la religion, entre l’objet de la science et les questeurs des

connaissances scientifiques. Il est une énigme, car, ne serait-ce que par son existence, cet

homme représenté montre et résolve, en grande partie, la problématique du sens de

l’existence de l’humanité, en inspirant et en dirigeant les activités humaines jusqu’à

organiser leur communauté. Avec quel pouvoir cette représentation de l’homme mène-t-

6 Le mot « héro », d’après Jean HAUDRY, est un étymon de « Hera », la déesse de Printemps (ou du mariage). Il désigne un personnage de « conquérant de la belle saison » et qui évoque ce que la littérature actuelle appelle de « opportuniste ». Une variation successive de thème de cette conception du héro fait de ce dernier, un « conquérant du soleil », « celui qui découvre ou celui qui procure le soleil », « celui qui obtient l’année », voire l’immortalité.

Page 21: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

18

elle l’homme à des activités humaines ? Il en est de même pour ces penseurs qui sont des

architectes de la vision de monde physique, intellectuel et mental, comment et par quel

voie et cheminement, voire tourment, intellectuel, ces êtres pourtant humains ont-ils pu

pénétrer (ou spéculer) dans le domaine de la source des causes des activités humaines ?

Telles sont les deux questions fondamentales que nous étudierons dans cette thèse

Si la première question se répond par la narration, la seconde dépasse du contenu

de l’étude de l’homme, parce qu’elle concerne ces hommes qui, avec leurs intuitions, leurs

mots et leurs visions, décrivent les conditions humaines. Ces intuitions et visions dans

lesquelles s’élaborent les informations sur la vie de l’homme constituent une espace

disciplinaire appelé « économique », alors que ces hommes sont les économistes, sinon ces

hommes sont ceux dont la pensée économique a fait école. Cette deuxième question fait

l’objet du deuxième tome de notre thèse.

Le fait de présenter l’homme à travers la narration et non pas par l’observation

directe de quelques êtres humains vivant en groupe est source de problèmes

méthodologiques et épistémologiques. En effet, ce choix conduit à l’abandon de projet

tourné vers les individus, et ouvre la question en termes de la réflexion qui est la partie

noble de la science économique, parce qu’elle s’est glissée et s’est imposée sans

discussions dans les théories économiques. Ainsi, par exemple, on ne sait jamais si Adam

SMITH parle de lui, ou d’un individu7 ou de l’homme en général lorsqu’il soutient que la

pratique du langage et du troc, du trafic et de l’échange sont des dispositions naturelles de

l’homme. Aucun commentaire ou peu de commentaires n’a été fait. Pourtant, si on enlève

ces propositions de la science économique, une grande partie du discours d’Adam SMITH

aurait perdu son intelligibilité. Mais la réflexion individuelle est la pire des méthodes de la

science économique, car elle relativise le discours. Il faut voir les critiques de

FEYERABEND pour s’en convaincre.

L’étude de l’homme par la réflexion sur l’homme est donc une source de problèmes

et en même temps une correction ou une amélioration des apports de la science

économique dans la connaissance de l’homme.

7 On sait que Adam SMITH avait influencé des négociants de Glasgow (DELATOUR 1886)

Page 22: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

19

DES PROBLEMES

La narration produit une nouvelle représentation de soi, un homme nouveau – car

c’est un homme extériorisé et donc exposé aux critiques – et un système (ou vie) nouveau

de se représenter soi-même, car elle montre par une composition arbitraire de cadres, un

nouveau aspect du réel. Elle est le produit d’individus inspirés faiseurs de théories – de

philosophes, selon la conception du philosophe français Gilles DELEUZE (1925 – 1995),

parce que les philosophes, d’après lui, ont pour fonction de produire des notions, des

concept, des blocs d’idées (DELEUZE, 1985) -, ou encore de produits des entretiens

cliniques d’un psychiatre ou d’un psychanalyste, ou encore le protagoniste d’une œuvre

littéraire ou artistique, tout en sachant alors que les œuvres littéraires et artistiques

répondent aux questions de la représentation de l’homme et du sens de la vie et de l’action.

L’homme est alors un produit de la littérature, un être représenté, produit des inspirations

et de l’idéal de la psychanalyse. Toutes les représentations de l’homme répondent à cette

problématique de la production d’idées, ou d’entretiens cliniques ou de protagonistes d’une

mise en scène. Les caractères de l’homme ainsi représenté répondent aux exigences de la

rationalité narrée.

GILGAMESH est, d’après la littérature en général, le premier homme ainsi produit

pour l’intelligence humaine, car il représente un homme narré, il y a trois millénaires avant

notre ère. Le récit dit qu’il est un « roi », c’est-à-dire dans notre sens actuel, un être

indépendant et souverain, un héro ; il est un tyran dit encore le texte, pour dire combien

l’homme qui est narré est une puissance. Ce contenu d’épopée se rencontre presque dans

toutes les littératures8. Il en est de même pour les fables (que nous traduisons en Malgache

par le mot « angano ») avec lesquelles les Malgaches précoloniaux, selon la tradition orale

effectuent l’éducation des non mariés. Les fables visent à rendre compte de certaines

inconvenances de comportement de l’homme en vue de les corriger dans la mesure du

possible.

Puisque l’homme apparaît comme un produit de la narration, ses activités se

déduisent également de la narration. Le raisonnement est la suivante : puisque ça se dit,

alors ça se fait. Ainsi, l’homme de la religion ou des documents religieux vit une vie

compréhensible par la religion ; l’homme du marché a un comportement compréhensible

8 Pour le cas malgache, un document historique (« fandraka ») recueilli par KASANGA Fernand, membre de l’Académie malgache, raconte comment ANDRIANAMPOINIMERINA combattait les Vazimba (sorte de divinité des montagnes et des eaux)

Page 23: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

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par la théorie du marché, etc. Les activités du même homme, mais décrites dans un autre

référentiel, s’avèrent incompréhensibles. Dans son « Malaise dans la civilisation9 »

(1929), Sigmund FREUD décrit cette situation comme un désaccord de la pensée des

hommes avec leurs actes en raison de la multiplicité de leurs désirs instinctifs. Un obstacle

épistémologique se présente donc : le triplet composé de narration, homme représenté et

vie entraîne une opposition entre le narrateur et la pensée de l’homme quoique ce dernier

n’est que décrit. Le conflit intérieur de l’élève discipliné mais moyen d’un établissement

scolaire illustre ce fait. L’élève sûrement se demande, pourquoi l’assujettissement aux

règles de l’établissement ne lui a-t-il pas permis d’améliorer ses performances

académiques ?

Seulement, ces réponses fondées sur l’homme idéal ont pour conséquence de

montrer à quel point l’homme de la nature est loin d’avoir les qualités de l’homme idéal.

Les promesses de la possibilité de perfection humaine se transforment alors en de

désespoir inextricable et universel que, pratiquement, des cris d’appel de salut et de

solution troublent le silence des édifices religieux et des maisons de culture et s’entendent

dans les rues, arrêtant les passants pour s’éteindre dans un désert de non lieu et de non

recevoir.

Il y a donc une rupture entre la narration, ou les discours de salut et l’action, d’une

part, et la représentation de l’homme narré ou l’image que se fait l’homme de lui-même

d’autre part, ou encore il y a un sentiment indescriptible entre la l’individu et la sensation

d’appartenance à un infini, ou encore et simplement, une absence des informations sur la

relation entre la vision intellectuelle et la certitude des sentiments (FREUD10 ). Le

problème peut aussi être formulé en s’inspirant des idées de FREUD, en termes de

vacation des informations sur le lien entre l’implacabilité de raison et la certitude affective,

mais formulé en termes économiques, le problème serait l’absence des informations sur le

rapport entre la raison et le choix. Le choix humain n’est pas un choix rationnel, alors que

la présence de la raison suppose que celui-ci devait l’être. L’homme, tel que la science ou

la connaissance humaine le conçoit, n’est pas un véritable homme ; il n’est pas connu par

les sciences. En quelques mots, l’homme n’arrive pas à se décrire lui-même, alors qu’il

sent en lui des puissances agissantes susceptibles de le mener à se découvrir et à se

9 FREUD Sigmund, Op. cité, page 6 10 FREUD Sigmund, Op. cité, page 6

Page 24: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

21

connaître lui-même. C’est le problème ou le premier problème ou le problème de l’homo

œconomicus.

Ce problème a de conséquences théoriques et pratiques graves : il ne laisse pas

l’individu en paix, et il apporte à ce dernier des sentiments d’angoisse et de malaise. En

économie, ce problème se présente sous forme de la diversification du choix des individus

alors que ces derniers sont théoriquement mus par une rationalité unique. Il est la cause

d’un désordre à l’intérieur d’intimité humaine, et il s’oppose foncièrement à l’ordre, aux

dispositions et à l’appariement postulés par le concept de l’économique. L’économique

suppose l’ordre et l’appariement de différends, alors que dans la réalité c’est le désordre

social et le trouble à l’intérieur de chaque être qui règnent. C’est le second problème ou le

problème de l’économique. Dans les manuels de la science économique, il est d’usage de

tenir pour vrai l’hypothèse selon laquelle le problème de la science économique est rareté

des moyens par rapport au caractère illimité du besoin. La rationalité découle de la

conscience – et nous insistons sur ce terme – de ce rapport entre l’intensité des besoins

ressentis et la quantité des moyens. L’homme nous paraît ainsi animé par un trouble ou

conflit intérieur, et c’est cette trouble (et non la cause de ce trouble) qui est le problème de

la science économique. En utilisant la problématique du Réformateur Martin LUTHER

lorsque ce dernier est agité par une crise de conscience de son état de pêcheur, nous dirons

que l’homme de l’économie, lui, est aussi agité par sa conscience de rapport entre besoin et

moyen. En un mot, le problème est que la façon dont la science économique a été conçue

ne permet pas de parvenir à l’ordre et d’apporter la paix et la sérénité a l’homme en

général ; au contraire, la science économique est venue apporter le désordre.

Enfin, la conceptualisation des éléments de la nature (y compris l’homme lui-

même) sur la base de laquelle se bâtit la connaissance humaine, est une source de

problèmes. Elle relève cependant de la façon dont se conçoit et se conceptualise le monde.

Elle n’est donc pas une simple question épistémologique de la science, ni de

conceptualisation scientifique, mais, plus grave, elle concerne également la conception de

l’ordre universel avec ses discours cosmologiques aussi bien que des fonctionnements et de

activités de l’homme dans la nature, et par ces voies, de la conception de la construction ou

de la formation ou de la création de l’homme lui-même.

A voir de près d’ailleurs, le fond du problème est l’homme, parce qu’il est le sujet

de la conception de la science et de la conceptualisation des faits. Quelque part en lui, il

Page 25: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

22

manque une capacité à la fois de cerner la totalité de son observation, et de gérer par la

suite cette réalité. Cette incapacité est une sorte de loi qui limite ses propres actions et

devient une seconde nature ; aussi, il faut voir dans quel lieu et avec quel instrument

l’homme peut-il se décrire lui-même (c’est-à-dire dans quel lieu et avec quel instrument

l’homme peut-il se connaître lui-même) et dans quelles circonstances peut-on rendre

compte de cet homme triomphant de ses limites et de la complexité de ses problèmes, ou

encore comment peut-on juger ou apprécier cette connaissance de soi ? En un mot, le

problème est la connaissance de l’homme par lui-même, ou plus précisément par son « scio

» (je suis conscient de). Nous appelons ce problème : « Problème de la conscience de la

finitude de l’homme » ou tout simplement, le « problème de l’homme ».

De ces trois problèmes, il apparaît alors que ce qui se dit sur l’homme ou ce qui se

raconte sur lui par la littérature et par l’art, montre à quel point la conception humaine de

l’ordre et d’appariement postulé par le mot « économique», est mal formulé et mal conçue.

Autrement dit, le mal être, les sensations de malaise, d’inconfort ou des besoins de

l’homme provient du mal dit de l’économie proviennent de lacunes de la perception de

l’économique ; nous nous proposons alors de corriger ces lacunes par des réflexions sur

l’homme dans l’économie et l’homme de l’économie afin de reformuler de renouveler le

sens de l’économique ; d’où le thème de notre thèse : « De l’homo œconomicus vers le

renouveau de l’économique ».

DES SOLUTIONS

A ces problèmes, nous affirmons et défendrons les points suivants :

1°) L’homme décrit par la science est enraciné dans sa propre représentation. De ce

fait, l’art et la littérature s’interposent entre la science de l’homme et l’homme (Voir

chapitre II du présent Livre) ;

2°) Il n’y a en fait qu’une seule représentation de l’homme, malgré la diversité des

formes littéraires et artistiques. Cette représentation unique de l’homme, « la »

représentation de l’homme, précède dans le temps, le moment à partir duquel la croissance

économique devient régulière (même faible). La faculté de se représenter soi-même est

donc typiquement humain (une « conscience de genre » selon les termes du philosophe

Ludwig FEUERBACH (1804 – 1872) dans son « Essence du christianisme » en 1869) ;

elle est, en outre, le facteur de production avant les outillages et le travail.

Page 26: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

23

En conséquences de ces thèses, nous pouvons alors affirmer – comme suite encore

de notre thèse - que :

3°) le modèle de l’homme de l’économie, l’homo œconomicus, est l’homme décrit

par toutes les représentations de l’homme ; telle est d’ailleurs le noyau de notre thèse.

Conséquence, la science économique n’a d’utilité et de fonction que de satisfaire le besoin

de mieux connaître l’homme afin de mieux penser où est l’homme ; autrement dit, une

bonne connaissance de la façon d’être l’homme (l’éthique) aboutit à une appréciation des

conditions de l’homme et des informations sur lui.

Ces conceptions sur la science économique nous obligent alors à reformuler ce qui

s’apprend en science économie (Voir l’ensemble du Livre II).

PORTEES ET LIMITES DES SOLUTIONS

La présente thèse, cependant, n’est pas une ontologie de l’homme. En présentant

l’homo œconomicus, nous apportons, malgré nous, des précisions sur la façon d’être de

l’homme, le phénomène que les Malgaches appellent « fomban’ny olombelona » et sur la

base de laquelle, les personnes qui discutent sur l’homme doivent d’abord s’accorder avant

de parler de la vie de l’homme (le « fiainan’ny olombelona ») et qu’elles se comprennent

au moins sur ces points. Autrement dit, en ouvrant à nouveau le sujet de l’homo

œconomicus, nous ne pouvons pas éviter de parler de l’éthique pour atteindre un discours

spéculatif du sens de la vie. Le fonds de l’objet de notre thèse est la consignation de la

réalité de l’homme, ce dernier étant entendu comme un phénomène caractéristique de

l’homme comme l’affirme le philosophe allemand Ludwig FEUERBACH (FEUERBACH

1869): seul l’homme a la conscience de l’homme. Nous refusons donc la thèse de l’homme

créé – non pas parce que nous ne le croyons pas – pour mettre en évidence la thèse de

l’homme se prenant conscience progressivement de lui-même en vue de renouveler

l’épistémologie de la science économique. Ce refus s’avère nécessaire pour mieux

comprendre l’économie.

L’affirmation sur la base commune permettant de construire une science de

l’homme selon laquelle l’homme préfère plus de richesse, en effet est une proposition

éthique permettant ouvrant le discours vers le sens de la vie et des actions qui la meublent.

Cette thèse est un complément nécessaire de cette conception. Elle vise à borner les

hypothèses sur l’homme. Le débat sur l’homme est ouvert par deux voies : celle de la

paléontologie et de l’ethnographie dont Teilhard DE CHARDIN en est le maître et celle de

Page 27: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

24

la philosophie étrenné par SOCRATE et ses deux disciples ennemis que sont PLATON et

XENOPHONE. Teilhard de CHARDIN cependant traite de « l »’homme étant donné ses

dimensions multiples et son évolution, alors que les disciples de SOCRATE s’interrogent

sur la société idéale et la bonne éducation. PLATON met l’accent alors que le rôle de la

démocratie, alors que XENOPHON insiste en quelque sorte sur la qualité de l’homme idéal

et de sa représentation. Notre thèse s’inscrit dans cette vision de XENOPHON : la quête de

modèle de l’homme à l’intérieur de l’homme. Seulement, XENOPHON extériorise

l’homme pour en faire un objet extérieur. Conséquence, il ne parle plus de l’homme, mais

d’un idéal ou d’une divinité.

C’est le philosophe allemand SCHOPENHAUER qui a élaboré un discours sur la

représentation de l’homme. Evidemment, sa thèse devait être portée dans le domaine de la

science. Il nous semble que Adam SMITH avait suivi cette approche de

SCHOPENHAUER car il adopte la même vision de l’homme : un être doté d’un élan

moteur. SMITH continue alors son propos par le travail. Pour notre part, nous restons sur

l’agitation intérieure de l’homme et sur le mouvement qui s’ensuit : un mouvement allant

dans le sens de l’intériorité de l’homme et un autre sortant de l’homme. Nous pensons que

la théorie de SMITH n’a saisi que ce deuxième mouvement. De ce fait, notre thèse est un

complément de la théorie classique, sinon une refonte de la théorie économique classique

L’intérêt pratique de la thèse est de fournir des arguments et des références

thématiques dans les discussions sur le développement par l’homme et pour l’homme. A

l’état actuel des sciences sociales, en effet, les thèmes de la narration indo-européenne

dominent la façon de formuler la science économique à cause de l’importance numérique

des chercheurs dans la formalisation des sciences humaines et sociales, et à cause de la

domination de l’histoire régionale, en l’occurrence l’histoire de l’occupation du continent

européen dans le corpus des données et des faits de l’homme. La pensée indoeuropéenne

cependant n’est qu’une forme de l’expression de la pensée humaine, une pensée

scientifique, mais pas de la pensée de l’homme en général. En outre, les informations

actuelles sur l’homme manquent de consensus sur le référentiel du thème de l’homme,

aussi, faut-il ouvrir le débat sur l’homme en général afin de mieux le refermer une fois

pour toute.

Du point de vue de la classification académique des sciences, notre thèse appartient

de l’épistémologie de la science économique, dans laquelle elle se veut être une

Page 28: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

25

introduction à la science économique. Sa contribution se porte sur des précisions sur

l’homme de l’économie, ou encore sur la façon dont l’état actuel des connaissances sur

l’homme permet d’exploiter cette nature de l’homme. Du point de vue du discours

économique, nous traiterons le thème classique de la satisfaction de besoin, mais nous nous

intéresserons à la période où la production matérielle ne dépendait pas encore des facteurs

actuels de production (le travail et le capital), puisqu’ils n’existent pas encore. Devant ce

fait alors, nous avançons et démontrerons l’hypothèse de l’origine de l’homme selon

laquelle l’homme de la réalité provient de la prise progressive et simultanée de conscience

de l’existence de soi, de celle de la richesse et de celle de l’interdit, bref, l’homme est né de

sa conscience. L’homme est le corps qui prend conscience simultanément des besoins, de

la richesse et de l’interdit. Il existe, avant même les facteurs classiques de production (le

travail et le capital), et tout être qui peut adopter ce caractère, à l’exemple des Nephilim

biblique (voir la Bible, Livre de Genèse, Chapitre 6-), acquiert le statut ou la qualité de

l’homme. Notre position intellectuelle n’est donc pas une conception spiritualiste de

l’homme ; nous disons simplement que si le cœur de l’homme est insondable, si la pensée

de l’homme est insondable, bref s’il existe un domaine complètement imperceptible dans

l’homme, ce dernier reste néanmoins intelligible. On peut donc en parler.

Par « conscience de soi», nous entendons le « scio » (je sais) proféré ensemble et

simultanément par chaque espèce humaine. Ce cri collectif est un signe de ralliement des

êtres humains. Cette hypothèse provient des observations et d’analyses de l’anthropologie

et la psychanalyse. L’homme est un être qui se distingue des autres espèces par le fait qu’il

s’interdit de quelque chose et qu’il a un sens inné de la « richesse » (entre guillemets car il

s’agit d’une notion différente de celle de l’économie « ordinaire »).

Cette hypothèse nous permet alors de déduire l’existence de l’espace économique,

c’est-à-dire d’un domaine à la fois épistémologique et réel, à travers lequel se découvre

l’homme ; autrement dit, nous avançons aussi la définition selon laquelle l’économique,

composée de notions de conscience de soi, de celle de la richesse et de celle de l’interdit

est à la fois le lieu argumentaire et notionnel dans lequel se découvrent scientifiquement

l’homme et sa science ou tout ce qu’il se dit de « scio » c’est-à-dire « je sens » ou « je sais

». L’économie, alors, est une science humaine faite par des regards au dessus des hommes ;

elle est la science des mouvements ou des troubles de l’espèce humaine. L’économie peut

être une science de comportement de l’homme, elle est une science de comportement de

l’être humain en crise.

Page 29: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

26

Ces précisions sont nécessaires, parce que dans les projets de développement

économique, qui est le domaine d’application de la présente thèse, le concept de l’homme

est traité comme allant de soi et que les participants au projet se comprennent

automatiquement sous prétexte que l’action ou les actions préconisées se portent sur des

individus comme chacun d’eux ; autrement dit, l’homme dont il est question dans les

projets de développement économique est introduit par sympathie. L’économie ne discute

d’ailleurs pas de l’homme antipathique qu’elle considère comme étant irrationnel, avec les

particules péjoratives : « trop » subjectif, obsédé, etc., ou dans la pensée aristotélicienne,

animé par la sensibilité, par l’humeur, le désir et sa volonté aveugle.

Nous n’apportons cependant aucune nouveauté dans la connaissance de la nature

physique de l’homme, mais sur le contenant des informations sur l’homme en présentant

un système d’annotation et d’indexation de discours sur l’homme. Notre intention est

d’apporter un référentiel de discours - le topique aristotélicien - pour, à la fois, parler de

l’homme dans un cadre de la science économique sans que ce discours soit en rupture avec

celui des autres disciplines. L’économique est le lieu de ces informations ; notre objectif

implicite est offrir une meilleure compréhension de l’homme et de son milieu. Nous

estimons en effet, avec John Stuart MILL, que ce n’est pas dans l’espace du social que se

réalise la meilleure connaissance de l’homme.

Notre thèse n’est pas une des modélisations de comportement humain fréquente

dans la littérature économique, mais un modèle de discours sur l’homme, fréquent dans la

littérature en général (dont fait partie également la science économique). Au terme de notre

thèse, nous pouvons alors affirmer que l’homo œconomicus existe et qu’il emprunte le

corps de l’être humain. Nous sommes tous possédés par l’homo œconomicus ; l’homme est

donc un énergumène et non un phénomène. Il faut par conséquent libérer l’homo

œconomicus de son carcan corporel, comme il faut libérer l’homme actuel de ses limites

corporelles. Aussi, pour exorciser l’homme de l’homo œconomicus qui agit en lui, il nous

faut nous comprendre nous-mêmes en séparant l’idée de besoin avec l’action, car ce n’est

pas qu’on est animé par le besoin que l’action apparaît et que l’action conséquente de

l’homme est en rapport avec ce besoin, c’est-à-dire qu’elle est une activité de production

de bien matériel pour atténuer le besoin en question. Nous avons un corps qui nous rend

distincts les uns aux autres, et nous avons aussi une entité en nous qui nous rend solidaire

et appartenant à un autre corps unique. Cette entité partagée cependant nous est fort

inconnue. Nous ne pouvons savoir si c’est elle qui guide notre action ou si c’est le « nous »

Page 30: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

27

qui a lui aussi ses propres besoins, ou qui est encore animé par une deuxième entité qu’on

appelle le « besoin ». Notre être est tellement compliqué, et notre perception de nous même

confus que la moindre des choses, si on raisonne, est un problème.

DEMARCHE ET CORPUS

Pour retracer ce qui se dit sur l’homme et éventuellement ce que peut encore dire

l’homme de lui-même, nous affirmons et défendons, en première partie de notre thèse, les

idées selon lesquelles premièrement, ce que l’homme dit de lui-même est une

représentation (chapitre premier de la première partie), et deuxièmement, que l’homme de

l’économie est aussi une représentation (chapitre deuxième de la première partie) ; d’où et

troisièmement, la conclusion que nous allons démontrer : ce que l’homme dit de lui-même

est de l’homo œconomicus (chapitre troisième de la première partie). De ce fait, ce que

l’homme dit de lui-même, quelles que soient les circonstances, c’est la description de

l’homo œconomicus. L’homme ne se conçoit que dans et par la pensée éclairée et

suffisamment distanciée de la réalité ou de la propriété de son propriétaire.

Avec la conviction selon laquelle ce que l’homme dit de lui-même est l’homo

œconomicus, nous pouvons tracer par déduction logique les lignes menant vers la

formulation de la société idéale, étant donné l’homme idéal et surtout, étant donné

l’objectif d’appariement de différends insinué par l’économique. Tel est l’objet du

deuxième livre de notre thèse. Nous réintroduisons alors le livre II de notre thèse, les

cadres fondamentaux permettant de situer l’économique dans notre système de réflexion et

de compréhension du monde. Ce cadre comprend premièrement, le lieu thématique de

l’économique, c’est-à-dire le domaine de l’homo œconomicus (l’interdiction et la richesse

et la conscience de soi). Il est traité dans le chapitre premier du Livre II, intitulé « de

l’espace économique de l’homme narré » la pensée économique et la science économique.

Le lieu thématique de l’économique est comparable à celui où, dans une certaine

distance vis-à-vis de la nature, le rédacteur biblique du Livre de la Création peut dire que

l’univers est créé, et que l’abime, l’eau, et le souffle étaient les étendues à partir duquel

l’homme – ou plus précisément dans les circonstances du narrateur, le discours sur

l’homme – peut se réaliser. Ce lieu est aussi celui de la méditation et de discussion des

philosophes grecs qui ont avancé les théories cosmogoniques avec lesquels, sans le

nommer, on sent intuitivement le fil qui conduit leurs idées à une information inévitable

sur l’homme : c’est le lieu intellectuel ou mental à partir duquel un PYTHAGORE (v. 570

Page 31: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

28

– v. 490 av. J.C.) ou un ANAXIMENE (v. 586 av. J.C. – v. 526 av J.C.) peut voir leur « air

infini » sans en être aspiré afin de parler et de décrire l’homme qui y est aspiré. La

Bhagavad-Gîtâ en parle aussi dans son chapitre 14, « Yoga des distinctions des trois

qualités » où ses auteurs anonymes exposent leurs idées sur la création.

Il nous faut donc rejeter, une fois pour toute, les axiomes (de comportement) avec

lesquels les premiers théoriciens de l’économie ont réglé – une fois pour toute, encore – la

question de l’homme. Conséquence et deuxièmement, les informations sur l’homme

changent de contenu (l’hostilité n’est plus à démontrer, mais ce n’est pas l’homme dans

son entité qui compte, mais sa couverture ou ce qui l’absorbe – comme l’affirme la

cosmologie milésienne) et de descripteur (l’économiste). Au bout du premier chapitre du

Livre II, nous pouvons alors étudier ce que l’homme a dans la pensée pour découvrir que le

malaise de l’homme est en réalité une erreur d’appréciation de la pensée économique par

les économistes (Chapitre 2 du Livre II). Ce n’est certes pas un problème usuel de la

science économique, mais les problèmes usuels de la science économique, à notre avis sont

dépendant des issus de ce discours précédant celui de la science économique ; ce qui nous

amène en troisième chapitre du Livre II à redéfinir ce qu’est l’économique.

En fait, le Livre II est une continuation de la conclusion du syllogisme précédent :

ce qui se sait de l’homme n’est que pensée sur l’homme ; or l’homo œconomicus se sait

par la pensée sur son lieu, sur son action et sur sa nature ; on déduit alors que ce qui se sait

sur l’homme se rapporte sur le lieu, sur l’action et sur la nature de l’homme. Autrement dit,

avec le lieu (mental), la pratique et la conscience de soi, ou encore l’interdiction, le sens de

la richesse et la conscience, l’objet de la réflexion sur l’homme devient une matière

comparable à celui avec laquelle la réflexion sur la nature est faite par les physiciens. Des

questions nouvelles se posent alors portant sur la narration et les narrateurs : qui sont-les

économistes ? que font-ils et ou sont-ils ces penseurs différents des physiciens ? Nous

traiterons ce point dans le chapitre 3 du Livre II.

La présentation ci-dessus des deux livres montre l’intérêt pratique pour la

théorisation de l’économie : cette thèse est une ouverture de réflexion critique sur les

hypothèses que n’importe quelle discipline des sciences humaines et sociales peut dresser à

propos de l’homme. Cette thèse est une construction en pensées des bornes des discours

sur l’homme.

Page 32: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

29

Sur le plan méthodologique, nous constaterons et exploiterons l’universalité des

récits de l’homme par lui-même afin d’y mettre en relief l’existence de l’homo

œconomicus, et dans la même foulée, nous constaterons et exploiterons l’état naturel de

pensée ou le mode de fonctionnement de l’homme, (intuitions de l’interdiction, du sens de

la richesse et de soi), afin de retracer ce qu’est réellement l’économique et la pensée

économique. Le premier chapitre du Livre 1 (Des réflexions empruntées sur l’homme)

correspond au chapitre premier du second Livre (De l’espace ou du lieu de l’homme

narré). Leur différence est que le premier parle de flux d’idées, alors que le second se

préoccupe du lieu où s’achèvent et se terminent les idées. De même, les chapitres 2

respectif de chaque partie désignent sont en correspondance entre eux : ils montrent le lien

entre la forme intellectuelle de l’homme (c’est-à-dire la réalité apparente) et l’essence (la

substance). Enfin, les deux troisièmes chapitres respectifs de deux livres montrent le lien

entre l’homo économiques et l’économique.

Pratiquement, notre thèse s’appuie sur le constat de la réalité de la narration, de

l’unicité des principes de la narration, et notre objectif est de déduire de cette réalité et de

l’unicité du principe, la véritable nature de l’homme sur laquelle s’appuient les

propositions et les axiomes économiques ; il s’agit d’une hypothèse et d’une exploitation

sous forme de logique déductive de cette hypothèse devenue évidence. Une nouvelle

conception de l’homme dégage de cette approche : l’homme n’est plus un corps doté

naturellement de la force de travail, mais un être doté de sens de l’interdiction, de la

richesse et de la conscience de soi. Le corpus qui nous sert à bâtir notre affirmation serait

alors le discours sur la narration que nous développerons dans le chapitre premier de la

première partie. Elle devient alors une évidence, à la fin du chapitre trois de la première

partie.

De ce fait, on peut dégager de ces deux propositions que la représentation et la

conscience forment un tout unique sous forme de déclaration d’existence cartésienne : « je

me représente moi-même, donc je suis conscient » pour plagier la fameuse citation : « je

pense, donc suis ». Nous sommes alors loin des énoncés axiomatiques de comportement et

d’existence avec lesquels les économistes fondent leur discours et qui peuvent être plagiés

de la façon suivante : « j’ai un travail, donc j’existe ».

Les contraintes, l’hostilité et la conscience ou la raison font un ensemble avec

lequel se construisent les informations sur l’homme. Dans la première partie, en guise du

Page 33: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

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véritable homme, nous avons en réalité découvert l’action, le lieu et les caractéristiques de

l’homme. Pour pénétrer dans le monde mystérieux de l’homme, il faut placer le narrateur

par rapport à cet étendu dans lequel se trouve son objet d’investigation. On est donc devant

la même problématique de la première partie : l’économiste ou le narrateur se construit une

représentation de lui-même, et ce, par le fait que l’homme soit dans l’étendu de l’espace

économique (caractérisé – rappelons-le par l’interdiction, le sens de la richesse et la

conscience). A cet effet, nous nous interrogeons en quoi cette connaissance de l’homme

peut-elle aider les économistes est les princes ; en quoi la connaissance de l’homme est-elle

un instrument déterminant de la pratique économique. Nous allons alors montrer que en

fait, c’est la pensée de l’homme qui n’est qu’hostilité et qui demande un appariement ; il

nous faut donc reconstruire la science économique afin qu’elle puisse se réconcilier avec la

pensée économique. Nous développerons cette idée dans le Livre II de notre thèse.

Le thème de la représentation a été déjà développé au XIXe siècle dans le cadre de

la discussion sur l’importance de la connaissance de la nature dans la détermination de

celle de l’homme. Il est une reprise des débats des philosophes de l’Antiquité grecque entre

les matérialistes (prônant que la matière ou l’environnement détermine le comportement

humain) et les idéalistes. De ces débats, il appert alors que la façon dont les communautés

conçoivent l’ordre universel, ou leur théorie cosmologique, détermine leur manière de

concevoir la place de l’homme dans la nature. Deux disciplines dominent l’expression de

cette conception de l’ordre universel : l’astrologie et la religion11. Mais ces deux

disciplines ne se sont pas préoccupées de la façon dont l’homme se représente lui-même.

11 Les grandes religions en fonction actuelles que sont l’athéisme avec son christianisme, l’islam, l’hindouisme et le bouddhisme ont consigné leur enseignement dans des livres et articles de propagandes que sont la Bible pour les chrétiens, le Coran pour l’islam, la Bhagavad-Gîtâ (entre autres documents) pour l’Hindouisme, et le Tao Tö King pour le bouddhisme. Les athées se sont manifestés dans les littératures classées non religieuses ; à vrai dire, l’athéisme n’existe que par le Judaïsme et le christianisme. Ces deux religions ont introduit la foi dans leur principe religieux, et elles appellent de l’athéisme, les individus qui n’ont pas foi en leur dieu, puisque au-delà de ce dernier, selon leur croyance, il n’y a pas de dieu. L’Islam, pour sa part, n’utilise pas le mot « athée », mais le « mécréant » pour désigner celui qui ne croit pas en dieu (de l’islam). L’islam, il nous semble, reste attaché à la croyance selon laquelle l’homme a un sens naturel de l’existence de dieu, mais certains hommes ont une vision ou une conception erronée de dieu. Ce sont ces personnes que le Coran considère comme des mécréants.

Nous avons pu avoir chacun de ces œuvres littéraires de la religion, mais nous n’avions pas pu lire directement le Coran, faute de connaissance de la littérature arabe religieuse qui est différente de l’Arabe moderne ; par contre, nous nous enquérions des articles de propagande et de vulgarisation de la religion islamique. Nous avons utilisé la Bible dans ses versions hébraïques, et ses traductions malgaches (éditions de 1835 et 1911 pour faciliter par étude comparative l’évolution de la langue Malgache) et françaises (version Louis SEGOND). Nous avons pu nous procurer également du Bhagavad-Gîtâ par téléchargement sur Internet, et le Tao aux librairies publié par NRF. Nous avons également exploité des livres à caractères scientifiques relatifs à la religion, en vue de dégager la réalité scientifique de l’existence du calcul économique.

Page 34: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

31

Dans leurs discours, il y a des thèmes sur la science et sur l’esprit, mais presque rien sur

l’homme, ou plus précisément, l’homme n’y apparaît que comme un produit déduit de la

réflexion. En outre, leur moyen d’affirmation manque de rigueur : ce sont des spéculations

de philosophes – une incursion sans preuve, quoique soutenue par des arguments structurés

en système. Une autre discipline devrait être au dessus de la religion et de l’astrologie ou

des sciences de la nature pour établir un lien entre la nature humaine, la représentation

humaine, les relations humaines et ce que doit être l’homme.

Malgré les donnés anthropologiques sur la variété de la forme et des arguments de

la façon d’être de l’homme, il apparaît que les documents de synthèses font défaut à

l’époque : il n’y a pas de théories générales de comportement humain susceptible d’être

vérifiées au-delà de l’espace et du temps ; il n’y avait pas encore de la « sociologie de la

religion », de théories scientifiques de la religion susceptibles de montrer l’homme de

façon scientifique. Pourtant, la représentation de l’homme est présente, même de façon

récurrente, dans les littératures écrites et orales ainsi que dans les expressions artistiques et

symboliques de toutes les communautés. Les comptes rendus des observations des

anthropologues foisonnent de matériaux dans ce sens. Aussi, avons-nous pris en compte,

non pas directement les thèmes récurrents et invariants des religions et de la théorie

cosmologique des communautés humaines, mais les propos divers sur l’homme proférés

généralement par un homme pour ou contre ses paires. Nous discuterons alors de l’homme,

le survivant du passé, le revenant ou le rescapé de l’histoire, avec la représentation de

l’homme par lui-même qu’il a fait sous forme d’arts et de littératures. En plagiant la Bible

affirmant que la nature révèle la gloire de Dieu, nous dirons que, la littérature et l’art

révèlent la présence et l’existence de l’homme, et même plus, elles donnent une image

conceptuelle de l’homme et assurent la preuve de son existence.

Par littérature, nous entendons non seulement les produits littéraires proprement

dits, mais aussi les maximes et adages, ainsi que les représentations artistiques et

graphiques de toutes sortes de caractère narratif et esthétique ; en quelques mots, la

littérature désigne toutes compositions esthétiques. Des différentes formes de littérature

existent dans chaque communauté, et chaque communauté possède leur propre littérature,

leur histoire de la littérature, ainsi que leurs produits de la littérature sous formes d’objets

d’art et d’architectures, de coupes de vêtements, des dessins et des sculptures décoratifs,

des danses et des musiques et arts de toutes les formes, des écrits et des traditions orales,

bref, toutes formes de communication qui répondent à un partage de la satisfaction du

Page 35: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

32

besoin d’esthétique, du bien-être, du sens de grandeur de l’homme. Ces artifices décrivent

en fin de compte une volonté de se surpasser ou une réalité dont seules quelques individus,

du fait de leur position sociale en tant que prince, prêtre, poète, ou soldat, peuvent sentir et

qui est expliquée et narrée.

La littérature, dans son sens actuel, ne date, que par les critiques littéraires, et ce, en

fonction de l’histoire littéraire de chaque communauté. Les consommateurs d’arts et de

lettres sont les premiers critiques de la littérature. En Europe, par exemple, le jugement

péjoratif populaire de certaines formes d’expression littéraire du Moyen-âge, distingue les

littératures « romanesques », alors que les belles lettres sont des œuvres « classiques ».

Puis le jugement de la littérature s’est raffiné, avec l’introduction de règles et de critères de

beau suffisamment pensées et par l’appropriation individuelle de ces règles.

En cherchant l’homme, nous nous intéresserons, au lieu de la résolution de la

question, à la place où « l »’homme se rencontre et se situe. Cette place, cependant n’est

pas un lieu physique ou sociologique, mais économique, l’espace que nous appelons par le

mot « l’économique ». Aussi, la problématique de la présente thèse est de faire découvrir

l’homme dans son milieu de réalisation d’existence (la représentation ou la pensée), ou de

présenter le milieu dans lequel se rencontre « l »’homme (c’est-à-dire l’économique). Etant

donné que l’homme et le lieu dont nous nous proposons de faire découvrir sont des

phénomènes de pensée, la présente thèse, à cause de ce fait, sera une interprétation

personnelle de pensées collectives vécues ou senties de chaque homme, ou de sentiments

individuels que chaque homme peut avoir et qui n’ont pas encore été nommés, ou plus

précisément, dont les composantes ne sont pas encore présentées sous formes de système

intelligible susceptible d’en faire un champ d’analyse et de réflexion sur l’homme en

général.

Le mobile de l’homme (et non du producteur ou du consommateur) est l’objet

d’observation de la présente thèse. Il est quelque part, concrétisé par un concept, véhiculé

par chaque individu faisant de ce dernier un être humain et avec lequel chaque individu est

reconnu comme tel, indépendamment de leur accoutrement physique et surtout de ce que

les sociologues appellent la « position sociale » et avant même qu’une activité de

production soit faite. Ce thème est celui de la science économique de la préférence pour

plus que moins de richesse. Par ce mobile, se découvre, en conséquence, l’homme pensé

par John Stuart MILL lorsqu’il avançait que l’homme préfère plus que moins de richesse.

Page 36: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

33

Nous remettons donc en cause l’axiome de comportement de « l »’homme de l’économie

en niant le concept de marché par lequel la science économique néoclassique a pu soutenir

l’existence de l’homo œconomicus, pour se contenter de l’observation de l’homme. En

outre, ce n’est pas le cadre théorique de choix qui importe, mais la conscience de l’espèce

de l’homme. Nous dirons alors que l’homme est celui qui réalise son existence, celui qui a

une conscience de soi par rapport à la richesse et le permis et qui agit en conséquence.

Nous avons également abandonné l’approche historique classique et éventuellement ses

conséquences (problématiques de la variation de la richesse) et ses fondements

épistémologiques (adhésion à la théorie évolutionniste), pour étudier l’homme avant

l’histoire et durant l’histoire. A cause de ces faits, le corps de connaissance et d’arguments

sur lequel est bâtie la présente thèse est la représentation de soi de l’homme concrétisé par

tous les objets et non pas les produits de ses activités marchandes seulement. Cette

représentation est pensée et concrétisée par des œuvres qui, indépendamment de la culture

et de l’histoire, restent partagées entre tous les êtres humains. Ce sont entre autres des faits

de la religion, de la soumission aux enseignements des hommes de pensées « très fortes »,

ou encore à des histoires plus ou moins connues de tout le monde ou à des faits acceptés

par l’entendement de l’homme. Dans notre problématique, nous ne nous intéresserons pas

sur ce qui va être produit comme pensées de l’humanité en pensant que l’homme évolue,

mais sur les causes qui ont rendu possible la formation de ces pensées fortes, de ces

représentations conformes à l’entendement humain. A cet effet, le corpus de la présente

thèse sera composé des séquences de faits des documents et de la pratique de la religion,

des théories critiques de la littérature ainsi que des vérités qui tiennent dans le quotidien12

Les concepts et le système en vigueur de connaissance nous imposent un

classement d’informations et de connaissances générales. En effet, chaque discipline

académique s’est spécialisée dans un thème-objet : l’économie, sur la variation de la

richesse ou sur le comportement enrichissant étant donné les moyens ou les fins, la

sociologie sur la société, la psychologie sur la psyché, etc. Puis, chaque discipline s’est

laissée emprisonner par leur propre engagement ou par leur propre paradigme que, dans le

fond, et à l’insu des classifications académiques anciennes, entre deux disciplines ou entre

12 Exemple anecdotique : Un jour, un journaliste a découvert que, comme tous les Américains, Albert EINSTEIN (1879 – 1955), le savant dont la pensée a modifié la façon de pensée humaine, mettait aussi du fer à cheval sur le seuil de sa porte. Il ne put s’empêcher de poser la question de pourquoi un homme aussi fortement convaincu de la science comme lui pratique-t-il lui-aussi cette croyance. La réponse de EINSTEIN fut bref : parce que cela tient debout

Page 37: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

34

deux frontières disciplinaires, une ou plusieurs disciplines se sont pues installer.

Orthodoxie dans la l’interdisciplinarité sont donc devenus le mot d’ordre de la science.

Pour notre part, nous cherchons non pas à rompre avec les classifications

disciplinaires et la méthode interdisciplinaire qui s’ensuit, mais il nous semble que dans le

fond, chaque discipline partage avec d’autres un thème sur la base duquel tous les discours

scientifiques sont construits. Nous ne voulons pas cependant mettre au premier plan ce

thèmes – cela fait parti d’un autre discours – mais seulement jeter un regard transversal sur

tous les thèmes traitants de l’homme afin de faire surgir l’homme du néant véridique. Enfin

l’ultime objectif de cette thèse est de mettre de l’ordre dans la pensée des économistes pour

que ces derniers sachent à quoi se rattachent fondamentalement leurs discours. En effet,

dans ma pratique d’enseignant de discipline d’économie, j’ai constaté que des élèves, des

étudiants et même beaucoup d’enseignants ne savent par quel bout commencer leur cours.

Généralement, les programmes d’enseignement commencent par la présentation des

concepts-clés de l’économie (trilogie production-échange-consommation ou le couple

besoin-utilité) ou par l’énoncé du principe économique de la création (la relation entre la

quantité de facteurs et des produits), et les élèves et étudiants qui ont du mal à supporter

ces concepts ou à supporter ce principe sont automatiquement exclus de la qualification de

l’économiste. Mon intention est de mener la pensée humaine vers la source de la réflexion

économique, au risque d’être un rénovateur.

La période que nous étudierons est celle qui précède la révolution néolithique, la

période avant le discours sur la production, facteurs et connotés, et qui subsiste encore dans

le monde actuel sous forme de communautés humaines ignorant de gré ou réellement les

instruments de production et le marché. Dans ces situations, la capacité productive

humaine, son génie productif humain, apparaît ; mais peu d’articles retracent l’époque où

cette qualité humaine que l’histoire nous a fait découvrir n’est pas manifeste. Les formes

précapitalistes de sociétés humaines, au-delà de celles qui ont conduit à la formation du

système capitaliste (le Moyen-âge des communautés méditerranéennes européennes) nous

viennent des récits ethnologiques et sont connues sous la dénomination de « société

primitive », collectiviste, techniquement non développée. L’histoire nous laisse

l’impression que le hasard de la découverte des instruments agricoles et de domestication a

pu sortir ou libérer l’espèce humaine de l’espèce animale. Aussi, se pose la question : étant

donné la façon dont la science et l’histoire ont démontré l’évolution initiale de l’homme

par la formation de la civilisation, comment l’homme était-il intellectuellement avant

Page 38: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

35

toutes les civilisations ? Etait-il, lui aussi rationnel ou déjà rationnel ? Notre réponse est

que deux états ont conduit à la libération de l’homme de tous ses liens physiques ou

génétiques : la conscience de l’interdit et celle de la richesse.

Page 39: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

36

Livre premier : DE L’HOMO ŒCONOMICUS. Des réflexions 

empruntées et choisies sur l’homme vers la redécouverte 

du thème l’« homo œconomicus » 

Page 40: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

37

INTRODUCTION

LE PROBLEME : LE THEME DE L’HOMME DANS LA SCIENCE ECONOMIQUE A ETE EVINCE PAR LE MODELE DENOMME « HOMO ŒCONOMICUS »

L’expression « homo œconomicus » a été utilisée par des économistes pour

désigner les caractères qui font un homme, un agent économique. Elle n’a pas cependant

remplacé le thème de l’homme dans les théories économiques ; au contraire, elle est une

façon de l’éluder tout en l’employant. Derrière cette façon de faire se cache, en effet, une

imprécision transformée en un consensus tacite faisant de l’homme un sujet allant de soi

qui ne mérite pas un approfondissement. Les économistes n’ayant pas osé nommer

l’homme dans leurs travaux pointent le doigt ou bien sur l’homme en général dans lequel

se cache la variété de comportements et de particularités des choix et préférences, ou bien

sur « un homme », c’est-à-dire l’individu qui peut remplacer un autre individu, parce que

dans leur référentiel, un élément épistémologique sinon un thème fondamental manque leur

permettant d’affirmer sans démontrer la réalité de « l’ »homme. D’ailleurs les premiers

théoriciens, comme Adam SMITH, n’ont pas parlé de l’homme, mais de l’expression « un

homme sensé », ou de « l’homme prudent », sinon de l’homme « consommateur » ou

« producteur ». Dans la foulée des classiques, Karl MARX a parlé de l’homme qu’il voit

exploité et transformé par le système économique. D’après MARX, l’homme de la société

industrielle n’est pas le véritable homme, mais seulement un être non humain, car le travail

qui fait l’homme est réduit par le discours économique à de fonctions de production et de

consommation. Dans sa conviction, Karl MARX sous-entend déjà la réalité de

« l »’homme, cet être libre et non exploité.

Cette convention tacite sur l’homme a été levée et validée en économie quand

Stuart MILL dans ses « Principes d’économie politique », en 1848, introduit l’expression

« homo œconomicus ». Ce concept désigne pour lui, l’entrepreneur soucieux de maximiser

son profit13. Dans sa conception, déjà, l’homme est à la fois un producteur et un être qui

chercher à avoir le maximum de profit. Puis Vilfredo PARETO (1848 – 1923), dans une

discussion sur la rationalité, avait utilisé les traits de Robinson CRUSOE sur une île

déserte, une personnage d’un roman écrit par l’écrivain anglais Daniel DEFOE (v 1660 –

1731) pour y trouver à la fois l’argument et le modèle de « l »’homme rationnel sur la base

duquel l’économie a conceptualisé son homme.

13 Voir à ce propos, l’article de ALLEMAND Sylvain, (1996), « Qui est l’homo œconomicus ? », in Problèmes économiques, n°2565 du 22 avril 1998, page 122

Page 41: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

38

La vulgarisation de ce thème, cependant, montre à la fois son imprécision et sa

nécessité dans lesquelles se complaisent les économistes, parce que ces qualités leur

permettent de comprendre et d’expliquer certains phénomènes économiques14 sans toucher

les autres éléments du discours, en vertu de leur hypothèse de « ceteris paribus » :

imprécision de topique linguistique - car l’homme ainsi nommé est celui qui n’existe que

dans la pensée, un homme sans cadre ni référence pour lui donner une forme, et nécessité

dans le fait que la question est toujours récurrente et latente dans toutes les activités

humaines -, et imprécision d’identification physique.

Le concept de « homo œconomicus » est connoté à l’homme de l’économie et à des

images péjoratives sans rapport avec l’homme réel. Dans l’opinion populaire, l’homo

œconomicus est représenté comme un monstre apocalyptique : une machine à calculer et à

combiner d’un cynisme sans moral, un être sans appartenance sociale, ni à une croyance

morale, mais seulement préoccupé par ses propres intérêts individuels. A cause de ces

caractères, la réflexion peut aussi être poussée en affirmant que l’homo œconomicus est

une représentation du mal qui, malgré cet état maléfique, est quand même envié par

l’homme à cause de sa réussite, ou à cause de son caractère familier. En effet, l’expression

homo œconomicus a été déjà plus ou moins configurée dans les visions apocalyptiques, et

dans les prophéties. PAUL, un des rédacteurs de épîtres du Nouveau Testament de la bible,

prévoyait déjà que à la fin des temps, l’homme sera égoïste, cupide, etc. bref, l’homme sera

l’incarnation de cet être qu’est l’homo œconomicus. Aussi, sans état d’âme, sans vouloir

critiquer la valeur morale de l’homo œconomicus, mais seulement en retenant le caractère

représenté de l’homme de l’économie, ce premier livre est à la fois une réflexion sur

l’origine de la pensée sur cet homme calculateur (la représentation de l’homme) et une

déduction des conséquences de cette réflexion. Mais cette représentation de l’homme est

présente lors de la lecture des textes évoquant l’homme ; l’homo œconomicus est aussi

présent dans la littérature en général. Durant ces moments de lecture, en effet, il est

question de l’homme réduit à la circonstance – comme si la réduction de l’homme est une

14 Ainsi, l’homme décrit par la science économique est un être qualifié par les thèmes pour lesquels il a été conçu. Tout simplement, « l »’homme, c’est le consommateur qui possède de la capacité d’apprécier la valeur des objets, ou encore le producteur qui agit par sens de profit. La relation de l’homme avec la nature détermine la qualité et l’attribut de l’homme. Mais ces deux affirmations n’ont pas été unifiées par le discours de la science économique pour identifier et préciser l’identité de l’homme de l’économie. En économie, il y a en fait deux hommes : le producteur et le consommateur. Tous deux ont des comportements économiques différents : le producteur se préoccupe plus de la profitabilité de la production alors que le consommateur, celle de l’utilité. Le discours économique sur l’homme est donc incomplet, même s’il peut être, un jour, achevé.

Page 42: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

39

disposition intellectuelle naturelle et mentale permettant de capturer la représentation de

l’homme –, et révélé par une procédure de narration. L’homme sans une procédure ou sans

une technique appropriée de narration n’aurait pas existé intellectuellement.

Il y a une très forte présomption de coïncidence, ou de correspondance, ou de

similitude, entre le récit de l’homme dans les littératures et l’image évoqué par l’expression

« homo œconomicus ». La bible, par exemple, peut être lue dans une perspective

économique, et inversement, les théories économiques peuvent être lues avec les

problématiques de la bible. Cette approche est évidente dans d’autres domaines, comme les

textes légaux, de la politique et de la sociologie. Ce lien ouvre un autre lien entre le

développement des sciences humaines et la science économique : le développement de la

science économique modifiera le contenu de la littérature, et les œuvres littéraires

changeront la façon de concevoir le modèle de la science économique. Actuellement,

certains films, romans et les discours des circonstances diverses utilisent de plus en plus de

termes et motifs économiques. Les littéraires sont de plus en plus familiarisés avec les

termes comme la production, revenu, investissement, etc., et même ils comprennent les

motifs économiques (calcul de profit). Les économistes cependant sont moins volontiers

pour utiliser et exploiter les produits de la littérature. Des économistes utilisent certes des

extraits de journaux pour étayer leur propos, mais en général, la plupart des économistes

refusent de prendre les articles dites « non économiques » pour désigne les littératures non

économiques, comme références documentaires.

Une cassure existe encore entre les deux approches littéraires et économiques de

l’homme : l’homo œconomicus est enfermé dans le domaine de l’explication économique,

alors que la littérature vaque dans la description de l’homme, vers la capture des idées sur

l’homme. Explication et description semblent donc être deux principes inconciliables de la

pensée humaine, car l’explication est aussi une description et la description est déjà une

explication.

Notre objectif est de montrer que la réflexion sur l’homo œconomicus est une

généralisation de ce qui se raconte déjà sur l’homme dans la littérature universelle et d’en

tirer les conséquences théoriques de cette démonstration. Tel est l’objet du troisième

chapitre.

Pour parvenir à cette finalité, il nous faut, au préalable, présenter les réflexions sur

la construction de la littérature en général dans laquelle est logée la représentation de

Page 43: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

40

l’homme, car le thème de l’homo œconomicus est la suite logique du thème ouvert et

développé depuis l’Antiquité judéo-gréco-romaine, et même bien avant, dans les

civilisations égyptiennes anciennes, ou dans la Mésopotamie, tant que l’on peut encore

connaître de pensée chez les hommes. N’ayant pas la notoriété suffisante pour mener de

telles réflexions, cependant, nous allons, dans un premier chapitre, emprunter celles-ci

auprès des travaux et réflexions des philosophes, historiens et de tous autres disciplines

connexes. L’homme narré par les philosophes, les historiens et tous autres disciples

connexes est, de ce fait, le champ d’observation de notre réflexion.

Ce chapitre premier est une introduction à la représentation de l’homme par le

modèle. Ensuite, il nous faut aussi, en deuxième chapitre, compléter les réflexions

manquantes portant sur la relation entre les représentations littéraires, artistiques et orales

de l’homme et la représentation de l’homme de l’économie. Le deuxième chapitre n’est

plus une narration, mais une description de l’homme. Ici encore, la représentation se

présente sous forme d’esquisse et de profil, une représentation proche du modèle qu’est

l’homo œconomicus. Enfin, compte tenu des représentations littéraires de l’homme, nous

consignons ce qu’est l’homo œconomicus hors de ses considérations instrumentales

économiques.

HISTORIQUE DU THEME DE L’HOMME : DE LA FORMATION DE LA REFLEXION DE L’HOMME SUR L’HOMME ET SES IMPACTS SUR LA CONCEPTION DE L’HOMME DE L’ECONOMIE (L’OBSTACLE EPISTEMOLOGIQUE DE RECIT ANCIEN)

Le thème de la réflexion de l’homme sur l’homme est un sujet renouvelé de la

philosophie et des crises humanitaires récentes. Les philosophes de l’Antiquité gréco-

romaine, les scribes de l’Egypte ancien et de la Mésopotamie ont plus ou moins ouvert la

réflexion à partir des thèmes de la cosmologie et de la théologie. Dans l’histoire de la

philosophie, le discours sur dieu ou sur l’homme est précédé par le thème de dieu, un

thème à développer, plus facile que celui de l’homme, car dieu est, auprès de la

philosophie, de la supputation, avant d’être une croyance. Le discours sur dieu comme

générateur de discours sur l’homme est irréfutable, non pas qu’il permet de résoudre et de

dissoudre le thème de l’existence dans celui de la création, mais parce qu’il apporte un

cadre de discussion ou une dimension plus élevée de l’infini afin d’y insérer le morale et de

dépasser le thème de la finitude de l’homme.

La présence de dieu ou la conscience de dieu est un phénomène provocateur de

question de l’identité de l’homme ; elle est une menace à l’identité de l’homme.

L’enracinement du discours sur l’homme à celui des discours sur dieu se rencontre dans

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41

certaines civilisations comme les civilisations indo-européennes et égyptiennes de

l’antiquité. Les historiens de la philosophie appellent cette période durant laquelle, au lieu

de parler de l’homme, la philosophie s’intéresse à dieu, du déisme, et les philosophes qui

mettent en relief le thème de dieu, des déistes. L’histoire de la réflexion sur l’homme dans

les civilisations indo-européennes et égyptiennes anciennes comprend grossièrement, les

étapes suivantes : premièrement, de la réalisation du cosmos, avec entre autres les

philosophes milésiens, deuxièmement de la réalisation de la divinité, puis troisièmement, la

réalisation de l’humanité. Le discours économique de l’homme s’est détaché de la

philosophie à partir de la période humaniste et c’est dans cette place qu’il a pu se préciser

et de montrer sa splendeur à travers le thème de l’homo œconomicus. La pensée - y

compris économique – de l’homme commence avec la contemplation de l’univers. En

plagiant le récit biblique de la création, nous dirons alors que au commencement, l’homme

raconté dans la littérature et dans l’histoire contempla l’univers et s’écriât : « tout est

bien ! », et ce n’est qu’après qu’il rendit grâce à la divinité, avant de se lancer à la conquête

de l’espace dans lequel il rencontre en la femme son premier vis-à-vis. Du point de vue de

la religion égypto-judaïque, la femme n’a jamais été l’homme, mais seulement un être

spéciale par lequel l’homme peut se découvrir lui-même ; elle est un être révélateur de

conscience de l’homme. Sans femme, l’homme peut exister, mais sans se réaliser en tant

que homme.

Dans l’Antiquité gréco-romaine, l’information sur l’homme est un jugement des

faits de l’individu et se termine par une reconnaissance de l’individu en tant que homme.

L’affirmation ou la reconnaissance de l’homme ne se pose que en tant que réaction par des

questions de types de« les gens me prennent pour qui ? » (Ou encore et dans notre contexte

« comment me représente-t-on ? »). C’est une de ces circonstances durant lesquelles les

spectateurs se manifestent spontanément. Des exemples foisonnent sur ce point notamment

dans la Bible, notamment lorsque quelques uns de ses protagonistes sont en action et

subissent l’interrogation critique des spectateurs. Le livre des Actes des Apôtres de la Bible

relate une de ses séquences : L’apôtre PAUL et son compagnon BARABAS, ayant guéri

un impotent de naissance étaient acclamés et rebaptisés par la foule du nom de leurs dieux

HERMES et ZEUS (Actes des Apôtres, Chapitre 14, versets 8 à 18). L’apôtre PAUL

apporte devant eux une explication de leur comportement : ils les considèrent comme leur

dieu ; il se sent alors devant l’obligation de prouver son caractère humain : « Nous sommes

nous aussi des hommes de même nature que vous ». En général, il n’y a aucune raison pour

Page 45: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

42

poser la question de « qui es-tu ? » ou « pour qui me prends-tu ? » à un homme, du

moment que l’on reconnaît en lui, par son apparence, le caractère humain ; aussi, la

question se pose, seulement lorsque l’homme, malgré son enveloppe corporel, se comporte

non plus en phénomène mais en tant que énergumène, animé par un déterminant différent

des hommes ordinaires, ou lorsque l’homme se comporte de façon irrationnelle qui, selon

la philosophie aristotélicienne, est animé par son besoin (partie nutritive de l’homme), son

désir (sa partie désirante) et sa sensibilité. Dans l’Antiquité et jusqu’à la formation de la

théorie économique, la question de la représentation de l’homme est le résultat de la

conscience de la variété de l’être humain, et non pas de l’opacité de phénomène humain.

La Bible décrit le serviteur de dieu comme étant un énergumène reconnaissable par

son apparence … méconnaissable : « un être qui n’a pas d’apparence pour le reconnaître »

écrivait le prophète juif ISAIE15 ou un de ses disciples. De ce fait, l’idée de rationalité et

d’intelligibilité dépend en grande partie de la façon dont se construit l’énergumène dans la

conception de la maladie mentale. Dans la communauté malgache, où la culte de

possession est de mise, la question de l’homme se pose lorsqu’on sent que ce dernier n’est

pas dans sa totalité constructrice de ce qui convient de qualifier d’humain, c’est-à-dire qu’il

est un corps animé par un esprit ou par la pensée d’un homme normal, ou qu’il n’est plus

animé par la pensée ou la raison. L’ensemble de ces substances abstraites animant

l’homme est appelé par le Malgaches par le mot « Fanahy », d’où la maxime malgache

« Ny fanahy no maha-olona » (Littéralement : le fanahy fait l’homme »). Selon Louis

MOLLET, le degré de la perte de la logique se décrit en termes croissant de « lasa

saina16 » (littéralement « l’état de l’homme dont la pensée est partie »), « very saina »,

(état de l’homme qui a perdu la pensée), « hondrakondrafana17 » (l’équivalent du sot),

« adala» (fou), alors que chez les Juifs racontés par la Bible, la maladie mentale est

associée à une démence. Dans ce sens alors, l’homme qui n’est pas fou est un homme libre

entre le bon sens (à l’image de la parabole de celui qui a bâti sa maison sur le roc) et la

sagesse, plus particulièrement celui qui écoute la voix de dieu ou de ses messagers. Bref,

l’homme est dans la conception biblique, un énergumène. Dans d’autres communautés,

15 Bible, Ancien testament, Livre du Prophète Isaïe, chapitre 52, verset 2. Nous avons utilisé la Bible malgache et l’ancien Testament en Hébreu, car il nous semble qu’il y a une nuance culturelle entre la lecture française ou anglaise de la Bible et celle du malgache et hébraïque. 16 Dans la philologie malgache, la pensée est une entité mouvant logé dans le corps et qui permet à l'homme d'être normal ou en l'occurrence rationnelle. 17 Un état initial de la démence. Cet état apparaît chez un homme qui a perdu contact avec la pensée ou avec la raison et n'arrive plus à maîtriser momentanément ses gestes. Ce mot désigne le sot

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certainement, la différence n’est pas grande. Ainsi, la question apparaît seulement lorsque

l’homme étudié présente des caractéristiques différentes des gens « normaux » et ouvre de

nouveau la question de la différence entre l’homme et l’animal tout en reconnaissant que

malgré la différence de comportement, l’homme inconnu en question reste humain. Les

documentaires considèrent de tels individus comme des « sauvages », sinon comme des

« monstres »18. Cette qualification appelle alors de la qualification des gens « normaux »,

faisant de ces derniers des hommes « civilisés ». Ces derniers sont des humains à qui la

question de « qui es-tu ? » ne sera jamais posée.

La question de « qui es-tu ? » ne se pose donc à l’homme que lorsque celui-ci est

dans une situation intermédiaire entre l’homme et le non-homme, lorsque l’homme devient

anathème. Cette situation laisse présupposer l’existence d’un modèle préalable de l’homme

ainsi que de sorte passage vers un autre état. L’homme dont on parle n’est plus ni celui qui

a pris un corps, ni l’auréolé de corps. En fait, la question de la représentation de l’homme

par ses propres œuvres – une question relevant de l’esthétique -, selon le philosophe

allemand Alexander BAUMGARTEN (1714 – 1762), se pose devant l’admiration de la

représentation de la perfection ; celui qui admire perd déjà une partie de sa raison. La

science économique ou plus précisément la théorie économique de l’homo œconomicus est

un regard admiratif de la perfection de comportement.

D’où, deux problèmes se posent dans la conception judéo-grecque et romaine de la

représentation de l’homme : premièrement, la représentation de l’homme en général n’est

même pas identifiée ni localisée, entraînant à chaque fait de l’homme, un sentiment fort

relevant de l’esthétique et provoquant la question implicite de « est-ce humain, ou divin, ou

bestial ? » ; deuxièmement l’existence de la situation intermédiaire entre l’humain et

l’inhumain est une énigme de l’histoire de l’humanité : comment un être humain peut-il

quitter momentanément sa nature pour être non identifiable par ses paires pour que la

question d’identité se pose ? Ces deux problèmes sont des obstacles épistémologiques de la

conception ancienne de la représentation de l’homme.

18 Il faut dire que deux cas réels ont eu lieu : L’un, un enfant français découvert dans un village au sud de la France, vers 1770, baptisé VICTOR ; l’autre, baptisée EUGENIE par les chercheurs, est une enfant de treize ans découverte le 4 novembre 1970 à Los Angeles enfermée dans une chambre étroite sans décor et meublé seulement d’un lit et d’une chaise troué au pied duquel l’enfant est attaché. Elle n’a presque pas de contact avec aucun être humain

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44

Il faut alors combler ce lapsus du discours sur l’homme en posant de nouveau la

question dans un autre contexte, celui de la frontière de l’économie, en se plaçant dans un

autre point de vue à partir duquel l’homme décrit par les sciences sociales et humaines et la

science économique elle-même ne soient pas en contradiction ni entre elles (autrement dit,

que le moral ne s’ oppose pas à l’utile), ni entre elles et les autres descriptions, et surtout

que ce qui se décrit et se parle sur l’homme ne soit plus l’objet d’une interrogation portant

sur le caractère humain ou non de cet acte. En économie, on dira qu’il faut trouver des

hypothèses plus réalistes de l’homo œconomicus. Le problème de cette recherche

cependant est que l’homo œconomicus n’est pas un objet matériel concret et localisé dans

l’espace physique, ni un instrument opérationnel propre à une discipline ; l’homo

œconomicus n’est pas une entité en soi, car toutes les disciplines académiques ont plus ou

moins leur homme-type. Il faut donc procéder par des astuces pour le rendre

intellectuellement saisissable par l’ensemble de toutes les disciplines et évident ; il faut

faire en sorte que l’homo œconomicus soit dépouillé de son masque d’insensibilité devant

les sentiments afin qu’il soit saisissable par les non économistes. Pour cela, il nous faut

établir un lien entre la science et l’art, entre la représentation et le modèle ; tel est l’objet

du présent livre.

DE L’ESTHETIQUE VERS LE MODELE

Nous adoptons une démarche consistant à représenter l’homme dans le cadre de

critère d’esthétique de PLATON (v. 428-347 av. J.-C.), afin de donner une conception du

réel à la cette figure. Notre intention est de montrer insidieusement que la force qui lie les

humains entre eux, la force faisant « l »’homme de l’humanité, est l’attraction du beau ou

des effets du beau. En philosophie platonicienne, une des bases de la philosophie des

peuples de la Méditerranée et des peuples qui leur sont influencés, le beau ou le modèle du

parfait, en l’occurrence l’homo œconomicus en économie, est une des archétypes de la

réalité. Il a une existence en-soi, et il donne aux choses de ce monde un semblant de

stabilité19.

Si l’homo œconomicus est le beau et le parfait dans le domaine de l’économie,

alors sans aucun doute, il existe, et il assure un semblant de stabilité à la science

économique. Il appartient alors au chercheur (le philosophe, ou l’admirateur de

l’économie) de parvenir jusqu’à lui par l’expérience de la sensation : un homme qui

19 Voir Encyclopédie Microsoft ENCARTA, 2004, « Esthétique »,

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s’habitue à regarder la beauté ou à chercher la beauté, finira par la retrouver à force

d’éduquer ses propres sens et perceptions. Le chercheur ne peut pas cependant l’atteindre ;

le peu qu’il peut faire, c’est de l’imiter. Dans ce sens alors la découverte de l’homo

œconomicus revient aux économistes, parce que ces derniers ont suffisamment émoussé

leur sens avec les débats sur l’homo œconomicus (qui est le modèle ou le « beau » de

l’agent économique), et comme conséquence de cette découverte, le chercheur doit

conseiller ou faire des harangues aux praticiens d’imiter le comportement de ce modèle,

car il lui serait impossible d’agir tout à fait comme lui.

La philosophie aristotélicienne, tout en reconnaissant l’existence de la chose en soi,

et donc de la réalité de l’homo œconomicus, considère ce dernier, dans la mesure où il a

été rencontré, non pas comme un idéal à imiter, mais comme une nature quelconque. Cet

idéal influence l’artiste et le chercheur, mais ce dernier reste maître de lui-même. Devant le

beau alors, le chercheur modifie sa propre vision de la nature et la complète (approche

systémique de la construction du savoir).

L’esthétique implique donc que le beau existe et que ses admirateurs changent de

comportement devant lui. En l’occurrence, l’idée d’homo œconomicus en tant que

parangon de la perfection devait modifier le comportement de l’homme réel, non pas pour

atteindre la « perfection » de l’homme idéal, mais pour compléter l’homme réel ou idéal,

en vue de se rapprocher de cet idéal, comme l’affirme la philosophie aristotélicienne. C’est

parce que l’homo œconomicus est attribué de qualité de perfection, que happé par les

discours sur l’esthétique, son devenir est le réel ; l’homo œconomicus est le véhicule du

réel. L’homo œconomicus n’est pas le réel, mais il contient le réel. Nous raisonnons donc

dans une hypothèse où le réel est inconnu, mais que par la pratique de la science ou plus

précisément, du concept homo œconomicus, nous voulons l’atteindre.

En fait, les littératures et la science économique n’ont que des images

représentatives de l’homme ou des symboles usuels représentant l’homme tels qu’ils sont

gravés sur des supports littéraires et graphiques, allant du dessin des cavernes, aux poses

photographiques de l’homme, ou aux images de l’homme traversant une rue figurées sur

les panneaux de circulation routières, ou à l’image représentative de l’homme (et de la

femme) fixée sur les portes des toilettes, ou encore aux images et représentations de

l’homme que les lecteurs d’une œuvre écrite gardent en mémoire à la suite d’une lecture

d’un roman ou d’un récit, etc., des mots de description, et aussi des questions et

Page 49: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

46

d’interrogations. Pourtant, le beau ou le parfait est là, dans la théorie de ces

représentations. L’esthétique nous assure qu’il est une réalité, sinon notre système de

connaissance s’écroule. Pourtant, malgré l’assurance de la science, le doute ou l’angoisse

persiste ; quelque chose nous dérange ; la solution apportée par l’esthétique n’a pas apaisé

nos besoins de comprendre, la solution apportée par l’esthétique ne nous a pas délivrés de

notre angoisse. Dans un contexte existentiel du philosophe Søren KIERKEGAARD20

(1813 – 1855), il nous faut remettre en cause ce qui a été vanté par le discours sur

l’esthétique. Nous constatons alors que l’esthétique n’ayant pas encore vu le « vrai » et le

réel, s’est contenté de porter un jugement sur seulement le profil et l’esquisse. Les modèles

et les représentations ne sont que des esquisses de la réalité, pourtant ils attirent déjà la

pensée humaine. Quel est le contenu de cette esquisse et de profil ? Tel est l’objet du

second chapitre de notre thèse.

20 Søren KIERKEGAARD est un philosophe danois né en 1813 et mort 1955. Il a exposé des idées sur l’existence et l’obligation humaine.

Page 50: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

47

Chapitre I : DES REFLEXIONS EMPRUNTEES 

POUR LA CONSTRUCTION DE LA 

REPRESENTATION DE L’HOMME ET DES 

CONSEQUENCES DE CELLE­CI 

PROLEGOMENES Les prolégomènes suivants s’imposent pour parler d’un sujet ignoré de la science

économique et qui, pourtant, est présent dans chaque formulation théorique.

PRESENTATION SOMMAIRE DU THEME DE L’HOMME

La représentation de l’homme sous une forme ou une autre est un bien qui, par le

fait qu’il est produit dans toutes les communautés du monde, indépendamment du temps,

est utile car répondant à un besoin de l’homme. LEVI-BRUHL, un ethnologue français

constate que les communautés primitives ont une représentation de l’univers ; et dans les

communautés modernes, les caméras et appareils photos, les artistes s’efforcent de capturer

le monde ou un pan de la représentation du monde. La construction de la représentation

de « l »’homme, ou en termes économiques, la production du thème de l’homme est une

énigme de la science économique. Le thème de l’homme n’est pas une marchandise

ordinaire car, si par définition, une marchandise est un bien ou un service utile et

échangeable entre des agents opérant sous un même marché, le thème de l’homme qui fait

déjà l’objet d’un offre et de demande ne s’achète pas et ne se vend pas, et pourtant, il a une

valeur marchande. Son prix est le produit matériel ou immatériel qu’on n’a pas produit

pour le produire ou pour le consommer ; c’est-à-dire la valeur de la désutilité des autres

produit. Un individu qui a interrompu momentanément une activité productrice de revenu

pour réfléchir sur un sujet du thème de « l »’homme a produit et consommé du thème de

l’homme d’une valeur du revenu qu’il n’a pas voulu délibérément percevoir.

Cela s’explique par la nature du thème de l’homme : le thème de « l »’homme est

un sujet inachevé de discussion sur la vie ; c’est un une marchandise inachevée, et pourtant

consommable par la production. La participation à une conversation, échange ou

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48

discussion sur le thème de l’homme est à la fois un acte de production et de consommation

de thème de l’homme. Le thème de l’homme n’est pas en apparence un bien rare, puisqu’il

se produit et se consomme librement. Mais ces actes de production et de consommation

n’ont pas apporté une satisfaction, une extinction d’un besoin, au contraire, la production et

la consommation d’une discussion sur le sujet de l’homme ou de la vie provoque d’autres

productions et une plus grande demande de discussion sur le sujet en question. Dans ce

sens, la rareté du thème de l’homme persiste et ne cesse d’augmenter. La question est

comparable à la vision malthusienne de la nourriture : plus on en produit, plus la demande

est grande. Le thème de l’homme est donc un sujet économique comparable à celle de la

nourriture.

C’est la communauté locale ou l’homme dans sa dimension globale qui produit et

consomme le thème en question, alors que la marchandise usuelle étudiée par l’économie

actuelle est produite et consommée par l’homme dans sa dimension familiale ou

entrepreneuriale. Sa production et sa consommation ne sont pas une création ou de

destruction d’un objet matériel, mais de thème de communication, de relation, voire

d’organisation. Elles ne sont donc pas morcelables, mais localisables dans un espace

composés d’éléments limitées et hiérarchisés, notamment de termes de « conscience et

prise de conscience collective de risque », « prise de décisions », « enrichissement et

accumulation de richesse », « dimensions de l’homme », etc. bref des éléments en

construction qui, pour le moment, ne sont pas mesurables ou quantifiables.

Le thème de « l »’homme peut être assimilé à un bien collectif, c’est-à-dire un objet

qui ne se détruit pas par la consommation par plusieurs agents. Au contraire, sa valeur

augmente par la consommation, et inversement, elle diminue de valeur par son … stockage

(car le fait de fermer un débat revient à mettre en dépôt un thème et ses concepts associés).

Il n’est donc pas un bien collectif dans le sens où ce bien est défini en termes de

consommation ; il est plutôt un « capital collectif », un bien collectif qui augmente en

valeur par l’usage.

Le thème de l’homme peut aussi être assimilé à un club où ce qui l’utilise en profite

le plus. Il y a un gain provenant de l’usage du thème qui est partagé entre les participants.

Plus les participants sont nombreux, plus les gains sont importants. Conséquence, une sorte

d’invitation silencieuse s’installe de façon spontanée entre les groupes d’individus de tous

bords pour exploiter le thème. Cette situation entraîne des compétitions des thèmes et des

Page 52: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

49

sujets de conversation : exemple entre les sujets sportifs ou d’actualités politique, ou

encore du potin de la ville. Le thème de l’homme hante les différents cercles de discussion.

Comment se produit le thème de l’homme ? Comment et pourquoi le thème de l’homme

parvient-il à atteindre la dimension humaine ? Telles sont les questions soulevés dans ce

chapitre.

POSITIONS THEORICO-ECONOMIQUES SOMMAIRES DE LA QUESTION DE LA PRODUCTION DU THEME DE « L »’HOMME.

Deux théories dominent le thème de la production en économie du thème de

l’homme : pour les classiques, la production se réalise par la mise en œuvre des facteurs de

production que sont le travail, le capital et la nature ; alors que pour Joseph Aloïs

SCHUMPETER, elle dépend de l’innovation. La production est l’œuvre des entrepreneurs.

Dans le sens de l’analyse classique, donc, le thème de l’homme est produit par le

travail des artistes et des écrivains, des orateurs, des participants à un débat ou à des

discussions, des organisateurs directs ou non des spectacles et débats, des philosophes, des

publicistes ou encore, d’une simple réflexion silencieuse. La production du thème de

l’homme est un phénomène humain universel ; elle ne dépend pas de la culture ni de

savoir-faire particulier. La production du thème de l’homme peut être classée en deux

modes selon leur place dans la division sociale de travail : la production non marchande et

la production marchande. Le premier type de production n’est pas destiné pour le marché,

ni pour être échangé contre un bien matériel (exemples : monnaie, biens et services

matériels) ou immatériel (renommé et gloire) ; elle est silencieuse (réflexion, pensée) ou

transmise sans contrepartie à d’autres personnes ; alors que le deuxième type de production

du thème de « l »’homme est social et marchand (exemples : les livres traitant la vie, la

sagesse, les conférences payantes de tous types, les tableaux artistiques, les spectacles,

etc.). Le premier type de production du thème de l’homme, ce sont des productions des

produits intellectuels en rapport, non pas avec la technologie qui génère une production

matérielle marchande, mais avec la sagesse : la philosophie, les conseils sincères et

gratuites, les réflexions et introspections que la science économique néoclassique considère

comme un instrument de production de la pensée économique.

Pour SCHUMPETER, le thème de l’homme est le produit de l’innovation : dans un

temps, le thème de l’homme a été « inventé » par un innovateur, pour améliorer un thème

existant. Le thème de l’homme devrait améliorer le thème préalable en termes de

satisfaction à la consommation et d’efficacité en cas de facteur. La théorie de

Page 53: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

50

SCHUMPETER renvoie alors la question au problème d’histoire des thèmes ou plus

précisément des problématiques préoccupant les communautés humaines. Karl MARX

considère que ces problématiques sont objectives et découlent d’une même source : le

développement des forces productives. Le thème particulier de l’homme, dans la

philosophie matérialiste de MARX se développe à l’ombre de l’évolution des sciences,

plus particulièrement de la science de la nature.

En outre, le thème de l’homme n’est un facteur efficace de la production que dans

la mesure où il participe à la variation de la quantité de production. Il ne participe pas

directement, certes à la production, car il n’est pas un travail, mais il conditionne les

modalités de l’investissement et de l’imagination productive. Le thème de l’homme est

fortement modelé par la religion, or les doctrines religieuses déterminent le comportement

à l’investissement – du moins d’après Max WEBER.

La littérature économique abonde dans le sens de production des marchandises et

traite peu le thème de la production non marchande. Cela s’explique parce que l’intuition

et les actions non rationnelles n’ont pas de place dans la pensée économique actuelle. En

outre, les économistes néoclassiques estiment que la production du thème de l’homme

répond à une pression de marché : il y a un prix sur les sujets portant sur l’homme

stimulant la production de ce thème. Les crises politico-économiques, par exemple,

produisent des réflexions sur le sens de la vie, sur le sens de la souffrance et vers d’autres

valeurs morales. L’homme se retranche dans la spiritualité lorsque la crise semble être sans

issue ; il accepte n’importe quelle souffrance (les « jeûnes », les ennuis des longues

séances de prière et de divagations d’un prosélyte illuminé etc.). Ici, la demande crée

l’offre par une surenchère de prix. Il suffit donc d’un changement dans les déterminants de

l’offre ou de la demande de thème de l’homme pour que ce dernier apparaisse ou

disparaisse de la société. Les crises identitaires d’une Nation ou d’un groupe de métier

semblent aussi donner raison à cette approche : l’innovation dans une branche de métiers

ou d’activités provoque des mouvements collectifs et surtout des discours spontanés.

La doctrine économique n’est pas seulement une croyance indiscutable sur la

supériorité d’une institution (en l’occurrence le marché ou l’État) pour former un débat sur

le libéralisme – socialisme, mais aussi sur les méthodes et le raisonnement. La plupart des

économistes ont préféré la démonstration quantitatives des faits (confiance absolue aux

données statistiques) et la localisation de ces faits dans la chaîne de relations causales

Page 54: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

51

(présomption de cause pour les faits précédant un autre). Les recherches empiriques ont

été donc plus ou moins délaissées par la science économique qui est sur le point de se

contenter de ses acquis théoriques.

DIVERSES THEORIES DE LA QUESTION DE LA REPRESENTATION DE L’HOMME.

Les considérations théorico-économiques ci-dessus permettent de rapprocher le

thème de la représentation de l’homme à des disciplines académiques apparemment plus

appropriées selon l’existence d’un précédent dans le traitement de la question. La

production non marchande a été traitée par Marcel MAUSS dans son « l’échange et le

don », alors que le thème proprement dit de « l »’homme est beaucoup plus proche de la

psychologie et de la philosophie. Sa démarche s’appuie sur l’introspection du narrateur en

pensant que ce qui se passe dans son for intérieur n’est pas particulier et est objectif,

dénotant la nature humaine. Le mot « introspection » lui-même puise son origine dans la

littérature romaine.

Mais nos réflexions se portent sur la production non marchande du thème de

l’homme car nous voulons étudier – c’est-à-dire voir ce que produit et ce que consomme –

« l »’homme par lui-même et non un homme par le biais de l’interface sociale ; nous

voulons saisir « l »’homme et non pas l’humanité ni « les » hommes, car l’échange

marchande ne figure que pour peu par rapport à la production non marchande dans la vie

de l’ensemble des hommes. Il y a plus d’activités qui échappent aux déterminations du

marché que des activités marchandes. En outre, nous voulons implicitement développer un

sujet sur l’efficacité de l’introspection, car celle-ci est le facteur utilisé pour produire le

thème de l’homme par l’homme pour la production du thème de l’homme et d’une façon

générale, pour produire lorsque les facteurs font défaut. Or l’introspection relève plutôt

d’une logique de discours sur la démarche et non pas d’une logique de la production,

même si elle désigne un retour en soi pour y puiser une force de croyance ou de conviction

forte.

Aussi, la construction de la représentation de l’homme par un artiste et la

confection de thème « l’homme » par un écrivain sont des curieuses activités

universellement humaines, à cause de l’audace de l’entreprise : artistes et écrivains sont

des êtres humains, pourtant ils produisent des propos sur l’homme comme s’ils n’étaient

pas eux-mêmes des humains. La reproduction en image ou en littérature de l’homme a-t-

elle satisfait la curiosité ou le désir de l’homme ? L’intrigue est d’autant plus grande étant

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52

donné que l’acte lui-même est universel. On ne peut pas dire, par exemple, que la quête de

la représentation de l’homme qui, dans la classification des besoins de MASLOW, répond

à un besoin de réalisation personnelle qu’elle n’apparaît que dans les communautés

matériellement riches, protégées et socialement stables. Effectivement et pour confirmer

l’affirmation de MASLOW, les fouilles archéologiques des lieus de civilisation agricoles

de vallées naturellement riches de la Mésopotamie, ou encore celle de l’Egypte des

pharaons recèlent l’existence de temples et de statuettes et figurines représentant l’homme

et les habitants d’un monde non humain et même des tablettes de recueils de récits épiques

d’une tradition orale21, comme si ces temples, statuettes et récits déterminent la vie sociale

du pays. Mais ces objets preuves de la richesse se rencontrent également dans les régions

moins prospères. Là alors, les explications habituelles nous disent que la pauvreté pousse

le peuple à la pratique intense de la religion.

Mais à l’opposé, dans les civilisations des lieux hostiles, comme les habitants

nomades des forêts tropicales (à l’exemple de Pygmées, ou des Bushman dans le désert de

bosquets de Kalahari), des déserts de neiges (à l’exemple des Inuits en Alaska) ou chez les

habitants des déserts de pierres (à l’exemple des Touaregs sahariens), la représentation de

l’homme est aussi présent sous forme d’objets matériels (talisman) décrivant ou

symbolisant l’homme, sinon sous forme de récits anthropomorphiques de l’homme. Dans

la succession des civilisations, si l’on suppose que l’art et la religion son l’apanage de la

civilisation industrielle marchande, car la représentation artistique y est florissante à cause

de son caractère marchand, mais des pays arriérés, ceux qu’on appelle le « quart monde »

sont, eux aussi, aujourd’hui des exportateur de prêtres et de missionnaires, pourtant leur

population d’origine sont matériellement pauvre.

Les propos du philosophe français Gilles DELEUZE interviewé sur le rapport entre

l’art et l’homme apporte une explication sommaire à ces questions : « l’œuvre d’art ne

contient strictement pas la moindre information. En revanche, il y a une affinité

fondamentale entre l’œuvre d’art et l’acte de résistance » (DELEUZE 17 mai 1987).

DELEUZE cependant n’a pas précisé l’objet de la résistance; autrement dit, la

représentation littéraire ou artistique de l’homme, dans la mesure où celle-ci est considérée

aussi comme un art, répond à un besoin humaine de résister. C’est pour cela peut-être que

21 Il s’agit du récit sumérien de GILGAMESH et du « Livre des Morts » égyptien

Page 56: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

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dans la bible, le dieu des Juifs interdit la représentation des objets célestes22. Lu avec le

sens du terme « resister » que lui accordent les écrivains romains, l’art et la représentation,

sont alors des façons pour l’homme de rester et de perséverer (PLAUTE23), de se remettre

sur ses pieds (CICERON24), de s’arrêter en se retounant, en faisant volte-face ( Tite

LIVE25) ou encore de se tenir à l’écart (VIRGILE26). (On note que ce dernier sens évoque

le concept de sainteté dans la philologie hébraïque27). Dans la littérature, l’homme se

présente relevé sur ses pieds, s’arrêtant et faisant volte-face vers celui qu’il a quitté, telle

est l’image de l’homme artiste que nous montre DELEUZE. Ce dernier note cependant que

toute représentation n’est pas une résistance, mais la resistance est dans une certaine

manière dans la représentation. Ce qui est très fort dans la philosophie de l’art de

DELEUZE est l’affirmation selon laquelle, premièrement, la représentation est une

résistance, et deuxièmement, la dualité de la facette de l’acte de la résistance : cette

dernière est à la fois l’acte humaine et l’acte de l’art. La phrase suivante de DELEUZE

résoud d’ailleurs la problématique biblique de l’homme par la résistance (en passant par le

thème de la représentation) : « Seule l’acte de résistance résiste à la mort, soit sous forme

d’une œuvre d’art, soit sous la forme de la lutte des hommes » (DELEUZE 17 mai 1987).

Pour DELEUZE, la représentation de l’homme par l’homme et les discours sur

l’homme répondent à des exigences vitales de l’homme, sinon à la nature désireuse de

l’homme. Ce n’est pas l’aspect esthétique ou artistique qui importe dans la représentation

de l’homme car entre les peuples, des contrastes de choix de thème sont inévitables, ne

serait-ce qu’à cause des matériaux physiques ou linguistiques utilisés pour la cause, mais

22 Le Dieu de la Bible, le créateur, celui qui a créé l’homme à son image, a, malgré tout, interdit à maintes reprises les Juifs de se représenter la nature : « Tu ne te feras aucune image taillée, rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux, là-haut ou sur la terre, ici-bas ou dans les eaux, au dessous de la terre » (La Bible, l’Ancien Testament, Exode 20 : 4- ou encore , Deutéronome, 5 : 8 --). Ici, l’interdiction de se porte pas seulement sur la représentation du corps physique de l’homme et de la nature, mais aussi sur celle de ce que l’homme croit être des corps célestes. Chez les Juifs, l’activité artistique est donc l’apanage de Dieu. Les artistes et écrivains défient Dieu. L’adoption des idées de DELEUZE conduit à considérer cette interdiction comme une loi relevant de la théologie et non pas de l’ordre social. 23 Voir (QUICHERAT et DAVELUY 1922) 24 Ibidem. 25 Ibidem 26 Ibidem 27 L’expression « tenu à l’écart » ou l’équivalent du concept évoquant la sainteté en Hébreu est le mot « קךש » (« quodesh »). Exemple : Il dit : «N'approche pas d'ici, retire tes sandales de tes pieds car le lieu où tu te tiens est une terre sainte.» (Exode 3 : 5-). Ce mot traduit aussi la consécration dans « Consacre-moi tout premier-né, prémices du sein maternel, parmi les Israélites » (Exode 13 : 2-)

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surtout à cause de la distance de l’artiste par rapport à la représentation (c’est de la

résistance dans le sens de VIRGILE), bref, l’élévation de l’homme au dessus de son état.

La question de la production artistique étant donné la pauvreté trouve également sa

justification par la satisfaction d’un besoin qui ne peut être satisfait par la matière elle-

même. Elle dénote l’existence de l’insatisfaction de l’homme devant le produit de la nature

que le dieu de la bible lui assigne comme bon à manger, en donnant du plaisir par la vue de

ces objets et par le goût de ces produits28. L’homme est un être insatisfait dans un monde

jugé par dieu comme satisfaisable. C’est ce caractère insatisfait de l’homme ou résistant à

toute satisfaction – en Malgache, on dit « tsy mety afa-po » ou « tsy mety mihonona » - et

qui est révélé par la représentation de l’homme qui est finalement l’intrigue de la question.

Ce n’est pas le produit ni le contenu progressive du contenu de la révélation qui est

étonnant, mais le lien entre les caractères de l’homme et la représentation de l’homme.

La représentation de l’homme est-elle donc un révélateur de l’homme et en même

temps de la richesse ? Les vraies natures de l’homme et de la richesse se satisfont-elles par

la représentation de l’homme ? Telles sont les questions issue de l’acceptation de l’idée de

DELEUZE.

Posée en termes économiques, la question se porte sur l’origine et sur la nature de

la valeur, en avançant la thèse selon quoi il y a une relation entre l’homme et la quantité de

valeur. En économie, la valeur est un rapport entre des quantités selon quoi, une valeur est

inversement élevée de la quantité. Elle est donc une représentation d’excédents : seuls les

objets de quantité élevée sont visibles et palpables et donc dépréciés. La théorie

économique est une philosophie qui déprécie les visibles et les tangibles. Les objets de

valeurs sont donc des objets rares, mais très utiles ; ils sont des objets physiquement

invisibles mais socialement flagrants. Or ces caractères sont aussi attribuables à la

représentation de l’homme : l’homme est physiquement invisible, mais toujours présent.

Elle est donc une valeur sociale. Plus la représentation de l’homme est produite et

concrétisée et figurée, plus la véritable représentation fuit et évanescente. La représentation

devient alors la richesse, l’objet le plus chère, car on sent qu’elle peut être faite, mais on

n’a pas pus la refaire jusqu’à présent.

28 Voir La Bible, L’Ancien Testament, Livre de Genèse, Chapitre 2, Verset 9

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55

A LA RECHERCHE DU LIEU RHETORIQUE OU LE CHAMP D’ARGUMENTATION DU THEME DE L’HOMME

Où va-t-on produire ou trouver le thème de l’homme ? Comment peut-on identifier

ce thème ?

Ce type de questionnement est d’usage en économie. En effet, la science

économique s’est constituée des thèmes génériques et de construction logique avec

lesquels elle décrit et explique ses thèmes. Exemple, la science économique classique

associe le thème de production à celui des facteurs, des mesures de la quantité produite. En

ce qui concerne le thème de « l »’homme, le problème est que cette expression est à la fois

un produit et un facteur. Nous avons utilisé le mot « capital collectif » pour situer

conceptuellement la question par rapport aux concepts économiques usuels. Dans la

classification économique du terme, le thème de l’homme est donc à la fois un facteur et

un produit des facteurs ; l’expression est donc localisée dans deux références de la science

économique. Devant cette situation, nous proposons de remonter notre réflexion dans

l’épistémologie de l’économie, pour y voir l’histoire des concepts.

Pour répondre à ces questions, la tentation est grande de remonter le temps en vue

de découvrir le lieu théorique ou idéal où l’homme et l’art se joignent et où l’homme se

découvre par son art, la représentation. C’est un lieu, un champ d’argumentations ou un

lieu de rhétorique originel dans lequel le discours sur l’homme est intelligible. C’est un

lieu de narration, ou tout simplement de l’histoire. Mais l’histoire ne raconte pas encore le

thème de l’homme ; l’histoire de l’homme, est avant tout une interprétation des graphiques

laissés par l’homme des cavernes. L’histoire de l’homme est une histoire des outillages et

des objets et non de thème. Or, l’histoire de l’art ne concerne que les objets accompagnant

l’homme passé et redécouverts après une fouille archéologique ; elle est plutôt liée à

l’histoire de la région où les produits ont été découverts en non pas l’histoire du thème de

l’homme, ni tout simplement de l’histoire de la façon de relater l’homme.

Pour remonter l’histoire du thème de l’homme, on peut faire alors une investigation

dans l’évolution de la spéculation sur l’art et sur le langage. Les anthropologues ont

reconstruit les sociétés primitives à partir des vestiges d’objets et des préalables d’idées.

Puis, dans cette file d’idée, les Marxistes ont fait le chemin inverse en remontant l’histoire

de l’humanité à partir d’un fil d’idées composés de théories. C’est ainsi que se forme

d’abord un débat sur le rapport entre les objets et les idées, sur la matière et sur l’idée. Et

de nouveau, les anthropologues reviennent cette fois-ci avec des théories et des histoires

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56

pour vérifier sur un espace délimité la validité de leurs instruments. Certaines

communautés échappent certes à leurs règles, mais une sorte de relations stables

s’installent entre l’objet et les idées. Des idées se précisent alors sur l’influence des

matières sur les idées sur l’homme ; mais l’homme apparaît en esquisse.

Dans cette série de va-et-vient des dialogues des chercheurs, il nous semble que ce

n’est plus le résultat de la recherche sur l’homme qui importe car l’homme sera toujours

une esquisse dans la narration des chercheurs. Ce qui importe c’est, finalement, l’évolution

de la représentation de l’homme dans la pensée des chercheurs, et par extension, dans la

pensée des narrateurs. Au début, dans un hypothétique archétype de la narration, le premier

narrateur n’avait que ses souvenirs comme objet à narrer. Les scientifiques actuels se sont

dotés des travaux des autres plus leur propre réflexion à raconter. C’est dans ce chemin

inachevé de narrations que l’esquisse de l’homme se forme.

Les questions de « où va-t-on produire ou chercher le thème de l’homme ? » et de

« comment peut-on identifier ce thème ?» peuvent aussi être répondues par l’étude de la

voie des chercheurs et des narrateurs vers la recherche de l’homme. Ces chercheurs et

narrateurs n’ont pas encore acquis la connaissance totale ou parfaite de l’homme, mais ils

sont avancés dans la représentation de l’homme ; au moins, ils savent comment le thème de

l’homme a été mise en œuvre.

Des chercheurs particuliers se sont arrêtés dans leur démarche et ont écrit des sujets

précis sur l’homme historique (LEVY-BRUHL29) sur « l’homme primitif » en observant

la relation de l’homme avec la nature en insistant sur l’orientation de la mentalité avec leur

connaissance de la nature (LEVY-BRUHL, La mythologie primitive 1935). L’intérêt des

travaux de LEVY-BRUHL se porte sur le fait que les peuples qu’il a étudié (les

Australiens et les Papous) conçoivent leurs existences sans se référer à de divinités ; ils ne

définissent même pas leur existence à partir d’une divinité commune ni par la culte d’une

divinité reconnue. LEVY-BRUHL va alors, en décrivant la pratique de ce peuple, exposer

une théorie de « l »’homme sans la mythologie avec un a-priori différent des réflexions

axées sur la mythologie égyptienne et judéo-gréco-romaine. Dans ces sociétés, la narration

du thème de l’homme, appartient à des personnes initiées, des narrateurs, qui font leur

explication sans se référer à des forces des dieux. Le développement du thème de l’homme

29 Voir LEVY-BRUHL, L'âme primitive 1927 et « La Mythologie primitive » (1935)

Page 60: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

57

se fait avec des éléments connus des hommes. Ces sociétés sont les types de sociétés que

nous étudions.

Dans ces types de sociétés, les narrateurs ne sont pas uniques, et leur récits peuvent

être nuancés ; des versions différents d’un même thème d’un récit existent, mais cela ne

dérangent ni les narrateurs, ni les auditeurs. Ces types de cultures se rencontrent partout

dans le monde : aux îles Andaman à l’Est de l’Inde, à l’île Dobu en Nouvelle-Guinée

anglaise, chez les Eskimos en Alaska, etc., les auditeurs sont moins préoccupés par les

nuances. Des enquêtes cliniques sur terrain révèlent le comportement particulier des

auditeurs : les auditeurs ne semblent pas réaliser les contradictions des récits, et même si

quelques uns en prennent conscience, ils essaient de les justifier30.

Le vécu et la vie des thèmes de représentation de l’homme montrent à la fois la

représentation de l’imaginaire collectif et le pouvoir détenu par l’homme et qui est caché

en lui, mais qui lui est difficile à manifester. Tel est d’ailleurs le constat de l’anthropologue

LEVY-BRUHL31. D’où le rôle particulier de l’artiste de toutes les communautés et de

toutes les générations : « Chez eux, comme chez nous, l'artiste est celui qui sait exprimer

excellemment ce que tous sentent et voient d'une façon plus imparfaite ». Les produits

artistiques, affirme encore LEVY-BRUHL dénotent non seulement une représentation du

monde telle que la conçoit l’imaginaire collectif, mais aussi la force qu’on croit porteur de

richesse et de pouvoir (LEVY-BRUHL 1927, page 34). Or le besoin indique la

particularité de l’homme, et de ce fait, le bien avec lequel l’homme satisfait son besoin est

un révélateur de cette particularité humaine. La recherche de la représentation de soi est

donc aussi une activité de recherche de la satisfaction de besoin.

D’autres réflexions répondent à la question de « comment l’homme peut-il

découvrir son propre caractère alors qu’il ne s’était pas créé lui-même ? » par la conscience

d’un phénomène typiquement humain : de la conscience de l’imminence de la mort par

30 RASMUSSEN, un voyageur qui a vécu chez les Eskimos et qui a pu interroger une femme eskimo a obtenu la réponse suivante : les récits ne visent pas à résoudre un problème, mais seulement à reproduire une narration avec les mêmes émotions, car la résolution d’un problème ne mène pas à celle des autres (LEVY-BRUHL, La mythologie primitive. Le monde mythique des Australiens et des Papous 1935). 31 Ce dernier ayant étudié l’art des peuples primitifs réalise que l’art des peuples primitifs contraste avec celui des pays occidentaux, par leur aspect monstrueux. Il affirme que les êtres monstrueux, soient-ils, sont pour les peuples primitifs, des objets familiers et ordinaires véhiculant « de la façon la plus directe la participation d'un être à deux natures, ou plutôt à deux formes, c'est-à-dire le fait qu'elles lui appartiennent toutes deux en même temps … En unissant un corps d'homme à la tête, ou aux pattes et à la queue d'un crocodile, un corps de lion à une tête humaine, elle actualise simplement la coexistence des deux formes ». (LEVY-BRUHL 1927, page 34)

Page 61: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

58

exemple pour FREUD ou, selon DELEUZE par les effets de la présence des évènements

sur le corps humain (DELEUZE, Logique du sens s.d.). D’après DELEUZE, en effet,

chaque évènement produit une sorte de son :

« [L’évènement] ne parle pas plus qu’on en parle ou qu’on ne le dit, Et pourtant il

appartient tellement au langage, il le hante si bien qu’il n’existe pas hors des propositions

qui l’expriment » affirme DEULEZE dans la « Logique du sens » (DELEUZE, Logique du

sens s.d.).

C’est l’évènement qui exerce une pression sur l’homme que ce dernier ne peut que

s’exprimer. Le thème de l’homme, dans ce sens, provient de la pression exercée par

l’existence sur le corps de l’homme. A travers d’autres articles, DELEUZE précise sa

pensée : La mise en mots de l’évènement est une activité philosophique (DELEUZE,

Qu'est-ce que l'acte de création 17 mai 1987). La production des concepts est l’activité des

philosophes, mais cette activité est conditionnée par la nécessité. On déduit alors que chez

DELEUZE, l’homme qui sent l’évènement de l’homme forme le thème de l’homme.

Pour FREUD par exemple, l’homme est animé par un besoin affectif alors que pour

DELEUZE par le désir. La psychanalyse a le mérite d’exposer le thème de la vie avec la

mort, en passant par la représentation du Démon. Elle montre que la conscience de

l’imminence de la mort affecte la vie pratique humaine sous forme d’hostilité contre le

Démon devenu comme le plus représentatif de la mort.

Dans le monde de la science économique, de leurs ouvrages littéraires, dans leur

façon de décrire l’économique, la représentation de l’homme existe aussi. Adam SMITH

représente l’homme, comme un « travail » ou de la « force de travail », sinon comme un

« offreur » ou un « demandeur ». L’image de l’homme véhiculée par Robert MALTHUS

selon laquelle l’homme est « un appareil sexuel » couplé de « tube digestif » est aussi une

représentation narrative de l’homme. La représentation de l’homme, en économie, est faite

sous les termes de « variable de comportement dans les modèles économiques ».

Ainsi, la conceptualisation ou la représentation ne désigne que l’image de l’homme.

En réalité, l’homme ne se juge donc pas lui-même, mais il se juge par son image qu’il a

créée ; il n’a pas découvert son essence, mais seulement son reflet qu’il critique ou qu’il

idéalise. L’éthique est la réponse de l’homme dans la question de l’auto-découverte de lui-

même. L’éthique lui sert à la fois de règle de conduite et d’idéal.

Page 62: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

59

L’idéalisation de l’homme montre un caractère important de l’homme : la dualité.

Le thème de l’homme n’existe que par le constat de l’existence de deux ou de plusieurs

sujets contradictoires ou non dans le thème de l’homme. L’homme est le bien et le faible,

le mortel et l’immortel, etc. Aussi, pour saisir le thème de l’homme, il faut le placer dans

un autre contexte (conformément à la démarche deleuzienne de « l’éternel retour » du

sujet), celui de la recherche non pas de la source d’inspiration mais du contenu, nous nous

posons alors le problème : comment se forme l’éthique ou la représentation idéal de

l’homme ?

INTRODUCTION LES PROBLEMES DU THEME DE L’HOMME : L’EXISTENCE DE PLUSIEURS MOTS DESIGNANT LE MOT « HOMME » DANS CHAQUE LANGUE, LA DIVERGENCE DE LEURS CONNOTES ET L’ABSENCE DE RECHERCHE SPECIFIQUE SUR LE THEME DE L’HOMME

Le thème de l’homme est un sujet complexe relevant à la fois de l’étude de

l’ensemble des langues humaines (et donc de la culture), de celle de la connaissance et du

savoir, par le biais de l’étude de la philosophie, et de celle des objets (dont le thème de

l’homme fait partie). Dans la chronologie de l’histoire des disciplines académiques, le

thème de l’homme n’apparaît qu’après le développement de la philosophie, de la

linguistique et de l’anthropologie, c’est-à-dire vers les deux ou trois derniers siècles ; plus

précisément, vers la promulgation des premiers Chartres du droit de l’homme.

En observant ce qui se dit déjà dans les communautés humaines à propos de

l’homme, cependant, on constate que le thème de l’homme était déjà présent chez les

hommes de caverne, où le thème se relatait sous forme de traits et dessins esquissant

l’homme, ou encore sous forme d’objets de sculptures évoquant les formes proéminentes

de l’homme. Si ces figures ont été représentées autrement, et que ces autrement figures

sont identifiées comme étant celui de l’homme, alors certainement, notre façon actuelle de

voir l’homme aurait changé. Mais il nous semble que la façon actuelle dont nous nous

représentons l’homme est inévitable, et identique dans le monde que, force est d’admettre

que la représentation historique est un phénomène objectif qui ne change que par les

moyens utilisé pour la réaliser. C’est cette représentation hors de l’histoire et des

déterminants artistiques et culturels que nous voulons traiter.

Page 63: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

60

L’étude d’une langue est une source d’informations importantes pour connaître ce

que l’homme peut prendre conscience de la nature et d’un sujet de réflexion. Le thème de

l’homme est observable par une étude directe de la langue, notamment les objets que les

langues ont donné une dénomination et les différentes nuances de description d’un

phénomène anthropologique. Quelques thèmes ont été largement développés par

l’anthropologie. Un des résultats concrets à ce propos est l’approche comparative des

langues en fonction d’un thème précis : le nombre des vocabulaires désignant les couleurs,

ou les liens de parenté par exemples. Nous utiliserons aussi cette démarche pour cerner le

sens général de certains concepts universellement utilisés, mais dont le sens, en réalité,

n’est pas précis. Parmi ces concepts, les mots « richesse »et « homme » figurent dans notre

champ d’étude. Une observation du mot « homme » dans des dictionnaires français-anglais

et français-arabes, par exemple, fait apparaître des sujets différents de l’homme selon en

apparence les langages mais dans le fond, c’est la culture qui a permis qu’il soit ainsi.

En Arabe et probablement dans les langues sémitiques, l’homme se traduit

respectivement par les termes « insa » (en Arabe « utilisé dans «איש » ,et en Hébreu 32«ٳ

le sens de « les » hommes, humaniste), « rajul » (« رجل» équivalent du « אדם » « adam »

hébraïque du Genèse, chapitre 3 verset 6) signifiant « l »’homme, « mar’a » (« مَرْء» »)

utilisé dans un sens proche de la virilité, « mâle », « فتّى» (« fatta » ») désignant un garçon,

un jeune homme. Puis, si le raisonnement se prolonge, on découvre que certains concepts

ne désignent plus spécifiquement l’homme, mais sa fonction et sa position sociale : en

Arabe, toujours, l’homme savant, entendu comme versé dans la vérité est dénommé

« fiq’ » (« فِقْة»), alors que l’homme de main est nommé par « mourtaziq’ » («مُرْْتّزََ ق»).

Les observations peuvent être étendues au niveau de la formation de chaque mot et

de chaque langue. En ce qui concerne les mots français, par exemple, un dictionnaire

étymologique des mots français ou plus directement un dictionnaire français-latin et

éventuellement un dictionnaire latin-grec ou un dictionnaire français-latin avec annotation

sur les mots d’origine grec peuvent nous plonger dans la civilisation chez qui s’est formée

la culture linguistique français ; ils nous rendent compte de l’imagerie des mots français.

32 Voir Daniel REIG, 1983, « As sabil. Dictionnaire Français-Arabe, Arabe-Français », Larousse (REIG 1983)

Page 64: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

61

Nous avons aussi donc compulsé des dictionnaires et des textes de langues

différentes pour se faire une idée de ce qui se construit et de ce qui se dit sur le thème de

« l »’homme.

Ne serait-ce que par la diversité linguistique de la dénomination du mot « homme »,

le thème « homme » est l’objet de traitements et de considérations différentes. Pourquoi les

Arabes ont-ils besoin d’un concept supplémentaire pour distinguer l’homme, le jeune

homme, l’homme du mariage (l’époux), le viril, etc., alors que dans d’autres langues,

comme l’Hébreu (biblique) et le Malgache, par exemples, n’ont que trois ou quatre mots

(l’homme, le jeune homme (le « tovo » (lahy) malgache)

Des connaissances de l’histoire et des lois de l’évolution des vocabulaires et plus

particulièrement celles des sens des mots rémanents des langages de l’homme sont

nécessaires pour y trouver le contexte et l’objet ou le phénomène qui a provoqué la

création du nouveau terme. Cela se fait d’abord par une recherche d’information sur le

thème de l’homme dans par l’exploitation de l’histoire de l’évolution des grands groupes

de langages en tenant en considération également des influences entre les langues. Cette

démarche semble aujourd’hui être hors de la démarche usuelle d’un économiste, mais elle

se justifie dans un contexte de construction ou de la reconstruction de la science

économique. Adam SMITH, d’ailleurs, s’en est servie : Dans une de ses œuvres moins

reconnues intitulées « Considérations sur l’origine et la formation des langues » et dans son

« Histoire générale de la civilisation », les travaux littéraires d’Adam SMITH préparaient

carrément son œuvre sur la richesse des Nations. Seulement, la plupart de ses manuscrits

ont été détruite (DELATOUR 1886, page 94). Dans ces Considérations sur l’origine et la

formation des langues, Adam SMITH ouvrait déjà un thème important sur l’homme : la

disposition naturelle de l’intelligence à se conformer à une logique de la langage. Cette

idée de disposition logique sera ensuite reprises par SMITH pour développer un sujet sur la

disposition à la raison. L’étude de la langue humaine a aussi permis à SMITH d’avancer

l’idée de l’existence universelle de certains phénomènes. La conscience de soi, « je suis »

et « j’ai », par exemples, sont des concepts qui existent dans toutes les langues ; elle

désigne non pas un évènement particulier, mais une existence en général (DELATOUR

1886, page 97).

On note que l’évolution de la langue peut aller vers la formation de nouvelles

langues ou par la disparition de certains langages. Dans le monde, selon les linguistiques, il

Page 65: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

62

y a 5.000 langues parlées, dont 25 environs disparaissent chaque année. Ce phénomène,

selon le linguiste français Claude HAGEGE, concerne les langues indonésiennes, néo-

guinéennes et africaines (plus de la moitié des 860 langues de Papouasie-Nouvelle-Guinée

sont en voie d’extinction, la moitié des 600 langues indonésiennes est moribonde), mais il

concerne aussi les autres langues de la planète, menacées par l’anglo-américain (HAGEGE

2010). Ces évolutions n’ont du mal que la perte d’informations sur les moyens dont, par

exemple certains langages « à classe » c’est-à-dire ceux qui saisissent et structurent les

objets selon les catégories « long », « rond », « comestible », etc. ordonnent l’univers et

rangent les animaux. Dans notre circonstance, la disparition d’un langage entraîne une

perte d’informations sur le thème originel de l’homme.

Mais la disparition des langages n’est pas totalement négative. En effet, une sorte

de concentration universelle de langages se forme : les langages disparaissent sous

l’absorption des langages de référence (par exemple l’Arabe domine le monde musulman)

ou encore par la domination des médias entraînant une sorte d’unification de la vision du

monde à l’échelle humanitaire. Aussi sommes-nous tentés d’exploiter cette convergence

des langues parlées des hommes pour se demander si il y a aussi une convergence

progressive de la représentation de l’homme. Le lieu de rhétorique est dans la convergence

des langues, mais le problème reste : la représentation de l’homme dans une situation de

convergence de la culture.

En outre, le thème de l’homme ne fait pas l’objet de recherche spécifique auprès

des linguistiques, car l’homme est plutôt considéré comme un sujet et non comme un objet.

En fait, la linguistique se préoccupe du mécanisme du langage et non du contenu, alors que

les littéraires retracent la façon dont une idée est dite. Ce qui se dit universellement de

l’homme n’ont pas retenu l’attention de la science humaine. La raison est que l’homme est

considéré comme un sujet particulier, producteur d’évènements tragiques et non pas

d’évènements répétitifs. Aussi, la narration sur l’homme ne décrit-elle pas vraiment une

réalité partagée avec d’autres hommes, mais une répétition de faits expliquant surtout la

nature de l’homme. Or jusqu’à présent, malgré l’augmentation en nombre de la production

littéraire, le thème de l’homme reste encore inachevé et loin d’être achevé.

A LA RECHERCHE D’UNE SOLUTION : EN POSANT L’HOMME COMME UN ETRE DUAL, QUI PREND CONSCIENCE DE LUI PAR LUI-MEME

Dans ce chapitre, nous négligeons la diversité linguistique pour plonger nos

réflexions sur l’entreprise humaine consistant à la recherche et à la sélection des thèmes

Page 66: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

63

susceptibles de participer à la construction de la représentation permanente et régulière de

l’homme. Dans cette conception alors, nous sommes devant une image de l’homme

différente de celle préconisée par l’économie : l’homme n’est plus un être à la recherche de

plus de richesse, ou encore un être à la recherche de biens pour satisfaire un besoin, mais

de l’homme à la recherche de sa représentation, comme si celle-ci est aussi un bien

satisfaisant un besoin ou encore et tout simplement une richesse. La richesse n’est plus une

question de biens matériels morcelables et, en conséquence, quantifiables, mais un bien qui

satisfait un besoin humain. Comment, en effet, peut-on qualifier un homme ou un pays

d’être « riche » alors que l’homme en question ou la population du pays en question sont

taraudés par des besoins dont leur prétendue richesse n’a pas apaisés ?

Ce choix se justifie par l’universalité de la situation : en tout temps et en tout lieu,

toutes les communautés humaines semblent être captivées par la recherche de valeurs

morales et esthétiques. Dans leurs activités religieuses, dans leurs activités de production,

dans leurs activités sociales aussi bien que dans les activités intimes de la consommation,

une certaine façon de faire et d’être s’impose. Les mots ont mis en relief cette façon

d’être : la religion évoque des thèmes de liens avec l’au-delà ou avec un monde abstrait et

non tangible. Ce n’est pas la pratique ou non qui importe, mais le contenu même du

concept et les effets qu’il produit sur l’homme. De même, dans la production, la science de

la gestion a montré l’importance de la satisfaction des travailleurs durant l’activité de

production dans la motivation de travail, comme si la production est aussi un acte de

consommation. Plus concrètement, ce n’est pas la rémunération seulement qui détermine la

production sociale, car de plus en plus d’individus acceptent de travailler bénévolement.

Dans la comptabilité nationale française, le secteur institutionnel « Institutions sans buts

lucratifs » regroupent les activités où les travailleurs se font rémunérés plus par autre chose

que le salaire ; Aux États-Unis, ce secteur est dénommé « Non Profit Sector ». En France,

on dénombre 13 millions de bénévoles travaillant dans des organisations, mais on n’a pas

pu dénombrer le nombre de bénévoles exerçant de façon indépendante33. Dans ces activités

quoique de dimension individuelle, l’individu ne semble agir que par un motif en rapport

sur lui-même.

En substituant le thème de l’homme à la recherche de bien par le thème de l’homme

à la recherche de ce qu’il est, et cela, à travers ce qu’il désire et ce qu’il se représente lui-

33 Voir Lionel PROUTEAU, Charles-François WOLFF, « Estimer le travail bénévole », in Problèmes économiques n°2888 du 7 décembre 2005 (PROUTEAU et WOLFF 2005)

Page 67: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

64

même, nous parvenons à un autre paradigme de l’économie sans pour autant nous exclure

de cette discipline. Ce paradigme consiste à exclure l’image de l’homme du cadre de

groupe ou de la société que la science économique classique lui a imposé. Dans la société,

en effet, l’homme est flou ; l’observateur ne discerne que les particularités des groupes et

non pas « l »’homme lui-même. Ce paradigme dégage aussi l’homme des institutions qui

modélisent en avance ses comportements, et donc tout ce qui se sait sur l’homme.

L’homme n’est pas celui qui est décrit par HEGEL, un être qui est satisfait de vivre dans

un Etat idéal. Peut-être que cet État existe déjà et que l’homme y est déjà, mais force est de

constater que la nature jamais satisfait de l’homme lui empêche de réaliser son état. D’où

découle un axiome : l’homme est un être dual ; il est composé de deux éléments

intellectuellement saisissable. Il est aberrant en effet de considérer l’homme comme un être

formé d’une entité indivisible et intellectuellement saisissable. Si l’homme est ainsi fait,

alors l’homme est à la fois un sujet-objet, un être qui se connaît lui-même, mais qui a

besoin d’apprendre lui-même (processus de transformation de l’homme en objet) non pas

pour se connaître, mais pour prouver sa connaissance. En outre, dans cette hypothèse

farfelue de l’homme composé d’une entité indivisible et intellectuellement saisissable, le

déroulement dans le temps de la science et de l’acquisition de la connaissance n’a plus de

sens. Jusqu’à présent donc, l’évidence nous oblige à reconnaître que l’homme n’est que de

la potentialité ; sa connaissance et sa science sont composées de parties connues et de

parties inconnues, de science et de non science, et même son être est fait de quelque chose

de stable pour que l’homme puisse affirmer une vérité et quelque chose d’instable

obligeant l’homme de retirer toute certitude. L’homme est de toute évidence un être dual

ou pluriel.

Ce choix ou cette vision de l’homme s’impose en évidence, à cause du caractère

manifestement dual de ce qui est convenu d’être nommé par le mot « homme » : d’une

part, l’apparence ou le sensible (le corps et l’art, la parure) et le profond ou l’intime (la

pensée, l’âme et ses connotés, la vie, l’objectif vital et tous les fatras conceptuels qui leur

sont associés), l’homme proprement dit et la femme, et d’autre part le consommé et le

possédé, c’est-à-dire les objets avec lesquels l’homme manifeste son existence. Ces deux

dimensions ne sont pas le produit de la spéculation des chercheurs ; elles n’existent que par

la pensée ou le sens de tout un être humain. Nous démontrons alors que le thème de

l’homme se forme à partir d’une hypothèse de conception duale de l’homme.

Page 68: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

65

DEMARCHE

Le domaine de notre recherche se porte sur la quête des éléments sensibles et

intimes avec lesquels l’existence de « l »’homme est intellectuellement perceptible. Ces

éléments sont de la représentation de l’homme. Notre hypothèse de travail se déduit de

cette dernière : le besoin humain n’est pas seulement matériel mais aussi immatériel

relevant du sensible ; le concept de besoin relève de deux mouvements opposés dont l’un

se dirige vers l’objet (mouvement d’acquisition-possession) et l’autre se dirige vers

l’intérieur, vers l’intimité de l’homme faisant de l’homme, un possédé-propriétaire.

La représentation de l’homme circule à travers tout ce qui est artificiel : dans leur

inspiration et dans leur action, dans leur idéal et dans leur critique. L’accent sera mis sur le

sens de ce qui a été fait en matière de moyens (matériels et immatériels) et de démarches

pour la recherche et de la représentation de l’homme, et non pas sur l’inventaire de ce qui a

été réalisé en la matière. De ce fait, ce chapitre est une quête de réflexions, et de sensations

et de sens menant vers la formulation des mots et des objets en rapport avec la

représentation de l’homme par lui-même, vers une recherche de matériaux conceptuels et

thématiques. Ce chapitre retrace la gestation d’un projet de concrétisation du thème de

l’homme. Son domaine est encore dans l’imaginaire. Sa conception nous est donnée d’un

extrait d’un poème du poète malgache RANDZA-ZANAMIHAOTRA disant

« Fony aho mbola nofy tao an-tsain’ny lehilahy,

Fony aho mbola rano tao ankibon’ny vehivavy

Dia reko sahady ny antsonao nitaona ahy …”

Littéralement :

« Quand je n’étais encore que rêve dans l’esprit de l’homme

Quand je n’étais que liquide dans le sein de la femme

Déjà, j’avais entendu ton appel m’invitant … »

Le thème de l’homme est le produit du « rêve » de l’homme, ou d’une façon plus

usuelle dans la littérature, le thème de l’homme est le produit de l’imaginaire de l’homme.

Il faut alors le concrétiser. Tel est le propos de la philosophie de DELEUZE à travers ses

concepts de l’éternel retour.

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66

Dans notre démarche, donc, nous n’avons pas utilisé la façon habituelle des

sciences sociales en vue de quantifier les observations et qui consiste à faire des collectes

sur des faits et donnés concrets ou encore à recueillir des statistiques.

Ce programme de recherche est un des objets partiels de la philosophie

analytique34, mais, cette dernière s’est bornée aux mots et ses conditions, alors que d’autres

signes et symboles sont aussi utilisés par l’homme pour s’exprimer, ou pour exprimer leur

existence et leur essence et que ces autres signes et symboles orientent les activités

humaines ; eux aussi, ils demandent de sens. Ce chapitre est aussi un essai de lecture ou

d’interprétation de signaux émis par les êtres humains dans leur faire35.

Nous ne chercherons pas cependant le mot et le sens exacte, nous nous

contenterons de constater que telle ou telle réalité a été consignée par des mots ou par des

symboles représentatifs, parce qu’ils intéressent l’existence humaine – intérêts émotionnels

ou psychologiques, matériels ou autres, peu importe d’ailleurs, mais nous dirons que ces

intérêts sont existentiels. Mais il n’y a pas seulement que des mots pour matérialiser ce qui

a été utilisé dans la représentation humaine de lui-même. Des objets différents ont été

fabriqués dans toutes les communautés humaines : des mégalithes, des statuts, des objets

quotidiens, des vêtements et leurs coupes, voire leur distinction de genre. Les économistes

ont certes identifié seulement le « capital », et ses composantes pratiques, mais il leur

manque dans leur discours des prises en compte de ce qui a été fait et qui ne cesse d’être

inachevé : le besoin ou la représentation de soit.

De tel projet de recherche est certes voué à un manque de précision, sinon de

méconnaissance des études faites par des spécialistes académiques. En effet, des études ont

montré l’existence d’une différence entre les représentations artistiques ou littéraires faites

par les hommes et faites par les femmes, et surtout que l’art ne peut pas éviter la distinction

entre les genres. Ce chapitre se veut être, de ce fait, non pas une démonstration de la

contribution de la littérature dans la représentation de l’homme - à quoi bon, en effet, de

démontrer ce qui existe même s’il ne s’agit que de croyance personnelle ; que gagne-t-on

en ajoutant un argument supplémentaire en faveur de ce qui est déjà, surtout étant donné

34 La philosophie analytique est un mouvement philosophique qui analyse le langage et le concept en vue d’en dégager et de clarifier le sens ou de présenter les conditions générales dans lesquels les mots reçoivent leur sens (Voir Encarta 2009). 35 Nous aurons pu utiliser le mot « acte » au lieu du nom verbal « faire », mais nous avons choisi ce mot, parce que « le fait » dénote une action passée ou accomplie, alors que le faire dont il est ici question est un fait présent orienté ou projette vers le future.

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67

que ce qui reste à faire, à connaître ou à produire est plus grand que ce qui est connu -,

mais seulement, des réflexions commentées d’échantillons de discours sur les

représentations littéraires et artistiques de l’homme, une collection ou une gerbage de

quelques réflexions sur la représentations littéraires, artistiques et orales de l’homme, un

développement arbitraire (parce que choisi au hasard de mes connaissances éparses de

l’art), subjectif (parce que personne ne dispose pas de l’intelligence de l’homme) de ce que

j’ai pu glaner sur Internet et sur Encarta sur l’art, l’esthétique, et la littérature, sur l’histoire

de la philosophie notamment les deux tomes de l’ « Histoire de la philosophie » d’Émile

BREHIER36 (1876 – 1952). Ce chapitre ne démontre rien, plus particulièrement de

l’économie ; il ne fait que consigner des réflexions sur le contenu du discours sur l’homme.

Ces consignations ne sont pas exhaustives, ni recueillies de façons méthodiques ; elles sont

seulement rassemblées autour d’un axe sur la représentation de l’homme, en se posant

pourquoi cette représentation a été faite, et qu’est-ce qui a été délaissé pour elle.

Ce chapitre n’est donc pas une histoire de l’art ni de celle de la pensée économique,

mais seulement une autre façon de présenter et de lire la théorie économique. Cette

représentation de la théorie économique est centrée sur l’homme. De ce fait le présent

chapitre comprend des réflexions sur le contenu du discours sur l’homme, c’est-à-dire des

réflexions sur l’utilité et la fonction (psychologique) de l’anthropologie, car ces derniers

couvrent le domaine de l’économie.

OBJECTIFS DU CHAPITRE

L’objectif de ce chapitre est triple : premièrement, fournir des matériaux

conceptuels et des arguments nécessaires au renforcement de l’usage de l’homo

œconomicus, et deuxièmement, de présenter les éléments récurrents, rémanents, communs

et partagés entre toutes les formes de la représentation humaine – une recherche de la

structure de l’esthétique donc -, des précisions en vue de retracer le parcours intellectuel

humain qui l’a mené jusqu’à la construction de l’homo œconomicus. Cette quête du

récurrent, d’après NIETZSCHE, (1844 – 1900) et confirmée par Sigmund FREUD, est

pathologique, parce que, en fin de compte, dans sa recherche de la représentation de soi,

elle dénote une tentative de résolution d’un problème non identifié – dont la réponse est la

production artistique. NIETZSCHE.est explicite sur ce point, car pour lui, le chemin vers

36 BREHIER Emile (1876 – 1952), « Histoires de la philosophie », Tomes I et II, Edition électronique a été réalisée par Pierre Palpant, bénévole, Paris, Courriel : ppalpant@uqac. ca, à partir des deux livres édités par Félix Alcan, 1929, 1930 et 1932

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68

la représentation de l’homme passe par des aphorismes sur la femme : l’homme n’est pas

une femme, il n’est pas représenté par « un oiseau, une chatte ou tout au plus une vache »

incapable d’amitié37. L’homme est un guerrier, c'est-à-dire un aventurier toujours de

passage et qui, en quelque sorte, reçoit la femme en récompense et qui ne peut,

paradoxalement vivre sans cette récompense, car cette dernière donne un sens à l’action, à

la guerre, entreprise par l’homme38.

Troisièmement, ce chapitre vise aussi à présenter les éléments duals du thème de

l’homme. Nous montrerons implicitement que la littérature sur l’homme présente ce

dernier à partir de deux éléments distincts. Il n’est pas possible d’énumérer d’emblée ces

deux éléments distincts, car ces derniers dépendent de la culture et de la façon de narrer la

conception du monde ; et même, il n’est pas tenu que une culture n’a systématiquement

que deux élément pour construire le thème de l’homme. Dans un des récits sur le thème de

l’homme, un couple d’éléments est mis en scène pour rendre le récit intelligible aux

auditeurs concernés, alors que dans une autre auditoire, un autre couple d’éléments est pris

en narration. Dans la littérature judéo-grecque, par exemple, le thème de l’homme se

construit à partir du couple dieu-homme ; alors que dans la littérature judéo-chrétienne, le

thème de l’homme est développé par le couple homme-femme.

Ce présent chapitre est donc une interrogation et une prise de position sur le lien

entre le développement de la théorie économique et la représentation de soi de l’homme

étant donné que la représentation de l’homme accompagne les activités de production et

qu’il existe même là où les instruments de production font encore défaut. Le lien entre le la

construction de la théorie économique et la représentation de soit de l’homme est une

hypothèse qui mérite d’être étudiée, car il est la seule explication ou la seule description

qui existe durant la période de construction de l’homme, ou au moment où les instruments

de production et l’organisation sociale font défaut – car l’homme n’est pas une donnée,

sinon l’économie est elle aussi une donné.

Cette période hypothétique a eu lieu lors du passage de l’homme préhistorique vers

le néolithique, une époque où aucun instrument de production n’a été encore confectionné,

aucun animal n’a été domestiqué et que aucune loi sociale n’a été encore instituée, ou

37 Propos de Zarathoustra, avec lequel NIETZSCHE exprime sa pensée. 38 Voir FEDIER François, « Comment remonter la pente ? », Cours professé en 1977-1978, sur l’ « Ecce Homo » de NIETZSCHE.

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69

encore les moments de traversée d’un lieu quelconque où des individus qui ne se

connaissent pas, se mettent à coopérer, pour réaliser un objectif préalablement non défini.

Cette période ne correspond pas à la période appelée par Karl MARX de période d’ «

accumulation primitive de capital », car la notion de richesse n’est pas encore définie en

termes de quantités d’objets sociaux appropriés. En outre, durant cette époque, les notions

de solidarités organiques (sauf dans la division sexuelle des activités sociales) et

mécaniques développées par le sociologue français Émile DURKHEIM ne peuvent pas

expliquer le mobile de l’action humaine, car la survie du groupe humain ne dépend pas

encore de la production matérielle collective faite par le système économique

L’identité de soi est un thème développé par FREUD sur la base de constat de la

réalité universelle du totem. Le totem est un objet représentatif de groupe et qui est actif

dans le sens qu’il pousse les membres du groupe à des pratiques identitaires. La théorie de

FREUD sur le totem n’a pas été élaborée pour expliquer la formation de la coopération

pour la production, mais seulement pour répondre à la question de la formation de la

culture locale, ou de la logique de comportement local ; aussi, a-t-elle plutôt clos la

question de besoin de la représentation de soi et laisse le besoin matériel comme unique

force motrice de l’action économique. A croire FREUD, l’homme est un être animé par les

besoins ... étant donné son identité. Pour notre part, nous dirons que le besoin est le

phénomène identitaire des êtres animés, alors que l’homme est un être animé par une

quête d’identitaire.

Ce chapitre est loin des problématiques usuelles de la science économique. Il n’est

ni une explication de comportement, ni une mise en relation entre des phénomènes ; ce

chapitre ne cherche qu’à « mettre sur rail » le thème de « l »’homme pour arriver au thème

de l’homo œconomicus.

Un problème cependant se pose : l’expression « quête d’identité » rend-elle

réellement compte l’équivalent de l’expression « besoin matériel » utilisée par la science

économique actuelle ? La science économique, en effet, n’a pas considérée la force du

besoin qui pousse l’individu à agir en conséquence ; elle a focalisée sa réflexion sur la

difficulté d’acquérir le bien, et ce, sous forme de terme de la rareté. Cette dernière est

mesurée par le prix. La « quête d’identité », par analogie au « besoin matériel » n’est donc

pas, elle aussi une force. La science économique a étudié son cas dans les termes de

« développement humain » mesurés en termes d’indice. Mais un indicateur ne sied pas à un

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70

terme de « quête ». D’ailleurs, utilisant la philologie malgache de « tonga saina » traduit

librement par « parvenu à l’intelligence » qui a la vertu de transformer le mot « quête » en

distance – et donc mesurable- nous avons préféré de continuer dans cette façon de penser,

et d’introduire l’expression « conscience de soi » pour indiquer la partie mesurable de la

quête d’identité.

La conscience de soi est une conscience infinie, car on ne peut se connaître

parfaitement et totalement ; elle se place dans un cadre temporel « d’avant » et « après » un

évènement.

Devant ce fait, à titre d’hypothèse de travail, nous avançons l’existence de la

conscience de soi, une force comparable à un facteur de travail. C’est cette conscience de

soi qui le pousse à respecter l’interdiction, et surtout, dans notre circonstance, à se chercher

lui-même, dans le totem ou dans la dépense de la force de travail. Ce n’est donc pas la

quantité de production qui importe donc universellement, mais la conscience d’être que le

travail évacue vers l’extérieur. Le produit de cette extériorisation, qu’il soit plus tard

devenu marchandise ou un objet de consommation, ou un objet de décoration est le repère

sinon le signe de la présence de l’homme.

La part de la production des objets-marchandises et des objets non marchands dans

la dépense de la force humaine de production a été largement analysée, évaluée et

expliquée par la science économique actuelle, mais cette dernière n’a pas encore pris en

compte la production des objets qui ont été produite sans considération de leur caractère

social, des besoins sociaux qu’ils peuvent satisfaire et des discours socialisant qui se font

autour d’eux mais qui ont été quand même produits avant même la production des premiers

facteurs de production de ces objets. Ces objets pré-instrumentaux sont des produits

artistiques qui n’ont de raison d’être que la production du plaisir de produire ou de voire et

d’une façon générale qui ce sont des objets qui flattent les sens typiquement humains ; ce

sont les jouets que chaque enfant, quel que soit leur culture, produit avant que la culture et

les adultes s’en mêlent ; ce sont les objets qui se produisent dans les collectivités où la

pression en faveur de la production marchande est faible ; ce sont les produits de la flânerie

tant abhorrée par Friedrich TAYLOR (1856 – 1915) que ce dernier veut échanger contre de

salaire un peu plus élevé et de la sécurité sociale, lorsque le plaisir créateur s’émousse. Ces

objets sont, insistons sur ce point, antérieurs au facteur de production des biens sociaux et à

plus forte raison de la production des biens sociaux eux-mêmes. Ce sont eux qui ont été la

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71

prémisse de la production de l’homme. Nous dirons alors que la conscience de soi

ordonnée par l’interdiction et le travail sont les apports spécifiques de l’homme dans la

production des biens matériels.

INTERETS DU CHAPITRE

Les intérêts de l’étude du thème de l’homme sont multiples sur le plan de la

pratique et de la théorie de la science économique :

D’abord ces questions ouvrent la science économique à la redécouverte de la

richesse et de l’homme. La définition de la science économique en tant que science de la

richesse est une ironie pour la science économique car les propos de cette discipline

relèvent plus de la pauvreté que de la richesse, des biens matériels et non du « bien-être »

ou de « bonheur » - un thème déjà ouvert en philosophie – et même de l’homme. En

remettant le thème de l’homme dans les discussions économiques, par la prise en compte

de la production de thème de l’homme, la définition de la richesse et le fondement de la

science économique ainsi que l’épistémologie de la science économique vont certainement

être remises en cause ; mais par cette voie, et un deuxième intérêt, nous ouvrons la science

économique au domaine de la science de l’homme. En parlant de l’homme, nous parlerons

de la richesse par le thème de la vie et des activités de l’homme.

La science économique flirte avec certains vocabulaires et thème de disciplines

connexes tout en imposant sa démarche et son mode de raisonnement, sous prétexte que ce

sont des phénomènes sociaux dont « les causes immédiatement déterminantes sont en

première ligne celles qui agissent par le désir de la richesse, et dont la principale loi

psychologique, familière à tout le monde, est qu'on préfère un gain plus grand à un

moindre. » (MILL, 1866, page 61, Ed électronique). Nous dirons, pour notre part, que les

causes déterminants de la plupart des phénomènes sociaux sont la représentation de

l’homme, nous parviendrons, certes à une nouvelle vision du fondement de la science

économique l’économie qui n’est plus la loi psychologique de la préférence, ni le constat

de la rareté, mais la recherche d’un nouveau programme de connaissance humaine : la

recherche de l’homme.

Par ailleurs ce chapitre ouvre le champ d’observation (les réflexions consignées sur

ce qui se dit – et non pas sur ce qui est dit – sur l’homme) de l’économie. D’abord, ce

chapitre s’interroge sur le déclenchement du processus de développement ou de la

croissance économique dans un contexte où les facteurs économiques de croissance et de

Page 75: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

72

développement désignés par la théorie économique font encore défaut. La question se pose

dans la spéculation sur ce que « l’archê » du système économique, le système économique

original, avait été, avant même que les concepts économiques génériques ne viennent nous

en rendre compte. Il s’agit de décrire l’économique avant que la science économique n’ait

approprié le discours39. Les réflexions sur le contenu du discours sur l’homme (première

section) sont la réponse apportée par ce chapitre.

Ensuite, ce chapitre se veut être une critique de la façon de concevoir

l’économique. Son corpus (les réflexions consignées sur ce qui se dit sur l’homme) fait de

lui une philosophie critique de la pensée économique, une science économique qui, en

plagiant le propos de sur la philosophie, se moque de l’économie40. Il est de la démarche

philosophique dans le sens que le philosophe Gilles DELEUZE accorde à ce mot : de la

production d’idées, et pas de n’importe quelles idées, mais des idées de la représentation de

l’homme, des idées de l’ « ego » philosophique (NADEAU 2006) (DELEUZE 17 mai

1987) ; il est un dépassement de la recherche du savoir sur l’économie pour n’être qu’un

partiel compte rendu de la science économique41. Il impose des questions relatives au

passage de la littérature vers la philosophie se posent : en effet, l’homme présenté dans ce

chapitre est celui qui est représenté par … son art, le faire et le dire. Ce chapitre alors aurait

pu été une réflexion sur l’homme décrit par Lewis CARROLL (1832 – 1898) dans son

« Alice au pays des merveilles » et au lieu de raisonner avec un miroir produisant un sens

non familier, nous avons en place, l’art et les produits artistiques. Nous avons utilisé dans

ce qui suit la littérature ou plus précisément l’imagination de Lewis CARROLL, comme

l’a fait avant nous, le philosophe DELEUZE pour élaborer sa théorie de non sens. La

question qui en découle, étant donné la place de la littérature dans l’économie, est quel est

l’impact, en retour, de l’analyse économique sur l’avenir de la littérature. Cette question est

étudiée par Anne TOMICHE en ce qui concerne l’influence de la littérature sur la

confection de la philosophe de DELEUZE (TOMICHE 2002) et par Claire DAVISON-

PEGON de l’Université d’Aix-Marseille, pour étudier l’intraduisible comme non-sens.

39 A ce sujet, certaines réflexions considèrent que la situation ne relève plus de la science économique ; ce qui est faux d’ailleurs, car la science économique n’est pas la science de ses propres concepts. 40 Cette phrase de DELEUZE est citée par Gislain Di CARO dans « Theodore Herzl sur le divan de Gilles Deleuze » (DI CAPRI 2006). Dans cet article Di DARO compare la réception des idées de deux fondateurs d’une nouvelle communauté, GIBALDI sur la configuration de l’Italie, et Theodore HERZL pour la fondation de l’État d’Israël. 41 N’est-il d’ailleurs pas vrai que « n’est piètre économiste que celui ne connaît que l’économie » ?

Page 76: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

73

FREUD avait aussi écrit des articles sur l’interprétation de l’art, plus

particulièrement de certains points obscurs ou inexpliqués dans le produit artistique.

FREUD y voit une manifestation de l’inconscience que l’artiste utilise pour valoriser

l’ensemble de l’art, à l’insu des contemplateurs subjugués par l’art en question. Il a

consigné et analysé le comportement du spectateur devant l’art – et qui, il me semble est

un récit de la manifestation du syndrome de Stendhal42.

Nous allons alors rendre compte et consigner la représentation de l’homme, que

nous considérons, en conséquence, comme un fait économique élémentaire – avant les faits

de la production, de la consommation ou de l’échange. Ensuite, nous allons insérer ou

cribler ces faits de représentation de l’homme par lui-même sous le sas des concepts et

d’analyses économiques.

L’intérêt de ce chapitre réside aussi dans le fait qu’il porte une réflexion sur le récit

des moments forts de la vie humaine, et une exploitation de la nature insoupçonnée de

l’homme qui pousse ce dernier à extérioriser ce qu’il est lui-même – la production de ce

qui est intériorisé chez l’homme – est pathologique à plus d’un titre : d’abord, il dénonce la

présence d’une volonté de se découvrir (parce que l’homme se sent malade d’être caché) ;

en outre, il ouvre une question psychanalytique du totem et du tabou (ainsi faisant, cet état

d’esprit reprend le thème traité par FREUD dans son « Totem et Tabou ») ; enfin, il

affirme que le subjectif, le personnel, l’arbitraire ou autres conceptualisations de ce qui

émane de l’individu, ne sont pas coupables.

Les représentations de l’homme ou certaines d’entres elles, en effet, montrent les

moments forts de la vie de l’homme, sa rencontre avec la nature, avec la divinité, ou avec

ses paires, des moments interdits, déterminants et fatals, sinon, tout simplement

représentatifs, une position dans une bribe de temps en train de s’écouler, ce moment fort

est alors une rencontre de l’homme avec lui-même, le moment fort retracé et figé dans les

positions artistiques d’une sculpture ou des récits sont des moments durant lesquels

l’homme peut se découvrir lui-même et se remet en cause son existence.

42 Le syndrome de Stendhal est un comportement irrationnel momentané d’un individu durant la contemplation d’un but qu’il s’est assigné : le cas le plus fréquent est celui d’un fan devant son idole, ou d’un touriste devant un tableau d’un peintre de renom. L’écrivain français STENDHAL (1783 – 1842) en a éprouvé et raconté le sentiment, et les médecins se sont accordés pour lui donné le nom de la maladie. La communauté scientifique en a pris conscience, lorsqu’un touriste japonais normal d’esprit s’est mis à jeter du café sur la toile de la Joconde ; mais auparavant, les agents de sécurité réalisent que certaines personnes perdent connaissance lors de l’apparition d’une vedette artistique.

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74

C’est cette remise en cause de soi, ou plus précisément le processus qui déclenche

la remise en cause de soi, entraînant un élan vers la production qui est économique : l’art

provoque l’activité économique par le fait qu’elle engendre la production, le besoin de

facteurs et fixe le produit à produire. Il y a donc un art initial qui déclenche l’économique

lorsque la situation de la production n’existe pas encore43. La formation de la pensée

économique et l’universalité de la pratique de l’art sont des énigmes, plus spécialement

pour les économistes, dans la mesure où ces puissances artistiques sont effectuées dans un

fonds de degrés variable de pauvreté matérielle. L’esthétique se moque certes de la

pauvreté matérielle, et l’abondance n’est pas toujours le vecteur de la beauté, comme la

pauvreté n’est pas forcément laide ; et en poussant à l’extrême notre réflexion, nous dirons

aussi que le savoir faire dans la représentation de l’homme ne permet pas pour autant de

résoudre les problèmes matériels touchant directement l’homme, car la satisfaction de

besoin, l’organisation de la production et le choix des produits obéissent à des

préoccupations différentes de la beauté, mais de l’efficacité. Face à cette situation, les

économistes ont fait un choix, en abandonnant la recherche de l’homme total pour ne

s’intéresser qu’à l’homme réduit à des fonctions économiques ; leur axiome de

comportement ne retrace que les fonctions de production ou de consommation, sinon des

prédispositions supposées naturelles ; ils ont choisi de ne regarder que la partie de la nature

en rapport avec le besoin, alors que les hommes pratiquent aussi l’art. Nous sommes

encore devant une de ces causes du malaise de l’homme de bien.

DEMARCHE POUR PRESENTER L’HOMME DUAL IDEAL

Pour atteindre les différentes réflexions sur l’homme, nous allons regarder, lire et

interpréter la construction de la représentation sur le comportement de l’homme à partir de

la formation des textes. Cette question est comparable à celle de l’étude des effets de la

production sur le producteur, et d’une façon générale à la confrontation des théories aux

modèles. Tout modèle est un produit de la théorie, mais Théoriquement, cela provoque

trois approches de la situation : ou bien un effet cybernétique (la production engendre des

actions correctives pour que le producteur puisse produire une œuvre conforme à sa

pensée), ou bien un effet systémique de la production (la production engendre des rebuts

qui seront pris en compte dans la production future). Ceci conduit alors à se poser des

questions sur le rapport entre ce qui est dit et ce qu’on a voulu dire (dans l’art et dans la

43 Cette affirmation est une reprise de la philosophie aristotélicienne de l’action parfaite ou du but parfait décrit dans « L’éthique à Nicomaque ». Nous dirons seulement que l’économique continue l’éthique.

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75

littérature), ou dans le contexte économique, de l’attitude du producteur de représentation

de l’homme vis-à-vis de ses intentions. Troisièmement et le plus important, la formation

d’affirmation assertorique de la réalité conjointe de « l »’homme et de l’image de

l’homme.

Dans cette quête de l’Homme, nous allons en quelque sorte, collecter et recueillir

les traces dicibles laissées par l’homme (activités de pistage de l’homme)44 pour nous

rapprocher seulement de ce qu’est la représentation de l’homme et d’entrevoir l’homme à

travers ce qui est dit en permanence sur lui. Ce dicible permanent est l’homme narré par

des narrateurs de générations ou de cultures différentes à partir duquel se construisent les

discours économiques. Pour cela, nous porterons nos réflexions sur la consignation de ce

qui est narré narration de l’homme dans une « Section I – De l’appréhension des réflexions

sur la représentation de l’homme ». Ces réflexions sur l’homme hypothétique sont alors à

séparer de ses encroutements rhétoriques pour laisser paraître le véritable homme sur la

base commune duquel se discutent l’homme, la vie et leurs connotés. La section 2 du

chapitre intitulée « Section II – Des réflexions sur l’ensemble des représentations de

l’homme » jette les bases ou les matières premières de la construction de l’esquisse de

l’homme représenté. Avec cette deuxième section, nous avons alors plus ou moins cerné le

contenu et le contenant du discours sur la représentation de l’homme. Nous pouvons alors

pénétrer et arriver dans la profondeur de ces discours pour identifier finalement ce qu’est

l’homme (activités de débroussaillages de ce qui se dit sur l’homme)45. Dans cette quête,

notre vision de l’homme est un être faisant corps unique avec ses produits ; producteur et

produit sont les mêmes entités

44 Il s’agit en apparence de travail d’anthropologue, mais à la différence de ce dernier, nous ne recueillerons que les objets laissés non pas insidieusement et malgré lui par l’homme, mais les traces qu’il a sciemment délaissées pour montrer non plus son extérieur, mais l’invisible qui est à l’intérieur de l’homme lui-même. 45 Dans cette démarche, alors, notre méthode s’apparente à celui de la psychologie faite non pas par un psychologue extérieur, mais par l’homme lui-même. Il s’agit alors de l’auto-psychologie, ou encore de l’auto-introspection qui selon les économistes – pour ne citer que Von MISES – avec laquelle se comprend la microéconomie.

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76

SECTION I – DE L’APPREHENSION DES REFLEXIONS SUR LA REPRESENTATION DE L’HOMME INTRODUCTION :

Le thème de l’homme est une marchandise, car des demandes (sous forme de

besoin de savoir et d’exportation de savoir par le biais de moyens de communication) et

des offres (sous formes de productions littéraires et artistiques) existent. La demande peut

être le résultat des contraintes sociopolitiques et culturelles dans le cadre du diktat de la

tradition ou de la modernité, alors que l’offre, celui d’une politique culturelle nationale ou

tout simplement de débats spontanés. Des questions sur certaines composantes du thème de

l’homme (et de la femme) n’ont pas été répondues à cause d’une insuffisance relative

d’informations appropriées et à cause de la rapidité de l’évolution de la question. Le thème

du corps, par exemple, n’a pas été suffisamment développé et statué que des questions se

portant sur la forme du corps ou la posture du corps sont encore en suspens. Des colloques

et des séminaires entre des spécialistes ainsi que des travaux de chercheurs isolés offrent

certes quelques éléments de réponse, mais la production est loin de satisfaire la demande.

Conséquence, le marché de thème de l’homme est dominé par la demande.

La question : Qu’est-ce que l’homme dit de lui-même ?

Cette question (qu’est-ce que l’homme dit de lui-même) vise à évaluer les limites

de la raison et du non raison par ce qui est dicible. Son intérêt économique est pour la

construction de l’homo œconomicus la dé-monstration – c’est-à-dire la transformation de

la représentation de l’homme de l’économie en une représentation plus familier – de

l’homo œconomicus en atténuant l’hypothèse forte de rationalité qu’on lui assigne.

La construction collective de la représentation de l’homme par l’inclusion de celle-

ci dans un thème de débat ou de discussion collective est une problématique universelle et

non historique de l’humanité que seuls le cadre de discussions et le support ont évolué avec

l’extension de ses participants à des individus anonymes, grâce à l’utilisation des

technologies de communication et à l’évolution de l’écriture et des supports de leur

conservation. Elle participe à la de-monstration de l’homme. Certaines de ces réflexions

ont été consignées généralement dans des articles portant sur l’histoire, la religion, dans les

représentations graphiques artistiques, ou encore à travers des sons artificiellement

combinés en vue de signaler une présence ou une intuition forte. Dans le temps, en outre,

Page 80: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

77

la réflexion se place aussi bien dans les réunions entre des individus socialement pauvres et

sans cultures que dans les assemblées des riches et des intellectuels. Malgré la fréquence

de ce sujet, il n’y a pas vraiment de consignation des propos tenus permettant de faire

évoluer le sujet : on parle de l’homme, on revient sur ce sujet, et on en reparle encore. En

outre, les statistiques font défaut pour mettre en relief l’importance et la place du thème de

l’homme dans les conversations, dans les discussions et autres joutes oratoires.

Des disciplines, comme la sociologie et la science de la communication, la science

politique, ont étudié la question dans le cadre de la communication entre des individus.

Pour eux, le thème de la représentation de l’homme relève de la formation de l’idée, et le

discours à ce propos relève de l’idéologie. Mais la sociologie cache l’homme derrière son

appartenance social (groupe, culture, etc.). Elle montre la société, mais pas l’homme ; et

même si elle parle de quelques groupes d’hommes, les individus qui figurent de chacun de

ces groupes ne formeraient pas l’image que se fait l’homme de lui-même. Les sociologues

ont alors développé le concept d’ « individu représentatif » pour parler du profil de

l’individu d’une circonstance précise. En outre, leur réflexion est dominée par le désir

d’instrumentaliser le produit de la représentation de l’homme sinon le discours lui-même.

La représentation de l’homme est alors un instrument de la science politique, des études

publicitaires et du marketing. Ces disciplines s’attèlent alors à l’étude de l’homme en

transformant ce dernier en objet. Pour notre part, nous étudions non pas l’homme mais le

thème de l’homme. Nous voulons parler de « l »’homme par « l »’homme et non pas par

les groupes sociaux ni par la divinité ; notre réflexion se porte sur ce que l’homme dans

son ensemble dit de lui-même

Démarche vers la question

Notre disposition intellectuelle de formation de la question est la suivante : Nous

jetons un regard inquisiteur sur l’homme et … sur nous même, car notre position ou notre

attitude ne nous permet pas d’éviter de nous comporter différemment de l’homme ; nous

nous posons alors les questions génératrices suivantes : comment, chez l’homme, se forme

le thème de l’homme ? (dans notre cas particulier, la question est : « comment ai-je pu

avoir cette question sur le sujet de l’homme ? ») ; Est-ce qu’il y a des circonstances qui

provoquent le thème de l’homme dans une réflexion humaine ? (en l’occurrence, « ma

pensée est-elle déterminée par des circonstances silencieuses atemporelles ? »). Pour lier

un cas particulier à celui de l’homme en général, nous posons comme hypothèse qu’il y a

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78

des moyens avec lesquels l’homme forme le thème de l’homme mais que ces moyens

n’apparaissent que dans des circonstances précises, nous nous demandons « qu’est-ce qui a

été retenu comme processus circonstancié de la formation du thème de l’homme ? ». Cette

question est ambivalente dans la mesure où le déterminant du thème de l’homme est posée

ou non à priori. Si le déterminant du thème de l’homme n’est pas posé à priori, la question

est : « quel est ou quels sont le ou les déterminants du thème de l’homme ? ». Dans le cas

contraire, elle est : « étant donné le déterminant du thème de l’homme, quelle est la relation

entre l’homme et ce déterminant ? » ou encore « comment l’homme cohabite-t-il avec son

ou ses déterminants ? » Dans ce dernier cas et en psychologie, la question aurait été

formulée de la façon suivant : quelle est la fonction de la formation du thème de l’homme.

Notre démarche n’est par originale ; en sociologie, elle est dénommée une

démarche ethnométhodologique élaborée par des sociologues, alors qu’en économie, elle

est plutôt connue sous les termes de « introspection » et a été utilisé par HAYEK.

Notre objectif n’est pas de répondre à ces questions, mais seulement de les utiliser

comme repère pour nous guider vers le problème de la représentation de l’homme. Le

premier questionnement, en effet, nous invite à faire une exploration des différentes

civilisations humaines en vue d’établir un inventaire des processus, des moyens et des

circonstances de la formation du thème de l’homme, en étudiant respectivement les faits de

la construction de la représentation de l’homme par la narration par ses thèmes de

prédilection ( inventaires des expériences narratives des groupes humains) et d’en dégager,

par déduction, la loi de la formation du thème de l’homme, c’est-à-dire les circonstances

objectives engendrant des réflexions sur l’homme (voir paragraphe 2).

Le deuxième questionnement inscrit la formation du thème de l’homme dans un

champ de concepts, d’arguments et de thèmes préalables avec lesquels est construit le

thème de l’homme. Il s’agit alors de vérifier la validité et la réalité du contenu du champ

rhétorique de la construction du thème de l’homme. La démarche est inductive, et le

produit de la recherche serait une démonstration et d’évaluation de la contribution d’un

phénomène insoupçonné dans la formulation du thème de l’homme. Cette démarche est

celle utilisée dans les rhétoriques de certaines civilisations : la civilisation utilisant la

langue sémitique avec leur « monde d’exemples » ainsi que la langue malgache avec le

« oha-pitenenana ». Tout est dans le choix du phénomène à démontrer et à évaluer.

Page 82: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

79

L’intuition du chercheur et l’expérience non encore théorisée de l’homme et l’imagerie des

langages apportent les éléments du champ rhétorique du thème étudié.

Nous avons utilisé les deux démarches : nous n’avons certes pas fait une

exploration de tous les mots et thèmes avec lesquels toutes les communautés et

regroupements humains ont élaboré leur thème de l’homme pour en tirer une loi sur la

formation du thème de l’homme. Nous nous sommes contentés des faits des communautés

antiques qui ont influencé l’actuelle puissante civilisation méditerranéenne de l’Antiquité

rayonnant dans le monde d’aujourd’hui ; il s’agit des civilisations judéo-gréco-romaines.

Ces civilisations ont fait l’objet d’études archéologiques et de rapports scientifiques et

littéraires approfondies, et leur antiquité subsiste encore dans la façon de penser de

l’homme actuel. De ces civilisations, plus particulièrement, la civilisation judaïque, nous

avons tiré le fait pertinent de la construction de la représentation de l’homme. En effet, si

une recherche sur la construction de la représentation de l’homme au niveau de toutes les

communautés humaines a été faite, certainement des éléments rémanents du thème auraient

été trouvés, sinon la communauté hypothétique de notre théorie serait une communauté

non humaine. Conséquence, point n’est besoin de fouiller dans toutes les communautés du

monde pour chercher ce qui est récurent, car chaque façon dont une communauté construit

sa représentation de l’homme comprend des éléments qui se rencontrent également chez

d’autres. Aussi avons-nous choisi la théorie biblique de la construction du thème de

l’homme parce qu’elle recèle des informations sur le thème de la construction du thème de

l’homme qu’on peut rencontrées dans d’autres communautés et surtout parce qu’elle est

largement diffusée et qu’elle fait l’objet de nombreux études et de critiques de la part de

ses partisans aussi bien que de ces délateurs. La représentation biblique de l’homme

contient des éléments récurrents de la problématique de la mise en thème de l’homme.

Une fois statuée cette source d’information, il nous faut alors relever les

morphèmes contenu dans chaque mot avec lesquels se construisent le thème de l’homme

afin de trouver la racine commune des mots pour dégager la véritable idée désignée par ces

termes dans leur contexte originel.

Ainsi, en remettant en question les évidences que l’on croit acquise et sur lesquelles

sont construites la science économique, nous voulons identifier le sens ou la signification

du processus d’élaboration du thème de l’homme ; autrement dit, nous mettons le

processus de la formation du thème de l’homme comme un objet d’une réflexion

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80

approfondie des discours sur l’homme ; tel est l’objet de la présente section. Son but est de

préparer le terrain pour jeter les bases théoriques de la reconstruction du thème de

l’homme.

Le moyen que nous déployons, donc, est le démarquage vis-à-vis de la description

de l’homme que nous rend compte l’anthropologie en général, l’ouverture de

l’anthropologie à un problème généralement attribué à la philosophie du langage par un

dépassement de l’anthropologie du langage. Il consiste à élaborer le discours sur le thème

non pas de l’homme mais sur le thème lui-même de l’homme (c’est-à-dire le thème intitulé

« le thème de « l »’homme ») n’est pas faisable par l’anthropologie, car il est construit sur

une question fondamentale de l’anthropologie : « pourquoi l’anthropologie fait-elle de

l’homme – et non pas le thème de l’homme – son objet de discours ? ». Une relecture

anthropologique du thème de l’homme serait donc nécessaire sous forme d’épistémologie

de l’anthropologie, d’où découle le thème de la présente section : De l’appréhension des

réflexions sur l’homme. Si l’anthropologie avait aussi capturé par la description, non

seulement l’homme, mais aussi la réflexion sur l’homme, alors cette première section

aurait été inutile, il nous suffirait de rendre compte les descriptions anthropologiques de

l’homme.

D’emblée, nous avouons que notre objectif est défendre l’idée selon laquelle

« l »’homme se démontre lui-même par la construction de modèle de représentation, et tout

cela pour justifier un principe méthodologique utilisé par la science économique dans sa

quête d’information sur l’homme : l’introspection.

PARAGRAPHE 1 – LES CADRES THEMATIQUES DU THEME DE L’HOMME

A la recherche de la voie menant vers la découverte de ce que la narration a construit en matière de la représentation de l’homme

Le thème de l’homme consigné matériellement sous forme de littérature ou de l’art

nous provient de deux catégories de récits différents : de l’Occident industrialisé et des

autres communautés découverts par les voyageurs et les anthropologues quelques temps

après la Révolution industrielle. En Occident, il était caché dans les débats philosophiques

(notamment l’éthique), dans les récits mythiques et religieux, dans les critiques de l’art

(l’esthétique et la représentation), dans les correspondances épistolaires. Il a évolué avec le

Page 84: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

81

changement de cadres (détermination sociologique du thème de l’homme), de thèmes

associés (détermination culturelle), de support de communication (détermination

technologiques et économiques46). Matériellement, le thème de l’homme est composé

d’idées éparpillés dans l’histoire de la philosophie, dans les différentes traités de

philosophies, dans les différents lectures et commentaires des documents, etc., dans des

vocabulaires des volumineux dictionnaires des mots, dans la lecture des minuscules bouts

d’idées contenus dans les parchemins, ou gravés sur de morceaux de tablettes de pierres

sculptées, ou sur un pan d’une paroi d’une tombe.

Nous nous intéresserons plus particulièrement à la construction littéraire du thème

de l’homme, car cette voie comprend le problème de choix de mots, et non pas une quête

de forme de l’homme. Dans la description littéraire de l’homme en effet, il y a un savoir

discursif faisant l’objet de critiques, d’accumulation de connaissances et finalement une

construction collective qui peut être élevé au niveau de l’homme en général ; alors que la

représentation sculpturale s’arrête avec la production finale de l’artiste. La description

littéraire de l’homme ne s’arrête pas. Nous pensons même que l’ensemble de descriptions

remplit ou accomplit une représentation collective de l’homme et répond à une question

implicite de : « comment l’homme se représente-t-il lui-même ? ».

Effectivement les variétés peuvent se porter sur la façon de mener l’introduction au

sujet. Thomas d’AQUIN, dans la « Somme théologique » et la bible, par exemple traite le

thème de l’homme en commençant par des sujets sur Dieu, ensuite sur la nature, puis

l’homme et la morale, pour revenir à Dieu par les sacrements. Mais il n’y a pas seulement

que cette démarche pour ouvrir le thème de l’homme. La Bhagavad-Gîtâ, un livre de chant

utilisé dans la religion hindou, discute de l’homme à partir d’un récit sur la réflexion

portant sur le sens de combat entre des personnes illustres et notables : pourquoi des

individus aussi sages et intelligents passent-ils par les armes ? la sagesse est-elle donc

inférieure à la force ? pour répondre à ces questions, la réponse est dans le sens du devoir

et dans la nature de l’homme.

D’autres méthodes permettent aussi d’entrer dans le thème de l’homme : en

décrivant l’homme étant donné des non-hommes. Cette conception révèle d’une autre

46 Le thème de l’homme se développe en fonction du temps et des moyens disposés. Or ces derniers font l’objet de calcul économique (exemples gain matériel future obtenu à la suite d’un échange conversationnel sur le thème de la vie quotidienne, coût financier de conversation sous forme de crédit téléphonique, ou de timbre postal).

Page 85: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

82

façon de concevoir le thème de « l »’homme attestant le caractère dual de ce sujet : un

instrument de production et un produit.

De la demande du thème de l’homme

La valeur du thème de l’homme est concrétisé par l’attention qu’on y a accorde à ce

propos. Exemples : il se peut que les tableaux sur la nature morte coutent plus ou moins

chères que les portraits. Les communications verbales sur le thème de l’homme s’évaluent

par le temps et l’attention accordés. Les recherches anthropologiques portant sur les

chasseur-cueilleurs des milieux non urbains montrent que l’activité de production dépense

moins de temps que la communication47 (ARCAN 1988). Puis la réflexion a été transposée

dans le domaine de l’agriculture, en pensant que dans ce dernier secteur, la productivité de

travail est moins élevée, et le temps accordé à la réflexion sur le thème de l’homme va être

réduit. Les anthropologues vont encore démontrer l’égalité de la productivité de travail

dans les branches agricoles et dans la chasse du secteur agricole (ARCAN 1988, page 8).

Mais des recherches spécifiques sur le temps consacré à la production du thème de

l’homme font défaut. Par contre, les vestiges de temples et de lois sociales laissées par les

habitants des vallées où l’agriculture se pratique ne laissent aucun doute sur l’existence de

quête de thème de l’homme auprès des agriculteurs.

L’échange et la communication occupent une place importante dans les

communautés humaines autant que la production. L’importance de la communication se

mesure par le temps et par le prix qu’on lui accorde. Il s’agit du prix de l’information ou du

prix de l’acquisition de la communication, les charges d’apprentissages pour intégrer dans

un réseau de communication. Son impact sur la production peut être immédiat ou différé.

Les thèmes élaborés pour rendre compte des faits d’une autre communauté peuvent être

repris et vérifiés dans une autre communauté sans que soit nécessaire de reprendre toute la

démarche faite dans la communauté d’origine du sujet en question. Dans ce sens alors, les

instruments partagés de communication apportent d’économie pour l’ensemble de la

communauté linguistique concernée. Dans ce cas, la demande de thème de l’homme

s’inscrit implicitement dans le groupe linguistique.

47 Les observations ont été faites auprès de !Kunq et des Hadza. Le constat de la supériorité relative du temps de communications sociales par rapport à celui de la production proprement dite a entraîné une déduction faussant les bases de l’économie : l’opulence existe hors de la production industrielle et elle permet à la population de s’adonner à des activités non productives.

Page 86: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

83

En posant dans un groupe linguistique la formulation du thème de l’homme permet

d’extraire celui-ci hors de la détermination de l’imagerie provoqué par les reliefs

géographiques dans lequel est confiné le narrateur particulier fabricant du récit sur le

thème de l’homme et en même temps, de façon à ce qu’il soit inscrit non pas dans le fil

d’inspiration du narrateur, mais dans un système d’images et de symboles véhiculés par le

groupe linguistique. Une nouvelle représentation de l’homme apparaît, notamment

composée – dans le cas d’un homme – d’objets et matériels variant avec la culture ou avec

la personnalité de l’homme en question. Pour ce qui est de l’a représentation de l’homme

en général, la représentation de l’homme n’a pas pu été localisée dans un lieu (espace

sociologique) ou matérialisée par des objets porteurs de valeurs (homme identifié par la

culture ou par la civilisation). Dans la littérature indo-européenne, par exemple, le thème

de l’homme est connoté aux thèmes de fertilité et de sexualité, de héro, etc. Les récits des

tragédies nuptiales des démiurges grecs confirment ce propos : les dieux sont avides de

rapports sexuels ; de leurs accouplements sortent des êtres qui ont pris la forme et les

caractères de leur géniteur (exemple le rapporte entre la terre et le ciel). Peut-être que cette

forme de littérature est-elle celle d’un individu vivant de l’agriculture et de l’élevage et qui

est toujours préoccupé par des problèmes de fécondation et de stérilité. C’est pourquoi,

nous n’avons retenu que les termes en rapport avec la sexualité, étant donné les thèmes de

fertilité et de fécondité qui prévalent avec la construction de l’élevage et de l’agriculture.

En matière du regard sur l’homme, nous distinguons deux aspects de types de discours :

celui qui rapporte l’immédiat et le concret sur l’homme et celui qui cherche l’aspect

immatériel de l’homme. Voici quelques exemples d’images symboliques en usage dans la

littérature indo-européenne et qui servent à élaborer le discours sur l’homme :

- Les puits sont l’image sexuelle féminine ; comme le serpent représente la

fécondité masculine

- L’amour est comparé au feu, et les termes connotés à ce dernier est le monstre,

car il « dévore »

Dans la suite de cette idée, on peut aussi chercher la représentation de l’homme par

les thèmes iconographiques. Selon l’encyclopédie ENCARTA, les premiers symboles

iconographiques ont été retrouvés en Egypte 3000 ans av. J.C. Ils présentent Dieu sous

forme d’humain à tête d’animal : une déesse-mère, HATHOR, était représentait sous forme

humain avec une tête de vache, alors que le dieu RE est figuré avec une tête de faucon. En

Grèce, Dieu était aussi représenté, mais avec ses objets symboliques : de la foudre ou de

Page 87: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

84

l’aigle, le dieu de l’art tient une lyre, et la déesse de la chasse, un arc et un carquois. Dans

la religion hindoue, le symbole est utilisé pour rappeler les faits de la divinité. La liste ne

peut pas être close. Nous retenons cependant que les objets matériels ont été utilisés par

l’homme pour représenter ce qu’il ne peut pas décrire et dessiner.

La façon dont la civilisation conceptualise leurs observations nous intéresse et non

pas leur système de concevoir le monde bien que ces deux thèmes soient inséparables :

d’un côté, il y a le phénomène, l’objet sur lequel se porte la réflexion, et de l’autre côté, les

mots avec lesquels le phénomène est intériorisé et consigné. La pratique de l’élevage et de

l’agriculture a permis aux ancêtres indoeuropéens de concevoir le monde comme un

processus où les hommes participent au même titre que d’autres déterminants inconnus de

la vie et non pas comme une donnée.

Pour exploiter les matériaux linguistiques, pour isoler les mots, les images et les

concepts avec lesquels l’homme est conceptualisé et discuté, on est tenté de mettre

seulement en valeur les produits conceptuels issus des classifications des auteurs ayant

parlé directement ou indirectement de l’homme pour avoir une indexation des thèmes de

l’homme. Cette approche est d’ailleurs rendu facile grâce à la technologie de l’information,

plus particulièrement les moteurs de recherche sur Internet et la commande « search » sur

des fichiers numériques. Mais l’indexation et l’usage d’Internet ne permet pas de saisir les

vraies dimensions du thème de l’homme, les causes qui poussent encore à parler de

l’homme, malgré tout ce qui a été déjà fait. La requête sur Internet ne satisfait que les

besoins d’information sur un thème, en l’occurrence le thème de l’homme, mais elle cache

la partie intime de l’homme, le besoin, qui pousse à cette requête sur le sujet de l’homme.

Une autre voie consiste à partir d’une étude d’une construction largement reconnue

de modèle de l’homme en vue de dégager les différents concepts et démarches narratives

permettant la construction du modèle en question. Plusieurs modèles se présentent :

Chez les Grecs et dans l’iconographie égyptienne, la construction du thème de

l’homme prend naissance dans un à-priori d’une représentation anthropomorphique de la

divinité. Les divinités sont racontées dans leur démarche et activités semblables à ceux de

l’homme. Exemples, les dieux « parlent », « expirent », ou possèdent un souffle,

« écoutent », « discutent » et entendent », etc. Peut-être que les dieux ne parlent pas

vraiment, ni soufflent, ni entendent de la même manière que les hommes, mais la nécessité

de la compréhension de l’auditeur veut que ces mots soient utilisés pour rendre compte de

Page 88: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

85

ce que font vraiment ces dieux. Ces récits sur dieu indiquent aussi l’homme : l’homme

« parle », « écoute », « discute », etc. Les Egyptiens ont ajouté un élément supplémentaire

marquant la divinité et donc limitant l’homme : la divinité et les potentats sont représentés

par des individus de figure anonyme, mais identifiables par les objets qui représentent leur

symbole. Exemple le dieu Rê est identifié par un homme ayant une tête de faucon.

L’homme n’est donc pas un individu ayant une tête ou un caractère de l’animal

symbolique.

Dans la même foulée des Egyptiens des Pharaons, les peintres de la Renaissance,

représentent les individus par leurs objets symboliques ou identificateurs. Italiens ou non,

les peintres sont réputés pour leur savoir-faire dans la représentation de la nature et dans le

portrait de l’homme. Ils ont obtenu l’éloge des critiques pour leur sens du beau. Ils restent

cependant attachés à des points ou à des valeurs qu’ils veulent mettre en relief. Les muses

ou l’inspiration qui ont animé les peintres dans leurs œuvres relancent encore la question :

que cherchent ces artistes dans leur capture de la nature et du portrait de l’homme ? De la

forme ? Des qualités ? Des expressions ? Ne cherchent-ils pas en fin de compte

« l »’homme ?

Faut-il alors chercher la représentation de l’homme à travers les peintures

surréalistes et les autres formes non réalistes de l’art (la peinture abstraite par exemple) ?

Le surréalisme veut être une expression sous toutes formes du psychique : un

« automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit

par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée » écrivait André

BRETON en 1924, dans son « Manifeste du surréalisme »48. Il invite le fort intérieur de

l’homme (en l’occurrence du narrateur) à s’exprimer. Leur représentation est remarquable,

car elle cherche l’homme non plus à travers ses apparences, mais par son intérieur que le

rêve, l’inconscience, l’hypnose, le fantastique, le bizarre, l’étrange et l’inattendu fait

ressortir49. Le surréalisme s’insurge contre ce qui est raisonnable, c’est-à-dire

compréhensible par la raison ; il est une résistance désorganisée de l’homme contre la

domination de la raison. On ne peut cependant pas associer le surréalisme comme un

mouvement anarchique de l’homme ; il n’est peut-être anarchie que par rapport à l’ordre de

la raison ou par rapport à celui du sentiment. Mais en lui-même le surréalisme est du son

48 Voir Encarta 49 Voir Encarta, «Surréalisme ». 1993-2003 Microsoft Corporation

Page 89: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

86

ou du produit de l’intérieur de l’homme : du son, peut-être ou une représentation qui peut

aussi être une représentation collective. Le surréalisme ne décrit pas directement l’homme,

mais les évènements qui l’atteignent. Leur description ne vise pas à expliquer la

souffrance, mais à donner des mots pour avoir une idée ou une image précise de la

souffrance, que ses lecteurs sont vite transportés par le récit.

En effet, le surréalisme n’est pas le seul mouvement littéraire et artistique contre la

raison. Le romantisme a développé une affirmation selon quoi une relation existe entre la

perception de la nature (le sentiment de la nature) et sa ressemblance avec le sentiment

intérieur50 la sensation intérieure de l’homme. Le désordre extérieur, le désordre de la

nature) est perçu comme une malaise intérieure. De ce fait les propos vantant l’ordre de la

nature sont aussi des propos sur la paix intérieure. Ce n’est donc pas vraiment l’homme qui

est relaté – l’homme n’est qu’un contenant comme l’est la nature. La réalité est l’ordre et

son envahissement à la fois sur l’homme et sur l’extérieure de l’homme. Ce type de récit

fait vraiment abstraction de l’homme

L’impressionnisme pour sa part, ne cherche pas à capturer l’objet, mais à produire

une impression devant une représentation de l’objet. Conséquence, elle n’obéit pas aux

critères usuels du beau ; elle a même obtenu la raillerie des critiques – comme les peintres

de la Renaissance ont eu leur éloge –, leurs toiles sont des croûtes qui semblent « avoir

déclaré la guerre à la beauté » écrivait le journaliste Louis LEROY de la revue La Chivari

à propos d’un tableau de MONNET51. Leur point fort cependant est que leur tableau

provoque un sentiment défini comme une impression de quelque chose, une nécessité

d’investigation, comme si il renferme un secret. Le peintre du courant impressionniste

arrive à faire ressortir l’impression de quelque chose de l’intérieur de l’homme. Cette

impression cependant n’est pas permanente et de ce fait ne peut pas être partagée. Les

peintres impressionnistes reconnaissent la relativité de l’impression et localisent l’agent

impressionnant dans les jeux de lumières ou de couleurs. Pour notre part, ce type de

« feeling » devant une représentation nous intéresse, car il démontre l’existence (sous

forme d’impression) de ce que ne peut pas rapporter le tangible sur la pensée humaine ;

l’impressionnisme montre l’indicible et le non représentable artistiquement.

50 Voir Encarta, « Romantisme (littérature ». 1993-2003 Microsoft Corporation 51 Voir Encarta, « Impressionnisme (art) ». 1993-2003 Microsoft Corporation

Page 90: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

87

Plus proche de nous, les sculptures tandroy52 ornant les sépultures représentent

l’homme, non plus par la particularité de son visage, mais par ses aspirations matérielles :

la richesse en cheptel, le pouvoir détenu par les colonisateurs (présenté sous forme

d’effigie d’un bonhomme coiffé d’une casque coloniale), le tout paré des symboles de

portails menant jusqu’aux cieux. De même, les « Kabary » et autres littératures orales,

essaient aussi de se représenter l’homme.

Nous avons choisi la formation de la narration du thème de JESUS de la religion

chrétienne. Ce modèle, considéré comme une réflexion comparable à une autre sur

l’homme, représente l’aspiration typiquement humaine à la production d’une description à

la fois pour formuler (construction d’un modèle théorique) et pour incarner (identification

de l’homme-modèle) « l »’homme. L’existence de modèle de l’homme se démontre par la

récurrence de certains propos sur l’homme, dont on retrouve la trace aussi dans le modèle

choisi (la narration de JESUS).

Les apports du débat juif sur l’homme image de Dieu et ses questions

L’ensemble des réflexions sur l’homme peut se concrétiser par une véritable

représentation collective de l’homme, comme l’a fait la réflexion biblique sur l’incarnation

du verbe par JESUS53. De ce fait, la construction de l’ensemble des réflexions sur l’homme

est comparable à la problématique chrétienne de l’identification d’un individu en tant que

incarnation d’une construction collective (prophétique ou imaginaire, peu importe) qui est

aussi et en même temps une révélation de « l »’homme en général. L’idéal des produits de

la construction de l’ensemble des réflexions sur l’homme est celle qui synthétise toutes les

représentations et serait soit incarnée sous forme d’un personne. La religion judéo-

chrétienne a figuré clairement cette question dans ses thèmes sur l’affirmation de la venue

d’un sauveur et la vie de JESUS et surtout, l’affirmation selon quoi JESUS est

l’incarnation de Dieu.

Le thème de JESUS ouvre de questions diverses qui finalement conduisent tous au

thème de « l »’homme : Deux sujets s’en ont sortis : premièrement, la confrontation de

l’homme réel à celui de l’idéal collectif ; deuxièmement, la réalité de la construction

collective,

52 « Tandroy » un tribut malgache occupant la partie Sud et Sud-ouest de Madagascar 53 Voir La Bible, Nouveau Testament, Evangile selon Jean, Chapitre 1, verset 14 -

Page 91: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

88

Pour le premier sujet, les Juifs et ses scribes ont posé la question et le débat sur la

vérification de l’authenticité de JESUS en tant que MESSIE. Pour eux, l’idéal est consigné

dans leurs livres de prière : le Torah, la loi, les Psaumes et les livres de prophétie. A partir

de ces documents, une appréhension collective du MESSIE est construite ; aussi, il ne leur

reste pour eux que de vérifier le caractère messianique de JESUS. Le problème se porte

alors sur l’authenticité de l’idéal incarné.

Deuxièmement, la question est de savoir si la communauté humaine est-elle

capable de construire une représentation unique de l’idéal. Pour les sociologues, la réponse

est évidente : l’idéal de la société détient une fonction sociale précise ; il ne peut

qu’exister. Certains sociologues vont alors inventer leur incarnation non pas en indiquant

un individu nommé, mais une représentation de l’idéal de la circonstance. Pour eux, le

problème est la mise en relief le fait que cet idéal est celui qui représente

l’accomplissement de la situation. En théologie, par contre, la question est de savoir si

JESUS représente-t-il l’idéal de l’accomplissement religieux de son époque ou l’idéal de

l’homme. Cette question est l’objet de controverses doctrinales : les Aryens par exemple,

défendent le caractère historique de JESUS, alors que pour les chrétiens, JESUS est l’idéal

de l’homme terrestre.

Les Juifs, pour élaborer leur doctrine de l’incarnation, ont élaboré un ensemble de

concepts et de thèmes formant un matérau qui, une fois mis en correspondance avec des

matériaux issus d’un autre système de représentation de l’homme conduit à une sorte de

lieu d’arguments ou de discussion ou de formation de thème de l’homme.

Chez les Juifs, la « loi et le Torah », le nom de « JEHOVAH » comme

dénommination de la divinité, les lieux fréquentés par les ancêtres, ainsi que d’autres

concepts, sont tous pour autant des matériaux qui n’ont de sens que par des questions sur

l’identité de la Nation. A l’époque de JESUS, ces valeurs sont cependant ébranlés par

l’enseignement de JESUS (entraînant par la suits la formation du christianisme fondé sur

un regroupement des individus autour d’un autre questionnement sur l’accomplissement de

la loi). Ce n’est donc pas vraiment le Torah et la loi, ni l’appartenance à une lignée

généalogique d’ABRAHAM que JESUS a mis en relief, mais l’accomplissement vis-à-vis

du Torah et la loi, et l’appartenance à d’autres livres différents du livre de la loi que les

Juifs ont plus ou moins volontairement ignoré :.L’existence du Livre est mentionné dans

Page 92: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

89

l’Ancien testament, Exode Chapitre 32, versets 32 et 33, un livre de guerre est mentionné

dans Nombre 21 : 14- ; déotéronome 29 : 61- etc.

(Avec le christianisme, de nouvelles questions se posent sur la religion: qui sont les

individus ou l’homme qui sont inscrits dans le livre de la vie ? qui sont les individus qui

sont parfaits devant la loi ? Bref la réponse est celui qui incarnent la Loi et le Torah, ou

tout simplement l’idéal).

Les débats juifs pour vérifier l’authenticité de la réflexion sur l’homme-dieu qu’est

le Messie et ceux portant sur la nature divine ou non de JESUS ont dirigé la question vers

des réflexions sur les ancêtres fondateurs de la Nation (l’arbre généalogique menant

jusqu’à l’élu ABRAHAM) et par cette voie, en remontant en amont de l’arbre

généalogique, vers la réflexion originelle sur « l »’homme ... tout court. Cette trame de

discussions collectives juives se porte sur la trilogie dieu-ancêtres-« le Juif » ou

« l’homme ». Pour eux, leur thème de l’homme se localise dans le thème de l’ancêtre :

pourquoi et comment peut-on s’assurer que la personne dénommée est une réalité qui a

engendré la descendance future. Le chrétien a substitué le thème d’ancêtre par celui de

l’homme-dieu (JESUS) qui est devenu un « totem » avec lequel cette communauté

identifie ses membres. Le passage du thème « ancêtre » vers celui de « homme-dieu » est

une circonstance qui a ouvert le problème de la réflexion sur l’homme et sur l’archétype

des réflexions sur l’homme.

« Abraham », « ancêtre », « Jehovah » sont des apports conceptuels de la

construction juive du thème de l’homme. On remarque la différence entre la démarche

juive et celle des Grecs en la matière : les Juifs (et ses influencés dont entre autres les

chrétiens) discutent du thème de l’homme, en termes correspondant du concept actuel de

« citoyen », alors que les Grecs retracent le thème de l’homme à partir de l’incarnation de

la divinité : un dieu qui prend la forme humaine (pour épouser une femme humaine, par

exemple54). Le lien conceptuel de la formation du thème de l’homme dans la pensée juive

est la suivante :

Thème de l’homme Thème de patriarche (ABRAHAM, ADAM) Thème de

divinité JEHOVAH

54 Ce thème se rencontre aussi dans la bible (Voir La bible, L’Ancien Testament, Livre de Genèse, Chapitre 6, versets 1 et -

Page 93: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

90

qui se lit de la manière suivante : le thème de l’homme provient du thème de patriarche (le

choix d’ABRAHAM et la création d’ADAM) lui-même provient du thème de la divinité

(la préexistence de JEHOVAH). Le fond théorique du thème de l’homme est la

détermination divine de l’homme : le dieu eternel agit par la création de l’homme, par son

choix en faveur d’« un » homme, et par la réalisation de ses promesses. L’oracle divin a

donné le statut de l’homme : un être déchu du monde de la divinité et sauvé par le don des

lois divins et des livres de prières. En outre, le thème de l’homme se présente comme une

construction collective de l’éthique comprenant surtout de l’attente de l’avènement du

MESSIE. Si JESUS est donc la représentation de l’homme annoncé par les prophètes, sa

vie entière devrait être retracée dans les propos messianiques des prophètes dont le

fondement est dans l’oracle divin du choix d’ABRAHAM ; il n’est pas au dessous de la

loi, comme il le prétend, il est astreint à suivre l’éthique.

Vers la reconstruction des liens entre les concepts pour la construction de la représentation de l’homme par la narration

Les propositions et les concepts inventés par les Juifs et les chrétiens pour réfléchir

sur JESUS, « le fils de dieu » et qui leur ont permis de concevoir la représentation de

l’homme, d’après notre interprétation personnelle de la bible, s’appuient sur les thèmes et

les conceptions suivants :

1) ° La représentation de l’homme est manifestement donnée en la personne de

JESUS, le modèle, est un être à l’image de DIEU ou d’un narrateur dont il (JESUS) est à la

fois le messager et l’instrument d’un récit du salut pour les hommes55

2) ° Le thème « JESUS » n’est nécessaire que pour exprimer les réflexions d’un

narrateur (supposé DIEU) sur l’homme. Le problème n’est donc pas dans la nature divine

ou non de JESUS, mais dans la relation entre le thème « JESUS » et le thème « homme ».

JESUS est-il l’homme ou l’homme peut-il se transformer en dieu (comme au jeu d’échecs)

lorsqu’il a passé certaines épreuves ? La réponse de Juifs contemporains de JESUS est que

ce dernier reste toujours le « Nazaréen », « l’homme de Galilée » la terre sauvage, alors

que PAUL établit un couple Jésus-Eglise ou encore Dieu-Fils de Dieu.

3°) Les réflexions attribuées à JESUS sur l’homme n’est pas une critique de

l’homme mais une révélation de l’état de l’homme (la déchéance) ou des arguments

55 Pour l’affirmation selon laquelle JESUS est l’image de dieu, voir Col 1 : 15- / « Il [JESUS] est l'Image du Dieu invisible, Premier-Né de toute créature »

Page 94: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

91

démontrant la réalité de la déchéance. JESUS révèle et met en évidence le « être faible » de

« l »’homme et non pas le « avoir de la faiblesse ».

4°) Le thème de la femme ou de la dualité homme-femme de l’homme est un autre

moyen pour narrer la faiblesse de l’homme sans pour autant accuser DIEU d’avoir créer

des hommes imparfaits. La distinction entre l’homme et la femme est comparable à celle

de l’homme et Dieu. A cet effet, « l’image » et « la gloire » sont les critères de distinction

montrant plus un aspect de l’homme éloigné de dieu (la femme) et un autre aspect plus

proche (l’homme) 56 La femme est l’image de l’homme, et JESUS en est celle de Dieu57

(On remarque que sciemment nous n’avons pas commenté les versets bibliques

pour ne pas nous déverser dans une discussion théologique qui nous échappe et qui dépasse

cette thèse.)

PAUL et les chrétiens complètent la discussion avec le sujet portant sur les forces,

l’ « anima » - et non l’ « ergon » - agissant sur l’homme. Sans être exhaustif, ces sujets

aditifs sont : l’influence des besoins non spirituels sur l’homme selon laquelle l’homme

« de la chaire » est celui qui obéit « aux contraintes de la chair » ou « l’homme vivant sous

la contrainte de la loi », l’influence de l’esprit pour désigner la force qui anime l’homme «

vivant dans la grâce » ou vivant sous « l’action de l’esprit » (les mots entre guillemets sont

des traductions libres des citations bibliques malgaches en français), l’influence du Mal

pour parler de la puissance originelle animant chaque individu.

Pour formuler autrement le descriptif et la problématique de la réflexion sur

« l »’homme à travers les écrits de PAUL, nous dirons que le descriptif et la problématique

forment un système comprenant : 1°) des thèmes sur un homme-dieu (JESUS), sur

l’homme-femme ; 2°) des relations entre dieu, l’homme et la femme. 3°) des forces qui

animent (la chaire ou l’Esprit) De ces trois éléments se dégage alors la première re-

découverte : l’homme est dans un état de grâce ou dans un état de condamnation selon ses

relations avec l’homme-dieu et selon le principe qui l’anime. Finalement, les réflexions de

PAUL se portent sur l’état de « l »’homme, étant donné le modèle de l’homme.

56 Voir 1co 11 :7- « il [l’homme] est l'image et la gloire de Dieu; quant à la femme, elle est la gloire de l'homme. », 2co 4 :4- « ... Christ, qui est l'image de Dieu » 57 Pour l’affirmation selon laquelle JESUS est l’image de dieu, voir Col 1 : 15- / « Il [JESUS] est l'Image du Dieu invisible, Premier-Né de toute créature »

Page 95: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

92

L’archétype de la réflexion paulienne sur « l »’homme est caractérisé par les points

suivants :

1°) L’homme est faible, et cette faiblesse est personnifiée personnalisée par la

femme, ou par les faits des femmes (le fait d’avoir succombé, la première, à la tentation, ou

encore le comportement typique des femmes)58. La faiblesse ou la femme est le « reflet »

(c’est-à-dire l’image) de l’homme.

2°) Mais malgré cet état de faiblesse, l’homme est doté d’un aspect ou d’un substrat

viril et proche ou apprécié – « aimé » selon l’expression biblique – de Dieu.

3°) En dehors de l’homme, le modèle de l’homme est aussi inséparable à l’identité

de l’homme

4° Enfin, l’homme est doté d’une volonté libre d’utiliser le parcours de l’homme-

modèle pour parvenir à un état idéal.

On remarque que les propos de PAUL ne visent pas ni à culpabiliser la femme, ni à

montrer la supériorité spirituelle de l’homme, mais à révéler l’existence d’une procédure

de salut devant la faiblesse ou devant la déchéance. La procédure du salut a été vécue par

JESUS lui-même, c’est pourquoi la théorie paulienne encourage cette fois-ci l’homme en

général à imiter la démarche de la représentation de dieu qui est JESUS. Vivre dans un état

de salvation est l’objectif final de l’homme d’après PAUL. Ce dernier s’est permis par la

suite d’élaborer des propos éthiques pour corriger encourager ses auditeurs à quitter les

comportements humains (produits de la chaire) qu’il dénigre chez l’homme vivant dans ou

hors de la grâce et même, il est parvenu à élaborer une représentation de l’homme vivant

loin de la grâce. La conception de PAUL distingue les hommes entre eux selon leur

position dans la grâce ou dans la condamnation.

Si on considère que la science économique est un produit de la littérature

chrétienne, démunie de ses concepts théologiques, nous pourrons alors partir de la

conception de PAUL adaptée aux concepts économiques pour remonter par la suite, vers la

formation de la représentation de l’homme. On peut alors avancer que l’homme-femme (ou

l’homme faible ou l’homme déchu) qu’est la représentation biblique de l’homme est situé

dans l’un ou l’autre de l’espace de grâce ou de condamnation. La nature de l’homme met

58 Les femmes sont les cadets des hommes « C'est Adam en effet qui fut formé le premier, Ève ensuite. » (La Bible, Le Nouveau Testament, 1 Timothée 2 : 12-)

Page 96: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

93

ce dernier dans une position de condamné, contraire à ce qu’il devait être. Nous

appellerons cette position une position « non économique ». Le salut ou l’activité

économique le met dans une position nommée « position proche de l’économique ».

Lorsque ses comportements sont conformes au modèle, l’homme est dans la « position

économique ».

(L’approche de la représentation de « l »’homme en termes de position fait de ce

dernier un être en devenir, un être en déplacement).

Les positions décrivent le parcours de l’homme représenté et non pas de l’homme

réel. La science économique actuelle et la théorie biblique du salut ne visent pas à critiquer

le fonctionnement de l’homme du réel, et dans la même foulée, elles ne remettent pas en

cause la réalité pour proposer le normatif ou pour guider l’agent économique vers un Etat

idéal. Elles sont un moyen de révéler la potentialité économique humaine ou la possibilité

de renaissance humaine. A cet effet, elles ont utilisé la même démarche : la référence à un

modèle de l’homme.

Mais la science économique s’est écartée de la théorie biblique et surtout du modèle

usuel du thème de l’homme, lorsqu’elle délaisse la vision duale de l’homme et la position

économique de ce dernier pour des positions sociales, psychologiques et institutionnelles

comme champ de manifestation de la capacité de l’homme. A cause de cela, cette vision

limitée de l’homme est diminuée : l’homme n’est qu’un détenteur de force de travail.

L’homme est représenté par le travail qui n’a de concret que le produit. Conséquence, la

vie humaine n’a de sens que par le travail, et la représentation de l’homme lui-même se

dilue dans la quantité et la qualité des produits.

Aussi pour remettre l’homme, cet être dual animé par le besoin ou la raison (par

deux forces alternatives), à sa place idoine, une position économique, il faut abandonner la

représentation de l’homme actuelle selon quoi ce dernier est une entité unique forte ou

faible, proche ou éloignée de l’homo économiques, équivalent ou différent de l’homo

économiques Il faut personnaliser la faiblesse , premièrement, en recourant à la

représentation de la femme telle que la rendent compte les disciplines des sciences sociales

et humaines et deuxièmement, en étudiant l’équivalent en science économique de ce qu’est

la femme et de ce que sont les faits de déchéance dans la religion, car par cet équivalent, se

dégagent les faits analogues aux thèmes précités et auxquels l’homme qui s’aspire à

l’homo économiques a comme reflet (voir II). et le tout dans la position adoptée par le ou

Page 97: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

94

les narrateurs. Mais auparavant, il faut placer le narrateur dans un champ d’observation lui

permettant de voir et d’observer « l »’homme sans se faire happer par leur situation. Cela

nous conduit alors à se demander comment se forme de thème de l’homme ? (Voir I).

Bref le présent paragraphe a pour objectif la collecte des intuitions primaires,

l’intuition collective commune à tout homme et qui sert d’évidence première constituant la

réflexion originelle sur l’homme. Le problème soulevé est la mise en place du narrateur, le

choix des moyens et démarches avec lesquels le narrateur va consigner les réflexions sur

l’homme. Certainement cette section n’apporte aucune satisfaction intellectuelle, mais

seulement une ouverture d’une réflexion.

 I  –  De  la  construction  de  la  réflexion  sur  « l »’homme  à partir de la narration de la constitution de l’univers  

Les narrations de la formation de l’univers sont les thèmes porteurs du prémisse du

thème de « l »’homme. Elles sont faites de thèmes différents et variant selon les cultures,

mais le thème de l’homme y est récurrent. Certaines narrations présentent l’homme comme

un préalable de la formation de l’univers, alors que d’autres l’introduisent en fin de

l’achèvement d’un thème décrivant la construction de la nature et commençant un autre

thème de formation, notamment la richesse et la valeur. En fait ces derniers thèmes sont

des prolongements du thème de la création car le thème de la création révèle la valeur et

l’importance de la vie considérée comme l’ultime finalité de la création. Puis le thème de

l’homme descend vers un niveau plus trivial et est exposé en termes de survie et de ses

connotés comme la production, la répartition et l’échange.

Aussi, puisque le thème de « l »’homme est récurrent des narrations de la

construction de l’univers et que ces dernières sont spéculatives, alors une théorie

cosmogonique quelconque conduit jusqu’à la construction de thèmes sur l’homme en

apportant des mots et concepts avec lesquels elle construit le thème « l »’homme.

Simplement, on peut alors dire que le récit de la création ne vise qu’à fonder le thème de

l’homme. Mais cette finalité n’est pas intellectuellement satisfaisante, car elle est une

vérité qui n’apaise aucune soif de vérité ; elle n’apporte pas le salut – la salvation, la

solution – demandé par un problème. Elle cache une autre proposition plus importante et

déterminante de la vie. Un prolongement de la réflexion s’impose pour découvrir ce qui se

cache derrière la tête des narrateurs des doctrines cosmogoniques. En cherchant la réponse

Page 98: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

95

dans l’esprit qui a conduit à la rédaction des récits de la création, en fouillant les

décombres de la sagesse grecque – qui nous est familière à cause de la domination de la

culture judéo-chrétienne – qui ont rédigé les discours philosophiques de la création, on

constate que la plupart des philosophes ou des théoriciens de la cosmogonie ont écrit leur

document pour parler de l’ordre. Le discours de philosophes ioniens organisés en sectes

religieux sur la création répond au mieux à la question de « pourquoi l’homme parle-t-il de

l’homme ? ». Les discussions sur le thème de l’homme satisfait le besoin de comprendre

l’ordre universel, le « mathesis univesalis », la donnée de la nature et de l’esprit. La

littérature biblique, notamment les livres psalmiques pour leur part trouvent dans la

cosmologie la source de l’inspiration de sentiment qualifié par la littérature freudienne de

« océanique » (FREUD, Malaise dans la civilisation 1929). Le thème de la création,

lorsqu’il est appréhendé à son amont, est une source d’inspiration sur le sujet de la place de

l’homme dans la nature, alors que, en aval, il semble n’être que de plaisir intellectuel

d’avoir saisi l’order et de connaître l’avenir à l’avance.

C’est dans ce système de connaissances que s’insère et se conçoit la conception

économique de la richesse : si dieu a créé l’homme, ce dernier va rendre grâce à son

créateur en devenant lui aussi un créateur de valeur (ou de richesse). Le discours sur la

cosmologie est une justification des pratiques religieuses, c’est-à-dire la mise en œuvre des

actions de grâce dirigé vers le créateur. Cette action de retour consiste en une sélection des

objets de la nature, ou des faits de l’homme, une quête du meilleur, un comportement

éthique pour rendre grâce à la divinité et d’en obtenir en contrepartie une augmentation des

faveurs divines. Le récit de la création est donc inséparable au récit de la richesse. Ce

dernier thème fera alors l’objet du deuxième sous-paragraphe.

A – Du collecte des matériaux de base pour la construction du thème 

de l’homme  

L’inscription du thème de la création obéit à une finalité narrative permettant de

comprendre une partie ou l’ensemble des idées que les rédacteurs veulent transmettre à ses

lecteurs. Dans la littérature économique, le récit de la création correspond au thème de la

production ; dans notre cas, c’est un récit du processus de la formation du thème de

« l »’homme. Nous montrerons que le thème de l’homme puise sa source dans le contenu

du récit de la création, ou en termes économiques, dans « le processus de production »,

Page 99: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

96

provient seulement de notre façon de concevoir l’économique. Notre objectif est double :

premièrement, montrer l’importance du passage par le référentiel existant de processus

économique de production pour parler de l’homme, en l’occurrence démontrer

l’importance du récit de la création pour pouvoir parler de l’homme et deuxièmement,

consigner les matériaux permettant de parler de l’homme. La description de la production

est une partie descriptive de la littérature économique.

La question de la formation du thème de « l »’homme par l’homme se répond par

une démarche intellectuelle spécifique de l’homme : l’introversion, ou la réflexion ou

l’introspection ; et notre réponse se trouve dans la capture de la démarche introspective

utilisée vraisemblablement par l’homme pour trouver la raison de parler de l’homme, d’où

le titre de la section : de l’appréhension des réflexions de l’homme sur l’homme. Il ne

s’agit pas de généraliser le produit de l’introspection dans l’énonciation d’une proposition,

mais de saisir le produit de l’introspection dans la construction du thème de l’homme. Il

nous faut alors préciser le statut scientifique de l’introspection dans la théorie économique.

Nous sommes encore devant un phénomène mal dénommé : la démarche en

question est-il de l’ « introspection » (du latin « introspicere59 » signifiant « regarder à

l’intérieur »), ou de l’ « introversion » (du latin « introsrsus », syncope de

« introversus60 » qui signifie « tourné vers l’intérieur ») ou tout simplement de la

« réflexion » (du latin « reflectere61 », « faire tourner » ou « tourner en arrière ») ?

L’introspection est une source d’inspiration (et non pas d’information) qui consiste,

selon CICERON, à « regarder dans l’intérieur » (de « l »’homme) ; cet auteur a aussi

utilisé cette expression dans le sens de « descendre en soi-même », alors que Aulu-Gelle

dit GELLIUS, un érudit grammairien et compilateur latin né vers 130 et mort vers 180 de

notre ère avait aussi utilisé ce mot pour parler de « peser la valeur » (d’un mot).

L’introspection évoque donc une idée de recherche ou de sonde de la valeur profonde d’un

objet, ou le retour vers l’intimité profonde ou intime de l’homme. Elle est à l’origine

d’affirmations sans vérification empirique directe ou indirecte pour la raison que le

phénomène en question est tellement évident, tellement soutenu par une croyance forte que

les vérifications sont superflues. En outre, des fois, il est impossible de procéder à une

59 Voir QUICHERAT et DAVELUY 1922 60 Ibidem 61 Ibidem

Page 100: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

97

vérification du phénomène sur terrain (HINDRIKS 2003). L’introspection s’avère donc

inutile si des tests en laboratoire économique comme les a fait Vernon SMITH ne sont pas

possibles. L’homme à la recherche de l’homme par la représentation agit intuitivement et il

est exposé devant deux situations : ou bien, il sait qu’il détient des informations préalables

sur la représentation de l’homme (axiome d’introspection positive), ou bien il sait ce qu’il

ne sait pas sur la représentation de l’homme (axiome d’introspection négative). Cette

deuxième situation n’est pas acceptée par l’économie pour les raisons suivantes : une

méconnaissance absolue d’une situation leur est théoriquement impossible, et que devant

l’incertitude totale, en théorie économique, l’agent rédige un contrat pour couvrir le risque

afférent62. Nous agirons cependant dans les perspectives de l’introspection négative. Nous

pensons en effet que l’homme n’est pas capable de faire le bien même s’il connaît le bien,

mais à défaut de contrat, il maximise son espoir sur la représentation de l’homme ; plus

précisément, en termes économiques, dans les thèmes de discussion sur l’homme, la

participation des agents économiques (les rhéteurs) se fait en maximisant l’espérance

attendue de sa représentation de l’homme. Ainsi, quand un orateur s’exprime d’une

manière comparable à l’idée suivante : « pour moi, l’homme est ceci ou cela… », au fond,

il espère que sa représentation de l’homme soit proche de la véritable représentation de

l’homme ; par introspection, il connaît ce qu’il ne connaît pas. Quand Adam SMITH

affirme que l’homme a une disposition naturelle pour l’échange, dans le fond, il espère que

sa représentation de l’homme soit véritable ; il connaît l’homme bien qu’il ne le connaît

pas.

L’introversion pour sa part indique le « dedans » ou le « dans l’intérieur ». A la

différence de l’ « introspection », ce mot évoque une sorte de for intérieur secret et

mystérieux. L’ « introversum » est aussi utilisé par le Latin pour désigner ce que

l’imagerie hébraïque appelle par le « cœur » (de l’homme). Ainsi, l’expression du poète

latin HORACE (65 – 8 av. J.C) « le cœur vicieux » a été traduite littéralement par « le

dedans de la turpitude »63

Le mot « réflexion » est le plus usité de cette démarche intellectuelle de l’homme ;

il est synonyme de « penser », « étudier » et « examiner ». APULEE a utilisée le mot

62 Voir PAULRE Bernard, « Genèse et enjeux de l’économie cognitive », in Problèmes économiques, n° 2883, du 28 septembre 2005, page 5 (PAULRE 2005) 63 Voir QUICHERAT et DAVELUY 1922

Page 101: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

98

réflexion pour désigner la « réciproque »64. Le concept de réflexion se distingue des deux

autres en ce qu’il soutient implicitement l’existence d’un « réciproque », l’équivalent du

mot « aide » dans le livre de Genèse, chapitre 2, Verset 26. On note cependant que pour

traduire ce terme, l’écrivain biblique a utilisé le mot « אֱעֱשֱה» (littéralement « e’heshe’h »,

féminin de « ‘ish » signifiant l’homme dans le sens humaniste du terme)65

Ces trois mots rendent compte d’une idée d’un lieu « intérieur » ou « au-dedans »

vers lequel l’homme (y compris nous aussi lors de l’élaboration de cette thèse) – d’après la

conception latine – se « tourne » ou « descend » pour puiser une énergie mentale ou une

inspiration pour avoir une connaissance. En outre ces vocabulaires relatifs aux sources de

l’inspiration humaine indiquent la possibilité – si la conceptualisation n’est qu’une

possibilité – de la réalité d’ « un » homme équivalent à « l »’homme. Ce retour vers la

source intérieure est inévitable lorsque le sujet traité ne se prête pas à une expérience

tangible et que seul, le sens de l’homme est l’argument.

Dans notre conception, l’usage de l’expression « l’homme » n’est pas fortuite ni

seulement une façon de parler, mais un thème rémanent – comparable à une maladie

viscérale – dans le fond et dans l’intimité de chaque homme et qui est développé par la

suite par les discussions, la philosophie et la religion et qui continue de hanter les autres

disciplines scientifiques ; l’homme se perçoit par la sensation partagée ou commune. Ce

développement du thème de l’homme chez l’homme n’est possible dans la mesure

seulement où l’homme en question est un être considéré comme dual. Seulement la dualité

de l’homme, ou l’ombre ou la représentation de l’homme n’est pas encore précise. La

littérature biblique utilise le concept « femme » pour nommer cette partie inconnue de

l’homme, alors que d’autres mots comme l’ « âme », l’ « esprit », le « djinn », etc. ont été

inventés pour parles de cet « autre » de l’homme. (Nous montrerons dans un deuxième

chapitre que cet autre n’est rien d’autre que l’expression « homo œconomicus »). La

démarche pour capturer le thème de l’homme est la reconnaissance de la représentation de

l’homme, mais cette représentation n’est pas encore nommée. La capture du thème de

l’homme est donc la construction de la représentation de l’homme (par la narration).

Quand un évènement est susceptible d’être narré, alors il est presque capturé, c’est-à-dire

saisi et appréhendé intellectuellement. Une connaissance profonde de la question

64 Ibidem 65 Voir page 55 sur le mot « i’sh »

Page 102: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

99

cependant manque dans une appréhension. Cela se fait par l’intelligence du physique de la

chose, c’est-à-dire sa force et sa faiblesse.

Ainsi, la recherche la représentation de soi par les produits artistiques et littéraires

ne dénote pas une volonté de mieux agir, ou une instrumentalisation de la connaissance,

mais une volonté ou un besoin de se connaître soi-même, une sorte d’élan spécifique à

l’homme. En outre, on ne peut commencer le développement du thème de l’homme que

lorsque le thème de la représentation de l’homme est posé. Aussi, de prime abord, les

civilisations qui figurent l’homme comme une unité non morcelable ou encore comme un

bloc, ne peut pas faire un discours sur l’homme, car ils excluent d’office le narrateur. Il

nous semble d’ailleurs que ce type de civilisation n’existe pas, du moins jusqu’à présent.

On déduit la possibilité de l’existence d’un archétype de réflexions ou d’une réflexion de

base commune à toutes discussions sur la représentation de l’homme si on suppose que

chaque participant aux réflexions sur la représentation de l’homme partage les mêmes

idées malgré la différence de leur position.

En considérant la littérature économique comme des textes descriptifs, le

rapprochement du texte biblique de la narration de la création et la théorie économique de

la production pour en élaborer une sorte de lieu commun (entre la littérature économique

et un récit de la création) d’arguments et des concepts littéraires et économiques de thème

de l’homme. Pour cela, l’interprétation et l’analyse (socio-sociologique et anthropologique

avec lesquels la science économique commence sa démarche pour épurer les faits) ainsi

que la collecte des données statistiques on été écartées. Il ne reste plus alors que la partie

narrative de la littérature. Les deux textes sont réunis par le thème de la production /

création et mettent en filigrane l’homme. Pour l’économie, l’homme est présent dans la

production en tant que prestataire du travail et en tant que destiné de la production ; alors

que pour la bible, l’homme y est présent, mais d’une façon plus complexe : Les Hébreux

ont pris les débats en marche au fur et à mesure de leur migration dans les pays qui les ont

hébergés tout au long de la péripétie de leur histoire. Puis, à un certain moment, leurs

narrateurs osent faire le point de discussion et ont pris position pour élaborer leur propre

conception doctrinale. Ce n’est pas la doctrine qui nous importe, mais la formulation des

débats, c’est-à-dire le développement du thème dans les civilisations qui ont influencé

directement ou indirectement la communauté hébraïque..

Page 103: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

100

A cause de ce fait, nous allons reprendre non pas les débats et les points critiques de

la question de la formation de l’univers à laquelle la culture juive est obligée de prendre

position, mais les thèmes et les concepts utilisés par les narrateurs hébraïques pour

formuler leur propre récit. Ce n’est pas l’originalité ou non de la théorie cosmogonique des

Juifs, mais leur consignation dans l’agencement des idées que d’autres philosophes ont eu

avant eux. Ainsi, si les rédacteurs hébreux utilisent par exemple les termes « ténèbres » et

« vide » initiaux, nous n’y voyons pas une originalité, puisque avant ces rédacteurs,

certains philosophes grecs ont parlé de sujets équivalents comme « air », « infini » initial

pour commencer leur description de la cosmogonie. Les rédacteurs de la création selon la

bible étaient entrés dans un sujet qui existait déjà avec ses termes et ses imageries, et même

un champ d’argumentations et de raisonnements. Il ne leur reste qu’à en puiser les mots et

concepts sans avoir à démontrer leur existence ou leur fondement. Aussi, n’ont-ils plus

besoin de décrire certains termes comme l’abîme ou les ténèbres ainsi que l’imagerie

d’étendu primitif, mais seulement ils doivent se positionner par rapport aux alternatives

existantes.

Les économistes ont posé au préalable de la production les concepts désignant les

facteurs : dans un modèle mécanique, le « travail », le « capital » et la « nature », alors que

dans un modèle organique, « l’innovation ». L’originalité de la théorie cosmogonique juive

dans son rapport avec la construction du thème de l’homme et qu’elle partage avec la

conception économique, est que c’est une théorie qui parle de commencement de la

création de la nature et non pas vraiment l’achèvement de l’histoire de la nature. Trois

étapes sont à tenir compte dans le récit de la création : le premier va de récit de la création

jusqu’à la formation de thème de « premier homme » ; le second va vers l’homme en

général (l’ancien testament) ; enfin le troisième relate l’avènement de l’homme nouveau et

le nouvel univers. Ce n’est pas la création de l’univers qui nous intéresse, mais le thème de

l’homme qui l’accompagne. L’histoire économique globale de la production, pour sa part,

va de la réalisation ou de la prise de conscience du besoin vers l’émergence de

l’entrepreneur (ou de l’innovateur), suivi du thème de l’entreprise pour arriver vers une

théorie de l’innovation,

En effet, deux visions différentes de l’homme sont exposées dans la conception

juive et économique de la production correspondant respectivement au thème de la marche

vers la déchéance des idées de l’homme-producteur et la marche vers la revalorisation du

travail (équivalent au récit biblique de la rédemption). Mais ces deux récits du travail sont

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101

surplombés de l’ombre du récit du flot de travail poussé par le sentiment de résistance

contre le besoin ou d’appel à la production devant le besoin. La première vision est un récit

du processus de la formation de l’homme l’état terrestre de l’homme (nous n’osons pas

utiliser le mot « naturel », car il nous semble que le texte biblique n’a pas défini l’homme

comme un être moralement déterminé par la nature ; au contraire, pour lui, l’homme

détermine la nature. L’homme a été seulement, d’après la bible, influencé par le Mal). Le

second est une description de l’homme idéal dans un monde troublé par la production.

Nous commençons donc par la reconstruction des thèmes bibliques de la narration de la

création par l’étude de sujets composants ces thèmes tout en pensant que ces sujets sont en

rapport avec la compréhension du thème de l’homme ou plus particulièrement, de son lien

avec la description de l’élan qui stimule la production. Le processus de production est une

activité de recherche et de discernement de nouveaux besoins et de facteurs de production.

Dans la littérature hébraïque, la production est aussi narrée avec cet esprit de recherche et

de discernement. La littérature économique, cependant, est moins loquace en la matière,

nous développons alors la production avec sa correspondance avec le sujet de la création.

Le ou les rédacteurs bibliques et ceux de la littérature économique présentent, sans

développer d’avantage, l’existence d’un univers primitif – vide et ténébreux, écrivent les

rédacteurs du livre de Genèse, sinon pauvre matériellement et envahi par le besoin humain

d’après une interprétation de la vision de économiste de la nature. Puis ils continuent leur

narration par des affirmations de séparations faites au sein de cet univers de base. Au bout

de la chaîne des opérations de « séparation » – ou, plus précisément, de « démantèlement »

– des « ténèbres » et des « étendus » que sont les éléments initiaux d’avant l’histoire de la

création, le ou les rédacteurs abordent le thème de l’homme, par les sujets de création, de

déchéance et sa nature duale. Herbert SIMON, voit dans l’acte de la création « un acte de

découverte de formes qui harmonisent les besoins et les aspirations de l’homme intérieur

avec les lois qui régissent l’environnement naturel »66. Ce n’est donc pas la nature que

l’homme a découvert, mais les types de besoin, ou tout simplement le besoin. La narration

de la création n’est pas une question de rapporte entre l’homme et dieu, mais un sujet sur

des thèmes de « découverte », « harmonie », « besoin » de « l’homme intérieur » et

« l’environnement naturel ». Le récit de la création est fait pour l’homme. Quelle que soit

la complexité du processus de la création, il est toujours rédigé pour être à la portée de

66 SIMON Herbert, « La science des systèmes », Epi, 1974 cité dans DONNADIEU Gérard, « Systémique et science des systèmes. Quelques repères historiques », document de l’AFSCET, 8 mars 2004

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102

l’homme, ou du moins il a été fait de façon à ce que chaque auditeur puisse comprendre

quelque chose. Le récit, bien que facile à lire, est cependant n’est pas difficile à ressasser,

car il ouvre plutôt l’imagination de ses lecteurs. En plus de la lecture textuelle, certains

commentaires ont donné une lecture mystique du récit. Nous ne retenons que

l’interprétation en rapport avec le thème de l’homme.

A la lecture du récit de la création, Saint BONAVENTURE, un théologien

franciscain commentant le récit de la création67 soutient que : L’homme est composé de

corps et d’âme. L’âme est l’image similaire « similitido » de Dieu par son caractère éternel

et spirituel. Puis, adoptant la conception aristotélicienne du mouvement68 affirme que le

mouvement de l’homme, à cause de l’âme, est de chercher Dieu. Son statut lui impose

alors d’être au-dessus de la nature ; ce n’est donc pas l’oracle du moment de Dieu qui a fait

de l’homme un être au dessus de la nature, mais l’acte divine lui soufflant son souffle sur

l’homme.

Maître ECKHART, un théologien dominicain, lui aussi, comme tous les chrétiens,

reconnaît la dualité chaire et « âme » de l’homme, mais à la différence de Saint

BONAVENTURE, pour lui, l’âme est unie avec Dieu. Il ne prône pas pour autant une

nature spirituelle de l’homme. Pour lui, la question de la représentation de l’homme passe

par l’intelligibilité non pas de l’homme, mais de celle Dieu. Dans ses spéculations,

ECKHART soutient que l’essence de Dieu (qu’il nomme par le mot « déité ») est

inaccessible à l’intelligence de l’homme, mais au-delà de cette déité, Dieu peut établir un

rapport avec les hommes.

D’autres thèses d’auteurs peuvent aussi être ajoutées à ces deux propositions citées

ci-dessus. Nous retenons seulement que le terme de production a montré la nature duale de

l’homme. En commençant par le thème de production, comme la littérature a développé le

thème de la création de l’homme, l’économie parvient à la découverte de la nature de

l’homme, sinon à l’ouverture du thème de l’homme à un autre sujet : l’homme. Arrivé à ce

point de narration, les rédacteurs du livre de la création utilisent l’ambigüité ou

l’imprécision du mot « adam » pour développer un sujet à la fois sur le premier homme,

sur l’espèce humain, sur l’ensemble des hommes, un territoire et même sur la couleur

67 Voir LONGPRE Ephrem, 1921, « La théologie mystique de Saint Bonaventure », Archivum Franciscanum Historicanum, Vol XIV, Fasc. I-II (LONGPRE 1921) 68 D’après ARISTOTE, le mouvement des éléments sont : la masse descend, l’air folâtre, etc.

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103

rouge. Cette imprécision n’est certes pas délibérée car la langue sémitique n’a pas de

majuscule ni de ponctuation. Pour elle, la longueur de l’espace entre les mots sert de

ponctuation. Les noms peuvent désigner aussi bien un nom propre qu’un nom commun.

Dans la littérature hébraïque, « l »’homme est toujours présent à travers le mot « ADAM »

bien que ce dernier ne désigne pas forcément le premier homme. En économie, par contre,

l’imprécision ou le non dicible de la narration de l’homme provient plutôt de l’imprécision

de la notion de besoin. La connaissance parfaite de l’ensemble des besoins de l’homme

aurait clos le débat sur le thème de l’homme.

Dieu a créé le premier homme, comme les narrateurs de l’économie, l’historien de

la pensée économique a posé au préalable les notions de besoins pour faire de l’homme un

sujet dicible. Ensuite les descendants du premier homme, qui sont aussi dénommés dans la

bible par le nom du premier homme, continuent le remplissage de la création par ses actes :

ils se sont multipliés (voir Genèse 6 : 1-) remplissent la terre des faits abhorrés par Dieu, ils

subissent la correction divine, etc. Le thème biblique de l’homme est manifestement une

continuation du thème de la création par l’homme et par dieu, un prolongement de la

création. La question aurait été close avec cette position dogmatique des Juifs, mais les

chrétiens ont ouvert le débat par une nouvelle lecture du livre de la création, par l’insertion

du thème de salut. Le tohu-bohu de la création, ou l’incertitude de la production, est suivi

par une promesse de quiétude ou de sérénité humaine à partir duquel se forme une autre

définition de l’homme. L’idéologie émergente du récit du thème de l’homme par la

création est l’affirmation selon laquelle l’homme est fait pour le bonheur ; le besoin est fait

pour être satisfait.

Le thème du salut est aussi une occasion pour la bible d’élaborer un thème sur

« l »’homme. Pour les chrétiens le thème de l’homme ne s’arrête pas à la déchéance, ni à la

description de l’état de cette déchéance ou du processus de la déchéance, mais se poursuit

vers le thème de salut et de comportement dans « la grâce du Seigneur ». L’homme relaté

est un homme créé, damné, attentif dans la foi, actif par la foi et transformé et préparé par

la foi en un nouvel homme pour une vie éternelle. Même transformé et préparé par la foi,

l’homme n’est pas encore parfait, c’est-à-dire doté des qualités requises par son créateur

pour accomplir les actions qui lui sont attribuées. Entre la création et la perfection,

l’homme vaque dans un espace que nous appelons économique et qui sera développé plus

particulièrement dans le deuxième livre de la présente thèse. Le thème de salut correspond

à une affirmation de la certitude de l’aboutissement du procès de production vers sa

Page 107: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

104

réalisation. Une production sans espoir de produit est impensable dans la littérature en

général aussi bien qu’économique.

Il y a une similitude entre le récit du salut dans le Nouveau Testament et la théorie

économique de développement : les deux récits procèdent par un constat de la division de

« l »’homme en deux groupes : celui qui est, ce que le récit biblique appelle de « sauvé » et

celui qui est encore dans la condamnation divine – ou dans la condamnation par le

narrateur. Cette division cependant n’est pas visible intellectuellement et physiquement ;

l’état spirituel de l’homme, correspondant à l’état de situation économique, n’est pas

visible, n’a pas de repère dans la vie terrestre. Conséquence, le thème de « l »’homme,

dans le Nouveau testament comme dans la littérature économique, est focalisé dans le

thème de la lutte ou de résistance. Le thème de l’homme, dans cette optique, est une

narration faite avec « un regard en avant », selon les termes de BRUNIER-COULIN (alors

que le thème de l’homme bâti sur le fond de la théorie de la création, est fait de « regard en

arrière » (BRUNIER-COULIN 2008, page 227).

L’explication des actes de la foi et de la doctrine est le thème du Nouveau

Testament et son apport dans la théorie économique. La littérature économique est athée69.

Pour elle, la foi est un jugement de croyance qu’elle exploite dans ses analyses de

comportement économique. Le Nouveau Testament a adjoint le sujet de la foi avec celui de

la récompense. Ses propos sont des mélanges des critiques des arguments contre le dogme

du judaïsme – notamment en ce qui concerne la réciprocité de l’acte – , des explications et

des conseils et directives.

Les épîtres sont des formes littéraires du Nouveau Testament. Elles montrent, sous

forme de lettres adressées à des membres de l’église – l’entreprise de la foi – quelques

états de lieu de « l »’homme dans leur passage terrestre. En termes économiques, leurs

propos révèlent des erreurs de comportement dans un monde de certitude, ou précisément

dans un monde préparant l’avènement de la certitude. Le thème de l’homme que le

Nouveau testament développe est celui qui est en combat, le héro, « l »’homme qui n’est

pas encore dirigé par son destin, et qui est uni dans la lutte ou la résistance – peu importe

l’adversaire. Le Nouveau Testament introduit dans le récit le thème de l’homme-

69 On note que l’athéisme n’a de sens que dans la culture judéo-chrétienne. Dans l’islam, par exemple, la réalité de Dieu ne se discute pas ; Dieu impose sa présence ou sa loi pour que l’homme s’y conforme. L’équivalent de l’athéisme serait alors la non-conformité de comportement devant la loi divine. Cette dernière position est équivalente du non respect aux règles demandée par l’esprit, dans la religion animiste.

Page 108: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

105

entrepreneur qui sera repris aussi par la littérature économique. A la différence des idées

véhiculées par cette dernière, cependant, l’homme du Nouveau Testament est lui aussi un

être idéal, car le Nouveau testament, ou plus précisément les épîtres, retracent le

comportement de l’homme parfait. Avec le Nouveau testament, la bible présente deux

idéaux de ‘homme : l’homme décrit et JESUS. Le rapport entre les deux représentations de

l’homme est une énigme ou une curiosité de la représentation de l’homme. La différence

entre l’homme de l’économie et celui du Nouveau Testament est que pour le premier, à

cause du concept générique utilisé, l’homme- entrepreneur est une réalité, alors que pour le

second, l’idéal (JESUS) est déjà donné, l’homme-entrepreneur n’est qu’une imitation de

l’idéal. L’homme de l’économie est un phénomène, alors que celui du Nouveau Testament,

un énergumène. Tous deux sont dans un état critique, car ils doivent faire leur preuve.

La lecture du Nouveau testament cependant est une source de différentes visions

sur le thème de l’homme. Un certain nombre de théologiens (Karl BARTH70, Hans KÜNG,

le franciscain Saint BONAVENTURE71,) n’y voyaient pas l’émergence de thème sur

l’homme car, d’après eux, l’homme a toujours été récité comme étant un être en partance

pour un meilleur monde. Le thème de l’homme se précise alors : un récit du passage vers le

Paradis. Le thème de l’homme produit du récit de la création se prête alors également à

décrire l’homme dans une situation transitoire quelle que soit l’objet et quel que soit le lieu

de transition. Dans ce cas alors le thème de l’homme, c’est ce qui décrit celui qui se

prédestine pour un autre lieu géographique, ou social, ou spirituel.

La première position des Juifs est l’affirmation d’un monde créé et non un monde

qui s’est auto-créé. Ceci entraîne une position spéciale du narrateur dans l’interprétation du

thème, car le narrateur est à la fois présente dans le terme de « dieu » par lequel il

s’exprime et en même temps il reste distinct de dieu, lorsqu’il cèle les scènes où la

présence des hommes et des autres protagonistes n’est pas nécessaire. Un autre narrateur

raconte aussi la création avec ses catégories particulières : « ciel » ; « terre », « vide » :

70 Voir BRUNIER-COULIN Claude, « La justification selon Karl BARTH. Investigation dans la problématique de la fonction miroir. Elucidation par les concepts de la philosophie de Francis Jacques », Thèse de doctorat en théologie, Faculté libre de théologie réformée, Aix-en-Provence, 2 juin 2008, 347 pages (BRUNIER-COULIN 2008) : D’après Karl BARTH, Dieu a déjà prononcé le verdict de l’acquitement de l’homme, conséquence, l’homme vit en acquité. Mais ce type d’homme ne se reconnaît pas lui-même ; il prend conscience de sa place par l’appel de Dieu. Cet homme appelé est invité « à entrer en scène comme un autre homme, l’homme nouveau » 71 Voir (LONGPRE 1921, )

Page 109: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

106

« Car ainsi parle Yahvé, le créateur des cieux : C'est lui qui est Dieu, qui a modelé

la terre et l'a faite, c'est lui qui l'a fondée; il ne l'a pas créée vide, il l'a modelée pour être

habitée. Je suis Yahvé, il n'y en a pas d'autre » (Isaïe 45 : 18-).

Remarquez que Dieu parle à travers un narrateur.

La véritable formation de thème de l’homme est la description de l’état initial

naturel :

« La terre était vide et vague, les ténèbres couvraient l’abîme, et un vent de dieu

soufflait la surface des eaux » écrivaient-ils72, pour désigner l’univers initial. La vision de

deux « étendus » (abîme et eau) dominent cette affirmation. Dans certaines versions

bibliques73,

Les thèmes contenus dans cette phrase ont été déjà utilisés pour formuler d’autres

théories cosmogoniques. :

1°) Le « vide ». Le thème de « vide » primitif se rencontrait dans la cosmogonie

milésienne, notamment dans celle de DEMOCRITE et de LEUCIPPE. Il comprend un

thème affirmant une masse infinie initiale d’où sont tirées les matières des mondes, un

autre thème portant sur le vide et un sujet sur le mouvement. La création est détachement

d’un fragment de cette masse, ou encore, un mouvement d’une partie de cette masse

(BREHIER, T1, Page 61). Cette situation suppose un vide initial dans lequel tombe le

fragment de la masse. Malgré que l’existence de la masse infinie initiale ne laisse pas de

place pour le vide initiale, cette conception a été quand même retenue pour décrire l’état

initial de l’univers. La bible reconnaît aussi cette combinaison de vide avec une présence

Sous les paroles que le narrateur attribue à Job, le vide coexiste avec le ciel (Septentrion) et

la terre :

« C’est Lui qui a étendu le Septentrion sur le vide, suspendu la terre sans appui »

(Job 26 : 7)

Chez les rédacteurs bibliques, le vide (en Hébreu, Whto» », « tohou ») désigne la

« futilité » (en Malgache, « zava-poana » (Voir II Samuel 12 : 21-, Isaïe 44 : 9-), ou encore

72 La Bible, Ancien Testament, Livre de Genèse, Chapitre 1, verset 2 73 Les versions bibliques sont différentes en fonction de la technique utilisée pour leur traduction ou des sources des documents qui ont été traduits.

Page 110: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

107

la désolation (Voir Isaïe 24 : 10-). En outre, le vide initial, dans le sens hébraïque n’est pas

révolu ; il réapparaît des quelques fois dans certaines circonstances :

« J'ai regardé la terre : un chaos; les cieux : leur lumière a disparu. - …. - J'ai regardé :

plus d'hommes … toutes ses villes sont détruites devant Yahvé, devant l'ardeur de sa

colère. » (Jérémie 4 : 23-25)

Aussi, le « vide » de la cosmogonie hébreu est différent de celui de la cosmogonie

grecque ; ce n’est pas un vide absolu et physique, mais un vide sensationnel qui ne

provoque aucun sentiment ni action.

2°) Le « vague » (en hébreu, « Whb»o », « bohou »). Il est le complément du vide

pour désigner le vide initial. Le vide se mesure en plan de surface par un cordeau, alors que

le vague, par le niveau de profondeur :

« … Yahvé y tendra le cordeau du chaos et le niveau du vide … » (Isaïe 34 : 11-)

c'est pourquoi, certaines traductions utilisent le terme « abîme » à ce propos.

Chez les rédacteurs du livre de la création biblique, et par la façon dont est

présentée l’apparition des formes, le narrateur semble faire preuve d’un savoir littéraire

que technique. Le narrateur indique la séparation des formes et l’émergence de l’univers

indique plutôt que la création n’est pas le résultat d’un processus de formation biologique,

mais plutôt d’un activité mécanique : une fois que le vide est comblé par des matériaux que

sont les firmaments, que les ténèbres font face à son opposé la lumière, que se forme

automatiquement l’homme ou plus précisément le thème de l’homme. Pour lever

l’indescriptible, la solution du narrateur biblique est de mettre un terme sur l’un et l’autre

de ses composantes, en l’occurrence les ténèbres par la création de la lumière, et de mettre

des objets comblant et séparant l’abîme. Tel est l’idée véhiculée par l’oracle divine ou du

narrateur de : « Que la lumière soit74 » et « Qu’il y ait un firmament ... »75. Ces

déclarations créatrices sont des pièces manquantes de l’univers existant en vue de la

formation de l’homme ou du thème de l’homme.

74 La Bible, Ancien Testament, Livre de Genèse, Chapitre 1, verset 3. 75 (La Bible, Ancien Testament, Livre de Genèse, Chapitre 1, verset 6).

Page 111: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

108

3°) Le thème de la séparation est aussi important dans la conception hébraïque de la

création. Il se prolonge par la suite vers celle du jugement :

« … quiconque n'y viendrait pas dans les trois jours –…– verrait tout son bien voué à

l'anathème et serait lui-même exclu de la communauté des exilés. » (Esdras 10 : 8-).

Le verbe de séparation est « lDEb]Y"» (« iab’del » signifie « il sépare »). Il est utilisé

très rarement avec une connotation de l’exclusion76, sinon de « mettre à part »77. La

théologie chrétienne accorde de l’importance de thème de la séparation en vue d’introduire

le thème de la sainteté. Il est difficile de ne pas penser au verbe « iab’del » dans le sens de

« mettre à part » dans la phase suivante : «Consacre-moi tout premier-né, prémices du sein

maternel, parmi les Israélites. Homme ou animal, il est à moi.» (Exode 13 :2-), mais le

rédacteur a choisi un autre vocabulaire : « vD<q'» ». Peut-être que le sens des mots est

identique ou presque, mais que leur usage dépend de la culture ou de l’habitude du

rédacteur. Il en est de même pour d’autres circonstances durant lesquelles le rédacteur

demande que soit « mis à part » ou que soit « consacrés » des ustensiles ou des vêtements,

ou encore des lieux78. La séparation du jour et les ténèbres est strictement une séparation,

aussi bien qu’une consécration, une mise à part.

Si la séparation du jour des ténèbres est une consécration, le thème de « jour » est

un sujet déterminant dans la cosmogonie hébraïque. La différence entre cette dernière et la

religion de la mythologie égyptienne mérite d’être mentionnée pour mettre en relief

l’importance de la séparation du jour et des ténèbres. Dans la théorie égyptienne de la

mort, il est d’usage de mettre sous la tête du corps mortuaire une tablette contenant des

réponses que l’âme du mort doit réciter lorsque, dans le monde de l’au-delà, on lui pose

des questions sur sa vie. Le récit a pour objet le monde des morts où OSIRIS règne. Pour

pouvoir y séjourner à jamais, il faut être juste et bon sur terre ; aussi l’âme d’un défunt

passe immédiatement dans une salle de jugement où elle doit faire une sorte de déclaration

d’innocence (composé 41 déclarations !). Le cœur du mort est pesé par rapport au poids de

Maât, la Justice-Vérité, ou son symbole, la « plume de Maât ». Si le cœur est plus léger,

76 « … quiconque n'y viendrait pas dans les trois jours … verrait tout son bien voué à l'anathème et serait lui-même exclu de la communauté des exilés » (Esdras 10 : 8-) 77 « Aaron fut mis à part pour consacrer les choses très saintes » 1- Chronique 23 : 13- et « Pour le service, David et les officiers mirent à part les fils d'Asaph » (1 – Chronique 25 : 1-) 78 Voir Exodus 28 : 2-

Page 112: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

109

alors il sera dévoré par un monstre. Puis le récit se poursuit par des voyages de l’âme du

défunt : voyage dans le monde souterrain et dans le monde du soleil dans la même barque

que le dieu RÊ, où elle s’identifie à cette divinité. L’âme y entre dans la barque après avoir

récité encore un autre serment d’allégeance. Elle reçoit avec lui les offres de louanges.

Ce qui est remarquable dans rapport entre le récit égyptien de la mort et la

conception chrétienne de la vie, c’est que tous deux ont les mêmes thèmes : 1°) la « non »

séparation avec dieu, - le thème de « consacré », ou de « mettre à part » ; 2°) le pouvoir des

élus sur les non élus (allusion à la parole de JESUS, lorsque celui énonça que c’est sur des

individus qui reconnaît JESUS comme fils de Dieu qui échoit le pouvoir de lier les

individus), 3°) le thème de voyage. Nous concluons sommairement à ce propos que les

narrateurs chrétiens ont eu vent de la thèse égyptienne. Mais les différences entre les deux

thèmes est aussi importante : 1°) ce que les Egyptiens ont placé dans un cadre de thème de

« la nuit » ou des « ténèbres », les Hébreux l’ont mis dans le cadre du jour ; 2°) Les

Hébreux ont donné à la vie ce que les Égyptiens confèrent à la mort.

La parole du narrateur biblique – qu’il impute directement ou non à la divinité –

confère à la mécanique de la création une énergie vitalisant. On peut alors formuler les

thèmes fondamentaux menant vers la formation du thème de l’homme : un vide initial

décrit en termes de ténèbres et d’abîme. Ce dernier est comblé progressivement au moyen

de la parole de dieu ou du narrateur – ou encore décrit progressivement par dieu ou par le

narrateur – par la matière (comprenant les astres et les planètes), alors que les ténèbres sont

recouverts par la lumière révélatrice de ce qui est caché ou couvert.

La combinaison de la cosmologie respective milésienne et biblique montre des

thèmes de base de la création. Par l’affirmation de la destruction des ténèbres, les

narrateurs présentent un thème très important pour l’homme : la richesse.

Ils indiquent également l’antériorité du discours sur la nature par rapport à celui

des lois sociales, et suggèrent que leur narrateur, celui qui est dans une position permettant

de saisir la réalité des ténèbres et du vide et qui a vu, par la suite, poindre les premiers

matériaux de l’univers qu’il a nommé par l’expression « ciel et la terre » jusqu’à

l’apparition de l’homme, est un naturaliste qui considère l’homme comme un produit de la

nature.

Page 113: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

110

Sans se poser des questions sur l’antériorité de la narration, nous avons repris les

livres de l’histoire de la philosophie pour chercher comment les premiers philosophes ont

conçu le thème de « vide », car si la bible en parle comme un connu, c’est que leurs

rédacteurs appartiennent à un système de connaissances ou de débats portant sur la

question.

Le constat de l’univers vide a une fonction littéraire et intellectuelle importante en

ce qu’elle reconnaît une réalité basique initiale, et une technique de positionnement de

narrateur lui permettant de faire une narration sans se situer par rapport à un objet.

B – Les récits de la richesse et ses effets sur la construction du thème 

de l’homme 

Dans la littérature hébraïque, le thème de la richesse est, en apparence, dissocié à

celle de la création car cette dernière est en réalité une « théorie » de la création de

l’homme, alors que la richesse est, dans la pratique, un produit de l’imagination et de la

spéculation humaine. Dans la littérature française, le mot « richesse » lui-même est neuf. Il

est dérivé du mot péjoratif « riche », désignant un comportement d’individu qui pavane.

Le thème de la richesse relève plutôt du commentaire de modèle de l’homme et non pas

pour désigner la fortune. La richesse est donc une parure ; apparemment, la richesse n’est

pas un thème, mais un phénomène social. Mais pour voir les effets de la richesse non plus

sur l’homme de la société, mais sur « l »’homme, il nous faut encore examiner ce thème à

travers les autres thèmes qui lui sont connotés, étant donné les langues. Aussi, pour parler

de la richesse non pas comme un phénomène social, mais comme un thème, il nous faut

étudier la place du mot richesse ou de son équivalent dans les langues humaines.

Notre démarche est la suivante : Nous prenons la bible, un des livres le plus traduit

du monde, et nous prenons le mot français « richesse » et le mot malgache « harena » qui

traduit usuellement le mot richesse. Ensuite nous cherchons les versets bibliques contenant

le mot « harena » dans la concordance biblique malgache et le mot « richesse » dans le

Logiciel biblique « La bible de Jérusalem ». Enfin, nous notons les termes hébraïques

utilisés pour désigner la richesse. Ainsi faisant, nous avons obtenus plusieurs sens de mot

« richesse » dans la littérature hébraïque avec lesquels nous pouvons élaborer le thème de

« richesse ».

Page 114: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

111

Arrivé à ce niveau de formation de thème de richesse, nous pouvons alors placer le

thème de la richesse dans un système de représentation générale de l’homme.

Nous étudierons la conception hébraïque de la richesse pour l’universalité de sa

propagation par le biais de la Bible. La bible ne se lit certes pas en Hébreu ni en grec, mais

les idées qu’elle diffuse sont tellement interprétées et discutées par les différentes cultures

qu’elles forment une sorte de soubassement de la connaissance universelle plus

particulièrement de l’homme. Ce n’est d’ailleurs pas l’adhésion à ses enseignements qui

importe, mais son usage pour comprendre le monde, même si elle est utilisée comme un

contre-exemple

Une partie du thème de la richesse est déjà exposé dans l’introduction de ce sujet

ci-dessus. Nous avons présenté comment la cosmogonie milésienne du vide annonce déjà

le thème de la richesse. Nous allons développer ce sujet à partir de la conception hébraïque

de la question suivi de celle de l’Égypte ancien.

En Hébreux, le mot « richesse » ou « Harena » est traduit par huit termes différents

évoquant des circonstances précises. Ces termes et ces circonstances sont récapitulés dans

le Tableau suivant :

Tableau 1- Récapitulation de la traduction hébraïque du mot « richesse »

Mots utilisés Transcription et traduction malgache Sens équivalent en Français

ˆs,jo « Krosen » : « harena » « richesses»

rx;/a « Aoutsar » : « rakitra » « Obole » ou « trésors »

ˆ/h""""""""" « haoun » : « Fananana » « Possession »

Kaboud» : « Harena » « Richesse » en rapport avec » כבודl’idée de gloire

a;l]M;ai « Imal’a » : « Izay mahafeno » « Ce qui emplit »

hl;j}n" « nah’alah » : « Lova » « héritage »

Hîl » : « Tafika », « hery », « harena ho » הילbaboina »

« Armée », « puissance » ou « butin »

rv,[o « ‘Osher » : « Fahefam-panjakana » « Autorité de l’État » ou « pouvoir souverain »

« Otrat » : « Vokatra » « Produit » ou « Récolte‘ » עתרת

Si on suppose que l’ensemble de la rédaction de la bible est réalisé pour montrer

une idée dominante surplombant toute la rédaction dès le premier jusqu’au dernier page (le

Page 115: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

112

salut ou la venue du Messie), chacun de ces thèmes évoquent le thème de l’homme ou de la

construction d’une nation future : l’homme est la richesse ou le butin de guerre du combat

de dieu contre le mal79, ou encore il est la récolte ou le produit de l’action divine, ou un

produit sacrifié à la divinité80, ou encore qu’il emplit un élément divin. La richesse est

alors un thème de la déchéance/rédemption, un produit de combat. Seulement, ce sujet est

encore celé par le narrateur jusqu’au moment de son récit sur la déchéance de l’homme.

Cette dernière situation, en effet, annonce déjà la couleur de l’avenir : du travail et de la

lutte. Pour le rédacteur biblique, la décadence est un thème ouvrant sur le thème de

l’homme à un autre sujet : la nature. La déchéance se décrit en termes à la fois d’oracle et

de prophétie par le sujet de la pénibilité de la vie humaine matérielle et spirituelle de

l’homme. Le thème de la déchéance est la seconde forme d’annonce de la richesse. Par

richesse, le narrateur entend le rapport de « l »’homme avec « la » nature. C’est un rapport

conflictuel à l’issu duquel la nature devient non plus un héritage de l’homme, mais le butin

(le « hîl ») du Mal ou de JESUS. La bible insiste beaucoup plus sur ce thème suite de celui

de la déchéance et a laissé en pan celui du travail, pénibilité, etc. Ces thèmes sont d’ailleurs

repris par les économistes avec d’autres thèmes comme la « production », le « besoin », et

des fois, le tout dans un cadre de la société.

Aussi, la richesse apparaît dans la théorie hébraïque sous deux thèmes : la

« séparation », « le rassemblement » (du butin de guerre). A l’exception de ce dernier, les

vocabulaires connotés au thème de la richesse sont aussi ceux de la création. Le thème de

la richesse est donc un prolongement du discours sur la création de l’homme. Le premier

abord du thème de la richesse apparaît déjà par la création de la terre et des éléments qui le

constituent. Les Hébreux n’ont pas encore utilisé immédiatement, au moment de

l’ouverture du sujet de la création de l’univers, le thème de la multitude dans leur

cosmologie. Mais plus tard dans l’évolution de leur narration, ou encore au fur et à mesure

de l’influence de la culture de chacune des communautés qui a hébergé le narrateur du

moment, ils ont introduit progressivement le sujet de la multitude dans leur conception.

Pendant un certain temps, il s’agit de la multitude des étoiles, sinon des grains de sable ou

encore du nombre des cheveux. Chez les Hébreux, il n’est pas question de création de

nouveaux concepts, mais seulement d’emprunter les idées de leur voisins, les Grecs. Dans

79 Cf. Psaume 68 : 19- « Tu as gravi la hauteur, capturé des captifs, reçu des hommes en tribut, même les rebelles, pour que Yahvé Dieu ait une demeure » 80 Cf. Romains 6 : 19-

Page 116: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

113

la cosmologie milésienne, en effet, les thèmes de la multiplicité des « atomes » et de l’unité

de la masse initiale sont, avec celui du « vide » les thèmes de la création. Pour eux, la

création est un détachement d’un fragment de la masse et qui se déplace vers le vide. Les

Hébreux ont formulé autrement cette image : l’abîme de l’espace et l’informité de l’étendu

illimité de la masse. Ils n’ont pas utilisés le mot « détachement », mais plutôt

« séparation » ( en Hebreux « lDEb]Y"»" », « iab’del »)

En réalité, ce qui est traduit en termes de séparation ne relève forcément d’un verbe

grammatical, mais plutôt un nom verbal usité dans les langues sémitiques. Littéralement il

s’agit de « le séparer » où l’action désigner par le verbe est traité comme un nom81. Ce

choix en faveur du mot « séparation » et non pas « détachement », ou encore la différence

entre les imageries provoquées par la vision de séparation et de celle de détachement révèle

la cosmogonie hébraïque. Pour les Hébreux, il n’y a pas d’objet qui ait la capacité de

s’auto-détacher. Cette force d’agir sur la matière est une richesse dans le sens de pouvoir

souverain (« osher »), sinon d’une puissance militaire (« hîl) qui n’appartient, selon l’état

de récit de la narration qu’à dieu. Un élément de ce pouvoir est transmis à l’homme par la

bénédiction reçue ; il s’agit d’un pouvoir de soumettre ou de dominer : « ... dominez sur

les poissons des mers ... » (Genèse 1 : 28-). Le concept utilisé par le narrateur est le mot

« vub]ki », « kivshou » dont un mot « agneau » en est dérivé82. Ce mot a été aussi utilisé par

le narrateur de l’épopée du Roi DAVID à propos de la soumission des nations : Voir II-

Samuel 8 : 11-)

La force d’agir sur la matière (« ‘Osher ») est ce que l’homme, dans la conception

biblique, a perdu. En outre, il est lui-même devenu un butin (« Hîl ») du Mal et ensuite de

JESUS. La description du comportement moral s’ensuit, notamment sur les thèmes de la

vertu et du moral (considérés comme de la « richesse de la grâce ») avec les chrétiens.

Le rassemblement et la multiplication sont aussi un sujet hébraïque de la richesse.

Selon les rédacteurs de la bible, la terre a été créée pour être peuplée. Le peuplement est la

conception hébraïque de la richesse, aussi se comprend la pauvreté … de dieu devant la

81 C’est ainsi que dans la phrase : « qu’il y ait des luminaires au firmament du ciel pour séparer le jour et la nuit » (Gen. 1 : 14-), la traduction littéraire est plutôt : « qu’il y ait, avec des lumières 82 Voir Levit. 4 : 32- « Si c’est un agneau qu’il veut amener comme offrande », voir également Lev 12 : 6-

Page 117: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

114

déchéance humaine83, et sa richesse devant la multiplication de l’espèce humaine. La

multiplication de l’espèce humaine a deux sens dans un contexte de la formation du thème

sur l’homme :

1°) elle est la preuve d’une autorité politique, et d’assujettissement avec ses

connotés (puissance militaire, butin de guerre, etc.)

2°) elle comble le vide originel, et de ce fait elle achève la création.

En associant le thème de la richesse avec celui de l’homme, la conception

hébraïque a mis l’accent sur la pluralité dans le thème de « l »’homme. Pour elle, le thème

de « l »’homme évoque à la fois l’unicité de plusieurs hommes et surtout à leur caractère

précieux, si précieux que, d’après la bible, un dieu a accepté de se sacrifier pour le ou pour

les sauver.

Le thème biblique de la richesse provient d’une façon ou d’une autre d’une variété

de narrations sur la formation de l’univers offrant aux narrateurs les concepts qui ne seront

plus à développer. Il est cependant particulier dans le sens où il prépare le récit du thème

« l’homme » avec les sujets comme la « déchéance », le « salut » et la « rédemption ». A

côté de la théorie hébraïque, pour sa part, l’Antiquité grecque avait elle aussi développé sa

théorie de la richesse. Avec les mêmes fonds communs de thèmes comme la « richesse »,

la divinité, la cosmogonie, les narrateurs grecs ont élaboré différemment leur description

de l’homme.

Les Grecs étaient aussi partis de la base de la théorie de la cosmogonie, mais ils ont

laissé parler leur divinité ; leurs narrateurs se cachent derrière ce que les auditeurs

considèrent comme évident et non discutable. Leurs théoriciens voulaient expliquer et non

pas décrire le monde. Leur méthode met en description un panthéon de divinités influant

tragiquement sur le destin de l’homme. Parmi ces divinités, certains agissent sur la

richesse, d’autres sur la vie ou la mort, ou encore sur la nature. Une énumération des

différentes divinités à qui la prospérité et leur redistribution entre les hommes sont

attribuées est donc nécessaire et inévitable pour la compréhension de la théorie grecque de

la richesse. Cela nous conduit ensuite à la recherche de la signification du sens (ou la

83 « Car ainsi parle Yahvé, le créateur des cieux : C'est lui qui est Dieu, qui a modelé la terre et l'a faite, c'est lui qui l'a fondée; il ne l'a pas créée vide, il l'a modelée pour être habitée. Je suis Yahvé, il n'y en a pas d'autre » (Isaïe 45 : 18-).

Page 118: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

115

fonction) de la richesse. Cette conception révèle à son tour un autre thème de l’homme.

Mais cette approche demande une connaissance des différentes mythologies et des

religions anciennes, c’est-à-dire une érudition encyclopédique, en supposant encore que

tout ce qui a été fait est suffisant et peut représenter ce qui n’est pas encore connu. Une fois

ce problème résolu, il faut compléter cette connaissance par des connaissances

anthropologiques ou sociologiques pour donner un sens aux termes et aux objets cités.

Une deuxième approche existe : aborder la question à partir des théories sur les

pratiques et les croyances collectives à partir desquelles se forment des sujets de la

richesse : les objets porte-bonheur, ou les déterminants de la prospérité, ou encore des

sujets-fétiches (comme la religion) qui provoquent une réflexion sur « l »’homme. La

théorie cosmogonique n’est qu’un des aspects de cette approche. Elle a l’avantage d’être

convergente (les thèmes qu’elles produisent pour faire le thème de l’Homme convergent

vers un champ limité d’argumentations et de concepts).

Mais au-delà de ce domaine vulgaire des thèmes issus de l’histoire de la

philosophie, des thèmes sinon des faits menant vers le thème de la richesse et par la suite

vers le thème de l’Homme existent également. Mais ils sont cachés dans les historiettes de

la vie quotidienne et les mythes sans fondement ni cohésion qui finalement peuplent la

pensée et la réflexion humaine et avec lesquels, certainement, le thème de l’Homme est

construit.

Seulement la méthode et le champ d’argumentations et le domaine d’observations

manquent. Déjà, le produit de thème « l »’homme n’est pas forcément consigné (ce sont les

thèmes qui mènent vers le thème « l’homme » qui sont retenus dans les classifications

scientifiques ; ensuite la discussion sur ce sujet dépasse le cadre d’une reconnaissance

académique et de validation de savoir. L’exemple est le « kabary » : tout l’art consiste à

bien dire les choses sur l’Homme et de la Vie. Il est l’objet d’un apprentissage (avec des

centres de formation et de littérature de vulgarisation) et de reconnaissance attestée par une

preuve écrite. Mais, finalement, après deux ou trois heures d’audition, on a l’impression de

n’avoir pas suffisamment compris. La soif de savoir plus sur l’homme n’est pas satisfait.

De même les sermons et les prêches n’ont pas immédiatement changé le monde, mais

seulement meublés une cérémonie ou une rituelle, alors que le sujet s’apprend dans les

académies de théologie.

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116

Devant cette lacune, nous nous proposons d’explorer les « kabary », « sermons » et

autres bribes de propos sur la richesse en pensant qu’ils mènent vers un thème de

« l »’homme. Pour cela, nous allons prendre 1°) les propos aphoriques des sciences

occultes

II.­  De  la  construction  de  la  réflexion  sur  « l »’homme  à partir du thème « femme » 

Les récits de la création de l’univers jusqu’à celle de l’homme sont marqués par le

thème de la femme. Dans les théories où l’univers est considéré comme un ensemble

biologique, le thème de la femme ainsi que de ses connotés (les imageries associées à la

femme) apparaissent dès l’histoire de la création universelle ; alors que dans une

conception mécanique de la création, ils figurent au bas du processus, en tant que dérivé ou

complément qui est, toutefois, déterminant du cours de l’histoire universelle. Sans vouloir

faire une généralisation hâtive, on remarque que lorsque le thème de la femme est introduit

dès le début de la narration de la création, le récit de la création sera une histoire de

défaillance de la divinité devant une tentation, ou encore une histoire d’amour et

d’accouplement – le plus souvent incestueux selon l’éthique de la civilisation faisant ainsi

de la création une histoire d’êtres étranges, voire étrangers à la culture. Par contre, lorsque

le thème de la femme est introduit en fin de processus (cas général des sociétés

patriarcales), la femme figure en tant que dérailleur du cours de l’histoire. Aussi, le thème

de l’homme dépend-il de la place dont le narrateur a octroyé pour la femme. En outre, avec

le thème de la femme, un nouveau sujet est introduit : la faiblesse de l’homme.

A – La femme en tant que thème révélateur de la faiblesse de l’homme.  

Pourquoi avoir raconté le récit de la création ? Quel besoin satisfait le récit de la

création ? Finalement, qu’est-ce qu’un livre qui a pour objet de narration la vie ou

l’homme ?

Le récit de la création a pour objectifs d’enseigner, de réfuter, de redresser et de

former la base de la connaissance vitale. Dans la religion, ces actions sont faites étant

donné la justice. Dans la science, elles sont accomplies à cause du désordre,

l’incompréhension, etc., alors que une hypothèse d’ordre initial existe. PAUL écrivait que

la Ecriture Sainte est utile pour «enseigner, réfuter, redresser, former à la justice », mais

Page 120: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

117

on ne sait exactement qui, ni pourquoi. Des fois PAUL s’adresse aux non croyants

(évangélisation) ou aux croyants (édification) ou encore à ses délateurs. La bible rarement

relève les arguments de ses délateurs faisant en sorte alors qu’elle s’adresse à l’homme en

général. Ses délateurs sont des fois des Juifs (la question est la différence de lecture et

d’interprétation des propos bibliques), des fois, des païens (la question est alors de montrer

ce que les chrétiens considèrent comme le dieu véritable). La bible est aussi utilisée pour

« redresser » les pratiquants (elle est alors un livre d’éthique) et pour encourager les

pratiquants (elle est alors un bréviaire de « révolutionnaires »). Les discours des rédacteurs

sont affectés par cette situation complexe et contradictoire. Mais rédacteurs de la bible

n’ont pas obtenus les mêmes principes de la validation de leur propos, notamment une de

l’obligation de conservation, obligeant les rédacteurs et enseignants de la bible à se référer

strictement aux messages et aux enseignements reçus. Conséquences, des enseignements

divergent qu’il est nécessaire d’instituer la canonisation de documents authentiques.

Dans le constat de désordre étant donné une intuition de l’ordre, l’homme n’arrive

pas à se situer intellectuellement lui-même ; il n’arrive pas à localiser lui-même. Cela

explique le développement de la science de la nature. Cette dernière, en fin de compte, a

pour objectif de retracer l’état de lieu de ce qui est connu sur la nature. La façon dont le

récit biblique de la création a introduit l’homme annonce déjà une crise d’identité.

La bible introduit le thème de l’homme de façon critique : elle parle de l’homme

sans lui donner un patronyme en l’appelant tout simplement… « Homme » ou en Hébreu,

« ADAM » 84 (ou « μd:a; » littéralement « âdâm », ou « l’homme ou un homme85 » avec

une variante « μd<ao », littéralement « odêm » qui signifie « Topaze »86). L’homme n’a pas

de nom et d’identité, alors que dieu – du moins pour la cosmogonie juive – est déjà un

connu du récit. En fait, la bible introduit le nom par l’expression « ar:q]YIw" » (littéralement

« il appela … »). Ce n’est donc pas le patronyme qui importe dans la pensée hébraïque,

mais le mot qu’on utilise pour appeler un individu ou un objet. Exemple, Dieu a décidé

d’appeler la « terre aride » - dont le mot hébraïque est « hv;B;Y » yabâshâ »traduit dans

84 Voir Genèse. 1 : 26-, 4 : 25-, 5, 85 Voir Exode 13 : 13-, 15-, Exode 30 : 32-, Lévitique, 1 : 2-, 5 : 3-, 86 Voir Exode 28 : 17-, Exode 39 : 10-

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118

d’autres contextes par « privé de tout » (Nombres 11 : 6-) ou « terre desséchée » (Isaïe 44 :

3-) – par le mot « ≈r<a, » « terre » (Genèse 1 : 10-). Le mot « Homme » n’est pas une

catégorie spécifique, mais un terme usé pour cette unique finalité. S’il avait décidé de

nommer l’homme par un autre nom que ADAM, il signifierait par la même occasion la

différence et l’homme ou la notion préexistant de l’homme. Nous ne voulons ni pouvons

entrer dans les secrets de cabalistique pour expliquer le sens du mot « Adam »87. Le

véritable thème de l’homme dans le livre de la création se trouve dans le livre de

descendants, le chapitre 5 du Livre de Genèse.

La crise se traduit par une quête de mot juste et tranchant dans la description par le

narrateur. Dans la bible, la phrase suivante montre ce souci de précision excluant en même

temps le narrateur. Le rédacteur utilise deux dénominations d’un même sujet qui est

l’homme : « Dieu n'est pas homme, pour qu'il mente, ni fils d'Adam, pour qu'il se

rétracte. » (Nombre 23 : 19--). Dans la première proposition, « Dieu n'est pas homme », le

mot « âdâm» utilisé pour évoquer usuellement l’image de l’homme est délaissé le mot

« î’ch » (« vyai »). La phrase aurait pu être alors « dieu n’est pas Adam ni fils d’Adam

pour qu’il se rétracte ». D’après les exégètes, « î’ch » est utilisé pour désigner l’homme

quelconque. Visiblement, en choisissant le patronyme « adam » pour nommer son

protagoniste, avec ses variétés de sens « Terre », « topaze », le rédacteur traite le thème de

l’homme avec d’autres thèmes : exemple, le thème de l’homme n’est pas traité

particulièrement dans le thème, car dans le fond, ce qui est nommé n’est l’homme, la

pierre ; le thème de l’homme n’est donc pas un thème de la création. Le rédacteur est dans

une position embarrassante de la création de l’homme. La nature ou la présence du dieu

contredit l’existence de l’homme comme une sorte d’opposition entre l’essence et

l’existence. Tout ce qui se dit sur l’homme est la négation de ce qui se dit sur Dieu ;

l’existence de l’homme est contraire à l’essence de dieu, que, en plagiant le verset biblique

précédent, dieu n’est pas homme ni un fils d’homme, qu’il lui est interdit, voire impossible

de montrer son existence par la preuve usuelle pour l’homme (Dieu n’a donc pas manifesté

sa présence par la création ; l’action ne prouve que l’existence de l’homme, et aussi du

narrateur).

Cette position du narrateur a été aussi vécue par des écrivains, lorsque le thème

qu’il veut décrire est révélé par l’action : l’homme montre son identité non pas par rapport

87 Voir à ce propos CROWLEY Aleister, « Une note sur la Genèse », Morgan’s World NO,

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119

à un autre individu (cet homme-là ne dit « je suis ce qui n’est pas toi »), mais par rapport à

son action (et qui s’affirme donc par « je suis ce que je fais »). Cette façon de se présenter

est aussi celui de l’homo œconomicus.

Les Grecs aussi pensent que les poètes dépendent de l’inspiration divine qu’ils

reçoivent lorsqu’ils chantent. Comme les écrivains bibliques, ils reconnaissent l’origine

divine de l’inspiration (poétique)

« Ces vers, écrit PLATON, et ceux que nous avons vus touchant les Cyclopes, lui

ont été comme inspirés par les Dieux, et sont tout-à-fait dans la nature; car les poètes sont

de race divine, et quand ils chantent, les Grâces et les Muses leur révèlent souvent la

vérité ». (PLATON, Livre 3 s.d., (682 a)). Voici comment PLATON décrit les effets des

Muses dans son « Les Lois – Livre IV »:

« lorsque le poète est assis sur le trépied des Muses, il n'est plus maître de sa

raison, que, semblable à une fontaine, il laisse couler tout de suite ce qui lui vient à

l'esprit, et que, son art n'étant qu'une imitation, il est forcé, lorsqu'il représente des

hommes dont les sentiments s'opposent, de dire le contraire de ce qu'il a dit, sans savoir de

duel côté est la vérité » (PLATON s.d.)

Poètes et prophètes sont, selon la façon actuelle de penser, animés par des forces

qui leur sont étrangères. C’est cette force extérieure qui leur donne l’illumination pour

pouvoir décrire l’homme, malgré l’opposition de leurs sentiments. En outre, les poètes -

narrateurs sont obligés d’aborder des sujets « non vulgaires » et « amères » pour les non

pratiquants, mais qu’ils les avalent parce qu’ils sont enrobés dans des « mots doux »

écrivait LUCRECE dans son Livre IV. L’approche poétique est encline à présenter le

thème de l’homme par la femme.

L’exploitation du thème de la femme est universelle dans le récit de l’homme, mais

la différence persiste en ce qui concerne la position de la femme par rapport à l’homme.

Tantôt la femme n’est qu’une « axillaire » des hommes, tantôt elle est mise sur un piédestal

en tant que origine et source créatrice de tout ce qui existe. La religion hindou, par

exemple, impute l’existence aux déesses sources de ce qui existe, alors que le panthéon

grec présente l’homme comme la source de l’histoire.

Page 123: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

120

B ­ Le choix du thème de l’homme par le narrateur 

Pourquoi le narrateur a-t-il choisi de prendre l’homme comme un thème de la

réflexion ?

Il serait tentant de répondre que la littérature écrite et orale relève de la culture, et

de ce fait le choix du thème est préalablement fixé par la culture, ou plus précisément et

selon Michel FOUCAULT, de la problématique de chaque culture. Exemple, le thème de

combat fratricide est un thème de la culture indoeuropéenne, et de ce fait, il ne se rencontre

que dans les communautés ayant subi les influences de cette culture. Aussi, si l’on suppose

que le thème de l’homme n’appartient qu’à une culture, alors quelque part, des cultures qui

ne se sont pas préoccupées de l’homme existent. Or, le thème de l’homme étant un thème

de l’identité de l’homme est un phénomène social et non pas culturel.

Certains auteurs, dont Jean-Louis DESSALLES, pour leur part, estiment que le

choix d’un thème de l’homme est aléatoire et de ce fait, il peut être évalué par une loi de

probabilité (DESSALLES 2007). Pour eux, le problème est double : le choix et la

mobilisation de l’intérêt collectif pour le thème. La question est : qu’est-ce qui poussent les

individus à signaler certaines situations plutôt que d’autres ?

Mais la présence et l’importance du thème de l’homme ne nous permettent pas de

considérer la présence du thème de l’homme dans toutes les cultures du monde comme le

résultat accidentel du hasard ni de la simple quête intellectuelle de l’homme ; elle répond à

un besoin plus important et impétueux de l’homme. Nous indiquerons alors, les

déterminants de la production de la narration et ensuite comment se mobilise en

permanence l’intérêt collectif pour le thème de l’homme.

1°) Les déterminants de la production de la narration en faveur de thème de 

l’homme 

Le choix du thème de l’homme dans la littérature dépend pour les uns, notamment

les économistes, de la pression de la demande, alors que pour d’autres, notamment les

théoriciens chrétiens, de la volonté obligatoire de Dieu sinon des Muses. La question de

choix de récits obéit à une logique de marché ou de l’équivalent de ce dernier pour les

communautés qui ne sont pas parvenues à la production marchande : les rédacteurs sont

des producteurs de biens (des récits) répondant à des attentes des consommateurs.

Page 124: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

121

Mais les classifications ultérieures des récits, au fur et à mesure que leur production

augmente, révèle un phénomène étrange : dans un certain sens, les récits s’assemblent, des

récits de voyage, de relation sociale, d’aventures et d’exploits, comme si les Muses elles-

mêmes sont emprisonnées par ces sujets. En outre, ces récits semblent relater des faits

actuels sinon toujours actuels. Enfin ces récits décrivent une vision de l’homme ; quelque

part dans le récit, on sent la présence de l’homme. On ne raconte pas par exemple un

paysage, mais le sentiment humain devant le paysage.

Pour expliquer ces constats, les linguistes reconnaissent l’existence d’une sorte de

principe narratif spécifique comprenant la passion permettant au narrateur de réciter un

phénomène (cette passion est le produit de ce que les Malgaches appellent du

« aingampanahy88 » des Muses ou de l’inspiration divine). Il comprend de ce fait, un

germe de limite de ce qui peut être narré étant donné les vertus ou les vices de cette source

d’inspiration.

a – De la vulgarisation des modèles de récits tout fait 

D’après la littérature sur la poésie et sur la source de la littérature, les origines des

récits (plus particulièrement ceux portant sur l’homme) proviennent ou bien de la demande

de l’homme sinon des la volonté de Dieu ou des Muses, sinon des « aingampanahy » (ou

élan de l’âme). Qu’est-ce qui fait la différence entre les récits sur le thème de l’homme ?

Les facteurs de convergence des récits ne sont-ils pas plus forts que ceux des divergences ?

Les facteurs de convergence sont l’unicité ou la ressemblance des inspirations

humaines à cause du caractère identique de la constitution de l’homme. Ceci se traduit par

les sens commun de l’infini ou de ce que FREUD appelle la « religiosité ». Cette dernière

est alors détruite par l’art (PLATON). L’art a détruit le rituel de la religion. Pour lui, la

pratique artistique est déjà donnée par des règles dont l’origine échappe aux hommes. Mais

l’artiste ou le poète a détruit cette façon de faire, en prêchant par ignorance sous la

tolérance de la divinité. PLATON est aussi l’auteur d’une conception de la formation de

thème sur l’homme à partir de la nature de l’homme à travailler. Dieu fait intervenir les

Muses pour que les hommes puissent oublier leur nature travail et organiser des fêtes à leur

honneur. Une fois l’homme débarrassé de sa nature, il s’adonne alors librement, c’est-à-

88 « Aingampanahy », littéralement « élan de l’âme ». Les Malgaches ne reconnaissent pas la détermination extérieure de l’âme, car l’âme est souveraine étant donné qu’elle est l’essence de l’homme.

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122

dire sans intervention divine, à des créations artistiques et littéraires. Loin des aspirations

divines, l’art est un thème typiquement humain (PLATON, Les lois - Livre II s.d., 653e).

Chez les économistes, l’origine des récits sur l’homme provient de la rencontre de

l’offre de la littérature sur le thème de l’homme et de la demande. L’offre provient de la

production locale et au hasard d’un discours sur l’homme et qui a fait des effets sur la

demande des lecteurs ou des traducteurs, sinon de l’engouement pour un récit sur ce sujet

produit par des auteurs étrangers.

Les récits de voyage concernent des déplacements pour un pays réel ou de contrées

imaginaires. Ils existent dans toutes les époques et dans toutes les civilisations : dans le

Moyen-âge, le cycle arthurien est le parangon89. Ces thèmes de voyage, d’amour et de

drame étendent en un clin d’œil les éléments de la théorie cosmogonique des philosophes

de l’Antiquité grecque90 suggérant par voie de conséquence l’affinité le fondement

indoeuropéen du récit ; ailleurs, peut-être, d’autres formes de narration dominent, mais

quelle forme d’autres narrations peut-on encore demander au-delà de ces thèmes ?

Le récit de voyage annonce la quête de départ physique ou de progression mentale

et intellectuelle chez l’homme. Quelques fois, le voyage n’est pas un déplacement

physique, mais une pénétration dans un autre monde ; il s’agit tout simplement de

transformation de la vie de l’homme. Cette transformation fait l’objet d’un constat social

attesté par un rite. L’ethnologue français Arnold Van GENNEP (1878 – 1957) constate que

généralement les voyages physiques ou la transformation physique qui suit la vie d’un

homme s’accompagne d’un rite de passages décomposé entre la séparation, la

89 Bien que quelques auteurs de ces récits soient identifiés, l’étendu linguistique de ce récit – ce récit est écrit en latin, en français, en provençal, en anglais et en allemand – ainsi que leur incrustation dans l’histoire de chacune de ces régions où il a été plus ou moins conçu – indique que ce récit n’est pas un simple récit, mais plus que cela, un thème d’une culture. Sa valeur réside dans le fait que ses personnages ont servi de support éducatif à plusieurs communautés linguistiques. Les qualités des protagonistes de ce récit, affirment les rédacteurs de Microsoft Encarta 2009, se démarquent pour leur caractère idéal : ARTHUR est le roi idéal car il est un chef militaire rassembleur, ou parce qu’il a été élevé dans l’école féerique de l’enchanteur MERLIN, sinon, comme le roi biblique SALOMON, parce que, selon ses présentateurs, il gouverne avec sagesse, ou encore parce qu’il est courtois, c’est-à-dire ayant un comportement de l’idéal de noblesse de la cour d’un roi – la courtoisie est un mode de vie de XIIe siècle européen –, ou parce qu’il a gardé les valeurs guerrières de la prouesse et de la vaillance primées par la société antérieure du Moyen-âge. D’autres analyses du même récit insistent plutôt sur l’objectif à atteindre (la quête du Graal) et font de ces personnages, des entrepreneurs un quête d’un profit idéal pour leur propre honneur et pour le salut de leur peuple. Ce type d`interprétation évoque quelques valeurs primées par l’économie, notamment la recherche de profit et de l’augmentation de la production. 90 Les théories cosmogoniques grecques mettent en premier plan leur héro sous forme d’éléments (la terre, le ciel, les monts et la mer) ainsi que leur hyménée et leur descendance (Chez HESIODE, par exemple, la terre – une sorte de déesse-mère – enfantait le ciel, etc.).

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123

marginalisation et l’intégration. De ce fait, les récits de voyage comprennent le plan de

récit proposé par Van GENNEP.

Les récits de guerre s’accompagnent de récit de voyage et d’aventure. Dans la

culture indoeuropéenne, le premier récit de guerre remonte du temps des Sumériens. Dans

la théorie de Van GENNEP, les récits de guerre retracent les faits de l’homme dans une

situation de marginalisation. Mais dans la littérature actuelle, les guerres changent de

descriptif et se présentent sous forme de situation conflictuelle, portant notamment sur les

faits de l’individu décrit comme étant différents de ceux de la société, ou tout simplement

des faits déterminants du changement social ; c’est pourquoi, ils se présentent sous forme

de récits expliquant le pourquoi de telles ou telles lois de la nature. D’après ces récits, il y

avait une situation initiale différente, voire opposée, de la situation actuelle, mais à cause

de la trahison ou de l’immoralité de l’un des protagonistes, la situation change.

La littérature portant sur l’amour fait le plus souvent de jugement critique. OVIDE

a écrit un traité « L’art d’aimer » - pour lequel il a été disgracié par son protecteur à cause

du caractère immoral de ce poème, c’est dire également que le thème de l’amour inspire,

depuis les temps, une quête de raffinement sinon et au moins, une exigence de non

vulgarité -, et des poèmes « Les Produits de beauté pour le visage féminin », « Les

Remèdes d’amour » et « Les Métamorphoses ». OVIDE nous informe le centrage de

caractère moral de l’époque dans le thème de l’amour.

Les faits narrés dans les toutes premières littératures ont de ressemblance avec les

faits sociaux actuels : ils se portent sur des actions de déplacement et de combat. Seuls les

motifs et les concepts de description changent de dénomination et de formes: au lieu de

lutter pour des valeurs morales, ou en vertu de la raison, l’action est motivée par le « profit

» matériel attesté par l’augmentation de la quantité de « production » ou du « revenu ». En

outre, dans les sociétés occidentales modernes, les narrateurs peuvent faire des récits sur

des épisodes de leur vie personnelle. Les récits de caractère autobiographique ont un relent

introspectif très utilisé dans l’étude de comportement et de rationalité. Dans certains

d’entre eux, les auteurs répondent seulement au pourquoi de leur activité présente

(Exemple le « Des mots » de Jean-Paul SARTRE (1905 – 1980) dans lequel cet auteur, à

travers son protagoniste POULOU, montre comment sa défiguration lui a conduit à vivre

deux séries de vie passant d’un état d’adulé à celui d’observateur), ou encore, profitant de

l’existence de forme précise de littérature, retracent ce qu’ils ont pu vivre : profitant de

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124

l’engouement populaire pour le récit courtisan, des auteurs peuvent parler de leur

expériences sentimentaux. Dans les récits anciens, par contre, se racontent les actions des

héros populaires ou de celles d’individus qui ne sont plus à présenter auprès du public. Ces

héros sont ou bien des divinités ou des démiurges ou des êtres humains représentant la

vertu de l’homme faisant le bien, ou le mal, l’astucieux (à l’instar de IKOTOFETSY,

littéralement, le « garçon astucieux ») ou le débonnaire. Le concept de héro, et

éventuellement tous les récits mettant au premier un héro, est d’origine indo-européen. Le

mot héro est certes d’origine grec, le récit de l’héro est donc probablement une façon

grecque de narration (HAUDRY). Dans les communautés mésopotamiennes, les

documents cunéiformes retracent seulement des faits de la nature localisés dans la période

du règne d’un roi connu ou qui se passe de commentaire. Cette façon de faire la narration

met d’ailleurs en relief non pas un homme, mais une force de la nature, et fait en sorte que

l’homme (le roi) qui sert de repère historique semble subir les faits de cette force qui lui est

extérieure. On trouve d’ailleurs cette façon de faire dans les récits historiques de la bible

(voir les deux Livres d’histoires)

Les récits de guerre peuvent aussi être des récits d’amour ou de vertu. Ils retracent

le dénouement d’un conflit intérieur de l’individu ou de l’acheminement de sa pensée vers

la découverte d’un objectif matériel ou spirituel. L’Évangile biblique et plus

particulièrement les récits johanniques se présentent sous forme de trace de conflit que doit

entreprendre le héro – JESUS – pour montrer ses preuves d’affection à l’égard de

l’humanité. La doctrine paulinienne du mariage, reprenant l’ensemble de l’enseignement

chrétien, récapitule cette approche. Dans une épitre adressée aux Ephésiens, l’apôtre PAUL

compare JESUS à un homme aimant une femme, l’Église et sauvant cette dernière de

l’adultère abominable ; l’Apocalypse de JEAN raconte l’ultime combat du fiancé pour

arracher ou purifier sa promise du mal dans laquelle cette dernière se trouve.

Les récits d’amour retracent des conditions différentes de vie, ainsi que de la

différence de positions sociales segmentant les êtres humains avant même la segmentation

politique et territoriale imposant la notion de l’État-Nation devenant des obstacles à

l’unification de l’espèce humaine et à la puissance militaire et au bien-être physique que

cette unification, selon la croyance implicite contenue dans les textes, apportent. C’est dans

les romans d’amour que se perçoivent les notions modernes de bien-être et leurs connotées:

la prospérité économique et l’harmonie.

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125

b ­ De la demande de récit de l’homme 

L’universalité de la présence des récits laisse supposer que la production des récits

sur l’homme répond à un besoin universel de se connaître

Certaines littératures (notamment chrétiennes) insistent cependant sur le fait que la

rédaction ne dépend pas des lecteurs, mais d’une force qui pousse l’écrivain à écrire.

PIERRE, un des douze disciples de JESUS écrivait dans sa deuxième épître que : « ce n'est

pas d'une volonté humaine qu'est jamais venue une prophétie, c'est poussés par l'Esprit

Saint que des hommes ont parlé de la part de Dieu. » (II Pierre 1 : 21). L'Apôtre PAUL

confirme cette conception : « Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner,

réfuter, redresser, former à la justice » (II Timothée 3 : 16-). PLATON, parlant des poètes

– narrateurs (ou visionnaires) soutient que ces derniers sont animés par des muses dont ils

imitent.

La narration est un produit particulier qui répond à un besoin de plaisir (des mots

bien dits) mais aussi pour atténuer l’angoisse existentielle. Il faut dès lors regarder la façon

dont chaque communauté a élaboré leur thème de « l »’homme comme un bien culturel, un

bien collectif et non évaluable.

Nous défendrons que les récits sur l’homme ont des points communs.

Le point de départ du récit est généralement un mot provocateur, équivalent du

« souviens-toi » hébraïque. A propos de cette dernière et dans l’Ancien Testament de la

Bible, la réponse a été plus ou moins donnée par les propos de MOISE, un des chefs des

Hébreux, qui a mené ces derniers hors de l’autorité temporelle d’une puissance politique,

le Pharaon égyptien. Dans son discours consigné dans le livre de DEUTERONOME, ce

chef spirituel juif rappelait la préhistoire du peuple Hébreux par ces termes : « souvenez-

vous du départ d’Égypte … ». Puis, le même type de discours est repris par les

missionnaires : « Souvenez-vous de l’époque où vous étiez encore esclave du pêché … »

écrivait l’apôtre PAUL. Quelquefois, dans les Psaumes de repentance, des prières

s’exclame de ces termes : « Souviens-toi de tes alliances avec nos ancêtres, Seigneur … ».

« Egypte », « pêché », « alliance », etc., forment donc un ensemble de sorites ou de suite

d’idées composant la représentation de l’arche de l’histoire humaine. MOISE s’adresse

certes à chaque membre de la communauté juive qui l’écoutait ; son harangue est à la fois

politique et religieux ; et l’homme ainsi pointé est un être appartenant à un dieu et non son

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sujet en tant que prince ou chef spirituel. Dans ce contexte, l’homme n’est plus à présenter,

et le discours sert en fin de compte à présenter Dieu dans la représentation collective juive.

Une étude comparative de cette sorite hébreu avec une sorite chinois montre que la

façon dont la littérature chinoise ancienne développe une idée sur l’homme et son histoire

est faite de façon inverse de celle des Hébreux : ces derniers commencent par le début pour

arriver jusqu’à l’état actuel ; alors que le sorite chinois utilise une démarche à reculons : de

l’état présent, le narrateur expose un évènement ou une caractéristique déterminante qui

sont eux-mêmes déterminés par un autre évènement ou par une autre caractéristique

déterminante. Au bout de leur narration alors, on sent que généralement, leur récit

considère l’homme (le prince dont il raconte par exemple l’exploit) comme un lieu de

passage d’un caractère vertueux ou fort qui a fait que l’évènement ou l’exploit en question

se réalise. Nous sommes de ce fait en présence de deux façons radicalement différentes de

discours sur l’homme : le « souviens-toi de … » biblique et un « auparavant ». Dans ce

dernier cas, le récit prend la forme suivante : le prince qui voulait faire ceci, auparavant

faisait cela. En voulant faire ce dernier, le prince, avait, auparavant, fait un autre « ceci »,

qui, auparavant a été précédé d’un autre cela, etc. Le prince chinois est ainsi situé dans le

récit derrière un avenir proche, et devant une trainée de ceci et de cela.

En réalité, entre les deux approches, il y a une vision nuancée de l’homme : pour

les Chinois, l’homme est à la fois un représentant cosmique du monde, et de ce fait sa

source ou l’origine de ses actions remonte jusque dans la formation du cosmos, alors que

pour l’Hébreu, l’homme dont il est question est un élu de Dieu, et qui agit dans un monde

adverse. Les deux groupes de narrateurs décrivent donc, en réalité, deux représentations

différentes : le cosmos et la divinité. On ne peut apprécier alors la qualité de chacune de

ces deux sorites qu’en se référant à un troisième sorite qui peut servir en quelque sorte

d’étalon. Nous utiliserons à cet effet le indien.

Le sorite indien se rencontre dans le style dont les littératures religieuses indiennes,

dont entre autres le « Mahabharatha » et le Baghavad-Gîta ont été rédigés. Paul MASSON-

OURSEL distingue les structures suivantes : une scène spectaculaire pour l’esprit, un

environnement primitif implicite s’explique en principes qui s’engendrent les uns les autres

(MASSON-OURSEL 2006). Pour pouvoir comparer les sorites hébraïques et chinois, il

nous faut d’abord lire ces deux derniers en termes de sorites indiennes. Ceci nous conduit

alors aux descriptions respectives suivantes : pour le sorite hébraïque, la scène de création

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127

est présentée pour le lecteur du Livre de genèse, avec Dieu comme environnement primitif

principal. L’univers s’étend donc devant Dieu, conformément à la vision philosophique de

SPINOZA (1632 – 1677). L’explication de la création et ses principes, d’après la lecture en

sorite indienne du livre biblique de la création sont alors fournis dans d’autres livres

(notamment certains chapitres du Psaume, les chapitres 38 et 39 du livre de Job, dans

certaines lettres épistolaires de l’apôtre PAUL et du livre Apocalyptique de JEAN. Nous

voyons alors se découvrir les thèmes de problématique biblique : la connaissance de Dieu,

l’enveloppe corporelle et mondaine de l’homme, et le comportement ou nature pervers et

dépravée de l’homme qui ont rendu ce dernier à son état actuel.

Le sorite chinois, pour sa part, se décrit dans le sorite indien dans la façon

suivante : le spectacle est l’homme ; l’environnement primitif implicite est la vertu ou la

qualité naturelle ou destinée sans laquelle point n’est besoin de décrire l’homme.

L’environnement actuel est l’action séculaire de cet homme. Le sorite indien décrit ou

justifie donc une réalité. Le sorite chinois conduit à une acceptation d’un ordre universel

abstrait. Nous constatons alors que la différence entre les deux sorites n’est pas importante.

Conclusion partielle : la façon de parler de l’homme révèle l’homme ; l’homme est au

milieu du récit humain.

Introduisons encore d’autres sorites pour situer le thème de l’homme dans le récit.

Cette fois-ci, nous utiliserons le sorite malgache tel que les manuscrits en « sorabe » ont

consigné. A cet effet, nous nous réfèrerons au « Manuscrit A6 d’Oslo ». Ce livre est une

copie et une traduction en écriture latin (« sora-madinika91 ») d’un texte (« fandraka92 »)

antemoro et portant sur le récit de la venue des premiers migrants de ce tribut. Ce qui est

frappant dans ce texte est la succession de « tamin’ny … » (à tel moment) indicateur

d’évènement et de « ary … » (qui signifie « et » ou « ensuite »). Le sorite antemoro est

plus ou moins identique avec le Livre des descendants (« bokin’ny taranaka » ou en hébreu

et transcription de la lecture orale « Le livre des générations» du Chapitre 5 du Livre de

Genèse. Le point de départ du récit – que nous appelons « récit antemoro » - est le point

historique évènementiel introduisant aussi le héro du récit (le prince) avec ses sujets

91 « Sora-madinika » signifie littéralement « petite écriture », par opposition à « sorabe » (littéralement « grande ou grosse écriture » 92 « Fandraka » désigne du parchemin stocké dans la tombe commune de la tribu anakara. Le fandraka est un texte particulier, car il consigne des thèmes censurés par des scribes (« katibo ») initiés à la tradition. La mission des scribes est avant tout de consigner les souvenirs (« talily ») des témoins d’un évènement, sans que l’utilisation de ces consignes soit connue à l’avance. Cela entraîne une neutralité des historiens.

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(« olona » ou « ‘ich » dans les langues arabes et hébreux). Le prince est le sujet principal

du temps, et les individus qui l’accompagnent sont des sujets actifs du récit.

Ainsi, le récit est avant tout et peut-être essentiellement ou exclusivement une

technique de formalisation d’un discours afin de faire en sorte que la narration soit

combinée avec les éléments tangibles pour que celui qui narre un fait n’ait pas encore à

construire de preuves de ses récits. A cet effet, la technique consiste à insérer l’homme

dans le récit, de telle façon à ce que celui qui écoute se retrouve ou se figure lui-même

dans ou par rapport au récit.

2°) la mobilisation de l’intérêt collectif pour le thème de « l »’homme 

Le choix du thème de l’homme est inévitable et universel, car il est le produit d’une

vulgarisation du thème et de la demande de l’homme. Pourquoi et comment se reproduit

constamment cette demande ? Nous exposerons respectivement les causes de la présence

permanente du thème de l’homme dans la communauté humaine,

a) Les causes de la mobilisation de l’intérêt collectif pour le thème de l’homme 

La mobilisation et la permanence de la nécessité de la production artistique

provient plutôt de la nature de l’homme que de l’existence préalable de l’offre. Ce n’est

pas l’offre qui crée la demande de produits répondant au thème de la connaissance de

l’homme, mais la nature de l’homme elle-même. Les causes de cette maintenance du

thème sont : la crainte du « vide », l’existence des « simulacres » (LUCRECE), l’existence

d’un champ préalable d’argumentation et de discussion sur l’homme (pour les

rhétoriciens), ou encore, d’une scène de communication (théâtre et cinéma), sinon l’arrivée

inopinée et permanente d’inspirations poétiques ou artistiques, ou encore le besoin

permanent de redressement de la conduite et de la morale des membres de la société.

PAUL a réaliser la synthèse des causes de cette engouement pour le thème de l’homme

(véhiculé par l’ « Ecriture sainte » pas sa phrases selon laquelle « Toute Écriture est

inspirée de Dieu et utile pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice » (II

Timothée 3 : 16-)

LUCRECE analyse la cause de l’intérêt public pour les Muses : l’amusement

d’entendre des fables captivantes, plus particulièrement chez des types de personnes

n’ayant pas la culture des villes ou pratiquant certaines activités non intellectuelles et qui

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deviennent par la suite des consommateurs – et non de producteurs – des produits

intellectuels.

« ils [Les campagnards] ne veulent pas que leurs solitudes aient l'air désertées par

les dieux. De là ces miracles dont ils nous rabattent les oreilles ; mais peut-être aussi un

autre motif les guide-t-il, car le genre humain est avide de fables captivantes. »

(LUCRECE s.d.).

LUCRECE est certes conscient que dans les poésies et certaines narrations, des

superstitions existent, mais cela n’empêche que « les fables captivantes » et autres de ce

genre, sont des besoins des hommes. Il va même plus loin : la crainte du vide – un thème

générateur du thème l’homme : « « ils [Les campagnards] ne veulent pas que leurs

solitudes aient l'air désertées par les dieux. ». C’est un besoin associé à la nature de

l’homme. Mais l’explication de LUCRECE ne s’arrête pas au domaine du physique (le

vide), car ayant rallié à la cosmologie ionienne, il utilise deux thèmes originels de base : la

« masse infinie » et le « vide » ; les particules d’atomes qui composent la masse infinie

circule dans le vide. LUCRECE introduit alors un thème nouveau : « le simulacre ».

Si les atomes sont des « particules », c’est-à-dire des « très petits » corps, le

simulacre, lui, est une membrane légère qui se détache de la surface des corps et voltige

dans tous les sens dans les airs. (LUCRECE s.d., page 46). Dans son explication,

LUCRECE avance que le simulacre errant dans les airs trouble l’esprit, non pas comme le

font les « mauvais esprits » de la théorie chrétienne, mais en se présentant physiquement,

même de façon évanescente devant l’esprit. Ces craintes de ce qui peut être aussi appelé de

« ombre » s’estompe par la vision magnifique ou cohérente relatée par la narration

poétique.

Les rhétoriciens, dont font partie les « mpikabary » (faiseur de l’équivalent du

discours) pour leur part, utilise un autre produit. Pour capturer les idées sur l’homme et

pour construire un discours sur l’homme, d’après la rhétorique, il faut placer le discours

dans son lieu ou champ d’argumentations et de péroraison, un lieu où il y a une discussion

sur l’homme, sinon où une certaine information, en l’occurrence les proverbes et les

maximes sont plus ou moins partagés. Ce lieu est le cadre de la capture de l’homme et

donc de la formation du « thème de l’homme ». Le récit de l’homme y est apporté : les

récits d’aventure, de combat ou de sentiment. Le récit ne peut éviter de retracer un cadre

qui, dans un sens, sert de fond partagé de connaissance entre celui qui fait la narration et

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ses auditeurs. ARISTOTE, dans sa « Rhétorique » utilise le mot « topic » et au lieu de

parler d’environnement matériel, il pense à un ensemble de moyens intellectuels (y

compris conceptuels) permettant de rendre compte de ce qu’un hâbleur veut parler.

On ne peut, non plus éviter de se soumettre aux exigences du cadre de référence

dans lequel il est exposé. La référence au cadre d’exposé est une narration implicite, sinon

inconsciente. Le thème de quotidien est spécialement étudié par les cinéastes, de qui

apparaissent d’ailleurs les théories sur le cadre ; il est l’équivalent de thème de l’étendu

dans les cosmologies hébraïques et grecques. Il se doit d’être rempli par les propos du

narrateur sinon il est lui-même le lieu de fragmentation de qui découle la richesse.

Pour certains cinéastes, à l’instar de l’auteur dramatique anglais Stephen

BERKOFF (1935 - ), le cadre se trouvent dans les mots et les vocabulaires de la rue

exprimant les drames susceptibles de modifier l’avenir d’un individu ou de l’humanité ; ils

demandent à ses acteurs d’être à la fois « débridés et emplis de sensation de danger pour

leur permettre de s’exprimer de toutes leurs forces physiques et de toutes leurs ressources

vocales pour exprimer des poésies lyriques shakespeariennes – chaque homme de la rue est

donc une représentation de l’homme tout entier –, alors que, d’auteurs s’efforcent de

chercher du langage raffiné ». Cette façon de BERKOFF est une forme de littérature au

quotidien s’opposant en quelque sorte à la littérature savante ; elle a pour cadre naturel le

quotidien. Or, le quotidien – du moins dans le monde en voie d’industrialisation – est

dominé par les travaux des femmes, des femmes campagnardes, voire illettrées

(WIERLING, 1984), des objets inhérents à cette vie, notamment les objets de la

technologie (HUGON 2008) ; la dépréciation ou un jugement négatif en découle. Le

quotidien est loin d’être le référentiel pour une exposition d’une histoire de relations

sociales mettant en relation des individus en parfaites connaissances de soi, mais

d’individus agissant de façon spontanée, même si ces actions sont directes et déterminantes

de leur futur.

Le mot quotidien demande d’ailleurs de précision. Il désigne le superficiel et

s’oppose, dans ce sens, au réel et au profond de l’écrit. Mais chaque civilisation, chaque

groupe social ou chaque famille possède respectivement leur propre quotidien dont il est

d’ailleurs difficile de décrire étant donné que le mot lui-même évoque ses propres

matériaux et activités avec lesquels il est connu. Le quotidien est finalement une sorte de

décor naturel ou de scène organisé par le déterminant de ce qui apparaît et qui s’oppose

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avec la mise en scène d’un metteur en scène spécialisé93. Ce sont les sociologues qui ont

exploité cette approche, avec leur individualisme méthodologique, une sorte de modèle

répondant à la description du philosophe Henri BERGSON de l’homme ou de la pensée

qui n’a pas de précision, de lieu, ou tout simplement avec leur « acteur social ». Ici alors, le

cadre naturel serait le social, et de ce fait, alors, tout récit sera lu dans leur cadre social et

les agents ne sont plus ni des « voyageurs », ou des amoureux, mais des êtres moulés par la

société.

Ainsi, les causes provoquant la discussion ou la consommation sur l’homme sont

inscrits à la fois à l’intérieur de l’homme, comme une disposition naturelle, comparable à

l’échange dans la théorie d’Adam SMITH et dans son environnement social, comme une

condition matérielle de la vie sociale. Cette présence accrochante se présente elle-même

non pas comme un phénomène sociale visible, mais comme une puissance, une force que

ne peut percevoir que les individus sensibles et imbus au thème de la production matérielle

ou immatérielle ; c’est un phénomène qui dépasse la sociologie et évident pour l’économie,

la psychologie ou autres sciences de l’homme.

b) La puissance de la narration 

Une narration est puissante parce qu’elle provoque de l’action ou du travail selon

les termes de la science économique du moins du marché et du prix. Qu’en est-il alors des

actions de la narration sur l’homme ?

La narration sur l’homme est un discours politique : il est composé d’un thème

représentant une étendu : la réalité, et, dans l’hypothèse de l’existence d’un équivalent d’un

vide, d’un discours politique qui meuble cet espace. PENAFIEL, professeur de l’Université

de Montréal, reconnaît que certaines narrations, certains thèmes de la réalité prennent de la

valeur ou de l’objectivité pour la communauté qui les reçoit indépendamment des vérités

intrinsèques de ces discours. Telle est la première force du discours. Or le mot le contenu

93 L’art de mise en scène indique deux façons de le faire : l’usage de toiles peintes pseudo-réalistes et le décor avec des niveaux différents (conçu et réalisé pour la première fois par le metteur en scène suisse Adolph APPIA) mettant surtout en relief l’action des acteurs. Edward Gordon CRAIG (1872 – 1966), un autre metteur en scène britannique, pour sa part, soutient que la représentation théâtrale est strictement assujetti aux seules décisions du régisseur et non du metteur en scène, car le décor n’est qu’un accessoire et non le principal du théâtre. De ces considérations théâtrales, il apparaît que le lieu de déroulement de l’action est, peu ou prou, fondamental. L’homme est sensible à l’action et non à ses supports. La science économique roule plutôt en faveur de la scène sans décor de CRAIG, c’est pourquoi l’homo œconomicus, l'acteur principal de la comédie de la théorie économique (où les agents sont ou bien des producteurs ou bien des consommateurs) agit dans un cadre sans décor : la rencontre.

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du thème de « réalité » est au cœur du discours politique. Il se précise au fur et à mesure

des discours. Le discours politique est une lutte pour l’octroi de sens dans un thème partagé

et indiscutable. Il dépend du rapport de force antérieure au discours.

Le cadre récité par l’idée sur « l »’homme, est largement dominé par l’obscène – au

sens stricte du terme - formant en quelque sorte l’intrigue justifiant la narration. En effet,

ce n’est pas le quotidien et le vulgaire en eux-mêmes qui attirent l’attention du narrateur et

de ses auditeurs, mais quelque chose de spécial et de différent dans le quotidien, ou

pourtant quotidien. De ce fait, le récit indique la synthèse de l’exceptionnel et de son

opposé portant sur l’homme : des comportements exceptionnels et pourtant ordinairement

humains, et surtout de la parution exceptionnelle ou étrange, mais saisissable

intellectuellement. Le thème de « simulacre » en est un exemple: le simulacre dépasse le

corps et se présent sous forme de présence aléatoire et évanescent ; il est donc un thème sur

l’homme. Les récits en racontent que ce soient en termes d’âme, de fantôme, etc.

Chaque scène participe à la spécialisation de la narration en tant que support visuel

ou en tant que complément de ce que ne peut véhiculer le protagoniste du récit. Par

exemples, dans un récit de voyage le fait de mettre en cadre l’hostilité de l’environnement

suggère déjà le caractère combatif ou courageux du protagoniste, l’environnement douillet

dans lequel est placée une héroïne suggère le bonheur.

Dans une narration, chaque récit rivalise en suspens et dans le choix et dans la mise

en valeur des scènes et des décors. La partie la plus difficile est d’ailleurs, comme dans la

production d’un film, le choix du décor dans lequel, en effet, un supplément d’artifice peut

être apporté : le récit est donc le plus souvent une juxtaposition de plusieurs

représentations, et quelques fois de la manipulation psychologique. Dans chaque narration,

il y a, en fin de compte, de combinaisons d’idées détenues par un narrateur. DELEUZE

appelle cela du « bloc d’idées », ARISTOTE, pour sa part, utilise le mot « topic » ou lieu,

pour nommer cette partie susceptible d’être récité de la vie ou de l’activité humaine, et

SPINOZA utilise le mot « étendu ». Pour SPINOZA, ce qui existe par les faits de l’homme

sont fait dans la compréhension de Dieu94.

94 « J’affirme que toutes choses sont et se meurent en Dieu » affirme SPINOZA dans son Traité théologico-politique, cité par Jean DELORD dans « Spinoza : Ethique : livre I proposition XV : Scolie, 4e paragraphe », texte publié sur Internet. Il faut ajouter que le fait que tout ce qui existe est en Dieu, s’inscrit surtout comme un argument contre la théorie cartésienne de l’attribut de Dieu.

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133

Ainsi ce qui peut être narré peut aussi être puisé dans une sorte de lieu ou dans un

domaine du descriptible ; les narrateurs ne sont que des individus qui sont capables –

disons-le de façon poétique – de puiser de l’inspiration dans le domaine de ce qui est

susceptible d’être narré. En fait, le cadre utilisé par le récit est l’intelligibilité issue de la

répétition. Un récit n’a de sens que dans la mesure où il est intelligible. Or ce dernier

dépend de l’expérience vécue et surtout de la répétition des faits95. Les institutions comme

la famille et l’État-Nation et le champ sont les cadres des récits, mais avec

l’industrialisation et l’incursion de la littérature économique, l’entreprise devient le cadre

de la narration.

Dans la littérature, le cadre est aussi important et déterminant dans la qualification

de l’ouvrage. Il se présente sous forme de fond d’une réflexion ou de la narration, même

s’il s’agit de fiction. Dans ce dernier type de roman, les récits de voyage et d’aventure

restent.

La littérature économique utilise aussi le cadre précité ci-dessus. Les économistes

sont des narrateurs confrontés à un public averti, sinon non un public qui demande de la

persuasion, des interlocuteurs ayant des opinions divergentes et d’intelligence variée. La

littérature économique est d’ailleurs victime de cette situation : elle est discutée et

critiquée, non pas pour les idées qu’elle diffuse, mais à cause de la mésentente sur

l’interprétation de sens de la thèse défendue par les économistes, ou encore à cause des

propos provocateurs – ou sortant des discours ordinaires – tenues par l’économiste. Tel est

d’ailleurs le cas des articles de Milton FRIEDMAN (NADEAU, Milton Friedman et son

discours de la méthode s.d.). La nouveauté de l’idée est d’ailleurs l’ « obscène » ou le

« scandale intellectuel » - selon les termes de NADEAU – de l’économiste ; elle est une

sorte de vérité attendue mais qui n’a pas pu poindre que par l’économiste en question.

L’économiste devient alors « le » économiste, le narrateur, car il a trouvé son cadre.

95 « Supposez qu’un homme doté de toutes les facultés de raison et de réflexion soit déposé dans ce monde, soutient David HUME, dans son «Enquête sur l’entendement humain », il serait incapable de découvrir autre chose ; il serait incapable de découvrir la cause et l’effet car ce qui apparaît n’aurait pas de sens à ses yeux, et il ne serait certain que de ce qui est immédiatement présent. Mais s’il gagne de l’expérience, il infère l’existence d’un objet à ses expériences. Cette action résulte non pas de l’intelligence, mais de l’accoutumance.

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134

c) De la temporalité 

Le récit n’est fort que parce que son temps est limité, mais qu’il peut se prolonger

dans la pensée de l’auditeur.

La narration suppose la temporalité du récit. Insidieusement, elle demande une

conscience et une unité partagée du temps entre le narrateur et ses auditeurs, sinon une

interprétation particulière de ce phénomène. De ces faits, le temps devient un problème ou

un thème permettant de comprendre et de faire le récit. Le temps est présent dans les

littératures générales aussi bien que dans la littérature économique. Les théoriciens de la

littérature l’ont mis en relief dans la rubrique « littérature cosmogonique », dans laquelle le

temps est repéré par son « début », ou « commencement » biblique, ou encore, par des

mots nommant l’ « archê » (ou le début) du temps : le « jadis », ou, en Malgache, le

« fahagola ». La science économique, pour sa part, est en quête de nouvelle formulation de

temps.

La littérature cosmogonique essaie de retracer ce qui s’est passé dans les toutes

premières journées ou les toutes premières nuits de l’humanité ; ainsi faisant cependant, et

malgré elle, « le » temps a été nommé ou identifié – pour ne pas dire inventé. Elle nous

relate les actes qui ont été faites durant le premier moment : des êtres aventureux qui

plongent dans une étendue aquatique ou réflexive et énonciation d’un premier discours

ordonnant la création, ou encore des êtres qui séparent une étendue cosmogonique

composée de mélanges confus. Ces actes font cesser ou éteindre quelque chose, et

imposent ou insèrent des faits ou des êtres nouveaux dans le présent, et surtout, ces actes

instruisent les lecteurs de la réalité d’un fait. Par cette instruction ou par cette narration, les

concepts d’ « avant » et d’ « après » l’acte prennent un aspect de substance mentale

délimitant les évènements. Les actes sont devenus des repères de narration, au même titre

que le temps.

Cet évènement repère cependant ne permet pas encore de résoudre le problème de

la durée ou de la longueur du temps. Une autre façon de créer la temporalité est introduite

par la bible. Le livre de Genèse ne reconnaît que l’existence du temps « premier » et déjà

certains des prophètes bibliques annoncent l’avènement de la fin du temps ou des jours. Ce

premier et cette fin se subdivise dans la bible en une durée composée de couples de jours et

de nuit (conformément à la conception mésopotamienne de la notion de journée). Les

couples jour-nuit sont à leur tour regroupés en « semaine » de sept jours, quoique rien ne

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nous permette de défendre l’idée selon laquelle les jours de la semaine s’arrête au septième

jour et qu’il n’y a pas de huitième jour dans la semaine. Les semaines forment à leur tour

des mois, dont le regroupement forme une année. L’idée de jubilée indique également la

connaissance de la subdivision annuelle de temps dans la Bible.

La conception biblique du temps se distingue par le fait que le nombre des jours de

la semaine a été, du moins en apparence, décidé par un récit sur l’activité divine de la

création. C’est dieu qui a voulu que la semaine dure sept jours, et que l’année de jubilée

soit célébré sans que soit donné des raisons … valables pour cela. On ne peut expliquer

pourquoi un dieu a-t-il besoin de se reposer et pourquoi justement le septième jour ; de

même pourquoi l’exploitation doit-elle cesser tous les quarante neuf ans. En outre, la

notion biblique du temps ne sert qu’à mieux décrire et présenter la doctrine biblique de

l’eschatologie ainsi que de mieux raconter le récit de la fin. Nous sommes donc en

présence d’une forme de littérature qui raconte l’aventure de dieu sur terre. De ce fait, le

récit de la formation du temps ne dépend par de l’action humain, mais celui de dieu. Les

commentateurs de la bible vont alors avancer la thèse selon laquelle l’existence de repos

sabbatique et de l’année de réminiscence des jubilées est une sorte de loi par laquelle dieu

lui-même accorde le salut et le pardon à ses sujets. Dans ce sens alors, le temps est

effectivement fait pour l’homme et non pas le temps qui s’impose à l’homme : le temps

explique non pas les évènements mais le sens ou l’orientation de l’évènement ; il est alors

un élément du sorite hébraïque. Le temps est une sorte de matière primitive à la fois

implicite du récit et explicite porteur d’explication et d’interprétation du thème.

L’idée de cycle et de répétition de cycle cependant n’ont pas empêché les Hébreux

de croire en l’existence d’une fin et non pas soutenir l’existence de l’éternité. Les Hébreux

admettent que ce qui a été lancé et projeté dans le temps court vers la fin ou se rapproche

de la fin. Les récits de ce fait, présentent les protagonistes et décrivent le lent procès de la

réalisation du devenir.

La notion de temps dans la littérature économique est étroitement liée à celle de la

conception judéo-chrétienne. Elle a cependant exclu la notion eschatologique de ce thème.

De ce fait, la littérature économique est une littérature dans un laps de temps. Rares sont

d’ailleurs en économie, les théories qui, à l’instar du marxisme, couvrent à la fois une

certaine période de la formation sociale et qui s’achève avec la transformation radicale,

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136

voire révolutionnaire, de cette formation sociale. La plupart des théories économiques ne

couvrent que les cycles de production ou les cycles de l’intensité des activités.

L’histoire de la pensée économique convient que le temps de l’économie est un

cycle à cause de sa liaison avec la production. La nature, rappelons-le, participe aussi, avec

le travail et le capital dans la production. En outre, l’idéologie judéo-chrétienne du sabbat,

et toujours dans le même esprit de production, préconise l’amortissement du capital et

l’organisation du travail. L’existence de cycle de la production caractérisée par la crise, la

reprise, la prospérité et la récession ainsi que la régularité des cycles poussent les

économistes à voir autrement la durée dans l’économie.

Dans une dimension plus réduite, la littérature économique couvre plutôt le concept

de « temps de travail » avec sa dimension sociale et économique. Cette conception est

basée sur l’opposition entre les concepts de « travail » et de « loisir », et pour cause, le

travail est toujours considéré en économie comme étant quelque chose de péjorative. De ce

fait, le cycle de production est plus ou moins arrêté par le temps de repos, des vacances, ou

du temps de transport, de sociabilité et de la réalisation des travaux domestiques. Dans ces

cas alors, le récit de la littérature économique retrace en plus des activités de production

proprement dite, du récit sur les activités domestiques, de la sociabilité, du transport et des

loisirs.

Les philosophes grecs de l’Antiquité ont développé la philosophie du temps, mais

pas encore sa relation avec le récit. Leur conception cependant, d’après l’historien de la

philosophie Émile BREHIER, est une application de leur notion de l’ordre aux pensées et

thèmes des discussions populaires de leur époque.

Ce sont les philosophes de notre époque qui ont ouvert le débat sur le problème du

temps. Le philosophe Paul RICOEUR (1913 – 2005) en a décrit le mécanisme dans son «

Temps et Récits » (1983 et 1989), et SCALIGER Joseph (1540 – 1609), dans son « Traité

sur la réforme du temps » (1583) en est un des rares à formuler ce problème du temps.

Pour lui, le temps de l’histoire et de la narration est différent du temps du quotidien dans

lequel le temps est une succession d’évènements réguliers (l’écoulement de grains ou de

liquide par exemple). Dans l’histoire et la narration, par contre, le temps est le résultat de

l’écoulement de plusieurs évènements concomitants. L’économiste Nicolas

GEORGESCU-ROEGEN (1906 – 1994) précise cette idée. Pour lui, il y a aussi deux

sortes de temps : le temps cardinal qui se mesure par la durée et le temps ordinal qui

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137

indique seulement ce qui est avant et ce qui est après un évènement (DULBECCO &

GARROUSTE, 2005). Le temps ordinal augmente l’importance de l’évènement narré sans

toutefois affirmer que l’évènement en question est une cause ou un déterminant de l’après ;

il insiste seulement sur le fait que l’évènement en question doit apparaître ni avant ni après.

Dans ce sens, tout ce qui existe est unique non pas en leur genre, mais en leur existence.

Cette conception de l’existence évoque celle de SPINOZA, lorsque ce dernier accorde la

cause d’un évènement à un déterminant extérieur (le dieu) et non aux évènements

antérieurs. Seulement, le récit dépend du narrateur ; le temps de la narration est de ce fait

en rapport avec la mémoire du narrateur.

L’interprétation de certains récits particuliers exige l’acceptation de types de temps

différents du quotidien ; tel est le cas de temps dans les récits prophétiques. Dans ce

contexte, en effet, l’évènement prend place lorsque ses signes précurseurs sont réunis.

L’évènement en question, c’est-à-dire le récit, est alors exceptionnel, différent des

répétitions quotidiennes, il est un phénomène indiqué par ses signes. Ce fait est étudié plus

particulièrement par les économistes et les agents économiques dans le cadre de la

spéculation de conjonctures.

Considéré dans son cadre temporel, le récit relate donc un évènement vécu par

l’homme. Dans ce sens alors, le narrateur ne peut être que celui qui a compris son temps ou

qui s’y est imprégné. STENDHAL soutient cette conception. Pour lui, les études classiques

ennuient le peuple96. Le temps est un élément du décor du récit que le metteur en scène

exploite pour mettre en valeur l’action. L’économiste, d’après GEORGESCU-ROEGEN

(1906 – 1994) utilise deux notions de temps : le temps cardinal et le temps ordinal. La

plupart des problèmes économiques sont soumis au temps cardinal, mais certains, comme

le besoin, la justice et le bien sont des concepts qui couvrent aussi leur opposé : le besoin,

la justice et le bien ne sont précis que lorsque leur satisfaction respective est connue. Leur

temps n’est pas cardinal, mais ordinal, ce n’est pas leur durée qui compte ; à eux, le temps

se définit en termes de « avant » et « après » une action.

Ainsi, les différents types de composantes qui président la formulation de l’homme

représenté annoncent déjà la possibilité de la pluralité de contenus et de successions des

formes de discours sur l’homme : l’homme est représenté dans un récit tout court, dans un

récit d’aventure, dans un récit de voyage, un récit d’amour, un récit d’aventure et de

96 STENDHAL, (1823 et 1825), « Racine et Shakespeare »

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138

voyage, un récit d’aventure et d’amour, un récit d’aventure, de voyage et d’amour. La

connaissance du fait que les connus sur l’homme sont des récits de voyage, d’aventure et

d’amour ne permet pas encore de comprendre qui est-il exactement ou que fait-il ; à peine

sait-on où l’écrivain ou l’artiste peut-il le rencontrer pour pouvoir réciter ce qu’il fait. Dans

ce monde de racontables ou du dicible, il faut alors étudier les narrateurs, notamment les

contextes susceptibles de provoquer leur inspiration, leur façon de s’exprimer, bref, il faut

s’interroger sur la trame de la coulisse de l’art, en pensant qu’elle est unique et ne

dépendent pas de chaque artiste ; autrement dit, il nous faut recueillir les fonds communs

de l’équivalent du concept de « littéralité » en littérature, mais que nous appelons

simplement par l’expression « de l’homme représenté ».

Un second niveau de classification de la représentation de l’homme est alors

réclamé pour la compréhension de ce qui a été effectivement consigné dans la

représentation de l’homme. A cet effet, il nous faut voir les différents types de moyens, ou

de lieux ou de moment critique où l’homme est raconté par le narrateur. Ce sont la

formation de l’homme, dans les toutes premières constitutions de l’homme, dans le réel ou

dans la romance du narrateur. Avec ce niveau d’analyse, nous nous n’intéresserons pas à la

question de comment l’artiste représente-t-il l’homme, mais comment peut-on expliquer

que l’homme soit ainsi ?

PARAGRAPHE 2 – DE LA NARRATION DE L’HOMME FAIBLE OU RESUME DU THEME « HOMME »

Le thème de l’homme est donc le résultat d’une sorte de compilation de matériaux

conceptuels nommant des réalités intérieures à l’homme ainsi que de l’existence d’un ordre

caractérisé par l’intuition de la richesse. Un premier regroupement de l’ensemble des

discours traitant principalement le thème de « l »’homme, indépendamment de leur cadre

et de leur référence s’impose. Cela comprend, entre autres, le thème de la formation de

discours sur l’homme, tout en évitant de discuter de la nature humaine, car notre

problématique est de savoir « pourquoi un homme parle-t-il de l’homme ? » en vue de

répondre à la question de « qui est l’homme ? » Cet ensemble de réflexions sur l’homme

tend à pointer vers un homme idéal, à l’exemple du prince CYRUS relaté par la bible (voir

Livre du prophète ISAÏE, chapitre 45, verset 1 à 8 -et le « Cyropédie »).

Ce paragraphe vise à dégager ce que la réflexion humaine considère comme étant

son propre imperfection (étude intravertie de l’homme, car le thème de la femme aborde la

Page 142: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

139

faiblesse de l’homme par une cause extérieure. La dualité est alors tournée vers l’homme

intérieur). C’est une interprétation des mots récurrents à partir desquels se construisent les

thèmes de l’homme ; il est aussi une position dans un thème de narration sur la nature de

l’homme ; ce dernier est considéré comme un être dual.

A travers ce paragraphe, nous entrons dans un niveau d’abstraction plus complexe à

cause du rapport du thème « l »’homme et celui de « la » femme. Il apporte, malgré tout,

une précision non pas sur la nature de l’homme, mais sur le dicible de l’homme : le thème

de « la » femme ouvre la question sur le sujet de l’imperfection de l’homme ; il est le mot

avec lequel est, dans la littérature, identifiée la faiblesse. En empruntant encore le thème et

le trame de la bible sur l’homme, nous dirons que la faiblesse s’est scindée de l’homme et

s’est incorporée sous forme de femme, comme le Mal s’est scindé du Bien pour prendre

une autre dénomination. Dans la Bible, la femme est la voie par laquelle « l »’homme s’est

découvert sa propre faiblesse. La femme, insistons encore ce point, n’est pas la faiblesse,

mais la représentation de ce que l’homme peut avoir de faiblesse. Nous pouvons donc

appeler le rapport de « l »’homme et de « la » femme, la « dualité de l’homme ».

La dualité de la nature de l’homme ouvre le débat méthodologique sur la relation de

l’homme et de la femme. La sociologie présente le thème de l’homme sous forme de

société et déplace le thème de « l »’homme vers celui de « la » société. Mais la plupart des

sociologues se sont plutôt intéressé au thème de « faits sociaux » et non pas à celui de

« la » société. Les sociologues restants sont ceux qui s’intéressent à des thèmes comme « la

violence », ou encore à celui du travail, de la religion.

La dualité de l’homme a été aussi perçue par les philosophes, mais sous un angle à

la fois historique et psychologique, car certains philosophes n’hésitent pas à utiliser le

terme de « pathologie » pour désigner la faiblesse, alors que les socio-économistes actuels

structurent l’espace en domaine de femmes et celui de l’homme pour marquer cette dualité.

Le présent paragraphe parle de la faiblesse par le thème particulière de la femme. Il

est une façon de mettre en relief le caractère intellectuellement évident de la faiblesse, mais

il ne parle pas de notre thème principal, « l »’homme. Au terme de ce paragraphe, nous

avons appliqué nos réflexions pour consigner la réflexion avec laquelle l’homme

s’identifie.

Page 143: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

140

I ­ La faiblesse saisie par les théories sociologiques 

Pour saisir la fonction de la faiblesse dans la nature de l’homme, il faut se

demander comment la faiblesse structure la société ? (telle est la question que se pose les

structuralisme), ou encore quelle est la fonction de la faiblesse chez les humains (Questions

fonctionnalistes).

On note que dans la représentation de l’homme, la faiblesse est représentée ou

symbolisée par le concept de la femme.

A – Approche structuraliste de la femme ou de l’homme faible 

Le structuralisme est une notion développée par la sociologie pour désigner un

courant de programme de recherche qui a pour objectif d’expliquer les faits sociaux à partir

des relations entre les groupes permanents et récurrentes des sociétés. Ces groupes sont

réunis aussi bien pour des intérêts communs que pour des raisons sans rapport avec

l’économie. Etant donné l’universalité de l’échange, les participants à l’échange sont les

formes de structuration sociale. En outre, la propriété et le droit sont aussi des déterminants

de la structuration sociale. Enfin, l’enjeu des relations entre les structures tourne en

économie, autour du profit, en anthropologie sur l’échange des femmes.

Ces propositions précédentes ne sont pas partagées par les chercheurs. En ce qui

concerne l’anthropologie et d’une façon plus élargie et selon Claude LEVI-STRAUSS, ce

n’est pas vraiment la femme mais l’échange de femme qui est à l’origine de faits sociaux.

L’anthropologue américaine Margaret MEAD (1901-1978) pour sa part défend l’idée que

la femme apporte une structuration sociale, et que la structuration sociale n’est pas

synonyme de domination ou de soumission. Dans son acception, l’argument de la

psychanalyste BALMARY Marie est d’importance : cet auteur constate que les mots

« homme » et « femme » sont employés dans la bible non pas dans un thème de la création,

mais dans celui de la rencontre entre l’homme et la femme. L’humain ne devient homme et

femme que par la relation entre l’homme et la femme (BALAMARY 2005).

En littérature, le structuralisme est une façon d’interpréter un texte et qui consiste

en ne tenir compte du contenu du texte dans sa forme achevée, indépendamment de

l’histoire du texte. En utilisant une méthode comparative, le structuralisme établit une

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141

correspondance entre les textes des autres cultures, et par cette façon, il se prète à notre

méthode et à notre objectif.

Le concept de « structuralisme », repris par la science économique, est utilisé pour

mettre en la relation le rôle différent des secteurs ou de regroupement économique dans le

développement économique. En économie et dans une problématique de la croissance, le

structuralisme défend l’idée selon laquelle la croissance n’est pas le résultat d’une

augmentation de la production des firmes dites représentatives des activités économiques

ou que de nouvelles entreprises viennent s’ajouter dans le lot de ce type de firme. Ce

concept désigne un processus dynamique entre les secteurs d’activités pour atteindre la

croissance globale de l’économie. Durant cette phase, certaines entreprises, ou certaines

secteurs d’activités, se développement au détriment d’autres entreprises et secteurs

d’activités et qui font qu’au bout de certains temps d’ouverture de l’analyse économique,

on constat un changement dans la structure de l’économie (OCAMPO 2003).

L’idée maîtresse du structuralisme, indépendamment du domaine académique de

référence, est que le phénomène étudié est fragmenté en groupes ou en blocs de valeurs

différentes ou évoluant de façons différentes dans le temps. Le thème étudié par le

structuralisme est le développement ou la croissance de plusieurs phénomènes

concomitants. Les structuralistes déduisent que l’évolution d’un phénomène se fait par des

changements de ses composantes, par des déséquilibres ou par la destruction créatrice –

pour reprendre le concept de Joseph SCHUMPETER – de certains secteurs d’activités.

Cette conception doit être complétée par une étude sur la loi de l’évolution pour savoir qui

va disparaître et qui va se développer. Cette appréciation de l’évolution de la communauté

ouvre la discussion sur d’autres thèmes.

L’évolution est l’objet de nombreuses réflexions : celles de Charles DARWIN, de

LAMARCK . Pour DARWIN, une sélection accidentelle de la nature s’opère sans que soit

fixée au préalable son orientation, alors que pour LAMARCK, l’évolution répond à un

changement interne vers un meilleur sens d’adaptation (BREHIER, Histoire de la

philosophie. T II 1932).

Appliquée au contexte de la faiblesse de l’homme, l’évolution de l’homme dans la

théorie de DARWIN est le produit du hasard favorisant certains caractères humains au

détriment d’autres caractères. Les faiblesses ou les manques ou les besoins d’un moment

peuvent être accidentels avec ou sans l’intervention de l’homme (par exemple la

Page 145: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

142

domestication de la nature). De même, la raison, par exemple, peut être stimulée par des

circonstances d’industrialisation aux dépens des sentiments. Or, dans la mesure où le signe

caractéristique de chaque genre humain est l’émotivité chez les femmes et la raison chez

les hommes comme il est d’usage de le faire durant les XVII et XVIIIe siècles en Europe

ou bien même avant, à la suite de l’influence culturelle et religieuse judéo-chrétienne, la

tendance à l’industrialisation privilégie et renforce la prétendue domination de l’homme.

La tertiarisation des activités humaines a permis de valoriser les qualités et vertus imputées

usuellement aux femmes, une transformation sociale s’ensuit.

D’après la théorie de l’évolution de DARWIN, ce sont les faibles qui disparaîtront

en subissant les effets de la transformation, alors que les forts imposent leur règle. Or, dans

notre étude, nous avons nommé par le mot « femme » la faiblesse, et l’homme,

l’immuable, la proposition suivant se dégage : les faibles ou la femme change au fur et à

mesure que se manifeste la véritable nature de l’homme. Aussi, l’histoire de l’humanité ne

s’explique pas seulement par le développement de la force de production, mais surtout la

transformation de la faiblesse, ou et selon les doctrines, leur suppression, c’est une

transformation des institutions.

Conséquence ,en utilisant la théorie de DARWIN, la persistance du besoin et la

transformation de son environnement sont un indicateur co-déterminant de l’homme

« fort » : un être qui se permet de révéler et de se révéler par le besoin qui se permet d’être

satisfait malgré la permanence des besoins et l’aléa du changement de son environnement.

L’homme fort peut même se permettre d’avoir des désirs, des volontés ainsi que tous

autres concepts évoquant la capacité ou le travail.

Dans la théorie de LAMARCK par contre, volonté, désirs, entreprises n’ont de sens

que pour une finalité plus ou moins voulue. Cette finalité est posée à priori comme

indicateurs de l’humainement possible ou de la différence entre l’homme et les autres

animé, les animaux. Sur le plan politique, cela suppose que les sociétés humaines sont

basées sur un ordre moral. Les économistes s’alignent plus ou moins dans cette conception

de la morale.

Les premiers économistes n’ont pas posé le problème de l’éthique dans la

détermination de la limite de l’individuellement possible. Chez Adam SMITH, par

exemple, la question de la morale est bouclée par le thème de la Main invisible. Sa théorie

s’énnonce simplement de la façon suivante : tout ce qui est bien pour l’individu l’est aussi

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143

pour l’humanité car et conformément à l’éthique préconisée par John STUART MILL et

les utilitaristes, le bien se définit par l’importance du nombre d’individus qui en profitent.

John Stuart MILL constatait que la concurrence peut neutraliser les activités des

entrepreneurs entraînant un gaspillage de la force de travail. Cette situation et celle où

l’intérêt de l’individu est en contradiction avec celui de la collectivité sont les seules où il

réclame l’intervention économique de l’État qui est considéré comme l’autorité morale

(GALAVIELLE 2003).Ce n’est qu’à la suite de la prise en compte de l’épuisement et de la

détérioration de la nature que les économistes ont validé dans leur discours des

considérations d’ordre éthique, notamment dans les thèmes de la « responsabilité sociétale

de l’entreprise », et l’instauration de taxes-carbones.

L’éthique économique se traduit par l’action sociale réparatrice organisée par

l’Etat. Cette politique se fait au dessus de toute considération de concurrence. En fait, pour

John Stuart MILL, l’État étant le préalable de la production individuelle, il s’ensuit que ce

ce n’est pas la restauration de la concurrence qui est à l’origine de l’intervention

économique de l’État. Au contraire, l’activité individuelle et la concurrence entre les

entreprises ne peuvent être la base d’une société politique que dans la mesure où les

entrepreneurs sont déjà animés par des considérations éthiques préalables, notamment la

recherche de l’intérêt collectif à travers des entreprises individuelles. Actuellement, trois

thèmes d’éthique en découlent : 1°) le « Business ethics » selon lequel l’entreprise doit agir

de manière socialement responsable. Cette conception fait de l’entreprise un agent moral ;

2°) le « Business and Society » avec qui l’entreprise et la société sont structurellement

liées. L’entreprise se doit de protéger l’intérêt de la société tout en profitant de cette

dernière ; 3°) le « Social issue management » dont les propos veulent que les entreprises

améliorent leur performance tout en tenant compte de la révendication sociale.

Le problème avec cette conception économique actuelle du moral, cependant, est

que l’économie n’a pas retenu l’homme mais l’entrepreneur et la production.

L’entrepreneur est en connaissance de ce qu’il ne peut pas faire sous peine d’enfreindre les

valeurs éthiques. Où est le « désir » et le «besoin » dans leur discours sur l’éthique ? Qu’en

est-il de la sur-consommation devant la sous-consommation ? La théorie économique se

retranche derrière la loi de marché et de la concurrence.

Au-delà des économistes, d’autres penseurs, comme le théologien Pierre

ABELARD, complètent la morale en soi avec la subjective conscience. Pour lui, une

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144

volonté n’a de limite que la conscience et à la conception du bien. Ce n’est pas la respect

des lois légales qui importe, mais de la morale à cause de l’intériorité de celle-ci

(BREHIER 1932, page 403). En remontant vers l’origine de la science morale, on trouve

SOCRATE (bien que l’on impute la morale à ARISTOTE). Ce philosophe de l’Antiquité

grecque découvre le morale par la recherche de la définition universelle de la vertu. Sa

démarche a été utilisée aussi pour d’autres thèmes comme le courage, la tempérance et la

piété. En fait, SOCRATE, dans sa réflexion sur les mots, ne cherche pas à démontrer la

véracité des concepts, mais à « examiner et à éprouver ... les hommes eux-mêmes et à les

amener à se rendre compte de ce qu’ils sont » (BREHIER 1932, T I, page 71). La faiblesse

de l’homme se découvre dans la théorie socratique par sa propre méconnaissance de soi.

Les philosophes sont les premiers à se demander sur le rôle du désir, un thème que

les économistes transforment en besoin. Pour SOCRATE, la conscience du désir, du besoin

et autres thèmes connotés est un produit de l’examen et de la preuve de soi. C’est une

activité scientifique. Pour maîtriser le désir, certains philosophes recommandent la volonté.

Si l’homme n’est fait que de désir et de volonté, ou du conflit entre le désir et la volonté,

alors l’homme n’est ni désir, ni volonté, mais la relation –la synthèse selon l’expression

favorite des Marxistes – entre le désir et la volonté. Cette relation, selon DELEUZE, est de

la production. (C’est ce qui explique d’ailleurs la proposition des économistes classiques

selon qui l’homme est faite de force de travail). Or la production est une activité de

création de la valeur, c’est-à-dire de la richesse ; de ce fait, le couple désir-volonté est une

richesse. Faiblesse et, par opposition, force sont donc des distinctions qui montrent que

l’homme originel était une puissance.

Le mouvement de l’homme – ce dernier étant considéré comme un être dual

composé d’homme/femme, ou force/faiblesse – s’achemine vers une fin ou un lieu, où

l’homme se fige et se prête à une observation statique. Ce lieu est, dans le terme de John

Stuart MILL le « progrès de l’humanité : « les relations sociales des deux qui subordonne

un sexe à l’autre au nom de la loi ... forment un obstacle au progrès de l’humanité » (J. S.

MILL 1869, page 4). Dans le contexte actuelle, on dira que les relations sociales

s’appuyant sur la différence naturelle est un obstacle à la croissance et au développement

économique. MILL défend son idée en affirmant que le constat de la différence naturelle

entraîne des décisions irrationnelles ne tenant pas compte des arguments décisifs. Ce

constat est lui-même erroné car il est repose sur des sentiments et des à priori. Autrement

dit, l’homme se manifeste lorsqu’il perd son sentiment.

Page 148: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

145

Dans la pensée occidentale, le sentiment est opposé à la raison. Cela entraîne chez

les économistes la quête de lieu où la raison domine. Ce lieu, pour eux est le marché. Pour

parvenir à cette fin, les économistes vont alors nettoyer les vocabulaires philosophiques et

moraux susceptibles de rappeler le sentiment. Aussi, au lieu de parler du « désir » et ses

connotés, ils abordent la question en termes de « manque » et de « besoin ». Le désir, le

manque ou le besoin se résolvent tous par la production ou par la consommation

La consommation est une activité de satisfaction de besoin par l’utilisation de

facultés des biens – que les économistes appellent « utilité » - pour satisfaire un besoin. La

faiblesse est un appétit qui selon les philosophes, peut être maîtriser, ou, selon les

économistes, atténuer par l’utilité. Pour les économistes, la différence entre « homme » et

« femme » n’est pas une question de « volonté », mais de la production de bien efficace

pour atténuer le besoin. La notion de faiblesse prend alors une nouvelle dimension : son

antidote n’est pas la volonté mais la consommation. Nous sommes devant la théorie

économique en vigueur.

B – Approche fonctionnaliste de la femme ou de l’homme faible 

Le fonctionnalisme désigne un programme de recherche inauguré par la psychologe

pour mettre en relief la place d’un objet dans la façon d’agir d’un humain. Ce terme est

aussi repris par les sociologues pour décrire et expliquer le fait social à partir de certains

récurrents de toutes les communautés. La science économique est bourrée de concepts

fonctionnalistes sous formes de termes ou d’acceptions spécifiques. Le mot « marché »,

par exemple, est une fonction dans le comportement des agents.

Pour identifier l’homme, que les économistes appellent « l’agent économique »,

notre intention est de s’enquérir sur les fonctions des agents économiques au delà de sa

représentation dans les modèles économiques.

Dans les littératures occidentales, les femmes sont présentes dans certaines thèmes :

le domestique, la violence conjugale, les tâches, de ségrégation dans le marché de travail.

Le quotidien est l’argument ou le champ d'argumentation du thème de femme, ou encore le

quotidien est la scène où la femme est au premier plan, alors que la guerre et la réflexion

est celui de l’homme. Naturellement alors, tout ce qui se dit à propos de la femme, les

propos sélectionnés par le narrateur pour attirer l’attention de ses auditeurs, l’obsène, sont

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146

alors l’obscène dans le sens exacte du terme : des termes en rapport avec le laxisme et le

sexe, à tel point le concept de la femme regroupe tout ce qui n’est pas obligation et

nécessité. Le sujet de « femme » est aussi abordé dans le cadre de l’échange et s’achève

avec la procréation, en passant par le « mariage ». Ainsi en consultant le moteur de

recherche d’articles publiés par le magasine économique « Problèmes économiques » sur le

mot-clé « femme », on constate que ce sujet n’apparaît que dans les articles portant sur

l’échange et sur le marché de travail. Les femmes ont une fonction dans le sens

psychologique du terme, dans le thème de l’échange. Cette fonction est à l’origine la

socialisation. L’économiste Gary BECKER établit alors une sorte de sphère parallèle entre

la production en entreprise et la production en ménage.

Nous développerons les thèmes précités ci-dessus en vue de montrer que

premièrement, que la représentation de l’homme se fait par la mise en relief artificielles et

surperfétatoire des différences entre l’homme et la femme, et que deuxièmement, cette

distinction relève de la culture. Pour ce deuxième point, nous montrerons que c’est la

littérature indo-européenne qui a produit la représentation réciproque de l’homme et de la

femme.

1°) La représentation de la femme : le travail domestique 

Par travail domestique, nous entendons les activités modernes de la vie du ménage.

Cette expression comprend : les courses, la cuisine, la vaisselle, les linges et les soins

matériels aux enfants. Les femmes sont les figures les plus présentes de l’accomplissement

de ces activités, et que ces activités sont en réalité non pas des fonctions sociales, mais des

fonctions caractéristiques de l’homme lorsque ce dernier ne s’occupe pas encore d’une

activité de force par laquelle l’homme se reconnaît habituellement.

Dans notre objectif, nous avons voulu parler de l’homme en général, c’est-à-dire

universel et atemporel. Cet homme, en réalité, est un cliché, saisissable aussi dans sa

position dans un lambeau de temps ; aussi, cet homme peut être saisi à travers sa situation

d’un moment donné. C’est pourquoi, nous pouvons utiliser les faits et statistiques actuels

en pensant que le changement et l’évolution qui peuvent avoir lieu ne réduisent pas pour

autant la différence ou l’écart incompressible entre l’homme et la femme. Cet écart est

l’objet de notre propos.

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147

Cet écart a été mesuré par un indicateur issu de l’Indice de Développement

Humain, l’ « Indicateur Sexospécifique de Développement Humain », et par l’ « Indicateur

de la participation de la femme » (PNUD 1999). L’« Indicateur Sexospécifique de

Développement Humain » a été calculé pour 143 pays, et les valeurs et classements

montrent que plus l'Inidicateur Sexospécifique de Développement Humain d'un pays est

proche de son Indicateur de Développement Humain, moins les inégalités sociologiques

entre hommes et femmes y sont importantes. Cependant, dans tous les pays, l'Indicateur de

Développement Humain est inférieur (en valeur) à l'Indicateur de Développement Humain,

ce qui signifie que des inégalités entre hommes et femmes dans toutes les sociétés sont

présentes dans toutes les sociétés étudiées.

L’Indicateur de la Participation des Femmes mesure l’inégalité de la participation

entre les hommes et les femmes dans les domaines-clés de la participation et de la prise de

décisions économiques et politiques. Il a été calculé sur 102 pays, et les résultats obtenus

confirment la quasi-absence des femmes dans les prises des décisions économiques et

politiques.

Ces indicateurs indiquent que le souci des hommes sur leur différence par rapport à

la femme se porte sur la fonction de prise de décision, l’éducation et la santé, ou, en termes

usuels : l’intelligence, la force. C’est dans la pratique des travaux domestiques que cette

inégalité est manifeste.

Les faits sont éloquents : les femmes font plus de travail domestique que les

hommes, du moins, en France et en Suède. En 1999, en France, selon une étude de Cécile

BROUSSE, en couple , deux tiers des travaux domestiques sont faits par les femmes, et,

dans la mesure où l’homme et la femme travaillent, la femme fait une demi heure de travail

de plus que l’homme, alors qu’en Suède ; les femmes ne font que 60 % des activités

domestiques ; en contre partie, ces dernières participent plus que leurs homologues

françaises aux activités rémunérées (ANXO 2001). La distance mentale entre l’homme et

la femme est maintenue en ce que le partage de la tâche entre l’homme et la femme se

caractérise par la différence de leur répétition : les hommes s’occupent généralement des

activités ponctuelles (bricolage, jardinage), alors que les activités féminines doivent être

refaites tous les jours et aboutissent rarement à des objets durables(BROUSSE 2000).

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148

Un renversement des activités peut aussi être imaginé : les femmes au jardin et les

hommes à la cuisine, mais cela n’empêche que, dans tous les cas la distance homme-

femme persiste.

Isolés, l’homme et la femme consacrent aussi des temps différents pour les activités

domestiques : les hommes seuls de moins de 60 ans consacrent environ 2 heures 13

minutes pour des activités domestiques, alors que la femme, 2 heures 48 minutes. Les

hommes consacrent alors plus de temps aux activités généralement féminines (47 % du

temps domestique) et moins de temps pour les activités masculines (19 % du temps) alors

que ces dernières activités occupent 41 % de leurs temps s’ils vivent en couple.

Au delà des textes spécialisés des économistes et des très connus sur la différence

de l’éducation entre les garçons et les filles, sur la violence conjugale, la condamnation

morale des femmes seules, etc., la représentation de la femme peut aussi être saisi à travers

ce que l’homme s’accuse lui-même de faiblesse : le superficiel

2°) La représentation de l’homme est le produit de la volonté d’amplifier la 

différence sexuelle 

La différence sexuelle est une donnée originelle de la nature de l’homme. La

différence de genre et de fonction dans la reproduction de l’espèce humaine sont les

évidences manifestes de la différence homme-femme. On constate cependant que des

préjugés culturels portant sur la faiblesse du corps accompagnent aussi ces différences

existantes : Par exemples, en France, durant des siècles et pour les classes aisées, le corps

des fillettes et des garçons jusqu’à un certain âge est rigidifié et mis sous carcan tout au

long de leur vie ; en Chine durant cinq siècle, le pied des femmes étaient bandés ; dans

certains tributs africains, le cou des femmes subit et subissait une élongation par le port

d’anneaux rigides.

La faiblesse des femmes et la force de l’homme sont respectivement représentées

par la présence de soutien artificiel sous forme de vêtement chez les femmes et le

dénuement vestimentaire des hommes. La faiblesse physique est de ce fait l’auréole des

femmes entraînant pour elle la fabrication d’artifices vestimentaires.

Page 152: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

149

3°) La narration de la différence homme­femme par le thème du corps 

La culture indo-européenne est une des rares dans le monde qui a formulé par un

mot spécifique la sexualité. Dans cette langue, en effet, le masculin se distingue du féminin

(et quelque fois du neutre). La sexualité des dénominations des objets n’est qu’un aspect de

la différence de la narration de l’homme et de la femme. En plus, cette différenciation n’est

pas seulement décrite mais aussi provoquée par des signes et traitements extérieurs du

corps : différenciation des vêtements, et infliction différente de traitement du corps sont

des formes narratives de la différence entre l’homme et la femme.

L’image évoquée par la classification française des objets désignés au masculin et

les objets au féminin illustre la narration de la différence entre l’homme et la femme.

Christian BROMBERGER et al., constate que dans le thème de la pilosité, le féminin

véhicule l’image du « lisse », alors que le masculin le « dru » : les femmes (BOMBERGER

et al. 2005). Les femmes sont représentées par des cheveux lisses et les hommes par les

cheveux drus.

La pilosité n’est qu’un fait parmi d’autres sur la différenciation de l’homme et de la

femme. Elle est une manière de décrire la femme ; la distinction entre les exigences du

traitement du corps de la femme et celui de l’homme est aussi une façon différente de

décrire l’homme et la femme. La recheche de savoir pourquoi homme et femme sont traités

physiquement s’ensuit alors. A partir de ces recehrches on constate non seulement la

différence naturelle entre l’homme et la femme, mais aussi la différence de considération

sociale entre l’homme et la femme. Dans le thème de l’homme, ces différences sont

insignifiantes dans la mesure où on est obligé de voir l’unicité de l’homme et de la femme ;

la différence prend une interprétation différente.

La différence réside d’abord en ce que l’observation se détache de plus en plus de

certains faits usuels comme les rites de séparation de servage, de puberté, et de mariage

durant lesquels la séparation et la distinction entre l’homme et la femme est

institutionnalisée. La réflexion, lorsque le raisonnement est conçu en termes de

« l »’homme est basée sur l’hypothèse de l’unicité de l’homme et de la femme. La question

relève de la narration de la femme étant donné non pas l’homme, mais étant donné le lien

entre l’homme et la femme. La narration de la femme est aussi celle de l’impureté, ou de la

faiblesse de l’homme. La fonction de la narration de la femme est de montrer à la fois

l’existence et la faiblesse de l’homme. La conscience de l’existence commence avec

Page 153: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

150

l’organisation de la représentation de soi et des sentiments à son égard La femme et le

corps sont de ce fait les produits les plus proches de la réalisation de soi.

Des études sur le corps ont été entreprises. Annie HUBERT, une anthropologue et

directeur de recherche au Centre National de Recherche Scientifique, constate que le corps

humains est tellement surchargé de la marque de la culture allant du marquage du corps

(comme les vernis à ongle, la coupe de cheveux, etc.), en passant par les effets des discours

médicaux sur l’utilisation du corps (pratique de mouvements recommandés, choix de

nourriture, effets du stress,etc.), à tel point que le corps naturel est représenté de façon

négative et la représentation du corps est de plus en plus permanent dans le mental de

l’homme. La femme est plus touchée que les hommes dans cette réhabillage du corps,

indépendamment du système matriarcal ou patriarcal en vigueur (HUBERT 2003). Pour

justifier ce fait, Annie HUBERT avance une fonction importante de la femme : la

séduction.

Mais le rapport de l’homme, et plus pariculièrement de la femme, avec son corps

n’est seulement une question de séduction, mais aussi une question de culte en ce que

l’entretien du corps ne dépend plus des déterminations socio-économiques et que les

individus y investissent toutes leurs possibilités et de toutes leurs imaginations (ANDRIEU

2006). La religion amplifie la culte du corps en énonçant l’existence des besoins de ce

corps et le fait que le corps est un lieu de rencontre des phénomènes contradictoires mais

privilégiés de la religion : la vie et la mort, le plaisir et le tourment. (De BELLEFROID

2005).

La souffrance du corps n’est pas forcément considérée comme négative et même,

elle est considérée comme une valeur ou une vertue de l’homme. La souffrance est, selon

la philosophie aristotélicienne, le propre de l’âme sensible et non pas de celle qui végète

dans l’espace et subissant sans broncher devant l’influence de l’extérieur.

Elles sont aussi caractérisées par la particularité de leurs vêtements. Les voyageurs

et ethnologues ont constaté que des signes distinctifs marquent toujours la différence entre

les vêtements des femmes et ceux des hommes. Une observation plus poussée dans ce sens

révèlent d’ailleurs l’existence d’une contrainte esthétique imposée à la femme à travers

leur vêtement : le bandage des pieds chez les Chinoises dura pendant plus de cinq siècles,

de la déformation des lèvres des femmes africaines, ou leur coloriage européenne, sinon

encore l’élongation du cou par des colliers en anneaux, etc.

Page 154: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

151

II – Approches philosophiques de la faiblesse 

Les philosophes – du moins de l’Antiquité grecque – ont discuté de la qualité

morale et sociale de l’homme et ont développé le thème de la « vertu » pour juger

l’homme. Puis, lorsque la science économique s’est constituée, le thème trivial de la

richesse matérielle acquiert sa lettre de noblesse et est abordé sans sentiment de culpabilité.

Mais le sujet de faiblesse reste de mise malgré le changement du cadre de discussion. La

faiblesse se définit alors sous un autre angle.

En étudiant le thème de la faiblesse hors du cadre de la vertu et de la morale, une

nouvelle conception et de représentation de l’homme se dégage ; l’homme moderne se

définit à partir des propos et arguments différents. Pour les uns, l’homme fort est l’homme

riche, alors que pour d’autre il reste un homme de qualité ou de caractère, l’entrepreneur

ou le pionnier. Qu’en est-il alors de l’homme faible, étant donné l’homme fort ?

Nous retenons les théories de NIETZSCHE et de DIOGENE DE LAERCE en ce

qu’elles parlent de l’homme ordinaire comme un homme faible,

A  –  La  faiblesse  de  l’homme  en  général  d’après  la  théorie  de 

NIETZSCHE 

NIETZSCHE, un philosophe allemand, est un de ceux qui sont loquaces pour parler

à la fois de « l »’homme et de « la » femme. Le problème avec lui, cependant, est qu’il est

plus un philosophe qui affirme et moins un philosophe qui explique, ou qui démontre. Ses

aphorismes et ses compilations de discours divergents font de lui un de philosophes qui

semble avoir découvert quelque chose sans que l’on puisse savoir de quel phénomène.

Peut-être avec NIETZSCHE faut-il recourir à une intelligence non pas logique usuelle dans

la construction de la pensée scientifique, mais une intuition d’une réalité « supra-

sensuelle » comme l’affirme l’occultiste Rudolph STEINER (R. STEINER s.d.). Henri

LICHTENBERGER écrivait d’ailleurs à propos de NIETZSCHE que ce dernier avait peu

d’estime pour « l’âme », « la raison », « l’esprit » et le « moi », « la sens » et même

« l’intelligence », non pas qu’il ne les reconnaît pas, mais parce qu’ils sont les instruments

et les jouets d’une puissance cachée, un sage inconnu qu’est le « soi »

(LICHTENBERGER 1901).

Page 155: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

152

Ce que les commentateurs de la philosophie retiennent de NIETZSCHE est son

individualisme anéantissant toutes les valeurs collectives (pour lui, la vérité est

individuelle), sa position philosophique macho apparente (n’a-t-il pas affirmé dans une de

ses aphorismes et par les propos qu’il fait parler à un sage que « Si tu vas chez la femme,

n’oublies pas ton fouet » et que « la femme est incapable d’amitié, c’est un oiseau, une

chatte et tout au plus, une vache », bref une sorte d’auto-défense devant ce qui devait être

la faiblesse humaine. Enfin, on retient aussi de NIETZSCHE sa haine contre la faiblesse.

Individualiste et contre la faiblesse, NIETZSCHE se présente comme étant un

rédacteur parfait du thème de « l »’homme et de celui de « la » femme. Mais, plus que

l’homme, il expose l’ « übermensche », le « superhomme ». (Nous sommes en présence de

la triptique femme-homme-dieu. Que pense-t-il de la faiblesse et de la femme ? Quelle est

sa méthode pour parler de « la » femme et par la même occasion de « l »’homme ?

Autrement dit, comment NIETZSCHE a-t-il écrit le « Livre de Genèse » de « sa » bible ?

1°) La formation du thème « la » femme chez NIEZTSCHE 

NIETZSCHE parle formellement de la femme dans son « Ainsi parlait

Zarthousrtra ». Un sage donne ses recommandations à un homme. Ce dernier est détaché

de la femme et se présente en fort, alors que la femme est présentée en faible. Dans « Le

voyageur et son ombre », par contre, l’homme (le voyageur) et la femme (l’ombre) sont

unis par un lien inséparable (à la fin du récit cependant, l’ombre disparaît). Le carctère

féminin de la femme est reproduit dans celui de l’ombre.

Dans son « Le voyageur et son ombre », écrit en 1876, alors qu’il est malade,

NIETZSCHE a présenté le thème dans un récit mettant en communication deux narrateurs

dont la dénomination respective dans son œuvre dénote déjà leur position dans la

narration : le « voyageur » et son « ombre ». Qui sont-ils ? (NIETZSCHE 1876)

L’ombre est le personnage qu’on peut qualifier de central de l’histoire parce que

c’est qui enseigne et s’exprime ; nous l’écrivons, en conséquence, pour cette position en

majuscule, comme s’il s’agit d’un patronyme. Dans ses propos, l’Ombre n’est qu’une

ombre dont le propriétaire, le voyageur, s’étonne lui-même d’entendre parler ; mais c’est

lui qui a provoqué le dialogue (ou plus précisément le monologue) avec le narrateur, un

voyageur. Le récit de la formation du thème est le produit de la réflexion personnelle et

intime du narrateur. Cette réflexion personnelle et intime se traduit par le fait qu’elle n’a

Page 156: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

153

pas été confiée à un vis-à-vis identique ou correspondant du voyageur. Le récit biblique de

la déchéance fait parler l’homme, par la femme, au diable ; dans « Le voyageur et son

ombre », pour sa part, l’homme-voyageur entame une conversation non plus avec son

équivalent, mais avec un inconnu séducteur. A la différence du diable, cependant, l’Ombre

ne veut ni séduire ni flatter le voyageur, alors que ce dernier savait déjà que par nature,

« l’ombre de l’homme était sa vanité » ; il semble que l’Ombre de NIETZSCHE n’est pas

le Diable de la bible. Plus encore, l’Ombre se dévoile en soutenant que « une ombre est

plus timide que les hommes ».

L’Ombre aussi dans ses propos faisait preuve de modestie et de respect envers le

Voyageur. N’a-t-il pas demandé l’autorisation de parler, alors que, comme l’affirme le

Voyageur, « [la vanité de l’homme] parle toujours » ; et même il n’a pas bronché lorsque le

Voyageur le compare à la lumière. En fait, le comportement de l’Ombre, par sa discretion

et sa courtoisie, met en valeur le Voyageur, à tel point que ce dernier se laisse aller dans le

domaine de la flatterie qu’il fait lui-même l’éloge de l’Ombre en lui exprimant son

équivalence à son contraire, la lumière.

En fin de compte, NIETZSCHE n’a pas opposé l’ombre et la lumière. La fonction

de cette dernière est de montrer un pan obscur produit des objets quand la lumière de la

science tombe sur eux. L’ombre désigne le principe de connaissance discursive, un moyen

pour l’homme de s’auto-réaliser : « Quand l’homme appréhende la lumière, nous [l’ombre]

appréhendons l’homme ... » (NIETZSCHE 1876) pour dire que plus de connaissance chez

l’homme lui montrera à quel point ce dernier est plus victime de l’ignorance et plus proche

de l’ombre.

Il nous serait aisé de greffer dans la pensée de NIETZSCHE un brin de sujet

existentiel en ce que l’ombre et la lumière sont les principes de connaissances et

d’acquisition intellectuelle de la nature par la pensée, mais ce philosophe abhorrait le

thème de commencement : « Exalter les origines – c’est la surpousse de la métaphysique

qui se refait dans la conception de l’histoire et fait penser absolument qu’au

commencement de toutes les choses se trouve ce qu’il y a de plus précieux et de plus

essentiel » (NIETZSCHE 1876) ; la recherche des origines des objets ne serait pas un

thème de NIETZSCHE, car celle-ci serait leurs valorisations objectives, alors que

NIETZSCHE prône plutôt la valeur subjective. NIETZSCHE suggère plutôt que la

construction du thème de l’homme s’inscrit dans un rapport entre la lumière et l’ombre. Il

Page 157: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

154

conçoit le thème de l’homme dans l’étendu de la lumière et de celui de l’ombre. Cette

situation à la fois de sujet et d’objet de capture est, à notre avis, la réflexion de

NIETZSCHE sur l’homme. NIETZSCHE a placé l’homme dans une situation imprécise de

la lumière et de l’ombre, ou encore de la science et de l’ignorance (dans la mesure où la

science ne s’oppose pas à l’ignorance et permet à l’homme de réaliser son ignorance).

Pour comprendre ces lieux composés de la science et del’ignorance des thèmes de

l’homme de NIETZSCHE, prenons les propos de l’homme par rapport à un autre sujet : au

lieu de parler de la connaissance de l’homme, dans «Zarathoustra », NIETZSCHE place

l’homme devant la femme, ou à la lumière du thème de « la femme ».

Au-delà des affirmations sur les traits caractéristiques des femmes et qui lui ont

valu l’étiquette de « mysogine », la description de la femme par Zarthoustra qui n’est rien

d’autre que la description de la représentation de l’homme de NIETZSCHE, révèle un

autre contexte de la formation de « thème » de l’homme : la guerre et le repos.

Le repos désigne un lieu de paix et aussi de libation, car il est la récompense du

guerrier.

Ainsi, entre les thèmes de « lumière » et « ombre », et « guerre » et « repos », le

thème de l’homme apparaît. La lumière ou la science n’apporte pas la paix à l’homme, et la

femme qui est aussi le repos n’aime cependant que les guerriers. Devant ces contexte,

NIETZSCHE évite de parler du « héro », mais celui de l’homme « noble »

2°) L’homme­volonté de SCHOPENHAUER 

NIETZSCHE a mis en relief la différence entre «l »’homme et « la » femme. Ses

propos très sévères à l’encontre de la femme sont en réalité des propos critiques aussi

contre l’homme. NIETZSCHE parle de la femme (ou de la faiblesse) pour mieux mettre en

relief la véritable nature de l’homme.

NIETZSCHE reconnaît le pouvoir séducteur de la femme et la faiblesse de

l’homme devant ce pouvoir. « Le bonheur de l’homme est de dire « je veux ! », … Le

bonheur de la femme est de dire « il me veut » » (NIETZSCHE, Ainsi parlait Zarathoustra

1883). En réalité, la femme n’est pas une faiblesse de l’homme, mais un objet de son désir

et de sa volonté, car un homme est celui qui réalise son désir. « Adore ton désir, écrivait

encore NIETZSCHE et tout ce que tu aimes et tout ce que tu veux …Laisses ta vertue et

Page 158: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

155

adores la vie ». Cette phrase de NIEZSCHE évoque aussi celle de l’occultiste Eliphas

LEVY qui affirmait que « les femmes rayonnantes sont les inspiratrices ou les fléaux des

hommes faibles et les femmes absorbantes sont les Dalila des hommes forts » (LEVI

1912), tout en notant que NIETZSCHE parle de « la » femme alors que Elliphas LEVY,

« des » femmes, le premier de la femme abstraite et théorique, alors que le second de la

majorité des femmes issues des connaissances empiriques de l’auteur.

L’homme idéal est celui qui domine sa volonté, alors que l’homme ordinaire ne

cesse de s’inspirer de la femme. En effet, d’après NIETZSCHE, la puissance séductrice de

la femme conduit à un désir actif, un désir qui provoque de l’action. Pour comprendre ce

qu’est l’homme idéal de NIETZSCHE, il faut partir de la théorie de SCHOPENHAUER,

en ce que ce dernier note la différence entre le contenu du concept de satisfaction et de

celle du désir : pour un désir satisfait, écrit-il, dis au moins sont contrariés », conséquence,

la satisfaction d’un désir entraîne une déception, alors que l’insatisfaction des autres désirs

provoque une déception, cette foi-ci, non encore reconnue. De ce fait, une conscience

remplie de volonté, d’espérance, de désirs etc., ne serait jamais en paix, au repos. Telle est

la phrase forte de SCHOPENHAUER. Or, la femme est un objet permanent de désir,

l’homme ne peut jamais être en paix ; l’homme idéal est celui qui domine sa volonté, et ses

pulsions.

La pulsion est un concept qui, depuis l’Antiquité grecque EMPEDOCLE, était déjà

utilisée pour désigner ce qui pousse, voire oblige chaque homme à agir, à s’élancer vers

une situation que lui impose, disons, son destin. Il est un concept de la science humaine et

correspond à une loi dans une science sociale. Ainsi, en théorie, le marché, par exemple, a

sa loi ; l’homme, d’après les partisans de la théorie de l’impulsion, est animé par ses

pulsions. Deux auteurs au moins ont utilisé le concept de pulsion : FREUD et

NIETZSCHE.

Tous deux, cependant, ont donné des explications différentes de la pulsion, plus

particulièrement celle réalisée à l’égard de la faiblesse – de la femme. Chez FREUD, la

pulsion est un mouvement de libération d’une tension qui dérange le moi, alors qu’elle est,

chez NIETZSCHE, une expression de la volonté de l’homme. L’homme en général est

celui qui fait corps avec la femme, la faiblesse, celui qui et qui lui provoque le désir et

ainsi faisant le fait pâtir ; il est un homme malade car sa volonté se dirige vers sa faiblesse

(OUREDNIK 2003).

Page 159: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

156

B – La faiblesse de l’homme en général d’après Diogène le cynique 

La ressemblance entre le comportement et la philosophie de NIETZSCHE et ceux

de DIOGENE Le Cynique est frappant :

Tout comme NIEZTSCHE qui s’exprime par le sage Zarathoustra, DIOGENE ne

voulait pas de disciples ; ils veulent faire de la philosophie sans doctrine. Le premier ne

croit pas en l’existence d’une vérité commune et partagée, car et en quelque sorte, tout

discipline est une puissance sur la volonté, alors que pour le second et du moins par le

message que laisse des anecdotes sur sa vie, une relation amicale entre ce qui aurait dû être

le maître et celui qui aurait dû être le disciple est plus importante. La lecture de ces deux ...

philosophes demande une préparation philosophique préalable, car tous deux sont en fait

des écrivains qui ont fait de la littérature intelligible seulement par une lecture

philosophique. D’ailleurs avec ces deux philosophes, on se demande si la philosophie ne

s’écrit-elle pas plutôt par les traces de l’action et de la vie racontée et non par des

déclarations d’intentions que leurs auteurs n’ont même pas vécu ? Tout en eux est de la

provocation.

Mais la différence entre les deux hommes sont aussi remarquables : NIETZSCHE

se présente comme un « noble » aristocrate non seulement dans ses propos mais aussi dans

ses comportements sociaux. Tout en lui et tout autour de lui y compris ses fréquentations

sociales, est le résultat de choix, un calcul prémédité ou volonté, alors que DIOGENE LE

CYNIQUE a construit sur sa propre personne, l’image actuel du pauvre : une besace, un

bâton et un vêtement passe-partout ou passe-jour et nuit, sans abri et errant, il parlait sans

choix de lieu et d’auditeurs, mais cela ne l’empêche pas d’être méprisant et ironique à la

Serge GAINSBOURG.

La position vis-à-vis du thème de l’ascétisme distingue les deux philosophes.

NIETZSCHE en est formellement contre, sous prétexte que un ascétisme sans adversaire

(l’hédonisme ?) n’a pas de sens ; alors que DIOGENE LE CYNIQUE y voit un mode de

vie et un principe vital, car sans besoin ni quête de plaisir, apparaît « l »’homme (... encore

lui !). DIOGENE LE CYNIQUE provoque l’endurance physique en s’enroulant dans le

sable durant l’été, et en embrassant des statuts enneigés en hiver.

Page 160: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

157

Dans ses provocations comportementales et verbales, dans son attitude de « bad

boy », quelle est la narration créatrice du thème « l »’homme de DIOGENE LE

CYNIQUE ? Comment va-t-il introduire le thème ?

1°) La formation du thème de « l »’homme chez DIOGENE LAËRCE 

En apparence, DIOGENE a une réflexion sur le thème de « l »’homme, mais ses

affirmations sont cachées dans des anecdotes portant sur sa vie pratique. Par exemples, un

jour, on demande à DIOGENE en quel endroit de la Grèce il avait vu « des » hommes de

bien, sa réponse est qu’il n’a vu des hommes nulle part, mais seulement des enfants à

Lacédémone ; encore un autre exemple, DIOGENE cria : « holà ! les hommes ! » ; un

attroupement se forme alors, mais il chassa tout le monde sous prétexte qu’il « cherche des

hommes et non des déchets ! ». Il cherche l’homme dans « les » hommes ; il le traque dans

les rues à travers le comportement de l’homme et même dans la réflexion qu’il se fait en

épitaphe lorsqu’un homme est mort.

Les commentaires des épigraphes des philosophes que DIOGENE DE LAERCE a

collectés dans « Vies des philosophes » montrent cependant un intérêt manifeste pour le

thème de réflexion sur la vie de ceux qui ont donné un sens à la vie. Ce sont des

commentaires sur la façon dont les philosophes ont vécu et entrent dans la mort.

DIOGENE est obligé de parler de la vie à partir de la situation critique que présente la

mort. Il apporte de jugements sur la vie à partir de ses inspirations sur la vie des individus

qu’il présente. A force de se faire une réflexion sur la vie de plusieurs personnes, on

s’attend à ce que DIOGENE va dégager sa réflexion sur la vie. Mais ce qu’il a fait par la

suite c’est de construire et de montrer des idées d’école de pensée sur la mort.

De prime abord, on attribuer la pensée de DIOGENE LAËRCE à son enseignant

l’Athénien ANTISTHENE, un philosophe cynique, à son étude il vouait une détermination

ferme97. Comme son maître, DIOGENE vécut simplement évitant tous désirs et

dépendances matériels, mais poussant au maximum sa communication sociale, car il s’est

résolu de parler sans choisir le lieu de péroraison. Mais malgré son caractère affable, il est

97 La biographie de DIOGENE LAËRCE raconte qu’ANTISTHENE qui n’a pas voulu avoir de disciples chassa DIOGENE LAËRCE à coup de bâton. Ce dernier, au lieu de fuir, expose son crâne au menace du bâton et affirme : « Frappe, tu n’auras jamais un bâton assez dur pour me chasser, tant que tu parleras ! » (LAËRCE s.d.)

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158

aussi un homme qui tient des propos et des faits choquants ironiques et provocants98 et

fréquents des groupes de philosophes.

L’homme est au centre de l’intérêt de DIOGENE. Dans ses pérégrinations, il ne

cesse de scruter chaque homme pour chercher l’homme. A cet effet, il se pose comme

critique des hommes, et même plus, il ironise sur les hommes, mais il n’a pas élaboré une

véritable théorie sur l’homme. Une grande partie de la conception de DIOGENE est

obtenue de l’enseignement d’ANTISTHENE : le dépouillement et l’apprentissage.

ANTISTHENE est d’ailleurs reconnu pour sa phrase allant contre l’opinion en vigueur

chez la plupart des philosophes de son époque selon laquelle « la vertu peut s’apprendre».

DIOGENE cependant n’est pas parvenu à la découverte de l’homme dépouillé car il

a abordé sa quête dans l’observation sur terrain, alors que l’homme dépouillé ne se

retrouve pas dans l’homme dans la société ; il n’a pas utilisé la modélisation. La quête de

l’homme faite par DIOGENE nous intéresse car il mène vers la redécouverte de l’homme.

Aussi, DIOGENE a le mérite d’avoir fouillé l’homme, et plus particulièrement les sages ou

les philosophes, pour y découvrir l’homme.

2°) L’homme dénué et questeur de DIOGENE99 

DIOGENE considère un philosophe qui n’a pas matérialisé sa pensée par des traces

écrites, à l’instar d’ARCESILAS, comme un outrage aux Muses. Il ne réclame certes pas la

gloire produit par la rédaction ; d’ailleurs il est contre les gens de métier qui comme les

médecins lui font rappeler que la supériorité de l’intelligence de l’homme par rapport à

l’animal. DIOGENE cherche l’homme sans comparaison, l’homme en lui-même.

Dans ses propres comportements par rapport à ses contemporains – si ces

comportements contiennent aussi de l’enseignement sur l’homme – DIOGENE se place

plutôt du côté de l’agresseur que du côté de la victime. Il ironise, il crache, il s’entête ;

98 Il se permet par exemple de cracher sur le visage de son hôte sous prétexte que ce dernier lui a interdit de cracher sur son tapis bien propre. Cracher sur le visage de quelqu’un est certes fréquent dans le monde des philosophes de l’Antiquité grecque pour l’éprouver. Un jour, un philosophe dénommé DENYS a craché sur le visage d’ARISTIPPE, un autre philosophe. Ce dernier a acquiescé en justifiant son comportement qu’il a l’habitude de subir de tel coup de la part des individus qu’il veut capturer : pour prendre un goujon, dit-il, les pêcheurs se laissent bien mouiller par la mer, et lui qui veut prendre une baleine, il supporterait bien un crachat. 99 Notre source d’information est la « Vies des philosophes » de DIOGENE.

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159

mais quand on lui rend la pièce de sa monnaie, il retourne la situation en sa faveur.

Régulièrement et à maintes reprises durant des rencontres des banquets de philosophes

(organisé par DENYS), il s’en prend à PLATON.

La théorie de DIOGENE sur l’homme est plutôt dans sa biographie rédigée par

MENIPPE et intitulé « La Vertu de Diogène ». Les propos de DIOGENE sur l’homme y

figurent passim dont voici quelques extraits : La position physique ou l’apparence de

l’homme ne fait pas sa valeur, car l’homme en tant qu’esclave, a un prix. La valeur de

l’homme s’apprécie non pas par son apparence, mais par d’autres déterminations : « Quand

nous achetons une marmite ou un vase, dit-il nous frappons dessus pour en connaître le son

; s’agit-il d’un homme, nous nous contentons de le regarder. ». Ce que vaut véritablement

c’est le commandement qu’il impose à son acquéreur. : Un homme qui achète un esclave

veut avoir son service. Cet esclave peut être un médecin ou un joker, le maître doit obéir à

son esclave.

Ainsi, l’homme de DIOGENE est déjà riche d’un talent mais il n’est pas seul ; il

entretient un rapport ou une distance par rapport à ses paires. La société veut que

« l »’homme soit un esclave, mais « l »’homme se présente comme un esclave qui

s’impose par son talent. L’homme de DIOGENE, s’il aurait été décrit avec les termes

usités dans la science économique actuelle, serait un homme doté de force de travail

spécifique avec laquelle il domine son employeur. DIOGENE se propose d’ailleurs le

service de ce qui est dénommé « cadre ». A la différence de l’homme moderne spécialisé,

cependant, DIOGENE propose un homme doté de travail pour la science, le sport et la

littérature (la poésie), bref des talents de généraliste et non pas de spécialisation. C’est ce

qu’il enseignait d’ailleurs aux enfants de son maître. L’homme de DIOGENE est

comparable à l’homme défini dans la vision malgache : capable de vivre en solitaire

conformément à l’adage « mihambo ho lehilahy kanefa tsy sahy monina irery any

an’efitra » (littéralement : se vanter d’être un homme alors qu’on n’ose pas affronter la vie

solitaire du désert »). L’éducation pour l’autosuffisance est aussi véhiculée par l’image de

Robinson CRUSOE devenue familière dans les modèles économiques.

CONCLUSION DE LA SECTION

La conception duale de l’homme est riche est porteur de promesse de

compréhension de l’homme ; mais elle demande une ouverture totale du thème non

seulement aux concepts élaborés par d’autres disciplines, mais aussi aux différentes

Page 163: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

160

disciplines académiques. Le thème de l’homme n’appartient à aucune discipline

académique particulière, et il est aussi un thème qui permet d’envisager la convergence

des connaissances de l’homme en général. L’avantage de la conception duale de l’homme

réside dans son indépendance relative aux éléments choisis. Le thème de l’homme se

développe, par exemple, avec le couple homme-dieu, ou le couple homme-femme. On note

d’ailleurs que la théorie économique classique a développé le thème de l’homme avec les

concepts de homme-homme ou homme-instrument de production.

Mais l’ouverture du choix des éléments nous a cependant été plus un problème que

de solution, car derrière cette large ouverture, il nous faut choisir, classifier, voire

hiérarchiser, les éléments les plus pertinents permettant de traiter le thème de l’homme.

Faut-il lier la narration de l’homme avec celle des instruments de production ? Mais la

production des facteurs de production et de biens de consommation n’est pas la seule

activité de l’homme ; ce dernier s’impose aussi de produire d’autres artifices dont l’art et la

représentation du monde. Faut-il alors lier la représentation de l’homme avec l’art et la

religion ? Cette démarche provoque un nouveau paradigme de la science économie. Notre

choix se porte sur le concept de « faiblesse » en tenant pour vrai l’affirmation selon

laquelle l’homme est faible.

La faiblesse de l’homme est une énigme du thème ; elle n’est jamais suffisamment

décrite ou énumérée ; elle est toujours évanescente, et même désirée. Le sujet de la

faiblesse est une énigme du discours sur l’homme, voire un paradoxe du thème de

l’homme : la faiblesse détient une force, la faiblesse est une force qui a de l’emprise sur

l’homme. Symbolisée par la femme, la faiblesse est inséparable à l’homme, au thème de

l’homme. L’homme cependant reste encore un véritable inconnu : dans ses moments de

faiblesse, lorsque l’homme est confronté à l’inconnu, il n’a de ressource que par un retour

dans la profondeur de son intimité. La femme n’est pas l’apparence corps que l’homme

côtoie dans la vie quotidienne, elle est l’intime de l’homme. D’où la contradiction de

l’homme : l’homme est faible, pourtant sa faiblesse est sa force, son intimité. ; la faiblesse

n’est pas l’intime de l’homme, pourtant, elle y figure en tant que ressource de l’homme.

Ce qui a été saisi et appréhendé sur le thème est voilé par le thème de la faiblesse.

Ce dernier se trouve même dans le thème de la création – du moins dans la philologie de la

culture linguistique indo-européenne. Devant cet imbroglio, la réflexion tournée vers sens

de la femme à partir des instruments de la sociologie a été utilisée, en supposant que la

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161

relation entre l’homme et la faiblesse relève d’une cohabitation. Nous nous sommes alors

posés la question en termes de la structure de la relation entre l’homme et la faiblesse pour

y trouver une hiérarchie entre l’homme et sa faiblesse. Notre conclusion – et qui demande

une confirmation ou une généralisation – est que l’homme n’est pas un être faible ni un

faible être, mais un être à cheval entre deux positions narratives : l’un tournant vers le

passé et commençant par le récit de la création, et l’autre tourné vers l’avenir. L’existence

du thème de JESUS apporte un éclairage de la question.

Ainsi, force est de constater que le thème de l’homme développé par l’intuition est

imprécise. Par contre, il apparaît évident que la capture de l’homme ne suffit pas de rendre

compte du thème de l’homme ; la consignation des mots ne suffit pas pour rendre compte

de l’homme. Une étape important doit être franchi : la quête de la forme de l’homme. Le

récit de l’homme ne se suffit pas par la collecte des souffles des narrateurs ou du cri du

graveur.

Page 165: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

162

SECTION II – DES REFLEXIONS SUR L’ENSEMBLE DES REPRESENTATIONS DE L’HOMME INTRODUCTION :

Position de la question de la représentation de l’homme dans le référentiel économique et présentation de la section  

La connaissance de la représentation de l’homme donne à ce dernier de

l’information, entre autres, sur les tournures intellectuelles et culturelles de l’homme dans

la recherche de son essence, et avec cette disposition d’esprit, se révèle un état psychique

fondamental ou fonctionnel de l’homme : la pensée se déclenche avec l’existence, ou la

conscience de l’existence est le fondement de l’existence. L’homme prend conscience de

lui-même par la représentation qu’il se fait de lui-même. Cette quête de l’essence se réalise

à travers la recherche des substances matérielles vitales ainsi qu’à travers les discours et

représentations symboliques, artistiques ou culturelles qui s’ensuivent. Ces derniers (les

discours et représentations) forment un continuum de contenants des valeurs de formes et

d’expressions différentes certes, mais révélatrices de la présence et de l’existence de

l’homme en communauté. Ainsi faisant, ils contribuent également à lier les objets entre

eux (par un système de valeur). Malgré cette évidence, cependant, une petite question

mesquine reste : quel est l’intérêt de la production artistique, étant donné la pauvreté

matérielle ? Autrement dit, pourquoi l’homme, malgré la rareté des biens matériels, se

permet-il encore de gaspiller son énergie et de s’offrir le luxe de l’art, de la culture et de

savoir ? Etant donné la sensation ou la perception de la rareté des biens matériels, et donc

de la limite de la construction de la valeur par l’homme, pourquoi l’homme s’efforce-t-il

malgré tout à établir un lien entre ces objets ? De ces questions, nous déduisons alors que

l’art et plus particulièrement la représentation de soi répondent à une nécessité vitale, au

même titre que les matériels et qu’ils participent à une fonction dans son identité d’espèce.

Si un homme ne se représente pas lui-même, alors il n’est pas un homme.

La présente section a pour objet de rendre compte de la réalité des produits

intellectuels des observations sur la représentation de l’homme ou encore des effets sur

l’homme d’avoir représenté lui-même ; et en même temps, elle s’interroge déjà sur la

possibilité d’intégration de la représentation de l’homme par l’homme dans d’autres

domaines d’études. Elle répond aux questions de : qu’est-ce que nous connaissons de nous

même par les représentations que nous faisons de nous-mêmes et par la valorisation des

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163

objets qui nous entourent et que pouvons-nous faire avec ? Avons-nous bien dit ce que

nous faisons ?

Objectifs de la section : montrer que la représentation est aussi une modélisation du comportement et un processus de socialisation.

Le but de cette section est double : sur le plan théorique, d’abord, elle s’efforcera

de montrer que par la représentation de l’homme, il y a déjà une construction, c’est-à-dire

un assemblage de structures, avec laquelle l’homme compose son comportement ou établit

ses fonctions. Dans cette section, on se demande alors si, en théorie, « l »’homme ou

n’importe quel homme dispose du langage adéquat pour faire transiter le contenu de la

représentation de l’homme vers le contenu en idées de l’homo œconomicus ; autrement dit,

la question est de savoir si le langage quotidien véhiculé par l’art renferme-t-il les prémices

de la conscience de soi. Sur le plan pratique, ensuite, la question se porte sur la relation

entre la notion de sympathie développée par Adam SMITH pour le compte de la science

économique et celle de la représentation de « l »’homme : la sympathie ne dépend-elle pas

de la représentation de l’homme ?

Dans la même foulée, nous dirons alors que le marché n’est pas un lieu de

socialisation comme le suggère les modèles néoclassiques, mais un lieu où s’échangent les

biens distinctifs à l’espèce humaine100, plus précisément, le marché qui, dans la théorie

économique, est un lieu de négociation ou de critique pour la fixation de la valeur, est un

lieu d’appariement et de conciliation de l’homme avec lui-même. Le marché est un moyen

menant vers la voie de la quiétude, car un homme qui connaît la valeur de la nature

maîtrise ses besoins. Conséquences, l’art et plus particulièrement tout art qui se rapporte à

la représentation de l’homme – et non la science – permet à l’homme de savoir sur lui-

même (c’est-à-dire d’avoir une connaissance scientifique de lui-même) (Paragraphe 1), et

que l’homme utilise sciemment ce savoir (Paragraphe 2). Le fait d’avoir des connaissances

sur lui-même induit à une quête de connaissance sur l’origine de l’homme, même si celui-

ci est encore spéculatif. Telle est l’objet du premier paragraphe. On ne peut cependant

laisser la base de la connaissance de l’homme dans le domaine illimité des hypothèses et

d’interprétations libres des faits, il nous faut délimiter dans un deuxième paragraphe la

100 On va peut-être objecter que certains biens ne sont pas demandés dans certains milieux, alors qu’ils le sont ailleurs. En vérité, ce ne sont pas les contraintes sociales qui imposent certaines demandes, mais le sens de la propriété : dans les communautés où la propriété privée permet que la terre soit appropriée, alors la demande de lopin de terre existe ; lorsque la terre n’est pas appropriable, alors de telle demande fait défaut.

Page 167: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

164

représentation de l’homme, pour évaluer, en troisième paragraphe, ce que nous

connaissons finalement de l’homme représentation de l’homme.

Un regard empirique sur l’histoire de l’humanité montre que ce n’est pas le peuple

autarcique dans un territoire riche en substances matérielles qui s’adaptent au changement,

mais celui qui pratique l’échange, et que le peuple qui pratique l’échange est aussi celui qui

possède plus de variétés artistiques. Cette section nous fournira les composante de la figure

de « l »’homme.

Démarche

Etant donné l’importance de la représentation de l’homme, nous nous demanderons

comme cette représentation prend-elle forme dans la pensée humaine ? Comment, à la

différence des animaux solitaires, l’homme parvient-il à se détacher de lui-même pour faire

de lui-même un objet de sa pensée ? Tout simplement, la question est de savoir comment

se forme la réflexion ? D’où vient le miroir intellectuel renvoyant la pensée vers son

origine ?

Pour ne pas avancer d’autres hypothèses de travail, nous allons recueillir ce qui a

été renvoyé par la pensée en bute à un miroir réfléchissant. Nous constatons alors que

l’homme ne reçoit que ce qu’il s’est imaginé ; ce qu’il avait présenté lui revient en re-

présentation. Cette affirmation nous provient de la culture malgache, voire française

attestée par des maximes comme : « ny tody tsy misy, fa ny atao no miverina » et « qui

sème le vent, récolte la tempête ». Dans les deux maximes, l’acte revient en acte agissant

sur celui qui l’a accompli. Pour notre cas, notre réflexion se porte sur la production de soi

par l’homme. Cette production lui revient sous forme de re-production de lui-même.

Qu’est-ce qui est retourné à l’homme ? En quoi cette production a-t-elle modifié

l’homme ? Telles sont les deux questions traitées dans cette section. Nous montrerons alors

que la représentation de l’homme construit les formes ou les dimensions de l’homme. Ces

dimensions sont respectivement le corps, la culture et l’intelligibilité de l’homme

(paragraphe I). Ces dimensionnements de l’homme révèlent l’état particulier de l’homme :

la distinction entre le discours sur l’homme et celui sur la nature (paragraphe II)

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165

PARAGRAPHE 1 – DES CONTENUS DE LA REPRESENTATION DE L’HOMME

I  –  Diverses  classifications  du  contenu  du  thème  de l’homme  

A ­ Types de classification du thème de l’homme selon la position des narrateurs 

Le thème de l’homme, dans la narration, ne s’achève que par un récit sur sa

déchéance ou de promotion de l’homme, vers une fin de l’homme. Mais cette fin est aussi

le début d’une autre narration pour y revenir, vers une autre déchéance ou vers un salut.

Plus l’homme se rend compte à la fois son état de déchéance et la possibilité de son salut,

plus son choix de comportement est étendu. Le thème de l’homme est alors, et avant tout,

un thème sur la promotion de l’homme ou de la résistance et de lutte de l’homme, un

éternel retour, ou la conscience de la tragédie de l’histoire, ou encore un mouvement

interminable.

Seul, cependant, le narrateur est au dessus du lot des hommes ; il est dans un

monde de repos, de contemplation, et de jugement. Si le Dieu de la bible se permet de

constater à chaque fin de sa journée de travail que cette partie, même incomplète, des ses

œuvres est « bien »101, l’homme aussi a cette possibilité, à la différence, toutefois que,

l’homme ne peut pas voire l’intégralité de ses œuvres, mais seulement une partie

représentative. Il s’adresse donc à lui-même en contemplant ses représentations. L’homme

se réalise lui-même ponctuellement par ces différentes contemplations de l’autre. La

représentation est un instrument à la fois externe et interne à l’homme permettant à

l’homme, à chaque homme, à s’auto-réaliser. La contemplation entraîne à son tour des

discours sur le comportement de l’homme qui se sont constitués en science ou en objet de

science : l'anthropologie, l'éducation, la science politique, la psychiatrie, la psychologie et

la sociologie.

101 Le critère de l’œuvre est le « bien » qui est une traduction de l’Hébreu « טוב» (« tob ») Il peut être pris dans les sens de qualité (Voir : La Bible, Ancien Testament, Lévitique, Chapitre 27, verset 33, ou Genèse chapitre 26, verset 29 etc.). Ce mot est aussi utilisé dans d’autres circonstances comme le moment où la femme voit que l’arbre aux fruits interdits est aussi « bon » (Genèse 3 : 6-). La traduction du mot est l’idée de « douceur attractive». Dans ce sens, le mal n’est pas une laideur repoussante, mais une réalité différente du

bon. Cette idée évoque la traduction malgache « tsara » dont l’origine est du Sanskrit « Ksara ». « b/f » est aussi un terme de souhait et de vœux (Voir Genèse 24 : 50-) qui prend sens dans une communauté où la parole est considérée comme un porteur de force réalisatrice de ses contenus. Le bien décrit aussi quelque chose qui mérite d’être possédé.

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166

Quatre types de récits peuvent être dégagés dans le thème de l’homme raconté par

un narrateur contemplateur : 1°) le récit d’une déchéance vers une autre déchéance, 2°)

d’une déchéance vers la voie du salut, 3°) du salut vers la déchéance et 4°) du salut vers le

salut.

SCHOPENHAUER et les économistes représentent le narrateur du premier type de

récit. Le sujet de « volonté » que SCHOPENHAUER associe au thème de l’homme éclaire

sa position sur le thème de l’homme : un homme qui veut et qui pâtit devant sa volonté. Le

récit sur l’homme est donc une narration de la volonté. Or, bien que cette volonté soit

universelle, elle mène vers une fin tragique. L’homme ne peut alors que maîtriser les

pulsions de sa volonté par la raison et par la résignation. Le récit de l’homme selon

SCHOPENHAUER est aussi un récit de lutte et de résistance humaine.

Les économistes pour leur part constatent que l’homme ne peut pas satisfaire ses

besoins et que ses problèmes ne sont pas solvables sans provoquer d’autres problèmes.

Le deuxième type littérature (de la déchéance vers la rédemption) est représenté par

les œuvres chrétiennes et, dans une certaine mesure, dans la littérature économique. Des

philosophes, comme NIETZSCHE, figurent dans ce deuxième type de littérature. Dans la

littérature chrétienne, le thème de l’homme est développé en deux étapes : de la création

vers la déchéance, et de la déchéance vers le salut. La littérature économique, pour sa part,

est dans l’ensemble optimiste. Dans la littérature chrétienne, le récit de la déchéance vers le

salut est précédé d’un récit de prospérité vers la déchéance.

B ­ Le récit de l’homme selon les points de focalisation de la narration 

Les différents récits de l’homme font l’objet de critiques formant une balise autour

de laquelle se définit la représentation de l’homme et loin duquel le récit de l’homme

n’est plus compréhensible. Nous constatons alors que le récit de l’homme est

compréhensible, seulement, dans la mesure où il est puisé d’un panier d’arguments et de

référents admis. Ces derniers sont fixés à l’avance par la culture et ses objets symboliques

et porteurs de valeur, sinon par les institutions. Le symbole du svastika sur le bouclier d’un

chevalier, par exemple, évoque un ensemble de récits sur le thème de l’homme. Selon le

comportement devant ces différents objets, on distingue les récits exprimant le sentiment

intériorisé de l’homme (sentiment amoureux ou sentiment personnel), les récits élaborés

autour des relations de l’homme avec un objet (totem, patrie).

Page 170: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

167

Le thème de l’homme selon un objectif voulu débouche vers le récit héroïque ou

ver le récit du vécu dans le cadre d’un système totémique. Le récit héroïque peut être celui

qui est devenu le totem. Cette pratique est fréquente dans les sociétés fondées sur la

communauté des ancêtres (exemple la Nation)

1°) Le récit du vécu de l’homme dans le cadre d’un système totémique 

Cette représentation de l’homme ou cet homme représenté est le « totem » de

FREUD : elle était à l’origine des mythes des ancêtres communs, fondateurs de la Nation.

Aussi, l’art et l’artifice avec lesquels est issue le totem sont en fin de compte l’indicateur

de la présence de l’homme réel (et non pas de l’homme physique). Dans ce sens, le totem,

le mythe et, d’une façon générale, l’art apporte à l’homme ses premières connaissances de

lui-même.

FREUD, effectivement ne pense qu’à démontrer la validité de sa méthode

psychanalytique, mais pour notre part, cette connaissance de soit par l’homme se passe de

preuve ontologique, car toute preuve extérieure – peu importe leur valeur – est largement

suffisant pour prouver l’homme, par la limite de ce qu’est l’homme. C’est pourquoi le

totem perd son influence ou son charme et se confine dans la réminiscence des temps

passés, dans la glorification du passé. Le charme et la présence qui étaient la force du

totem sont volés par la religion, ou plus précisément, par la croyance en une divinité

présente et active. Le totem est à peine perceptible, mais il reste la référence d’existence

dans la société primitive et encore chez les enfants.

Mais prenant le discours sous un autre angle, celui de la permanence de

l’interdiction, nous dirons que l’influence du totem persiste même au-delà de l’enfance ou

de la civilisation. L’interdiction est une force universelle qui envahit l’inconscience et

s’installe dans l’Inconnaissable de Herbert SPENCER. Elle est le domaine d’influence du

totem. En économie, ce n’est pas la nature du totem qui importe, mais la force de ce totem

sur le comportement par lequel s’identifie et se reconnaissent les êtres humains.

Dans ce paragraphe, donc, nous dépasserons l’inconscience puérile qui consiste

encore à se découvrir le corps, même si les systèmes de critiques de l’apparence du corps

est la première représentation de l’homme, pour exposer et développer le thème suivant :

l’interdiction est vécue inévitablement et pourtant de façon consciente chez l’homme. Dans

ce contexte alors, l’idée de totem apporte à l’homme le sens de conflit entre la conscience

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168

de l’obstacle. Le présent paragraphe est donc une combinaison de la science économique et

de l’anthropologie pour relever les effets de la représentation de l’homme sur l’intelligence

humaine. L’apport de la représentation de l’homme sur la connaissance de lui-même se

découvre : la représentation de l’homme permet de distinguer le corporel et l’incorporel, le

normal et la culture, ainsi que la rhétorique.

Ce paragraphe est cependant limité à l’introduction de la notion d’interdiction –

thème que nous développerons amplement dans le chapitre premier, section première de la

partie suivante. Nous nous arrêterons après avoir présenté la nécessité de ce que la

représentation de l’homme a apporté pour l’homme. En économie, il s’agit de s’interroger

sur la nature du besoin satisfait par la représentation de l’homme, et de s’arrêter lorsque

sera constatée la satisfaction d’un besoin ignoré par la science économique. Et encore, la

psychanalyse nous est de recours pour obtenir les premiers éléments de réponses. C’est

ainsi que les articles sur la psychanalyse et l’art102. Dans ces textes, en effet, il apparaît que

FREUD essaie de soutirer de ce qui est visible, quelques énigmes qui imposent un

dévoilement aux admirateurs de l’art, conformément à notre hypothèse de réflexion

(LECLERC, 1996). L’homme, devant une œuvre d’art, est dans un état de dessaisissement

de soi, une rupture103. La psychanalyse indique qu’il ne s’agit pas d’un besoin ; alors que

pour la science économique, on va l’expliquer, la production de l’œuvre d’art est un

instrument de production.

Nous dirons alors que la représentation de l’homme permet de satisfaire un besoin

et forme un concept intellectuel.

2°) Le récit de l’homme à travers le thème de héro 

A ce niveau, le héro est l’homme de la littérature historique et géographiquement

localisé dans l’espace culturel et linguistique de l’Europe. La littérature et l’histoire n’ont

que consigné l’exploit du héro. Le héro est le thème qui couvre celui de l’homme. A partir

de ce thème, la littérature indoeuropéenne se déverse vers le comportement guerrier de

102 Voir notamment LECLERC Josée, « Freud devant l’objet de l’art. Pour une pensée de l’atteinte », in Trans Hiver 1996, pp.91 - 109 103 Voici comment un chercheur raconte ses sensations : il était imbibé des informations contre le christianisme professé par l’Islam. Aussi, quand il était devant un fascicule original de la bible, il était arrêté comme s’il s’agit d’une représentation nouvelle. Tel est aussi le cas de la dame qui, devant le portrait de La Joconde, n’a pas pu s’empêcher de jeter une tasse de café, alors qu’elle est dans un état normal. Ce comportement est appelé dans la médecine par l’expression « syndrome de STENDHAL ».

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169

l’homme, la concurrence, le butin. Il leur est facile de passer d’un thème équivalent comme

la concurrence, le profit, le risque, etc. Mais le thème indoeuropéen de « héro » ne peut pas

parler de l’homme en termes de bien et de mal, ni combinaison de comportement

contradictoires comme la « faiblesse » et la « force », ou encore comme un être intégrant

les degrés imaginables de rationalité. L’homme peut aussi être représenté comme étant une

combinaison de « bien » et de « mal », mais il faut d’autres démarches pour parvenir à ce

thème : les thèmes de « dieu », de « l’homme-dieu », l’opposé de dieu, etc.

Une correspondance entre l’un ou l’autre de chacun des deux éléments du thème de

l’homme peut être établie : le « bien » représente le « mâle » ou éventuellement la

« femelle » et le « mal », « la femelle » ou « le mâle ». Dans les deux cas, le récurrent n’est

pas les éléments composant le thème de l’homme, mais le concept appelé « la dualité » qui

est désormais susceptible d’être appliqué dans le thème de la représentation de l’homme.

Aussi, les propos récurrents sur le thème de l’homme se perçoivent et se puisent ou

bien à travers la conceptualisation du sens commun des objets artificiels, ou de la

découverte des mots résolvant la description de la vie de l’homme comme le font

généralement la littérature dite occulte ou la littérature théosophique, ou encore et enfin,

par la mise en place d’un discours scientifique par un narrateur qui a une vision de toutes

les sciences sociales et humaines. Les propos récurrents sur l’homme sont des concepts

désignant un phénomène ; la dualité homme-femme en est un exemple parmi d’autres.

Ces concepts phénoménaux et récurrents sont cependant rares et éparpillés dans des

termes de moindre importance pour la description de la problématique de l’homme. Une

fouille des termes dans l’ensemble des mots utilisés par les humains est donc logiquement

nécessaire pour parvenir à la représentation de l’homme ; mais cela est matériellement

impossible, d’autant plus que les mots, affirment certains penseurs, n’ont de sens que pour

le phénomène qu’ils désignent, sinon pour l’expérience qu’il désigne (Thèse d’Ernst

MACH). En outre, les mots restent régionaux et culturels tant qu’ils ne sont pas

traduisibles et liés avec d’autres expériences universelles. Aussi, pour prendre un chemin

court, pour ne pas se perde dans les méandres d’argumentation sur un sujet que nous ne

maîtrisons pas complètement et qui échappe à la formation d’un économiste, nous dirons

que les mots présents dans toutes les langues sont ceux qui contribuent dans la

représentation de l’homme. Or, parmi les mots universellement usités, figurent

certainement les termes employés par les différentes religions, car en fin de compte, la

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170

pratique d’une religion unifie l’homme. Notre recherche utilise la linguistique non pas pour

apporter des connaissances supplémentaires sur cette discipline, mais par nécessité pour

montrer l’économique.

L’approche du discours sur l’homme par des documents religieux préalablement

choisis, pour sa part, repose sur une compréhension des points doctrinaux de la religion en

question. D’ailleurs, les religions utilisant des livres sont rares et dominées selon le nombre

de leur pratiquant par l’islam avec le coran, le christianisme et le judaïsme avec la bible ou

une partie complétée de la bible et la religion indienne utilisant le Bhagavad-Gîtâ. Avec

cette approche l’homme étudié sera le pratiquant respectif de chaque religion écartant déjà

les non-pratiquants et les opposants farouche de chaque religion. Ces critiques sont aussi

valables pour l’approche académique de l’homme : l’homme de la sociologie ne serait pas

aussi l’homme de l’économie ni de celui de l’anthropologie, alors que nous essayons de

décrire « l »’homme non qualifié.

Ce paragraphe a pour objet de montrer quelques mots et quelques thèmes avec

lesquels se construit le thème « l’homme ». Aussi se pose-t-on la question : Si on se dit que

l’homme est capable de trouver les mots et les thèmes générateurs de l’homme, pourquoi

n’est-il pas capable aussi et par la même occasion, de trouver les principes descriptifs et

discursifs de ou des dieux ? A notre avis, les mots en soi n’ont de sens que par rapport à un

ou plusieurs thèmes par et pour lesquels ils ont un sens. Aussi, la collecte des mots n’est

pas une opération isolée de celle de la recherche des thèmes associés. Nous monterons plus

loin, lorsque nous nous demanderons où se trouve le narrateur-producteur de ces mots au

moment de sa vision, que ces thèmes associés sont l’économique.

Pour guider notre idée, nous avons quand même retenu l’imagerie véhiculée par le

thème et avons pris comme point de départ la phrase biblique de « au commencement104 »

(voir La Bible, Ancien Testament, Livre de Genèse, Chapitre premier verset un -et le

Nouveau Testament, Evangile de Jean Chapitre premier, verset un-). C’est l’idée de début

ou de commencement véhiculée par l’image de « commencement » dans la langue hébreu.

Le « commencement » en Hébreu a une racine qui vient de mot « tête ». Il est traduit

104 Le narrateur biblique appartient à une culture ou à un système de narration dont la technique met en rapport deux images : un corps de l’homme qui sert d’indicateur du niveau d’avancement du récit et le récit proprement dit. Le récit devrait théoriquement s’achever lorsque le narrateur parvient à la fin (probablement et dans la langue malgache, le « vody » traduit librement en français par le mot « fesse », car le mot français « derrière » évoque plutôt son contraire « devant »). Mais lorsque le temps est nommé – « temps », ou « jour », etc. – alors la fin est vraiment « la fin des temps »

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171

littéralement en Malgache par « Voalohany » 105 où figure également le mot « loha » 106 ou

« tête ». Après ce mot « tête » (ou maux de tête !) vient le Grand problème de l’homme

qui est la thèse ou l’hypothèse d’origine : « Dieu ». Dieu est un donné du thème de

l’homme dans le thème « création ». Vient ensuite un autre thème, cette fois-ci un verbe

dans la classification grammaticale des mots français : le «créer ». Puis d’autres mots et

verbes évoquant les uns des donnés concret et les autres des noms d’action, et ainsi de

suite, jusqu’à ce qu’apparaît le thème de « l’homme ». « Tête », « Dieu », « firmaments »,

« terre », « plante », « animaux » et enfin « homme » forment une sorte de piste descriptif

ouvrant encore vers d’autres sujets et vers d’autres thèmes peut-être en rapport avec la

morale et non plus avec la nature. Certains philosophes ont prolongé leur réflexion vers la

morale pour découvrir l’homme. Pour notre part, le lien entre les thèmes menant vers

l’homme est le guide menant vers la représentation de l’homme. Nous voulons remonter la

pente « homme » vers « dieu » ou encore suivre le sentier tracé par les rédacteurs de la

bible pour faire un discours sur l’homme. Mais certains de ces thèmes peuvent être

regroupés par l’image. Le mot « firmament », par exemple évoque une étendu dont « la

terre » n’est qu’un point (matériel) ; de même, « Plantes » et « animaux » sont des thèmes

qui peuvent être « avalés » par le thème de « terre ». Finalement en combinant les thèmes

et les images pour parvenir au thème de l’homme, le thème biblique de la création est

composé du triptyque « dieu »-image d’une étendue de substance-terre. Puis le thème

« terre » est ouvert à son tour en thème de « plante », « animaux » pour parvenir au thème

de l’homme. La littérature cosmogonique grecque décrit de cette façon la création : dieu

(ou ZEUS) – Terre (ou Gaïa)-Homme ou encore par d’autres triptyques de ce genre. La

description triptyque de la création est donc aussi une autre récurrente du thème de

l’homme. Nous retenons cette trilogie comme fil d’idée de la formation universelle du

thème de l’homme : lorsque l’homme parle de l’homme, premièrement, l’homme dont il

parle est un être dual, un homme-femme, et deuxièmement, il utilise comme cadre

thématique le triptyque Dieu-Etendu-Terre ou Homme. Ce triptyque de thème, il faut

l’insister, n’est définitif que dans leur forme ; leur variable culturelle est le contenu du

105 Voalohany littéralement signifie « premier produit ». Il est traduisible par le mot prémisse. Dans ce sens alors, ce n’est pas le temps qui est désigné dans la localisation du récit de la création. Ce dernier relate plutôt une idée d’activité agricole de semis. 106 Littéralement « tête ». Ce sens est aussi celui de la philologie hébraïque. L’usage d’une partie du corps comme localisation d’un récit n’existe que dans les cultures où le cosmos est considéré comme un être organique. Une investigation dans la grammaire sanskrit une situation comparable : les lettres de l’alphabet sont représentés dans la partie du corps humain (Voir : Anonyme, « L’alphabet sanskrit et le son personnifié », Internet

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172

thème : « l’étendu » par exemple est chez les uns, un « air infini », ou encore « les

ténèbres » et « l’abîme », alors que chez d’autres, un monstre, ou un explosif.

C’est en détruisant l’étendu entre dieu et la terre ou entre la terre et l’homme que se

découvre l’homme et finalement la richesse.

II ­ Les contenus des effets de la représentation de l’homme 

Le thème de l’homme n’est pas seulement une construction sociale et collective,

mais aussi une intelligence ou une compréhension personnelle. Il n’est pas un thème

« sur » l’homme, mais un thème « par » l’homme ou « par » l’individu. Dans ce dernier

cas, en effet, le thème de l’homme nous paraît en évidence phénoménale unique et réparti

chez les individus. Ce phénomène agit sur l’individu, sur chaque individu, sur l’homme ;

c’est lui qui fait l’homme. La représentation de l’homme par l’homme correspond au

« fanahy » malgache.

Le « fanahy » est la substance représentative la plus concrète ou du moins la plus

susceptible d’être dénommée ou un aspect de l’homme ; il est alors la substance qui fait

l’homme. Les Malgaches disent à son propos qu’il est celui qui fait l’homme (« Ny fanahy

no mahaolona »). Un discours sur le thème de « fanahy » cependant dépasse notre propos

et concerne la recherche de la nature de l’homme. Par contre, la présentation des effets de

la présence du fanahy sur le thème de l’homme est conforme à l’étude de la représentation

de l’homme. Nous montrerons que la représentation de l’homme entraîne un discours sur la

séparation du corps et du non corps – présentation duale de l’homme –, ce discours est

diffusé, voire pluralisé sous forme de discours institutionnel, et vécu sous forme de

culture. Le fanahy finalement est un thème qui se discute.

Les effets de la représentation de l’homme ne sont donc pas des reflets ou de

images de l’homme, mais et surtout une nature de l’homme. L’homme n’est pas seulement

une forme ou un corps qui a été donné et imposé par la création, mais aussi une

représentation intérieure et vers lequel l’homme se tourne pour sa pulsion ou pour son élan

vital. L’ordre intelligible à l’homme et l’énergie spécifique à l’homme sont localisés à

l’intérieur de l’homme et que cet ensemble ou cet espace forme peut-être le corpus du

fanahy107.

107 Le développement de ce point dépasse notre thèse

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173

A ­ La représentation de l’homme sépare le corporel et l’incorporel et introduit le 

normal 

Le corps sans visage ou de visage anonyme est la partie visible de l’homme. Pour

attester qu’il s’agit effectivement de celui de l’homme, la représentation de l’homme, ou

l’homme représenté oppose tacitement le corps du bien (le juste qui juge, le sage avisé, ou

le héro téméraire et audacieux) et le corps du mal (le monstre et le dépravé). Du corps, on

parle aussi de la vie et de la mort : le corps abrite la vie, et reçoit le plaisir et la souffrance.

Des doctrines enseignent d’ailleurs que la souffrance du corps n’est pas totalement négatif

ni condamnable, le corps reçoit son entraînement à la souffrance. C’est ce corps qu’on peut

qualifier d’offert au regard qui est raconté dans les récits et fixés dans les représentations.

Le récit présente le corps comme un héro qui a souffert pour mériter une

reconnaissance, héro. Son combat se fait contre un puissant adversaire sans corps et

inconnu. Le récit présent aussi le corps comme un monstre dépravé enveloppant une entité

plein de vertu qu’est l’âme ; au corps est déjà associée une certaine attribution de symbole

et aussi de signes indicateurs de l’homme. C’est le corps ou l’âme qu’il porte qui distingue

l’homme du monstre. L’interprétation de la littérature cependant ne se limite pas au seul

visible et surtout accepte l’anthropomorphisme des monstres. La représentation du corps

humain est la représentation de première main de l’homme. Mais le corps humain ne

représente même pas l’homme, car le corps lui-même est une représentation, ou une des

représentations, de l’homme. Dans la réalité, d’ailleurs il n’y a qu’un corps sensé

appartenir à une personnalité ou à un individu humain, et ce corps n’est perceptible que par

ses parures, ses caprices et exigences physiques. Ce sont ces derniers que la littérature a

mis en relief, alors que les sciences sociales et humaines se sont investies dans les

discussions sur la moralité de ces exigences.

Ce corps, avec ses exigences, est identifié par l’approche de quelques érudits, à

l’instar de Maître ECKHART, par l’expression « homme de l’extérieur » et dénoncé

moralement par lui et le christianisme dont il fait l’éloge, par l’expression de l’ « homme

de l’intérieur ». Ce corps a été aussi l’objet de régulières communications médiatiques. Les

arguments de Maître ECKHART sont aussi repris par PUFENDORF qui avança la

fameuse citation selon laquelle le vice fait l’entreprise, pour louer les bienfaits des vices de

l’homme. Les médias, pour leur part, n’ont des yeux que pour les gestes et pour la posture

du corps. L’homme révélé par le médiat n’est pas seulement un être situé, mais aussi ayant

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174

des gestes humainement identifiés. Les observations de certains philosophes (ANDRIEU

2006) ont d’ailleurs permis de défendre qu’il n’y a pas de geste typiquement humaine,

mais de type appartenant à une culture et même à de la « culte du corps ». Le « culte du

corps » est une préoccupation de l’époque moderne. Il consiste à mettre l’accent sur

l’apparence afin de se créer une identité sociale.

Quand à la représentation collective de l’homme, celle qui est véhiculée par les

médias et les films et certains arts et activités sociales et qui a de l’influence sur le

comportement ou sur la façon d’être de chaque individu, quand à elle, est dénuée de cet

aspect moral. Dans le contexte de libéralisme, d’ailleurs là où le collectif domine et

s’impose comme valeur et éthique, la représentation de l’homme est différent : le

populaire, celui qui fait l’unanimité, est d’office qualifié de sublime et sommet de l’art,

alors qu’on est que dans une situation passagère ; aussi, est-on tenté de le considérer

comme l’opposé du concept d’apparence : elle est de l’essence. De telles situations,

cependant est scientifiquement insaisissable pourtant, la science ou la philosophie, sans

passer par le concept d’essence, arrive à faire un discours sur la représentation collective

de l’homme. De ce fait, la question de la qualification de la représentation de l’homme est

ouverte.

Enfin, la littérature et l’art n’ont pas adopté une critique éthique de l’apparence

usuelle dans les discours scientifiques ; elle ne fait que consigner les critiquables de ce

corps en détaillant leur éthique. La représentation de l’homme n’a pas été puisée dans le

champ d’argumentations éthique, mais esthétique ; aussi, l’apport de la représentation de

l’homme dans la connaissance de l’homme est dans les débats et querelles d’écoles de l’art

ainsi que dans les critiques et dans l’histoire de l’art.

Les économistes ont repris les bases culturelles de la représentation de l’homme par

ce qui se dit sur le corps. Leurs discussions sur le corps prend l’aspect de moral de l’action,

sur l’éthique et non pas sur l’esthétique ; autrement dit, dans les sciences sociales et

humaines, le moral est l’apparence de l’homme. En continuant dans ce sens, il nous faut

rejeter le cadre de discussion de l’homme tel que les philosophes l’on présenté en mettant

l’homme dans le débat portant sur la nature, la divinité, nous discutons plutôt de l’homme

dans le cadre de ce qu’il fait, ou doit faire (si ce qui est fait est blâmable). A cet effet, nous

avançons que l’interdiction et ses espaces sont le cadre de la discussion sur l’homme et non

pas la nature et la divinité.

Page 178: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

175

B ­ Les types de représentation de l’homme caractérisent la culture 

Les anthropologues s’abstiennent de juger une culture, parce que pour eux, chaque

culture se vaut elle-même. Mais le contexte dans lequel les représentations littéraires et

artistiques de l’homme par l’homme même ont été utilisées nous impose à nous affranchir

de tel principe. Comment peut-on juger cet élément de la culture ? En l’occurrence,

comment peut-on juger les représentations littéraires et artistiques de l’homme par lui-

même ?

La question est à la fois esthétique et technique, et relève des critiques de l’art et de

la littérature. L’histoire des critiques de l’art et de la littérature indique que la culture des

spectateurs et les lecteurs et l’opinion des autorités institutionnelles sont le premier

critique. Elles se manifestent par leur réaction vis-à-vis de l’œuvre en question108. Elles se

manifestent par leur reconnaissance publique de l’auteur ou de l’œuvre en question. Leurs

critères d’appréciation ne sont cependant pas forcément d’ordre artistique et littéraire, mais

de l’ordre public et tenant compte du souci de la continuité des activités culturelles de la

communauté. Les techniciens et praticiens sont aussi des critiques de la littérature et de

l’art. Pour eux, le savoir-faire selon « l’art de l’art » est la norme. Au sein de la

communauté des techniciens et praticiens alors, il y a des artistes « orthodoxes », ou «

classiques » et des artistes « hétérodoxe », c’est-à-dire qui pratiquent leur art et littérature

hors du chemin battu par leurs prédécesseurs.

Les représentations littéraires et artistiques de l’homme par lui-même se critiquent

également par ces différents critiques. La diversité des critères de jugement de l’art et de la

littérature, à cause de la pluralité des intérêts associés aux produits littéraires et artistiques

nous pousse à établir, nous aussi, nos critères de jugements. Cela nous conduit alors à la

révision de nos positions vis-à-vis de l’art et de la littérature. En tant que théoriciens de

l’économie, nos critères doivent être l’utilité, l’efficacité et le coût social des récits sur

l’homme. En tant que praticiens, nos critères doivent être tirés de ce qui se fait en la

matière.

108 Dans ce sens, les œuvres les plus critiqués ne sont pas forcément les plus mauvaises ; au contraire, ce sont celles qui n’ont jamais eu l’appréciation même tardive des spectateurs et des lecteurs qui le sont. Leur rejet d’une œuvre littéraire ou artistique ne signifie guère que le produit en question soit mauvais ; ces produits dérangent tout simplement l’ordre existant.

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176

Devant la variété des critères de jugement des récits sur l’homme par l’homme,

nous avons alors retenu les points suivants :

1°) la richesse des images véhiculées par les mots d’une langue. Nous sommes

donc plus ou moins contre la conception linguistique selon laquelle chaque mot doit

contenir une et une seule idée. En fait, nous ne sommes pas du tout placé pour de telle prise

de position, mais et seulement, un choix doit être faite pour préciser nos idées, car nous

verrons plus loin que l’enjeu de la quantité des images véhiculées par un mot utilisé pour

se décrire soit même est ce que nous appelons « conscience de soi ».

2°) L’existence ou non de rhétorique et surtout de discours et de discussions

collectives. Les communautés démocratiques, avec leur nuance de formes de la démocratie

en sont les références. Lorsque le discours devient un art, des critiques sont permises.

3°) L’existence d’auditeurs et de spectateurs sensibles

Quels sont donc les représentations artistiques et littéraires irrecevables ?

Ce sont des représentations où la relation entre le tout et la partie n’est pas

respectée, celles qui présentent un sujet dans un référentiel non approprié, à moins que le

fond de la représentation est la contraste ou ce qui n’est pas apparent. Le problème n’est

donc pas dans la quantité de la représentation, mais dans la recherche de cadre approprié. Il

prend un aspect critique dans le thème de l’homme, car ce dernier s’est enrichi en détail

par les précisions des scientifiques. Une recherche d’un nouveau cadre ou d’un paradigme

nouveau de thème de l’homme s’impose.

La représentation de l’homme dépend à la fois des supports utilisables pour la

circonstance et de la culture. Les mots et les images sont les principaux moyens utilisés

pour la représentation de l’homme. Aussi, la lecture des mots doit-elle tenir en

considération les contextes culturels et linguistiques109. Chaque mot peut produire de ce

109 Cette façon de faire est connue sous l’appellation d’ « empirisme logique », ou d’ « analyse linguistique » a été initiée au XXe siècle par un mouvement de philosophes dit « philosophes analytiques ». Ces philosophes cherchent à clarifier le sens des mots ou à déterminer les conditions générales du bon usage des mots. Pour ces philosophes, une réécriture des œuvres littéraires, à l’instar des versions modernes de la bible, détruit une partie du message. Tel est par exemples l’usage du mot « noble » dans la traduction de la bible ou de celle du mot « tourment ». Aussi, l’homme décrit par chaque auteur est-il plus ou moins distinct l’un de l’autre. Dans le contexte de la philosophie linguistique, le problème de la représentation de l’homme est ouvert parce que l’homme, ou chaque homme, chaque culture ou chaque langue a une certaine idée de ce qu’il pense de l’homme ; l’homme est déjà représenté dans le mental de l’homme. Seulement les mots leur manquent pour combiner ces idées entre elles en vue d’en former un système de connaissance. Chaque entité parlant de l’homme doit alors – selon LOCKE – avoir non seulement une ou des idées sur l’homme, mais

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177

fait son propre scenario initial générateur d’une représentation de l’homme idéal110, et des

variétés de la représentation de l’homme en découlent. Les dictionnaires de traduction des

langues étrangères par exemples ont des variétés de mots associés pour l’équivalent du mot

français « homme ». En outre, chaque langue possède leur propre façon de parler de

l’homme. Presque toutes les communautés humaines utilisent leur observation sur le

comportement animal pour en tirer des morales sur le comportement humain. A l’extrême,

le comportement humain est dicible en comportement animal. Des communautés orientales

et asiatiques utilisent aussi d’autres référents pour construire une représentation de

l’homme. Dans la philologie arabe, par exemple, le discours sur l’homme s’élabore dans le

cadre du « monde des exemples »111 ; dans la civilisation malgache, l’expression

équivalente est le « ohatra » ou « teny an’ohatra » (littéralement, « similitude ». Dans le

langage courant, « ohatra » est traduit par le mot « exemple » (du latin « exemplum »

signifiant « copie», « imitation », « reproduction ». Littéralement cependant, « ohatra »

évoque plus une idée de comparaison et ses connotés (ressemblance et divergence). Le

« teny an’ohatra » ou « oha-pitenenana » est utilisé pour parler d’un sujet avec un

référentiel différent de ce qu’il devrait se faire. Cette technique est appropriée pour

exprimer un sujet indicible à cause d’un manque de champ de discussion.

La façon de traiter le thème de l’homme, élaborée par les civilisations des

communautés non méditerranéennes est appropriée pour décrire et étudier le thème de

l’homme. Bien que cette approche soit contestée par MAUSS et LEVY-STRAUSS, sous

prétexte que la somme des discours sur la représentation de l’homme ne permet pas d’avoir

une idée précise de l’homme représenté, car ce qui est représenté n’est pas l’homme en

général, mais un individu « rencontré » par l’intelligence de l’écrivain (ou littéralement en

Malgache, « olona tandrifin’ny heritreritra » ) ou un individu produit de la logique de la

représentation du monde (LEVY-STRAUSS), il ne reste pas moins que cette représentation

converge vers le modèle culturel partagé de l’écrivain. C’est ainsi que les différentes

aussi une ou des idées déterminées du sens du mot sur l’homme. La réalité de l’homme n’est plus remise en doute dans cette approche, car l’homme est déjà « perçu » par la pensée, et non encore saisi par celle-ci (du moins d’après le philosophe BERKELEY) 110 Ainsi par exemple, le mythe de frères ennemis est un thème inhérent à la culture occidentale. C’est ce thème qui est à la base de la théorie de la concurrence. Ce thème n’existe pas dans les communautés non occidentales ; conséquence, le comportement des agents économiques, et la nature des protagonistes des romans sont différents selon les deux cultures. 111 Il s’agit du « علم ٲلمثل». Ce terme est utilisé dans les discours religieux et dans les contes pour retracer la formation d’un fait réel et matériel.

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178

formes d’animation sociale et les différentes campagnes de sensibilisation évoquent

l’homme modèle plus ou moins convenu112.

C ­ La représentation de l’homme ouvre la voie à la rhétorique  

En outre, la question de la représentation de l’homme relève aussi à la fois du

rhétorique dans une discussion où il n’y a champ (et donc seulement d’argumentation) ou

encore où, faute de réalité concrète, on se doit de discuter sur l’imaginaire ou le figuré. Elle

excède les domaines de la littérature et de l’art, et de la réalité, pour entrer dans une

discussion portant sur la construction de la logique de conversation. L’homme est un thème

d’un discours dans un non lieu, et de ce fait, il est en apparence, subjectif, de la rhétorique.

Les Malgaches diront que le discours n’est seulement que du « resaka » pour l’opposer à

toutes formes de discussions verbales intéressant et cernés.

Lorsque le discours se fait dans une situation où l’auditeur est composé d’individus

ayant des différentes de capacité d’inférer et de suivre un raisonnement, la représentation

de l’homme est l’instrument de communication adapté. La rhétorique antique (plus

précisément aristotélicienne et latine) a posé de façon différente des discours modernes, la

question de l’homme, de son modèle et de l’homo œconomicus. Pour elle, en effet,

l’homme se perçoit par sa représentation et par ses arguments, et se réfère donc à la théorie

des « tropes » ; il ne se prête pas à de démonstration ni d’arguments proprement dits.

Cette démarche a été aussi adoptée par les théoriciens de l’économie et leur a

permis d’affirmer sans démontrer la réalité de l’homme. Il n’y a ni faits, ni valeurs, ni

vérités, ni présomptions, ni lieux pour argumenter le sujet de l’homo œconomicus pour

servir de base commune de discussion (ou « lieu commun » de discussion, selon

l’expression des rhétoriciens) ; il y a seulement une hypothèse et des déductions dont la

portée a pu été vérifiée sur terrain.

Dans la littérature, la représentation de l’homme se révèle par l’erreur ou par le

ridicule de l’homme réel. Par nature, le thème de l’homme est un sujet divergent dont il

faut trouver le centre de discussion. L’homme représenté par les sciences se caractérise par

son comportement intelligible et riche d’interprétations : Un comportement est intelligible

112 C’est pour cela d’ailleurs que la représentation d’un avare change régulièrement de caractères selon les époques.

Page 182: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

179

lorsqu’il est critiquable dans ses motivations, ses moyens et finalité. Un comportement

intelligible se justifie selon des référentiels multiples

En guise de conclusion du paragraphe, la représentation de soit avec laquelle

l’homme construit les discours sur lui a donné un sens à ses activités. Ce n’est pas le travail

qui crée l’homme, mais sa conscience de lui-même et les propos que l’homme s’échange

entre eux. Les échanges et communications ont donc une fonction – si on emprunte les

termes de la psychologie – créatrice. Au commencement était peut-être dieu, et peut-être

encore - ce dernier s’est mis à proférer ses oracles et à souffler sur la narine du corps

humain, mais le véritable homme, « l »’homme avec lequel chaque homme se réfère pour

s’éveiller et prendre conscience et avec lequel il construit la science de l’homme, est

l’homme qu’il a représenté, une idole de son choix. Le récit biblique de la communauté

israélite menée par MOÏSE dans le désert au pied du mont Sinaï, et alors que ce chef

spirituel s’entretenait avec Dieu pour avoir une preuve matérielle de l’oracle divine, le

fameux décalogue, illustre ce fait. MOÏSE cherche son identité ou celle de son peuple dans

les propos du Créateur, alors que le peuple, les Hébreux, ont déjà retrouvé leur identité

sous forme de la représentation de la fortune symbolisée par la statue du veau confectionné

avec de l’or.

La représentation de l’homme est un instrument avec lequel il réalise l’existence de

l’ordre basé sur la compréhension de soi, par le regroupement des individus ayant les

mêmes affinités et finalement il connaît le caractère incorporel de l’homme. Ces éléments,

bien que non discutés par la science économique, sont des propositions appartenant au

thème de l’axiome de comportement. Ce que connaît l’homme de lui-même par la

représentation est en fait un lieu de référence dans lequel se puisent les hypothèses

possibles de comportement. C’est donc une contribution essentiellement méthodologique

pour la construction de la science économique.

Ce n’est pas l’axiome cependant qui sauve l’homme de sa doute ou de son angoisse

existentielle ; dans la pratique, l’homme se découvre lui-même quelque part, ailleurs que

dans lui-même, par la science ou par la religion, par l’expérience ou par la foi, mais et

surtout, par quelque chose d’extérieure avec laquelle, l’homme réalise sa propre limite et

sa propre acquisition.

Qu’en est-il alors des gains pratiques ? Ou que fait l’homme avec son image ?

Page 183: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

180

PARAGRAPHE 2 - LA REPRESENTATION DE L’HOMME DETACHE LE LIEN ENTRE L’HOMME ET LA NATURE ET PLONGE L’EXISTENCE HUMAINE DANS UN ORDRE MORAL ET PHYSIQUE

L’absence manifeste de cadre de discussion sur l’homme modèle, il nous semble,

provient du fait que le thème de l’homo œconomicus a été traité sans prendre en compte de

la contribution des acquis des différentes disciplines académiques, notamment

l’anthropologie, ou de la psychanalyse ou psychologique ne serait-ce que pour lui donner

un cadre thématique. Il est en effet étrange de constater que l’on parle de l’homme sans

que soient évoquées au moins ses références anthropologiques. Ce fait est la cause de la

rupture entre le discours économique de l’homme et l’homme des autres discours

scientifiques. En d’autres termes, le problème provient du fait que le discours que tiennent

les économistes sur l’homme est différent de celui que font les autres disciplines

académiques sur le même thème, plus particulièrement de l’anthropologie113,

l’anthropologie et la psychologie. Même les discours tenus par les philosophes sur

l’homme sont différents de ceux des économistes, alors que la science économique s’est

formée dans le giron de la philosophie : l’homme de la philosophie, ou l’homme imaginé

par la philosophie et pour et par lequel les discours de la philosophie ont été élaboré est un

homme qui fait un choix rejetant les discours qui ne les ont pas vaincus, les discours qui

ont épuisé les arguments en faveur de l’opinion de cet homme ; alors que l’homme de

l’économie semble être préoccupé par d’autres problèmes philosophiques : la recherche du

bonheur par la raison, l’amélioration de la vie humaine.

113 L’anthropologie cependant est partagée entre la démarche historique et la démarche culturaliste. Pour l’anthropologie historique, la littérature sur l’homo œconomicus existe en pan des théories sur l’homo sapiens, sur l’homme de Neandertal, ainsi que sur des autres types d’hominidés découverts ou imaginés par les historiens. L’homo œconomicus est un produit de l’inférence de la pensée de l’historien dans la science économique ; c’est que le théoricien dont nous sommes censés l’être, est allé dans un sens plus loin que le lecteur dans l’investigation de ce qu’est l’homme, à tel point que ses découvertes, sont émouvantes (pathologiques) et génératrices d’attention et d’intérêt. Le sujet de l’homo œconomicus est un sujet de l’historien d’abord avant d’être partagée et diffusée dans les autres disciplines. Mais lorsque les économistes l’ont reprise, le sujet devient non plus un thème savant, mais vulgaire : il ne s’agit plus de l’homme initial qui a permis l’homme actuel, mais un homme vulgaire, présent dans toutes les péripéties de l’histoire de l’humanité, un phénomène. Ici alors, le problème n’est plus de fournir les arguments en faveur ou contre l’homo œconomicus, mais des propos démontrant, dans le sens littéral du mot, plutôt ce dernier. Aussi, la question de « qui est l’homo œconomicus ? » est plutôt une recherche d’identification de ses caractéristiques techniques pour que ce concept devienne familier. A cet effet alors, il semble que le rôle du théoricien de l’économiste est d’entrer dans la profondeur de l’être de l’homo œconomicus et d’extirper par des mots simples les mystères de ce monstre. Mais cette question ne relève d’un non lieu : aucun individu, aucune investigation ne peut le prouver.

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181

L’éclatement de la science, alors que la production de la représentation de soi reste,

est donc un contexte permettant la question : que fait-on de la représentation de soi dans les

différentes disciplines académiques ?

Cette question cependant répond de loin notre préoccupation, car elle met dans le

même sac, l’économie, avec les disciplines académiques de la science humaines, alors que

l’économique, à notre avis, est le lieu théorique où se réalise le discours sur l’homme.

L’homme ainsi représenté est un instrument de la politique et de la sociologie, pour servir

de norme de comportement du citoyen ; il n’est pas dans la société, malgré l’affirmation de

nombreux discours ; il n’est pas un être politique, mais plutôt un être de réflexion ; il est

dans l’économique. Devant cette situation alors, nous étudierons les effets de la

représentation de l’homme sur l’espace économique, en se demandant qu’est-ce qui, dans

le domaine de l’économique, a été fait de l’homme représenté ?

Nous démontrerons successivement alors que, dans le fond, la représentation de

l’homme prépare la refonte de l’homme de la nature en détruisant progressivement ce

dernier et en ce que l’homme de l’intérieur se répand sur la nature. De ce fait, et toujours

dans le cadre de l’utilisation de la représentation de l’homme, l’homme représenté est

devenu le déterminant conjoint des ordres moraux et physiques. Mais ces utilités se

heurtent à des obstacles que sont la capacité de l’homme de s’écouter lui-même ou

d’écouter quelque chose de plus profond en lui-même (c’est donc un problème

d’entendement) ; l’homme préfère comprendre la partie en lui qui a été traduit par la

prolifération des informations extérieures et non pas directement en lui. La fin de l’homme

actuel commence ainsi par l’entente des bruits intérieurs de conflit.

Dans ce paragraphe, nous présenterons alors successivement les deux thèses

suivantes : L’homme représenté véhicule la refonte de l’homme extérieur ou l’homme

naturel et l’homme représenté détermine les ordres moraux et physiques. Ces deux thèses

sont les réalités cachées de l’homme ; la réalité de ce dernier est le conflit intérieur, qui

désoriente et retarde l’avènement de l’homme intérieur et la manifestation des qualités

morales de l’homme.

Le concept d’homo œconomicus est représenté de façons différentes par les

littératures qui se réclament scientifiques et, de ce fait, est une cause de divergence d’idées

alors que, par son usage pluridisciplinaire, il devrait être un concept fédérateur. Il faut

analyser pour pouvoir en tirer les modifications nécessaires à la convergence. A cet effet, il

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182

nous faut retracer l’image actuelle du mot homo œconomicus dans les disciplines

scientifiques ou plus précisément hors de la science économique, c’est-à-dire retracer

l’image transversale de l’homo œconomicus au travers des clivages des disciplines

académiques. Pour réaliser cette traçage de l’image transversale de l’homo œconomicus

cet obstacle, nous avançons les thèses suivantes et démontrerons leur réalité : l’homo

œconomicus est l’homme dont toutes les sciences et littératures en ont parlé et représenté,

et que cet homme, ou plus précisément cette représentation de l’homme se distingue de

l’animal par le fait qu’il est attribué de la notion de profit et de genre.

I.  L’homme  représenté  véhicule  la  refonte  de  l’homme naturel ou de la construction de l’homme futur 

Ces thèses proviennent des deux faits constatés suivants : d’abord, tout discours sur

l’homme est produit d’une représentation de l’homme modèle ou parangon, ensuite, qu’il

manque un argumentaire unique permettant de montrer objectivement l’homme, sinon une

méthode susceptible de parvenir à ses aspects insoupçonnés. L’homme décrit et postulé

par la science économique est donc, lui aussi, une représentation parmi d’autres.

L’homo œconomicus est une expression scientifique du concept de l’homme

modèle ou un parangon de comportements humains dans un discours comprenant aux

cadres élargis comprenant le marché, la production et la consommation. Il est un

personnage ou un parangon de plus décrite, comme BALZAC a pu faire sur quelques 2472

personnages (VINDT114, 1999), ou encore Madame de SEGURE sur « Des petites filles

modèles ». La description de leur caractère n’est possible que grâce à des cadres

conceptuels fournis par la science économique et des sciences sociales. Cet homme ou ces

hommes décrits par la littérature, en effet, appartiennent à une situation concrète ou proche

114 VINDT Gérard, « Littérature : Balzac et l’économie », in Alternatives économiques, n° 172, du juillet 1999, page 66. Il faut dire que Honoré de BAZAC est considéré par Gérard VINDT (1999) comme « un romancier du capitalisme avide, l’observateur perspicace des bouleversements sociaux des années 1820-1840 », un éloge des scientifiques pour un écrivain. Le magasine Alternatives économiques a fait un compte rendu de lecture économique des romans français montrant en fin de compte que tout modèle de l’homme appartient à une situation (« Roman pour l'été: Histoire économique et sociale », in Alternatives économiques, n° 216, juillet 2003, page 56). Voici quelques comportements et environnements qui ont attiré des écrivains français : le fait d’être possesseur d’un équipement devenu obsolète (Maître Corneille du « Lettre de mon moulin » d’Alfonse DAUDET, écrit en 1866), le cadre social et économique du métayer dans le Bourbonnais en France, au milieu du XIXe siècle (Emile GUILLAUMIN, « La vie d’un simple », 1904), le spéculateur dans le monde des finances en 1834 (« César Birroteau » de Honoré de BAZAC), etc.

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183

d’une vision de la réalité, mais réduit selon la vision de chaque auteur115 et selon les

exigences de l’argumentation à un environnement plus ou moins convenu d’avance. Ce

sont des hommes qu’on peut qualifier de « situé ». La littérature a utilisé les termes de la

science économique, sinon les milieux pointés par la science économique pour identifier le

lieu des activités dignes d’être retracées comme un lieu de fonctionnement d’un homme

modèle : la production, ou l’échange, ou la consommation, sinon dans les secteurs

d’activités d’extraction, ou de transformation, ou dans les activités de services. Autrement

dit, la littérature a utilisé les lieux ou les « situs » proposés par l’économie. Grâce à cette

localisation, la littérature, quoique le plus souvent un fruit de l’imagination de l’écrivain,

de l’acteur ou de l’orateur, devient compréhensible, critiquable et s’est dotée ou peut être

dotée facilement de statut scientifique. Mais elle n’a pas, pour autant, tout cerné sur le lieu

de l’observation de l’homme de l’économie, car l’économie discute également de l’homme

non situé dans les domaines et sphères que l’analyse économique propose. En effet, la

littérature économique admet l’existence du « chef de famille sensé », alors que la

littérature, à peine parle-t-elle du modèle de comportement « d’un » père (lorsque Marcel

PAGNOL, narre par exemple le « Château de sa mère » ou les activités de son père), ce qui

serait un cas exceptionnel pour la littérature, alors que l’homme de l’économie, l’homme

qui est pointé directement du doigt par les économistes, reste un énergumène116, c’est-à-

dire un être rare et péjorativement extraordinaire, alors qu’il devait être le phénomène,

c’est-à-dire, évident. L’homme étudié par l’économie est un être possédé (ou aliéné, selon

le terme de FEUERBACH), alors que celui étudié par la littérature et peut-être également

par certaines sciences, comme la sociologie, la psychologie, est un être déterminé. Aussi,

cet être peut-il bien être fort rationnel, mais (et point faible …), inconsciemment rationnel.

A l’état actuel de la présentation du thème, l’analyse des connotés du thème de l’homo

115 D’autres formes de littératures, comme la littérature religieuse qui se réclame être une littérature inspirée de l’extérieur, parlent également de l’homme modèle. Dans leurs descriptions de la nature d’homme, en effet, se découvre aussi le véritable homme, celui dont l’action est humaine. Ici, les propos sont clairs : le comportement de l’homme ou ses inspirations personnelles ne sont pas déterminées par une cause relative et par des circonstances causantes, mais par une cause initiale, un dessein qui se développe dans le temps. Les religions, dans leur ensemble et de façon grossière, postulent la réalité de ce dessein, une puissance agissante sur chaque individu. Conséquence, la littérature religieuse présente l’homme comme un être trituré entre des forces, sa propre force et la force extérieure. L’homme en question n’est plus un modèle, mais une incarnation de « l »’homme qui est en chaque être humain. 116 Le mot « énergumène », du grec « energumenos » (ένέργοΰμένος) a été repris par la langue latine et utilisé dans le sens de « possédé du démon » (Voir QUICHERAT L. et DAVELUI A. (1883), Ed. Librairie Hachette, Paris, 51éme édition, 1922). Ce n’est pas le possédant qui importe dans ce contexte, mais le fait d’être possédé, avec les conséquences socio-économiques que cela entraînent. Le concept d’homo œconomicus évoque alors non pas les vertus du possédant, en la circonstance le démon, mais les faits matériels et comportementaux produit de cette possession.

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184

œconomicus ne peut éviter les thèmes de l’inconscience psychanalytique et de la

possession religieuse ; il se heurte d’office et malgré les apparences, au critère de logique

préconisé par la rhétorique aristotélicien. Dans ce contexte, effectivement, la rationalité ne

peut pas avoir un statut scientifique.

Il faut donc chercher l’homme de l’économie dans la littérature écrite ou orale, là

où la sensibilité de chaque écrivain montre, dans l’unité de leur problématique, ce qu’est

et ce que peut être l’homme. La question provocatrice du problème est quand à elle, la

quête de l’homme de l’économie à partir de celui qui a été décrit et discuté en marge des

frontières des sciences de l’homme, pour en faire de cet homme, un instrument conceptuel

opérationnel partagé entre toutes les sciences humaines et sociales. Le problème n’est pas

le caractère économique ou non de ce que peut apporter le concept d’homo œconomicus,

notamment des fonctions des agents économiques, puisqu’on sait déjà ce que l’on peut

faire avec ce concept, mais de retrouver l’homo œconomicus, le modèle économique, et

même le message de l’économiste, dans les documents et littératures sur l’homme. Le

problème est donc en fin de compte une analyse économique du contenu de la littérature

écrite ou orale sur l’homme, bref, une critique du contenu des réflexions inopinées sur

l’homme, en vue d’en dégager la rationalité économique, malgré tout de l’action humaine.

La recherche d’argumentaires partagés entre tous les discours sur l’homme

cependant ne peut pas être résolue par la science économique, car les manières respectives

dont la science économique et les littératures appréhendent la position de l’homme dans

son environnement sont tellement différentes qu’il faut trouver un terrain d’entente entre

elles. Les sciences et littératures utilisent les mêmes vocabulaires, (par exemples, «

production » et « consommations »), mais avec des sens différents ; autrement dit, il faut

préparer le discours par une sorte de propédeutiques pour avoir le même champ de

vocabulaires, et surtout une logique commune d’interprétation. La science économique,

pour sa part, est axée sur la conception erronée selon laquelle l’homme, un être animé, se

déplace vers des objets inanimés, et que l’homme ou les hommes disposent de force innée

ou spécifique qui les guide vers les objets (alors que la littérature ne retrace que des

mouvements et déplacement des hommes). La littérature pour sa part ne s’intéresse qu’à

des individus particuliers. En effet, l’homme saisi par les littératures en général est mû par

le sentiment (de croyance, de préférence et choix) fort ou exceptionnel, ou par d’autres

déterminants personnels. Ce sont des individus anonymes qui peuvent être chaque individu

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185

qui ne sont littérairement intéressant que parce qu’ils ont changé ou parce qu’ils sont dans

une situation particulière.

Un nouveau champ de discussion et une nouvelle démarche et non une nouvelle

conception du sujet sont donc nécessaires pour dégager le contenu économique des

discours sur l’homme, car il s’agit de prendre en compte des discussions économiques …

hors du cadre de la science économique. En gros, le problème est d’expliquer la nature de

l’écart entre le comportement de l’homme modèle et la réflexion d’un individu

quelconque. Ce problème n’est pas économique, ou plus précisément, il n’a pas été traité

plus particulièrement par les économistes, ni par les autres disciplines académiques

d’ailleurs, mais il aurait pu l’être, dans le cadre d’un nouveau paradigme ou même d’un

changement de la perception de l’économique. Les économistes, en effet, se sont contentés

de mesurer l’écart entre leur modèle d’analyse fondé sur le marché et d’explication d’un

phénomène, étant donné le comportement de leur idéal d’homme. Ils auraient dû formuler

un autre questionnement : étant donné l’écart entre le théorique et les faits, quelle est la

nature et la quantité de la différence entre le comportement de l’homme idéal et le

comportement de l’homme réel ; autrement dit, il s’agit de mesurer l’importance de la

déviation du comportement de l’homme réel par rapport à l’homme idéal et d’analyser les

raisons de cette déviation de comportement pour identifier le comportement économique

inconscient de l’homme. Un meilleur rapprochement de l’homme idéal avec l’individu

anonyme permettrait, il nous semble, de réduire l’écart entre un modèle quelconque

d’analyse d’un phénomène et la réalité de ce dernier. Le problème est certes alors

épistémologique, mais le questionnement, existentiel, car il se porte sur la recherche de

l’homme, ou plus précisément sur la quête de qui est, dans le fond et avec les concepts que

nous utilisons et à l’état actuel de nos connaissance, l’homme.

Pour relever ce défi, il nous faut, au lieu de faire une synthèse des monographies

des littératures communautaires de toutes les régions du globe – une démarche abandonné

depuis Fernand BRAUDEL-, réunir d’abord les différentes disciplines académiques traitant

de l’homme, pour en dégager, sous la houlette d’un esprit de synthèse, les concepts-clés de

la réponse. A cet effet, la synthèse appropriée serait celle liant les théories scientifiques les

théories pseudo-scientifiques systématiques portant sur l’homme. Le produit qui en

découle serait certes de la juxtaposition de concepts liés entre eux par les référentiels de la

science économique, notamment le comportement devant la rareté.

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186

Notre démarche s’appuie sur l’intégration dans la connaissance de l’économique

des propositions philosophiques, anthropologiques et psychanalytiques du thème de

l’homme. Ces propositions peuvent être considérées comme des documents primaires sur

l’homme117. La philosophie et la psychanalyse indiquent que l’homme en question est à la

fois celui qui accomplit l’acte humaine de façon inconsciente et celui qui explique ou

s’explique ses propres actions118. Elles se sont préoccupées d’un même questionnement qui

est : « pourquoi l’homme cherche-t-il à accomplir, malgré lui, des actes qu’il juge lui-

même par des qualités ou par des critères qu’il s’est inventé ? ». La science économique,

pour sa part, a toujours été à l’affût de connaissance de la raison de l’action humaine telle

que celle-ci est révélée par des hypothèses. Lorsque, par exemple, Adam SMITH affirme

que le boulanger est motivé par le profit, non seulement il constate l’acte de production,

mais il exprime également le discours du producteur : l’action se justifie seulement par

l’importance du profit. Ces trois disciplines sont donc liées par la même préoccupation :

l’action humaine et sa justification ou son autojustification.

Nous utiliserons alors les concepts économiques correspondants de la psychanalyse

ou de la philosophie. Ces actions inconscientes mais expliquées de la psychanalyse ont été

décrites par la science économique par le concept de « calcul économique » et de «

richesse » que nous considérons à la fois comme des termes psychanalytiques, dans le sens

où le calcul et la richesse sont des phénomènes inconscients, et comme des termes

philosophiques, dans le sens où le calcul et la richesse relèvent tous deux de l’idée de

117 Les philosophies, en effet, sont constituées de propositions assertoriques à partir desquelles ont été élaborés des discours logiques. Leurs points de départ sont fondés en grande partie sur des discours sur la différence entre l’homme et l’animal ; elles sont donc aristotéliciennes par leur problématisation et métaphysique dans leur domaine ; l’homme se mesure alors par l’animal. Le discours sur l’homme cependant ne s’inscrit pas seulement au-delà de la nature, mais aussi dans les intimités profondes de chaque individu, à l’intérieur même de l’intimité de celui-ci. Ce lieu est identifié par les psychanalystes dans le monde de l’inconscient. Ici, l’homme est saisi à partir de ses inconsciences. Cette deuxième démarche est constituée pour leur part, par des propositions apodictiques. Des critiques existent certes sur le caractère scientifique des rapports psychanalytiques. Comment peut-on alors combiner les discours répondant à des orientations différentes ? La philosophie répond à la question de en quoi l’homme est-il différent de l’animal et a puisé ses arguments dans le monde de l’éthique ainsi créé pour la cause, alors que la psychanalyse cherche à explorer l’inconscient de l’homme et a produit des concepts considérés comme réels pour expliquer la cause. 118 Les réponses par les différentes œuvres littéraires et par les doctrines religieuses affirment que l’homme est animé d’une puissance ou possédé par celle-ci et qui le pousse à agir et surtout à être ainsi. Autrement dit, elles ont décrit la puissance animatrice de l’action humaine. Plusieurs concepts ont été introduits dans la littérature et dans la science pour nommer cette puissance. Ce sont entre autres, l’âme, la préférence, la nature ou l’élan, etc. et ont considéré l’action humaine comme étant le produit de la nature intérieure humaine ou d’une réaction silencieuse contre les incitations extérieures. Ce ne sont pas la puissance de la réflexion critique humaine qui est mise en valeur, mais une sorte de sous-humain ou d’essence humaine, ou encore de « l »’homme à l’intérieur de chaque être humain, qui impose sa nature.

Page 190: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

187

l’éthique119. Ces mots ne sont donc pas choisis et découverts au hasard de la recherche,

mais seulement puisés dans l’ensemble des référentiels philosophico-psychanalytiques, là

où l’homme est directement au contact avec la nature, là où la discussion sur l’homme met

en relief la distinction de l’espèce humaine. Calcul et richesse sont des thèmes à la fois des

deux disciplines académiques qui ont également et exclusivement traité le thème de

l’homme. Nous dirons alors que l’homo œconomicus est révélé par l’attitude calculatrice

de l’individu devant la richesse, et par leur conscience de la richesse. Aussi, pour

démontrer la nature et la réalité de l’homo œconomicus, il nous faut présenter le calcul

économique et la possession de la notion de richesse en tant que action inconsciente mais

intelligible de l’homo œconomicus.

L’homme ainsi économiquement étudié n’est pas alors l’homme réel ni du

quotidien, mais l’homme de la synthèse des systèmes philosophiques et psychanalytiques.

C’est un homme qui répond beaucoup plus aux questions de la spécificité de l’homme par

rapport à l’animal et non de l’homme-individu appréhendé par leur distinction par rapport

à ses paires. Tel est l’objet de la deuxième section. Mais on ne peut également s’empêcher

d’étudier l’individu puisqu’il est malgré tout, lui-aussi, un homme. L’individu peut être un

être humain ou un type d’êtres humains, ou un groupe d’êtres humains. Leur particularité

est à notre sens, la perception de la richesse.

L’existence d’auditeurs et de spectateurs sensibles aux représentations littéraires et

artistiques

II.  L’homme esquissé n’apparaît que dans l’ordre à la fois moral et physique  

La littérature décrit l’ordre universel dans le cadre des thèmes de l’homme, de la

nature et de la loi. La Bible formule expressément cette idée en liant la détérioration de la

nature avec la chute spirituelle de l’homme.

Le plus souvent, dans la littérature d’inspirations sumériennes comprenant plus tard

le Grec, cependant le lien entre l’ordre moral et physique est décrit en fonction des

comportements des divinités anthropomorphes, ou des démiurges. La plus ancienne de ces

119 Et ce, à l’instar du mot « goods » pour désigner la marchandise et qui est l’objet de convoitise individuelle.

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188

littératures et qui est repris par la suite pour la confection de littérature de même genre est

l’épopée de GILGAMESH, un tyran qui faisait lamenter son peuple. Comme dans tous les

récits, celui qui est au pouvoir séculier est aussi avisé par les conseils d’une force

spirituelle, GILGAMESH était régulièrement sermonné par des divinités. Mais las de

l’imperturbabilité de ce tyran, les divinités décident d’envoyer un des leurs pour le punir.

Ce dernier n’ayant pas pu battre ni être défait par GILGAMESH s’associe avec lui pour

des entreprises où succès et gloires se mêlent. L’immoralité continue en s’aggravant. Puis,

comme ultime punition des deux compères, les divinités introduisirent la mort au sein de la

communauté, après leur avoir fait entrevoir l’existence possible de l’immortalité. Dans ces

récits, on note que le schéma va vers un état initial de prospérité et de bienséance, vers une

dépravation et la déchéance. La littérature occidentale – au moins – abonde dans ce sens,

pour justifier en quelque sorte l’état d’insatisfaction latente et présente.

Le lien entre le moral et la physique est la cause du thème de l’action et du

mouvement dans la représentation artistique et littéraire de l’homme. Dans les œuvres

d’art, l’action est mise en relief dans la stature ou la musculation de l’homme, évoquant sa

force transformatrice et décisive. L’homme représenté n’est pas le corps, mais la force de

l’homme

Les représentations littéraires, artistiques et orales et artistique de l’homme est un

indicateur de l’intensité des activités économiques de la communauté

Les représentations littéraires et artistiques de l’homme par l’homme même sont

limitées par le prix de la littérature

L’existence de la littérature ou le besoin de l’exprimer répond à une utilité, ou à une

fonction. Mais la prolifération de la production littérature (information, art, conférences,

etc.) et des formes d’œuvres littéraires ouvre la réflexion à la fois, sur la réalité de ces

utilités et de ces fonctions, et sur la capacité de la littérature à exprimer l’homme. La

désinformation qui découle de la prolifération de la production littéraire ainsi que la

spécialisation des formes littéraires sont les limites internes de la littérature.

III. L’homme représenté est transfiguré 

La lecture ou la compréhension de la représentation de l’homme ne peut être que

subjective. En cherchant l’homme dans la représentation de l’homme, l’individu ne peut

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189

voir que ce qu’il veut voire et ce qu’il peut voir ou entendre. Dans la philosophie, cet état

est expliqué par les interférences de du sentiment, de l’expérience. En fait, ni la

philosophie, ni le sentiment humain bloque la représentation de l’homme, mais le fait que

le modèle de représentation est imparfait et permet aussi des interprétations non parfaites ;

bref, la traduction et la désinformation transfigure la représentation de l’homme.

L’homme est donc devant un miroir déformant pour s’autoévaluer. L’entendement

et la prolifération des œuvres littéraires ont déformé la représentation de l’homme.

A.  L’entendement  et  la  traduction  modifient  la  représentation  de 

l’homme. 

« Traducteur, traître » consigne une maxime bien connue de la littérature ; dans la

même foulée, également, certains auteurs peuvent crier : « lecteur, traître », parce que

certaines œuvres littéraires n’ont pas été compris par les lecteurs et rejetés sinon, mal

reçues ou tout simplement mal interprétées. Ce refus d’une œuvre ou d’une représentation

cependant cache des problèmes théoriques et pratiques très importants car ce qui est rejeté

n’est pas vraiment l’auteur, mais plutôt sa propre vision et représentation, ou encore le

message qu’il a voulu transmettre. Sur le plan théorique, il indique un désaccord de vision

ou de représentation entre l’homme représenté par le narrateur et l’homme – auditeur alors

que tous deux sont des êtres humains. Sur le plan pratique

Il existe plusieurs façons de trahir un texte ou une pensée :

La première est de rejeter tout simplement les faits relatés par l’auteur et de

proposer en même temps un contre-récit. En fait, c’est le contenu même du récit qui est

transformé ou dénaturé. Les tous premiers textes écrits en sont des exemples : il s’agit de

texte sur l’histoire du peuple hittite, un peuple antique de l’Anatolie centrale occupant ces

lieux vers 1900 av. J.C., dans lequel ce peuple a gagné des batails contre le peuple

égyptien, mais que les récits égyptiens ne consignent que l’inverse. Les principaux héros

de ces batails sont appropriés par chacun de ces récits opposés. Des victoires sur le peuple

hittite se rencontrent également dans les récits bibliques de l’Ancien Testament,

notamment ceux relatant la construction du peuple juif. Ce dernier a lui aussi utilisé les

mêmes technique pour se construire ses propres histoires. Non seulement il a lutté contre

plusieurs tributs finalement fort et civilisé de l’époque, mais surtout, ils ont défié des

Page 193: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

190

grandes puissances pour acquérir une place dans l’histoire. Mais les documents consignés

par les historiens des peuples qu’ils ont vaincus n’ont pas pour autant retenu leur exploit.

L’épisode du passage du Nil raconté par les historiens juifs par exemple, ne figure dans

aucun document égyptien. Seul un hiéroglyphe atteste la présence de Juifs dans le territoire

égyptien.

Cette façon de faire l’histoire indique un problème, non pas de l’usage de mots,

mais une transposition de l’histoire, faisant en sorte que le protagoniste de l’histoire soit de

ce fait nanti d’une puissance ou d’une vision inspirée. L’homme de l’histoire est le

patriarche, celui qui a accompli un exploit.

La seconde façon de transformer le sens des mots consiste à le noyer dans les autres

termes qui l’entourent. En fait, le lecteur ne dispose pas de temps ni de mise en contexte

préalable et nécessaires pour pouvoir se mettre tantôt à la place du lecteur et de l’auteur.

Autrement dit, un texte n’est bien lu que par son auteur lui-même, et la présence des

exégètes ou de document préparatoire est souvent nécessaire. De ce fait, ce n’est plus le

contenu du récit qui est révélé par la lecture d’un document, mais l’auteur lui-même, ses

mots, bref, pas ces sources d’inspiration. C’est dans ce sens que se découvre la difficulté de

l’interprétation de la lecture de certains textes selon la forme de littérature adoptée. On ne

peut pas par exemple, concevoir d’avance que Jean-Paul SARTRE, lorsqu’il a écrit un

roman intitulé « Des Mots », est en train de produire une œuvre philosophique et une

autobiographie, ou encore Alighieri DANTE, écrivant sa Comédie divine, rédiger non pas

de poème, mais une sorte de vision prophétique ou illusion individuelle.

Dans cette file d’idée, la traduction d’un texte ou son adaptation à une époque

différente peut aussi trahir l’idée de l’auteur. La question a été soulevée et traitée par le

français Henri MESCHONNIC. La traduction relève non seulement de la mise en

correspondance des mots, mais aussi de leur mise en contexte.

B  ­  De  la  désinformation  de  la  représentation  de  l’homme  par  la 

prolifération des œuvres littéraires 

Les économistes reconnaissent et ont montré qu’une partie de comportement de

l’homme échappe à ses raisons et est plus ou moins motivée par la croyance ou par la

force. La religion en parle : l’homme est aussi l’insaisissable au même titre que la vérité.

Page 194: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

191

Ce fait remet en cause le contenu de la connaissance, notamment ses concepts et surtout

ses mécanismes, notamment la logique, le sens, et surtout le discours. Certains philosophes

saisissent alors la question pour se demander la portée de quelques concepts qu’on croit

désignant une réalité sur l’homme, notamment la raison, la logique, et la sensation.

Ce questionnement scientifique dont les Thomas KHUN et Karl POPPER ont

apporté en partie la réponse, se pose également du côté de la littérature sous forme de

question : que peut-on ou que doit-on écrire ?

La plupart des philosophes soutiennent que l’historien ou le narrateur ne doivent

que mettre en évidence un évènement particulier de la société, ou des institutions, et de ce

fait, ils jugent sont des juges de ces derniers, et que la littérature est, par conséquent, une

dérision sinon une apologie de l’homme participant à la vie sociale. D’autres, comme

HERODOTE et THUCIDYDE, des philosophes de l’Antiquité, soutiennent que la

narration devrait s’intéresser aux évènements récents, et privilégier les témoignages visuels

et oraux, au détriment des études documentaires, et surtout, seul les affaires de l’État et la

politique sont dignes d’être raconté120 ; pour eux, l’homme raconté n’est rien d’autre que

le politicien ou l’homme d’État et de l’entreprise. Il faut souligne que la science

économique abonde dans ce sens, jusqu’au moment où Garry BECKER décide d’étendre la

portée ou le contenu de la science économique aux phénomènes sociaux.

Le narrateur crée des évènements par leur intuition qu’il revêt de concept, et par

leur volonté d’écrire, il impose l’existence à leurs intuitions ou inspiration, conformément

à la théorie de SCHOPENHAUER dans « Le monde comme volonté et comme

représentation ». L’homme, ou plus précisément l’intuition d’un auteur sur l’homme, prend

ainsi naissance. En réalité, toujours selon SCHOPENHAUER, cette imposition de volonté

n’a de source que la souffrance du narrateur ; l’écriture est utile, parce qu’il soulage le

narrateur, ou encore qu’elle a une fonction thérapeutique de la psyché du narrateur. Elle

s’arrête lorsque le narrateur trouve une résignation. Mais à l’état actuel de la littérature, il

semble que le malaise qui prévaut dans la société pousse plutôt chaque être humain à la

production littéraire entraînant de nouvelles formes d’expression (graffiti, arts modernes)

et utilisant de moyens différent. De ce fait, on s’achemine vers la divergence de la

représentation de l’homme par la littérature.

120 "Histoire de l'histoire." Microsoft® Encarta® 2009 [DVD]. Microsoft Corporation, 2008.

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192

1. Les effets de la spécialisation des moyens d’expression littéraire 

Une étude plus approfondie de la diversification de la représentation de l’homme,

cependant montre encore une limite présentée sous forme de possibilité de classification de

ces représentations. Cette possibilité de classification dénote alors un regroupement

d’inspirations. Ce dernier cependant est limité par les moyens. Exemple certaine

représentation artistique de l’homme, sous forme de pain et de vin, disparaissent sinon

entre dans le symbolisme lorsque le pain et le vin ne sont plus produits. Or la religion est

une manipulation de symbole, il faut donc trouver l’homme au-delà du symbole de la

religion et éventuellement de la culture. L’anthropologie travaille énormément dans ce

sens. Cette incapacité se traduit en littérature, et d’une manière générale, dans l’art par le

symbolisme qui consiste à représenter un objet, en l’occurrence l’homme, par un objet, une

personne ou un concept. L’économie également est prise dans cette trappe. Autrement dit,

la limite de la représentation de l’homme est mise en évidence par l’incapacité de

l’anthropologie à pénétrer dans l’origine du symbole et par celle de la littérature à entrer

directement dans le contenu du discours sur l’homme. Conséquences, l’homme représenté

par la littérature est burlesque, mettant en relief les symboles représentés par une partie de

son corps et supposé représenté les caractères cachés du véritable homme, sinon un animal,

ou une plante, bref du « totem ». Ainsi, un homme doté d’une grosse tête représente un

intellectuel, une grosse tête avec des lunettes, représente un intellectuel livresque, une

grosse tête avec de longues oreilles indiquent un intellectuel têtu, etc.

2. Pourtant, le symbole indique une paresse de la pensée de représenter l’intuitif 

La généralisation de la capacité de classification de la représentation de l’extérieur,

et en l’occurrence, de l’homme a été présentée par HELVETIUS. Selon ce philosophe, les

hommes s’assemblent par leur sensibilité physique, bien que la manifestation de celle-ci

soit différente selon chaque homme. Aussi, pour expliquer ce dernier point, HELVETIUS

en déduit que la différence entre les hommes relève de la capacité, plus ou moins grande,

de l’attention et de son orientation, elle-même dépendant de la passion (BREHIER,

Histoire de la philosophie, Tome 2, 1932)

Dans le sens littéraire, l’homme se découvre dans la généralisation de

l’autobiographie

Page 196: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

193

Ainsi la littérature a introduit l’homme dans la pensée humaine tout en y bloquant

son existence dans cette pensée. L’homme qui y est, est un prisonnier de la pensée. Il ne

décrit plus ni un lambris de la réalité et il n’est même pas un concept opérationnel pour une

réflexion quelconque. En fait, l’homme qui se cherche sûrement est dans la biographie

généralisée de chaque individu humain. Il est un obstacle ou un blocage

Dans la littérature en général, la représentation de l’homme prend la forme de

patriarche proto-humain, ou d’un animal, ou d’une force parthénogénétique, ou d’un totem

de FREUD. Ce sont des mythes. Dans la littérature économique, la représentation de

l’homme est conceptualisée par l’expression « agent économique » dont celui qui est le

plus proche de l’homme narré est désigné par l’expression « homo œconomicus ». Dans les

deux littératures, leur propre émergence ou leur propre parution est sa première action. Ce

n’est pas le produit de son action – que celui-ci soit des facteurs de production ou de

denrées – qui conditionne leur existence, mais une substance vitale, le bond initial qui fait

l’existence. Cette existence pré-matérielle ne se retrouve que dans la narration, dans une

sorte de vérité première, védique ou transcendante, et non dans la production. Il est vrai

certes que la bible postule une existence de création, mais l’importance de la fonction de la

parole que ce soit divine ou humaine dans la création fait que ce n’est pas la création en

soit qui importe, mais le fait qu’il y a un constat verbal en quelque sorte statuant la

réalisation ou la consommation de l’acte. Dans le silence, Dieu aurait pu « créer », «

construire » ou « fabriquer » un homme – peu importe alors le verbe -, ADAM aurait aussi

pu silencieusement découvert un être de son espèce en la personne de EVE, mais le

problème chrétien de l’homme commence, lorsque la création ou la découverte a été l’objet

d’une communication discursive.

De ce fait, la problématique littéraire sur l’homme est un problème portant sur le

discours sur l’autoproduction et l’autocréation et non sur l’acte de la création ou de la

production de l’espèce humaine, alors que celle de la science économique actuelle sur le

discours sur la production matérielle et sur la satisfaction des besoins. Tous deux

cependant s’identifient dans l’existence d’une préoccupation sur l’identité de l’homme ou

sur la connaissance de l’homme. Il y a une très forte préoccupation individuelle chez

l’homme sur sa propre identité. Seulement, le temps et les expériences que ce dernier

apporte, n’apaisent pas cette préoccupation. Dans la compréhension des livres de religion

aussi bien que celle de la science, le temps est un facteur clé de la résolution du problème.

En effet, la problématique biblique de l’homme est compatible avec la doctrine

Page 197: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

194

évolutionniste dans la mesure où, il a fallu du temps à l’homme pour réaliser l’existence de

son équivalent (en la personne de la femme) ou au dieu de créer l’homme (l’homme

achève la création). Enfin, le narrateur joue une fonction importante dans l’intelligence de

ce fait. Pour un narrateur philosophe ou littéraire, à l’instar d’un BALZAC, dans la

littérature française, cette narration relève de la spéculation. Ce genre de narration est

faible sinon plus ou moins hypocrite, car elle cache le véritable intérêt de la narration :

l’exploitation de l’homme par l’homme. D’où l’intérêt de la narration économique. Pour

l’économie, elle est un produit de l’économique, car il est une spéculation intellectuelle

voire culturelle dans le seul but d’expliquer et de comprendre un phénomène, en vue d’en

tirer d’éventuels intérêts organisationnels ou matériels, notamment par la gestion d’une

communauté humaine, et surtout en vue de comprendre le fonctionnement d’un système

complexe en rapport avec l’homme. Les économistes ne sont pas seulement les Adam

SMITH et leurs successeurs et délateurs, mais aussi les philosophes illuminés de l’esprit

des économistes, qui, comme NIETZSCHE dénonce l’esprit asservi ou l’esprit de servitude

dont l’homme actuel est doté.

Le discours scientifique ou littéraire sur l’homme est un discours à la fois

compréhensif d’un phénomène en rapport avec l’homme, et une prestation d’arguments, et

surtout un discours salvateur ; il est donc une solution à un problème mal formulé de

l’homme. Il est localisé et limité dans la partie historique de l’apparition de l’homme, et

non pas dans celle de la survie. Tel est d’ailleurs l’esprit des écrivains bibliques : l’homme

y est décrit parce qu’il y a, non pas une déchéance, mais parce qu’il y a un salut. De ce fait,

le discours sur l’homme s’inscrit aux confins de la pensée économique, sinon dans

l’inconscience des théoriciens et historiens de l’économie. En économie d’ailleurs,

l’homme n’est pas directement décrit, et son existence est réduite à des caractères postulés

(par exemples égoïste, ayant des préférences) ou à des actions (faisant un choix, producteur

ou consommateur de marchandise). Dans les histoires locales des communautés humaines

par contre, l’exploitation de l’homme ou les règles de comportement entre les hommes –

qu’il s’agit de comportement civil, de courtoisie ou de production – sont justifiés et

expliqués par la connaissance en vigueur de l’homme. La connaissance de l’homme a donc

un enjeu politique se traduisant par la manipulation de l’homme à des fins de production

matérielle.

Nous pouvons reprendre cette formalisation du problème par une autre voie, en

constatant que la question de l’homme a été soulevée par quelques philosophes et

Page 198: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

195

théologiens sur la base de la thèse biblique selon laquelle l’homme n’est plus un être

parfait. Adam SMITH dans sa théorie de la morale, David HUME (1711 – 1776), dans son

« Traité sur la nature humaine », Jean-Jacques ROUSSEAU dans son « Discours sur

l’origine des fondements de l’inégalité parmi les hommes » (1755), John LOCKE (1632 –

1704), avec son « Essai sur l’entendement humain » ont, à leur manière, confirmé cette

proposition. La bible expose une théorie allant dans le sens des problèmes soulevés par ces

philosophes, qu’est la limite de l’homme. Dans l’ordre de succession des pages de la bible,

l’homme est présenté comme un être produit de la volonté divine et œuvrant dans un sens

qui ne lui est pas conseillé. L’homme est ainsi devenu un être séparé de la notion

transcendante de bien associé dans la littérature avec le concept de la vie. Mais par la grâce

divine, une voie de salut lui est ouverte sous forme de foi en JESUS qui agit alors à la fois

en messager, intermédiaire entre l’homme et le dieu, et le rédempteur du fait qu’il s’est

offert – et il est d’ailleurs le seul à pouvoir le faire - en sacrifice propitiatoire de

l’humanité. De « nouvel » homme en découle, à l’image de JESUS, érigé en homme-image

de dieu. Cet être est aussi, à notre avis, un modèle de l’homme de l’économie, dans la

mesure où cette discipline contient le germe de la philosophie de la morale comme les

bases philosophiques occidentales l’ont établi. Adam SMITH, en avançant deux thèses

plus ou moins complémentaire – l’une sur la morale et l’autre sur l’économique – soutient

implicitement que l’échec d’une société dominée par la morale se traduit par une autre

précision d’explication de la réalité qui est le fonctionnement de la société dans le cadre de

l’hypothèse où l’homme ne réagit pas selon les considérations morales, mais selon des

considérations égoïstes et de profits.

La littérature a ouvert le débat sur la représentation de l’homme, mais elle ne peut

pas identifier le fond du débat. L’apport de la littérature est d’avoir cerné l’homme, mais

elle ne peut pas montrer son essence. Ainsi, en guise de conclusion, la représentation de

l’homme change la perception de soi de l’homme et surtout l’usage de l’homme. La

représentation de l’homme et le symbolisme qui en découle modifient le comportement de

l’homme vis-à-vis de lui-même et le poussent vers les êtres de son espèce. Ce dernier

mouvement est reconnu par Adam SMITH dans sa théorie de l’échange. Pour cet auteur,

l’homme a une disposition naturelle pour l’échange. En fait ce n’est pas que l’homme a un

sens de l’échange ni de profit qui le pousse à la division de travail, mais surtout du sens de

l’ordre. Nous sommes alors devant la théorie de pouvoir de PYTHAGORE : il y a un ordre

qui imprime le comportement de l’homme. Mais pour PYTHAGORE, cet ordre tient de la

Page 199: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

196

religion, et, de ce fait, l’homme est plus ou moins religieux par nature ; nous dirons pour

notre part que la confection de la représentation de l’homme n’est pas une activité de

culte ; elle relève d’autres détermination, comme le profit et la manifestation de soi.

L’ordre est une institution. En apparence, elle possède une dimension culturelle. Le

droit de l’homme et sa conversion en « droit universel » de l’homme, renforcé par le

concept de la mondialisation a ouvert une nouvelle perspective à la conception de l’ordre

qui devient ainsi l’ordre universel, le « mathesis universalis ». La démarche philosophique

de SPINOZA permet de mieux rendre compte du discours sur la représentation de

l’homme. L’homme n’est pas un être produit de la vision d’ARISTOTE, un être distinct de

la nature et de l’animal, mais un être mathématiquement prévisible.

Le plan de rédaction de « L’Ethique », de SPINOZA (SPINOZA s.d.) reflète le

nouvel – du moins depuis ARISTOTE – ordre universel : Tout comme le discours

aristotélicien, le point de départ de SPINOZA est un discours sur dieu. La suite logique du

discours est alors le thème sur l’âme. SPINOZA s’écarte alors d’ARISTOTE par la suite,

car il a continué son discours sur le thème de la passion. Avec ce thème, se pointe déjà le

thème sur l’homme. Cette déviation de logique de thèmes provient probablement de la

différence des contextes et des valeurs vécus par les deux philosophes : ARISTOTE

travaillait dans un contexte dominé par le thème de la vertu, alors que SPINOZA, sur le

thème de la rationalité.

CONCLUSION DE LA SECTION

La représentation de l’homme a rendu objectif et partageable, l’intuition, le

sentiment intime et la conviction personnelle de chaque individu. Cette objectivité

cependant s’est acquise lentement et progressivement dans le temps et dans les

communautés, sous forme de conceptualisation et de formation de mots, et finalement de

l’acceptation de la représentation de l’homme.

La classification des littératures non seulement en fonction du genre de récit, mais

surtout en fonction de leur contenu et de leur objectif est le principal apport de la littérature

dans la représentation de l’homme. Elle a rendu facile la recherche de l’homme représenté.

La littérature s’est préoccupée de retrouver l’homme à travers les situations construites et

par la description de ce que peut être l’homme qui fréquente cette situation. Elle indique le

cadre technique où l’artiste ou le narrateur peut rencontrer l’homme : les différentes formes

Page 200: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

197

de littératures ainsi que les genres narratifs. En outre, en se cantonnant dans la diversité de

la représentation à cause de la différence de points de vue et de style, la littérature a

confiné l’homme dans le domaine de l’apparence, sinon, la représentation de l’homme

serait de l’essence de l’homme. Par ce fait, l’homme représenté peut être localisé dans un

lieu et dans un moment.

Sur un autre plan, la littérature fournit l’environnement de la théorie ou du discours

sur l’homme, alors que l’intelligence de la littérature dépend de ses propres instruments

que sont les mots, ainsi que de la nécessité du besoin partagé entre l’écrire et le lire, par

l’existence d’un auditeur ou d’un lecteur compréhensif121, ou encore de l’analyse du

langage. L’histoire du contenu de la littérature consigne l’existence de censure faisant en

sorte alors que la littérature en vogue d’un moment n’est rien d’autre que de la littérature

permise. En outre, certains thèmes, comme les voyages, les guerres et l’amour, durent plus

longtemps que d’autres, mais changent seulement de forme selon la sensibilité du moment

et multiplient se variétés. Jusqu’à présent, toutes les communautés humaines ont leurs

récits de voyage, de guerre et d’amour, et chacun de ces types de récit évolue de façon

différente en fonction du gré de la censure : il semble que le récit de voyage s’est

transformé en littérature de découvertes de sites touristiques, alors que celui des guerres en

film fantastique sinon d’aventure ; l’histoire d’amour quant à elle, a multiplié ses formes

allant de love story ou de roman courtisane. La littérature parle certainement de l’homme,

mais sans en également nommer. Au terme de cette section, nous saurons alors que la

limite interne de la littérature est un obstacle épistémologique d’importance bloquant

l’apport de la littérature dans la connaissance de l’homme.

La critique de la littérature, formant un nouveau genre dans le domaine et opérant

par le regroupement des représentations de l’homme à l’intérieur de thèmes, confirme ce

caractère apparent de la représentation de l’homme. Elle a ouvert les questions sur la

véracité ou sur la régularité ou sur le contenu des propos littéraires. Elle atteste l’existence

de contraintes et de l’exigence de savoir-faire dans la communication entre les hommes, et

de ce fait, elle ne peut prendre place que dans une communauté où le bien dire est un

avantage, sinon rapporte des avantages matériels ou social.

Ainsi l’homme représenté par la littérature est une notion réelle et concrète, mais

perpétuellement mal décrite. Il est imaginé comme un monstre égoïste, calculateur,

121 Voir la théorie de Mme de STAEL citée par FOUCAULT

Page 201: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

198

profiteur, sans moral, un monstre, ou un mythe, qui avait la qualité d’avoir le

comportement parfait au moment voulu. L’histoire générale abonde dans ce sens122. Le fait

que ce « monstre » de la littérature peut avoir un bon comportement ou un comportement

approprié pour la circonstance lui confère une place dans le mécanisme de fonctionnement

de la pensée humaine.

En voulant chercher cependant la bonne description, quelques thèmes échappent à

la littérature : le thème de l’amour, par exemple, est limité à des récits courtisans ou à des

récits conformes à ce que la société a de notion de beau (et de laid) ; les récits de guerre

sont faits pour décrire la victoire ou la défaite et non la souffrance des blessés ou la peine.

La littérature ne peut pas tout décrire, aussi se contente-t-elle de ne retracer que ce qui est

beau.

La connaissance de la représentation de l’homme donne de l’information, entre

autres, sur les tournures intellectuelles et culturelles de l’homme dans la recherche de son

essence, et avec cette disposition d’esprit, se révèle un état psychique fondamental ou

fonctionnel de l’homme : la pensée se déclenchant avec l’existence, ou la conscience de

l’existence est le fondement de l’existence. Cette quête de l’essence se réalise à travers la

recherche de la substance matérielle vitale ainsi qu’à travers les discours et représentations

symboliques, artistiques ou culturelles qui s’ensuivent. Ces derniers (les discours et

représentations) forment un continuum de contenants des valeurs de formes et

d’expressions différentes certes, mais révélatrices de la présence et de l’existence de

l’homme en communauté.

De prime abord, le discours sur la représentation de l’homme est clos ; pourtant la

pluralité des discours sur les produits théoriques de la représentation de l’homme demande

une autre étude permettant de comprendre le mécanisme et de décrire le processus

présidant à la formation de la représentation ; tel est l’objet de la section suivante.

122 L’homme idéal, présenté comme un monstre se rencontre généralement dans l’histoire de l’origine d’un peuple. Dans la mythologie occidentale, ou peut-être, dans la culture indo-européenne, ce fait est largement diffusé : ce sont les dieux qui sont à l’origine de la formation de la variété de comportements et de sentiments humains. Un autre exemple plus concret est la formation du peuple kurde.

Page 202: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

CONCLUSION DU CHAPITRE : LE THEME DE L’HOMME EST ENCORE UN THEME MAL DEBROUSSAILLE

« L »’homme, avec un grand h ou l’homme désigné et déterminé par l’article « le »,

est connu de l’intelligence et de la science par des narrations, ou par la narration et pour la

narration. Cet homme vient des narrateurs et artistes de la religion, de l’art et de la

philosophie et a été porté dans le domaine du profane. La religion constate la faiblesse de

l’homme par rapport à la divinité, alors que la philosophie discute de l’homme à partir du

thème de la raison. Nous n’avons cependant pas développé la narration par l’art, mais

seulement celle qui est consignée par l’écriture pour les raisons suivantes : premièrement,

la critique de l’art proprement dit dépasse notre compétence ; deuxièmement, ce n’est pas

vraiment l’esthétique de l’homme ou de la présentation de l’homme qui nous importe, mais

les matériaux conceptuels avec lesquels l’homme est dépeint.

L’étude des mots portant sur l’homme forme le thème de l’homme. Le premier

élément du thème de l’homme est le mot « homme » lui-même. Il apparaît que le concept

homme fait l’objet de plusieurs dénominations dans les langues ayant des textes anciens.

Le mot « homme » est donc une mauvaise piste pour ouvrir un discours sur le thème de

l’homme. L’investigation sur les documents anciens montre alors qu’empiriquement, le

thème de l’homme est le produit de thème de la création qui, lui-même dans la théorie

biblique est associé au thème de la richesse et de valeur : le monde y compris l’homme

appartient à son créateur ou à ses générateurs. Une investigation dans un autre sujet, la

femme, permet aussi d’ouvrir le sujet sur l’homme.

De réflexions approfondies sur la façon dont quelques communautés humaines

conçoivent la femme nous a montré que ce n’est pas vraiment le genre qui importe, mais la

représentation de la femme : la faiblesse, le domaine du domestique, l’irrationnel, ainsi que

d’autres sujets non encore exploités. Le caractère dual de l’homme a permis de tenir en

considération certains caractères de l’homme, notamment ses faiblesses, ses sentiments,

etc. sur la narration de l’homme retracée dans la première section a exposé les moyens

conceptuels et intellectuels pour appréhender la représentation de l’homme ainsi que pour

conserver ou concrétiser cette représentation.

L’homme n’est pas seulement des propos qui reviennent fréquemment et

régulièrement dans les conversations et déclarations sur la vie et sur la richesse ; il est aussi

des propos sur la faiblesse dont les philosophes ont essayé d’en trouver le reconfort ou

199

Page 203: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

200

l’explication. Avec ces concepts, les propos sur ont pu être dressés et classifiés. Mais il

s’avère que ces établis ne sont pas encore satisfaisants, car à peine, retracent-ils ce qui se

fait dans le monde de la littérature ; ils ne peuvent même pas définir les limites et les

possibles de ce qui se dit sur l’homme.

Une fois l’homme se fait une image concrète de lui et qu’il la préserve, qu’en fait-il

de cette richesse ? Telle est l’objet de la deuxième section. La deuxième section a de

montré que la première richesse de l’homme est l’image qu’il a de lui-même. Une

investigation sur le thème de la richesse a révélé l’apparence de la relativité culturelle de la

notion de richesse, mais que malgré la diversité des formes de représentation, l’idée qui est

exprimée est unique ; elle répond à une même préoccupation : l’esthétique. Une fois ce

problème statué nous avons pu alors parler de l’utilité ou de la nécessité de la réflexion

plus particulièrement dans la formation des théories économiques. A cet effet, les théories

des auteurs plus ou moins vulgarisés de la science économique, Adam SMITH et John

Stuart MILL, illustrent nos propos.

Page 204: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

201

Chapitre II – DE LA FORMATION DES FIGURES 

DES REPRESENTATIONS DE L’HOMME 

INTRODUCTION DES CHANGEMENTS DANS LA CONCEPTION DU THEME DE L’HOMME

Actuellement, une sorte de spécialisation s’installe dans la narration, par l’usage des

mots qui n’ont de sens que dans un contexte précis, par la démarche de présentation, par

l’objectif visé et par l’exigence du contenu. Il y a un phénomène, et il y a des mots ad hoc

pour rendre compte de ce phénomène. Les mots unissent le narrateur et ses auditeurs, alors

que les termes utilisés éparpillent le discours. Par exemple, l’économiste a mis dans un même

panier les différents métiers et les différents mots retraçant les actions pour n’avoir que des

mots comme « agents économiques », « producteurs », « consommer », « produire », etc.

alors que le théoricien de la gestion peut utiliser les dénomination des différents métiers pour

parler de la production.

Une correspondance du contenu des mots et du sens est donc nécessaire pour voir si

les concepts de narration, de représentation ne se sont pas vidés de leur contenu ; autrement

dit, un champ unique de conceptualisation des dicibles de la narration est nécessaire. Ainsi

faisant, l’image de l’homme se découvre par ces mots. En créant l’homme, dieu n’a pas utilisé

les matières mais avait seulement puisé les mots permettant de réaliser l’homme à partir d’un

ensemble de mots. L’homme-narrateur pour sa part, puise dans la narration de propos

susceptibles de matérialiser l’homme sous forme d’image.

L’hypothèse précitée (existence d’un champ d’observation et d’argumentations) et qui

relève des issus de la philosophie analytique et de ses débats est possible, voire une réalité,

pour un apprentissage et pour une socialisation en vue d’intégrer chaque individu dans un

monde différent (à l’exemple des adolescents américains qui ont dompté les réseaux sociaux

tels que Facebook et MySpace qui se sont créés un « espace public en réseau ») (BALAGUE

et FAYON 2010). Ce type de comportement de plusieurs individus vis-à-vis de la société qui

est une sorte d’interface entre le modèle de la théorie (économique) et la narration de la vie de

l’homme qui nous intéresse, car il recèle les thèmes à la fois de l’économie (de la construction

Page 205: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

202

de la représentation de l’homme) même si ce n’est pas par le marché pour le moment et la

narration de la vie, de la recherche de l’identité, bref, de l’homme – un thème de la littérature.

En effet, une investigation sur l’indexation de l’homme sur les sites web dans les

centres de documentations montre ce qu’est le profil de l’homme qui peut être cherché et

découvert par un autre homme ; elle donne une image variée et sur mesure de « l »’homme (et

de « la » femme) qu’on peut rencontrer dans la réalité : L’individu est l’objet de spécification

comparable à celle d’un objet, mais au lieu de caractéristiques techniques et physiques, la

spécification de l’individu se fait par son profil comprenant, d’après les types d’informations

demandées sur les interfaces d’un réseau social (à l’exemple de Facebook), d’une identité

centrale (sexe, date de naissance, ville de résidence, pays, points de vue politique et points de

vue religieuse), d’un prolongement identitaire (profils professionnels, relationnels

académiques et personnels). En conséquence, si l’individu peut entrer dans le moteur de

recherche croisé d’un individu affilé dans le réseau, et il peut lui aussi faire l’objet de cette

recherche, l’homme pour sa part se découvre et est découvert par les médias dominants

(« meanstream media » et les organisations centralisées, comme l’église, le registre de la

Mairie, par exemples), et par ses réseaux sociaux et cela sous forme de profil fréquent ou de

profil limite des déclarant des sites, quoique jusqu’à présent aucune information statistique ni

investigation n’a été faite. Ces derniers sont actuellement numérisés par « Facebook »

(ERTZSCHEID 2009). Ici, le thème de l’homme n’est pas spéculé, mais obtenu à partir de

profils que le chercheur peut composer à son aise ; c’est un traçage des activités sociales qui

est en train de pénétrer dans les fonctionnements psychiques de chaque individu ainsi relié.

L’ensemble des communications faites par chaque individu ou par chaque profil d’individu,

ou par l’ensemble des individus en communication dans un réseau social, forme le corpus

actuel de thèmes de l’homme, et la réflexion du philosophe ou du sociologue sur les réseaux

sociaux forment le thème de la représentation de l’homme. L’importance de cet ensemble

d’informations réside dans leur mise-à-jour continuel et dans le volume des informations

stockées, et surtout sur leur apport dans la socialisation à l’échelle mondial et par la même

voie, vers la réalisation de l’identité de l’homme-type (ou de la « femme-type »). Un système

d’exploitation pratique pour la compréhension de l’homme en général commence à prendre

place. Danah BOYD, de l’Université de Berkeley, a montré comment les jeunes américains

ont apprivoisé des réseaux sociaux pour développer leur propre sociabilité. Alors qu’ils ne

sont qu’en réseaux, les adolescents se présentent comme s’ils sont en public, et ils y

apprennent à vivre en société, à construire leur identité et finalement à entrer dans le monde

Page 206: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

203

des adultes. BOYD distingue alors les trois caractéristiques suivantes des réseaux sociaux et

qui nous intéressent particulièrement : la présence de publics invisibles, l’effondrement des

contextes et l’effacement des frontières entre le public et le privé (BALAGUE et FAYON

2010, page 7). Ces trois caractéristiques sont très proches du cadre de la narration de

« l »’homme : la personne qui utilise le réseau est en train de se faire narrer une histoire par

une personne anonyme jouée par des publics invisibles sur un thème que se construisent

ensemble les publics et la personne, et le tout se passe dans un cadre non qualifiable ; c’était

le cadre du récit sur la base duquel se construit le thème de « l »’homme. Ce qui se dit sur les

réseaux de communication, au-delà des intimités est la recherche de l’homme et qui se traduit

par une construction d’identité. D’ailleurs, au terme des communications sur Internet,

BALAGUE et FAYON remarquent que les utilisateurs ont de plus en plus une « meilleure

connaissance de soi », plus qu’une meilleure connaissance de l’autre.

Une nouvelle forme de littérature destinée à des réseaux professionnels vient

compléter les littératures des réseaux sociaux : le Curriculum Vitae (à partir des récits de vie

que les individus inscrivent sur leurs réseaux sociaux, à l’exemple des réseaux LinkedIn et

Viadeo). Ces derniers sont obligés de travailler non plus sur des œuvres littéraires ou sur des

collectes d’informations issues des consignations d’écrivains, mais sur des profils d’individus

glanés (sur des sites Internet ou sur plusieurs C.V). Des sociologues bâtissent leur réflexion

sur l’homme à partir de profil (dont Internet est un des prestataires d’idées ou d’inspiration La

presse, les magazines-people et Internet sont les principales sources d’information sur

l’homme.).

L’écran (cinéma, télévision, téléphone mobile, ordinateur, tablette tactile) et les

réseaux sociaux ont changé les formes et les supports des représentations de l’homme ; et ils

ont rendu accessible aux non initiés l’acquisition d’une certaine idée de la représentation de

l’homme. Mais plus encore, une interactivité s’installe entre la narration de l’écran et la

représentation du sujet narré. Ce passage de support de représentation vers un autre est une

promesse d'une possibilité de l’existence d’une convergence de la représentation de l’homme

vers un modèle unique et universel, qui est à l’homo œconomicus. Ce n’est pas encore de la

convergence absolue certes car l’interactivité n’est pas encore le lieu absolu de référence de

ce qui est descriptible. Tant que la littérature n’a pas établi le domaine du descriptible, les

échanges d’information ne sont que des mouvements et non un lieu où se puisent les

argumentations. Les individus n’y trouvent dans les interactivités qu’une forme - ou en jargon

des Internautes, un profil.

Page 207: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

204

Ces changements ou ces extensions de cadre d’observation devraient apporter un plus

à la représentation de l’homme ou à l’image représentative de l’homme bien que celle-ci ne

soit pas encore précisée sans que soient estompés le spectre de l’ancien système avec lequel se

construit l’explication de la vie et la représentation de l’homme ; une sorte de continuation

dans la représentation de l’homme produit par l’intuition de l’ordre cosmique et celle produit

de la représentation de l’homme universel par l’homme anonyme devait s’installer chez toutes

les communautés humaines, car chaque individu se figure à la fois comme membre d’une

communauté cosmique et, désormais, du … réseau social. Comment les individus se figurent-

ils à travers ces différentes formes de liens ? Quel est son lien avec ce qui a été produit à partir

des thèmes de réflexion issue de la philosophie et de la cosmogonie ? et surtout en quoi cette

nouvelle représentation de l’homme contribue-t-elle à préciser la représentation de l’homo

œconomicus ? Telles sont les questions de ce chapitre deux.

LA CONCEPTION DU THEME DE L’HOMME ANNONCE UNE SYSTEMATISATION DU THEME DE L’HOMME ET OUVRE CE THEME VERS DES CRITERES PLUS VARIES

La nouvelle représentation de l’homme ouvre les critères de la représentation de

l’homme hors de l’esthétique et déplace la question vers une conception scientifique :

recherche des caractères spécifiques, de lieu et de fonctionnement.

Pour répondre à ces questions, nous exposerons que la littérature en général (y compris

la littérature économique, l’analyse économique) a montré l’homme, alors que l’économie, en

décortiquant l’homme, a mis en relief l’aspect moral de l’homme et les contraintes matérielles

qui entourent l’homme. Ainsi faisant, l’économie, dans ses sujets usuels – pire que la morale

et la religion – a montré la culpabilité intrinsèque ou inhérente ou naturelle de l’homme, alors

que la littérature a révélé les multitudes facettes de la couverture (apparence ou esthétique)

humaine. Telles sont les deux extrémités de la figure humaine. Seulement, les multitudes

facettes de la couverture humaine, bien qu’elles soient capables de donner une certaine

représentation humaine, sont surchargées d’encroûtements sociaux de grandeurs ou de valeurs

inconnues qu’il est finalement difficile de percevoir la véritable nature ou dimension de

l’homme. L’homme est, en effet, présenté comme couvert d’atouts sociaux, de dimensions

spirituelles inconnues voire douteuses ou mystiques. Démystifier l’homme et dépouiller

l’ensemble des hommes de leurs apparences et de leurs appartenances sociales, comme le fait

le concept de « profil » en Internet sont les programmes de recherche, la tentative, permettant

d’esquisser l’homme que nous essaierons de faire dans une première section intitulée « Des

profils de l’homme ».

Page 208: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

205

Mais démystifié et dépouillé des accoutrements sociaux, l’homme devient évanescent

et fugitif ; le thème de l’homme se vide de ses charmes de narration.

Les internautes qui ont exploités les réseaux sociaux sont bien vite dotés d’une

certaine représentation de l’homme et se construit eux-mêmes un contenu humain du thème

de l’homme, une certaine représentation de l’homme intégrant les hommes appartenant à

d’autres espaces socioculturels et mentales. Pour avoir une communication réciproque avec

ces hommes d’une autre espace, chaque internaute extirpe d’autres sujets ou thèmes de

conversation, susceptibles d’intéresser mutuellement les participants. De nouveaux thèmes

universels de communication apparaissent, provoquant l’émergence de sentiments

universellement humains par lesquels se manifestent d’autres profils insoupçonnés de

l’homme. Le profil de l’homme n’est pas seulement le résultat de la manifestation de la

relativité culturelle de la narration, mais aussi de celle de l’intérêt pratique et idéal largement

partagé. La démystification de l’homme fait apparaître la réalité d’un idéal au dessus de tous

les êtres humains et qui fait partie de la configuration de l’homme.

La partie sentimentale et abstraite est donc aussi une sorte de figure de l’homme. En

réalité, l’homme est figuré par ses intimités : la peine et la joie, les problèmes et la sérénité,

bref, le sentiment défigure l’homme, transforme sa démarche et son attitude du moment. Les

artistes sculpteurs et dessinateurs sont maîtres pour saisir cet effet corporel de l’humeur de

l’homme. Pour notre part, nous essaierons de transcrire par la littérature ce qui a été vu par les

artistes. A cet effet, nous retenons la raison, l’histoire et le sentiment comme étant les

composantes intimes de l’homme qui se racontent universellement dans les communications

dépossédées de la relativité culturelle et régionale.

Aussi, après avoir consigné dans une première section ce que les usagers d’Internet

appellent par le mot « profil » de l’homme et qui désigne en réalité l’homme en général, ou

encore la majorité des hommes, nous montrerons dans une seconde section que cet homme en

général prend forme dans la raison, l’histoire et le sentiment universels socialement et

largement construits pour remettre en cause, par la voie des théories économiques, ce que la

représentation de l’homme a réellement apporté à la connaissance de l’homme. A la fin de cet

chapitre, nous aurons établi un pont entre composé de lien entre le contenu de l’homme décrit

par les littéraires et l’homme décrit par le modèle économique actuelle, tout en sachant que ce

pont est rédigée avec des réflexions menant à la formation du thème de l’homme sur une base

de l’étant donné fourni par les réseaux sociaux.

Page 209: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

206

Au terme de ce chapitre, nous aurons contourné le thème de l’homme ; autrement dit,

nous pouvons avoir une esquisse, ou une figure, un halo, de ce qu’est l’homme dans le mental

de chaque homme ; d’où le titre de ce chapitre. Cette esquisse demande à son tour une

précision, un dimensionnement – partie que nous développerons en troisième chapitre du

présent livre. Ce deuxième chapitre est donc un lien d’intersection entre « l »’homme du livre

et le modèle de l’homme des réseaux sociaux. Il est lui aussi, comme le premier chapitre,

voué à des expectations et des doutes, car il s’appuie sur l’octroi à l’ensemble des littératures

et de l’art.

Page 210: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

207

SECTION I – DES PROFILS DE L’HOMME SELON L’HOMME ET LE SCIENTIFIQUE ANONYMES. INTRODUCTION

Le problème : A la recherche du profil de « l »’homme

Le thème de l’homme s’est développé sur la base d’interactions de discours entre les

différentes formes d’expression littéraires et artistiques conventionnelles et les littératures

scientifiques et philosophiques sur un fond de la consignation de la pratique de l’homme ou

par le récit du quotidien (l’histoire ou l’anthropologie). De nouveaux moyens et cadres

renforcent ce sujet non pas pour apporter de nouveaux arguments, ni pour ouvrir d’autres

sujets non encore explorés, mais pour faire sortir la nature la plus intime, la plus cachée et la

plus profonde détenus par l’individu et qu’il n’ose pas avouer directement à ses congénères.

Ces moyens sont les profils comparables à ceux demandés par certains réseaux d’Internet et

les idéaux ou idoles sociaux fabriqués par les médias. Ces moyens ont fait plus que la

psychanalyse, car bien qu’ils stimulent l’évocation des sentiments refoulés, ils facilitent leur

conceptualisation. Il suffit à un individu de « cliquer » ou de « se brancher » - selon les termes

des Internautes – sur un mot surligné correspondant à ce qu’il sent pour construire ou pour

entrer dans un profil de l’homme. Les médias, plus particulièrement ceux qui s’intéressent à la

vie des personnalités publiques prennent ensuite la relève, en définissant insidieusement le

profil-type de l’homme d’un domaine. Les individus sont choisis sur la base de déclaration

des confidences – des fois requises pour pouvoir ouvrir un compte sur Internet – sur les

réseaux sociaux et des récits biographiques (l’écran et les magazines).

Dans les littératures et dans l’art, l’homme est raconté en tant que « héro123 », les héros

ne sont pas décrits dans leur vie pratique, mais dans leur tragédie ou dans le rapport entre leur

beauté physique et le contenu de leur propos, sinon par la clarté de ses propos ou par

l’efficacité de ses actes. Les lecteurs de l’œuvre littéraire ou l’admirateur de l’art entrent dans

le jeu du narrateur et prennent place par rapport aux contextes du héro. Dans la science, par

contre, l’homme est saisi dans leur pratique avec peu de considérations pour leurs sentiments

et pour leurs émotions. Enfin dans le profil Internet, l’homme ouvre une partie de sa vie à des

123 Le mot « héro » vient du latin désignant un demi-dieu ou et d’après CICERON, un homme célèbre (QUICHERAT et DAVELUY 1922). Un héro est donc déjà attribué de reconnaissances de l’ensemble des hommes.

Page 211: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

208

observateurs inconnus, expose sa vie au public anonyme ; il est à la fois le héro et l’objet de

la science.

L’homme – qu’il soit héro ou Internaute – se dévoile de plus en plus avec l’évolution

des moyens pour la manifester et avec l’acceptation progressive du public. Le dénuement de

l’intimité de l’individu a été saisi par la science et la littérature avec des questionnements et

des objectifs différents : pour certains scientifiques, avec GRANETTOVER, la question est de

savoir comment décrire le processus d’exposition de l’intimité, alors d’autres, avec les

sociologues, s’interrogent sur la place de ces pratiques dans la vie sociale. Les écrivains, pour

leur part, ont saisi la question en termes d’objectivisation d’une subjectivité ressentie ou

vécue. La nomination des sentiments partagés est un problème que les scientifiques n’osent

pas aborder directement, mais dont les écrivains disposent d’un instrument de choix : la

combinaison des mots. Avec les artistes, le problème est la combinaison des variétés de la

nature et de l’intensité de sentiments et de leurs circonstances provocatrices.

Chercheurs scientifiques, sculpteurs artistes et écrivains littéraires sont des narrateurs

s’exprimant sur des sujets mal dits ou difficile à dire par l’ensemble des hommes ou qui n’ont

pas encore obtenus l’acceptation de tous les hommes. Parmi ces thèmes difficiles à dire et à

consigner figure l’intimité de l’homme dont le sentiment fait partie à causes des

manifestations physiologiques de ces derniers. (FREUD, Malaise dans la civilisation 1929,

page 6). Devant cette difficulté, FREUD affirme alors qu’il faut s’en tenir au contenu des

représentations les plus aptes à associer au sentiment en question. Conséquences,

scientifiques, artistes et littéraires ne peuvent saisir que le contenu des représentations du

sentiment. Mais un écart important existe entre les façons dont se forme la réflexion sur le

contenu des sentiments selon les moyens matériels dont on dispose, entre les différentes

communautés utilisant la tradition orale, avec leurs mythes et mystères, d’une part, et celles

façonnant leur représentation de l’homme à partir des images et des objets matériels publiés.

Avec l’Internet, par contre, l’intimité de l’homme se dévoile : ni pudeur, ni tabou, l’homme

s’expose. Quel est l’apport de la publication de l’intimité de l’individu dans la construction du

profil de l’homme ? Quel est l’effet de la destruction progressive de l’intimité de l’individu

sur la construction de l’image de « l »’homme ? ou encore en quoi l’intimité profonde de

chaque individu s’assemble-t-elle ? Telles sont les questions qu’on se propose de résoudre

dans cette section.

Page 212: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

209

La recherche sur le profil de l’homme se pratique dans les services de police

criminelle124 où le profil de certains types de criminels est dressé, ou encore mais de façon

empirique auprès des services marketing des entreprises commerciales. Les bases de données

constituées à partir de déclarations libres d’informations personnelles sur la base de plusieurs

rubriques, ainsi que les techniques statistiques d’analyse de données multivariées permettent

aussi une représentation schématique de profil d’individus selon les critères retenues de profil.

Mais comme ce qui a été déjà expérimenté avec la monographie régionale et locale dans le

domaine de la science sociale, l’ensemble des profils des groupes sociaux ou locaux ne

constitue par le profil mondial ; l’ensemble des profils d’un certain type d’individus pour un

critère donné ne forme pas un profil de l’homme en général. Il faut donc reconnaître la réalité

du phénomène « l »’homme comme on a reconnu celle de la mondialisation.

La solution de la science économique et ses limites : le cliché de l’ensemble des phénomènes économiques et l’absence des autres dimensions humaines. 

L’économie a toujours fonctionné en termes de profil. Dans ses descriptifs, peu de

place n’est accordé pour l’environnement. Conséquence, pour elle, l’homme est décrit

seulement dans ses actions … économiques : le produire, le consommer, l’échanger. Une

partie de ses investigations explore la pensée en scrutant la raison, mais pas le sentiment. En

économie, le profil de l’homme se définit d’abord par son appartenance dans un système de

marché et par son comportement conséquente. Aussi, un discours centralisant et uniformisant

est nécessaire pour parvenir au comportement général de l’homme ; tel est le rôle d’une

science morale basée sur les nombres et les rapports. Dans sa démarche la science

économique ne s’est pas fiée aux quantités mais aussi à l’évolution. Elle constate d’abor les

phénomènes qui coexistent ou existent successivement : exemple la quantité des produits et

celle de facteurs. Puis elle privilégie les phénomènes qui évoluent simultanément. Un cliché –

une situation instantanée – se dégage alors.

Mais l’économie n’a pas pu capturer le qualitatif et l’intime ; elle n’a pas consigné les

biens faits à la fois de la morale et de la quantité sur l’ensemble de la production. Bien qu’elle

dispose du concept « productivité globale des facteurs » pour rendre compte du rendement

conjoint des facteurs travail et capital, on ne peut déceler la trace du sentiment motivant la

production ou son inverse, qui n’est pas la consommation, mais le gaspillage des facteurs. Son

aspect éthique lui a plus ou moins enfermé dans le principe selon lequel certaines actions

124 Voir Jay GOULD, « les auteurs de lettres anonymes » par BERRYCHON-SEDEYNE (BERRICHON-SEDEYNE 1979)

Page 213: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

210

supérieures aux autres existent125. Aussi, des économistes s’acharnent à mettre en valeur des

thèmes phénoménaux comme l’échange, la production marchande. En outre, les économistes

sont accusés par leur usage abusif des mathématiques et des statistiques. Un déplacement de

ses centres d’intérêt et un changement de méthode ne peuvent donc que de faire du bien à la

science économique (Voir Livre II).

De la préparation au renouveau de l’homme de l’économie

C’est dans cette quête de transformation et de démarche de la science économique que

nous essaierons de définir le profil de l’homme. Pourquoi le mot « profil » et non pas

« cliché » ou « figure » de l’homme ? Parce que ce n’est pas la morphologie ou la topologie

ou les dimensions de l’homme qui nous importent, mais l’élément informe, caché ou

mystérieux de l’homme et qui est enveloppé dans les circonstances du moment formant le

cliché ou la figure de l’homme. L’homme appréhendé par chaque homme n’est plus celui qui

est saisi par la vertu développé par la philosophie, mais celui qui possède un profil

autodéterminé par les communications entre les hommes. « L »’homme intelligible est une

construction du génie des hommes, ou peut-être et tout simplement, le fruit de l’imagination

des hommes. La découverte de ce ou de ces profils serait certes une aubaine, un grand pas

dans la connaissance de l’homme – qui est d’ailleurs jusqu’à présent et d’après les propos

bibliques, l’apanage ou l’attribut de dieu, car lui seul sait la véritable nature de chaque

homme, ce qu’elle appelle le « cœur » -, mais elle s’avère être logiquement impossible :

L’homme ou l’intelligence de l’homme ne peut s’ériger au dessous de l’homme ou de

l’intelligence elle-même. Le peu qu’on puisse faire à ce propos serait de révéler le lieu, le

« topoi » ainsi que les propos sur la déchéance de l’homme.

En effet, ce qui assemble les hommes entre eux pour en faire comme critère de profil

est l’existence d’un lieu identique et comparable de formation ainsi que le constat de

l’imperfection de « l »’homme, bien que les critères de cette imperfection ne soient pas encore

définis. Les thèmes développés et menant vers la construction du thème de l’homme, en

l’occurrence les thèmes de la création, de la faiblesse (ou de la femme) et de la richesse

forment un système générateur du thème de l’homme. Les idées des hommes ou celles de

chaque homme naissent d’une puissance génitrice et disparaissent par des faits d’imperfection

125 Voir à ce propos, Cassein BELLIER, « Aristote : Ethique à Nicomaque. Etude du paragraphe 1094a – 1095a », Cours du 11 octobre 2007, publié sur Internet. ARISTOTE croit en l’existence d’une action supérieure qui tend vers la réalisation d’un objectif supérieur, le bien. Ce dernier a une connotation politique

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211

autodestructrice126. On note que pour les rédacteurs de l’évangile, l’homme n’est pas

seulement le corps, mais surtout les idées et les actes conséquentes. Cette représentation

complexe de l’homme permet à ces rédacteurs de nommer le Mal (le diable dans la

conception judéo-chrétienne) est le générateur de tout produit de l’homme. La citation

biblique suivante attribuée à JESUS illustre ce propos :

« Vous êtes du diable, votre père, et ce sont les désirs de votre père que vous voulez

accomplir. Il était homicide dès le commencement et n'était pas établi dans la vérité, parce

qu'il n'y a pas de vérité en lui : quand il profère le mensonge, il parle de son propre fonds,

parce qu'il est menteur et père du mensonge » (La Bible, Le Nouveau Testament, Evangile

selon Jean, Chapitre 8 verset 44-)

La narration, elle aussi, est une idée produite par un système générateur.

Le thème de l’homme et ses connotés reposent sur l’acceptation de la doctrine qui les

a produit. Aussi, le thème de l’homme ne peut éviter le dogmatique. En plagiant le verset

biblique ci-dessus, on dira alors que : « l’homme est de la narration ; ce sont les désirs de la

narration que l’homme veut accomplir ». Or, la narration veut un commencement et une

destination ; l’homme de la narration a un profil type de commencement et d’achèvement.

C’est pourquoi nous présentons, dans un paragraphe premier, l’archétype du thème de

l’homme qu’est la narration ; il est le berceau du thème de l’homme et non pas le milieu de

l’homme lui-même. Cette section, à la différence de la première section du chapitre premier

du présent livre, ne décrit plus le processus de construction du thème de l’homme ; elle révèle

la présence de prémisses économiques qui, comme une présence de flux de liquide

amniotique, annoncent l’accouchement d’un enfant, en l’occurrence « l »’homme. A cet effet,

nous consignerons, dans un premier paragraphe, la présence de cadre du thème de l’homme,

c’est-à- dire des circonstances vécues par l’homme et qui facilite sa narration. L’économique

est ce cadre du thème, car l’économique est l’espace dans laquelle baigne « l »’homme. Nous

ne développerons cependant pas le concept « économique » car ce dernier fera l’objet du

second livre de la présente thèse.

Une fois posé le cadre ambiante de l’homme représenté, nous reprenons l’idée

développée par la littérature en générale signalant la critique morale de l’homme. Nous

126 Les doctrines cosmologiques enseignent que l’homme est issu d’une union tragique entre des puissances divines ou d’un conflit entre le bien et le mal et portent les traits spécifiques de ces géniteurs. La bible utilise le mot « géniteur » pour rappeler que le produit de l’homme, y compris celui de ses pensées, portent le germe d’une puissance génitrice.

Page 215: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

212

exposerons alors dans un deuxième paragraphe la description de l’homme selon quelques

théories économiques. Dans ce paragraphe, notre objectif est d’insinuer l’homme et non pas

montrer, par voie de négation, ce qu’est l’homme idéal, ou en termes usuels de l’économie, le

modèle. Une idée de comparaison existe entre les deux paragraphes, mais cette comparaison

n’est de mise, car en fait, cette section est une confrontation de deux versions d’un même

thème : l’homme. Cette section ne vise finalement qu’à loger la représentation de l’homme

dans l’intelligence de l’homme.

PARAGRAPHE 1 – LES CADRES PRENATALS DU THEME DE L’HOMME : LES THEMES DE FIGURE DES REPRESENTATION DE L’HOMME

Nous étudierons comment le profil construit l’esquisse de l’homme en vue de défendre

au troisième chapitre, l’idée selon laquelle le profil économique est enveloppé dans les thèmes

des figures des représentations de l’homme. Cette démarche s’appuie sur la figuration

développée par la géométrie et par la littérature. Ces derniers fournissent l’idée et les mots.

L’homme que nous croyons savoir est encore une figure. La littérature (orale, scripturale et

figurative) a emprunté la technique géométrique pour se représenter l’homme, pour passer par

la suite à un thème de forme littéraire de l’homme, mais au-delà de certains phénomènes

physiques, l’homme n’est qu’image et figure. L’usage de la figuration est une preuve de

l’imprécision de la forme. Nous allons donc montrer que cette configuration n’est visible que

dans le cadre de l’économique.

La configuration physique de l’homme, ou l’anthropométrie, a permis de comprendre

l’évolution biologique et morphologique de l’espèce humaine. Elle a révélé l’évolution de la

posture humaine, par la transformation de l’homme rampant vers l’homme marchant, mais

elle n’a pas expliqué l’évolution non physique de l’homme. Les cultures admettent l’existence

des sentiments chez les êtres humains ; certains d’entre ces derniers sont nommés par

certaines cultures et ignorés par d’autres : l’amour, par exemple, est un concept concret dans

les cultures occidentales pour établir une relation sexuelle acceptée par toute la communauté,

alors que dans d’autres communauté, cette même relation n’est acceptée que dans le cadre de

respect et de soumission parental.

Le profil de l’homme n’est donc pas seulement une question de dimensions physiques,

mais aussi non physiques. Nous nous intéressons à la dimension non physique de l’homme.

Cette dernière est envisageable par l’usage de la mécanisation de la recherche de profil. Les

questionnaires relatifs à la formulation de profil d’un individu tel que les demandent

Page 216: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

213

l’indexation des individus réclament souvent, en plus de la localisation spatiale de l’individu,

des indications sur les domaines d’activités et d’intérêts de ces derniers. Puis, un croisement

de ces domaines avec les données d’état civil de l’individu (âge, sexe, taille, situation

matrimoniale) crée le profil de l’individu. Des individus qui ont à peu près les mêmes profils

se distinguent alors par un plus ou par un moins comprenant entre autres des caractères

psychologiques déclarés par l’individu lui-même. Les moteurs de recherche, cependant, ne

peuvent pas rendre compte de tous les profils des individus et de l’homme tout entier ; à peine

fournissent-ils seulement le nombre d’individus concernés par un profil donné. Or la question

qu’on se propose de répondre est la recherche de ou des profils qui regroupent le maximum

d’individus afin d’in faire le ou les profils de l’homme tout entier.

A l’état actuel de la technologie de communication donc, le thème de profil de

l’homme ne peut être que relatif. Dans cette quête du profil de l’homme, les études

sociologiques regroupent les individus selon des critères naturels (exemples selon le genre ou

selon l’âge), mais elles n’ont pas pus dépasser les limites culturelles des phénomènes

sociologiques. Par contre, les économistes pour leur part n’ont pas abordé l’homme à partir de

termes de profil, mais de phénomènes universellement vécus. Leur étude touche certes

l’humanité toute entière, mais elles n’ont pas pu parler directement de l’homme que par des

postulats. En économie, les postulats décrivent l’homme.

Pour notre part, pour identifier le ou les profils de l’homme, nous allons, non pas

découper territorialement l’homme ou procéder par un découpage sexuel, mais seulement

relativiser le terme « homme ». Cette façon d’agir relève de l’axiome identique à celle utilisée

par la science économie. A la différence de cette dernière cependant, nous allons donner non

pas un ou plusieurs axiomes de comportements, mais des axiomes portant sur la détermination

de thème de l’homme en toutes circonstances, en tout lieu et en toutes cultures ; en outre, nous

valorisons la mise en narration de l’homme pour construire un profil de l’homme. Pour nous,

ce qui importe n’est pas de savoir comment se comporte l’homme devant une situation

particulière (comme l’avait fait Vernon SMITH), mais qu’est-ce qui détermine le

comportement de l’homme en toutes circonstances. Nous étudierons donc l’homme non

souverain (car tributaire des circonstances) et déterminé par le récit, alors que l’économie

usuelle décrit l’homme souverain de ses choix et déterminé par le marché.

L’homme que nous allons représenter est alors un être souverain de ses choix,

conforme à la description de la majorité de la littérature, mais qui n’impose pas les

Page 217: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

214

circonstances ; il est conduit à vivre des évènements dans lesquels il détermine librement ses

propres comportements. (Nous montrerons dans tout le Deuxième Livre que l’économique est

la circonstance générale du thème de l’homme). Le cadre intellectuel et moral qui lui a permis

d’affirmer cette proposition est aussi celui qui nous permet de dire que l’homme a une

disponibilité pour la force et pour la faiblesse.

Aussi nous allons construire, premièrement, un profil de l’homme sur la base de

déterminants du thème de l’homme, en toutes les circonstances, en tout lieu et en toutes les

cultures, et, deuxièmement, le profil de l’homme sur la base de l’imperfection de l’homme.

L’homme ainsi figuré est matérialisé à la fois par une description matérielle composée de

données étrangères à l’homme et par une description éthique composé de critiques de

l’homme. C’est une description de l’homme à partir de ses générateurs. On note d’ailleurs que

la bible a utilisé cette méthode pour révéler la nature de l’homme par le concept de « péché

originel ». La Bible, Le Nouveau testament, Evangile selon Jean, chapitre 8, versets 31 et

suite, rapporte que JESUS s’adressant à l’homme Juif mais aussi à l’homme en générale disait

que l’homme stigmatisé par un péché originel induit par le mal se comporte aussi de façon

maléfique. Le verset 44 est éloquent et mérite d’être rapporté car il esquisse l’homme :

« Vous êtes du diable, votre père, et ce sont les désirs de votre père que vous voulez

accomplir. Il était homicide dès le commencement et n'était pas établi dans la vérité, parce

qu'il n'y a pas de vérité en lui : quand il profère le mensonge, il parle de son propre fonds,

parce qu'il est menteur et père du mensonge »

Les actions et le comportement de l’homme ainsi que son désir sont déterminés par le

Mal : un homicide animé par l’ignorance des valeurs morales (la vérité) et tous ses

comportements viscéraux ne sont faites que de mensonge. D’après cette situation, un humain

semble être le pire des animés : un malfaiteur ayant un sens du bien et du mal mais qui a

choisi le mal. Nous ne savons cependant pas ce ou ses générateurs, aussi pour réduire

l’homme à une dimension de produit, et non pas toujours de producteur, nous avançons et

démontrerons que l’homme est le produit de la narration et de l’imperfection.

I – De la construction du profil de l’homme indépendamment de l’homme  

La représentation artistique de l’homme met en relief le corps en essayant de focaliser

sur des aspects particuliers : la posture pour les uns (pour avoir un cliché), la beauté pour

Page 218: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

215

d’autre (pour avoir un portrait ou un plan). Ce procédé de représentation de l’homme est le

profil. Il est d’usage dans la sculpture grec de l’Antiquité où le thème de l’homme est présenté

par leur anatomie, ses actions et ses émotions. La figure n’est que secondaire, au profit des

symboles avec lesquels l’individu est reconnu.

Nous chercherons l’évidence du perceptible de l’homme (en général) et qui figure

dans toutes les représentations de l’homme en vue de donner un contour du noyau dure du

thème de l’homme.

Le problème, cependant, est que le corps humain n’est pas seulement du corps charnel,

mais aussi de l’encastrement d’objets ; il n’est même pas une forme mais seulement des objets

visibles et tangibles qui accompagnent inévitablement le corps, sinon des manifestations de

signes. Le corps est alors l’objet de regards scrutateurs se trouvant entre les pôles

diamétralement opposés suivant : celui qui cherche le corps humain à l’intérieur des parures

sans les objets qui font ses valeurs (ou celui qui le cherche à travers les parures) et celui qui le

cherche dans la société (ou celui qui le cherche à travers ses signes, sinon, un regard qui

s’intéresse aux apparences ou aux formes fournies par la présence du corps). Ce regard est

matériel et est fortement combattu par certaines religions.

Entre ces façons de voir l’homme (à partir de son corps), une troisième façon de voir

et de décrire l’homme s’installe : celui du narrateur qui, tout en reconnaissant la réalité du

corps, exige pour lui de la violence et de la privation (ascétisme) pour qu’apparaît un autre

corps : celui qu’il appelle la vrai nature de l’homme, l’âme ou l’esprit. Pour cette approche,

l’homme ne peut pas être décrit, parce qu’il est en perpétuelle évolution ou dans une situation

de devenir, mais le peu qui se dit sur lui est bien dit parce qu’il souffre ; grâce à cet état de

souffrance, l’homme vaut la peine de narration. Ce n’est pas que l’homme a des sentiments

qu’il peut être l’objet d’une narration, mais parce qu’il souffre dans et par ses sentiments que

l’homme peut être susceptible d’être narré. Le rapport entre l’homme susceptible d’être narré

de la littérature et celui de l’économie qui est taraudé par des besoins que s’inscrit dans cette

troisième perspective.

Le thème de « nu » s’inscrit naturellement en parallèle de l’appréhension de ce qui est

représenté en l’homme. .L’Ancien testament biblique est une des littératures qui en parle. Ses

rédacteurs écrivaient que les premiers hommes (c’est-à-dire l’homme et la femme) étaient nus

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216

(pluriel « μyMiWr[ » singulier « μroy[ » littéralement « aroumim »127), mais avec un sens et des

connotations différentes de celle de la langue française, sauf dans quelques citations : Gen

3 :10-. Dans certains cas, il est traduit par « dépouillé de vêtement » (voir également Job 22 :

6-). Le vocabulaire utilisé par les Hébreux pour le mot « nu » est aussi utilisé dans d’autres

circonstances par « gens habiles » (Voir Job 5 :12- et Job 15 :5-), ou encore « ville » (Voir

Genèse 34 : 20-). Le corps humain est dépouillé de vêtement sinon nanti d’habileté. En outre,

dans la bible et d’après les propos du rédacteur du thème d’Adam, la nudité n’est pas

honteuse, mais effrayante. Elle est aussi l’opposé de la richesse. La langue hébraïque est

truffée de mots de plusieurs sens que des fois il est difficile de comprendre le sens exacte des

mots qu’elle donne. La représentation littéraire de l’homme est de ce fait et finalement un être

aussi abstrait que celui de la représentation de l’homme de l’économie.

Les caractéristiques des récits fondés sur les critères de la recherche de l’homme à

travers son corps, à notre avis sont : 1°) ces récits glissent facilement entre le thème de

l’homme en général vers celui d’un individu choisi (le héro). Entre ces deux thèmes, le

contraste est toujours frappant et attire l’attention, alors qu’on parle d’un même sujet, en

l’occurrence, l’homme. 2°) il est question de choix – généralement le bon – fait par le

protagoniste 3°) Le thème de récompense qui est un profit non pas matériel mais spirituel, un

profit digne de la grandeur et de la nature de son donateur (et qui est souvent non

compréhensible, sinon peu intéressant pour une personne non initiée).

Le modèle économique de l’homme ainsi que son hypothèse de la rationalité sont

associées à ce type de récit sur l’homme. Il regarde à la fois l’homme qui se vêt de la société

et l’individu. Il raconte en effet la rationalité de l’homme dans une situation plus ou moins

appropriée pour l’apparition de cette rationalité, ou plus précisément il relate le comportement

d’un homme qui utilise la raison lorsque l’occasion se présente. Cette dernière est le choix

décisif et déterminant de l’avenir de l’homme. Le choix en faveur de l’ascétisme ou plus

précisément en faveur d’un devenir par l’homme en général, par exemple, en est de ses

thèmes implicites. L’ascétisme n’apporte à l’homme qu’une décision qu’Herbert SIMON

qualifie de « satisfaisante » ; si ‘homme n’a pas choisi l’ascétisme, quelque part en lui ne

serait pas satisfait, et que cette insatisfaction est plus importante que celle que lui fournit

l’hédonisme. Il appartient alors à certaines littératures de vanter la supériorité de l’ascétisme

par rapport à l’hédonisme. Les héros partagés entre la littérature et le modèle de l’économie

127 La Bible, Ancien testament, Genèse, Chapitre 2 verset 25

Page 220: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

217

sont par exemples, l’épargnant (parce qu’il sacrifie le présent pour l’avenir, et son choix est

jugé par lui « satisfaisant » car il n’a agi qu’en fonction d’une croyance forte en l’avenir), ou

encore le modèle économique de la religion et qui est traduit en littérature en termes de

« conversion religieuse » ; d’une façon générale, l’homme narré, à la fois par la littérature et

l’économie est l’homme confronté à un choix déterminant de son avenir. Il opère alors un

jugement de croyance. Dans la littérature économique, le thème associé à ce jugement est le

« modèle de l’utilité espéré ». Dans la pratique, cette situation est narrée dans le cas où

l’homme se révèle par la narration dans des circonstances où une décision doit être prise et

que l’homme est rémunéré non pas forcément par un gain matériel, mais par un sentiment de

satisfaction. Tel est le cas de la décision d’Abraham de quitter son Ur natal (voir Genèse,

chapitre 7), sinon des individus qui semblent être animés par une force déterminante que le

jargon littéraire appelle « le destin » (Nous étudierons ce type de récit dans le Chapitre III

Section III Paragraphe 2 - II – A).

Les récits de la recherche de l’homme par le corps se forment autour d’une trame de

séparation du protagoniste dont le mot-clé est « mettez à part ! », ou en malgache de la

bible128, « atokany ! » énoncé dans le récit. Arnold Van GENNEP en parle dans son « Rite de

passage » mais avec un sens différent, celui de « séparez ! ». La différence entre ce dernier et

le premier est que la séparation est pour le premier une consécration – conformément au

thème juif de sainteté -, alors que pour GENNEP la séparation est un isolement physique et

spatial et s’achève avec le passage vers un autre espace – pas forcément géographique. Le

récit économique ne possède pas cependant cette trame. Le récit économique, jusqu’à présent,

n’a pas la prétention d’identifier le modèle économique par un homme, mais par un modèle de

formulation mathématique. Il partage la caractéristique de certains héros qui n’ont pas existé.

Mais à la différence de ces héros de la littérature dont l’existence est encore à démontrer,

l’homo œconomicus n’a pas de nom ; à peine le reconnaît-on par le nom du programme En

voici quelques exemples, le Dynamique multisectoriel (DMS) utilisé pour la planification de

l’économie française des années 70, ou encore le Modèle « Rapid » pour le développement

économique. Dans leur narration, la littérature économique retrace alors l’effet de la présence

de chacun de ces modèles sur une partie ou sur l’ensemble de l’économie.

128 Le mot « atokany » (ou « isolez ») à l’exemple de ce qui est narré dans « Les Actes des Apôtres », chapitre 13 : 2- . Dans le sens du rite de passage, cependant, le mot approprié est « séparez »(Voir le thème de « séparer » Livre 1 - Chapitre 1- Section 1 - Paragraphe 1 - I – B),

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218

A – Les récits économiques et littéraires de l’homme retracent l’histoire 

de l’homme non souverain 

La détermination extérieure est mal formulée en littérature aussi bien qu’en économie.

Elle est formulée en termes d’oracle divin dans les littératures croyantes (en la divinité) ou

d’inspiration de l’esprit d’un défunt notamment les ancêtres (pour une littérature d’inspiration

qui croit en l’homme ou en à la nature), alors qu’en économie, l’indétermination se présente

en termes d’inconnus et de probable. Pour cette discipline, certains phénomènes ou certaines

institutions ne peuvent pas être déterminés : le marché de concurrence pure et parfaite ou des

phénomènes indépendants de la volonté humaine. Dans ce présent paragraphe, on s’interroge

s’il y a un lien entre la façon dont se raconte l’indétermination et celle dont cette dernière est

analysée. Dans certains pays où les Ancêtres sont respectés, l’oracle des défunts rois occupe à

peu près les mêmes places qu’une théorie économique ou une philosophique du marché. Les

possédés, tout comme le marché, peuvent donner de l’impulsion aux agents comme peut le

faire aussi le marché. Les propos des inspirés peuvent aussi être reliés à une analyse

économique utilisant la répétition des phénomènes et les caprices de la nature.

1°) Le récit économique des oracles  

Les récits conjoints du marché en économie et les propos des oracles dans la littérature

sont composés, si on peut le dire, de « la raison de dieu » ou éventuellement de la logique des

mythes et qui est accepté comme étant un motif supérieur à une action humaine. En fait, en

étudiant conjointement le récit économique et le récit littéraire, étant donné le contraste en

matière de la rationalité entre ces deux disciplines, nous voulons lier deux idées que la

littérature trouve plaisir à mettre en opposition : la logique et le mythe : La mythologie avec

laquelle certaines littératures expliquent et décrivent le réel possède lui aussi sa logique. Nous

montrerons alors que cette mythologie que l’on peut aussi appeler de raison supérieure est

aussi économique. De même, dans la croyance aux informations du marché, il y a aussi un

jugement de croyance frôlant la mythologie.

Pour ne pas défendre une thèse non usuelle dans le domaine de la science économique,

nous allons argumenter nos propos seulement par des illustrations. Notre objectif est toujours

de montrer que le discours de l’économie et le récit des littéraires se joignent pour consigner

la situation de l’homme au tournant de sa vie.

Page 222: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

219

Les oracles sont les propos inspirés d’une divinité (une Muse). Ils sont systématisés

dans les religions de possession ou de transe. Face à eux, l’économie s’inspire des statistiques,

de l’histoire, des observations paradoxales et des curiosités intellectuelles. Pourtant entre ces

deux sources, il existe un lien : tous deux sont des récits et ont permis à des communautés

d’avoir une éthique de comportement et de discours explicitant et justifiant les faits.

La différence, cependant est que l’oracle relève du mythe, des faits de personnages

fictifs ; il accorde une place importante au savoir faire du narrateur, alors que le récit

économique procède d’un compte rendu d’un fait recueilli avec des instruments conceptuels

et méthodologiques particulières. Le récit économique est, ou bien une confirmation ou

précision des faits déjà exposés ou l’apport de nouveaux faits devant un public à

conscientiser. Dans ce dernier cas, l’action consiste à insérer un discours dans un ensemble

donné de discours.

Les mythes dont l’oracle fait partie, peuvent être une réalité qui n’a pas de place dans

les domaines explicables par la science et la logique, pourtant, elles ont soutenues des

institutions, inspiré des hommes et suggéré des poètes et écrivains (COMMELIN 1837) : Le

mythe a permis à certaines communautés d’avoir une histoire; et de construire un thème de

l’homme et une certaine représentation de soi, un construction d’identité. La bible et la

mythologie grecque (plus particulièrement l’oracle de DELPHES) ont leur thème de la

narration de l’homme au tournant de leur vie. Les oracles se sont substitués à la raison, ou à la

conscience de l’intérêt de l’homme, pour faire en sorte que l’intérêt matériel devient

secondaire. Puis, le mythe se prolonge dans la vie quotidienne sous forme de participation

dans l’élaboration de la façon de faire technique de la production, ou de la consommation par

exemples. Les Juifs en font le frais : dans leur mythe, l’oracle divin leur a donné, par exemple

de se laver les mains avant de prendre une nourriture. Puis, au temps de JESUS, un autre

enseignement sur le sens de cette action est donné entraînant une modification de

l’interprétation du mythe.

Déjà sous l’Empire romaine, les attaques militaires sont décidées après une

consultation de l’horoscope ou de divins. Les religions apparaissant après la chute de

l’Empire romaine met le poids sur des oracles écrites qui demandent une lecture éclairée, une

interprétation éclairée de prêtres-divins. Ces derniers, forts de leur savoir d’initiés et de leur

rite caché, s’érigent en pouvoir sur les mondes spirituels et matériels ; ils ont clamé la relation

entre le matériel et le spirituel. Ce type de discours ne se rencontre pas dans la littérature

Page 223: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

220

économique, mais dans celle de la religion. C’est ainsi que le récit sur le processus

d’enrichissement développé par certaines religions chrétiennes (théologie de la prospérité) ou

musulmane. Leur ressemblance est que d’abord il faut croire à la source de l’information,

qu’est Dieu ou Allah, ensuite que cette divinité est omnisciente ou capable de tout savoir

avant que les choses arrivent. Cette dernière conception induit à une affirmation

fondamentale : tout ce qui est et tout ce qui sera est déjà écrit ou connu d’avance par une

puissance extérieure. Cette extériorité se traduit par une extériorité dans le temps et dans

l’espace, la formation d’une substance ou d’une puissance dénommée et identifiée.

La relation entre la mythologie et l’économie est relatée dans les livres de religion et

des oracles. Le problème justement est que l’oracle n’a pas défini l’homme en lui-même mais

par rapport à un potentat extérieur. La narration de la vie JOB (voir la bible, Ancien

testament, Job, chapitres 38 et 39-) est un recueil où le narrateur s’éclipse totalement après

une mise en scène théâtrale selon laquelle dieu se cache dans les « ténèbres » ou dans les

« tempêtes » et s’adresse à Job, présenté en homme nu et pauvre. La scène est tellement

contrastée, et les propos de dieu étaient orientés sur le thème de la création jusqu’à la création

de l’homme, laissant alors à JOB de continuer par la suite sur la différence entre dieu et

l’homme : l’omniscience. Ce récit a le mérite de montrer la différence entre l’homme et dieu

en indiquant l’absence de l’homme lors des moments cruciaux de la nature. Dieu n’est pas

seulement le technicien qui a établi les fondements de la nature, mais aussi, la force qui peut

la dompter. Justement, ce thème est ce qui manque à l’économie : un système qui ne peut pas

être dompté par l’homme. Le récit de JOB montre l’homme nu et pauvre en face d’une nature

indomptable, alors que la science économique montre l’histoire de l’homme pauvre devant un

marché imprévisible.

Des fois, il arrive aussi que l’oracle prend sa forme contraire : le silence « radio » de

l’au-delà. C’est un moment pénible pour l’homme, car plein de solitude, ou de sentiment de

culpabilité. La littérature – du moins religieux – poursuit son investigation sur le sens de la

souffrance. En transposant les faits de JOB au peuple juif subissant l’extermination par le

Nazi, un juif, dénommé Zvi KOLITZ écrivait un livre intitulé « Yossef Rakover s’adresse à

dieu »129 explique la situation par l’argument biblique suivant : « dieu a voilé sa face ».

D’autres arguments de ce genre soutiennent encore dans sa quête de raison de cette

129 Zvi RAKOVER, 1946, « Yossef RAKOVER s’adresse à dieu », publié dans une revue yiddish de Buenos Aires, et édité par Calmann Lévy en 1996, cité par Bruno ALEXANDRE, « Job La shoah et la raison », texte sur Internet

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221

extermination que dieu peut être humainement mauvais, mais sa loi est bonne. Finalement,

Yossef Rakover s’est trouvé un réconfort en jugeant « terrible » la grandeur de dieu que ce

dernier ne peut pas être atteint par la catastrophe humaine. D’autres Juifs (exemple le Rabbin

BERKOWITZ cité par Bruno Alexandre) se sont réfugiés derrière la foi pour expliquer

l’indétermination de leur situation. Pour eux, l’absence (le voilement de la face de dieu) de

dieu est aussi une … présence, car elle permet de rendre compte la valeur de la présence de

dieu. Quand dieu se voile la face, les hommes sont libres de manifester leur véritable

comportement dont le shoah en est un exemple.

Enfin, d’autres explications avancent que le shoah (ou l’irrationnel) s’explique comme

étant une tragédie existentielle par laquelle l’homme permet de s’affirmer. Le shoah est alors

comparable à l’absence de dieu qui a permis à EVE, la première femme, d’introduire le péché

originel.

La lecture économique des oracles ne se fait pas par des textes religieux sur la

production ou sur l’enrichissement, mais aussi par la violence ou la nécessité de la violence

dans la pratique religieuse. Le silence de dieu ou l’exhortation des propos considérés comme

venant de dieu à résister à la souffrance sont des faits qui, par le biais de l’ascétisme, conduit

à des activités économiques, comme les montre la théorie de Max WEBER dans son

« L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme » (1905).

Devant l’indétermination, certains économistes, pour leur part, cherchent à améliorer

leur modèle pour une meilleure compréhension du monde, sinon ils introduisent la probabilité

dans leur modèle. Leur récit revient alors à identifier les indéterminés et à mesurer leur

conséquence. Deux types de modèles découlent de cette attitude : le modèle déterministe et le

modèle probabiliste. L’attitude des économistes – qui sont en réalité le narrateur des récits

économiques – est important lorsque le fait évident échappe à leur raison : les uns

s’accrochent à leur modèle (comme les Juifs s’accrochent à leur foi et non plus à leur dieu),

alors que d’autres, à l’instar de l’historien de l’économie KINDLEBERGER, à leur discipline

et changent de référents. Pour ces derniers, en effet, les faits sont immuables et l’homme

historique ; conséquence, pour expliquer le fait économique dit nouveau, il faut changer la

façon de voir l’homme.

Dans un modèle déterministe, le récit économique part d’un fait sans interférence avec

d’autres. Puis progressivement, d’autres évènements sont ajoutés jusqu’à ce que l’ensemble

de la situation soit exposé. Exemple : à l’époque d’Adam SMITH, le prix de transport

Page 225: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

222

maritime ne comptait pour presque rien dans le prix d’une marchandise et le prix pratiqué

dans les différentes régions d’Europe, considérées comme un grand marché, était unique. Puis

avec le temps, l’information sur l’offre et sur la demande des différentes régions entre en jeu.

Elle est maîtrisée par les négociants. Le narrateur (l’économiste) cherche alors à raconter (ou

en termes scientifiques « à expliquer » ou à « décrire ») les effets des activités des narrateurs

(FESSARD 2005). Le récit économique, à la différence de celui de la littérature en général,

cherche à comprendre avec les détails nouveaux les faits que plusieurs narrateurs peuvent

essayer de capturer. Le narrateur de l’économie est un simple être humain doté de sentiments

et de raisons ; dans sa position il représente à lui tout seul « l »’être humain qui est témoin du

fait qu’il raconte. Rien ne le distingue d’un narrateur des faits quelconque.

2°) Le récit économique de la littérature politique et de la littérature scientifique 

La littérature politique désigne les expressions écrites ou orales et symboliques du

pouvoir ou qui accompagnent la conquête du pouvoir. Ce sont les expressions d’un individu

ou d’un groupe d’individus dans un discours sur un rapport de force, les discours du

vainqueur sportif ou militaire, ou encore le dirigeant d’entreprise qui a réussi dans ses

activités. Ce n’est pas le contenu des slogans et des revendications collectives qui nous

intéresse, mais la narration de l’exercice du pouvoir par l’homme, là où ce dernier manifeste

sa volonté et là où il subit une volonté, et pour cette raison, le point de départ de la réflexion

n’est pas le thème de l’homme, mais de l’expression ou de la manifestation de la conscience

de besoin ou de celle du désir ou encore celle de la pulsion, bref l’élan qui pousse l’homme

vers une action productrice. Cette expression ou cette manifestation est en réalité une sorte de

conscience de risque sinon une promesse de gains et qui s’est avéré juste et vérifiée. En effet,

dès que l’homme manifeste son désir, alors dans un sens, il réalise à la fois sa faiblesse et sa

force. Le récit du désir est de ce fait un récit de la force extérieure qui agit sur l’homme.

Les discours politiques, les déclarations politiques, échappent de plus en plus aux

contextes locaux et de groupes pour pénétrer dans le domaine de l’économie mondiale et

prendre une dimension philosophico-politique frisant une sentence divine. Ils se cachent dans

des termes diplomatiques d’une déclaration solennelle, car, dans leur teneur, ils sont adressés

à des individus titrés, des chefs d’États et des fonctionnaires décisifs. Leurs contenus sont

proches d’une anticipation de ce qui est imminent et inévitable. La déclaration des chefs

d’États africains, réunis lors du 6eme sommet du comite des chefs d’État et de gouvernement

Page 226: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

223

charge de la mise en œuvre du NEPAD le 9 mars 2003 à Abuja, Nigeria, par exemple montre

que :

« nous avons rappelé notre engagement commun […], à éradiquer la pauvreté et à

engager nos Etats, individuellement et collectivement, sur la voie d’une croissance et d’un

développement durables et, dans le même temps, à prendre part activement à l’économie et à

la politique mondiales sur un même pied d’égalité. Nous réaffirmons cet engagement comme

notre devoir le plus pressant. »

Les thèmes (du récit) parlent d’ « engagement » (pour ne pas dire « volonté »)

d’éradiquer la pauvreté, dénotant ainsi l’image de l’homme cerné non plus par la richesse,

mais par la pauvreté. Le héro ou plus précisément les héros sont les potentats composés de

chefs d’Etat et de gouvernement ; ils narrent une réalité : la puissance de la pauvreté poussant

ces hommes d’État vers un … engagement (à défaut de volonté). Les termes de ce discours

sont à comparer avec les travaux d’études des chercheurs indépendants portant sur l’étude du

fonctionnement de la politique en Afrique. Ce discours cèle sur la vision africaine des

déterminants de la politique. En effet, dans ce continent, ce n’est pas la « volonté » ou

« l’engagement » seuls qui entrent en jeu, mais aussi l’influence des forces invisibles sur le

comportement et sur la compréhension de la situation. Heureux est alors qui est investi de ces

forces invisibles car le pouvoir lui revient et il est prédestiné à la fonction de guide des

hommes ; il représente le sur-homme, et il sera narré en tant que « artiste » (dans le sens de

VIRGILE130 du terme). Les chercheurs occidentaux peuvent utiliser l’expression de la

croyance à l’horoscope dans la détermination de l’opportunité des affaires, mais plus fort que

l’horoscope, les Africains croient aussi à l’influence de la sorcellerie131 et de la prédestination.

La question cependant reste : la reconnaissance sociale de la sorcellerie est-elle une

autre source d’une dénomination différente de l’homme ? Est-ce que le thème de la sorcellerie

permet-il de savoir plus sur l’homme (en tant que administrateur d’un pouvoir surnaturel) ?

est-ce que ce thème contribue-il à la construction de l’image de l’homme ?

La réponse se trouve encore dans les discours des politiciens africains. Au Cameroun

en 1987, durant leur crise politique, un chercheur universitaire réclame pour comprendre et

130 Voir « Introduction du chapitre 1 – La question) 131 Voir SCHATZBERG Michael, G., « La sorcellerie comme mode de causalité politique » in « Politique Africaine », n° 79, octobre 2000, pages 33-47 (SCHATZBERG 2000)

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224

résoudre la crise, 1°) l’usage de la science sociale, 2°) l’abandon de la croyance et de la

pratique de la sorcellerie 3°) tenir un discours qui se démarque du jugement de croyance132.

En extrapolant les propos de cet auteur camerounais au un contexte de la théorie de

l’évolution, nous dirons alors que seuls les scientifiques peuvent survivre car la crise politique

devient de plus en plus fréquente et universelle, et les gens qui n’ont pas d’orientation

scientifique appropriée perdent leur sens d’activités, car ils n’ont pas le mot approprié. Le

problème de l’économie africaine, dans ce sens, n’est d’ailleurs pas l’insuffisance des facteurs

(car l’Afrique dispose des ressource naturelles et du travail), mais des mots pour raconter ce

que leurs agents économiques font. Des décisions se prennent, mais elles ne sont pas

consignées.

L’époque que nous vivons est donc une période critique pour l’homme non

scientifique. La religion tient aussi ce genre de discours. L’occasion serait-elle peut-être de

parler du cas de Madagascar avec non seulement le rôle que tient et qu’on attribue à la

Communauté des Eglises Chrétiennes de Madagascar (FFKM), mais aussi avec le contenu des

messages envoyés directement par les chrétiens sous forme de demande de repentance auprès

du Seigneur Créateur ou d’intercession pour le pays (« vavaka ho an’ny tanindrazana » ou

« vavaka ho an’ny firenena »).

Un autre document, cette fois-ci un travail d’experts sur la situation agricole à

Madagascar justifie leur action (la production de l’article en question) par la phrase suivante :

« De par les thématiques abordées tout au long de ses chapitres, ce livre constitue une

contribution inestimable pour la mise en œuvre du DSRP (Document de la Stratégie pour la

Réduction de la Pauvreté) et du PADR (Plan d’Action pour le Développement Rural). Il

fournit en effet des éléments de référence pouvant servir de guide pour les actions de

développement sur terrain, notamment celles relatives au secteur rural. »

Dans ce document, les moyens sont présents (le DSRP et le PADR), mais une

orientation menant vers « l’ennemi » fait défaut. La représentation de l’homme décrit sinon

évoqué est celle de l’homme armé de moyens pour lutter contre la pauvreté et de moyens pour

orienter les premiers moyens. Le DSRP et le PADR sont peut-être des moyens efficaces, une

arme universelle du développement, mais un instrument d’identification de cible leur manque.

L’arme de l’homme moderne est un instrument puissant mais aveugle et humainement

132 Ibidem

Page 228: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

225

limitée. En elle-même, elle mérite une narration ne serait-ce que pour montrer sa faiblesse de

la rationalité humaine. Le DSRP est une manifestation à la Malgache de la liberté des Etats

membres en matière d’élaboration de la politique économique. Cette liberté, cependant, tient

en considération les stratégies des Institutions du Bretton Woods en matière de

développement. Conséquence, le document du type de DSRP est une forme appropriée par les

malgaches des principes de Bretton Woods (RAFFINOT 2009). Ainsi, quelque part, un récit

est en train de se créer.

Le récit biblique de la création décrit cette force extérieure comme un serpent (ou

« Léviathan », puis le « dragon ») parlant (que d’autres auteurs psychanalystes considèrent

qu’il s’agit d’une impulsion sexuelle). Les propos tenus se portent sur la description de la

faiblesse de l’homme ou de la nature de l’homme par rapport à celui de dieu : l’interdiction

alimentaire. La prise de conscience s’achève par le constat poussant à l’action suivante et

narrée par le rédacteur : « La femme vit que l'arbre était bon à manger et séduisant à voir, et

qu'il était, cet arbre, désirable pour acquérir le discernement »133 Cette phrase est maintes fois

commentée pour montrer l’origine du pêché : la vision du bien et agréable, c’est-à-dire une

conception esthétique, ainsi que sa faculté de rendre intelligent. Les commentateurs bibliques

en déduisent alors que EVE voulait à la fois satisfaire un besoin immédiat (satisfaction de la

consommation) et un besoin que l’on peut qualifier de supérieur (la connaissance).

La rédaction biblique n’est pas singulière dans le récit d’un évènement où l’homme (la

femme) est tenté par une apparence derrière laquelle se cache une force agissant sur lui.

L’histoire de la fille de DEMETER un personnage de la mythologie grecque en est un

exemple. L’histoire est la suivante : DEMETER, une déesse de blé a une fille,

PERSEPHONE. Un jour, cette dernière est ravie par HADES le maître des Enfers. Pour la

récupérer, DEMETER cessa de rendre fertile les champs, obligeant dieu (Zeus) d’intervenir.

HADES accepte de rendre PERSEPHONE, mais par une ruse, il l’a fait manger la nourriture

des morts, ce qui l’oblige alors à revenir régulièrement dans le royaume des morts. Ce récit

évoque sur plusieurs points le récit de EVE : elle a rencontré le « Mal », et a mangé un fruit

interdit. Des forces agissent alors sur elle : la faim et la joie de trouver de la nourriture, et la

celle de la mort.

Le récit des forces agissant sur l’homme est étonnant : il est révèle à la fois la faiblesse

de l’homme et de la femme ; il introduit une autre puissance cachée de l’homme. Le récit de

133 La Bible, Ancien testament, Genèse, Chapitre 3, verset 6

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226

la déchéance de l’homme à la suite de la séduction de la femme est aussi un récit sur

l’apparition de la victoire du descendant de la femme sur le Mal. L’annonce de la force de

l’homme se prolonge d’ailleurs dans le récit du meurtre fratricide d’Abel par CAEN : «le

péché n'est-il pas à la porte, une bête tapie qui te convoite, pourras-tu la dominer?»134 Dans

d’autres versions bibliques, cette phrase n’est pas de forme interrogative et se traduit par une

affirmation : « ses [la peine du pêché] se rapportent à toi ; et il sera sous ta puissance » est la

traduction de la Bible Osterwald (1877). Conséquence, le récit de la domination extérieure est

aussi un récit de la révolte de l’homme devant un phénomène qui l’a dominé.

La science économique a plus ou moins repris ce récit de l’homme : les économistes

de l’Antiquité grecque avaient représenté en termes de machine, comme un dieu sorti de la

machine, puis comme un animal dont la tête (le capital) est le point névralgique à partir

duquel la capture se fait. Le mot « capital » est d’ailleurs resté en usage en économie pour

désigner le point important du système. En luttant contre le capital, le récit de l’économique a

introduit de nouvelles capacités de l’homme : la prévision et l’anticipation.

3°) Le récit économique de la vie quotidienne 

Le récit du quotidien est généralement confondu avec le récit du quotidien de la

femme notamment dans ses activités domestiques, ou encore le récit du quotidien n’a rien

d’intéressant que dans son dénouement matériel et social. Il ne concerne d’ailleurs pas

l’homme en général, mais l’homme appartenant à une classe sociale dans une société

hiérarchisée et ouverte, à l’exemple de la société bourgeoise du XXe siècle. Le magazine

« Alternatives économiques » a consacré un article à ce propos dont en voici quelques cas

relevés135 : « Le Guépard » de Guiseppe di Lampedusa, en 1963 retrace le tourment

intellectuel et sentimental d’une vieille aristocrate terrienne qui est obligée de s’allier avec la

bourgeoisie montante ; « Le quiconce » de Charles PALLISER raconte la vie quotidienne à

Dublin du XIXe siècle par la vie que mènent un jeune homme et sa mère, tous deux ruinés par

une sombre histoire d’héritage et de financier véreux. D’autres romans décrivent des thèmes

usuels de la sociologie et qui sont facilement reprise par la science économique.

Ces romans cependant ne retracent pas la vie quotidienne toute entière, mais

seulement la partie qui mène vers la trame du récit : l’ascension sociale ou la descente,

134 La Bible, Ancien testament, Livre de Genèse, Chapitre 4, versets 7 et 8 135Voir Alternatives économiques, « Roman pour l’été : histoire économique et sociale » n° 216, du Juillet 2003, page 56

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227

l’enrichissement ou l’appauvrissement. En apparence, le récit de l’homme ne peut se délimiter

dans la moule du temps. Le temps montre l’évolution et le changement, alors que l’homme,

tel que se le représente chaque homme est immuable. Aussi un récit de l’immuable n’a pas de

sens ; pourtant la science économique s’efforce de rendre compte de cette immuabilité par

l’usage de l’axiome de comportement. Dès le chapitre introductif de la Richesse de Nations,

Adam SMITH révèle le comportement spécifiquement humain par le lien entre le travail et la

consommation.

« Le Travail annuel d'une nation est le fonds primitif qui fournit à sa consommation

annuelle toutes les choses nécessaires et commodes à la vie; et ces choses sont toujours ou le

produit immédiat de ce travail, ou achetées des autres nations avec ce produit.» (SMITH

1776, page 12)

Cette phrase montre ce que fait l’homme dans la vie : fournir du travail et consommer

pour des raisons de nécessité et de commodité. Le travail peut aussi être l’antithèse de la

consommation qui est elle-même une quête de satisfaction, à tel point que, sans aucun doute,

dans la suite logique de cette pensée, le travail est une sorte de remède à l’insatisfaction

ambiante de l’homme. L’image qui découle du récit économique de l’homme est donc la

présentation formelle de l’économie selon qui, l’homme est un être de besoin doté de moyen

pour atténuer ce dernier. Aussi, ce qui se raconte à propos de l’homme c’est principalement le

tiraillement entre la paresse et l’action, ou encore la puissance des besoins sur l’énergie

humaine. L’homme décrit par la science économique est alors un loup chassé par la faim hors

de son bois. Ces natures cependant sont tellement ordinaires évidentes qu’elles se passent de

commentaire.

Les faits domestiques font rarement l’objet d’un récit, peut-être à cause de leur

banalité, pourtant des choix importants sont déclenchés par ces activités. Aussi quand une

ménagère malgache se demande quels mets accompagnant le riz qui est l’aliment de base

(littéralement la question est « inona indray ny laoka ?» que faut-il faire comme mets ?) faut-

il – ou va-t-elle – préparer, ou encore quel vêtement va-t-on porter jour en question, des

propos de goûts, de budget et de hiérarchie de préférence ou de préférant sont en jeu. En fait,

le tout est noyé dans des termes de banalité, de routine et de quotidien, et surtout de l’oubli.

L’anthropologie a reconstitué et classé quelques unes de ces banalités, mais le travail de

FREUD sur la « Psychopathologie de la vie quotidienne » permet de resituer le thème du

quotidien dans une perspective de l’homme et du récit de l’homme (FREUD,

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228

Psychopathologie de la vie quotidienne. Application de la psychanalyse dans l'interprétation

des actes de la vie quotidienne 1901).

Dans sont livre, FREUD étudie la cause des oublis fréquents de la vie quotidienne :

des oublis (des noms) et des souvenirs (d’enfance), des erreurs, des méprises et maladresses.

L’analyse de FREUD est surprenante car elle permet de comprendre l’histoire universelle

sous un autre point de vue ainsi que de lier des propos éparses dans un référentiel commun :

pour lui, l’oubli (des noms propres) provient de l’omission de détails dans certains cas et de la

netteté d’autres détails entraînant un « faux souvenir ». Ce processus intellectuel se retrouve

aussi dans le récit : la domination de certains détails extérieurs au système. Ces détails qui

dans un sens sont encore personnels et ne se présentent pas encore comme un phénomène

social ou collectif. Certains détails font la vie de tous les jours et entrent rapidement dans

l’oubli. Comment les détails s’incrustent-ils dans la vie quotidienne pour s’imposer ? Quels

sont ces détails ? De quel phénomène tiennent-ils ? Telles sont les questions qui mènent vers

la formation d’un thème du quotidien déterminant de la connaissance de l’homme.

Les pistes menant vers les détails de la vie qui s’incrustent dans la vie quotidienne ont

été indiqués par FREUD en termes de « faux souvenirs »136. Mais des faux souvenirs dont

relatent FREUD sont plutôt en rapport avec l’association d’idées ou de concepts : le quotidien

est composé de matériaux conceptuels ou idéaux, qui, en association les uns avec les autres

deviennent des concepts dominant le présent. L’exemple est donné par FREUD lui-même : un

nom familier peut être momentanément oublié, parce que le souvenir d’une conversation

antérieure durant laquelle des mots ou des bribes de mots ont été associés pour former un

thème qui remplace celui qui est cherché137. Si la vie quotidienne est composée d’activités de

136 Ces faux souvenirs persistent encore dans certaines communautés, notamment malgaches, sous forme de souvenir ou de réminiscence de souvenir des propos royaux. RAISON-JOURDES en avait retracé le cas des effets du souvenir des propos réels ou prétendus du « Andriamanjaka » (l’équivalent malgache du titre de royauté) ANDRIANAPOINIMERINA. Cette façon de voir peut aussi être étendu aux influences des personnes sanctifiées comme NENILAVA dans le mouvement religieux luthérien de Madagascar, et éventuellement de saints de l’église catholique. Ce sont les propos tenus pour être ceux des saints ou de certaines personnalités qui forment les thèmes du quotidien déterminant de la connaissance de l’homme ; ce sont des ordalies citées dans le paragraphe ci-dessus. 137 FREUD ne se souvenait momentanément pas d’un nom d’un peintre qui, ne lui est pas du tout étranger. Cherchant les causes de cet oubli et surtout les raisons de la substitution de ce nom par deux autres dont l’un même n’est même pas dans le langage ordinaire de FREUD. Ce dernier se souvient que auparavant, il avait une conversation avec une autre personne sur un sujet en rapport avec la peinture et durant laquelle il était marqué par des bribes de mots qu’il a gardé dans la tête. En collant ces trois mots, on peut former des idées suggérant le thème. En supposant que cette démarche intellectuelle est aussi valable pour d’autres situation de pertes de nom, nous dirons que le récit et la communication entraîne une sorte de perte de concept. L’homme ne se souvient pas de ce qu’il veut penser dans la réalité, mais seulement des associations de mots suggérant l’idée qu’il veut représenter

Page 232: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

229

nomination et de conceptualisation, alors certainement dans le langage quotidien de l’homme,

dans les communications et les conversations faites par celui-ci, il n’y a que des méprises et

de fausses représentations. Aussi, quand la ménagère malgache se demande quels mets elle va

préparer pour le repas de la journée, la réponse sera puisée non pas dans les souvenirs des prix

et de l’évaluation du budget, mais des mots – issus d’association de concepts utilisés lors

d’une conversation marquant la ménagère en question. Des choix sur des produits évoqués par

des souvenirs inconscients en découlent. Ce n’est pas la préférence en faveur d’une légume

particulière ou de l’importance de son revenu et du budget qui déterminent les emplettes de la

ménagère, mais le hasard de la réminiscence des bribes de mots d’un moment fort d’une ou de

plusieurs conversations.

Les propos de conversation et de communication de l’homme sont donc importants

dans la reconstitution de la matérialité du quotidien. Ce que Michel FOUCAULT appelle

« problématique de chaque culture » se forme ainsi par ces conversations quotidiennes.

FREUD y a apporté une annotation selon laquelle ces matériels conversationnels formant le

quotidien échappent à la conscience individuelle et collective, même s’ils sont déterminants

du comportement humain. Il faut d’ailleurs se référer à ce philosophe (Michel FOUCAULT)

et à la psychanalyse pour saisir comment la parole proférée par l’homme ou encore les

morceaux de souvenir exercent une emprise (inconsciente) sur lui. Pour ne pas avoir à

développer sur ce sujet dans le sens de la psychanalyse et de la philosophie, cependant, nous

allons immédiatement exposer le pouvoir de l’oubli sur la vie quotidienne et comment la

littérature économique essaie de réanimer le faux souvenir sur les activités économiques (la

production).

Les lambris de conversation du quotidien faiseur des mots du quotidiens forment un

phénomène social, une évidence obsédante et susceptible d’être narrée que, malgré cela,

laissent sous silence le narrateur parce qu’ils sont considérés comme des acquis. Certains

narrateurs ont essayé d’un capturer quelques séquences pour en faire une expression orale de

la réalité commune et ordinaire qui aurait pu se passer de commentaires. Tel est le cas de

l’usage des poèmes pour exprimer un sentiment universel mais approprié momentanément par

un individu. De ce fait, le récit du quotidien, là où le héro n’existe pas est composé, la

narration en fournit le personnage représentatif du moment.

La production est un effet de l’application du pouvoir, ou plus précisément de ce que

FOUCAULT appelle le « bio-pouvoir » par un individu : elle est une application de la science

Page 233: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

230

et du savoir humain dans une sorte de droit de laisser-vivre un ennemi invisible que sont les

autres membres de la société. Ce n’est pas les notions de « solidarité » des sociologues

(DURKHEIM), ni de la « spécialisation » ou de la « division de travail » des économistes

(Adam SMITH) qui importent, mais le conflit entre l’homme individualisé et la société. Le

récit du quotidien est un récit de combat inconscient

En économie, le concept de calcul économique sous-tend l’ensemble de discours sur le

quotidien, quoiqu’il soit à la base de l’écart entre l’économiste et le peuple ordinaire. Il est en

effet le discours sur l’activité économique ou sur la pratique en générale de l’homme ; le récit

économique du quotidien est un récit sur le calcul économique. Ce récit prend un aspect

disciplinaire (par exemple, de l’anthropologie) et même de simple roman. Nous montrerons

que le récit du pouvoir sur l’homme est un récit des effets du calcul économique. Nous

reprenons alors le récit de FOUCAULT sur le pouvoir.

FOUCAULT remarque dans sa « Genèse du pouvoir » que le pouvoir en Occident a

changé de fonctionnement : il n’est plus punitif mais administratif ; et en tant que tel, il

s’incruste dans la vie quotidienne.

B  –  Les  récits  économiques de  l’homme animé par une détermination 

intérieure 

La détermination intérieure est une expression plus ou moins connue de tout individu

dans son devenir. Elle est cependant mal conceptualisée ou les déterminants font l’objet de

plusieurs conceptualisations : la « volonté », la « raison », le « désir », le « sentiment », la

« pulsion », la «croyance », etc., bref des idées ou de représentation qui sont considérées

comme détenues par l’individu et qui fait partie de sa personnalité. FREUD relate l’existence

du sentiment existentiel de l’homme, sous les termes de « sentiment de l’infini » qu’il

compare à l’océan et par lequel l’homme joint sa conscience de l’univers avec celle de son

propre corps (FREUD, Malaise dans la civilisation 1929). Le sentiment de l’infini est aussi

une notion voisine de ce que FEUERBACH appelle de conscience de l’espèce : une idée

d’identité humaine du moins par rapport à ce qui n’est pas humain. Ces idées et

représentations, à l’inverse du corps, sont une sorte de force qui veut s’extérioriser, s’envoler,

se libérer et partir, quitter le corps pour mieux le manifester et pour mieux imposer sa valeur.

Le récit de l’homme mû par leur impulsion intérieure nous intéresse.

Page 234: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

231

Ce récit, en question, en effet, est discuté et analysé par la philosophe, la

psychanalyse, et les autres domaines de la science humaine. La philosophie incorpore la

volonté, le désir et le sentiment, à l’intérieur du corps par le concept de « soi » et l’oppose à

l’autre. La psychanalyse, avec FREUD dans son « Malaise dans la civilisation », considère le

soi comme un dérivé de l’ego qui est, d’après lui, comme un sentiment de l’homme même. Il

est le sentiment que chaque homme possède de lui-même et qu’il appelle le « Moi » en grand

« m ». Puis ce Moi se prolonge vers ceux des autres pour devenir un « soi »138. Pour elle, le

moi, la source de la volonté, considérée de l’extérieur de l’homme, est limitée et précise. Son

tout origine est la psychanalytique « Moi ». Ces thèmes sont plus ou moins repris par

l’économie Pour l’économie, en effet, l’existence du vouloir naturel de s’enrichir est une des

premières forces extérieures agissant sur l’homme reconnu. En outre, l’homme étudié est

celui qui est dans un contexte de marché ; de rareté, de valeur et surtout de besoin.

L’économie est partie sur la base du thème de besoin ainsi que des notions comme la

planification, l’information, etc., pour parler tacitement de la notion de volonté. Force est

alors de constater que l’homme en lui-même ne peut être l’objet d’une narration que s’il se

trouve devant une décision interne crucial, un lieu de conflit interne et en rapport avec sa

survie. Aussi pour parler de la relation entre les thèmes développés par la littérature et ceux de

l’économie en matière de déterminants intérieurs de comportement humain, c’est aller au

point de jonction entre la volonté et le besoin.

1°) Du récit de l’opposition entre la volonté et le désir 

Le concept de « volonté » est plus un thème de la philosophie que de l’économie. En

économie, la volonté s’inscrit dans les thèmes de choix, d’objectif et surtout de contrainte. En

économie, le mot volonté n’est pas un terme du modèle de l’homme ; à sa place, on utilise

plutôt l’idée de la souveraineté ou de l’indépendance de la décision humaine. De même, le

désir n’est pas un thème de l’économie ; à sa place, on utilise plutôt les termes de besoin,

objectif ou obstacle. Aussi pour relier l’économie et la littérature, il faut établir une

correspondance entre les idées évoquées par la souveraineté de la décision humaine et la

volonté, entre le désir et le besoin, et ainsi qu’à d’autres termes. L’exposé des motifs des

programmes d’action économique ou encore le diffusion des informations économiques sont

des lieux où le discours économique et le discours littéraire se joignent.

138 Nous laissons de côté le processus psychanalytique du passage du moi vers le soi. Pour des informations à ce propos, voir FREUD, « Malaise dans la civilisation ».

Page 235: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

232

a) Le récit ou le discours d’exposé de motif des politiques économiques 

L’exposé des motifs de politique économique montre à la fois l’existence de la volonté

du gouvernant et leur désir de voir apparaître certaines réalités. Le discours est une

justification de la rationalité des choix publics. Le récit se porte sur le contexte de choix des

hommes supposés libres de toutes contraintes institutionnelles et superstitieuses, mais qui

doivent rendre compte de leurs actions sans qu’un enjeu quelconque en sanctionne. Un récit

de la raison banalisée est issu de cette justification. Pour cela, les théories économiques de

développement local ou régional sont des types de récits économiques animés par une

détermination intérieure. Seulement, ces récits ont été écrits et élaborés dans une position

épistémologique différente de celle du narrateur d’un roman ou d’un artiste quelconque. Le

constate des faits est le seul point commun entre la littérature de la politique économique et le

récit littéraire. Nous allons dresser la force intérieure qui pousse l’homme vers une action. Ce

paragraphe se distingue du Chapitre II, Paragraphe 1, I, A, 2° en ce que au lieu de mettre en

relief le déterminant extérieur, nous focaliserons notre regard sur la force intérieure qui est

peut-être soumise et conditionnée par l’environnement extérieur, mais qui prend à son compte

l’ordre extérieur et trouve pour lui sa propre motivation et son propre moteur.

Deux façons de relater l’intervention de l’homme existent : la justification et la

présentation proprement dit du projet et l’écoute des feedback des agents concernés (dans le

cadre de suivi et d’évaluation). A cela s’ajoute aussi le récit du phénomène économique

nommé et partagé. Les faits dits de l’ « Ajustement structurel », par exemple, ont été vécus

par l’ensemble des pays du monde. La théorie économique décrit bien certes ce programme,

mais ses conséquences sociales, pour ne citer cela, ne sont perceptibles que par les littératures

des faits quotidiens relatés et consignés par la presse. De même les dites crises économiques,

parfois, ne sont que des produits de la théorie économique, mais reprises par la littérature,

elles sont amplifiées sinon elles sont le point de focalisation du regard du littéraire écrivain.

Les récits d’une crise économique – notamment de production – et ses thèmes

connotés) sont la source de questionnement dans la vie quotidienne, plus particulièrement sur

la souffrance et sur la misère. La crise est racontée en termes de manifestations et d’actions

collectives, ou encore d’arrêt momentané de travail. En fait, la crise économique passe vers le

social par la crise de l’emploi et les sentiments vécus qui s’ensuivent. Mais le chemin inverse

peut avoir lieu : les économistes par exemple adoptent l’analyse populaire de la crise pour en

faire un récit explicatif du processus de cette crise. Exemple, en 1995, le chômage des pays

Page 236: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

233

développés était imputé aux importations à bas prix en provenance des pays en voie de

développement et à la rigidité du marché de travail des pays industrialisés, alors que le

véritable coupable était les politiques monétaires et budgétaires menées par les pays

industrialisés139 .

La rationalisation du choix collectif pousse encore le récit politique vers le discours

économique en ce qu’elle utilise les termes et les instruments d’analyse de la science

économique. C’est ainsi que des thèmes de la science économique, par exemples, l’utilité et la

maximisation ou l’optimisation, sont utilisés par le discours politique pour justifier leur

propos. La science économique, elle aussi, a fait des pas importants dans la direction de la

politique en étayant les arguments politiques.

La conception économique du besoin dérive de sa construction de la notion de

richesse, tout en sachant qu’elle n’y est pas présentée directement. JEVONS, empruntant la

théorie de Nassau SENIOR, par exemple, définit la richesse comme étant un objet ayant les

trois caractéristiques suivantes : un objet, plus précisément, « une chose », selon la traduction

française, transmissible et rare en quantité produisant directement ou indirectement du plaisir,

sinon empêche la peine. (JEVONS 1878, page 15). La notion de besoin dérive de la notion de

bien : un objets plaisant et destructeur de la peine. En fait, SENIOR et JEVONS et les

économistes appréhendent la recherche du plaisir et la peine comme étant le lieu inverse du

besoin : le besoin dépend de la notion qu’on se fait du plaisir et de la peine. Il est donc un

élément culturel et relatif. Les concepts génériques du plaisir, « le » plaisir », et de la peine,

« la » peine, sont les générateurs par association de la notion de besoin qui, par enchaînement

d’idées, mène à la production, l’échange et vers d’autres concepts développés par l’économie.

Aussi, l’homme du besoin évoque le concept de richesse ; l’homme de besoin est aussi

l’homme de la richesse ; c’est l’homme décrit par la bible.

b) le discours sur la perception de risque 

Tout comme dans le récit précédent, il s’agit de réciter une banalité sous-tendue par un

raisonnement humain, mais cette fois-ci, l’objet du récit est focalisé sur la perception du

risque. Le récit peut être, par exemple, celui qui pousse un individu à contracter une police

d’assurance ou à différer une activité à cause d’un risque estimé fort probable. Ce type de

139 Voir Conférence des Nations Unies, 1995, « Trade and development repport »,

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234

récit est celui où, par exemple, dieu interdit l’homme de manger le fruit de l’arbre interdit en

leur présentant les conséquences de cette éventualité.

La littérature, notamment celle de la littérature grecque de l’Antiquité, regorge de ce

type de récit tragique, à tel point que la philosophie considère ce fait comme un phénomène

de l’homme : ce dernier s’invente des histoires pour se justifier ou pour justifier un ordre. Les

anthropologues reconnaissent aussi l’existence d’un risque perçu collectivement. Ce qui est

commun dans leur narration est que le risque est considéré comme déterminant de la vie

collective et est la cause de la formulation de loi sociale et de code de comportement, ainsi

que de l’institutionnalisation de gardien de cette valeur. Le ombiasy malgache en est

l’exemple. La présence des tabous et interdits ainsi que des sanctions sont les preuves de cette

réalité de discours sur le risque.

2°) Le lien entre désir et besoin 

C’est toujours la philosophie qui a caractérisé la différence entre désir et besoin. Ces

deux termes ne sont pas le propre des thèmes modernes, car ils sont créés à partir de la

répression religieuse du corps humain alors que la vie matérielle (le besoin) réclame la

reproduction de ce corps. L’idée de désir, telle que se construit la littérature du XIXe siècle, a

été développée après qu’un ensemble de discours pessimistes s’était déjà installé. La

philosophie pessimiste de SCHOPENHAUER récite justement la raison et les mots associés à

ce sujet. Des écrivains (c’est-à-dire des narrateurs), dont entre autres Anatole France, ont été

influencé par cette philosophie de base. Les premiers économistes de la société moderne, les

Adam SMITH et les classiques, pour leur part, ont hérité des thèmes développés par la

philosophie de la morale des David HUME et HOBBES.

Ces deux sources ne se sont pas encore jointes entraînant une séparation entre les

sciences humaines et la littérature, alors que la philosophie a fait le premier pas. ARISTOTE

dans son « Ethique à Nicomaque » a ouvert le thème du rapport entre la rationalité et le désir

en localisant le désir dans la partie irrationnelle ou plus précisément dans la partie

indescriptible (« αλογος », alogos) de l’âme. L’opposition entre la raison et le désir est la

conception de l’homme. Cette opposition est elle-même dérivée de l’opposition générique

entre le bien et le mal, sinon de celle du pure et de l’impure de la religion. Puis entre le bien et

le mal s’interpose d’autres concepts très utilisés dans le quotidien, comme l’expression de

« mal nécessaire » pour parler de la supériorité des contraintes économiques devant les

remarques de la morale, ou encore du « mal bénigne » pour exprimer que certains agissements

Page 238: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

235

n’ont que peu de conséquence morale ; il y a surtout l’atténuation morale du mal par

l’expression de besoin. Ce dernier désigne le mal de l’homme, le mal humain et par voie de

sorite, le mal intérieur de l’homme.

L’épître apocalypse de la bible ainsi que l’évangile illustre le besoin en termes de soif

qui ne peut être apaisé que par la « source de la vie » (en malgache « ranon’aina »)

récompensant les élus. Le besoin biblique est opposé par les mots « désir » et « envie »

(traduit en malgache par le mot « filàna ») qui est coupable, car ils sont connotés à l’envi

sexuel ou à la cupidité. L’économie, un produit de la sagesse du monde occidental civilisé par

le christianisme, utilise le mot « besoin ». Ce choix inconscient de mot déculpabilise aussi les

philosophes économistes, qui sont de philosophes déchus du discours vertueux pour parler de

biens triviaux et matériaux.

Les récentes façons populaires et quotidiennes de parler de l’homme rendent légitimes

le désir sous forme de droit au plaisir, caractérisé par le permis dans les questions les plus

intimes comme la sexualité. Le thème de l’homme s’inscrit dans une reconnaissance de

l’homme désirant (homme qui désire) et non pas de l’homme désireux, (un homme animé par

le désir) ; c’est un désir dispositif au même titre que la disposition pour l’échange affirmé par

Adam SMITH pour expliquer pourquoi l’homme pratique-t-il l’échange.

3°) Le récit du lien entre la volonté de l’homme et le besoin 

La littérature ou l’art exprime rarement la fatalité. La fatalité est présente sous forme

de réalisation de contrainte objective obligeant l’homme à se concilier avec l’adversité. Le

récit du lien entre la volonté et le besoin est, de ce fait, composé de thèmes de la perception de

changement, du risque et éventuellement de compromis et d’intérêts. Ce type de littérature est

plus ou moins présent dans les différents récits anciens. La tragédie humaine n’est pas

seulement composée de récits de l’expression de la volonté divine ou de leur caprice, mais

aussi des traces de la volonté humaine. Cette trace de la volonté de l’homme se trouve

cependant mélangée dans les thèmes sujets abordant la relation entre l’homme et dieu. Dans le

récit biblique de la création, par exemple, le dictat (ou les caprices) de dieu est mélangé avec

le récit de l’avidité ou de la volonté de l’homme (ou de sa faiblesse qu’est la femme). De

même, là où l’homme se manifeste comme cherchant dieu et qu’il s’élance vers dieu sous

forme d’élan et de pulsion, on sent que le lien entre le récit de lien entre la volonté et le désir

forme une littérature universelle. La pulsion, le désir et la volonté forme une sorte de thèmes

Page 239: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

236

qui, étalés devant les économistes, forment une affirmation basique et fondatrice de la science

économique.

Les économistes du XVIIIe siècle, les économistes classiques, n’ont pas abordé

directement le thème de besoin, car ils ont focalisé leur récit sur le thème de la production

suivi de la consommation. La notion de besoin entre dans le discours, en proposition

secondaire après celle de la consommation. La phrase suivante d’Adam SMITH illustre ce

propos :

« Ainsi, selon que ce produit [le travail ou le fonds primitif], ou ce qui est acheté avec

ce produit, écrivait Adam SMITH, se trouvera être dans une proportion plus ou moins grande

avec le nombre des consommateurs, la nation sera plus ou moins bien pourvue de toutes les

choses nécessaires ou commodes dont elle éprouvera le besoin ». (SMITH 1776, page 12).

Pour Adam SMITH, toute la volonté de l’homme se trouve répartie à la fois dans ses

activités de production ainsi que dans ses besoins ressentis ; plus le sentiment du besoin est

élevé, plus la volonté de produire est élevée. Volonté et besoin sont confondus. Ils ne

dépendent pas du marché, car, toujours d’après Adam SMITH, même chez les nations

sauvages, la production est la plus importante, car avec elle, découle la satisfaction des

besoins sociaux :

« Chez les nations sauvages qui vivent de la chasse et de la pêche, tout individu en état

de travailler est plus ou moins occupé à un travail utile, et tâche de pourvoir, du mieux qu'il

peut, à ses besoins et à ceux des individus de sa famille ou de sa tribu qui sont trop jeunes,

trop vieux ou trop infirmes pour aller à la chasse ou à la pêche » (SMITH 1776, page 12).

La volonté de produire permet alors à l’individu de réduire le besoin, à tel point que

cette croyance de pouvoir réduire la pauvreté par la production se transforme en motif

suffisant pour détruire l’excès de producteur et en même temps le consommateur :

« Ces nations sont cependant dans un état de pauvreté suffisant pour les réduire

souvent, ou du moins pour qu'elles se croient réduites, à la nécessité tantôt de détruire elles-

mêmes leurs enfants, leurs vieillards et leurs malades, tantôt de les abandonner aux horreurs

de la faim ou à la dent des bêtes féroces » (SMITH 1776, page 12).

Adam SMITH annonce déjà l’existence d’une sorte de population optimale permettant

de régler la quantité de la production et de celle de la consommation, le besoin et le désir sont

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237

absents dans le récit des classiques ; un thème intermédiaire est nécessaire. A cet effet, le

recours au produit de l’histoire alimentera encore l’économie : le thème de la famine. La

famine est une généralisation de l’absence de consommation et aussi une façon de nommer la

dimension individuelle de la non-consommation. C’est en ces termes que se rendent compte

littéralement les réalités économiques. Tel est le cas des récits bibliques. Les récits littéraires

bibliques n’ont pas retenus des périodes de prospérité où la production dépasse la

consommation sauf dans l’épisode du passage où Joseph, un des fils de JACOB gouvernait le

royaume d’Egypte. L’idée de famine – et donc de la mort – pointe dans ce récit. Le thème de

la volonté y est présent lorsque l’oracle avisait Joseph de ce qu’il faut faire. En littérature, la

volonté de lutter contre la famine, relève d’abord de la famille et du clan, rendue facile par

l’absence d’obstacle à la migration.

Un thème qui n’aurait pas existé dans un récit biblique existe dans le récit biblique de

la surproduction et qui éveille encore le caractère religieux des récits non économiques :

l’idée selon laquelle toute richesse provient de l’assistance de dieu. La bible (l’Ancien

testament) est peu loquace en ce qui concerne la prospérité. Bien que le mot « trésors » existe

dans le langage biblique, ni le grâce divine, ni le pénible travail de l’homme n’ont pas laissé

une trace de la richesse matérielle. En effet, dès que la prospérité arrive, les chefs juifs

construisent des temples en offrande au dieu. Le thème de remise de dette (le jubilé) indique

aussi l’existence de la prospérité relative de la nation. Les Juifs sont plutôt intéressés par la

quête de la bonne grâce de la divinité pour fertiliser le travail et surtout pour mieux savoir

gérer cette excédent de richesse.

Or Yahvé assista Joseph, à qui tout réussit, et il resta dans la maison de son maître,

l'Égyptien (Gen 39 : 2-) ; la richesse ne relève pas de la production ; conséquence,

théoriquement, point n’est besoin de production, mais de l’initiation pour écouter l’oracle

divine. Et la bible insiste que tout est dans la possession de l’esprit de dieu. Le récit met en

exergue le rôle déterminant de dieu, comme le récit économique le fait pour le marché.

II  – Le profil de  l’homme  saisi  à partir de  l’imperfection de l’homme  

La phrase suivant de HEGEL aurait été un argument de plus pour défendre l’idée selon

laquelle l’homme n’est pas parfait :

Page 241: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

238

« La misère du temps a donné aux petits intérêts vulgaires de la vie de tous les jours

une si grande importance, les intérêts élevés de la réalité et les combats pour ces intérêts ont

absorbé toutes les facultés et\ toute l'énergie de l’esprit ainsi que les moyens extérieurs, au

point que l’on ne pouvait garder la liberté nécessaire à la hauteur de la vie intérieure, à la

pure spiritualité et que les meilleurs y ont été impliqués et même en partie sacrifiés »

(HEGEL Posthum, page 16).

L’homme n’est pas seulement parfait, il est aussi faible. Il ne réunit pas toutes les

qualités d’un homme. Les faiblesses de l’homme décrivent aussi l’homme et participent au

thème de l’homme. La faiblesse ou la qualité de la faiblesse représente aussi l’homme. Il

s’agit non pas de la faiblesse représentée par un corps étranger, en l’occurrence, la femme, ni

du symbole, mais de la faiblesse intrinsèque à tout être humain. Cette faiblesse est source ou

la conséquence de la détermination de l’homme. En économie, on s’accorde à soutenir que le

besoin est une faiblesse de l’homme, à cause des obligations d’agir qu’elle suppose, mais, mis

à par l’échelle de besoin de MASLOW, il n’y a pas encore de liste exhaustive des besoins

humains. Que peut avoir l’homme comme besoin ? Vers quel objet l’élan ou la pulsion

intérieure de l’homme pousse-t-il cet objet ?

La science économique considère la sensation des besoins comme une situation

objective de l’homme, et la satisfaction, un épanouissement de l’homme. L’homme se

présente alors en économie comme un être tiraillé par la force agissant du besoin et le vouloir

pérenniser les moments de satisfactions. Cet état, cependant, ne peut pas être développé par la

science économique. Quelques constats doivent alors être faits pour mettre en relief l’état

actuel de lieu du tiraillement de l’homme : la maîtrise de la production entamée depuis la

Révolution néolithique a fait de l’homme, un chasseur – agriculteur. Des faims et des besoins

confort ont été apaisés, mais conformément à l’échelle des besoins de MASLOW, la religion

ou l’appariement des différends entre l’homme et la nature ou entre l’homme et la divinité

émerge comme un nouveau problème. La culture et l’éducation deviennent aussi un besoin

impétueux. Puis la Révolution industrielle a décanté la situation : dans les centres urbains, il y

a moins de froids, de faim, beaucoup d’informations et plus de durée de vie pour l’homme. Le

profil de l’homme s’est encastré dans son apparence dans son appartenance socioculturelle.

Le besoin de nourriture prend un autre aspect : sa sensation n’est plus comme celle d’un

besoin individuel, mais d’un besoin social, elle n’est plus physiologique, mais identitaire. Des

auteurs (DE LASTIC s.d.)) y voient un changement de besoin. L’homme n’est pas parfait

Page 242: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

239

parce que ses besoins restent mais changent de dimension ; pourtant, il reste encore le héro de

la narration.

La faiblesse de l’homme ne peut être mieux narrée que dans les récits de guerres, les

épopées où les vaincus s’expriment.

Nous traiterons dans ce qui suit, comment l’homme se découvre par ses faiblesses, ou

encore, comment le thème de l’homme se construit à partir de sa faiblesse. A cet effet, nous

reprenons quelques récits usuels de la littérature donnant une caricature de l’homme et par là

donne une figure à l’homme.

1°) La faiblesse du héro 

Il est curieux de constater que la littérature utilise le récit de la faiblesse du héro pour

mieux mettre en relief les détails déterminants du destin d’un homme ou de l’homme : le talon

d’ACHILE dans l’Iliade. Selon l’Iliade, ACHILE était un fils d’un roi et d’une nymphe de la

mer. Enfant, il avait été plongé dans les eaux d’un fleuve magique le rendant immortel. Mais

pour cette plongée, sa mère l’avait tenu par le talon. Aussi, ACHILE est devenu immortel

certes mais faible au talon. Les récits bibliques des premiers êtres humains et de l’homme en

général avait aussi tenu un récit comparable : Ils ont avalé le fruit de l’arbre produisant la

connaissance du bien et du mal, mais ils étaient condamné à une vie courte. La bible a mis en

mémoire la faiblesse de l’homme en rapport avec la femme, à l’exemple du récit de

SAMSON (Voir la Bible, L’Ancien Testament, Juges, Chapitres 13 à 16-. SAMSON était issu

d’une famille stérile. Aussi sa naissance était considérée comme un miracle : elle a été l’objet

d’une annonciation faite par un envoyé de Dieu recommandant en même temps son éducation,

surtout sa mission (sauver le peuple israélite de la colonisation philistine), sa force légendaire

et sa faiblesse (la dépendance de sa force physique au fait de ne pas se couper les cheveux).

La narration raconte qu’une femme est à l’origine de la déchéance de SAMSON.

Une femme, ou une partie du corps sont les points faibles du Héro dans la littérature.

Plus terre-à-terre, les récits épiques ont consigné les faiblesses des meneurs légendaires

d’hommes. Les chefs militaires sont décrits non seulement pour leur stratégie, mais aussi par

leur destin qui est en fait leur déterminant. Ils ont des projets, et leur actions sont orientées et

dirigées par ce projet. Un individu qui a un projet est libre quand il choisit son projet et au fur

Page 243: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

240

et à mesure que le projet s’accomplit, mais, par la suite, il est conditionné par son projet ; la

libre détermination du choix se poursuit par une détermination de la liberté. C’est son destin.

Ces projets qui sont les objets de la faiblesse du héro forment une sorte de halo

négative faisant partie du corps de l’homme et de son avenir ; l’homme est aussi saisissable

par ses points faisant sa faiblesse. Dans ce qui suit, nous allons rendre compte de ces objets

qui unissent les récits de la faiblesse des héros pour se demander, comme le fait le

fonctionnalisme en sociologie, comment sont liées les différentes constructions faisant le

thème de l’homme-héro. Quelles sont les autres fonctions des différents thèmes participant à

la formation du thème de l’homme ?

Ce domaine de questionnement suppose l’existence d’une sorte de phénomènes

absolus et originels avec lequel se constitue le thème de l’homme. Le thème de l’homme est

déterminé par ces thèmes absolus, et parmi ces thèmes, il y a évidemment les points forts de

l’homme – thèmes difficiles à recenser – et ses points faibles (la femme, un produit déterminé

par le hasard et portant sur son corps.

Le héro peut être défini comme étant un individu qui, comme l’affirme le rite de

passage d’Arnold Van GENNEP, a quitté son milieu social ou matériel d’origine et ose

franchir seul un lieu de transition, pour arriver – avec succès, croit-on – à l’autre rive d’un

déplacement (intellectuel ou physique). Ces récits donnent une esquisse de l’homme en

couple.

Notre démarche consiste à illustrer les propos des philosophes de la volonté

(NIETZSCHE, SCHOPENHAUER, DELEUZE entre autres) et autres phénomènes identifiés

et nommé par les récits des héros historiques ou littéraires. Cela nous conduit alors à un thème

issu d’un croisement entre une classification des thèmes philosophiques des circonstances qui

produisent l’héroïsme et les types linguistico-culturelles du héro – parce que le héro relève de

la culture. Un bandit par exemple est un héro dans une société où l’entreprise individuelle et

l’audace sont privilégiées.

Les circonstances produisant le héro sont l’atténuation des liens sociaux (DURKHEIM

pour le suicide), la recherche d’une richesse salvatrice de la communauté en suivant la voie

tracée par le destin (le cas de JOSEPH en Egypte). Il arrive aussi que le héro acquière son titre

par un comportement qui va contre son intérêt (y compris le plaisir). L’aveu est un cas de

cette situation : le héro expose ses intérêts devant un jugement, ou il repent de ses anciens

Page 244: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

241

faits. Ces circonstances sont certes déplaisantes et vécues avec contraintes. Nous

développerons dans le chapitre 3 ce sujet). Etant donné la diversité des circonstances,

comment peut-on établir une classification de ces circonstances ?

Pour répondre à cette question, nous avançons une hypothèse de travail selon quoi, il

existe une relation logique entre l’intensité d’une substance qui existe dans la profondeur de

l’inconnu en l’homme, et qui est nommé par des concepts désignant quelque chose de

typiquement humain, par les mots « conviction », « sentiment », « raison », « motivation »,

etc., la conviction de l’homme et d’une autre substance négative nommé « peine »,

« travail », « difficulté », etc., utilisée dans l’action ou dans l’entreprise humaine : plus une

entreprise est difficile, plus la conviction et la détermination de certains individus (le héro) est

grande. Certaines réalités de la vie quotidienne ne demandent pas une conviction forte et sont

moins pressantes, elles sont alors vécues sans effort. Mais dans les circonstances jugées

vitales (exemple la recherche des biens pour la satisfaction des besoins), la conviction dans les

activités de production est aussi élevé qu’elles peuvent même faire oublier la recherche des

valeurs nobles et élevées comme la sagesse et la vertu. Si l’homme est assuré de sa

subsistance matérielle, s’il est capable de prouver la réalité de la promesse d’une vie meilleure

future, alors sûrement il abandonnera ses soucis quotidiens pour se préoccuper exclusivement

du salut de son âme.

A partir de l’hypothèse précitée, on peut établir une échelle de valeur de l’action par

rapport à l’intensité de la conviction : la routine efface la nécessité de conviction et

l’importance des activités domestiques ; par contre les pressions hiérarchiques et de

l’interdépendance mécanique dans une division de travail renforce la conviction de chaque

travailleur occupant un poste de travail sur la valeur du produit de son travail. Une conviction

nulle est couplée à une oisiveté ou à une « non action ». Ce n’est pas vraiment la contrainte

qui pousse l’homme a fournir son travail, mais l’intensité de conviction. C’est dans ce sens

que s’interprète la théorie d’organisation de Mashihita AOKI : la coopération qui s’établit

entre les différents niveaux hiérarchiques d’un poste de travail s’explique non pas par la

théorie de jeu, mais par la conviction partagée entre les membres de l’entreprise. Une

conviction très forte est aussi accompagnée d’une action intense.

Le problème dans l’hypothèse précitée n’est pas son existence, puisque les littératures

en parlent plus ou moins, mais sa mesure et sa quantification. Chacun de ces deux éléments

sont figurent déjà les littératures, mais il ne fait pas l’objet ni d’un rapport ni de quantité. Des

Page 245: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

242

expressions comme sentiment ou une conviction « plus grande » ou « moins grande » n’ont

pas de sens car elles n’ont pas d’unité de comparaison. Confrontés à ce genre de problème, les

économistes ont évoqué un phénomène qu’ils considèrent comme quantifiable : la richesse.

Pour eux, une volonté de s’approprier d’une plus grande quantité de richesse suppose

logiquement l’acceptation d’uns quantité plus élevée de sacrifices et d’efforts. « Volonté »,

« sacrifice » et « efforts » deviennent alors quantifiables et surtout qu’il n’est point besoin de

préciser la signification – plus particulièrement la signification philosophique, dans la mesure

ou cette discipline donne le sens exacte de mots comme l’affirme la philosophie analytique,

ou plus particulièrement anthropologique, pour un sens anthropologique des mots.

Pour une conception commune et donnée de la richesse donc, on peut établir une

relation entre deux couples d’éléments spécifiques à l’homme. Puis, par abus d’usage de cette

relation, on dégage une définition de la richesse : un rapport entre deux éléments spécifiques à

l’homme. Exemple : si les concepts « âme » et « travail » sont des signes distinctif de l’espèce

humaine, alors pour un système donné d’un phénomène collectif quelconque, on peut dégager

un rapport tel que l’âme et le travail sont liés par ce phénomène.

2°) La faiblesse de l’homme en général 

L’homme en général est un être faible, c’est-à-dire étymologiquement, « digne d’être

pleuré » ou « provoquant une image triste et douloureux. Il inspire un sentiment douloureux à

celui qui le contemple. De ce fait, la faiblesse de l’homme se mesure par l’intensité de la

peine produit par l’image ou le spectacle dont l’homme en question est au centre. Ce

jugement ou cette sentence de « faible » est certes un sentiment isolé et sans rapport avec

d’autres scènes antérieurs ; il n’a de comparable que le jugement ou la sentence de « bien » ou

de « mal ».

Le contraire de « l’homme faible » n’est pas « l’homme fort », car sur le plan

étymologique, le fort vient du latin « fortis » signifiant « solide » et « vigoureux », alors que

le mot « faible » vient du latin « flebilis » traduit par « digne d’être pleuré ». L’homme fort

n’évoque pas de sentiment contraire à la tristesse ou à la peine, mais un sentiment de certitude

et d’admiration.

Le thème de la faiblesse de l’homme ou celui de l’homme faible facilite la

construction du thème de l’homme ; il est aussi la cause du placement du thème de l’homme

Page 246: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

243

dans un référentiel de l’éthique. En effet, devant le faible, le narrateur ne se perd pas

seulement dans la compassion, mais aussi dans une sorte de sentiment qui se veut être

salutaire. Des questions comme comment se comporter devant la faiblesse d’autrui se posent

dans les milieux où l’on croie que la morale est forte (notamment dans les religions

chrétiennes et bouddhistes).

Enfin, le thème de la faiblesse de l’homme est aussi un thème de distance ou de

différence de positions entre l’homme qui est déjà jugé de « faible » et du narrateur. C’est

dans ce sens que se comprend l’ensemble de discours biblique sur l’homme comprenant le

thème de déchéance de l’homme et du salut apporté par le narrateur qui ne peut être que le

dieu lui-même : La faiblesse n’est pas seulement dans le mal, mais aussi dans la disposition

naturelle de l’homme – du moins d’après ARISTOTE. Pour ce dernier, en effet, l’homme ne

cherche pas seulement le plaisir, mais aussi fuit le déplaisir ; il est dans une situation

déplaisante, où la quête du plaisir est un besoin et une valeur normaux. Mais cette fuite est

aussi pénible que le déplaisir lui-même. Pour comprendre cette situation de l’homme, les

interprétations de la philosophie d’ARISTOTE introduisent la notion de temps et constatent

que la fuite du déplaisir est plus plaisante que le fait de rester dans le déplaisir lui-même.

ARISTOTE justifie alors l’action humaine par la supériorité de l’action ou de la lutte et non

pas dans la résignation ou dans la quête passive du plaisir, ou encore dans l’attente du plaisir

dans ce monde déjà déplaisant. Dans ce cas alors l’homme fort, l’homme idéal semble être

celui qui, comme le philosophe EPICURE, trouve le plaisir à tout moment que même dans les

périodes critiques de la cité, EPICURE reste toujours … stoïque et entouré d’amis. Pour lui,

le bien se définit par les termes suivants : plaisirs de la table, de l’amour, de la conversation et

des belles choses (LAERCE s.d.). Cette attitude philosophique est tellement efficace que

l’établissement qu’EPICURE avait créé pour diffuser ses doctrines n’a jamais été déserté par

des disciples.

Ainsi, l’homme est un être qui a le sens du plaisir, mais sa condition ne lui permet de

jouir durable du plaisir (il est déterminé par les circonstances) ; c’est pourquoi, il fait des

calculs pour jouir autant que possible du plaisir et éviter le déplaisir. Cette image de l’homme

annonce, évoque et justifie l’idée de calcul économique dont est doté l’homo œconomicus. En

guise de conclusion : La narration sur l’homme est au cœur du récit de l’homme de

l’économie.

Page 247: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

244

La pensée économique exploite cette image de l’homme faible. Son point de départ

pour parler du thème de l’homme n’est pas la nécessité de trouver un homme modèle

répondant à la situation-type du marché, mais du prolongement du thème de l’homme issu de

la rencontre de l’homme avec un autre homme, l’homme narré, dont il reconnaît en lui son

équivalent. Les circonstances des rencontres y sont importantes, car l’homme est certes

souverain dans son choix, mais il est prisonnier des circonstances. Cette mise en histoire de

l’homme n’a rien d’extraordinaire sauf que l’homme ne s’est jamais vu lui-même étant donné

qu’il est en lui-même ; il ne peut pas faire de lui un objet, parce que lui, c’est un sujet ;

pourtant, malgré ce fait, notre homme a pu identifier son équivalent logique (son homologue).

Jusqu’à présent, la théorie économique s’est posée dans un contexte littéraire de la

rencontre de l’homme avec dieu et non pas avec lui-même ; c’est cette esprit qui lui a permis

de concevoir une représentation de l’homme modèle, quotidiennement parfait. Pour notre

part, nous avons bâti la théorie économique avec la représentation de l’homme, un être en

construction, mais accomplit à sa manière. Les questions suivantes ont accompagnées nos

réflexions, tout au long cette démarche : Comment la représentation de l’homme a-t-elle pu

s’introduire dans ce parage ? que fait-elle ou qu’apporte-t-elle pour la pensée et pour le

comportement de l’homme ?

C’est par l’homme avec cet état d’esprit troublé par une quête de réponse que nous

allons étudier la question de l’incrustation de la représentation de l’homme dans la pensée

économique. Tel a été d’ailleurs l’objet du chapitre premier de la première partie. La présence

de l’homme dans la pensée humaine est donc la preuve de l’existence naturelle du souci ou du

questionnement sur son identité, son essence et sa détermination. A l’inverse du chapitre

premier de la présente partie, notre intention n’est pas un développement de la présence de

l’économique dans la littérature, mais cette fois-ci de montrer l’inévitabilité de cette présence.

Dans notre démarche, nous avons rencontré l’homme, par deux voies : par

l’intermédiaire de la narration faite par des notoriétés pour leur position sociale ou

académique et par l’intermédiaire des mots que l’homme utilise pour nommer ou décrire ce

qui est saisissable à l’homme. Ce ne seront donc pas les faits immédiats de production, de

consommation, de l’épargne ou de l’investissement, ainsi que des thèmes qui se rencontrent

généralement dans les manuels d’économie qui nous servirons de matériaux de réflexion,

mais des mots et leur sens. Ces composantes de la voie vers l’homme (la narration et les mots

matérialisant la narration) est le trivial de l’économie et également dans toutes les sciences.

Page 248: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

245

En effet, le champ d’observation dans lequel nous opèrerons la recherche de l’homme est un

mélange composé de mots et de leur sens ainsi que des objets réels qu’ils sont en train de

nommer. Les linguistiques et la philosophie analytique y trouvent leur domaine de

prédilection, mais nous ne sommes pas encore dans le domaine des faits économiques, car ce

n’est pas cet amalgame de couches superficielles de ce domaine qui nous importe, mais la

réalité objective, sensible et intelligible dont les mots semblent être le seul élément concret.

Nous pensons que ce champ est couvert par la présence de l’homme ; l’homme n’est pas dans

le mot qu’il profère, il est par le mot. « Notre » homme est, dans ce contexte, le « dieu » de

l’Évangéliste Jean lorsque ce dernier écrivait « … la parole est dieu »140, mais au lieu d’être

des mots et ses connotés, il est par les mots et ses connotés ; l’homme n’est pas l’ensemble

des mots et de ce qui ont un sens – l’ensemble des mots et de ses connotés n’est pas l’homme

-, mais seulement par l’ensemble des mots. Pour prolonger la présentation dans la métaphore

biblique, nous dirons que l’homme a été révélé par sa propre parole ; tout comme le dieu de la

Bible, lorsque l’homme parla – peu importe ses propos -, il révéla à la fois son existence et en

même temps celle de l’objet de ses mots. Chaque mot que l’homme profère est donc d’ordre

existentiel : quand l’homme identifie un objet, il effectue une double reconnaissance l’objet et

lui-même. Il reconnaît que l’objet n’est pas lui qui a reconnu l’objet en question, et en même

temps, il se connaît mieux lui-même. La situation de la recherche de l’homme isolé est alors

comparable à celle raconté par les écrivains biblique du Livre de Genèse, au moment où

ADAM, le premier homme de la bible rencontrait son équivalent, en la personne de EVE, un

autre être humain. D’après la série de présentation du récit, l’évènement a eu lieu après que la

nature soit explorée par ADAM. L’exclamation d’ADAM est celle qui résume ce double

aspect de la reconnaissance : c’est mon « avoir » qui est « être ». Nous arriverons au terme de

notre recherche de l’homme, lorsque nous pourrons dire des propos équivalents selon lesquels

les mots et ses thèmes connotés tels que nous les avons énumérés ci-dessus prennent une

réalité, de telle façon à ce que l’homme qui, avons-nous affirmé, n’existe que par les mots et

ses connotés se retrouve ou trouve son identité dans ces derniers. En d’autres termes, notre

recherche ainsi que la science économique, et d’une façon générale, la science, s’achèvent

avec la découverte d’un contexte de thèmes économiques, ou d’un discours global dans lequel

l’être humain identifie un autre être humain, ou ce que l’homme croit « avoir » est un « être ».

140 La Bible, Le Nouveau Testament, L’évangile selon Jean, chapitre 1, verset 1

Page 249: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

246

PARAGRAPHE 2 – LE THEME DE L’HOMME ENTRE LES MAINS DES SCIENTIFIQUES

Les récits sont les toutes premières formes de la concrétisation et de l’extériorisation

de soi ou de l’intimité humaine, du moins par rapport à l’idée qui est, en fin de compte,

personnelle et intime. Ils énoncent quelque chose de personnel, d’invisible, mais descriptible

en elle seule avant l’intuition ; ils affirment sans démontrer une vérité ou une conviction

intérieure, des arguments ou de la figuration de l’homme dans la rhétorique sur l’homme ; ils

sont, en fin de compte, une manifestation d’une idée.

Le récit, en effet, est un effort pour saisir la complexité et la confusion humaines ; il

dénote un effort de recherche de sens. Il accompagne« cet effort pour mettre en forme le vécu

de l'expérience, pour comprendre en quoi celle-ci est faite de passions, de désirs, de valeurs,

de croyances, en quoi les vérités qui s'en dégagent se fondent sur les singularités irréductibles

à chacun, mais aussi sur ce qui fait leur ancrage dans un monde social, dans des univers

culturels et institutionnels, dans des appartenances familiales dont les projets et les aspirations

marquent toujours les destins individuels ». (OROFIAMMA 2002).

Point n’est besoin d’être en contact direct avec les objets des récits, car ce qui nous

importe est leur interprétation (ou leur lecture) par d’autres personnes plus compétentes en la

matière. Leurs interprétations sont consignées dans des documents et études historiques et

critiques que nous allons exploiter. Aussi, pour montrer la réalité de l’homme représenté, nous

allons étudier ce qui se dit et s’interprète sur les objets d’art et les mots de la littérature portant

sur l’homme, en pensant qu’il s’agit d’une lecture d’une même source qu’est l’homme. La

compréhension de l’action de l’âme – c’est-à-dire de la substance qui anime – des poètes et

des artistes est donc l’objet du présent paragraphe. Cette âme se trouve cristallisée dans les

œuvres d’art et dans les produits artistiques. Elle prend réalité par la production de narration

poétique qui, à son tour, prend son sens par l’essence et la forme. Tout un chacun est poète ou

artiste à leur manière, et ceux qui n’ont rien produit dans l’art et la littérature reconnaissent

dans les produits artistiques ou littéraires des autres, ce qu’ils auraient dû ou ce qu’ils auraient

pu produire eux-mêmes.

Les différentes formes de narration ne peuvent pas être circonscrites au seul concept

de « récit ». Le sens de ce dernier est d’ailleurs à relativiser car il dénote avant tout une

classification de la littérature d’une culture. On ne peut pas, par exemple, le traduire par le

mot malgache « tantara », à cause de la différence entre le groupe de personnes à qui chacun

Page 250: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

247

d’entre ces termes s’adresse. Cela n’empêche cependant d’affirmer que dans les

communautés humaines, indépendamment des contraintes des contextes, il y a toujours

quelque chose à se raconter. Ce dernier est une réalité objective, sinon une pratique

typiquement humain,

A partir de ces propos sur le récit, on peut aussi envisager un niveau de commérage

basé non plus sur les propos des narrateurs dans leur relation avec les lecteurs, mais sur une

confrontation des auteurs entre eux. Ce type de discours sur l’homme prend une autre forme

différente du « récit » et de la « narration » ; il s’agit de la « critique ». Nous dirons alors que

la représentation de l’homme est aussi une critique de l’homme. La littérature considère

l’éthique comme un critère de la critique

L’exploitation de ces documents des critiques littéraires et artistiques, cependant, pose

des problèmes de connotation. Dans la recherche documentaire sur l’homme, il apparaît que

l’homme est indexé dans ses environnements et ses cadres et que, dans la science de

documentation, il n’est pas considéré comme un sujet-acteur, mais comme un objet-

documentaire parmi d’autres. ERTZCHEID Olivier141, maître des conférences en Sciences de

l’Information et de la Communication de l’Université de Nantes, constate alors que nous

sommes devant un nouveau paradigme social de l’homme, d’autant plus que la forme

dominante des instruments de propagations de thèmes, le concept « homme » est en train de

perdre sa spécificité scientifique ou philosophique. Pratiquement, en effet, des documents

électroniques et des magazines scientifiques ainsi que de livres comme sources d’informations

sont de plus en plus disponibles. Le choix est alors certes large, mais il demande une

démarche permettant de sélectionner les documents pertinents. A l’état actuel des

technologies, l’indexation est la démarche utilisée pour la sélection des documents. Une

cherche sur l’index « homme » dans les documents interactifs, tels que l’Encyclopédie

Microsoft Encarta et en navigant sur des sites Internet a été faite pour l’élaboration de cette

thèse. Le thème de «représentation de l’homme» en effet est l’objet de plusieurs sous thèmes

divergents. Comme premier résultat, force nous est de confirmer les propos de ERTZCHEID

selon laquelle l’homme n’a pas de statut particulier dans les documents électroniques ; il

devait être présent partout (comme l’ordinateur), en tant que sujet (sujet de production, pour

le cas de l’ordinateur), alors que dans les documents interactifs, il n’est qu’un thème comme

les autres (l’ordinateur est absent, écrivait SOLOW). A notre connaissance, il n’y a pas de

141 ERTZCHEID Olivier, « L’homme est un document comme les autres : du World Wide Web au World Life Web », [email protected] Blog de recherche : www.affordance.info

Page 251: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

248

bibliothèque virtuelle sur l’homme ; ce qui existe se porte sur l’humanisme (et qui est encore

un projet du Centre d’Etudes Supérieures de la Renaissance de l’Université de Tours en

France), ainsi que des bibliothèques virtuelles des textes anciens et leurs logiciels spécifiques

de traitement.

Devant ce fait alors, il faut contourner la question en cherchant l’homme dans le thème

de « narration » ou « récit » et non dans le thème de l’homme lui-même ou dans le thème «

représentation », étant donné que l’homme (l’artiste ou l’écrivain) est le seul être capable de

faire des récits ou des narrations et que dans cette narration, il ne fait que dévoiler une partie

de lui-même, ne serait-ce par ses observations. Ce détour impose l’adoption d’une hypothèse

selon laquelle, l’art – qu’il s’agit de la sculpture, de la musique ou de la peinture – est la

narration de l’homme ou fabrique l’homme représenté. Cet art peut n’exister qu’en pensée ;

elle n’est qu’une esquisse.

L’art qui nous est familier est celle qui est matérialisé par des objets symboliques, des

traits ou du son. Mais l’art n’est pas seulement que cela ; elle peut être aussi une sensation

subjective forte de ses admirateurs. La particularité de cette dernière forme d’art est qu’elle

n’a pas besoin d’outil ni de travail pour prendre forme. La conscience de soi est le premier

produit artistique de l’homme, car une conscience est une citation, une narration142. Quelle est

le contenu de cette conscience soit, de cet art initial ? Quelles sont ses significations ? Telles

sont les questions que nous étudierons respectivement en premier et en deuxième lieux.

Il faut dire, par anticipation des idées, que nous défendons dans cette thèse, que le

cadre menant vers le thème de l’homme est le mouvant de BERGSON ou le changeant

d’HERACLITE, un lieu qui n’a d’intérêt que pour avoir mis en relief deux positions ou deux

mouvements différents (celui de l’homme et celui de son environnement) ou une distance,

142 En jouant sur les mots d’ailleurs, la définition respective des mots « narration » et « récit » est le point de départ de notre réflexion. Microsoft Encarta 2009 présente les composantes de la narration à travers sa définition du mot « narration » : « type d’énoncé et ensemble de procédés qui visent à mettre en récit une série de faits, vrais ou fictifs, se déroulant dans une temporalité ». Nous retenons les composantes suivantes : le récit, le cadre et le temps, parce que le récit est situé dans un cadre et dans une durée ; il met alors au devant de la scène le protagoniste (l’avant générateur) ; le cadre, parce qu’il situe le protagoniste et relativise son rôle ; le temps, parce qu’il oblige une fin à chaque rôle. Chaque élément de cette définition mérite des commentaires car il met au premier plan l’homme et qu’il met en relief ce que peut avoir l’homme comme idées, et surtout, parce que ces deux thèmes, par le récit, sont déterminés par des conditions de narration. Le récit ne crée pas l’homme, car l’homme est dans le récit, mais le cadre et la forme de limite (ou de faiblesse) relatés par le narrateur pointe automatiquement l’homme. En plagiant la façon biblique de mettre en relief l’homme de la bible, nous dirons que dans son épisode de la création de l’homme, le fait d’imposer le cadre (la création de la nature) et la limite (qu’il s’agit de l’arbre interdite ou du diable), sans doute, la suite logique du discours serait l’homme. Les deux premiers chapitres du livre de Genèse portant sur la création et l’interdiction recouvrent donc le discours biblique sur l’homme.

Page 252: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

249

entre deux entités distincts et que l’homme ainsi esquissé est développé dans le thème de

l’être (ou de non-être), thème développé par le philosophe grec PLATON dans

« Parménide »143 où ce philosophe expose ses idées sur la science et sur la dialectique. Le

thème de l’homme est un thème portant sur l’existence dans un monde en mouvement. Sa

particularité – si l’on pose le problème dans le référentiel de la réflexion de PLATON, - est

que le réel dont fait allusion l’être n’est pas tangible d’où le caractère obscure et non évident

de l’homme, un thème qui, dans ce référentiel, devait être celui du non-être. Une chose

cependant est certaine : ce n’est pas la force de la doctrine ou de la conviction du narrateur qui

impose le discours sur l’homme, mais l’élan ou l’impulsion des cadres fondamentaux et

retenus. Pour élaborer un thème sur l’homme, il suffit de décrire le mouvement et la limite,

car le produit qui en sort est les thèmes sur la nature, l’ordre la sensation, l’expérience, la

raison, etc., bref, il en sort automatiquement un discours sur l’homme. L’homme est un thème

comme un autre écrit ERTZCHEID, nous dirons alors que les thèmes de la « raison », de

l’ « expérience », de la « sensation », en découlent. Mais à voir de près, d’autres thèmes non

moins importants paraissent : la limite, l’évolution ou le mouvement bien que ces thèmes

appartiennent au discours sur la nature.

Le présent paragraphe n’est que des prolégomènes – il n’est même pas une

introduction – du discours sur l’homme ; il se limite donc au seul constat de la réalité selon

laquelle, l’homme ne se découvre pas (ou qu’il est difficile à découvrir), mais qu’il se

manifeste ou s’extériorise par le cadre et par la limite imposés par la narration. A titre de

comparaison, nous constatons que la manifestation d’un animal est son cri particulier, ses

empreintes spécifiques ; l’homme, pour sa part, ne se manifeste pas par son cri (sa parole),

mais par ce qu’on dit de lui, tout en sachant que « on » c’est l’homme lui-même.

Nous démontrerons la réalité de l’homme représenté par ce qui se dit sur ce qui a été

représenté sur l’homme, c’est-à-dire par le jugement de l’homme sur lui-même, après s’être

convenu tout de même sur la façon de dire l’homme. Autrement dit, notre objectif est

d’atteindre l’écho de la représentation de l’homme sur l’homme et les effets que celui-ci fait

ou transforme l’homme. A la fin de ce paragraphe, nous saurons alors que le véritable homme

n’est pas le naturel que ce soit par ses caractères ou par sa position ; le véritable homme, c’est

celui qui s’est construit son caractère à force de se voir lui-même par des artifices intellectuels

qu’il s’est fabriqué. A cet effet, il nous faut développer les concepts désignant l’instrument

143 Voir à ce propos (BREHIER 1932)

Page 253: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

250

permettant la construction de la représentation intellectuelle de l’homme ; c’est-à-dire les

matériaux permettant à l’homme d’identifier dans les représentations de l’homme, son

équivalent ou son lui-même. En reprenant encore l’enseignement biblique, il nous faut

développer les concepts de « os » et de « chaire » par lesquels ADAM a pu identifier EVE. Ils

sont importants pour montrer, sans faire un inventaire de ce qui se sait sur l’homme – ou, dans

le cas biblique, de ce que ADAM sait de lui-même – un objet extérieur, équivalent de

l’homme. A cet effet, nous allons présenter les conditions et les instruments de la

représentation de l’homme.

Avec ces éléments, nous nous interrogeons quel effet fait-il pour l’homme de faire

face à son image (ou à son représenté). Cette question affirme implicitement que dans le

fonds, l’homme se reconnaît lui-même, ou qu’il a conscient de lui-même, reçoit-il son

équivalent. Pour le cas d’ADAM, le fait d’être en face de son représenté dont il reconnaît en

tant que « son chaire » et « son os » a conduit à un élan (un mouvement intérieur) vers cet être

ayant pour conséquence l’abandon du cadre parental à l’intérieur de qui, pourtant, l’homme a

pris corps. D’après la thèse biblique, finalement, l’homme a deux corps : celui qui est issu des

géniteurs et qui est le résultat de l’acte de procréation, et celui qui s’est extériorisé et incarné

par la femme, Pour le cas du dieu de la bible, le thème de la créature à l’image de dieu se

scinde entre la création de l’homme et celle de l’incarnation en la personne de JESUS.

Nous proposons de relire les théories économiques à partir de l’homme narré par

l’économiste et non pas à partir de faits économique à priori. Par cette façon, nous montrerons

que les théories économiques s’appuient non pas sur la recherche de plus de richesses

matérielle, mais aussi la recherche de plus de connaissance de soi de l’homme.

I ­ L’homme narré par Adam SMITH 

Nous utiliserons les deux ouvrages qui ont fait la renommée d’Adam SMITH pour en

faire une autre commentaire en vue de réattribuer le titre d’économiste a Adam SMITH.

Notre réflexion part de refus de l’affirmation admise dans le monde des économistes

réduisant les œuvres d’Adam SMITH à la théorisation de la Révolution industrielle. En effet,

SMITH décrit des activités professionnelles reconnues à son époque : des législateurs, des

hommes d’État pour qui d’ailleurs s’adresse sa Richesse des Nations, « le peuple ... qui se

procure ce revenu et cette substance abondante» (C’est parce que Adam SMITH parle de

situation d’abondance que les commentateurs de sa pensée suggère qu’il décrit la Révolution

Page 254: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

251

industrielle). Dans ces dénominations d’activités professionnelles, Adam SMITH montre le

travail et son stock, tout en sachant que le travail est une faculté détenue spécialement par

l’homme. En remontant encore plus loin l’idée maîtresse du travail, fractionne le travail entre

des groupes d’activités professionnelles socialement reconnues.

Ce dernier est donc le principal protagoniste du discours. La lecture économique

usuelle focalise leur étude sur la relation entre l’abondance de la richesse et le travail et

conclue alors que c’est le développement du capital ou de l’organisation humaine qui a permis

la richesse. C’est ainsi qu’est née la conception selon laquelle Adam SMITH a théorisé la

Révolution industrielle.

Nous récusons également la lecture usuelle de l’homme narré par Adam SMITH qui

insiste sur le fait que ce dernier relate non pas d’un individu héro, mais de groupe d’individus

face à d’autres groupes.

Adam SMITH, en effet, n’a pas mentionné aucune invention de son temps alors que

celle-ci a été à l’origine de l’industrialisation, mais il avait seulement étudié les effets de

l’industrialisation sur les hommes ; d’où sa proposition fondamentale selon laquelle l’homme

ou le travail est la principale source de la richesse. Cette proposition est l’objet de récit

d’Adam SMITH.

1°) Le récit de l’homme dans la narration d’Adam SMITH 

Dès l’introduction de la Richesse de la nation, Adam SMITH « raconte » comment et

pourquoi l’action de l’homme est un cueilleur de la richesse. Son récit est un conte relatant un

archétype de situation. Or, la richesse, selon Adam SMITH est de la substance vitale et que

celle-ci n’est pas le fruit du travail direct de l’individu, mais de la coopération des hommes ;

l’homme est, par ce fait, un être dont les activités lui sont rémunérées par un moyen

rapportant de la substance vitale. Le récit qu’offre Adam SMITH est une identification de la

richesse, une révélation des moyens pour que cette richesse permet la reproduction de

l’homme. Adam SMITH a une vision de l’homme situé à côté de la richesse et qui ne fait que

la cueillir avec les moyens que seul possède l’homme.

En plagiant le premier chapitre et le premier verset de l’Evangile de Jean, Adam

devrait écrire qu’ « à l’origine, il y avait le travail et l’échange, et le travail et l’échange

Page 255: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

252

étaient dans l’homme, et le travail et l’échange « est » l’homme »144. Dans son chapitre

introductif – que nous ne nous lassons pas de reproduire – Adam SMITH commence son

œuvre par le thème de travail. Ce dernier fournit les « choses nécessaires et commodes à la

vie » - ce que les économistes traduisent par le mot « biens » ou en anglais « goods ». Adam

SMITH, cependant, ne s’est pas arrêté à ce point, car pour lui, ce n’est pas seulement par la

production que l’homme reçoit les denrées mais aussi par l’échange. Ce qui conduit à l’image

suivant de l’homme : un être à la fois producteur/consommateur et échangeur. L’homme

d’Adam SMITH, non seulement sait intuitivement la richesse, mais il est le seul être à le

rendre réel. La richesse n’a de sens que par le caractère de l’homme. Les successions de

thèmes d’introduction de la « Richesse des Nations » montrent cette conception smithienne de

l’homme : au début de sa phrase, les propos (le récit) de SMITH se portent d’abord sur le

travail et la Nation ; puis, l’intermède du thème des « Nations sauvages » permet à SMITH de

parler de la famille et de tribu, alors que le thème de travail pèse encore sur son récit.

Adam SMITH, ainsi, n’a que peu de pensée en termes de l’homme en général ; sa

réflexion est plutôt orientée vers le comportement de l’individu, sinon de la collectivité

humaine, en l’occurrence, la Nation, en rapport avec le besoin. La « Richesse de la Nation »

peut être aussi un essai sur la « Richesse de l’homme », étant donné le développement actuel

de la théorie économique actuelle s’ouvre vers le thème de l’environnement en général.

L’homme et son environnement naturel sont les thèmes tacites de la théorie de SMITH. La

question de « l »’homme n’apparaît chez lui que pour exploiter les dispositions naturelles de

l’homme. Il ne s’agit cependant pas de n’importe quel individu, mais seulement de ces

individus qui peuvent se mettre à la place des autres et en même temps qui peuvent laisser

leur place aux autres sans que soit menacée la continuité des activités de l’individu en

question. Ce caractère est la sympathie.

Le récit économique est possible à cause de la sympathie qui existe non seulement

entre les protagonistes du récit (par exemple entre l’offreur et le demandeur), mais aussi entre

l’économiste et les agents économiques. Ce type de récit se retrouve alors dans les sujets

ayant pour objet la recherche de la compréhension de la logique de comportement ou encore

dans les récits sous forme d’analyse de comportement. Nous précisons ce type de recherche

dans la sous-partie suivante.

144 Voici le texte du chapitre 1 Verset de l’Evangile de Jean : « Au commencement, était le verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était dieu »

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253

Adam SMITH avait aussi localisé l’homme à travers le comportement de l’homme

« sensé » ou du « bon père de famille. Le bon père de famille ne prend pas de risque, alors que

le père sensé ne cherche qu’à profité de l’opportunité offerte. D’où l’homme d’Adam SMITH

maximise ses profits étant donné les circonstances ; il exploite efficacement sa présence pour

produire le maximum de bien et pour jouir de ses produits du travail. Dans ces conditions, cet

homme est partagé entre deux considérations que les critiques littéraires considèrent comme

antagoniques : le moral et l’économique. Le moral montre que l’homme réagit en fonction des

normes. D’autres critiques, par exemple celles de Thomas BUCKLE, soutiennent l’unité de la

préoccupation de la Théorie moral et la Richesse des Nations d’Adam SMITH. Selon Thomas

BUCKE, Adam SMITH est préoccupé par l’étude de l’âme humaine. Cette dernière est

composé de sympathie et d’égoïsme (DELATOUR 1886, page 69).

2°) De la construction du récit de l’homme dans la théorie d’Adam SMITH 

Il est intéressant de se demander de quel récit Adam SMITH tenait-il sa conception

cosmologique et anthropologique. Dans son introduction de la « Richesse des Nations », plus

particulièrement lorsqu’il relate les faits des communautés humaines « civilisées et en

progrès », en effet, SMITH constate que l’homme consomme plus qu’il n’avait produit et que

certaines personnes oisives consomment plus que les travailleurs eux-mêmes. L’explication

de cette situation est double selon l’interprétation de récit de SMITH : celle qui considère le

récit de SMITH comme étant un récit de l’individu déduit que cet auteur met l’accent sur la

productivité de travail et sur les effets positifs de la spécialisation, et celle qui, comme nous,

soutient que SMITH parle de l’homme en général et défend l’idée de l’équilibre entre

l’homme et la nature, c’est-à-dire que le travail fourni en général par l’homme est suffisant

pour la satisfaction du besoin global de l’homme.

La théorie économique usuelle attribue la paternité du thème de l’individu égoïste et

actif au sein de la communauté théorie (ou du « récit » selon notre contexte) de SMITH à

HOBBES. Or le sentiment et la vertu n’ont de sens que lorsqu’il profite un individu, y

compris celui qui les possède. Adam SMITH est obligé d’en parler pour mieux décrire le

protagoniste de ses récits. Pour cela, il consacre une autre littérature : « La théorie des

sentiments moraux ». Dans cet ouvrage, Adam SMITH retrace l’intérieur de l’homme.

Conformément aux usages de son époque, l’intérieur de l’homme est composé de sentiments

de vertus, personnifiés selon le récit oriental pour être jugé et envoyé au tourment éternel ou

au bonheur éternel. L’égoïsme n’est pas un vice, ni, un mal dans la mesure où ce thème est

Page 257: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

254

reconnu. Comme Maître ECKHART et consorts, Adam SMITH reconnaît la dualité de l’être

humain : l’homme intérieur et l’homme extérieur. C’est le contexte intellectuel dans lequel

vivent les auditeurs du récit de SMITH, composé d’auditeurs ayant le récit de l’homme narré

par les physiocrates et les mercantilistes qui a obligé SMITH de tenir en compte des thèmes

comme les classes sociales et la différence entre les hommes.

Adam SMITH n’a pas fait une comparaison de deux ou de plusieurs communautés,

sauf la fois où il écrivait que l’homme à la fois frugal et travailleur satisfait ses besoins plus

qu’« un roi d’Afrique, maître absolu des vies et des libertés de dix mille sauvages nus

(SMITH 1776, page 21). La communauté y est représentée par le droit et le pouvoir de leur

individu le plus souverain : le pouvoir de vie (et de mort) et de la consommation. Cette

différence de l’action possible entre un potentat d’une communauté ne reconnaissant pas le

droit de la propriété individuel et le modeste individu qui n’a que son travail pour vivre est

développé par le philosophe français FOUCAULT qui a introduit l’expression de « pouvoir

sur la vie » ou biopouvoir. La comparaison n’est qu’un récit comme un autre et n’ a

d’objectifs que de montrer à la fois la ressemblance et la divergence entre les deux

communautés. Dans cette comparaison, la ressemblance désigne l’homme, et la divergence,

chaque homme.

Dans sa « Richesse des Nations », Adam SMITH pointe sur un thème important :

l’ordre social. Il distingue deux sphères différents : le production et la distribution. Ce thème

est le résultat d’une conception selon laquelle l’homme est à la fois un producteur et qui doit

aussi répartir ses produits afin que soit assurée la reproduction sociale ; il vise à une

représentation de l’homme à travers les liens (échange) et les matières (la production). Les

problèmes qui en découlent (insuffisance de la production, sous-emploi des facteurs, le niveau

pratiqué du prix) sont en réalité des problèmes de l’homme, des problèmes philosophiques,

seulement appréhendés à partir d’une vision de l’homme décentré ou désintégré, là où le Livre

de Genèse de la Bible parle de l’homme à la fois faisant corps unique avec la femme et séparé

de la femme. Dans cette foulée d’idée, Adam SMITH n’a pas retenu l’oracle divine de

« l’homme qui se sépare de sa famille pour s’unir en un ordre nouveau avec sa femme » ; ce

qui sépare l’homme entre eux, d’après SMITH est la production et l’échange,

3°) Le cadre de capture de l’idée de l’homme dans le récit d’Adam SMITH 

SMITH n’est pas insensible à la nature ; il veut montrer l’harmonie entre le lieu de la

production (la nature et l’entreprise) et le lieu de la consommation (le ménage et ses

Page 258: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

255

sentiments). SMITH ne peut percevoir l’homme hors des thèmes de la production et de la

consommation. Le thème de l’échange n’apparaît que lorsque l’homme n’est pas appréhendé

dans sa totalité, mais avec ses composantes d’individus. Ce cadre, dans la théorie de SMITH,

est le global et atemporel ; il forme un boucle, car toutes les activités de l’homme sont

destinées à la réalisation de son bonheur matérielle. Le producteur s’enrichit non pas de

l’accumulation de biens mais de la satisfaction de ses besoins. Mais entre la production et la

consommation, s’interposent l’échange et la redistribution. Ces dernières relèvent à la fois de

l’économique et de la morale. Ils sont nécessaires à cause de leur efficacité dans la

production, mais ils font aussi le mécanisme d’accaparation égoïste du produit du travail

social.

Selon la présentation usuelle de la théorie d’Adam SMITH, l’espace éthique est lieu de

privilège de cadre de l’homme. SMITH reconnaît le rôle de la nature comme condition de la

valorisation du travail humain : Les premières civilisations, écrivait-il, étaient installé dans les

régions côtières de la Méditerranée qui ont les particularités d’avoir une mer calme et de

nombreux îlots permettant l’invention de la navigation. Il consigne aussi le rôle de l’eau aussi

bien pour l’agriculture pour le transport : « Puisque le transport par eau offre de si grands

avantages, il est donc naturel que les premiers progrès de l'art et de l'industrie se soient

montrés partout où cette facilité ouvre le monde entier pour marché, au produit de chaque

espèce de travail, et ces progrès ne s'étendent que beaucoup plus tard dans les parties

intérieures du pays » (Page 26). .

SMITH reconnaît aussi le rôle des étendus immenses de terre pour la promotion de

l’agriculture. « L'intérieur des terres peut n'avoir pendant longtemps d'autre marché pour la

grande partie de ses marchandises, que le pays qui l'environne et qui le sépare des côtes de la

mer ou des rivières navigables. Ainsi, l'étendue de son marché doit, pendant longtemps, être

en proportion de ce pays et, par conséquent, il ne peut faire de progrès que postérieurement à

ceux du pays environnant. » (page 27)

L’homme de SMITH vaque entre les activités de pêche, de l’industrie et de

l’agriculture ; seulement l’industrie l’attire à cause de la division du travail qui, combinée

avec l’échange, est la source de la richesse.

Le mot « production » a été utilisé par SMITH pour parler des activités de l’homme

tourné vers l’extérieur. Le rôle de la production est de mettre en relief le thème de l’échange

et le travail, car Adam SMITH n’envisage pas une unité de l’homme. Pour lui, l’homme dont

Page 259: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

256

il raconte est à la fois le producteur et le consommateur ; ce ne sont pas deux entités

différentes et distinctes, mais une seule et unique personne, peut-être

La mise en scène utilisée par Adam SMITH est de mettre en premier plan, non pas le

travail, mais l’industrie, et non pas le sentiment et le penchant naturel pour faire le bien, mais

un état quasi-pathologique de réactivité devant les circonstances profitables. Imaginez un

environnement favorable à la coopération pour exploiter un profit, et vous y rencontrerez

l’homme qu’Adam SMITH a voulu décrire. L’industrie, la pêche, sont des lieux propice à la

manifestation de la propension à l’échange, aussi, en plagiant Adam SMITH, on peut dire que

ce n’est pas de la bonté de boulanger que nous attendons de lui nos pains, mais de la

manifestation pressante - pressée par le travail - de sa disposition naturelle à faire l’échange.

II ­ L’homme de la doctrine de John Stuart MILL 

Le récit de l’homme de John Stuart MILL est marqué par la volonté de ce dernier de

présenter l’homme libéré de la pression de la société. En outre, John Stuart MILL est une des

premiers narrateurs qui a identifié la différence de genre, ne serait-ce que dans son « De

l’assujettissement des femmes » (1869) dans lequel il défend l’égalité économique des genres.

Déjà dans son introduction, toute la disposition mentale du narrateur John Stuart MILL est

retracée.

« Je crois, écrit-il, que les relations sociales des deux sexes, qui subordonnent un sexe

à l'autre au nom de la loi, sont mauvaises en elles-mêmes et forment aujourd'hui l'un des

principaux obstacles qui s'opposent au progrès de l'humanité ; je crois qu'elles doivent faire

place à une égalité parfaite » (J. S. MILL 1869, page 4).

Dans ce texte, John Stuart MILL indique l’orientation de son récit (la recherche de ce

qui n’est pas mauvaise à dire et la recherche de ce qu’il appelle le « progrès de l’humanité »).

En outre, il s’adresse à des auditeurs spécialisés :des individus capable d’agir sur l’ensemble

de la société, et surtout animé par la raison. La narration de MILL se porte sur des faits

récents (l’industrialisation). Son objectif est d’agir sur la raison par l’apport d’argumentation

et surtout par la comparaison du modèle de l’homme actuel par rapport à ce qui devrait être.

1) Le récit de l’homme dans la pensée individualiste de John Stuart MILL 

MILL ne veut pas raconter la relation entre l’homme et la femme, mais de montrer

que l’homme (en général) peut avoir tort. Cette erreur provient de la violation des principes de

Page 260: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

257

l’égalité et de la fraternité ou de la relativité en vue du bien de tous qui est le « progrès de

l’humanité » dans la théorie de MILL. MILL raconte certes la vie en société idéale avec

laquelle, il montre l’homme et la femme idéale. Pour lui l’homme actuel est induit en erreur.

En outre, John Stuart MILL se préoccupe aussi des conditions de l’homme,

notamment dans la société. Une grande partie de ses idées sur ce sujet est exposé dans son

« De la liberté »145, il expose ses idées sur la limite du pouvoir de la société sur l’individu. Ce

n’est pas encore certes sur « l »’homme, mais sur l’individu, parce que derrière l’influence de

la société se cache le pouvoir dictatoriale d’un individu, le Prince. Les propos de John Stuart

MILL se portent en fin de compte sur l’opposition de l’individu et « le » Prince, le faible et le

fort ; ils auraient pu être, en quelque sorte, une œuvre de contenu comparable à une stratégie

militaire. Mais il n’en est pas du tout ainsi, parce que ce que cet auteur veut décrire c’est le

rapport entre deux forces antagoniques certes, mais interdépendantes : le faible a besoin du

fort pour le protéger, mais ce dernier au lieu d’assaillir sur l’ennemie commune peut aussi se

tourner vers le faible dont il est censé défendre. Le faible est alors obligé de se protéger non

plus contre une ennemie extérieure, mais contre son propre protecteur.

Le récit de John Stuart MILL sur le rapport entre l’individu et le prince, le faible

anonyme et le fort, dénommé est transposable au récit du rapport entre l’homme, étant donné

sa pluralité, et la divinité, forte, unique et inconnue. Ce rapport se trouve aussi entre la vision

de John Stuart MILL sur la femme relatée dans « De l’assujettissement de la femme » (J. S.

MILL 1869). Mais entre l’individu et le prince d’une part et la femme et l’homme d’autre

part, les arguments déployés par John Stuart MILL sont différents : Les femmes sont

assujetties, en apparence, par la loi, mais dans le fond par des sentiments fortement enracinés

dans les coutumes et les institutions du passé, alors que la relation entre l’individu et le Prince

est établie sur la base de la nécessité (de survie). Les deux thèmes sont, cependant argumenté

par le thème de progrès de l’humanité. L’oppression de l’individu aussi bien que celle de la

femme n’ont qu’un seul effet : une entrave au progrès. John Stuart MILL est un narrateur de

la salvation de l’homme. Pour lui, la narration de la salvation de l’homme relève de l’accusé,

c’est-à-dire le prince (devant le faible) et l’homme (devant la femme)146. Le Prince et

145 (S. J. MILL, De la liberté 1859) 146 Car la situation est comparable à une infraction à une présomption de liberté (naturelle) de l’individu. Il appartient, d’après MILL, conformément à la procédure judiciaire de son époque à l’accusé de fournir les preuves de son innocence. Le Prince opprimant l’individu ou l’homme opprimant la femme ont entravé la liberté respective de l’individu et de la femme ; il leur revient alors de prouver que leur domination est bénéfique pour la société.

Page 261: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

258

l’homme, évidemment, ne disposent pas d’arguments solides et implacables pour justifier leur

domination respective (alors que contre eux, MILL avance l’entrave contre la marche vers le

progrès). Conséquence, les récits et littératures produits par les princes et les hommes n’ont de

fondement que l’instinct et non la raison. Cela dénote l’homme de MILL : des êtres mus par

un instinct mal géré par la raison.

On note que dans le développement de sa pensée sur le thème de l’individu et non de

« l »’homme, John Stuart MILL mise sur l’égalité de l’homme : par exemple dans

l’ »Assujettissement de la femme », il affirme carrément que l’homme ne peut pas prouver

qu’il dispose des capacités de gouvernance que la femme ne possède pas. De même pour la

force du prince, il soutient que le prince a plus de privilège que de pouvoir. Les privilèges

accordés au prince relève plutôt d’une croyance forte à des récits mythiques accordés au

prince et non pas à une analyse objective de la question

2) Le cadre de la formation du thème de l’homme dans la théorie de John Stuart 

MILL 

Le thème de l’homme de MILL est conçu avec les thèmes de plusieurs individus ou de

groupes situés dans un thème de « progrès », de « liberté ». Le libéralisme économique se

caractérise par la croyance en la liberté souveraine de l’homme ; en outre il affirme aussi

l’égalité des individus entre eux. La conséquence logique de cette situation est la libre

entreprise. Théoriquement, cette liberté est aussi appliquée pour une augmentation de la

richesse personnelle de l’homme. Bref, avec le libéralisme, le thème de l’homme se

développe avec des thèmes et sujets différents.

Le « progrès de l’homme» est un concept nouveau de la narration. Le concept de

progrès date déjà de l’Antiquité romaine. D’après le QUICHERAT et DAVELUY 1922,

CICERON a utilisé le mot progrès (du latin « progressus ») dans le sens de avancer.

CONDORCET un philosophe du XVIe siècle l’avait aussi utilisé, mais cette fois-ci avec la

philosophie. Son adjonction avec l’humanité indique une nouvelle façon de voire l’homme.

Elle dénonce un thème nouveau : l’humanité se déplace et se dirige vers un lieu. Dans la

théorie de John Stuart MILL ce n’est pas seulement l’homme qui progresse, mais aussi la

science. Une recherche sur l’usage du mot « progrès » dans des documents en format

numérique de sciences sociales et humaines de différentes années de publication montre

empiriquement que ce mot exprime une idée correspondant à celle de changement et

Page 262: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

259

d’évolution pour un thème en rapport avec l’idée et la spiritualité. Les rédacteurs-narrateurs

de la littérature européenne ont voulu distinguer l’idée et la matière par l’usage de concepts

différents.

Teillard de CHARDIN, dans « Le phénomène humain » (1956) a étudié le mécanisme

du progrès dans le sens de son effet sur les valeurs et les choses abstraites en rapport avec

l’homme147 : Le progrès est le résultat « de surcroît d’efforts et donc de puissance » humains.

Ce supplément provient de besoins nouveaux ou d’un accroissement des ressources du

monde ; en outre le progrès engendre aussi le progrès148 (croissance endogène). Le progrès de

l’homme passe par des mécanismes combinant la physique et le psychique que le progrès

trace une ligne et un sens pour la vie149

Le concept de progrès a engendré une autre imagerie dans la narration : « le pas » ou

le « grand pas », la « marche ».

John Stuart MILL a placé le sujet « l »’homme dans une perspective progressiste.

Deux cas peuvent alors apparaître pour interpréter ses propos sur les thèmes de la liberté et

progrès qu’il a placés pour parler de l’homme : ou bien il reconnaît l’existence du sens de la

vie et de l’action de l’homme – et qui seront d’après TEILHARD de CHARDIN développés

par la science future, une sorte de dévenir collectif de l’espèce humain, ou bien, il pense tout

simplement à la solution des problèmes généraux du passé (exemples inégalités et oppression

des individus).

Le thème de l’homme dans un contexte de liberté est un sujet complexe : l’homme,

présentement libre, s’achemine, malgré lui, vers un devenir déterminé par sa propre nature. La

rationnalité est alors le principe salvateur de l’homme ; peut-être qu’il est un empêcheur de la

réalisation du destin.

147 TEILHARD de CHARDIN Pierre, (1956), « Le phénomène humain », Ed. du Seuil, Paris, 348 pages (TEILHARD de CHARDIN 1956) 148 « Un progrès fait d’autres progrès aussi durables que lui. Un mouvement de mouvements » (TEILHARD de CHARDIN 1956, page 115). 149 « Je voudrais faire comprendre ici pourquoi, tout anthropocentrisme et tout anthropomorphisme mis à part, je crois voir qu’un sens et une ligne de progrès existent pour la Vie, — sens et ligne si bien marqués, même, que leur réalité, j’en suis convaincu, sera universellement admise par la Science de demain » (TEILHARD de CHARDIN 1956).

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260

III ­ L’homme des modèles de la situation économique 

Les théoriciens classiques ont construit leur théorie à partir des observations de

l’homme sur terrain et des conceptions déduites de chaque théoricien sur leur propre vision de

l’homme. Les néoclassiques pour leur part, ont dépouillé l’homme du sentiment et ont élaboré

une théorie basée sur la logique économique. De telle conception n’existe que dans la théorie

géométrique de SPINOZA. Dans cette démarche, l’homme n’a de place que par des

comportements hypothétiques (exemples le vouloir mieux-être, ou le vouloir avoir plus que

moins de richesse) ; en outre, le problème est détourné vers des thèmes quantifiables et non

pas qualifiables. Enfin les keynésiens ont étudié la question en termes de comportement

agrégé des agents économique, faisant en sorte que leur étude se porte sur l’homme « en

général ». Cette position entraîne alors une sorte de la vision duale de la réalité : l’homme et

l’économique. L’homme agrégé représente l’homme en général, avec ses qualités et

faiblesses ; à côté de lui, se situe l’économique dont les caractères sont des reflets de ceux de

l’homme en général. Aussi, décrire l’homme, c’est aussi entrevoir l’économique. Nous avons

étudié cette thèse dans cette approche.

1°) Le modèle de l’homme d’HARROD DOMAR 

HARROD et DOMAR n’ont pas traité explicitement le thème de l’homme ; leur

domaine ou du moins le thème qui fait leur réputation est la croissance économique et

l’investissement. Mais les biens matériels produits ainsi que l’engagement de l’homme pour la

production sont aussi une sorte de représentation de soi de l’homme : un être qui a des besoins

qui ne peuvent être satisfait que par des moyens figurés par l’homme. L’homme est donc du

besoin et de la capacité de représentation des moyens dans le modèle d’HARROW-DEBREU.

Des thèmes spécifiques sont alors associés à cette image de l’homme qui est forcément dans

l’action : de l’anticipation, de la mesure de l’intensité des besoins et du recensement des

moyens.

L’anticipation est une suite du thème de la rationalité. Elle a été enlevée de dieu et

remise à l’homme. Dans la littérature, en effet, seul dieu a la capacité d’anticiper ; Telle est

d’ailleurs la sentence de dieu à propos des conséquences de l’arbre au fruit interdit. Puis,

l’économie s’était saisie du thème et l’a fait partie de l’homme. Elle est aussi la source de la

faiblesse de l’homme, car les philosophes ont constaté les limites de la raison

Page 264: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

261

L’homme se distingue aussi par sa capacité de mesurer l’intensité du besoin. L’idée est

que comme la production, l’intensité du besoin varie aussi.

Le recensement des moyens est aussi le propre de l’homme d’après HARROD et

DOMAR

2°) Le modèle de Vernon SMITH 

Vernon SMITH (Prix Nobel d’économie en 2002), à la différence des économistes

usuels, a bâti sa théorie économique non pas par une observation sur terrain du comportement

de l’homme, mais par une reconstruction des conditions économiques dans lesquelles

l’homme se découvre. Il a reproduit des situations de marchés de capitaux et des facteurs ainsi

que des cadres juridiques (dérèglementation par exemple) dans lesquels les prises de décision

sont mises en relief. L’homme, dans le modèle de Vernon SMITH, est un lieu de décision.

Tout comme l’homme d’Adam SMITH, l’homme de Vernon SMITH est confronté par

l’opposition entre l’éthique et le moral. Aussi, on peut déduire de cette conception l’idée selon

laquelle l’homme est à la recherche d’une sérénité obtenue par l’appariement des contraintes.

Sa méthode de travail permet de vérifier et de confirmer certaines propositions

économiques. L’une de ces démonstrations nous intéresse plus particulièrement : celle

permettant de déduire la construction de l’homme par agrégation de comportement. Dans un

de ses tests, Vernon SMITH, en effet, s’est demandé comment se reproduit l’équilibre

économique devant la venue d’un nouveau participant. Cette situation est à mettre en parallèle

à celle où un homme satisfait des conditions économiques qui prévalent voit arriver d’autres

valeurs susceptibles de remettre en cause ses propres valeurs.

Les constats de Vernon SMITH apportent de nouvelles connaissances sur l’homme :

l’équilibre se reproduit s’il y a un équilibre entre les offreurs marginaux et les demandeurs

marginaux, autrement dit et selon nos occurrences, les changements de circonstances

n’affectent pas l’homme tant qu’ils répondent à son attente. Conséquence, une analyse

diversifiée de la nature de l’homme est toujours possible par l’exposition des diversités de

condition de l’homme. La méthode de Vernon SMITH apporte une justification de l’unicité

de l’homme dans la diversité des circonstances.

En outre, les travaux de Vernon SMITH ont pu démontrer que l’information totale

n’est pas la condition de l’efficacité du marché. Les agents économiques n’ont pas besoin de

disposer de toutes les informations pour parvenir à la fixation d’un prix de marché. Cette

Page 265: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

262

conclusion confirme encore l’hypothèse selon laquelle ce n’est pas le cadre social qui fait

permet de découvrir l’homme ; l’homme n’est pas une fiction ou une idéale, mais une réalité.

CONCLUSION DE LA SECTION : VERS UNE SYSTEMATISATION DES CONDITIONS DE QUESTIONNEMENT SUR L’IDENTITE DE L’HOMME

En gros, la question sur l’homme provient du conflit intérieur ou du trouble

intellectuel issu de la cohabitation de valeurs et de cultures différentes, sinon du constat de la

présence d’un autre système de valeurs. C’est cet aspect qui a incité la curiosité des narrateurs

– producteur du thème de l’homme. La question de conflit de valeur est un thème

économique, développé cependant hors des référentiels de la formation de la valeur (en

l’occurrence, hors du marché150).

Le thème de l’homme se construit par l’accumulation des réponses subjectives

fréquentes apportées par chaque individu dans les innombrables communications

quotidiennes. Ces réponses peuvent être interprétées comme une position stratégique du sujet

et de l’homme devant l’incertitude de la réponse. Les uns ont représenté l’homme à travers les

lignes ou la forme du corps humain, alors que d’autres sont allés au-delà du visible pour

explorer la partie insaisissable de l’homme, et ce sous forme d’expressions artistiques les plus

inattendues. Des données concrètes et ayant obtenus un consensus entre le narrateur de la

vision – que nous sommes – et l’auditeur (le lecteur de la présente thèse) sont en train de

prendre forme ; « l »’homme n’est plus une image somnolant dans l’inconscience de chaque

être humain, mais, grâce à la communication, il est une esquisse, au moins, il n’est plus un

monstre.

La représentation de l’homme par le profil n’est cependant jusqu’à présent

satisfaisante, parce qu’elle ne peut pas concilier la représentation de l’homme intérieur et celle

de l’homme situé. Les donnés des esquisses sur l’homme s’appuient sur des éléments socio-

démographiques (exemples âge croisé à un domaine d’activités ou d’intérêts) avec lesquelles

on imagine le mode de vie et de fonctionnement de l’homme en question. Mais si on se place

du côté du narrateur exploitant ou utilisateur de ces données, le thème de l’homme n’y est que

« besoin », « liberté », etc., bref, des propos de l’économie politique. Le narrateur pense et

place son récit dans le monde du réel. Entre le narrateur et l’auditeur s’interpose la réalité ; et

c’est cela qui est repris par la science économique. Ainsi, l’usage du concept homo

150 En théorie économique, son étude relève de la théorie de jeux : d’abord un enjeu dans le choix des termes de communication et de persuasion, ensuite du jeu stratégique dans les termes des gains proprement dits.

Page 266: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

263

œconomicus par la science économique qui se veut être d’origine du monde réel doit passer

par l’intermédiation de la narration. L’homo œconomicus provient du monde intérieur

(introspection, entre autres) de l’économiste. Pour cela, il place ses propos dans un monde réel

(caractérisé par des données statistiques et socio-politiques). A ce niveau, ses propos

deviennent compréhensibles. Le réel est donc le lieu commun de la narration économique.

Une confrontation de « l »’homme de la littérature et inévitable : l’homo œconomicus

représente-t-il la tendance de l’esquisse de l’homme qui se dessine dans les réseaux de

communications sociales ? L’idéal peut-il passer par le clivage du réel et se rapprocher ainsi

de l’homme de l’économie ? Nous devons donc cribler le modèle général de l’homme de la

littérature, celui qui est le produit de la philosophie et de la religion à la réalité. Tel est l’objet

de la section suivante.

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264

SECTION II – DE L’ETAT DE LIEU DES RECITS DE L’HOMME IDEAL DE CERTAINES RELIGIONS INTRODUCTION :

A propos du réel

Le réel est aussi un thème développé par le thème de l’homme. Déjà dans l’Antiquité

grecque, PARMENIDE, un philosophe grec posait l’homme comme étant à la fois la source –

par la raison et non par le sens – de la vérité absolue ou encore du discours vrai151 et la source

d’ « opinion », une vérité relative. L’homme est de ce fait capable d’énoncer des vérités

absolues, des réalités, aussi bien que des apparences trompeuses sous forme d’opinions. Dans

la langue sémitique, par contre, le réel est appréhendé avec une autre imagerie. Le

dictionnaire Arabe-Français152 associe le terme de « réel» avec « situé », « tangible »,

« concret », « véritable » (« ؤاقِع» littéralement « ouaqi’ha »), sinon « droit », « raison »,

« vérité », « authentique » (« ًحق» littéralement « haqq »). La réalité est alors une question de

position et de droit. Dans la langue latine de qui découle, entre autres la langue française du

mot réel, le mot « realis » dont l’origine est « res » désigne la « chose » - nous rapprochant

alors du mot malgache « zavatra » - est connoté avec « concret », « qui existe

véritablement », « conforme à ce qui doit être ou prétend être». Le réel est un propose de

parole et d’affirmation de ce qui est, ou de ce qui se situe dans un lieu, ou encore un terme

d’affirmation de vérité.

Dans la pensée grecque, le réel est aussi une force dicible qui s’élève au dessus des

contraintes de la vie quotidienne et au dessus des circonstances. Cette force s’obtient par une

sorte d’un mouvement inverse à la manifestation, par un retour conscient ou non vers soit.

Elle possède elle aussi sa forme ou sa description. Les écrivains utilisent de métaphores ou de

comparaisons avec les forces extérieures, notamment celle de la nature pour décrire cette

force. Dans le domaine scientifique, par contre cette force a été évaluée en laboratoire sous

forme de tests divers de resistance, par exemple le test de Milgram évalue la capacité d’un

individu à obéir à un ordre (c’est-à-dire à faire taire ses sentiments pour puiser sa motivation à

dans une déterminant extérieur). Les résultats ont permis à dresser le profil des individus

appropriés pour des activités spécialisés. Pour notre part, ces tests permettent de montrer la

151 Voir ENCARTA, « Parménide », Microsoft Corporation, 2004 et (BREHIER, Histoire de la philosophie T I 1928) 152 Voir (REIG 1983)

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265

variété des sentiments intérieurs chez les hommes ainsi que leur adéquation relative aux

contraintes de la pratique. Il découle alors qu’au lieu d’avoir un profil sociale en rapport avec

une activité ou une fonction, l’homme est plutôt préfiguré par les qualités de sa vie intérieure.

Cette façon de faire suppose l’existence du « bon » en général (dont appartiennent les

vertueux) et du mauvais. Par cette façon de faire, nous soutenons donc implicitement que

l’homme est un être animé par le sens du bien et qu’il évite le mal. A l’extrème, la forme de

l’homme est celle que représente le Bien et le Mal dans la culture. La figuration du bien et du

mal permet par conséquent de donner l’image de l’homme, le bien étant l’idéal et oriente le

sens des activités de l’homme.

Vers la confrontation des thèmes de l’homme entre eux.

Nous pouvons alors traiter l’image de l’homme par l’homme à partir de la

représentation littéraire et artistique du bien et du mal universellement admise (par exemples

la bête), ou encore du réel et du superficiel, des jugements justes ou raisonnables contre ce qui

sont faux et imitation. Mais dans la pratique il se peut que l’homme peut émettre la vérité que

l’on croit cependant n’être que de l’opinion et déprécié pour cette raison, ou encore que

l’opinion soit considéré comme une vérité et apprécié pour cette raison. L’homme qui a perdu

lessens de la raison, de la vérité ou de l’authenticité ne peut pas alors saisir la réalité ; il est

condamné à vivre dans un monde où, il n’y a ni de bien ni de mal absolus, ni valeur absolue,

mais seulement de valeur relative. De tel homme est alors condamné à errer dans un espace

d’imprécisions et sans définition du bien et du mal, ni de valeur réelle de choses. (Nous

préciserons dans le livre second de la présente thèse que cet espace n’est rien d’autre que

l’économique). L’homme défini par la littérature oscille entre le bien et le mal, étant donné la

relativité culturelle de ces derniers concepts. Cet homme n’est ni « bien » ni « mal », telle est

la figure universelle de l’homme. L’homme du modèle, qu’il soit économique ou religieux,

pour sa part, vit dans un monde proche de la vérité, de l’authenticité et de la réalité. Aussi

bien que ces derniers concepts ne sont pas un domaine de la rhéotorique et d’argumentation,

la pratique utilise implicitement de plus en plus ces thèmes comme champ ou comme critère

de discours. L’intelligibilité se définit d’une façon ou une autre par rapport à la réalité, par

rapport à la possibilité de la réalisation de ce qui est narré.

La littérature et l’économie se rejoignent donc par le fait qu’elles sont exposées à des

règles critiques de la vérité, de l’authenticité et surtout de la réalité ; l’homme de la littérature

et l’homme de la science économique sont comparables par leur mise en situation dans le

Page 269: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

266

monde du réel. Le lieu théorique ou mental défini comme un espace ou une distance par

rapport au réel dans lequel se place l’homme dicible est un champ d’argumentation, de

conceptualisation et de la narration de l’homme. Ce n’est pas le réalisme de la narration qui

compte, mais le fait de placer l’objet narré dans l’axe de la réalité, de l’authenticité et de la

véracité. Nous pouvons alors affirmer que les débats philosophiques opposant les partisans de

la vérité mythologique et ceux de la logique et du raisonnement ont été le lieu de gestation du

thème de l’homme. En outre, chaque position narrative ne se définit pas seulement par à la

réalité et ses connotés, mais aussi par rapport à d’autres narrations : le thème de l’homme se

construit à la fois par la réalité et par sa disposition par rapport aux autres positions. Des

propos sur le thème de « l »’homme peuvent être identiques, ou similaires ou différentes. Le

thème de l’homme est à l’origine de représentations multiples sur l’homme formant un réseau

tissé autour du point … vide de la vérité, de l’authenticité, de la réalité.

Ne connaissant pas vraiment le réel, aucune œuvre littéraire ne peut donc pas servir

d’étalon. De même, des questions sur les règles permettant de mesurer et de mettre en crise

l’ensemble des thèmes de l’homme n’ont pas été encore établies. Par contre, il est fort

possible que quelques types de récit forment une sorte de courant dominant autour duquel se

tissent momentanément quelques récits. Dans l’Antiquité grecque, par exemple, le thème de

l’homme est élaboré à partir des récits dominants de la divinité et de la mythologie ; l’homme

idéal ou l’homme représentatif dominant est le dieu, sinon la femme (la faiblesse de dieu ou

de l’homme). Dans l’Égypte ancien également, l’homme idéal ou le thème idéal de l’homme

est celui qui habite dans le monde de RÊ le soleil ou dans son entourage. Le récit de l’homme

est alors le dressé en fonction de la loi – devenue la pièce d’identité de l’homme. Dans le

monde judéo-chrétien, le thème de l’homme se définit à la fois par la loi (comparable à

l’approche égyptienne de l’Antiquité) et au … « Fils de l’homme », JESUS. Enfin, dans le

monde de l’économie, l’homme idéal est celui qui réalise sa fonction de comportement

(maximisation de profit ou d’utilité) dans un système d’échange marchand.

Aussi même si la doctrine idéale sur l’homme n’existe pas encore, même si la mesure

de l’art n’a pas été encore confectionnée, le peu que nous pouvons faire est de consigner la

trace du thème de l’homme par la position de chaque discours par rapport à d’autres, comme

si devant l’horizon du dire de l’homme, nous localisons le halo du spectre du phénomène de

thème de l’homme. La question ouverte est alors : Où en est chacune de ces représentations de

l’homme par rapport à ce qui se dit sur l’homme ? La question n’est donc plus de savoir

qu’est-ce qui se dit sur l’homme, mais étant donné d’autres bribes de propos sur l’homme

Page 270: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

267

quel est le rapport de chaque partie par rapport à un propos appartenant à l’ensemble de ce qui

a été déjà dit. Nous allons donc voir l’état de lieu du thème de l’homme par rapport à ce qui se

dit en économie. Mathématiquement, cette deuxième section étudie la position d’un élément

d’un ensemble par rapport à chaque autre élément du même ensemble. Si cet ensemble est

quantitatif, chaque élément se definit par rapport à l’autre élément pas des grandeurs

quantitatives qu’on peut ordonner, et l’ensemble lui-même est susceptible d’être dénombré en

quantité. Maischaque thème de l’homme est un ensemble d’éléments qualitatifs, il appartient

à une partie ou à une sous-partie par union ou par intersection .

Avec les réponses à ces questions, nous serons plus proche du thème de l’homo

œconomicus.

Pour répondre à ces questions, nous allons voir ce que la religion a dit sur l’homme

par rapport à ce que l’économie, car les religions sont parvenues à un système de discours sur

l’homme. Nos réflexions ne portent pas sur la quête de l’essence de la religion en question,

mais sur sa partie la plus dite, la plus vulgarisée de leurs propose ; nous exposerons leurs

arguments principaux ou leur sujet favori, leur « kiady153 ». Ces sujets sont aujourd’hui le

champ de batail entre la religion et la science économique. A notre avis, à l’état actuel de la

question sur le thème de l’homme, le champ de dispute se porte sur les sujets de la richesse et

de l’activité humaine ; le thème de l’homme développie la vie comme une richesse, ou encore

la richesse comme sujet directeur sur le sens de la vie. Si nous utilisons les thèmes de

PARMENIDE, nous reconnaissons que ce que nous faisons n’est que de l’apparence, de

l’opinion et non pas de l’essence et de la réalité ; en diluant le thème de l’homme dans celui

de l’action et celui de la richesse, ne sommes-nous pas en train d’émettre nos opinions ? ne

sommes nous pas en train de focaliser nos regards sur de l’apparence ? Mais, plus fort que

nous – les êtres humains contemporains – cette apparence, cette opinion et cette apparence ne

sont-elles pas devenues une science avec Adam SMITH et les économistes ?

Ainsi, pour traiter le thème de l’homme dans un contexte contemporain tout en restant

dans le fil d’idées commencé et ouvert par la religion et ses affirmations fondatrices du thème

de l’homme, nous exposerons successivement le thème de la richesse sur la base de la religion

judéo-chrétienne et le thème de l’ « action » selon le langage de la religion hindou et qui est

traduit simplement en économie par le thème de la production. Ces deux religions

représentent plus de la moitié de la pratique religieuse du monde, et chacune d’entre elles

153

Page 271: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

268

adoptent une conception différentes pour expliquer et justifier un phénomène identique. Leurs

différences cependant n’ont pas atteint un état antagonique ; nous ne pouvons donc pas nous

targuer de présenter une réflexion totale du récit de l’homme idéal, mais seulement avancer

deux états possibles de la question, et entre ces deux états, nous traçons implicitément un lien

ou une direction possible de la réflexion. Aussi, à la fin de chaque paragraphe, il n’y a pas de

vérité qui tienne, ni démonstration convaicante, mais un début de réflexion, une possibilité

d’explication et de fait. En outre, à ce niveau de réflexion, des déplacements intellectuels se

sont glissés: nous avons passé de la narration d’un homme particulier vers la narration de

l’homme en général, ou de l’homme universel.

PARAGRAPHE 1 – DE L’ETAT DE LIEU DU THEME DE L’HOMME SAISI A TRAVERS LE SUJET DE LA RICHESSE DEVELOPPE ET VULGARISE PAR LA BIBLE PAR RAPPORT A L’HOMME DEVELOPPE PAR LA SCIENCE ECONOMIQUE

L’homme de la bible a été défini par certains philosophes par sa position vis-à-vis des

autres animaux : l’homme est le dernier produit de la chaîne de la création après les végétaux

et les animaux et dans sa création intervient plus particulièrement le souffle divin. Mais

derrière ce préalable, il y a aussi une double révélation : la position particulière du narrateur

(dieu ou son inspiration) et le thème de la richesse (la nature est richesse de l’homme, et

l’homme est lui-même une richesse de la divinité ou du diable).

I – La nature est une richesse de l’homme  

Lorsque l’homme se voit confier une mission particulière et distinctive de celle de

l’homme en général ou différente des activités quotidiennes de l’homme, il s’individualise et

se détache de l’homme en général. Cette situation est celle des héros, sinon celles des fous, ou

celle des individus dont l’activité a fait l’objet de la narration, tellement elle est unique en son

genre et possible pour tout être humain. La bible est riche de ce type de récit : les individus

nommés par les narrateurs servent généralement de parangons à des situations tragiques

servant d’exemple ou d’inspiration à ses lecteurs. Le récit ainsi obtenu est celui de l’homme

situé.

Ce type de récit, à l’inverse de la science juridique et les jugements judiciaires, est

rarement utilisé par la science économique. Par contre, la science économique est riche en

récit des idées des narrateurs. Le récit économique n’est pas celui d’un acteur nommé, mais

du narrateur nommé.

Page 272: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

269

Les rédacteurs de la bible n’ont pas procédé par une investigation préalable pour

établir le message destiné pour l’homme ; ce qui les anime c’est la déclaration directe de la

nature de l’homme pour proposer sa solution. L’image de l’homme est donc implicite ou

tacite à travers ce que demande le message de la bible. De ce fait, ce n’est pas un profil de

l’homme issu d’une connaissance personnelle que la bible présente, mais un profil de

l’homme en marche vers la perfection. Les théoriciens économiques, eux aussi, énoncent le

comportement – et non la nature de l’homme – pour expliquer un cliché du mouvement de

l’homme ; le théoricien de l’économie utilise la connaissance de comportement de l’homme

pour rendre compte des faits de l’homme étant donné ce que ce dernier est.

A – L’homme dominant de la nature  

Le premier homme raconté par le Livre de Genèse a été confié de missions

particulières : la domination des êtres animés154. Ce sort concerne aussi les descendants de ce

premier homme. En croisant cette idée avec la conception juive de la richesse, la domination

de la nature figure dans la richesse de l’homme. La domination155 a un sens actuel de

souveraineté transmissible ; il a un sens différent de sa traduction courante : domestication ou

de maîtrise. Il dénote un thème qui a été repris par la science économique sous d’autres sujets.

La bible représente la nature comme un territoire d’espèces animés et sur lesquels une

espèce particulier domine. L’homme exerce un pouvoir souverain sur le monde animal. Il

s’agit de « l »’homme et non pas d’un homme. A l’état actuel de la conception de l’homme,

c’est la représentation de l’homme qui domine sur l’homme en général, et même sur

154 « Faisons l'homme à notre image, comme notre ressemblance, et qu'ils dominent sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre.» (Genèse Chapitre 1, verset 26). 155 En effet, le verbe « dominer » employé dans la phrase biblique En Hébreux, (littéralement « vayeredu ») est aussi traduit par « descendre sur … » et par « livrer un ennemie entre les mains » à l’instar des phrases suivantes : « Suivez-moi, car Yahvé a livré votre ennemi, Moab, entre vos mains » (La Bible, Ancien Testament, Juges Chapitre 3, verset 28-). La Bible utilise d’autres vocabulaires pour désigner ce qui est traduit en français par le mot « dominer » : moshelim ») dans les phrases suivantes : « Ne sais-tu pas que les Philistins dominent sur nous ? » (Juges 15 : 11--). Ce même mot est traduit en français par « tyran » dans Isaïe, chapitre 49, verset 7, - alors que dans d’autres circonstances (Jérémie, chapitre 33, verset 26-), il évoque la gouvernance. L’expression traduisant le « bâton de souverain » dans Isaïe 14 : 5- donne un autre sens au mot utilisé pour traduire la domination : la souveraineté.

Le pluriel dans la phrase « … qu'ils dominent sur les poissons de la mer,… » indique que l’on parle de l’homme en général.

Page 273: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

270

l’univers156. Cette conception de l’homme fort sans faiblesse et donc qui n’est en dual qu’avec

l’univers a été déjà appréhendé par NIETZSCHE, mais elle reste dans le domaine de la

spéculation sinon de la fiction. Le «super-homme », l’Ubermensche », est encore le résultat

d’une théorie inspirée de l’homme faible développé par SCHOPENHAUER et qui pâtit de ses

volontés.

La science économique actuelle, pour sa part, reconnaît la faiblesse de l’homme ;

celle-ci rime avec la satisfaction qu’apporte la raison, car la science économique n’est pas une

philosophie ou un système dialectique constitué de thèse, d’antithèse et de synthèse, mais

plutôt de la narration plaisante et logique. L’opposé de la faiblesse est la satisfaction. Le

thème de la domination au niveau de « l »’homme est encore en économie un thème de la

promotion de l’homme : un passage de l’état lamentable vers une société de joie et

d’amusement.

La Bible parle de l’homme fort ; la mission de l’homme est d’exercer une influence

sur la nature et aussi sur les hommes, alors que pour l’économie, l’homme à travers ses

institutions apparie la rareté de la nature, ou encore l’inégalité de sa distribution. L’homme de

l’économie est plutôt un homme faible qui exerce sa puissance par la production. L’idée de

maîtrise est absente dans cette mission, comme si d’après la bible, l’homme ne peut pas se

dompter lui-même. L’image biblique affirme même que l’homme est lui-même sous l’emprise

du Mal. Aussi, dans la théorie biblique, ce n’est pas vraiment l’homme qui impose sa

domination sur les êtres animés, mais le Mal ; ce n’est pas lui qui exerce, en dernière analyse,

sur la nature, mais la force du Mal qui agit en lui. La théorie biblique diffère celle de la

théorie économique.

Cette situation cependant n’est pas celle décrite par la science économique actuelle,

chez qui l’homme ou l’individu achève son existence lorsqu’il cesse, sous les yeux intéressés

des économistes narrant ses activités, d’être un producteur ou un consommateur, un offreur ou

un demandeur. L’homme approprié pour l’histoire de la pensée économique, il nous semble,

est celui qui, le premier, a inauguré une activité nouvelle, un produit ou un procédé nouveau

de fabrication, l’entrepreneur-innovateur de SCHUMPETER, ou celui de Jean-Baptiste SAY,

des hommes non pas utiles à la société pour leur fait de production, mais seulement pour le

fait qu’ils sont exposés à des critiques, ou encore parce qu’ils ont révélé l’existence d’une

156 C’est dans ce sens que s’interprète peut-être la citation de JESUS relaté dans l’Evangile selon Mathieu : (chapitre 28, verset 18) : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre »

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271

distance non physique entre les êtres humains ; ce sont des hommes à la limite de l’ordinaire

et du domestique.

Ce n’est donc pas la construction d’une infrastructure ou l’érection d’un objet d’art qui

importe, mais le fait que sans avoir été chargé d’une mission, un individu ou le produit des

activités de l’individu se détachent de l’homme et deviennent son idéal. Une observation du

comportement des animaux montre que ces derniers ont de la possibilité de bâtir une

civilisation matérielle ; certains d’entre eux accumulent des provisions, construisent des biens

collectifs, tracent leur domaine privé, pratiquent la division sexuelle de travail, notamment

dans la fourniture de nourriture pour leurs petits, etc. Il leur manque cependant, peut-être de

l’organisation rationnelle, ou quelque chose dont seule, disposent les humains. Nous sommes,

par ce fait, en présence d’une limitation de la pratique de l’économique ainsi que devant une

manifestation de la supériorité organisationnelle de l’animal qui, sans avoir de discours sur la

raison, arrive à s’organiser avant même que l’organisation existe.

Par rapport à la communauté animale et en dépit de la présence de la rationalité, les

sociétés humaines sont menacées par la tendance à l’individualisme, par la dictature et par la

liberté individuelle par rapport à la règlementation sociale. Ces mots semblent s’appliquer

pour décrire la faiblesse spécifique des communautés humaines. Les animaux peuvent être

individualistes, seulement ils ne pratiquent pas le suicide, et que, ce que nous nommons par

dictature, à l’instar des sociétés des abeilles, leur provient d’une division naturelle de travail,

alors que la dictature humaine s’explique bien au-delà des exigences de la division naturelle

de travail, par la recherche de plus de profit individuel.

La liberté individuelle par rapport aux exigences sociale est un problème de la

sociologie, de l’économie et de la politique. Rares sont, en effet, en économie, les lois

rigoureuses portant sur le comportement de l’homme. Parmi ces derniers, figure la loi de

(comportement) du marché, et plus particulièrement le marché de travail et dans la décision de

produire. Le travail est déployé en fonction du revenu. Mais il est conditionné par des

contraintes morales. Il y a de bon travail qui caractérisé par des revenus élevés et par une

reconnaissance sociale, alors que le « mauvais travail » en est l’inverse. De ce fait, ce qui se

raconte sur l’homme est limité par les effets de l’incitation d’un gain et éventuellement ce qui

est permis par la morale. Gain et morale, ou encore richesse et interdiction forment donc un

espace à l’intérieur duquel se manifeste l’homme.

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272

Nous resterons dans le discours de l’économiste en travaillant en termes de « travail »

et non de la « richesse », de la « loi de marché » et non de « l’interdiction ». Nous soutenons

que le travail et l’interdiction sont les limites de la représentation imagée de l’homme.

B – L’homme à la recherche du Bien  

Les idées suivantes ont été tirées du « L’enseignement biblique sur l’homme » de

Ronald KLEGER (KLEGER 2006).

Selon des versets épars de la bible, l’homme a une vie de courte durée157, mais

observée attentivement par Dieu158 ; l’ensemble des hommes est réuni par un lien de

consanguinité unique (voir la citation suivante) qui a été par la suite transformée en

metaphore selon quoi le Fils de Dieu a donné son propre sang pour racheter l’humanité et

ainsi faisant pour donner une nouvelle source de paternité à l’espèce humaine. Enfin, Dieu

exerce une attraction sur l’homme. La traduction suivante (version Bible de Jerusalem)

récapitule l’état de l’homme :

« Si d'un principe unique il a fait tout le genre humain pour qu'il habite sur toute la

face de la terre; s'il a fixé des temps déterminés et les limites de l'habitat des hommes, c'était

afin qu'ils cherchent la divinité pour l'atteindre, si possible, comme à tâtons et la trouver;

aussi bien n'est-elle pas loin de chacun de nous. C'est en elle en effet que nous avons la vie, le

mouvement et l'être. Ainsi d'ailleurs l'ont dit certains des vôtres : “Car nous sommes aussi de

sa race » Actes des Apôtres, chapitre 17, versets 26 à 29-.

L’homme est un être unique (car issu d’un même sang), localisé dans une espace

appelée « terre » et dans le temps pour chercher à tâtons la divinité et la trouver s’il a « la

possibilité (entendez, s’il est élu), car la divinité est la source de la vie. Aucune description

n’est possible dans ce sens : car l’homme de la bible est un être unique au monde, « l »’être,

dans « l »’espace. Sa seule indice ou sa seule trace de présence est le mouvement vers un lieu

non spatial mais qualifié de vital par ses inspirés de rédacteur.

L’homme de la science économique actuelle aussi est unique, uni par les mêmes lois

ou par les mêmes principes économiques et est placé dans une institution à partir duquel son

157 « La vie de l’homme est courte, sans cesse agitée, il naît … et il disparaît comme une ombre » (Job 14 : 1-2) 158 « Eternel, qu’est-ce que l’homme pour que tu prennes garde à lui ? » (Psaume 144 : 3-4)

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273

statut est définit dans cette discipline. La théorie économique a emprunté le concept de

« secteur institutionnel » de la comptabilité nationale pour situer l’homme. L’homme habite

l’espace économique formulé en termes de « marché », « institution », pour localiser

l’homme. Sa raison de description est la recherche de profit ou de bien de consommation.

La recherche du bien est la disposition ou l’orientation de l’homme. Les querelles

dogmatiques de la religion exposent les modalités de cette acquisition et de détermination des

élus. En outre, nous exposerons dans le II ci-dessous l’état de lieu de l’homme selon les

chrétiens.

Le fait que l’homme est à la fois une richesse pour ce qui le domine et qu’il est

capable lui aussi de produire de la richesse indique que le thème de l’homme est comparable à

celui du capital ou de facteur de production. Il est le facteur de production de bien ou, comme

l’affirme l’expression biblique paulienne, il est le « temple de Dieu », ou encore le « témoin »

ou le « messager » de Dieu. D’autres hommes sont appelés pour la destruction de la nature et

de l’homme. Cette façon de présenter l’homme est plus ou moins déjà exploitée par la science

économique et par la gestion.

II –L’homme universel est la richesse du système de narration 

On rappelle que nous dépassons le concept de narrations isolées pour parler du

« système de narrations » car la narration concerne des narrateurs isolés voulant saisir

l’homme en général. Or, il apparaît que ces récits sont bornés par l’objet (l’homme) et les

moyens (les mots) de la narration ; le dicible se présente dans une sorte de cadres techniques

préalable : l’objet et les moyens.

Le christianisme – version luthérienne – avance que l’homme, une fois sauvé de la

domination de la Loi est animé par un autre déterminant : la grâce de l’Esprit saint. Cela

confère à l’homme une autre mission : la conservation de la foi et l’évangélisation. A la

différence de l’Eglise catholique romaine, les églises protestantes réformées ou pentecôtistes

sont individualistes ; elles considèrent la conservation de la foi et l’évangélisation à la fois

comme une activité collective organisée au sein de chaque communauté religieuse et comme

un devoir personnel des individus-membres de l’Église. L’homme (de la religion protestante)

se présente autrement.

Page 277: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

274

Les actions de conservation de la foi et d’évangélisation sont deux activités différentes

quoique non séparées qui reviennent à l’homme. La foi et l’évangélisation changent l’image

de l’homme et la façon, voire le contenu, de son discours. De nouveaux textes viennent alors

compléter la lecture chrétienne de la loi : les quatre évangiles et les épîtres. La mission

chrétienne et les messages divins sont exprimés par JESUS et consignée dans les Evangiles.

Sans expliquer pourquoi et comment la foi, nous montrerons que le peu que l’homme véhicule

comme image de lui est le témoignage de sa religion ou de sa foi ; le bon pour le chrétien est

l’étalage de sa foi, et tout chrétien ne fait que montrer sa foi. La religion chrétienne présente

l’homme alors comme un ensemble d’individus unis par la foi et œuvrant pour l’extension en

surface de la communauté.

D’après les marxistes, le système capitaliste accuse le même schéma de

développement que la religion chrétienne : croissance en profondeur et en largeur. Or, les

individus ou les agents économiques sont les facteurs de cette expansion : les exploitants et

les exploités sont des individus fortement pénétrés par l’idéologie du système qu’ils

considèrent le produit de l’exploitation comme une situation naturelle de l’homme. Chaque

système de production produit leur image de l’homme ; mais la particularité du système

capitaliste est sa dimension mondiale à tel point que l’on assiste à une situation

d’universalisation de la représentation de l’homme.

Le christianisme et le système capitaliste s’assemblent par leur dimension universelle.

Nous allons consigner les points communs de la représentation de l’homme du système

économique (du capitalisme) et celui de la religion. Nous allons présenter alors le thème du

passage de l’individu vers l’homme universel et ensuite les activités communes entre les

hommes qui consistent à répandre l’idéologie du système respectif. Pour ce deuxième point, il

s’agit du travail et de la conscience.

A – Le passage du thème de l’individu vers l’homme  

La prière de JESUS la veille de sa crucifixion retrace ce nouveau portrait de l’homme :

« Père saint, garde-les dans ton Nom que tu m'as donné, pour qu'ils soient un comme

nous » (La Bible, Le Nouveau testament, Evangile selon Jean, Chapitre 17, verset 11-).

Cette citation reprend encore le thème de l’homme créé à l’image de dieu, et indique

une nouvelle information sur ce thème : l’homme à l’image de Dieu est sous la « garde » de

Page 278: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

275

Dieu, et cette garde permet à l’homme d’atteindre non seulement l’image de dieu, mais aussi

l’unité ou la communion fraternelle. Qu’est-ce qu’être « un comme nous » ? D’après les

chrétiens, l’acquisition des messages de JESUS est l’objet de la foi. Or, celle-ci devait se

traduire par un nouveau comportement, par des changements de comportement vis-à-vis des

problèmes de la vie ; mais ces messages sont dénaturés par la religion ou par certains faux

prophètes et par d’autres circonstances de la vie. D’où il appartient à chaque chrétien de

pratiquer des activités pour que leurs comportements soient conforme aux enseignements du

christianisme. Avec ces pratiques, apparaît un homme nouveau, l’homme du Nouveau

testament, le « né de nouveau » selon les termes de JESUS consignés dans l’Evangile selon

Jean, chapitre 1, verset 3.

Deux types d’individus apparaissent : l’homme nouveau et l’ancien homme, celui qui

reste dans ses états pécheurs, celui qui est encore sous la condamnation de la loi. La littérature

chrétienne va alors se mettre à l’œuvre pour représenter l’homme selon leur différence :

l’homme est narré selon leur situation dans la « grâce », tantôt dans la « condamnation ».

Pour le premier type d’individus, en gros et d’après l’histoire des premières églises

consignée dans les Actes des Apôtres, ces individus se distinguent par des activités de

conservation de la foi consistent en des pratiques de communion fraternelle, la lecture de la

bible, les louanges et les prières ; ce sont des individus qui ont mis en commun leurs biens et

qui sont unis par la foi et leur pratique religieuse ; ce sont des individus qui reconnaissent

leurs propres défauts et espèrent en obtenir une rémission. Les épîtres régulièrement

rappellent l’idéal : JESUS. Les chrétiens, cependant, n’osent pas se comparer à leur idéal ; au

contraire, ils adoptent une attitude qui se veut être humble à tel point que l’humilité est élevée

au rang de la vertu.

Théoriquement, la vertu devrait rendre efficace le chrétien humble dans ses missions

évangéliques, mais l’enseignement chrétien interdit le chrétien d’être fière de son efficacité,

car ce qu’il faut s’en réjouir est la joie céleste pour le produit en lui-même (un repenti de plus

apporterait de la réjouissance au ciel). Le chrétien n’a donc pas à se satisfaire de son efficacité

en termes de mission évangélique, mais plutôt d’avoir son âme sauvée. Cela n’empêche,

cependant pas les théoriciens – rédacteurs des épîtres de l’évangile de reconnaître l’efficacité

de leurs paires, et même des témoignages des chrétiens contemporains. Quelques mots-clés

vont alors se dégager pour conceptualiser l’homme parfait de l’évangile dont entre autres,

Page 279: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

276

« l’esclave » 159 ou le « serviteur »160 . Le premier est l’homme enchaîné, alors que le second

est l’humble serviteur de la maison. Ces deux termes évoquent ensuite le thème

d’attachement, le « religio » latin. L’homme idéal du christianisme est l’homme attaché au

service du bien par opposition de l’homme esclave du mal. Dans les deux cas la

représentation de l’homme idéal est celui de l’homme attaché au service d’une bonne cause.

Si par extension l’image chrétienne de l’homme est celui qui est attaché au pilon du

devoir celle de la narration de l’homme dans un système économique reconnaît présente

l’homme comme un être attaché au système de la production matérielle pour survivre. Cette

image est invisible à moins que le système en question soit la valeur suprême de la société : la

démocratie pour les uns, le marché pour d’autres, l’argent, ou le pouvoir, etc. le système

économique capitaliste véhicule les valeurs comme la quantité de production ou encore des

indicateurs de performance économique. En économie, l’attachement de l’individu au système

est exprimé par les thèmes d’échange, la division sociale de travail, le profit et la

redistribution du profit social. Les thèmes sur l’homme produits par les économistes varient

fonction des contextes intellectuels et des préoccupations du moment : durant le

développement du système économique socialiste, certains économistes focalisent leur propos

sur l’efficacité du système à rendre heureux leurs organes, c’est-à-dire à satisfaire leur

besoin ; durant la mondialisation, le thème de l’échange est au centre de leur préoccupation.

Les économistes sont aussi attirés par les problèmes d’actualités : l’inflation, le chômage, la

croissance et le sous-développement.

Ces thèmes développés par les économistes peuvent être situés dans le schéma sur le

passage du thème de l’individu vers l’homme étrenné par le christianisme : les individus sont

liés par la productivité sociale ou la productivité collective. Là où les chrétiens s’expriment en

amour agape, les économistes utilisent le mot « division de travail », « spécialisation » et

« échange ». Seulement, les économistes s’intéressent au profit immédiat et là. Le royaume

des cieux des chrétiens est un monde de prospérité et de bien-être matériel dont profitent tous

les membres de la communauté.

Le thème de l’homme dans la théorie chrétienne se déduit de leur thèse sur l’existence

du royaume des cieux et se présente alors comme un thème sur les types d’hommes : des

159 Le mot grec utilisé est « δουλους » littéralement « doulous ». Ce mot évoque l’image de l’homme enchaîné. 160 Le mot grec utilisé est «διαχονοι » littéralement « diachonoi » origine du mot diacre ou du Malgache « diakona ».

Page 280: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

277

individus attachés. Les critères usités sont : d’abord, la délimitation du bien et du mal par

l’établissement de règles de lecture des documents considérés comme sacrés. La bible est

certes le document commun de toutes les communautés qui se disent chrétiennes, mais à côté

d’elle, certaines communautés ajoutent d’autres documents comme les professions de foi ou

des œuvres écrites émanées d’une autorité religieuse admise. D’où découle le deuxième

critère : les documents utilisés et reconnus comme participant à la confection de la norme. Ce

sont des travaux des docteurs de chaque église. La plupart des églises chrétiennes du monde

reconnaissent le « Symbole apostolique » (traduit en Malgache par « Fanakem-pinoana

apostolika ») reconnaissant le Dieu créateur, le Fils de dieu descendu sur la terre par la voie

d’une femme vierge, l’Esprit Saint, la Communauté des saint, le salut et la vie éternelle.

De divergences cependant apparaissent au sein de l’Église concernant l’autorité des

chefs de son organisation et aussi sur certains points de la doctrine, par exemples, l’unicité de

la divinité ou la place de certaines communautés d’hommes devant une prétendue ordre

divine. Cela a entraîné des scissions au sein de l’Église et surtout la formation de nouveaux

documents de profession de foi. C’est ainsi que naissent les professions de foi comme celle

dite d’Athanase niant sans argumenter l’affirmation de la supériorité de la race aryenne ou le

Symbole de Nicée soutenant par voie de credo que JESUS et le Saint Esprit sont de même

nature que Dieu le Père. L’homme chrétien refuse l’inégalité raciale ; théoriquement, il est

donc ouvert au brassage ethnique.

La divergence entre les chrétiens se pose dans les thèmes de la pratique de la foi : la

définition du jour de l’assemblée collective. Une étude systématique des différentes

dénominations des églises protestantes et évangélique constate que en fait, il y a trois types

d’églises qui sont produits par la Reformation161 : l’Eglise luthérienne, l’Eglise Reformée/

Presbytérienne et l’Eglise anglicane. De ces trois églises sont sorties par la suite les églises

indépendantes (les Mennonites, les Congrégationalistes, les Baptistes, l’Armée du Salut, les

Quakers, etc.) et les églises issues de fusion d’églises (Les Eglises pentecôtistes, l’Assemblée

de Dieu, etc.) (Ecole Biblique Emmaüs 2011).

En dehors de leur origine, chaque communauté d’église se singularise aussi par leur

doctrine, leur organisation et leur culte. Les doctrines font généralement l’objet d’une

rédaction écrite de profession de foi. En plus des trois professions de foi citées ci-dessus,

chaque dénomination d’Eglise a aussi plus ou moins élaboré leur propre profession : les

161 Nous n’avons rapporté que les Eglises protestantes existant ou ayant de l’influence à Madagascar.

Page 281: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

278

luthériens ont leur « Confession d’Augsbourg » et le « Petit catéchisme » de LUTHER, les

anglicans, leur livre de prière et leur « 39 articles » rédigées par CRAMMER en 1552 ; les

Reformés ont leur « Confession de foi de la Rochelle », la « Confession des Pays-Bas », les

deux « Confession helvétique », etc.

Les critères d’adhésion à l’Eglise forment un autre déterminant révélant la

représentation de l’homme dans le monde chrétien. Les premiers doctrinaires de cette Eglise,

en l’occurrence les rédacteurs des épîtres du Nouveau Testament, en effet, ont établi deux

périodes différentes dans la vie de chaque homme : l’avant la réception du Salut et la période

de grâce. Deux types d’hommes existent donc : celui n’a pas connu l’Evangile et celui qui vit

dans la grâce. La vie du premier type est comparable à celle d’un animal, alors que celle du

second est une vie spirituelle. On note que les théoriciens chrétiens accordent peu

d’importance au passage d’une vie vers une autre. Pour saisir le contraste entre les deux

modes de vie, les versets bibliques suivants ont été choisis :

La science économique s’érige aussi en doctrine dont le thème constitutif est

l’identification de la force unissant les individus162.

Le christianisme est une communauté qui utilise la bible pour décrire le référentiel de

leurs faits. L’image du chrétien lettré est celle d’un individu qui peut justifier ses actions et

ses intentions par des extraits de versets bibliques, ou tout simplement, c’est un individu qui

utilise les thèmes et les mots de la bible pour nommer son existence. Etant donné cependant la

libre interprétation de la bible, des certaines lectures officielles existent tranchant finalement

sur l’objet de la lecture et qui décide du contenu de l’éthique chrétienne propre à chaque

lecture. Le chrétien est alors celui qui s’aligne dans l’interprétation officielle pour caractériser

son existence.

A côté du christianisme, l’économique est une communauté qui utilise les théories

économique pour décrire et justifier leur fait. L’image de l’homme de l’économique est celle

d’un individu qui peut justifier ses actions ou dont ses actions sont justifiables et intelligibles

par les théories économiques. Malgré la diversité des théories économiques et l’existence des

théories dominantes, le fait de l’homme de l’économie est descriptible par la théorie

économique.

162 Nous développerons cette idée dans le second livre.

Page 282: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

279

B – La raison et la conscience humaine  

La poussée de la philosophie a développé des thèmes sur des sujets concernant des

phénomènes intérieurs de l’homme à qui on porte une dimension universelle. Parmi ces sujets

figurent la conscience l’âme, et la raison.

La conscience est un concept ayant des sens différents selon le langage. Dans les

langues dérivées du latin, la conscience relève de la notion de connaissance, de la perception

et de la clarté du monde extérieur, alors que dans la langue arabe, elle évoque une perception

de la connaissance du monde intérieur163. La langue arabe indique même la démarche vers la

conscience : le « dhamîr » traduit par l’équivalent de ce que les latins nomment par

« humilité » : « s’affaiblir », « s’amenuiser », « maigri ». Aussi, la conscience « arabe » est de

l’introspection latin. Un autre mot arabe ayant un équivalent latin de conscience, prendre

conscience est « وعى » (littéralement « ouga »). Il est traduit dans un contexte arabisant par

« prendre conscience ». A la différence du mot précédent, ce mot désigne une acquisition d’un

objet extérieur à l’homme. Ce mot est proche de celle utilisée dans la culture latine : de la

conscience de quelque chose, plus particulièrement de soi, sinon des vertus. Mais la

conscience n’est pas encore un thème achevé. Nous avons plus ou moins exposé le rôle de

l’introspection, il nous faut alors exposer la démarche humaine allant vers un sens opposé : de

l’homme vers l’objet. Dans ce mouvement, nous pouvons voire encore un autre aspect de

l’homme : un être qui se dirige vers l’objet, vers le phénomène, pour le saisir. La conscience

est donc un mouvement et une appréhension. Ce mouvement en d’appréhender est un

caractère partagé entre les hommes, un facteur unifiant les individus dans un corps unique de

« l »’homme.

Le problème cependant est que le mouvement est insaisissable intellectuellement et

même verbalement ; il désigne un trouble intérieur, « agiter », « remuer », « déplacer », etc.

La liste est longue. Dans la philosophie, on utilise aussi le mot « élan » ou « pulsion ». Le

concept le plus proche du sens évoqué est le « besoin ». Prendre conscience de quelque chose

est donc une sorte d’avoir besoin de quelque chose. Un débat s’ouvre d’ailleurs à ce propos

sur l’origine du besoin et sur la relation entre les termes voisins (« désir », « besoin » et

« pulsion »). Ce deuxième point a été plus ou moins traité en passim dans la présente thèse.

163 Il s’agit du mot « ضمير» littéralement « dhamîr » signifiant « conscience », « for intérieur » (REIG 1983).

Page 283: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

280

Pour la question de l’origine du besoin (ou du mouvement) et ses implications

théoriques, la condition du besoin est la sensibilité. Or la sensibilité n’est pas reconnue que

chez certains types de créature (FERBER 1998). ARISTOTE en a défini le critère : la

possession de l’ « anima », la substance qui fait animer les vivants. On remarque déjà la

dualité de termes : « animé » ou « mouvant ». Thomas d’AQUIN posait que toutes les

créatures possèdent une âme, car cette dernière est la forme de corps ; mais toutes les âmes ne

sont pas identiques en qualité : toutes les âmes sont capables de donner une animation et une

faculté de subir une influence extérieure à chaque être ; c’est la fonction végétative de l’âme.

Mais certains êtres disposent d’une âme capable de faire éprouver de la sensation à certains

corps. Un corps sensible et réactif aux influences extérieures en découle. La sensibilité

consiste à une capacité de se représenter le monde, d’avoir une image du monde extérieur. Il

n’est pas évident qu’une plante n’éprouve pas de la sensibilité ; l’animal peut peut-être

éprouver une sensation de carence de nourriture et réagit en conséquence. Enfin, l’âme de

bonne qualité est celle qui munie des fonctions végétatives, sensitives et d’intelligence.

Le besoin, d’après ARISTOTE et ses successeurs, sont donc le résultat de la forme

sensible du corps. En dépassant la forme géométrique du corps, cette théorie suggère que la

représentation de l’homme est modelée par celle de ses besoins, et par extension, par la

culture. Ceci est aussi visible sur l’architecture et sur l’art plastique et sur leur symbole. C’est

ainsi que les statuettes ornant les tombes Antandroy, une tribu malgache, représente le besoin

de l’homme défunt lorsqu’il était sur terre : des zébus pour les uns, des maisons ou des

femmes pour d’autres. Dans cet esprit, les récitations des morts devant le jugement après la

mort indique ce que l’homme a envi de faire durant sa vie terrestre.

D’autres théories mettant en relation la culture et le besoin. Parmi eux figurent les

Marxistes, avec leur concept de « besoins sociaux » (par opposition au besoin individuel). Les

théoriciens de la socio-économie abondent aussi dans ce sens. Pour eux, l’homme est un être

animé par la sensibilité aux objets de la nature. La forme de l’homme se détermine par les

biens demandés. On note que la sensibilité n’est qu’une question de réactivité ; et qu’elle peut

s’émousser, voire induit en erreur à cause de signaux erronés émanés de l’extérieur – car la

théorie de la sensibilité de l’âme ressemble à la théorie de l’information. Certains théoriciens

de la religion, comme BOUDHA défend l’idée que l’homme subit des faux concepts et traite

des faux problèmes. Dans la science politique, il est reconnu que l’idéologie induit à des

pratiques de classe.

Page 284: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

281

L’âme ayant une fonction intellective est celle détenue par l’homme. C’est une âme

animant et capable de représenter pour elle et en image le monde extérieur, et même plus, de

construire une image de l’extérieur à partir des caractéristiques individuelles. La fonction

sensitive fait l’individu, alors que la onction intellective de l’âme fait « l »’homme. Dans la

théorie thomiste, alors, la forme de corps de l’homme est caractérisée par une âme susceptible

à la fois de faire mouvoir, de recevoir les différentes sensibilités et appartenant à l’espèce

humaine. C’est cette âme intellective qui n’a pas été tenu en compte par la théorie

économique classique et que les théoriciens de l’économie néo-classique essaient d’en rendre

compte par l’expression « homo œconomicus ».

La fonction intellective de l’âme consiste à une capacité de conceptualisation. Les

hommes s’assemblent par le vide inné de leur mémoire. Puis, tout au long de leur vie, ils

remplissent « leur tête » ou leur intelligence de concepts et de notions, c’est-à-dire qu’ils

reconnaissent les espèces et les variétés du monde extérieur. La représentation de l’homme

figure parmi les notions que l’homme se construit tout au long de leur vie164.

Le thème de mouvement de l’être animé par une âme fonctionnant avec l’intelligence,

consistant à des accumulations de notions est aussi celui du savoir : l’homme est représenté

par ses notions collectives, par les produits croisés de ses organes sensoriels, par sa science. A

côté de la diversité du savoir ou de la diversité du niveau des savoirs, des acquis communs ou

du fond commun du savoir humain existent. L’Ancien Testament biblique nomme ces

derniers « la loi » (divine) alors que les termes profanes les appellent par le mot « ordre ». Ce

préalable de connaissance ouvre alors une autre question sur un paradoxe : l’homme se

présent à la fois sous forme d’être déterminé (par la loi et par les connaissances préalables)

alors qu’il a le pouvoir et le mot pour critiquer l’ordre ; l’homme n’est donc pas

complètement déterminé. L’analyse de certaines littératures illustre ce propos.

Pour certains philosophes, la question est sensible à travers la narration de l’homme

dans un état de souffrance : les récits d’un prisonnier par exemple. La littérature (romans et

les Curricula Vitam) foisonne dans ce sens. A terme de ces narrations se découvre aussi une

représentation de l’homme. Pour illustrer nos propos, nous rapportons les études de

WITTGENSTEIN, un philosophe qui a commenté les romans de l’homme en souffrance de

DOSTOIEVSKI (RAÏD 2004), le « Réconfort philosophique » de BOETUS. De ces études, la

présentation de l’homme se précise ; un besoin de concrétiser – voire d’incarner – le modèle

164 Le contenu de ces notions a été plus ou moins développé tout au long de la présente thèse.

Page 285: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

282

devient urgent. Le réformateur Martin LUTHER avait aussi discuté de la question, mais

momentanément, nous vous faire une trêve de discussion religieuse pour éviter le diktat de

l’inconnu et qui est conceptualisé par le mot « dieu ».

WITTGENSTEIN utilise les romans de l’écrivain russe Fedor Mikaïlovski

DOSTOIEVSKI (1821 – 1881) pour y déceler les caractères de l’homme étant donné ses

conditions et ses potentialités. L’intérêt de l’étude de WITTGENSTEIN sur ce sujet est de

nous introduire progressivement au récit de l’homo œconomicus et surtout de présenter les

thèmes associés au récit de l’homo œconomicus : ce dernier est présenté en héro (il est

informé sur le système), mais il est en même temps déterminé par le système. Le problème

soulevé par WITTGENSTEIN est que un homme déterminé par ses conditions ne peut pas

avoir un trait caractéristique ; il n’est donc par représentable ; le narrateur ne pourra pas

décrire à la fois le héro et le système. Conséquence, le héro ne peut que se présenter lui-

même ; il ne peut que se confesser à lui-même pour avoir un caractère et pour assumer sa

propre détermination165. Dans cet esprit, l’homo œconomicus est donc une expression de

l’auto-confession de l’homme déterminé par l’économique.

Qu’est-ce qui se dit dans l’auto-confession ? C’est une forme oratoire malgache

dénommée « kilazalaza », une forme de littérature orale usité chez les enfants pour raconter

(et non pas accuser directement) à un adulte les méfaits d’un compère coupable. Les enfants y

trouvent une satisfaction de s’être exprimé et non pas une demande en réparation à un

dommage. La caricature du Kilazalaza tel que ce dernier est habituellement raconté dans un

sketch éducatif commence généralement par l’invocation du nom de l’adulte (même si ce

dernier et devant le narrateur) suivi de l’affirmation de soi, le « je » ou de l’autre, puis du

rapport de l’acte et de l’accusation : « Maman ! J’ai … ». Dans les romans de souffrance,

l’auto-confession comprend un jugement grossier et sévère du système ou de la situation, un

récit du dedans de soi sous forme de propos d’analyse introspective avec lequel l’individu

assume ce qu’il a vécu ; elle s’adresse à l’autre qui est dans la profonde intimité de l’homme.

Dans une auto-confession, les personnages sont diverses et s’expriment leurs intérêts et leurs

intentions oralement.

L’introspection et les assumassions du vécu sont les expressions de l’élan de l’homme

animé par une « âme intelligente ». Elles expliquent le comportement de classe, dans la

165 WITTGENSTEIN ramène la question à la source du thème de l’homme : ce qui se dit sur l’homme n’est qu’une attitude de l’homme vis-à-vis de lui-même.

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283

théorie marxiste, et les fonctions de comportement dans les théories néoclassiques. Les

marxistes poussent même leur raisonnement vers l’objectivation de l’introspection et de les

assumassions.

L’influence des vocabulaires économiques se font sentir de plus en plus dans la

littérature. Certains thèmes sont plus ou moins partagés par la narration économique et la

narration littéraire et forme une sorte de paradigme : le thème de la souffrance provoque ou

est provoqué par le thème de la misère, et engendre des actions conséquentes moralement

acceptables (exemple le salariat, la migration, ou l’exploitation) ou non (l’expédition et la

violence). La littérature se permet cependant d’ajouter du sentiment ou de la conscience, ou

encore de la réflexion dans ses propose, alors que la science économie se contente de rendre

compte de l’efficacité des actions.

PARAGRAPHE 2 – DE L’ETAT DE LIEU DE L’HOMME SAISI A TRAVERS LE SUJET DE BESOIN DEVELOPPE PAR D’AUTRES RELIGIONS PAR RAPPORT L’HOMME DEVELOPPE PAR LA SCIENCE ECONOMIQUE

I – Présentation sommaire du Bhagavad­Gîtâ et de l’homme 

La Bhagavad-Gîtâ est un document considéré comme sacré dans la religion hindou. Il

est écrit par un ou plusieurs auteurs anonymes entre deux siècles et quatre siècles avant notre

ère. Ses thèmes et ses trames sont plus ou moins identiques à ceux du christianisme : la chute

et le salut en utilisant de façon directe le thème de la création ou de l’explication de l’origine.

L’histoire raconté dans la Bhagavad-Gîtâ commence bien avant l’ère chrétien, dans

une région qui se trouve selon le mythe dans le « nord de l’Inde » dans un lieu matériellement

prospère166. Des tragédies frappèrent ce lieu : meurtre accidentèle d’un prêtre suivie d’un

jugment divin conséquent, une rupture de la chaîne de succession de la souveraineté et

démarcation d’un individu par son comportement ou par un sort. Une guerre fractricide

s’ensuit alors pour l’accession au thrône entre les prétendants légitime du pouvoir. Tous les

prétendants évoquent KRSNA, leur divinité commune, pour justifier et défendre leur cause.

La divinité ne s’est pas intervenue directement, mais elle laisse le choix entre eux : KRISNA

elle-même ou l’armée de KRSNA. Le côté de ARJUN un des protagonistes de l’histoire a

166 Nous passons sous silence le développement du thème de localisation dans le nord d’un récit dans la littérature indo-européenne, ainsi que le détail insisté du contexte économique du lieu (la prospérité) que l’on rencontre dans les littératures sur la chute et la déchéance de l’homme suivi de la salvation de l’homme, car nous les avons plus ou moins développés ici et là dans les précédents chapitres.

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284

choisi KRISHNA elle-même. La Bhagavad-Gîtâ est un rapport de la dialogue entre

KRISHNA et ARJUN avant et durant la bataille qui avait eu lieu dans un champ connu des

auditeurs, c’est pourquoi il a été identifié sans les précisions géographiques (Saraswati s.d.).

Le texte a original cependant n’est pas celui qu’avait reçu ARJUN, mais d’autres

individus qui l’a perdu plus tard, puis redécouvert par CAITANYA (1486 – 1530) en 1506.

Ce dernier s’attèle alors à sa diffusion par des voyages, la Bhagâvad-Gîtâ. La diffusion du

Bhagavad-Gîtâ continue jusqu’à nos jours, par les œuvres de PRABHUPADA et le

mouvement Hare KRISHNA (International Society for Krishna Counciousness)167 ainsi que

par les différents maîtres – gourous, car le message doit être régulièrement reformulé et

adaapté aux différents problèmes et à l’esprit de chaque époque tout en restant dans

l’universalité de ce problème.

La Bhagavad-Gîtâ se lit non pas textuellement, mais symboliquement. Un char tiré

par cinq chevaux, par exemple, symbolise le corps « tiré » par les cinq sens ; l’ancêtre

commun symbolise l’unité de la source du bien et du mal et d’une façon générale, les vertus et

les défauts. De même les protagonistes représentent des caractères de « l »’homme : l’homme

juste, terrible et l’homme de l’esprit assailli par le doute. Ces caractères sont unis au sein

même de « l »’homme. Aussi, la Bhagavad-Gîtâ est un récit sur « l »’homme, une description

de « l »’homme, une révélation de la nature de l’homme. Pour la Bhagavad-Gîtâ, « l »’homme

est comparable à un immense statut composée de pièces de natures différentes unies par une

source unique. Cette représentation de l’homme se rencontre non seulement dans la philologie

hindou, mais aussi dans une séquence biblique) l’époque où les Hébreux étaient en capture en

Babylone168, et d’une façon générale, dans les communautés où le monde se conçoit comme

un monstre.

En outre ce n’est pas la forme ou l’objet de la représentation qui importe dans la

Bhagavad-Gîtâ, mais son exploitation et ses influences sur ses lecteurs. En outre, la

Bhagavad-Gîtâ n’est pas un livre de religion, car « son intention n’est pas de pourvoir à un

aspect de notre nature, ou à une partie de nos attentes dans la vie, mais de nous donner la

totalité de ce dont nous avons besoin et nous faire prendre conscience de ce que nous

167 Voir ENCARTA 2004, « Krishna, divinité », Microsoft office 2004 168 Voir La Bible, Ancien testament, Daniel Chapitre 2 verset 1 à 46-

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285

sommes » 169 (KRISHNANANDA 2010) ; selon l’American International Gîtâ Society, la

Bhagavad-Gîtâ « enseigne la connaissance du Soi, et répond à deux questions universelles :

Qui suis-je, et comment puis-je vivre une vie heureuse et paisible dans ce monde de dualités !

C’est un livre de yoga, de moral et de croissance spirituelle pour l’humanité, basé sur les

principes cardinaux de la religion hindoue ». (American International Gîtâ Society 2012). On

remarque que la Gîtâ adopte une position duale du monde, entraînant une facilité de la

narration de l’homme. En outre sa problématique est existentielle et tournée vers la rechercle

de la paix intérieure.

Il y a un rapport entre les propos de la bible et ceux de la Bhagavad-Gîtâ : Bien que

l’acquisition des contenus de chacun des deux livres respectifs (la Bhagavad-Gîtâ et la bible)

ainsi que celle des autres pensées permette à ses lecteurs, selon les propos de leur rédacteur,

de satisfaire tous leurs besoins, le premier affirme que le processus se déclenche

immédiatement, alors que pour le second ce processus aura lieu après la mort physique, après

que l’homme s’est livré à des combats spirituels. En outre, pour la bible la compréhension du

document ne suffit pas pour l’acquérir ; elle est le résultat d’une victoire à la suite d’un

combat livré lors du passage terrestre, alors que pour la Bhagavad-Gîtâ, on l’obtient par le

yoga, une sorte de lutte mélangée de passivité. Aussi, la Bhagavad-Gîtâ indique l’existence

d’une action typiquement humaine gagnante, alors que l’enseignement du christianisme est un

guide par l’octroi de l’Esprit Saint vers le salut de l’âme. De la représentation de l’homme

s’ensuit deux enseignements différents guidant les pratiques quotidiennes de plusieurs

millions d’individus dans le monde. La Bhagavad-Gîtâ et la bible sont comparables car tous

deux développent un même sujet mais avec des points de vue différents. La Bhagavad-Gîtâ et

la bible, ainsi que d’autres littératures devraient apporter de la paix et du réconfort dans le

trouble intérieur du lecteur.

Dans sa forme, les notes de traduction du Bhagavad-Gîtâ indique que ce dernier est un

chant, mais littérairement, il se présente sous forme de questions – réponses entre deux

personnages que sont KHRISNA et ARJUNA ; autrement dit, la Bhagavad-Gîtâ est une

dialogue entre deux personnalités, alors que l’une d’entre elles (ARJUNA) fait face à une

guerre fratricide et se demande quel est le sens de cette action. Il ne s’est cependant pas

adressé à un autre auditeur, mais plutôt sa question s’adresse au for intérieur d’ARJUNA, le

169 Ce propos évoque celui de JESUS sur la « source d’eau jaillissant en vie éternelle » (La Bible, Nouveau Testament, Evangile selon Jean, chapitre 4, verset 13- et Apocalypse, chapitre 7, verset 17-) mais avec de différences importantes.

Page 289: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

286

questeur ; c’est un monologue. La question est adressée à une puissance suprême localisée

différente de l’homme qui se pose la question, mais qui réside dans le fort intérieur de

l’homme ; en apparence, c’est un monologue si le for intérieur est aussi le questeur. Mais le

fort intérieur s’est mis à s’exprimer, il a répondu à la question posée au for intérieur et devient

un « répondant » ; la Bhagavad-Gîtâ est un dialogue entre deux entités d’un même corps.

Le questeur ARJUNA, l’homme de l’esprit et assailli en conséquence par le doute, se

trouve dans une situation conflictuelle, une sorte de tourmente spirituelle, source de

questionnement sur le sens des actions, sur l’identité humaine ainsi que sur d’autres sujets.

KRISHNA intervient et lui donne comme réponse la Bhagavad-Gîtâ. Ce dernier se définit

alors comme un « valimbavaka », une action divine devant la question de l’homme, ou encore

l’équivalent du commandement ou de l’oracle dans le sens de la narration biblique. Dix-huit

thèmes et divisés en « yoga » (sauf le premier thème : le trouble) ont été traités. Nos

connaissances personnelles du Bhagavad-Gîtâ ne nous permettent pas encore affirmer ni

infirmer l’indépendance de chaque thème. Si ces yoga sont indépendants les uns des autres,

alors la Bhagavad-Gîtâ est un recueil d’aphorisme dont les NIETZSCHE et autres sont les

maîtres ; leur enseignement serait de vérités universelles situées hors du temps et des

circonstances. Par contre, s’ils sont des enseignements interdépendants, la Bhagavad-Gîtâ

serait alors des propos concernant la vérité dans des circonstances de trouble.

La Bhagavad-Gîtâ n’a pas obtenu un succès auprès du public intellectuel à cause de

l’image qu’il produit sur l’impression des gens. La Bhagavad-Gîtâ véhicule une image de

pacifistes indolents, contraire à l’héro combattant et triomphant de la culture occidentale et

capitaliste, alors que les adeptes de cet enseignement sont des individus plongés dans le

monde du quotidien auquel il essaie de s’en démêler. KRISNAH leur doctrinaire principal

figure plus comme un « happy » (un bienheureux) hippie et non comme un sage troublé. Mais

le peu d’ouvrages qui existe est bien traité. Parmi ces ouvrages, il faut citer « La philosophie

du Bhagavad-Gîtâ » de Swami KHRISNANANDA (KRISHNANANDA 2010) qui commente

chaque yoga, « La Bhagavad-Gîtâ telle qu’elle est » de Swami PRABHUPADA

(PRABHUBADA s.d.) ainsi que les préfaces de la traduction du livre par BOURNOUF.

Le choix de l’enseignement de Bhagavad-Gîtâ dans la quête du thème de la

représentation de l’homme se justifie d’abord par la différence de position intellectuelle de ses

enseignements par rapport au produit de développement de l’enseignement des philosophes

(généralement de l’Antiquité et de ses successeurs). La philosophie de l’Antiquité prenait

Page 290: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

287

source dans les discussions de l’origine du monde, dans la recherche de la vérité et des vertus

alors que la « philosophie » hindou prend racine dans des vérités partagées, dans le sens

commun. Les dieux y jouent un rôle important dans la formulation des causes de la nature et

du comportement de l’homme, mais le point de départ du récit est un monde terrestre de

prospérité. On doit s’attendre alors à des informations supplémentaires ou nouvelles sur la

représentation de l’homme complétant ce qui n’est pas dit par les Grecs et leurs successeurs.

Ensuite le choix du Bhagavad-Gîtâ se justifie par l’explication de certains

comportements qui sont contre les hypothèses usuelles de la pensée occidentale : celle de

l’homme à la recherche de plus de richesse. L’apport du Bhagavad-Gîtâ semble être donné

dans l’affirmation selon laquelle le quotidien est appauvrissant car il n’apporte pas la paix à

l’homme. La recherche de plus de la richesse est la conséquence de l’état inquiet de l’homme.

La Bhagavad-Gîtâ présente alors une nouvelle alternative de l’homme : ce n’est plus de

l’homme déchu qu’elle relate, mais de l’homme idéal et quiet qu’il était à l’origine. La

Bhagavad-Gîtâ cherche l’homme idéal vers un archétype de l’homme, alors que l’homme du

christianisme le cherche dans l’homme futur qui se pointe grâce à l’enseignement d’un maître

spirituel. La Bhagavad-Gîtâ et la bible placent l’homme dans un lieu appelé par les rédacteurs

biblique, « à l’Est d’Eden170 », un lieu quelque part hors du Paradis. Pour la bible, l’homme se

dirige vers l’état de l’idéal en passant par la terre promise, celui qui est placé au bout de son

chemin de tourment, alors que pour la Bhagavad-Gîtâ, l’homme « rentre au-dedans de lui-

même » par l’introspection pour y chercher l’homme original qu’il avait été dans un monde

merveilleux d’Eden et avec lequel il avait été heureux et en paix avec lui-même.

Des questionnements nouveaux se pointent alors notamment sur le contenu et sur le

sens de l’action humaine – thème développé par la théorie de l’âme sensible et intellectif

proposée par ARISTOTE et aussi dans la position du thème de l’homme héro combattant

véhiculé entre autres par la littérature marxiste. C’est en quelque sorte toutes les bornes du

mouvement, le sens et les théories du mouvement de l’homme qui sont en cause : le trouble,

le transport et l’ébranlement de l’homme. La Bhagavad-Gîtâ montre deux points du thème de

l’homme : le mouvement et le repos, l’action et le produit nous conduisant vers deux thèmes

importants : « où est-il finalement ? » et que fait finalement l’homme ?

170 Voir La bible, Ancien Testament, Genèse, Chapitre 3, verset 24. D’après les rédacteurs de la Bible, l’homme et la femme chassés du jardin d’Eden habitent l’Est d’Eden. Ils ne peuvent pas cependant y revenir car des chérubins gardent le lieu.

Page 291: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

288

II ­ Qui est l’homme du Bhagavad­Gîtâ ? 

L’homme du Bhagavad-Gîtâ est l’homme produit de la représentation de l’univers. Il

n’y a pas vraiment de représentation de l’homme mais une sorte d’affirmation de soi.

L’homme provient d’une étendue nommé métaphoriquement « Divinité suprême » par

les rédacteurs du Bhagavad-Gîtâ dans le chapitre 14, Yoga de la Distinction des trois qualités.

Ce yoga narre le processus de l’univers ; il est à comparer avec les trois premiers chapitres du

livre de Genèse. On remarque d’ailleurs que la création est en réalité une activité de

séparation des étendues. Le point de départ de thème de l’homme est dans toutes les théories

cosmogonies l’existence de ce qui est dénommé « l’étendu » : de l’air, une surface, la mer,

etc. C’est en quelque sorte la matrice initiale ; puis vient le dieu initial, généralement

représenté sous forme d’un homme, un dieu le père créateur qui plonge sa parole dans cette

matrice initiale et de cette action émerge le récit de l’apparition de la nature et de l’homme.

La Bhagavad-Gîtâ procède aussi de la même manière171, mais elle n’a pas – à la différence de

la bible et la philosophie grecque de l’Antiquité – dénommé les éléments initiaux ou la

matrice. Elle s’est contentée de la nommer par le mot « divinité suprême » ou « Brahmâ ».

Dans la bible, l’homme est le dernier maillon de l’intervention divine dans la création, alors

que dans la Bhagavad-Gîtâ, l’homme est présenté non pas comme de la glaise insufflée par le

souffle de dieu, mais comme un « corps » (le corps est donc un concept) doté de qualités

suivantes : vérité, instinct et obscurité172.

Le sentiment est un état momentané de l’individu et provoqué par la perception de leur

vécu ; il est une généralisation ou un assujettissement de la perception à une détermination

unique. Comment peut-on assujettir aux mêmes lois des phénomènes de qualités différentes ?

La réponse du Bhagavad-Gîtâ est dans le changement de comportement de l’homme en

général : au lieu de penser à leur différence, et à leur intérêt individuel associé à la vie

quotidienne, l’homme devrait penser au sentiment universel et bannir ainsi les divisions

naturelles et artificielles entre l’homme. C’est ainsi que se conçoit l’idée du sentiment

universel. Ce sentiment est à rapprocher à l’idée de John Stuart MILL (J. S. MILL 1869)

selon laquelle l’inégalité entre l’homme et la femme et les privilèges de classe sont à bannir

171 « J’ai pour matrice la Divinité suprême ; c’est là que je dépose un germe qui est, ô Bhârata, l’origine de tous les vivants ». (Bhagavad-Gîtâ Chapitre 14, Verset 3) 172 « 5 Vérité, instinct, obscurité, tels sont les modes qui naissent de la nature et qui lient au corps l’âme inaltérable. » (Bhagavad-Gîtâ, chapitre 14, verset 5)

Page 292: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

289

car contraire à la marche « vers le progrès ». Les rédacteurs du Bhagavad-Gîtâ pour leur part

dès le

I – Où est l’homme selon la Bhagavad­Gîtâ 

L’homme, d’après la Bhagavad-Gîtâ, est dans un lieu proche de la délivrance, dans un

champ de bataille où il est appuyé par un instrument de puissance extérieure. Il n’est pas

seulement dans la société – comme l’affirment les sociologues – mais aussi dans la

concurrence, comme l’affirment les économistes, avec un état de défaillance psychique.

C’est dans le dernier yoga, le yoga du renoncement et de la délivrance, que l’on peut

découvre l’homme proche de la délivrance dans la Bhagavad-Gîtâ. Le contexte est le suivant :

la bataille est sur le point de s’achever ; et les guerriers sont sur le point de gagner la victoire ;

la délivrance est proche. Mais un doute ou un état d’esprit sur le sens de l’action pointe dans

la pensée et conduit au renoncement. C’est la situation plus ou moins générale de l’homme.

Dans d’autres circonstances, l’homme fait aussi preuve de doute : dès le début de la bataille

(sous prétexte qu’il va affronter ses parents173), à la fin de la batail, sous prétexte que ce qu’il

avait produit n’a pas de sens)

En outre, l’homme de la Bible aussi bien que celui du Bhagavad-Gîtâ n’est pas dans

les ténèbres intellectuelles, car il est guidé par une force qui lui est extérieure et

conceptualisée dans la Bhagavad-Gîtâ par le char tiré par cinq chevaux (représentant le corps

et les cinq sens) ou par l’esprit saint qui se loge dans l’homme d’après l’imagerie chrétienne.

Il est donc maître de son destin, mais assisté par une puissance extérieur. Le lieu de l’homme

est « à côté » ou proche d’un autre élément important et déterminant de son succès.

Seulement, il ne peut pas aller dans tous les sens, mais seulement proche de son inspirateur ;

nous dirons que l’homme est libre de ses entreprises jusqu’à la limite de l’interdit.

L’explication de ce dernier par des aphorismes est l’apport de la Bhagavad-Gîtâ.

La Bhagavad-Gîtâ indique aussi que l’homme assisté par la divinité est aussi au sein

de la communauté de ses amis et parents auxquels cependant, il doit entrer en conflit. Ce

propos est le thème de la compétition dans la théorie économique. Dans le premier livre, le

seul qui n’est pas du yoga, le narrateur énumère les deux camps belligérants causant le trouble

de ARJUNA. Ce sont des individus valeureux et appréciés. Or étant donné que la Bhagavad-

173 Bhagavad-Gîtâ, « Trouble d’Arjuna », 29, 30 : « O Krishna, je ne désire ni la victoire, ni la royauté, ni les voluptés ; quel bien nous revient-il de la royauté ? Quel bien, des voluptés ou même de la vie ? »

Page 293: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

290

Gîtâ se lit aussi en termes de l’individu ou de l’homme en général, ou même de l’univers, ce

qui est valable pour ARJUN l’est aussi pour n’importe quel homme. Ce raisonnement est

aussi celui d’Adam SMITH sur la question de l’individu, de l’entreprise ou de la nation.

L’homme est donc un être combattant placé dans un champ de bataille contre ses

propres sentiments et doutes. ARJUNA est le type de l’homme parfait : ayant le sens de la

justesse, mais assailli par le doute (le résultat de la consommation du fruit de l’arbre de la

science ?). Le doute conduit au renoncement de la victoire due, à l’abandon des instruments

de guerre appropriés ; l’homme qui doute suit son instinct.

Enfin, l’homme est certes l’individu mais qui assiste et participe à la formation de

l’univers ; il est donc à la fois dans l’univers et en même temps l’univers. On ne peut

comprendre cette affirmation qu’en considérant l’unité de toutes les créatures. En effet, dans

le Yoga de la distinction des trois qualités, l’auteur anonyme du Bhagavad-Gîtâ indique que

« l »’homme provient du couple dieu-ténèbres (appelé « Brahamâ »174

II – Que fait l’homme selon la Bhagavad­Gîtâ ? 

Dans la Bhagavad-Gîtâ, chaque homme renonce à son produit et s’intègre dans

« l »’homme.

La détermination de l’action de l’homme est un thème ouvert par l’Antiquité gréco-

romaine à travers le concept d’éthique et de morale. Leur réponse est que la bonne action de

l’homme cherche le bonheur, alors que pour les chrétiens, la bonne action de l’homme est

l’amour175. Or, le bonheur et l’amour semblent être des états plus ou moins reçus par la

pratique du yoga – du moins en ce qui concerne la conception du bonheur sans considération

des objets matériels. Pour le Grec, l’action conséquente est la production de biens matériels et

de bonnes paroles pour adoucir les mœurs. Notre propos n’est pas d’expliquer le yoga ni de

décrire son fonctionnement, ni également de montrer ses effets sociaux, mais seulement de

montrer l’action typiquement humain dans ses visions de l’homme, ou encore de mettre en

relief le thème de la figure de « l »’homme découvert par l’apport du yoga dans les actions

humaines.

174 Voir Bhagavad-Gîtâ, Chapitre 14, Yoga de la distinction des trois qualités, 3 à 5 175 Voir ENCARTA 2004, « Ethique », Microsoft Encarta 2004

Page 294: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

291

L’action humaine d’après la Bhagavad-Gîtâ est de produire non pas le travail mais les

sentiments et les émotions. La Bhagavad-Gîtâ reconnaît l’existence de l’action humaine dans

la réalisation de la production, mais dans son raisonnement, elle considère la production

comme un étant donné. Ce n’est pas la variation de la quantité de la production qui la

préoccupe mais l’après de ce processus, avant même que ne commence le procès de l’échange

et de la distribution. Dans la pensée économique, la production et l’échange sont deux

moments différents de conflits sociaux : l’organisation de la production et le partage du

produit social. Pour la Bhagavad-Gîtâ par contre, après la production, au moment où l’homme

se détache de la production, l’homme renonce à ses œuvres et, selon la logique du discours

économique, accepte de remettre leur produit au système de redistribution et d’échange. Les

théories économiques font de ce moment, un instant capital de la formation sociale se

traduisant par l’institution de marché et de l’organisation de l’Etat. Dans le Bhagavad-Gîtâ,

par contre, ce moment est plutôt personnel et psychologique, un moment spirituel demandant

l’intervention d’une explication extérieure ; d’où le yoga du renoncement. La production de la

renoncement est donc important au même titre que la production du travail. C’est cette partie

de discours que Karl MARX considère comme un opium du peuple.

Le renoncement comme un élément à la fois social et religieux. Ce thème a été

développé dans le chapitre 6 intitulé « Yoga de la soumission de soi-même » ainsi que dans le

chapitre 18. Une comparaison des deux chapitres attire notre attention : deux définitions du

renoncement sont exposées dans chacun de ces chapitres. Dans le chapitre 18, le renoncement

est une « renonciation aux œuvres du désir», alors que dans le chapitre 6, le renoncement est

l’union. En cédant la production, l’homme renonce à son désir et accepte de renforcer son

intégration dans l’univers de « l »’homme. La Bhagavad-Gîtâ présente « l »’homme comme

un … homme composé de plusieurs hommes dont les membres et les organes sont finalement

« des » hommes. Le thème de l’homme y est donc représenté à plusieurs niveaux ; ce sont des

hommes en mouvement ou suivant leur élan individuel. La fin de l’homme est exposée dans

le « Yoga de dieu indivisible et suprême » dans lequel en même temps, l’artifice humain est

exposé. La narration de la Bhagavad-Gîtâ de l’existence se compose de thème de l’être, de

l’Etre suprême et de l’acte. La première action était l’incarnation de l’Etre suprême, son auto-

révélation et en même temps son sacrifice176

176 Comparez avec la doctine biblique

Page 295: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

292

Le mouvement de l’homme n’est donc pas un élan vers l’objet (matériel) mais une

renonciation au désir et un élan vers l’unité avec l’homme.

CONCLUSION DE LA SECTION

Le thème de l’homme se construit avec des éléments du thème de la religion : dieu,

étendu, âme, etc. Ce sont ces sujets qui doivent être délimités et localisés dans une espace

pour avoir une certaine vision de l’homme. Conséquence, la littérature nous a fourni une

représentation de l’homme divine ou philosophique et spirituel.

La divinité ou l’affirmation de l’homme comme un produit de la divinité fait que

l’histoire de l’homme est avant tout, une histoire de l’action (le faire) et de fonctions divines

et humaines. Ce qui se dit sur l’homme est la production et sa disposition vis-à-vis de la

richesse. Mais le thème de la richesse associé à celui de la divinité ne conduit pas à celui de

l’homme qui a un sentiment, mais seulement à l’homme qui a un corps. L’intégration des

vertus et de l’éthique conséquents de la pratique de la religion dans la description de l’homme

pour sa part présente l’homme dans sa position critique par rapport à la notion du bien et du

mal et plus particulièrement sur le comportement et sur l’attitude vis-à-vis de la richesse. La

Bhagavad-Gîtâ a le mérite de mettre en évidence ce phénomène en marquant l’existence

d’une rupture de sentiment ou d’attitude de l’homme qui a achevé son œuvre de production.

La morale se place alors en intermédiaire entre la production et l’échange. La réflexion ou le

sentiment sont un moment de fixation de la valeur qui se passe avant même le marché

proprement dit. La valeur proprement dit est postérieure à celle du sentiment. (la valeur n’est

donc pas l’expression de la rareté, mais aussi de la moralité de la production. La preuve, en

général, les objets acquis par des moyens immoraux ont peu de valeur, alors que les objets

considérés comme un don divin ou issus d’une croyance en une étendue génératrice, la

matrice universelle selon l’expression du Bhagavad-Gîtâ nous sont chères).

La relation entre es thèmes de la religion et de l’économie est une réalité dans un

domaine non pas de l’échange marchand, mais dans le domaine psychique ou spirituel de

renoncement. Or ce sujet n’existe pas dans la conception occidentale ; c’est ce qui explique

l’incapacité de la théorie économique à rendre compte de l’homme dans leur théorie

économique.

Page 296: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

293

CONCLUSION DU CHAPITRE La recherche empirique de l’identité de l’homme est provoquée par des circonstances

critiques. Or l’habitude, peut-être, nous fait accepter, sans se douter, que ces circonstances

sont ponctuelles et limitées dans leurs ampleurs ; nos pensées ont été obnubilées par

l’intensité et la forme de la manifestation de la crise identitaire. Mais plus que ces

manifestations, il y a des faits quotidiens qui, racontés par des personnes choisies, comme les

gourous ou comme les sages prennent une dimension dépassant l’homme de la société, voire

l’homme tout court. C’est dans ce sens que le récit d’un fait de doute d’un guerrier sur un

champ de guerre prend la dimension de parangon de l’homme devant ses propres œuvres :

l’homme n’est pas satisfait de ses œuvres ; il ne pourra pas dire comme le dieu de la bible

que tout est bien. C’est à ce point de son existence qu’il a besoin d’une inspiration extérieure

pour pouvoir jouir et apprécier ses propres œuvres. L’identité de l’homme devient des

produits de la réflexion des penseurs ou d’une pensée qui s’élève au dessus de la pensée de

l’homme préoccupé par le quotidien.

Nous avons aussi constaté que la religion transporte la réflexion sur l’homme vers une

sorte d’une problématique unique, « l a » problématique, menant vers une sorte de crise

identitaire permanente. Pour la Bhagavad-Gîtâ, cette problématique est le conflit de l’homme

devant ses paires, devant des êtres pour qui il éprouve de la sympathie. Nous n’avons pas

consigné les recommandations des yogas à ce propos. (En sciences sociales et économiques

plus particulièrement, ce problème est le conflit social ou le conflit d’intérêt). Pour le

christianisme par contre, le problème est la faiblesse de l’homme, l’incarnation de la faiblesse

de l’homme.

Aussi, les réflexions sur la représentation ont permis d’établir les cadres dans lesquels

sont localisés ce qui se dit sur l’homme ainsi que les thèmes et les sujets avec lesquels se

construit la réflexion sur l’homme. En fait, il s’agit d’un survol des réflexions et de méthode,

et non une démonstration rigoureuse de la force d’une réflexion quelconque. Empiriquement,

nous sommes alors persuadés de l’existence d’un véritable problème sur l’homme et surtout

que ce problème n’est pas un problème de discipline scientifique spécialisé, mais un problème

général qui se pose à chaque être humain dans n’importe quelle situation. Nous démontrerons

alors dans le chapitre suivant que ce problème est un problème de l’économique. Entre

l’homme et l’économique – l’économique et non pas l’économie – il y a un phénomène

problématique propre à l’homme.

Page 297: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

294

Chapitre III ­ A LA REDECOUVERTE DE L’HOMO 

ŒCONOMICUS  

INTRODUCTION LA QUESTION : LA CRISE DE L’HOMME

Les périodes critiques de la vie sociale se dégénèrent souvent en crise d’identité des

groupes sociaux. Elles sont comme causées par une détermination extérieure (religieuse ou

économique), et les discours tenus durant ces périodes insistent sur l’importance de

comportement éthique des sujets économiques. Mais les résultats de ces comportements

restent non palpables : on a beau changer de discours, on a beau changer de propos, l’idéal et

les valeurs sociales changent, mais la crise persiste et dure trop longtemps par rapport au

changement de discours qui a été fait. Conséquence, en matière de crise et durant la crise, peu

d’économistes sont fières de leur entreprise : la crise est de caractère économique, et les

discours de salut sont … politiques ou moraux.

Pourtant, l’homme de l’économie, l’homo œconomicus, a été lui-même construit pour

des raisons morales : l’économie des facteurs et donner un sens ou comprendre

intellectuellement les activités humaines, et surtout une quête de compréhension d’un ordre.

Durant la crise, les discours de production et de consommation évoquent une force morale ou

psychique de l’homo œconomicus : le sens de la raison de longue durée. Durant la crise, les

discours contre l’égoïsme, contre l’individualisme et contre la vision de courte durée se font

entendre ; la rationalité et le calcul économique attribué à l’homo œconomicus sont sollicités.

La condition de la reprise, évoquée par le système de pensée indo-européenne dans

leur théorie de cycle cosmologique, a le mérite de localiser le thème de discours moral

approprié de la période de récession, celui de la remise en cause de l’identité humaine.

Chaque individu, affirment les thèmes des discours indo-européens ou non, se pose la

question de « qui suis-je ? » ou de « qui est l’homme ? » et se cantonne dans leur découverte

respective pour croire que leur vie est meilleure parce qu’il connaît l’homme ou se connaît

lui-même. Cette espérance, encore, se rencontre dans la littérature indo-européenne de «

connais-toi, toi-même » aristotélicien ou de Lao TSEU.

Page 298: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

295

Par le cadre de leur formulation, cependant, le thème de l’homme s’inscrit dans un

thème croisant la nature et la religion, une situation où le sujet se sent être aussi un objet. Le

thème de l’homme arrive donc lorsque la pensée individuelle ou collective est parvenue à un

renversement d’objet ou de sujet. C’est un thème ou un sujet de conversation des moments

critiques.

Devant ce fait, la conception populaire de la question de l’identité de l’homme, celle

où la transmission de la connaissance se passe d’enseignants et s’appuie sur des positions

hybrides et empiriques. Elle a repris les référentiels secondaires - des morceaux partagés et

indifférents des positions dogmatiques - pour en reconstituer les référentiels communs et

inévitables à l’intelligence humaine sur la base desquels, on peut affirmer que l’homme se

décrit par lui-même ; elle a construit le lieu de discussion de l’homme à partir des thèmes plus

ou moins déjà partagés par tous.

La recherche empirique de l’identité de l’homme par un autre homme ou par une

communauté est ainsi une construction de communautés en mal d’arguments d’actions ou

sentant la pression d’une force extérieure et cherchant à reprendre en main son destin. Un

besoin de se libérer de la force extérieur ou de « partir » pour une autre direction est révélé et

sa résolution commence par l’étude des conditions de la formation de la quête de soi. En fait,

dans l’idée de partir, il est question d’une recherche d’un autre lieu ou encore de nouvelles

activités, et tout simplement une volonté de prendre en main son propre destin. C’est dans ce

sens que l’on peut d’ores et déjà affirmer que la quête de la connaissance de soi de l’homme

est devenue un moteur de l’action pour le déplacement vers une autre destination. Ce

mouvement d’ensemble de chaque être humain, animé par la même quête est un indicateur de

l’espèce humain. On peut aussi dire que la question de l’homme se pose dans un esprit de

recherche d’une échappée mentale ; elle est donc une attitude salvatrice face à une angoisse

existentielle et essentielle. Par nature, elle est un problème. La question de « qui est l’homme

? » ne se pose que dans des conditions de fuite, sinon de l’existence de moyens mentaux

nouveaux permettant à l’humanité de constater l’irréversibilité de ses changements. A

l’époque actuelle, ces moyens sont entre autres la mécanisation de l’information (ordinateur)

et la croyance en l’implacabilité de la science ; alors qu’à l’époque néolithique, ils étaient

traduits par la connaissance ou l’assurance de se distinguer de l’animal ou de dompter

l’animal. Aussi, si actuellement, un peuple ou un tribut se sent distinct des autres, alors la

remise en cause de la question se pose (tel est le cas du comportement allemand de la

Deuxième guerre).

Page 299: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

296

LE PROBLEME : DE L’HOMME DANS LA PENSEE ECONOMIQUE

La pensée économique n’a certes pas préoccupation pour la question existentielle,

mais de quête de substance pour la survie. Cette dernière se résume dans le thème de la

production selon lequel, tout ce qui existe est le résultat de la production et non de création.

De ce fait, dans la logique de la pensée économique, l’existence de l’homme lui-même est le

résultat de la production au même titre que celle de la production de substance. Mais la pensée

économique actuelle n’a considéré que la production d’objets matériels. Pour elle, le thème de

l’existence de l’homme ne s’inscrit seulement que lorsque le thème en question de l’homme

est considéré comme un objet destiné à un besoin spécifique. Mais ce besoin, c’est l’existence

elle-même, et sa satisfaction échappe à la production intellectuelle ou matérielle humaines.

La pensée économique doit alors être complétée par un sujet portant sur le sentiment,

la conscience, la croyance.

DEMARCHE VERS LA SOLUTION

Nous proposons de porter notre réflexion sur l’homme sans les instruments de

production et de nous demander pourquoi et comment la production matérielle (comprenant

la production de biens de consommation et de biens de production) a-t-elle pu émerger. Notre

hypothèse (implicite) est que la production matérielle émerge même si les catégories de

facteurs énoncées par la science économique ne soient pas encore réunies. Notre réponse

serait que lorsque seule la présence de l’homme dans le domaine économique sous forme de

force de travail et d’organisation humaine existe, alors la production serait l’homme lui-même

ou les indices de l’homme177. Les facteurs matériels de production engendrent des produits

matériels, et les facteurs humains de production engendrent logiquement des humains. D’où la

conclusion hypothétique que nous allons vérifier : la conscience de soi de l’homme est à

l’origine de l’apparition de l’homme dans l’économie et que celle-ci oriente la production

matérielle ; dans le cadre des thèmes économiques actuels, nous dirons que la nature et la

quantité de la production matérielle sont déterminées par le modèle de représentation de

l’homme dans la nature. L’existence des interdits alimentaires alors que la nourriture est rare

et des fois de qualité nutritive insuffisante, ainsi que celle de l’obligation de se vêtir alors que

les vêtements certains d’entre eux sont embarrassants sinon de très mauvais goûts ou encore

l’existence de cette force qui pousse l’homme à implorer une force extérieure et inhumaine

177 C’est l’hypothèse que nous voulons démontrer en se demandant pourquoi et comment de telle hypothèse peut être confirmée par la réalité.

Page 300: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

297

sont des preuves que toutes ces actions anodines sont accomplies seulement à cause d’une

représentation préalable de l’univers.

A cet effet, notre thèse s’inscrit en continuation des lignes de recherche ouverte par les

critiques de l’économie réclamées par Ernst FEHR concernant la nécessité de reformuler la

base de l’économie ; elle s’inscrit aussi dans le concept de « personnalisme » ouvert de

nouveau par Emmanuel MOUNIER178. Le personnalisme est une philosophie qui tout en

reconnaissant la diversité humaine, et avec elle, l’imprévisibilité de l’individu, constate « le

recoupement sur certaines idées de pensées, sur certaines affirmations fondamentales et sur

certaines conduites pratiques, de l'ordre individuel et collectif » (MOUNIER 1949, page 8).

MOUNIER estime que l’émergence d’un système économique n’est pas seulement une

question de combinaison d’un état de l’infrastructure et de superstructure, mais un moment

historique de spiritualité concentré sur l’homme. MOUNIER propose alors d’ancrer

l’économie sur la personnalité. Seulement, contre Emmanuel MOUNIER, il faut reconnaître

que le concept de « personnalité » n’est pas une réalité ou un phénomène prouvable. La

personnalité peut être seulement un concept et non une réalité.

Nous rejetons également l’approche expérimentale et psychologique de l’économie

avec laquelle certains chercheurs américains actuels, notamment Vernon SMITH et Daniel

KAHNEMAN ont conduit l’économie. Nous considérerons que la recherche de l’identité de

l’homme est le produit de la structure cognitive individuelle et partagée, enveloppée dans le

langage, les thèmes et sujets de conversation et éventuellement de la culture. La pensée,

l’intuition, les mots et les concepts et non pas les faits sont ses principaux matériaux, bref l’

domaine de l’économie est la conscience de soi. La question de la conscience de soi de

l’homme est portée et inspirée par les instruments linguistiques du quêteur, en fonction des

débats vécus par la communauté. L’importance thématique de genre dans un langage par

exemple, oriente la nature des activités communautaires. Dans tous les temps et dans tous les

lieux, cependant, la question de « qui est l’homme ? » ou de « qui suis-je ? » est rémanente et

contient une formulation réduite d’une idée explicite propre à une structure linguistique

donnée ; la question est donc en apparence culturelle, mais d’une culture générale de

l’homme, une culture génétique. L’extension de la question tourmentant l’homme est : « qui

est l’homme, étant donné le langage utilisé par le quêteur ? ». Selon la préoccupation de

l’individu ou de la communauté, on peut distinguer plusieurs nuances de formes de questions.

178 Voir MOUNIER Emmanuel, 1949, « Le Personnalisme », PUF, Coll. Que sais-je ?, n° 395 (MOUNIER 1949)

Page 301: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

298

Pour notre part, nous aborderons cette étape de la formulation de la question de l’homme par

la langue malgache ; la question est alors : « qui est l’homme dans le contexte linguistique

malgache ? ». Dans ce contexte, la question de « qui est l’homme ? » peut être traduite entre «

inona ny olona ? », proche de « qu’est-ce que l’homme »179 ou « iza ny olona ? » proche de la

question « qui est mon ami ? » évangélique180 - soit vers une question d’identité plus proche

de la question de « qui est là ? » qui est une question d’un individu s’adressant non plus à un

pair individu ou individualisé, mais une question angoissante d’un individu s’adressant à un

inconnu dont la présence est sentie. Ce questionnement est celui d’un questeur d’un culte de

possession, qui, en présence d’un individu en transe, se pose la question : « iza ? »

(littéralement « qui est celui qui est en train de se manifester ? »). Bref, dans la langue

malgache, la question de l’homme est beaucoup plus précise et orientée, soit vers une réponse

technique - la question est alors de « inona ny olona ? » et elle est avant tout une question

technique, traduisible en Français par « de quoi est faite l’homme ? » ou dans la philologie

malgache, par « avec quoi peut-on comparer l’homme ? ». Le présent chapitre est orienté dans

le dernier sens de questionnement d’un prêtre d’un culte de possession (le « qui est là ? » ou «

iza ? »). En effet, il nous paraît impossible de faire, malgré le concept durkheimien de « faits

sociaux », de considérer l’homme comme un objet appartenant au phénomène social, car

l’homme dont la présence n’est que sentie et non certifiée, ne peut pas être circonscrit déjà

dans un espace d’objets et de liens sociaux. Au contraire, nous posons que l’homme en

question relève des mondes réel et spirituel (dans la mesure où ce dernier s’oppose au

premier : évidence contre spéculatif) grâce auxquels la continuation de la vie de l’individu est

concevable et que l’individu devient ainsi un corps prenant le concept de l’homme. L’homme

préoccupant la science est celui qui relève à la fois du connu et de l’inconnu, mais senti. C’est

cet homme, et non celui de la sociologie, il nous semble, a été théorisé pas la science

économique.

L’appréhension de l’homme inconnu ne peut se faire que dans le même cadre dans

lequel celui-ci s’est manifesté, et que ce cadre n’est pas uniquement le social, il n’est même

pas forcément identifié tout en sachant que ce cadre est en grande partie façonné par l’homme

(sous forme de production). En effet, l’existence de l’homme localisé dans un milieu

quelconque répond ou est identifié par la question suivante : « quelle est la place ou le

179 Voir à ce propos la question biblique « inona moa ny olona no hijerenao azy ? ». La réponse serait alors de type : « de la poterie enveloppant l’âme » (tavimbilany hitoeran’ny fanahy) conformément au syncrétisme malgache 180 Voir l’épisode de l’évangile sur la parabole du bon samaritain.

Page 302: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

299

fonctionnement de cet homme qui est dans un milieu donné et dérange l’ordre existant ? ».

Cet homme saisissable, c’est l’homme du modèle économique de ARROW (un homme «

rationnel agissant dans le marché ») ou de LAKATOS (un homme agissant dans le marché

pour maximiser son profit). C’est un homme qui perturbe la stabilité du marché en rompant

l’équilibre, par ses actions sur l’offre et la demande.

SOLUTION DE LA PROBLEMATIQUE DE L’HOMME

Aussi, pour saisir l’homme et non la place, il faut l’appréhender dans sa manifestation

sensuelle, c’est-à-dire dans l’intuition et non dans le concept, et à plus forte raison, dans l’idée

du chercheur. Cette approche est utilisée dans la religion : les praticiens se croient conscient

d’une « sensation d’éternité » selon les termes de FREUD (FREUD, Malaise dans la

civilisation, 1929, page 6). Mais ramené au niveau de la problématique de l’homme, les

mêmes sensations devaient apparaître.

L’homme est un être qui perturbe ou dérange la pensée. Les mêmes questions de la

place et de fonctionnement se posent, mais cela, dans l’espace de la pensée. L’existence de

l’homme localisé dans la pensée d’un homme est identifiée par les questions d’ordre

existentiel de « qui suis-je ? » et non pas dans la contemplation de ce que fait cet homme,

dans le milieu extérieur. C’est dans ce sens alors que les chapitres précédents de la présente

thèse ont exposé ce qui se dit sur l’homme tel que le permettent les vocabulaires, l’imagerie et

la représentation du langage et, d’une façon générale, le symbole.

Une relocalisation de la question s’impose ensuite pour ne pas emprisonner la question

de l’homme dans le carcan de vocabulaires et symboles utilisés. La formulation de la

question, ou la question formulée dans les thèmes ethnolinguistiques, est transportée vers le

discours scientifique ou vers le jugement du chercheur en vue d’être reformulé en termes

évoquant les thèmes criblés par la raison et surtout pour être reformulée dans le langage et le

raisonnement - que l’on croit universel - de la science. Il s’agit de reformuler la même

question mais sans les préalables linguistiques ou culturelles données, et avec les connotations

académiques. Ce déplacement de la formulation de la question sur l’homme est donc une

quête de réponse par l’exploitation de la sensation, ou de l’expérience, ou encore de l’idée du

chercheur. Dans ce sens, la question n’est plus de savoir « qui est l’homme, étant donnée le

langage utilisé ? », mais « qu’est-ce qui a été senti par l’aura de l’homme ? » ou « quels sont

les signes de la présence de l’homme ? », ou tout simplement : « Comment la présence de

l’homme dérange la pensée scientifique? ». Il ne s’agit pas, rappelons-le encore, de la

Page 303: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

300

présence physique, mais d’une conscience intellectuelle ou réfléchie. A ce niveau, une

formalisation de discours ou une structuration préalable de discours s’impose ; la question est

alors posée par des intellectuels. Cette étape se présente sous la forme de problématisation du

discours sur l’homme et non de généralisation. Elle consiste à gerber les connaissances des

conditions de questionnement du chercheur en général (qui, finalement n’est pas forcément

l’universitaire, mais l’homme lui-même sous forme de communauté humaine) en vue de

récapituler ce qui se dit, ou plus précisément, en vue d’identifier le cadre des argumentations.

La question est alors en Malgache : « Ahoana ny fomba filazana ny olona momba ny olona ?

» (ou « que dit-on de l’homme ? »181), ou « inona no ilazan’ny olona ny olona ? » « que dit-

on à propos de l’homme ? ». La question est donc foncièrement sur l’identité de l’homme,

mais elle reste à ce niveau sans réponse. Les questions relèvent de la classification et de la

comparaison de la démarche intellectuelle ou de cheminement intellectuel par laquelle se

découvrent les thèmes associés à la question de l’homme.

On explorera alors non plus les thèmes partagés de deux ou plusieurs langues, mais les

discours à l’intérieur des langues pour voir en quoi chaque discours sur l’homme,

indépendamment de la culture et de la langue peut-on concevoir un même thème. Tel est

l’objet de la seconde section. Dans la première section, la question se porte sur l’intuition de

soi de l’homme, une transformation du sujet de l’homme en thème ; dans la seconde section

par contre, un approfondissement sur les traces de l’homme sera étudié ; en fait, la question se

porte sur la précision de l’intuition, d’où l’intitulé de la deuxième section : ce qui a été

désigné par la langue humaine.

De ce fait, la deuxième section n’est en réalité qu’une introduction de « l »’homme à

l’homme, une présentation de « cet homme-là » (« iry olona iry ») à « l’homme-ci » (« ity

olona ity »). En fait, il s’agit de délimitation de l’espace mental entre le pointé et le point de

référence. Un thème de rapport, ou de distance, un thème de conflit, devrait être utilisé pour

caractériser la situation. Au terme de cette section, nous pouvons identifier le cadre général du

questionnement sur l’homme par lui même et non encore de l’identification de l’homme, ou

plus précisément, nous aurons une certaine idée des causes de la question de l’homme en

dehors du cadre de la spéculation intellectuelle universitaire. Cela cependant n’aboutira pas

encore à la formulation de la problématique de l’homme mais seulement à des discours de

délimitation sur le thème de l’homme.

181 Cf. la question de Jésus, « Ataon’ny olona ho iza moa aho ? »

Page 304: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

301

A ce niveau de discours et de généralisation, cependant, un fait est évident : il est

facile de faire un discours sur l’homme, mais il manque de référentiel ou de fonds commun

d’arguments pour faire le thème de l’homme, un sujet de discussion intelligible, non

passionné et éventuellement objectif. Le thème de l’homme manque de référentiel, au point

que le discours sur l’homme, ou chaque discours sur l’homme s’enferme ou est enfermé dans

un système doctrinaire. L’homme de l’anthropologie lui-même n’est qu’un homme d’une

culture ou d’un système. Manifestement, il manque un référentiel de discours sur l’homme, et

là encore, à défaut d’un changement de méthode, on risque de s’enfermer dans des positions

dogmatiques.

Devant cette impasse imminente, nous avons choisi de procéder par un autre critère de

choix de référence : au lieu d’évoquer notre ferme conviction personnelle, nous avons décidé

de ne voir et penser en l’homme que les faits de comportement partagés par toutes les

communautés humaines, indépendamment de leur système d’explication, et sur lesquels

s’appuient implicitement tous les discours sur l’homme. Ce fait ou ces faits, à notre avis,

constituent les signes distinctifs de l’homme. Cette méthode a été utilisée par John Stuart

MILL, pour défendre la science économique contre l’affirmation selon laquelle cette

discipline n’a pas de fondement scientifique ou physique. John Stuart avance alors la

proposition déjà citée, selon laquelle, « l’homme préfère plus de richesse que moins » pour à

la fois exprimer le fait que l’homme a un sens de richesse et de libre choix, et que ces deux

caractères sont des signes distinctifs de l’homme. Puis, d’autres chercheurs, les

anthropologues, opérant sur des observations directes de l’homme dans leur vie culturelle ont

mis l’accent sur d’autres caractéristiques susceptibles de servir d’être le fond commun du

discours sur l’homme : la présence d’interdit incestueuse. Leurs observations cependant se

portent seulement sur les tributs primitifs d’Australie qui n’ont pas de contacts avec d’autres

cultures et qui n’ont pas encore de religion. Sigmund FREUD, constatant que l’homme

primitif n’a de loi que l’inceste, et que une partie primitive persiste encore dans l’homme

moderne, en déduit que la présence de l’interdit est un signe caractéristique de l’espèce

humaine. Il a fait d’ailleurs de ce constat, le départ de sa réflexion sur le thème de « Totem et

Tabou » (FREUD, Totem et tabou, 1912). D’autres caractéristiques de ces genres peuvent

certainement exister, mais il nous semble que celles avancées par les deux auteurs précités

suffisent largement pour construire une approche scientifique de l’homme, d’autant plus

qu’elles se confirment mutuellement : l’existence de l’interdit permet un choix sous

contrainte, alors que la présence du choix donne du sens au concept d’interdit. Nous dirons

Page 305: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

302

alors que tout discours sur l’homme se caractérise par un enjeu défini par le rapport entre le

choix et le permis.

Jusqu’à présent, et ce, depuis le premier quart du XXème siècle, cependant, il semble

que l’homme se reconnaît par l’absence de relation sexuelle entre des individus d’un certain

degré de parenté. Il se peut cependant que des recherches ultérieures aient découvertes des

preuves contraires, aussi, nous dirons pour maintenir l’hypothèse en question, que les hommes

se distinguent par leur pratique d’interdit. Les hommes se distinguent des autres créatures

animales ou célestes par leur décision ou instinct d’interdit de faire quelque chose, même s’ils

en ont les moyens. Tel est l’objet du second paragraphe. Le développement de la question (le

pourquoi ou le comment du fonctionnement de l’interdit et du sens de la richesse sur

l’homme) sera développé dans les chapitres suivants. Nous pouvons seulement anticiper en

affirmant que l’homme s’interdit sciemment de quelque chose pour des raisons d’intérêt ou de

richesse, des notions qu’il détient instinctivement. L’homme se distingue donc des autres

créatures par le fait qu’il n’est pas guidé par l’instinct ou le gène, mais par la raison et la

richesse. A ce niveau de réflexion, nous dirons alors que la question de l’identité de l’homme

renferme n’a pour objectif que la révélation du caractère économique de l’existence ; tout

homme, ou l’homme en général est l’homo œconomicus.

Les caractéristiques de l’homme de l’économie révélées par la question de l’identité de

l’homme feront l’objet de la troisième section. Elles s’appuient sur le fait que l’homme se

distingue par ses notions d’interdit et de richesse. Les différentes formes de littérature sur

l’homme, et d’une façon générale, tout ce qui se dit sur l’homme est centré sur ces deux

thèmes (l’interdit et la richesse). Ces thèmes sont manifestes dans les littératures indo-

européennes et autres.

Par cette généralisation de ce qui se dit sur l’homme, nous pensons alors avoir ouvert

une porte pour une discussion sur l’identité de l’homme : il s’agit de l’homo œconomicus. En

effet, le discours sur l’homme, lorsqu’il est ancré sur le rapport de l’individu avec l’homme en

général et sur l’homme avec l’homme, et enfin sur l’homme et ses activités de production

matérielle, pointe du doigt l’homo œconomicus. Mais l’identification de l’homme ne s’arrête

pas avec l’identification de ses référentiels. En effet, il faut se demander les limites

extérieures de l’homme.

Page 306: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

303

SECTION 1 – INTRODUCTION AU THEME DE L’HOMO ŒCONOMICUS INTRODUCTION

La question : la quête de normalisation de l’esthétique  

Le caractère discursif et spéculatif de l’identité de « l »’homme est un problème à la

fois pour le scientifique et pour le littéraire, chacun à leur façon, à cause de l’absence de

champ d’argumentations spécifiques ou à cause de l’interférence des arguments : le discours

sur l’homme entrepris par la littérature est un thème qui ne peut être délimité, ni mesuré et

compté par la science, et celui entrepris par le scientifique ne peut pas satisfaire la critique

d’un littéraire à cause de la logique des suites des sujets développés, de la répétition des

vocabulaires et de la présentation grammaticale. D’autant plus que les ouvrages scientifiques

font l’objet de traduction des idées et qu’il arrive dans la science (économique) que des

concepts et des thèmes entrent dans une sorte de termes universellement acquis et susceptibles

de trouver une correspondance de sens dans plusieurs langues, faisant en sorte que les

sciences peuvent avoir leur propre dictionnaire des mots.

La rencontre entre l’analyse et la rhétorique ou l’analyse non linguistique de la

rhétorique n’a pas encore été validée dans la science bien que des thèmes soient

conjointement explorés par les scientifiques et les littéraires et produisent des réflexions

convergentes : la production, l’action collective, l’échange et la communication, etc. Ces

thèmes sont tellement vulgarisés qu’ils font parties désormais de la culture universelle à partir

desquels se décrit l’identité de l’homme. Ce qui existe est la rencontre entre l’économie et la

société sous les œuvres de Max WEBER182, ou encore, l’analyse économique des faits

sociaux de Garry BECKER et qui consiste à interpréter les faits sociaux à la lecture de la

logique économique considérée comme une sorte de philosophie ou de technique de narration

universelle. Une convergence de préoccupation entre le littéraire et le scientifique en matière

du thème de l’homme existe donc, sans que soit toutefois établie une règle unique de

jugement à leur propos. Par ailleurs, un dictionnaire conjoint des vocabulaires scientifiques et

littéraires n’a pas été encore élaboré. Enfin, des faits ou des idées ont été bien dits par la

182 On note que dans le programme d’enseignement général français, une discipline académique intitulé « sciences économie et société » (SES) dont l’objet est d’étudier les grands problèmes contemporains. Dans leur démarche, la société est regardée avec le regard de l’économiste et du politicien.

Page 307: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

304

rhétorique et plus particulièrement par la poésie, sans qu’on se soit posé la question si ces

propos sont-ils évidents ou réels.

L’existence de la différence de mesures d’appréciation des qualités littéraires et

scientifiques ainsi que l’absence de vocabulaires uniques entre la littérature et la science

forment une intrigue qui ouvre la question : ne peut-on pas envisager la réalité d’un

instrument unique de mesure entre les sciences sociales et la littérature sur l’homme ? Cette

question est en quelque sorte, une quête de normalisation de l’esthétique : recherche de la

mesure ou de la norme du beau.

Le problème : le « moi » en tant que sujet et en tant que objet 

Les sciences sociales et humaines ont l’homme pour objet direct ou implicite. Bien

que chacun de ces groupes essaie à leur manière de capturer l’homme en vue d’en faire moins

monstrueux (de-monstrer), il se heurte à un problème épistémologique de l’identité de leur

objet : qui est l’homme qu’il veut capturer ? L’usage chez les scientifiques de poser la

question de l’identité de l’homme par des précisions préalables de référentiels, avec des

concepts et de champ d’arguments précédant la démarche proprement dite de l’objet de

discussion, sans toutefois que ces conditionnements préalables des auditeurs puissent apporter

un plus sur la réponse, devient un obstacle de cette intégration ou de cette fédération. Avec la

littérature, la science se perd de conjectures : recherche de mots ou de référence.

La science et la littérature cherchent, toutes deux, l’homme. En cherchant « l»’homme,

« un » homme ou une science ne se pose pas en homme, mais comme une entité critique

inconnue (« l »’homme ou « la » science) et leur question est sémantiquement complexe :

elles cherchent « l’ » homme, alors quel leur chercheur est déjà l’homme qu’elle cherche. Sa

démarche met donc en opposition « l »’homme et « un »homme, comme si ce dernier a une

position différente du premier. Aussi, la question de « pourquoi un homme cherche-t-il « l »’

homme alors qu’il est déjà un homme ? » est une intrigue scientifique, une énigme

épistémologique183, car pour identifier l’homme, il suffit à l’homme de se demander « qui

suis-je ? » au lieu de « qui est-il ? », c’est-à-dire faire une opération d’induction et non de

déduction. Mais cette démarche n’a pas été adoptée par les sciences sociales ou presque

toutes, sauf les économistes marginalistes, et non pas par les sciences humaines.

183 Nous avons répondu à cette question en soutenant que : 1°) l’homme dispose d’une capacité à chercher l’homme et 2°) en empruntant la conclusion du philosophe Gille DELEUZE, la recherche de l’homme répond à un instinct de révolte.

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305

Le problème n’est pas un simple choix d’objet de recherche, mais plus que cela, une

disposition intellectuelle, un choix de méthode, une contrainte linguistique : cette façon d’agir

– poser la question en termes de « qui suis-je ? » au lieu de « qui est-il ? » - n’existe que par

la narration, alors qu’on se veut être objectif (comme si on répond à une question de « qui est-

il ? ». Le problème est la recherche du « moi objectif », c’est-à-dire le « moi » partagé ou le

moi avec lequel chaque individu se reconnaît en tant que être humain. (FEUERBACH définit

cette objet de la recherche comme étant une quête de le l’essence de l’homme).

Nous postulons que le concept de « homo œconomicus » est une réponse à la question

de « qui est l’homme ? », il décrit mieux le « personnalisme » d’Emmanuel MOUNIER. De

cette hypothèse, nous déduisons alors que l’activité humaine est une activité économique,

mais que cette activité est mal accomplie par l’homme (à cause de ses faiblesses) ; aussi, la

réplique faite par l’homme idéal dans les exigences de la vie est celle attendue par l’homme

en général. Une réflexion approfondie sur l’homme idéal nous montre alors que dans le fond,

l’homme ordinaire n’a pas de connaissance suffisante de son maître absolu qu’est la divinité,

mais de lui-même.

Quand un lien entre l’homme idéal et l’homo œconomicus est établi, c’est ce qui se

passe généralement devant la contemplation d’un produit, plus particulièrement de l’art, on

s’aperçoit qu’on parle du même homme, mais dans des référentiels différents. C’est homme

est le produit conjoint de l’imagination et de la raison ; c’est de l’homme des conditions

économiques – peut-être le praticien. Il est proche, un voisin de l’homo œconomicus.

Seulement, l’homo œconomicus est le héro d’une société dominé par l’échange marchand,

alors que son « voisin » le praticien est à la fois dans l’échange marchand et dans le don. Il

nous faut alors démontrer que le monde de l’échange marchand comprend aussi une partie

inséparable du monde de don et de l’échange non marchand, de façon à ce que le héro de

l’échange marchand soit aussi celui de l’autre monde. Il faut alors remonter aux sources de la

pratique (celle qui anime et donne l’énergie pour agir) et de la théorie (celle qui inspire)

l’action humaine. Notre objectif est de montrer l’unicité de l’inspiration animant la

construction de la représentation de l’homme. Cette source est l’économique. Mais il ne s’agit

pas seulement de l’homme qui agit et est animé ; il s’agit aussi de l’homme qui rend compte

de ses actions. Ce deuxième point est important. Nous montrerons que l’homme est doté

naturellement d’une faculté consciente et impétueuse de chercher la représentation de

Page 309: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

306

l’homme, et que cet objectif lui est imposé par une sorte de révolte viscérale184. L’espace de

l’économie est alors le trouble intérieur de l’homme étant donné sa capacité intellectuelle

consciente. Avec ces propositions, nous allons situer le thème de l’homo œconomicus.

PARAGRAPHE 1 – L’HOMO ŒCONOMICUS EST LE THEME PRODUIT DE LA DISPOSITION NATURELLE CONSCIENTE DE L’HOMME A LA QUETE DE LA REPRESENTATION DE L’HOMME

La recherche de la représentation de l’homme par lui-même est une activité

d’exploration qui devait mettre l’homme en face de son image et qui s’achève par la

découverte de lui-même. A cet effet, l’homme a comme moyens, d’abord les instruments

conceptuels avec lesquels il décrit et nomme et rend compte ce qu’il a découvert, ensuite ses

intuitions, raisons et facultés de discernement avec lesquels il peut affirmer et vérifier ses

découvertes. La recherche de l’homme par l’homme se termine lors du constat de la

confirmation des concepts concrétisé par l’appréhension intellectuelle de l’homme ; autrement

dit, la recherche de l’homme par lui-même est réalisée lorsque l’homme est en position de

face-à-face avec les concepts désignant la représentation de l’homme.

La littérature est parvenue jusqu’à cet arrêt de la recherche. Par la narration et par les

mots, les narrateurs, à travers leurs protagonistes, consigne ce moment d’arrêt : de Alighieri

DANTE dans son « Enfer », a trouvé les mots pour concrétiser la rencontre avec son maître

ou son dieu ou ce qu’il a de valeur suprême. L’écrivain allemand Thomas MANN (1875 –

1955), dans son « Docteur Faustus » retrace aussi cette rencontre entre l’homme et son idéal,

sous forme de rencontre entre le musicien et son maître. Ce dernier est dépassé par son élève,

il reste alors une exposé sur l’art de la part de l’élève : de la compréhension de l’admirateur de

l’art qui est en fin de compte manipulé par l’artiste, c’est cette compréhension qui, d’après

Thomas MANN qui forme un tout objectif.

L’économiste, dans cette file d’idée, a aussi fait rencontrer l’homme avec son

descriptif : les différentes classifications des agents économiques et la confirmation de la

réalité de ces classifications font que les utilisateurs de ces concepts peuvent trouver chaque

type nommé de classification dans la réalité pratique. Les économistes ont élaboré des

concepts opérationnels qui sont plus ou moins descriptifs de la réalité. Puis avec ces concepts,

la pensée économique a imaginé une rencontre entre ce qui a été nommé ; cette rencontre, par

exemple a pu prendre place dans le thème de marché (et les agents concernés sont l’offreur et

184 Cette deuxième partie de l’affirmation est inspirée des propos de la philosophie de Gilles DELEUZE

Page 310: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

307

le demandeur). La rencontre de l’homme avec l’homme dans le récit économique est alors une

rencontre entre les offreurs et les demandeurs, et d’une façon générale à travers les thèmes de

réseaux économiques retracés par le circuit économique. Ce dernier comprend des flux réels

et des flux monétaires dont l’interaction est dénommée par le mot « marché ».

Dans la littérature, la fin de la quête de l’homme et plus particulièrement celle de

l’homme idéal ont produit des impressions, des pressions intérieures à l’homme. Ce dernier

est devenu sous pression de quelque chose, d’un besoin ou d’un sentiment ou d’une

sensation : il est attiré par le comportement de l’idéal ou bien il l’évite. Un mouvement ou un

trouble assaille l’homme. Le premier homme ou l’homme isolé sur une île déserte n’ont pas

été impressionné par l’homme. Ce n’est que par la rencontre qu’il se redéfini et se revoit lui-

même185. La littérature économique, pour sa part, n’a cependant saisi que les traces

matérielles de ces pressions intérieures, des empreintes qui devraient être intérieures à chaque

homme, et elle les a extirpés du for intérieur de l’homme et les a rendus « objectifs » et

transformés en « culture186 », en « empreintes écologiques » : tel est le sens de la théorie

économique de l’information et aussi de la psychologie économique. Les termes de préférence

pour certaines formes de la monnaie, le goût et le choix, etc., sont marqués par une pression

intérieure de l’homme. Lorsque ce dernier parvient à une croyance forte frisant l’irrationalité,

alors un mouvement inverse s’ensuit : une sorte de transformation en objet de la marque

intérieure. La littérature veut aller et atteindre la profondeur de l’intime l’homme, alors que la

narration économique de l’homme essaie de rapporter régulièrement les échos de cette

intimité de l’homme. C’est pour cette raison d’ailleurs que nous considérons la narration de

l’homme ainsi que sa représentation ponctuelle se révèle par la description et par l’étude de

l’économique et non pas par la littérature.

Caricaturalement, la véritable nature de l’homme se précise dans l’espace de

l’économique ; la rencontre entre les hommes ou entre l’homme et son intimité retracée par la

185 Tel est le sens du cri d’ADAM que les rédacteurs du livre de genèse se sentaient obliger de consigner mot pour mot :

« Alors celui-ci s'écria : «Pour le coup, c'est l'os de mes os et la chair de ma chair! Celle-ci sera appelée “femme”, car elle fut tirée de l'homme, celle-ci!» (La Bible, Ancien Testament, Genèse, chapitre 2, verset 23)

La conscience de la possession de la chaire et du corps et la rencontre avec l’être qui s’en est sorti sont les thèmes sur lequel s’arrête momentanément le récit de l’homme. 186 Dans notre sens, le contexte du mot « culture » est chrétien et non pas agricole : La culture vient du latin « cultura » dont les sens sont « culture » dans une phrase utilisée par CICERON, « agriculture » pour Varro TERRENTUIS (638-727), un poète et agronome romain. C’est au sens figuré qu’HORACE (689 – 746) l’a utilisé (QUICHERAT et DAVELUY 1922). Pour lui, la culture se rapporte à l’âme et à l’esprit ; ce dernier sens est à rapproché avec celle du parabole évangélique de semeur de la bonne semence.

Page 311: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

308

littérature ne se conçoit que dans un espace conceptuel et intellectuel fourni par l’économique.

La rencontre de l’homme avec son idéal ou son modèle est un évènement, une expérience

bouleversant à l’échelle de l’humanité187 ; l’économique est bouleversante pour l’humanité.

La recherche permanente de l’homme caché dans le for intérieur de l’homme et la

confrontation des produits périodiques de cette recherche avec l’homme réel sont le domaine

partagé entre les récits littéraires et scientifiques. Les artifices déployés par les narrateurs et

par chaque homme pour découvrir cet homme caché est le processus constructif de l’homme

idéal ou en économie, de l’homo œconomicus188. L’homme dispose des artifices pour se

découvrir lui-même ; point n’est besoin pour lui de révéler l’homme ; l’homme n’est pas un

être-objet de la pensée, mais une réalité dont il est le seul à donner une existence. Seulement,

cet homme produit de la pensée humaine se présente déjà dans un cadre théorique dans lequel

il ne peut être qu’en crise. L’homme dans la pensée humaine n’est pas un être neutre et

indifférent, mais un être dans une crise de la pensée humaine, un être du monde de

l’économique.

Nous explorerons cette disposition intellectuelle commune et partagée entre les

hommes (le narrateur et le théoricien de l’économie ou tout simplement l’homme en général)

pour remonter jusqu’à l’origine de la représentation de l’homme dans un environnement

spécifique qu’est l’économique. Effectivement cette dernière ne figure pas encore dans le

premier livre de notre thèse, mais elle est déjà présente dans notre pensée lors de la rédaction

de ce qui suit. Peut-être un renvoi déjà au second livre est nécessaire pour la compréhension

de nos propos. Aussi, dans notre démarche pour identifier l’homme de l’économie, nous

partons de l’affirmation de l’existence d’une disposition naturelle de l’homme pour la

recherche de son équivalent pour parvenir à la préoccupation de la narration. De ce fait,

l’homme ordinaire qui cherche un idéal ou son égal est un être doté de savoir pour cela, mais

que cette disposition ne lui rend pas pour autant heureux. Ce qui le rend heureux est

l’intelligence et la conscience. Nous sommes alors devant une situation où la disposition

187 A ce propos, le monde occidental chrétien avait inauguré une nouvelle ère : l’ère de JESUS CHRIST. Ce moment est aussi comparable à celui de la rencontre de l’homme avec la femme dont le premier récit est relaté par les trois premiers chapitres de la bible, ainsi que d’autres moments qui enrichissent les récits littéraires et qui montrent la pauvreté de la narration économique. Cette dernière n’a retracé que le moment de la rencontre de la volonté de l’offreur et du demandeur et qui s’est achevé par la formation de la valeur. Combien sont donc rares les récits économiques alors qu’ils sont tant attendus par les humains qui se sentent pauvres matériellement et spirituellement ! 188 On note que chaque homme est un narrateur et un chercheur de l’homme caché à l’intérieur de l’homme.

Page 312: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

309

naturelle de l’homme parler et à reconnaitre ses paires s’oppose avec le thème de la raison et

de la science. Une science de l’appariement est vraiment nécessaire.

La théorie économique classique s’appuie sur des affirmations sur la disposition

naturelle de l’homme : disposition naturelle à l’échange, à la préférence pour plus de richesse,

entre autres. Une autre disposition naturelle de l’homme pour penser l’homme est alors une

disposition de plus. Nous montrerons que cette disposition est une donnée de la pensée

humaine. Ensuite, nous montrerons que la construction intellectuelle du modèle de l’homme

provient de la vision de l’ordre et du bien-être. Loin de nous est l’idée de défendre la thèse de

l’homme situé, car l’ordre et le bien-être ne sont pas des réalités matérielles concrètes, mais

une intuition. L’homme est alors dans une intuition d’existence et non pas dans les conditions

matérielles d’existence.

I ­ L’existence de l’  homme  est  une  donnée  de  la  pensée humaine  

Dans la littérature, il est d’usage de faire de la pensée un objet détenu par un individu

ou par une collectivité humaine. La littérature parle par exemples de pensée grecque, ou de la

pensée d’un économiste ou d’un philosophe. Le passage de la pensée d’un homme vers la

pensée de « l »’homme s’avère être hasardeux et peu convaincant : une opinion sur l’homme.

Pourquoi un homme parvient-il donc à cette question alors qu’il ne peut trouver un

répondant ? devant ce fait, nous déduisons alors que ce questionnement s’inscrit dans la

pensée de l’homme ; la pensée l’homme est une disposition de la pensée humaine.

et par la présentation du fondement de l’existence de l’autre en vue de parvenir à la

localisation de l’existence de l’autre dans la pensée humaine.

La pensée humaine est encore un thème de la représentation de l’homme. Elle a été la

voie menant vers le débat entre l’idéalisme et le matérialisme, quoique ce débat n’ait pas

apporté des informations pertinentes sur la représentation de l’homme. Elle confirme

seulement les propos de SPINOZA selon lesquels l’idée et la matière ne peuvent pas borner

l’une ou l’autre (SPINOZA 1677, définition 2).

1°) Notes sur la notion de la pensée humaine 

La pensée est par définition étymologique, une pesée une idée, une opinion

personnelle et subjective.

Page 313: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

310

En tant que pesée d’idées (le mot malgache « hevitra voalanjalanja » évoque

correctement cette idée. Elle indique le rapport entre deux ou plusieurs idées différentes et une

différence entre ces dernières. La pensée se joue à l’intérieur de l’homme confronté à la

diversité des idées. La pensée est aussi utilisée pour désigner un instrument pour transporter

l’homme dans un contexte différent189.

En Malgache la pensée humaine est ou bien un « heritreritra » (une opinion), dont

l’aboutissement est le « hevitra » (idée). Le heritreritra est un processus de formation d’idées

et une source d’idées. Les grecs et les romains imputent à la pensée une origine mythique,

alors que dans le langage courant, la pensée est une propriété individuelle : il est alors

question de la pensée ou des idées d’un auteur ou d’un inspirateur.

Dans la philosophie cartésienne, la pensée est le propre de tout être qui a une vie

intérieure et vers lequel il peut puiser une puissance190 ; alors que chez l’animal, l’instinct

existe à défaut de pensée. Aussi, parler de la pensée, c’est déjà parler de l’homme ; et à plus

forte raison, la pensée portant sur l’homme évoque le thème de la représentation de l’homme,

d’une contemplation de l’homme par l’homme.

Puis, avec l’évolution de la philosophie, notamment avec WITTGENSTEIN dans son

« Tractacus », la pensée n’est plus entendue comme un acte de pensée, une construction

d’idées, mais d’attitude. Son idée est que la philosophie est pour quelque chose, pour une

action, et finalement, la philosophie est une éthique. La philosophie – que DELEUZE –

appelle de la production d’idées, est une philosophie de quelque chose, c’est une attitude

envers quelque chose. Par cette approche, la pensée n’est plus une propriété privée, mais un

comportement spécifique d’un individu. Puis, ramenée à une dimension de l’homme, la

pensée devient une attitude spécifiquement humaine, un élément distinctif par rapport à

l’animal. L’attitude, dans le sens d’Aristote du terme de philosophie, est un élément distinctif

de l’homme, par rapport à l’animal191. Aussi, en matière de la pensée, chaque individu oscille

entre la pensée de « l »’homme – celle qui le distingue de l’animal – et la pensée de l’individu

189 La phrase suivante illustre les propos selon lesquels la pensée est un véhicule immatériel : « … pour nous situer concrètement dans la Durée, transportons-nous par la pensée dans le monde tel que, vers la fin du Tertiaire, nous pouvons l’imaginer. » (TEILHARD de CHARDIN 1956, page 99). C’est l’idée de « mitondra an’heritreritra » malgache. 190 Voir TEILHARD de CHARDIN 1956, page 109. 191 Il nous semble que la théorie de WITTGENSTEIN se glisse vers la théorie de Ludwig FEUREBACH sur l’essence du christianisme.

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311

(l’opinion), le premier apporte une vérité alors que le second peut être induit à des fautes et

des erreurs.

Avec cette conception, la représentation n’est plus importante pour ce qu’elle est, ou

par ce qu’elle a été faite, mais une impression devant une forme.

Le thème de la pensée cependant est aussi multiple et fait l’objet de discussion : pour

WITTGENSTEIN, par exemple, la pensée n’est pas seulement de la production de bonnes

idées, mais aussi des tentatives de bien dire. Certaines pensées sont impossibles à exprimer

par les mots ou par les enchaînements de mots existants. La pensée n’est pas impétueuse, mais

des fois, elle est aussi hésitante et erronée. La pensée peut remplacer des mots par un autre,

sinon supprimer un ensemble d’idées. Quelque part dans le langage et dans la représentation,

un relent de volonté existe, mais cette volonté se heurte à des impossibilités de représentation.

Telle est la limite de la représentation l’homme dans le sens de la philosophie analytique.

La pensée peut être finie : une pensé peut borner une autre. Tel est le cas de la pensée

imputée à un auteur qui est lui-même influencé par un autre. NIEZTSCHE par exemple est

influencée par la pensée de SCHOPENHAUER. Le dépassement d’une pensée peut,

conséquent, être envisagé : celle d’un auteur est complétée par celle d’un autre. Mais la

pensée de l’homme en général n’est ni finie ni dépassée. Sa transformation n’existe que par

les nouvelles manières de la manifester.

Ainsi, l’idée de pensée évoque l’homme. Or une pensée peut dominer une autre, au

même titre qu’une opinion peut cacher d’autres. Parmi ces opinions dominantes, la pensée sur

l’homme figure comme une pensée dominante ou permanente de l’homme.

2°) De l’existence de l’autre 

L’existence est une question de reconnaissance et d’affirmation, et non pas un fait

objectif indépendamment de l’homme. La preuve de l’existence est dans la capacité

d’identifier l’autre par rapport à ses semblables, et aussi dans la capacité de peser les mots

pour affirmer cette existence. Pour cela, elle demande des fondements de savoir : par exemple

l’intégration du récit dans un tissu de narrations communément admises.

Pour reconnaître l’autre, TEILHARD DE CHARDIN, utilise l’intuition directe, celle

qui est à l’origine de la connaissance (TEILHARD de CHARDIN 1956, page 25). Dans le

fond, ce qu’il prend conscience est la vérité primaire qui anime l’homme. En économie, deux

Page 315: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

312

principes gouvernent la théorie de l’existence : ou bien par la foi et par la croyance ou bien

par l’utilité. L’homme existe parce qu’on le croit fortement ou bien parce que cette existence

nous est utile. Sitôt que nous n’avons pas besoin de l’autre ou de n’importe quel prétendu

phénomène, immédiatement notre pensée rejette leur existence.

Chez SCHOPENHAUER, par contre, un être qui rencontre ses paires devient un

individu. En réfléchissant sur l’autre, l’individu va alors pénétrer dans ses propres pensées et

intimités. Pour ce philosophe, cette intériorité est une idée composée entre autres de pitié et de

renoncement. La rencontre avec l’autre conduit alors l’individu à nier sa matérialité sous

prétexte que la matière n’est qu’une illusion. La sensation de l’existence de l’autre provoque

la négation de la vie de l’individu, ainsi que le renforcement de la croyance en la réalité idéale

et intime.

Ainsi, il se peut que l’autre ne soit pas du tout une réalité, mais seulement une

supposition permettant de démontrer ou de soutenir l’existence d’un autre phénomène

beaucoup moins suspect ; il est un phénomène contentant l’entendement. Autrement dit,

l’affirmation de l’existence permet à la pensée de hiérarchiser la vraisemblance de la réalité :

il y a des phénomènes qui va de soit, une évidence qui se passe de description et d’autres qui

sont contraires à l’entendement humain, et de ce fait réclament des arguments qui sont

finalement puisés dans d’autres phénomènes plus sûres. Pour couronner le tout, la religion

avance l’hypothèse d’une existence absolue en dieu de qui découlent tous les autres éléments

non certains, les fluctuants, les apparences et les mouvants de ce monde.

La validation de l’existence de l’autre homme est une étape importante de l’auto-

découverte de l’homme. Elle a permis d’accepter l’introspection et l’introversion, et

finalement, la réflexion. La réflexion de l’homme se porte à la fois dans le réel et dans

l’imaginaire. Ce thème ou ce champ se trouve aussi vulgarisé dans certaines littératures

religieuses, notamment l’animisme, l’hindouisme et le christianisme et a conduit à une autre

représentation de l’homme : les différentes dimensions de l’homme.

La découverte de l’autre est, avant tout, un constat de la différence de mots pour

formuler la pensée entre les individus.

Page 316: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

313

3°) Les effets de l’existence de l’autre sur le récit de l’homme : la conception de 

l’homo œconomicus 

A partir des thèmes issus de l’auto-découverte de l’autre homme et de la pluralité de la

dimension de l’homme, la pensée l’homme devient critique et les penseurs, des économistes.

Le récit économique est donc un récit de la crise de l’homme. Dans la pensée l’homme, la

question implicite est le « qui suis-je ?» existentiel, mais en même temps, dans cette question,

il y a aussi des questionnements sur la survie. Dans cet état de la nature de l’homme, le

modèle de l’homme idéal dans une situation critique latente germe déjà : l’homme idéal, non

pas en tant que chef de la cité, mais au-delà de toutes les circonstances, est l’homme qui a le

pouvoir de donner la vie – le biopouvoir de FOUCAULT.

L’homme idéal de la littérature émerge d’une crise, alors que du point de vue de la

théorie économique et sociologique (individualisme méthodologique), il est le produit des

circonstances. Or il se trouve que les circonstances permanentes de l’idéal économique est

critique. Nous déduisons alors que littérature et science relatent le même homme. Avec cette

déduction, les économistes portent ensuite leurs réflexions sur l’environnement matériel et

immatériel permettant de voir ce double aspect de l’homme modèle. D’où découle le modèle

usuel de l’homo œconomicus.

Nous allons alors croiser les deux récits du même homme par le thème de la dualité de

l’homme. La dualité de l’homme ne se justifie pas par une ou des preuves matérielles

extérieures à l’homme, mais par l’affirmation de l’homme subissant une pression intérieure et

qui, régulièrement ou sporadiquement, explose sous forme de crise identitaire. La dualité de

l’homme n’a de preuve que la pulsion ou l’élan, ou tout simplement par l’action.

Aussi, la découverte de la nature de l’homme demande à son tour, un savoir préalable

sur ce qu’il faut valoriser, un sujet de narration élaboré, celui qui représente l’état d’âme de

l’homme, de l’intuition de la réalité de l’espace économique dans lequel la dualité de

l’homme ne peut que se manifester. Il nous faut observer l’homme en question (le héro), les

témoins/narrateurs et les semblables aux héros. Des philosophes comme PLATON et les

économistes classiques ont essayé de remplacer le héro de la société par le thème de

« gouvernement de la société idéale ». D’autres philosophes économistes par contre, à l’instar

de XENOPHON persiste à voir à travers le comportement de certains agents économiques, le

comportement idéal. Dans la littérature économique, en effet, les agents économiques sont

Page 317: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

314

considérés seulement animés par le fait qu’ils n’ont fait que suivre leur instinct de profit, bien

que ce dernier le mène généralement vers des lieux difficiles, hostiles, voire interdits.

L’économiste rend compte des activités de l’homme qui se découvre lui-même en héro, le

héro du passage ou du rite du passage.

Enfin, on note que les critiques des mots faites par la philosophie analytique - la partie

de la philosophie qui étudie le langage – cependant ne permettent pas de rendre compte des

composantes de cette espace économique, ou de nommer avec certitude les composantes de

cet espace, car le contenu de chaque mot et chaque terme doit être étudié et convenu entre les

concernés pour pourvoir servir à la fois d’instrument opérationnel d’identification de

phénomène, de description et d’analyse. Le héro, dans le crible de ces critiques, n’est alors

que l’énergumène qui a su attirer l’attention du narrateur, en l’occurrence, l’homme lui-même.

Plus pratiquement, on dira alors que lorsque l’homme se cherche lui-même, il ne découvre

que son caractère qu’il admire lui-même : de l’égoïsme ou de l’auto-satisfaction. C’est cet

homme que les économistes actuels ont découvert.

Une nouvelle acception du héro s’impose alors. Des philosophes en fournissent alors

le modèle. Le philosophe écossais, Thomas CARLYLE (1795 – 1881) précise le sens de héro

: des êtres humains qui s’imposent par la suprématie de l’intelligence, du cœur, du sens de la

justice et de la sincérité, donnent un sens à l’histoire, guident les peuples vers un

accomplissement spirituel et marquent une ère nouvelle192. Les héros sont « les conducteurs

des peuples, les formateurs, les modèles, et, dans un sens large, les créateurs de tout ce que la

masse des hommes pris ensemble est arrivée à faire ou à atteindre... Le héros est un messager

envoyé du fond du mystérieux infini avec des nouvelles pour nous... Il vient de la substance

intérieure des choses » écrit Thomas CARLYLE193. Ce ne sont donc pas tous les êtres

humains qui peuvent entreprendre la recherche de l’homme, mais le héro, cet être qui se

cherche, non pas par orgueil, mais par bonté, en vue de mener ses congénères vers une

nouveauté ; c’est aussi l’entrepreneur de SCHUMPETER. Il semble que ces caractères sont

aussi ceux du modèle de l’homme de l’économie : un individu qui mène les autres opérateurs

économiques vers le succès. Dans ce sens alors, la recherche de l’homme n’est en fin de

compte que la quête de la meilleure des choses pour l’humanité. Si cette meilleure est

l’augmentation de la richesse, alors le modèle est celui qui conduit vers cette position.

192 Voir Carlyle, Microsoft Encarta 2009 193 CARLYLE Thomas, cité par (BREHIER, Histoire de la philosophie. T II 1932)

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315

Friedrich NIETZSCHE soutient lui aussi, que le peuple ne peut pas accomplir des

actes héroïques ; ceux-ci étant réservés à des individus non conformistes, individualistes à

l’extrême, dotés eux aussi de sentiments profonds, mais, précise-t-il, contrôlés par la raison.

Le surhomme de NIETZSCHE est aussi, comme celui de CARLYLE, un créateur de valeur

que la masse va plus tard adopter. Le héro de NIETZSCHE diffère de celui de CARLYLE

dans le sens que pour lui, le héro n’est pas un philosophe, un penseur, mais un acteur, celui

qui écrit l’histoire tout en étant directement au contact avec la nature et non par la pensée,

alors que le héro de CARLYLE est un guide de l’action collective. Ce dernier peut être le

rédacteur d’un manuel révolutionnaire, un créateur de symbole, un inspirateur, un narrateur,

alors que pour NIETZSCHE le héro se rencontre dans l’action solitaire, celui qui passe en

solitaire dans un autre milieu et non celui qui fait le discours de rite de passage.

Seulement, NIETZSCHE et de CARLYLE distinguent foncièrement le héro et le

peuple, alors que dans la réalité, le héro d’un contexte ou d’une narration n’est pas forcément

le protagoniste d’un même élément d’un même thème ; le héro de la littérature n’est pas, dans

leur sens, le modèle de l’économie. Ce fait apparaît, parce que les concepts utilisés par les

deux auteurs ainsi que par d’autres auteurs ne sont pas les termes de la littérature dans

lesquels se sont infiltrés les concepts et sens économiques. Aussi, il apparaît que la meilleure

des démarches serait que la narration soit faite en termes partagés avec les propos de la

science économique. A cet effet, il faut revenir dans la narration de l’homme d’après les

économistes.

Mais il faut alors trouver l’évènement qui propulse le thème de l’homme narré en

termes économiques, car le thème de l’homme n’entre dans le débat des hommes que par un

évènement porteur ou révélateur de nécessité de la question (DELEUZE, 1985).

Manifestement, une préparation s’impose dans un thème aussi complexe que l’homme.

Le thème de l’homme ne se discute pas entre les hommes dès leur premier contact, il est

toujours précédé d’une sorte de séries d’échanges préparatoires par lesquels sont établis les

consensus sur le sens des mots, sur le choix de l’évènement porteur de la discussion. Une

logique discursive en découle. Le philosophe finlandais HINTIKKA Jakko (1929) décrit le

contenu et le processus de la formation de cette logique discursive dans sa « Distributive

normal forms in the calculus of Predicates » en 1952. Il distingue deux niveaux de

l’information (le superficiel et le profond), en fonction du nombre de quantificateurs et des

symboles présents dans chaque proposition. La préparation de la discussion sur l’homme

Page 319: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

316

consiste donc à relever le passage du superficiel vers le profond ou plus précisément à

constater les degrés différents d’argumentation.

Ainsi, le fait que la discussion sur l’homme tombe dans la rue et dépasse les murs des

cathédrales et des établissements culturels signifie, dans la théorie de HINTIKKA, que les

gens de la rue commencent à vulgariser l’usage des particules et des symboles dans leur

proposition ; ils sont devenus de plus en plus assurés dans leur argumentation.

II – L’existence de  l’autre vient de  la conscience de  la réalité de l’ordre et du langage 

La question de l’identité de l’homme s’étant établie durant les périodes critiques de la

vie sociale a entrainé l’usage de symboles de communication et de langage. Ce ne sont donc

pas les mots et le consensus sur les termes qui sont les préalables de la formation sociale, mais

la perception d’une menace partagée entre plusieurs individus (nous développerons cette

proposition dans le thème de l’interdit). Cette conception du social bâtie sur la perception

collective de la menace est la base de la sociologie économique. Dans ce sens, chaque

communauté possède sa propre appréhension et conception de menace.

Un archétype de situation de départ de la communauté humaine, dans laquelle les

hommes ne sentaient aucune menace peser sur eux, peut être envisagé. Dans cette situation,

point n’est alors besoin de langage. Puis, lorsque les menaces se font sentir ou que la

perception de menace se diversifie, alors des groupes se forment selon leur sensibilité ou

selon leur intérêt. Tel est d’ailleurs la théorie d’Adam SMITH sur le langage194 qui, bien que

contestable du point de vue des théories linguistiques actuelles, peut servir de départ de

réflexion sur l’homme et sur la société d’abord avant d’autres fins utiles. Certains

anthropologues s’attèlent à reconstruire cette situation initiale de départ en vue d’en déceler

les comportements humains rémanents et récurrents. Pour notre part, à défaut de «

civilisations primitives », nous nous réfèrerons aux civilisations pré-linguistiques ; d’où nos

recours aux civilisations définies en termes de « indo-européennes », « mésopotamiennes »

afin d’y retrouver la présence, non pas de signes matérielles de la présence humaine, mais de

la question de l’identité humaine. La question de « qui est l’homme ? », en effet, se pose

seulement étant donné une problématique et des circonstances qualifiées, et qu’elle en est la

solution ou un pas vers la solution du problème.

194 Voir (DELATOUR 1886)

Page 320: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

317

Il s’agit alors d’étudier les conditions de la formation d’une question (sur l’identité de

l’homme) telle que le permet le traçage des concepts et les thèmes évoqués par une langue. Le

problème n’est pas les problèmes linguistiques de la formation des mots et de l’évolution des

mots et de leur contenu, mais plutôt intellectuel ou épistémologique de la formation d’une

question. Dans un questionnement sur l’identité de soi, en effet, il y a une quête de

rationalisation d’activités, un choix, une recherche d’un meilleur objectif, une quête des

propres limites de soi ; la problématisation d’une question ou d’un thème répond avant tout à

une quête de bonheur ou de satisfaction d’un besoin ; elle est donc un thème de l’économie et

s’inscrit dans le thème croisé de la perception et de la satisfaction de besoin. Or ce n’est pas la

satisfaction du besoin en elle-même qui intéresse l’économie, mais sa relation supposée avec

les moyens limités en quantité. En l’occurrence, pour placer la question de la formation de la

question de « qui est l’homme ? » dans le problème économique, il nous faut établir la

question de la formation d’une question, non pas en elle-même ou en elle seule, mais étant

donné les moyens dont dispose chaque communauté linguistique. Autrement dit, la question

de « qui est l’homme ? » se pose, « étant donné » une ensemble fini de choix de réponses et

étant donné des conditions objectives. Les faits économiques se découvrent alors par ce fait :

des questions d’ordre existentiel, étant donné les moyens argumentaires de les répondre.

L’économie dira alors que l’homme est ce que la notion de bien économique permet de

dévoiler.

Les questions précitées (quand et pourquoi la question de savoir qui est l’homme se

pose dans une culture ?) sont des pistes indiquant la trace intellectuelle de l’homme

matériellement dénué ou privé des instruments de production, des produits matériels, et

révèlent aussi les problématiques matérielles et immatérielles de l’essence et de l’existence

humaines. Dans la théorie économique, ces questionnements préparent à la formulation des

thèmes de besoin et de la consommation. En effet, la conscience de la présence de la notion de

besoin est déduite de la connaissance de soi de l’homme ; l’homme qui se connait lui-même a

des besoins, et celui qui ne se connaît point de lui-même, ne peut pas non plus connaître ses

semblables, et à plus forte raison, n’a pas de besoin. Les conditions de la recherche de

l’identité de soi, le moment de la réalisation de celles-ci sont des moments capitaux dans la

formation de l’espèce humaine, car ce n’est pas la production des objets ou des outillages,

mais la conscience du besoin qui a orienté les activités ultérieures humaines. C’est pourquoi

d’ailleurs, dans notre thèse, la question de « qui est l’homme ? » précède celles de « où est-il

?» et « de que fait-il ? ».

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318

Le choix de la période indo-européenne s’explique aussi par ces mêmes raisons : en

situant notre réflexion dans cette période et dans les espaces abritant l’utilisation de ce

langage ou de cette civilisation, les autres territoires et les autres civilisations sont aussi

tacitement évoquées, et même plus, la période que certains théoriciens appellent « proto-indo-

européenne ». Autrement dit, nous utilisons la période linguistique, c’est-à-dire, le temps que

dure une langue avant d’être métamorphosée ou transformée à la suite de sa cohabitation avec

d’autres langues, pour caractériser un phénomène économique, qui généralement, s’appuie sur

des périodes historiques. La civilisation indo-européenne a été choisie pour des raisons de

disponibilité de documents, et surtout parce que, à notre connaissance relative de l’histoire

universelle, la continuité de l’histoire humaine est plus perceptible dans l’histoire de la

civilisation indo-européenne qu’ailleurs. Elle sert de référence pour décrire l’évolution de la

communauté humaine. Etant donné ce qui est indo-européen alors, nous avons dégagé ce qui

n’est pas indo-européen.

1°) Les dispositions intellectuelles de la formulation de la question de « qui est 

l’homme ? » dans la philologie indo­européenne195 ou « comment se forme la notion 

de besoin dans une communauté indo­européenne ? » 

Nous nous intéressons dans ce paragraphe, non plus la disposition intellectuelle des

économistes dans la question existentielle, mais de celle des praticiens, c’est-à-dire des

195 La langue indoeuropéenne était une hypothèse datée du XVIe siècle et portant sur l’existence de parenté de langues de quelques communautés habitant les continents européens et asiatiques. L’étude de la langue indo-européenne commençait en 1796, avec la communication de Sir William Jones (1746-1794) devant la Royal Asiatic Society de Calcutta, selon laquelle le latin, le grec, le gallois, le gothique et le sanskrit - des langues que cet auteur maîtrise -, dérivaient probablement d'un ancêtre commun, Puis, cette hypothèse a été par la suite vérifiée et démontrée par des recherches ultérieures (Voir De BENOIST Alain, « Indo-européen : à la recherche du foyer d’origine » ainsi que Journal of Indo-European Studies, édité à Washington. ). Les études indo-européennes ne se limitent pas au constat de l’identité des racines de quelques mots, mais aussi à la recherche de l’existence d’une similitude de système de pensées. A cet effet, les fouilles archéologiques, l’anthropologie, l’histoire etc., viennent compléter les indications linguistiques confirmant alors une hypothèse selon laquelle les individus qui utilisent une même langue ont aussi une même façon de penser et de ce fait, un même fondement de système de connaissance. L’étude de l’indo-européen ne révèle pas seulement l’unité de la racine des langues de quelques communautés, ou l’intérêt de ces communautés pour des thèmes particuliers les poussant à donner des noms spécifiques à ces thèmes, mais aussi des informations sur leurs doutes et inquiétudes et sur les signes et symboles utilisés.

Le concept « indo-européen » évoque d’emblée un territoire occupé par des peuples utilisant la langue indo-européenne. Peu ou prou sont connus sur ces peuples et leur territoire, et moins encore sur leurs pratiques et leurs cultures. A cause de ce fait, les études ethnographiques de ces peuples et de leurs discours ne sont que des interprétations de ce que pense et de ce qu’ils font à partir de leurs mots et vocabulaires. Ces derniers, à l’inverse des informations sur les pratiques et les organisations sociales, sont largement consignés dans les documents concernant l’étymologie de chaque langue indo-européenne. Les dictionnaires étymologiques, ainsi que les différentes références passim de ces vocabulaires peuvent servir de base de données de première main pour retracer les thèmes les plus fréquents de l’indo-européen.

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319

individus dotés de moyens de communication sociale et qui les utilisent. Ces derniers sont les

hommes de tous les temps et de toutes les périodes en qui le concept de « l »’homme est

attribué. Ils se caractérisent par le partage de matériaux d’existence entre leurs paires.

Il est difficile de reconstituer les langues utilisées pour utiliser les ustensiles et

outillages découverts ; mais inversement, l’existence de mots pour nommer tel ou tel objet

permet d’affirmer l’existence de ces objets ; enfin, l’absence d’un mot dans un langage ne

signifie pas que l’objet désigne par le mot en question n’existe pas dans la communauté (De

BENOIST). C’est ainsi que le mot « homme », bien que figurant dans chaque variété de

langue indoeuropéen ne se trouve pas dans la langue russe qui, pourtant appartient au groupe

indoeuropéen. De même, l’absence d’un mot dans une langue n’est pas un indicateur

d’absence d’intérêt ou de constat de la chose, mais peut aussi être le sens d’une crainte ou de

respect énorme. De BENOIST constate que le mot « ours » n’est pas nommé dans la

littérature indo-européenne, mais remplacé par des expressions telles que « mangeur de miel

», le « brun » ou le « destructeur ».

C’est en considération de ces remarques que nous sommes parvenus à établir retracer

l’existence de trace de la conceptualisation de l’économie dans la pensée indo-européenne et

en même temps que cette langue élabore sa notion d’homme.

A cet effet, nous avons procédé par une approche comparative de la littérature au sens

large des différentes communautés ainsi que les thèmes qu’elle évoque, pour en dégager le

fonds commun. Cette démarche est connue des linguistes sous l’expression d’approche

comparative culturelle, et Georges DUMÉZIL (mort en 1981) en est l’instigateur. Notre

objectif est de découvrir l’existence d’un ou plusieurs thèmes partagés par plusieurs langues

montrant le souci commun entre plusieurs communautés et dont la formulation – une activité

d’extériorisation en somme – constitue déjà et en partie sa résolution. Le thème par lequel

l’homme s’affirme, cependant nous intéresse. Autrement dit, des fois où le narrateur est

obligé de se démarquer de son sujet pour s’affirmer en tant que personnalité différente de

celui qu’il raconte. Ce niveau de narration en effet indique qu’il abandonné la narration.

a) De la redécouverte de l’homme : De l’intelligence vers la conscience  

La question de « qui suis-je ? » n’a pas pour autant répondu à l’intelligence de « ce qui

n’est pas moi ». Le problème est que l’identification n’est ni complète, ni achevée, et de ce

fait, elle agit en permanence sur l’homme. Aussi, le fait de se connaître soit même a entraîné

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320

l’action et le déplacement de l’homme ; la connaissance de soi est la cause des diversités de

comportement et de choix humain. Les économistes ont posé la question en termes de la

conscience de l’utilité /désutilité des objets par lesquels chaque individu réalise ou se rend

conscient de l’existence. Pour notre part, nous intériorisons la conscience pour dire que ce

n’est pas la conscience de l’autre qui fait l’économique, mais la conscience de soi.

Cette prise de conscience de soi a été préparée par les instruments linguistiques avec

lesquels les objets sont désignés et nommés. Mais nous voulons insister sur le fait que le

processus constructeur de la pensée économique se fait par l’intériorisation de la conscience

des objets de la nature, c’est-à-dire par la formation de la notion de « besoin ». C’est la

première étape de l’économique, alors que celle de la disposition intellectuelle n’est que le

préalable.

Le besoin de partir ou de se révéler, caché ou revêtant la forme d’un questionnement,

est en fait un problème, dans la mesure où il est insoluble, car il n’est plus une question

technique, ou plus précisément sa question ne relève plus d’une division technique de

connaissance ou de l’application d’un savoir précis. Il demande une solution plus radicale, ou

tout simplement de l’action et le mouvement ; le besoin n’est pas seulement un besoin de

quelque chose, mais aussi le besoin de l’action et de mouvement. La fluctuation de la nature

des objets du besoin, se traduisant par le mouvement entre les secteurs d’activités est le

résultat de l’erreur dans la pensée économique. Dans cette fluctuation cependant, le départ ou

le déséquilibre initiale est important.

La science économique, à la différence de la bible, cependant n’a pas de théorie

portant sur l’origine de besoin, ni de la solution de ce problème. De même elle méconnaît les

sanctions associées à l’outrage de la loi naturelle ; aussi devons-nous poser la question de

l’origine de besoin ; mais au lieu de « pourquoi l’homme a-t-il un besoin ? » plus ou moins

chrétien, il nous faut rester poser la question dans le cadre la pratique (la « praxis »

aristotélicien) conformément à la culture indo-européenne. En effet, dans la culture indo-

européenne, il n’est point de conte légendaire équivalent des « arira » malgaches pour

expliquer la formation de ce qui est de comportement humain. L’origine du besoin, s’il est

susceptible d’être découverte par la pensée, ne peut pas à lui seul terminer le débat, mais à

peine sera-t-elle capable de montrer l’existence du besoin. La culture indo-européenne a

conçu l’histoire de manière cycle, aussi l’origine de besoin réapparaît, selon elle,

régulièrement ; aussi n’est-il pas évident que la question de besoin se pose autrement dans la

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321

culture indo-européenne et s’enracine dans le thème de la relation entre la production et de la

consommation justifiant ses propres activités.

Que cherche l’homme durant la période critique ? Et pourquoi ce qu’il est en train de

chercher est-il important seulement ou plus particulièrement durant les périodes critiques ? ce

qui revient à se demander également : comment réagit l’homme conscient de ses péchés ?

De prime abord, les circonstances laissent penser que l’homme est avant tout soucieux

de résoudre la crise qui l’assaille. Mais, on peut aussi supposer, avec l’hypothèse de la

rationalité, que l’homme est beaucoup plus préoccupé non pas de la résolution de la crise,

mais de son exploitation pour en tirer profit ; bref en théorie, l’homme cherche à profiter de la

crise en la maîtrisant et prépare la reprise économique. La crise est donc un maillon faible de

l’économie découvert par les praticiens et qui l’exploitent à leur profit. Pratiquement,

l’homme cherche l’opportunité de ses activités d’investissement au moment où le profit n’est

pas encore sûr. En termes économiques, l’homme maximise le profit dans un environnement

incertain. Nous sommes donc en présence d’un modèle de gestion de portefeuilles modélisée

par Harry MARKOWITZ, Merton, MILLER et William SHARPE et les questionnements de

l’homme sont loin d’être existentiels : Quand est-ce qu’il faut investir ? Comment et combien

?

La crise ne se manifeste pas seulement par des indicateurs économiques, mais aussi

par des changements de comportements sociaux et religieux ; aussi, il y a des effets

économiques de la religion et des effets religieux de la crise. Le premier se traduit par un

vouloir maximiser une fonction économique dont les variables comprennent aussi la religion,

alors que le second de manifeste par une modification de discours religieux, entre autres, un

discours beaucoup plus responsable et indexant le salut au comportement individuel.

Dans ce contexte de discours alors, le mot profit devient incongru, car il se rapporte à

l’entrepreneur et non à l’homme en général. Une adaptation des concepts ou un

rapprochement de l’ « homme » vers l’ « entrepreneur » s’impose alors, mais de telle

démarche s’avère impossible car le concept d’entrepreneur, caricaturé par Jean-Baptiste SAY,

comme étant des « héros du temps moderne », le « révolutionnaire de l’économie ».

Ces questions, des demandes d’information économique, ne se posent pas dans

d’autres circonstances, notamment lorsque le marché fonctionne ; mais durant la crise. Elles

ne s’adressent pas au marché, mais à une autre instance de règlementation de l’économie, en

Page 325: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

322

l’occurrence, à l’Etat, sinon les entreprises monopoles elles-mêmes. Nous dirons alors que

durant la période critique, l’individu a des questions qui s’adressent à l’État pour la réalisation

du profit. De ces questions, dépend alors la continuation des activités de l’entreprise ou tout

simplement, son existence. Nous sommes alors devant un thème particulier de la science

économique : la conscience vitale de la nécessité de maximiser (et non de réaliser) le profit

par un mécanisme hors du marché. Du point de vue du chercheur, observateur de la vie de

l’entreprise, le problème se découvre : comment un agent rationnel peut-il maximiser son

profit en dehors du cadre du marché ? Mais pour l’entreprise elle-même la question est

d’explorer tous les déterminants de l’existence de l’entreprise (tous ses environnements et non

plus le marché seulement) pour y trouver des réponses à l’existence de l’entreprise. Ici alors,

la question, pour que l’entreprise continue d’exister reste la « qui est l’entreprise ? »

existentielle.

En formulant la problématique en termes de l’homme en général - avec les

connotations philosophiques de cette expression - hors d’un cadre institutionnel, la question

est la suivante : devant une situation critique quels sont les propos de l’homme qu’il s’adresse

à lui-même – parce que l’homme en général n’a pas de paire - pour y trouver des élans

nécessaires pour réagir. Cette force intérieure lui permettant d’agir se découvre par la question

d’ordre existentiel. D’où la forme philosophique de la problématique : comment le retour vers

soit de l’homme peut-il se constituer en force suffisante pour projeter l’homme vers le futur ?

On peut aussi et encore reformuler la problématique de l’homme par la question de rôle de la

croyance ou de la conviction forte comme motif de l’action. La bribe de réflexion du poète

malgache DOX (Jean Verdi RAZAKANDRAINA) suivant formule convenablement la

question : « Ahoana no hinoako, fa ny finoako dia ampy ho hery hibata ahy ho any an-koatra

? » (Littéralement : « comment pourrais-je croire que ma croyance (ou ma foi) est une

suffisante force pour me transporter vers l’au-delà ? »)

Explicitons encore le fondement académique de cette problématique de l’homme qui,

comme tous les thèmes portant sur l’homme en général, a un relent philosophique

qu’économique, afin d’apporter un argument de plus en faveur du caractère économique de la

problématique de l’existence. Cette fois-ci, il s’agit d’aborder la question par la

compréhension de la pensée (la rationalité, disent les économistes) de l’homme dont une

partie de ses activités est rattachée au domaine de l’économique. La position de l’homme dans

l’espace économique (le marché) est précaire, à cause de la répétition fréquente de la

récession. En apparence, cette précarité est troublante, voire déstabilisante pour l’homme.

Page 326: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

323

Mais il semble que la fin d’une période (par exemple les trente glorieuses françaises ou la

crise japonaise de 1995) indiquant que la période ne reviendrait plus qui est source de la crise

d’identité déterminante. A ce propos, il faut noter que la fin des Trente glorieuses françaises

aussi bien que la crise japonaise de 1995, bien que ayant des manifestations différentes

partagent le même fonds : la crise d’identité.

Ce n’est pas la durée des crises qui déstabilise l’homme, mais plutôt leur

irréversibilité, et ce, non pas en elles-mêmes, mais parce qu’elles ont été bien décrites,

analysées et expliquées que l’on la considère déjà comme partiellement résolue et apporte de

l’expérience. A chaque retour de cycle, l’homme se doit de s’enfoncer dans des questions

économiques plus profondes, vers des investigations épistémologiques, au risque même de

quitter sa position initiale (radicalisation de sa position). Le summum de la question serait

alors non plus des questions techniques de la description et de l’analyse du marché, mais,

plus, sur l’épistémologie de la science économique elle-même, voire sur des questions en

rapport avec l’essence de la science économique et de l’agent économique. De ce fait, il

apparaît alors que la question de qui est l’homme se résout radicalement par un changement

épistémologique en déplaçant non pas le thème vers un référentiel de résolution, mais plutôt

par un déplacement du chercheur vers des éléments critiques salvateurs.

Des exemples foisonnent dans ce sens, concernant d’abord la crise ou la diminution de

production (cas de la France de 1993-94 et 1998) et ensuite celle des activités (Cas des partis

politiques allemands des années qui ont suivi la réunification, et cas de la Banque Mondiale et

du Fonds monétaire international). Dans tous les cas, la question qui s’ensuit est la remis en

cause de l’homme.

La diminution de la production française de 1993 et sa perception a conduit d’abord à

un changement de comportement des agents économiques ; puis lorsque cinq ans plus tard, en

1998, la crise asiatique se déclenche, il apparaît que le changement de comportement adopté

par les agents économiques françaises en 1993 se révèle être plutôt un comportement

stratégique, parce qu’il a été utilisé pour surmonter la crise de 1998. Déjà, les manifestations

de la chute de production de 1993 ont été bien décrites, ou plutôt il y avait déjà un consensus

sur la description de la cause de la diminution des activités : la stagnation de la

consommation, la chute d’investissement, des pertes d'emploi et hausse du chômage, des

faillites et déficits grandissants des budgets publics et sociaux pour la diminution des activités

de 1993, et la dégradation des relations internationales qui avaient freiné l’investissement,

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324

notamment dans l’industrie d’exportation, la dégradation de la situation de ses entreprises

partenaires étrangers, et l’anticipation pessimiste des entrepreneurs pour la crise de 1998. Les

mesures prises contre la crise étaient : l’excédent de la balance commerciale, maîtrise de

l’inflation et du cours de change de la monnaie (CHALMIN, 1994). La résolution des crises

ou du moins leur compréhension s’est traduite, presque à la même époque, par l’apparition de

phénomènes nouveaux : la formation de « citoyens engagés », ou encore des « entreprises

responsables » ou des entreprises « sociétales ». Les citoyens engagés sont des

consommateurs soucieux de la qualité et de l’éthique des produits consommés, et à travers

cela une recherche de raffinement de la perception de soi. A cet effet, ils s’engagent à

n’acheter que des produits soutenant une cause écologique ou humanitaire (CANEL-

DEPITRE, 2001).

En Allemagne en 2004, et dans un autre thème de crise (une crise politique), les

circonstances étaient que le pays était sorti de la réunification, et les partis politiques devraient

tenir en considération les nouvelles données ; conséquence, chaque parti se doit de reformuler

leur politique économique ; certains partis politiques allemands entraient en crise, et pour

sortir de ce contexte, le seul moyen était de redéfinir leur politique, voire leur identité.

Il en est de même pour la Banque mondiale et le Fonds monétaire international : Dans

son rapport décennal publié à l’occasion de l’assemblée annuelle du FMI à Prague le 19 au 27

septembre 2000, il apparaît que l’ajustement macroéconomique est dépassé et que l’État et les

institutions ainsi que le recul des inégalités sont les facteurs reconnus de développement

Ces thèmes sont en fin de compte l’expression d’une manifestation de la précision de

l’identité de l’individu : des individus socialement engagés pour la cause l’être total. Plus les

crises et les récessions se multiplient, plus l’homme apprend sur lui-même : du citoyen engagé

ou d’entrepreneurs sociétal, l’agent économique, il reniera progressivement ce qu’il croyait

être, pour aborder le profil de l’homme qu’il est censé être réellement : de l’homo

œconomicus. Aussi, lorsque la crise devient permanente, les questionnements ne sont plus

techniques, mais stratégiques, ou éthiques, et se présente sous forme de crise d’identité. C’est

dans ce cadre, que se posent encore et implicitement ou non, les questions de « qui sommes-

nous ? Qu’est-ce que nous sommes en train de faire ? et avec quoi ? » pour orienter l’action

future, sinon pour conjurer le sort.

Le thème de la maximisation du profit hors du cadre du marché est particulier parce

qu’il place la fonction économique des agents hors du référentiel économique, et de ce fait il

Page 328: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

325

est un thème pluridisciplinaire qui dépasse les concepts spécialisé des disciplines

académiques. Aussi, l’analyse en termes de la question originelle de « qui est l’homme ? »

convient mieux pour traiter la question, car elle s’appuie sur le comportement de l’homme en

dehors de l’un des cadres institutionnels préconisés par la science économique et par la

comptabilité nationale. La question de l’identité de l’homme se passe de cadre usité en

science économique (voir le chapitre suivant), sans que soit abandonné la caractéristique

fondamentale de l’économie sur l’homme (la rationalité). Mais ainsi faisant, l’homme qui va

être décrit sera différent de celui de l’homme de l’économie. Telle est la problématique de la

formulation de la question de l’identité de l’homme : il s’agit de décrire de nouveau et

d’identifier de nouveau, avec des instruments et concepts utilisés ou non par la science

économique, l’homme déjà décrit par l’économie.

A cet effet, le déplacement du centre d’intérêt des discours sur l’homme vers un thème

différent du marché mais comprenant ce dernier est la méthode appropriée. Cette démarche

s’impose, parce que la science économique a décrit simultanément son homme et le système

avec lequel cet homme prend une existence, alors qu’il faut plutôt décrire l’homme dans un

système plus vaste qu’est la vie. Autrement dit, il faut chercher l’identité de l’homme décrit

par l’économie, en dehors de sa détermination conceptuelle de l’économie.

Pour ce faire, le réexamen de la notion de rationalité, étant donné qu’elle est un

comportement humain toujours présent dans ses activités et qui oriente ses choix, est

nécessaire car ce concept est attaché aux problèmes de choix, de l’action et éventuellement de

l’avenir. Or ces problèmes, dans lequel l’homme représenté est souverain et indépendant, sont

des thèmes types de la langue indo-européenne. Comment alors rendre compte de la

rationalité d’individus qui croient être déterminé par des forces ou puissances extérieures ? La

substitution de concept de rationalité par un autre concept véhiculant l’idée de détermination

extérieure en est la réponse. Ce nouveau concept est l’expression « état de conscience »

La problématique de la formulation de la question de l’identité de l’homme repose

donc en fin de compte sur la notion de l’ « état de conscience ». Cette expression est l’objet de

ce paragraphe. Nous nous contenterons cependant de présenter ses contours et ses

composantes (la volonté de se prendre en charge ou de prendre de maîtriser la production et

les limites de la volonté humaine dans la maîtrise du cours de production). Elle vient

compléter alors les informations sur les conditions de questionnement de l’identité de soi de

l’homme. Au terme de ce paragraphe, nous pouvons alors conclure sur l’homme dont parle

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326

tous les discours sur l’homme, et ce, afin de pouvoir discuter dans la section suivante, les

instruments de la formulation de la question sur l’homme.

b)  De l’état de conscience au lieu de la rationalité 

La permanence de la crise ou/et de la récession pousse à considérer la préparation de la

reprise économique ou la prise en main de tous le procès de l’activité de production comme

l’action naturelle et ordinaire de l’homme. Par ce caractère, l’homme se doit de prendre en

main son destin, ou en termes économiques de cycle économique, l’homme doit assurer la

reprise de son économie ou encore, il doit « reprendre son économie » de l’emprise des forces

extérieures. Ce comportement devient aussi un signe distinctif de l’espèce humaine, l’homme

reste identifiable par sa volonté de prendre en main son propre destin (c’est pourquoi il se

pose des questions sur lui-même), et par ses propres tourments intérieurs qui suivent cette

volonté. Ce n’est pas la quantité des produits qui compte pour prouver la présence de

l’homme, parce que l’homme, à lui tout seul, ne peut rien produire et que la nature à elle toute

seule peut produire quelque chose d’humainement utile, mais la volonté de changer le cours

de la nature et aussi et surtout ces activités involontaires des hommes qui produisent des faits

malgré l’intention et les volontés. Autrement dit, les faits économiques ne sont pas de

catégories d’actions conscientes de l’homme, mais une totalité –et donc une combinaison

d’un concept avec son contraire – bien définie d’actions. La quantité est certes important en

économie, mais plus que celle-ci, le rapport entre les quantités compte plus, parce que une

grandeur en soit n’a pas de sens, ce sont les rapports entre les grandeurs qui comptent pour

donner un sens au mot. Adam SMITH conceptualise cette totalité en termes de rassemblement

entre les activités de production individuelle, orientée vers le profit, et les activités

individuelles qui sans être l’objectif du producteur, profite également de la société. Karl

MENGER, pour sa part, identifie les faits de l’homme comme un ensemble englobant la

production d’institutions d’intérêt collectif qui, cependant, n’a pas été volontairement conçues

ou institué par une volonté humaine. La monnaie figure parmi ces institutions. HAYEK

également en a parlé de ces activités humaines involontaires et productrices. L’analyse de

HAYEK s’appuie sur son concept d’ « ordre spontané » et de « taxis ».Ce dernier concept

comprend les artifices humains.

De ce fait, dans le référentiel de la variation de la quantité des produits comme mesure

des activités humaines, le rapport entre d’une part, la capacité humaine de dominer la

production, une volonté politique, et d’autre part, l’importance des impondérables de la

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327

production peut servir d’indicateur de la présence de l’homme. Plus ce rapport est élevé (la

capacité de surmonter la reprise est élevée), la communauté n’est plus en phase de la crise ou

de reprise, mais de la prospérité, moins le questionnement sur l’homme se pose, alors que

lorsque la société est obérée par la nature (catastrophe naturelle insurmontable ou découverte

d’une ressource naturelle) la question de l’identité se pose autrement. Nous appelons ce

rapport, de la « conscience humaine ».

L’application de cette expression dans la description et dans la mesure des activités

économiques est l’objet de ce sous-paragraphe, et ce en vue de montrer à la fois l’insuffisance

de concept de production (trop axé sur l’échange et faisant peu de cas sur l’individu), qui,

pratiquement, s’est substitué à celui de la richesse, tout en sachant cependant que l’idée de

richesse comprend également celui de la pauvreté. L’expression « conscience de richesse »

comprend donc trois propositions inséparables : le dépassement de caractère technique et

quantitativement isolé de la production, le rappel que le concept de la richesse est à l’origine

de la production et que la richesse elle-même n’est pas l’opposé de la pauvreté, car Il faut

cependant souligner la faiblesse de ce concept : l’absence de mesure précise.

2°) De l’état de conscience de soi  comme moteur et mesure de l’activité économique 

humaine 

L’expression de « Etat de conscience » insiste et rappelle les deux points importants de

la compréhension de l’homme suivants : premièrement, la présence de l’homme ne dépend

pas de l’existence des outillages car l’homme a déjà existé avant que les facteurs de

production et les produits aient fait émerger l’intérêt intellectuel à son sujet ; deuxièmement,

l’existence de la nature (ou en termes philosophiques, l’ « autre », c’est-à-dire le différent du

« moi ») dépend de l’appréciation critique de l’homme sur la nature. Il faut admettre que tout

ce qui existe, y compris l’homme, n’est pas un produit (il n’a donc pas de facteur), mais une

conscience auto révélatrice d’existence ; autrement dit, ce n’est pas la production qui compte,

mais la conscience révélatrice dont en dispose l’homme. Corollaire de ce deuxième point : la

conscience de soi de l’homme en général détermine l’existence en général. Or, il a fallu des

quelques dizaines de milliers d’années avant de parvenir à cette conscience fondamentale de

soi, et encore quelques milliers d’années pour que cette conscience de soi agisse de façon,

littéralement, productive et que les instruments de production soient inventés. Nous sommes

donc seulement à la deuxième période de l’histoire de l’humanité, caractérisée par la création

d’instrument de la production. La première période de l’histoire de l’humanité s’est achevée

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328

avec la formation de la conscience et qui s’est traduit par l’apparition de la morphologie

humaine actuellement reconnue. Cette forme humaine, c’est celle où, un être a un corps

comprenant de « tronc » et des « membres » (comme un animal), et des sentiments en cours

de dénomination. A la troisième période de l’histoire de l’humanité, d’autres caractéristiques

plus pertinentes et déterminantes de la morphologie humaine vont peut-être être mises à jour.

Ainsi, dans son rapport avec la nature, l’hommeErreur ! Signet non défini. ne se

révèle pas par la nature, mais par sa propre conscience, et cet instrument qu’est l’état de

conscience de soi qui sera aussi utilisée par l’homme pour identifier et non pas pour connaître

la nature, car la connaissance relève de l’intelligence.

1 ­ Généralités sur la quantification de l’état de conscience 

La conscience de soi, cependant, n’est pas un phénomène qualitatif universel et

distinctif de l’homme, au contraire, elle se cache à l’intérieur de chaque individu, ou même

elle se cache de l’individu ; elle est un mystère partagé entre les êtres humains, et en tant que

tel, elle est un patrimoine de l’humanité ; elle est peut-être ce qui se désigne par le mot

personnalité. La science économique actuelle néglige la conscience ; elle la considère

seulement comme un facteur psychique que comme un facteur productif. Mais le fait qu’elle

ressurgit lorsque la quantité de production diminue, laisse penser qu’elle est force intérieure

de l’homme ou encore, elle est un sous produit du constat de l’insuffisance de la production.

Dans le langage de la science économique actuelle, elle est la «faim » qui chasse le loup hors

des bois, la « colère » qui pousse le coup de poing, et d’une façon générale, la conscience est

la force qui pousse les actions conséquentes d’une situation critique ; autrement dit, la

conscience a toujours été derrière toute action motivée. Aussi, pour être un concept

opérationnel dans le discours sur l’homme, elle doit être un rapport quantitatif entre deux

grandeurs dénombrables et morcelables : le rapport entre la faim d’un loup et le risque de

sortir des bois, ou encore le rapport entre la colère et l’intensité du coup de poing. D’une

façon générale, la conscience est une grandeur, un quanta, mesurant le rapport entre une unité

quantifiée d’actions et une unité quantifiée de causes. Mathématiquement, on peut écrire :

Equation n° 1 : Equation générale de la conscience de soi

où :

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329

k* désigne la conscience de soi

A : une quantité d’actions

C : une quantité de causes

Dans un discours oral, les causes sont des arguments. Mais dans une autre référence

académique, les causes sont des quantités d’informations196. En économie, les causes sont les

informations du marché, c’est-à-dire la variation de prix, sinon des actions sur la production,

la consommation, l’investissement, l’épargne et le revenu. Quand les actions sont seulement

des quantités réalisées d’offre ou de la demande, le concept de conscience désigne l’idée

d’élasticité.

Un individu, affirme la science actuelle, est de ce fait conscient s’il réagit à la suite

d’une cause ; nous dirons, pour notre part, que tout être humain est nanti de conscience, et de

ce fait, il réagit avec raison. Les types ou les caractères des individus, affirme encore la

science économique actuelle déterminent les types d’actions conséquentes d’une cause

donnée : un colérique agit de façon d’un colérique au moindre cause, un être calme agit de

façon calme devant une cause, etc., ; pour notre part, nous dirons que l’ensemble des

phénomènes que l’intelligence humaine peut considérer comme susceptibles de provoquer

une réaction et l’ensemble des actions humainement possibles sont liés par un rapport stable

et constant (noté k*). Ce dernier est invariable, sinon la nature elle-même de l’homme qui est

instable

Dans la littérature, l’action humainement possible est nommée par l’expression de

« poétique ». Les ensembles des causes et des actions humainement possibles sont cependant

non exhaustifs. Devant ce fait, il nous faut remonter jusqu’à la source de la pensée mettant en

relation l’action et la cause. A cet effet, point nous est besoin de retracer encore les idées d’un

de ces auteurs philosophes ou autres, mais aborder le thème par la relation entre les mots et

les actions telles que le montre les descriptions ou les crédos. Le discours de la science

politique portant sur l’analyse des discours politiques met mieux en relief la relation non pas

entre la cause et l’action, mais entre le discours sur la cause et l’action. Le point de départ de

la science politique est le constat que la réalité peut être dite, non pas pour dire vrai de la

196 Voir Livre II, Chapitre III, Section 1 Paragraphe 1, II – Position théorico-économique du thème de l’homme. Nous y avons exprimé que les causes sont fonction des informations et des stimuli. De ce fait, on peut en déduire que dans un sens, la conscience de soit peut être considéré comme une grandeur de quantité aléatoire conditionnée (modèle baysien).

Page 333: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

330

réalité, mais pour dire le réel pour que ce dernier puisse prendre existence. De ce fait, l’action

conséquente à un discours est la base de ce qui est ; aussi, convient-il, pour des raisons

opérationnelles ou explicatives seulement de fragmenter chacun de ces ensembles en ses

partis, formant chacun un thème. Pour chaque thème, des actions appropriées et des causes en

rapport avec les actions coexistent. Aussi, l’état de conscience de soi associée à un thème (x)

est justifié par des causes en rapport avec le thème en question ainsi que par des actions de

même thème. L’état de conscience de soi d’un thème (x) s’écrira alors de la façon suivante :

Equation n° 2: état de conscience de soi rapporté à un thème (x)

,

où :

 : Conscience d’un phénomène (x)

: Actions en rapport avec le phénomène (X)

,  : Causes des actions (A) en rapport avec le phénomène (X)

X : thème provoquant les actions (A) et les causes (C)

Dans cette équation, il faut que « la » cause existe au préalable, c’est-à-dire que

l’humanité ait conscience au moins d’un phénomène causal, noté (ci,X).. Mathématiquement,

on écrit :

, 0

avec :

, , ,

, 1    , , 0

  ) désigne un scalaire différent de zéro : ( 0 )

, , désigne les composantes de la cause CA,X

On note qu’il existe au moins un (j) tel que

Page 334: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

331

, , 1

De même AX désigne les actions conséquentes de la cause , . Avec ;

1    0

( ) est un scalaire différent de zéro : 0

La formule générale de k* serait donc de

∑∑ , ,

Les expressions « somme pondérée des qualités des actions » et « somme pondérée

des causes » affirmées dans les formules respectives de ∑ et ∑ , ,

n’ont pas de sens pratique, car les actions aussi bien que les causes ne sont pas homogènes et

quantifiables. Ainsi, par exemple, même si les dictons malgaches et leur expressions amicales

populaires soutiennent que « un Malgache n’abandonne jamais son enfant» (« Tsy manary

anaka ny Malagasy »), ou « toujours du riz pour un Malgache »(ou « vary ihany ny anay

Malagasy !») et l’expérience ou une étude préalable peut révéler quelques causes qui peuvent

provoquer une réaction chez un peuple (exemples de cause « un Malgache ne supporte jamais

la vue d’un ru de sang », ou « les Malgaches peuvent endurer tout, du moment que cela ne

touche pas à leurs enfants »), on ne peut pas pour autant calculer l’état de conscience d’un

Malgache, car ces propositions d’actions et de causes ne sont pas additives.

Devant ce fait, il convient de procéder par une double opération suivante : il faut

d’abord fragmenter le calcul de l’état de conscience k* en décomposant ce dernier en des

fragments ⁄ , chacun quantifiable par la quantification préalable de respectivement de

chacune des actions et des causes par rapport à l’ensemble, et ce, par un classement cardinal

préalable des actions et causes selon les thèmes usuels de la communauté linguistique à

laquelle est affiliée la communauté en question et selon les valeurs culturelles. Nous insinuons

donc par voie de conséquence qu’une étude économique doit être déclenchée par des constats

anthropologiques et linguistique. Nous noterons par , un état de conscience associée à une

cause (i) donnée et une action associée, et sa valeur, notée par fi peut être attribuée de façon

arbitraire en fonction chacune des listes respectives des actions et des causes possibles. Mais à

Page 335: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

332

ce moment là, le comportement de la communauté ne se décrit pas seulement par le choix

entre les , c’est-à-dire que ce n’est pas de la préférence pour telle ou telle action et pour

telle ou telle cause qui importe ; le comportement de la communauté se décrit plutôt par le

nombre d-uplets de causes et d’actions retenus. Cette décomposition fait l’objet de la

deuxième décomposition de l’état de conscience k*

Dans la pratique, en effet, des comportements typiques de groupes d’individus ou de

communautés différentes existent ; la littérature malgache abonde dans ce sens, à travers ses

maximes et adages197 ; elle indique cette variété de comportements. Chaque type de

comportement de groupe, correspond à une partition d’un ensemble plus vaste de l’ensemble

dans lequel est calculé l’état de conscience de l’homme en générale.

Dans la pratique donc, l’état de conscience rapporté à un phénomène se perçoit non

pas comme une sommation de perception d’un rapport isolé entre l’action et la cause associée,

∑ , mais comme une perception de nombres finis d’actions et de causes :

où désigne la partie de k*

Illustrons ce fait par un commentaire économique de l’adage « la faim chasse les loups

hors du bois » :

Le phénomène étudié est le comportement du loup face à la diminution du nombre de

ses proies. Ceci se manifeste par la faim ou par l’augmentation de la taille de la meute.

- Les causes d’une action sont la faim et la taille de la meute : C = {faim,

l’augmentation de la taille de la meute}

- Les actions possibles sont la chasse hors du bois ou s’entretuer : A = {chasser hors

du bois, s’entretuer}

197 Exemple, « Tono vomangan’Ambohimanambola, ka any an-tenda vao manitsy azy” (littéralement : les natifs d’Amohimanambola ajustent leur grillade de vomanga lorsqu’ils les avalent), « mandeha ila toy ny kiraron’i Beminahy » ou « mandeha ila toy ny kavin’ny tovolahy » (utlisation d’une pièce de soulier ou de boucle d’oreilles à la façon de Beminahy ou de jeunes hommes), etc.

Page 336: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

333

- La conscience de soi (k) est donc la relation entre un ensemble composé de la chasse

hors des bois et s’entretuer, d’une part, et la faim, l’augmentation de la taille de la meute

d’autre part.

Nous pouvons alors écrire les états suivants de la conscience de soi :

- chasser hors du bois à cause de la faim

= chasser hors du bois à cause de la faim

     

- s’entretuer à cause de la faim

- chasser hors du bois à cause de l’augmentation de la taille de la meute :

                

- s’entretuer à cause de l’augmentation de la taille de la meute

           

Pour faciliter le calcul, attribuons respectivement les valeurs aux causes suivantes

selon la façon d’être des loups : Pour un loup, la faim est une cause qui le rend très actif du

moins par rapport à l’augmentation de la taille de la meute.

- la faim 0.75 point

- l’augmentation de la taille de la meute : 0.25 point

et les valeurs suivantes pour les actions : les loups ne s’entretuent pas pour rien.

- chasser hors du bois : 0.75 point

Page 337: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

334

- s’entretuer : 0.25 point

Voici le calcul de la valeur des :

Valeur de l’Etat de

conscience f1 f2 f3 f'4

Valeur 0.750.75

1 0.250.75

1/3 0.750.25

3 0.250.25

1

Dans la réalité cependant, la communauté ne perçoit que 1, 2, 3 ou 4 états de

conscience. Ce serait l’un ou l’autre des cas suivants :

- Un seul évènement f1, ou f2, ou f3, ou f4. soit au total : 1+1/3+3+1 = 16/3 points

- ou bien un couplet d’évènements : (f1, f2), (f1, f 3), (f1, f4), (f2, f3), (f2, f4), (f3, f4),

soit au total : (1/3 + 3+1) + (1 + 1 /3) + 3 = 17/3

- ou un triplet d’évènement : (f1, f2, f3), (f1, f2, f4), (f2, f3 f4) : 1+1/3+1=7/3

- ou tous les évènements à la fois : (f1, f2, f3, f4) = 1

De ce fait la valeur k^* de l’état de conscience associé à des causes identifiées que

sont la faim et l’augmentation de la taille de la meute est : 16 /3 + 17/3+7/3+1 = 43/3, sans

toutefois le point associé au cas où la communauté n’a pas retenu la relation causale en

question

2 ­ Vers la généralisation de l’état de conscience quantifié de l’homme 

L’homme modèle qui est en chaque être humain est celui qui est conscient de ce que

l’expression de « plus de richesse est préférable au moins » de John Stuart MILL. Non

seulement il en prend note, mais il agit aussi en conséquence sous forme d’activités de

production. Aussi, s’il n’est pas humainement possible d’être conscient de tous les

phénomènes en rapport avec un phénomène, alors le comportement représentatif de l’homme

sera montré par celui dont la conscience du phénomène a une valeur la plus élevée. Dans le

cas de l’exemple précité du loup, le comportement caractéristique du loup, étant donné le

niveau d’information sur les actions possibles et les causes possibles, est l’état de conscience

(l’augmentation de la taille de la meute oblige le loup à chasser hors du bois).

Page 338: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

335

Mais l’état de conscience le plus élevé, en fin de compte n’est que le comportement

représentatif de l’homme pour un degré donné d’information sur ses valeurs et normes. Si un

thème (X) comprend le nombre (n) de phénomènes, alors l’homme conscient de lui sera celui

qui réagit en tenant en considération tous les phénomènes concernés. La fonction de

comportement de l’homme idéal serait alors retracée dans l’équation de fonction de

comportement suivante :

Equation n° 3: Fonction de comportement d’un homme totalement conscient de lui

Max (k*n) = ∏

Mais de tel individu est rare sinon impossible. Un homme rationnel maximise la

fonction de comportement en choisissant les phénomènes où le rapport entre l’action et la

cause est le plus élevé. Sa fonction de comportement sera alors la fonction de comportement

d’un homme partiellement conscient suivant :

Equation n° 4 : Fonction de comportement d’un homme partiellement conscient de lui

Max (k*x) = ∏ ∑ avec x

avec x P(x)

où P(x) désigne la Partie de x.

Ainsi, dans l’exemple ci-dessus, le descriptif du comportement des loups est

identifié dans la maximisation des : Max { , , , , soit Max{1, 1/3, 3, 1} = 3

« S’entretuer pour des raisons d’augmentation de l’augmentation de la taille de la

meute » est donc le comportement typique ou probable, pour cet exemple, de la meute de

loups.

Qu’en est-il alors de l’humanité ? Est-ce un individu totalement rationnel

satisfaisant ou partiellement rationnel ?

Pour répondre à cette question, et pour ne pas à statuer sur la définition de l’homme

(en général) (est-il une somme d’individus ou un individu à part entière distinct des individus

qui forment la communauté), nous reprenons les formules précédentes, mais cette fois-ci

appliqué à un individu agrégé, c’est-à-dire non pas un individu (ou un homme) mais de

l’individu ou de « l »’homme. En outre, nous utiliserons le référentiel économique.

Page 339: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

336

L’état de conscience de l’homme agrégé (que nous noterons par K*) est aussi

formulée avec l’expression de l’équation n° 1 ci-dessus, mais avec des variables différentes :

les actions en question ont un sens différent de celui des individus : ce ne sont plus des actions

associées à un phénomène précis, mais un ensemble d’actions ou une politique visant à

prendre en main la production, alors que les causes sont les crises sinon la diminution de la

production.

L’état de conscience de soi K* décrit alors le rapport entre une politique et une

situation de crise ou de chute de production. Elle désigne une « efficacité » d’une politique

économique de reprise ou contre la crise.

Ceci prendrait alors la forme mathématique suivante :

                          

Lorsque la crise est constatée, ses causes sont implicitement identifiées. L’autorité

établit alors des choix d’actions parmi les actions qu’elle a identifiées. L’homme prend alors

des mesures de longues périodes, et celles-ci prend alors la forme de politique. L’état de la

conscience de soi de l’administration, rapporté à l’état de crise est alors :

é ,

La politique de crise et les théories ou les connaissances sur les crises déterminent le

nombre de points de l’état de la conscience de soi associé à la crise.

Pour illustrer la situation, reprenons la crise française de 1993 et la politique de

relance proposée par l’autorité en place de l’époque. Le descriptif de la cause de la crise

révèle les causes suivantes : la stagnation de la consommation, la chute d’investissement, des

pertes d'emploi et hausse du chômage, des faillites et déficits grandissants des budgets publics

et sociaux. Les actions ou la politique de crise adoptée sont : une politique commerciale

offensive provoquant un excédent de la balance commerciale, et une politique monétaire en

vue de maîtriser l’inflation et de contrôler le cours de change de la monnaie.

Nous nous passerons de quantification des poids respectifs des composantes de la

politique de relance et des causes de la crise. Nous pouvons cependant évaluer ou estimer le

Page 340: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

337

point de cet état de conscience de la crise de 1993 en France, par la modification de la

politique de crise lors du retour de celle-ci en 1998 et l’intégration de causes nouvelles (crise

internationale et anticipation des agents). Ces facteurs nouveaux comptent pour des points

que nous estimerons ci-dessous.

On note que exceptionnellement et pour le besoin de l’explication, nous avons

considéré k* comme une variable à cour terme, mais dans le fond ou dans la réalité, cette «

variable » est institutionnelle et ne varie que pendant plusieurs dizaines de milliers d’années.

L’état de conscience de soi met en rapport des variables institutionnelles parce que la

politique économique ne change pas d’un moment à l’autre, de même, il faut du temps (au

moins un an) pour redresser la crise ou la production. Un niveau efficace de comportement

(ou d’état de conscience de soi) existe en conséquence pour maîtriser la crise. Ce niveau n’est

perceptible que lorsqu’on s’arrête. Tel est le cas de l’état de conscience.

3 ­ Du calcul et de l’évolution de état de conscience de soi 

L’état de conscience cependant se découvre graduellement : avant la révolution

néolithique, l’homme n’est pas conscient de son espèce, comme le souligne FEUERBACH

(FEUERBACH, 1869), et la nature et les quantités de ses activités étaient à peine différentes

de celles de l’animal ; puis avec la période néolithique, l’homme et ses activités sont cachés

dans et par la société ; entre temps, l’homme commençait à prendre progressivement

conscience de lui-même. Il ne s’agit pas d’une augmentation de l’appréciation ou de

jouissance physique d’un moment, mais d’un quanta supplémentaire d’une grandeur

synthétique d’un rapport de long période entre d’une part, une volonté ou un pouvoir

transformateur à volonté, de maîtriser son destin et d’autre part, des limites inhérentes à une

nature consciente. L’état de conscience désigne une quantité « epsilon » de rapport entre ce

qu’on peut faire et ce qu’on ne peut pas. Ce rapport ou cet état de conscience s’installe auprès

de plusieurs générations d’individus et prend les formes de science et de l’ordre. La

transformation de très longue durée de l’état de conscience de soi de l’homme, étant donné ce

rapport, est donc la problématique de l’homme pour l’homme.

La réalisation de la transformation lente de l’état de conscience a été introduite ci-

dessus. Dans cette partie, nous allons montrer l’évolution historique de cet état de conscience.

A cet effet, posons l’état de conscience de l’homme agrégé K* dans les termes suivants :

Page 341: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

338

é    é     é              

K* est « presque » constant parce sa variation dure plusieurs temps.

La « volonté ou la capacité de transformation » désigne les activités humaines dans

leur totalité et dans toutes leurs dimensions. A une période T* donnée, l’expression « volonté

ou la capacité de transformation » (détenue par l’homme) représente la totalité de la fonction

classique de production, notée Y, ramenée à l’ensemble de l’humanité.

L’expression « Cours impétueux de la nature ou limite de l’homme » désigne, dans le

cas échéant, la totalité P d’objets naturellement de produit depuis une période théorique 0

jusqu’à la période T*.

On remarque une distorsion d’affirmation : ce n’est pas la volonté qui entraîne la

production, mais les actions conjointes de l’homme et de la nature ; autrement dit, ce qui est

produit relève à la fois de la volonté des hommes et des causes impondérables de la nature.

L’utilisation de la fonction classique de production ne signifie donc pas une référence totale

aux seules activités humaines de production. Un ample développement de ce sujet sera

d’ailleurs exposé dans le II du présent paragraphe.

Mathématiquement, on écrira :

é    é   

et

  é      

Le quantum de l’état de conscience de soi s’écrira alors :

L’histoire économique universelle, basée sur la variation de la quantité de production

faite par l’homme, indique que l’homme a maîtrisé le cours de la nature, et de ce fait les

Page 342: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

339

quantités produits par l’homme et produits par la nature varient inversement l’une par rapport

à l’autre. L’état de conscience de soi de l’homme agrégé, dans ce sens, est alors une grandeur

exponentielle auto freinée dans le temps :

/

(e) désigne une fonction exponentielle.

De ce fait, le temps est révélé par la quantité de l’état entre les productions de la nature

et de l’homme, car de l’équation :

/

on peut déduire :

1

log

autrement dit, à un moment T donnée, l’état de conscience de soi de l’humanité, ou le

rapport entre les faits de l’humanité et les faits de la nature est donné par l’équation ci-dessus.

La conception selon laquelle l’histoire de l’homme se découvre par des preuves

archéologiques insinue qu’il faut du temps pour que l’homme puisse confectionner les

instruments de production qui ont rendu possible la maîtrise de l’environnement. Elle ne tient

cependant pas compte de la résistance et même de l’agression de la nature.

PARAGRAPHE 2 – L’HOMO ŒCONOMICUS EST LE PRODUIT DE LA REVOLTE OU DE LA RESISTANCE HUMAINE POUR SE PRENDRE EN MAIN

Nous continuons nos propos dans le contexte de la culture indo-européenne.

Dans le sens économique du terme, l’expression « volonté de prendre en main

l’économique » se traduit par un contrôle de la production, de la consommation, de l’épargne

et de l’investissement. Mais dans un sens élargi, cette expression signifie simplement une

volonté de contrôler toutes les activités économiques y compris la détermination du marché en

vue de parvenir à l’autodétermination – au sens large – de l’homme. Si l’homme parvient à

l’autodétermination, si l’homme a pu se prendre en main, alors il aurait, par lui-même

Page 343: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

340

raconter sa propre histoire, se passer du marché pour évaluer la rareté relative ; en outre, ses

produits et activités auraient été accomplis sans que des produits secondaires, ou de

dimensions les plus infimes lui échappent. Mais, dans le récurrent du quotidien, l’homme

découvre graduellement des agissements lui concernant qui n’ont pas été dominé et maîtrisé

par lui. Certains phénomènes sont déjà contrôlés et maîtrisées, mais des inconnus et des

incertitudes pèsent encore sur l’avenir et sur la vie de l’homme l’empêchant de vivre

profondément et d’attaquer les problèmes essentiels.

« La misère du temps, écrivait HEGEL, a donné aux petits intérêts vulgaires de la vie

de tous les jours une si grande importance, les intérêts élevés de la réalité et les combats pour

ces intérêts ont absorbé toutes les facultés et toute l'énergie de l’esprit ainsi que les moyens

extérieurs, au point que l’on ne pouvait garder la liberté nécessaire à la hauteur de la vie

intérieure, à la pure spiritualité et que les meilleurs y ont impliqués et même en partie

sacrifiés » (HEGEL Posthum, page 16). La misère est le grand inconnu qui emprisonne la

nature de l’homme, la pensée libre, les facultés et l’énérgie de l’esprit que l’homme qui nous

est familier n’est que le misérable homme du besoin qui, selon les économistes actuels, font et

pratiquent l’économie. Heureusement que l’économie ne soit pas seulement une science de la

misère ou une sicence des hommes misérables, car les philosophes et penseurs qui ont

construit la science économique – le « scio » du norme d’un domaine – ont vu plus loin dans

la nature et dans la capacité de l’homme. Ils ont réalisé et pris conscience de la contradiction

entre la potentialité de l’homme et l’influence des intérêts individuels étant donné une misère

ou la misère. L’homme n’a été présenté comme un être auto-déterminé que par rapport à ses

paires dans une situation juridique de la souveraineté et dans la situation économique de

choix. Aussi, au-delà des considérations historiques, l’homme auto-déterminé de l’économie

est l’homo œconomicus ; le thème de l’homo œconomicus comprend en lui-même une

histoire de la lutte contre l’emprise du marché198.

La présence des externalités de production – des produits non intentionnels des

activités humaines – et celle du conflit d’intérêts cependant contredisent la réalité de la

capacité de se prendre en main du destin de l’homme. Elles entraînent plutôt l’acceptation de

l’auto-détermination des institutions comme l’État, le Marché, la Société, etc. L’auto-

détermination qui, dans la religion, est considérée comme étant un attribut de dieu est

décentralisée vers le domaine profane du public et de la politique. Ces institutions cependant

198 On note que dans les religions comme le judaïsme et ses dérivés l’Islam et le christianisme, l’homme est un être déterminé mais indépendant de la divinité.

Page 344: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

341

n’ont pas encore de modèle ni de norme à tel point que la pratique attribue à l’utilité les

normes de leur existence. Or le discours sur l’utilité a été accaparé par l’économie ; la science

économique est une lutte pour que l’homme puisse prendre en main les institutions.

La construction historique des instituions et la perception de la misère (et de la

richesse) cependant sont des faits de la relativité culturelle et sont saisissables par des mots

vernaculaires. A l’échelle humaine et au-delà des formes, à un niveau de phénomène

universel, les institutions communes et la perception humainement inévitables sont limités à

quelques thèmes comme le mariage, le rituel de l’enterrement. A l’échelle du groupe

linguistique, par contre, les institutions sont moins invisibles et la logique de la perception du

risque est compréhensible. C’est dans ce dernier sens que nous utilisons la culture indo-

européenne pour illustrer nos propos sur la nature économique des contenus des récits

littéraires, en vue de montrer l’identité de l’homo œconomicus.

La littérature ou le narrateur indo-européen ancien ne retrace pas les faits de l’homme

tel qu’il est, mais de leurs dieux représentés avec les caractères de l’homme, or en posant

l’hypothèse que la divinité est l’idéal du comportement de l’homme, nous pouvons affirmer

que ce qui est décrit par la littérature peut être correspondu avec l’homme modèle de

l’économie. Le modèle de l’homme de la littérature indo-européenne est un être de qualité

exceptionnelle (qualité physique ou moral) et limités par ses propres erreurs fatidiques,

comme l’homme de l’économie détient une qualité exceptionnelle lorsqu’il agit dans le cadre

du marché et qui n’a de limite que ce cadre. Par cette approche comparative culturelle, on

peut se poser déjà la question de lien entre le modèle de l’homo œconomicus et la divinité

mythologique : s’agit-il d’une même conception ou d’une réalité exprimée sous un cadre

narratif nouveau (le marché) ?

La littérature indo-européenne relate généralement l’existence de combat. Pour elle, le

combat implique un discours sur l’ordre, et c’est dans cet ordre soutenu par la religion ou par

la conviction religieuse que nous essaierons de comprendre sinon de puiser le discours sur

l’existence. A ce niveau, cependant, ce n’est pas l’ontologie de l’homme qui apparaîtra, mais

le sens de l’existence, ou sa raison. Nous conclurons alors que c’est parce que la vie a un sens

qu’elle est économique.

A partir de ces thèmes, plus ou moins présélectionnés, nous voulons alors remonter à

la préoccupation initiale indo-européenne pour y chercher les traces de la question

Page 345: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

342

existentielle dans cette culture. A cet effet, force nous est de passer par le thème de destin

pour arriver au thème final de l’état de conscience et de la perception de l’existence.

Notre objectif cependant n’est pas de convaincre le lecteur de l’importance des récits

indo-européens dans la formation du questionnement sur l’existence, mais d’explorer une voie

possible de la compréhension du comportement économique, en faisant des investigations sur

la puissance de la pensée humaine telle que la révèle l’ensemble des discours que permet un

système de langues et en montrant que cette pensée, quelle que soit la civilisation, le temps ou

l’espace, a la même préoccupation de l’existence. De ce fait, seuls quelques thèmes indo-

européens seront retenus. Ils ont été choisis par leur fréquence (la plupart de la littérature

indo-européenne parle de la religion) tout en sachant que celle-ci découle d’une préoccupation

identitaire (les religions révèlent l’homme). De ce fait, ce paragraphe prend forme d’une

récapitulation philosophico-thématique de la science occidentale.

I ­ Le thème de l’agent économique à travers le héro 

Les critiques de la littérature indo-européenne procèdent généralement par la

comparaison de deux divinités ou de deux manifestations divines ou de deux contes et

narrations. La mise en relation des récits épiques sanskrites et grecques, par exemple, révèle la

similitude de contenu des récits à tel point qu’on peut constater qu’en fin de compte, que ces

récits sont puisés à partir d’un fonds culturel commun. Tel est d’ailleurs le cas de la déesse

guerrière grecque Athéna et la déesse guerrière sanskrite Durga (ALLEN, 2001). En fait, ce

n’est pas la forme ou le matériel qui supporte le combat qui importe, mais l’image de prise en

main d’une force présentée sous forme d’un animal qualifié tacitement de monstrueux. Le

héro indo-européen maîtrise un monstre.

Dans la littérature de l’Antiquité grecque, cette image de prise en main d’une force

présentée sous forme d’un animal est formellement exprimée par le terme de « démonstration

», signifiant littéralement domestiquer le monstre. Ce dernier cependant reste la bête féroce,

avec une tête - le « capita », devenu plus tard, avec le jargon marxiste, le capital - des

membres.

La littérature indo-européenne, cependant, reste enracinée dans ses jargons religieux

ou de relation avec le monde immatériel, et ce, malgré le fait que leur « science », ce qu’elle

appelle le « scio » est en apparence matérialiste. De ce fait, le discours scientifique est

fortement imprégné de mentalité de religieux. Nous ne voulons cependant pas énumérer ces

Page 346: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

343

idées, de peur de les fragmenter en thème anthropologique, alors que ces idées sont liées

entre elles par un système (du sanskrit « sys » évoquant l’idée d’ensemble et « thème ») ; c’est

pourquoi, nous allons aborder le contenu de la littérature indo-européenne, en remontant le fil

d’idées qui a aboutit à la formation de ce que nous appelons aujourd’hui par le mot « science

» avec la façon non pas les scientifiques veulent que celle-ci soit, mais avec ce que les

adhérents de la pensée scientifique ont rejetés de la religion. Cette démarche a été plus ou

moins pratiquée par Karl MARX, lorsque ce dernier établit sa compréhension du capitalisme

sur le fait que ce dernier a critiqué et rejeté les bases mystiques du fondement social, mais au

lieu de système médiéval, nous nous efforcerons de montrer la persistance de prémisses

religieuses dans la formulation de comportement vis-à-vis de la richesse. De ce fait, nous

soutiendrons que les concepts économiques, les imageries que leur articulation véhicule

relèvent de la vision indo-européenne de la religion. L’homme qui en découle, ou plus

précisément, le modèle prôné de l’homme est en fin de compte, un homme sublimé par la

religion. Nous allons étudier la construction de ce modèle en s’interrogeant comment la

religion et sa négation a construit l’homme de l’économie.

1 ­ De la construction indo­européenne  de modèle de l’homme par les récits de 

combat contre le mal 

La forme de la pratique de la religion est déterminante dans le vécu de l’économie, car

elle impose à sa manière, non seulement les rites et croyances, mais aussi les matériels et

ustensiles, ainsi que les espaces et lieux interdits et accessibles, enfin les activités permises et

interdites. En fait, ce n’est pas le prêtre ou la divinité qui importent, mais, au nom de ce que

les indo-européens ont de notion de bien ou de beau, tout ce qu’ils représentent, diffusent et

insèrent dans la société, en vue sans le savoir de modifier le comportement de l’homme.

Une observation sommaire des religions révèle la présence de fonds communs ou

thèmes partagés. Certains thèmes, en effet, circulent dans les communautés indo-européennes

alors qu’ils sont impensables ailleurs : exemples l’incarnation d’une divinité ou le combat

mené par la divinité ou par les « saints » sont des thèmes que certaines cultures ne peuvent

accepter, alors qu’ils vont de soi chez d’autres.

Dans les communautés indo-européennes, cependant, le médium ne s’adresse pas

directement avec la divinité, ou la divinité ne s’exprime pas directement et régulièrement,

mais ponctuellement et laisse à des individus spécialisés de professer et d’enseigner les

Page 347: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

344

oracles divines, alors que dans les communautés non indo-européennes, par le biais des

individus possédés par le prétendu esprit de la divinité, le dieu s’exprime, sans cérémonies ni

rites. Le prêtre est donc une pièce maitresse de la compréhension de comportement individuel.

Mais le prêtre n’agit pas seul, car des écrivains narrateurs viennent à la rescousse pour

renforcer le caractère ésotérique et populaire de leur récit.

a ­ Qui est l’homme identifié ou modélisé par le prêtre indo­européen ? 

La religion indo-européenne empêche tantôt de nommer formellement l’homme par

respect. L’homme décrit par les récits indo-européens se distingue par leur valeur

préalablement reconnu et non discuté. Le rédacteur du Bhagavad-Gîtâ le qualifie de «

valeureux », d’ « héroïque », des « meilleurs », les « victorieux » alors que ces hommes sont

alignés pour une bataille rangée pour de cause de défense de la société contre l’immoralité et

l’irréligieux. Le cri de ces hommes sont comparés au rugissement d’un lion, leur équipement,

notamment leur monture, également attire l’attention du narrateur : de beaux chevaux, ou des

animaux sauvages, leur épée a un nom199. Dans d’autres documents, le héro est rendu

singulier par sa monture : une déesse indo-européenne est, par exemple, identifié par le fait

qu’au lieu d’un cheval pour monture, elle chevauche un tigre.

Les mêmes techniques sont aussi utilisées pour décrire l’homme idéal de la société

moderne : ses vêtements, sa voiture, la marque commerciale de son stylo. L’homme décrit par

la religion actuelle n’est pas « valeureux » ou « héroïque », mais « intelligent », « sensé » et «

responsable », « avisé » par les journaux qu’il lit et par l’ordinateur qu’il a à portée de main.

Aussi, mise à part les contenus des mots, la représentation de l’homme suit le même processus

intellectuel que celle édifiée par la religion.

Le comportement sectateur religieux se rencontre aussi dans les combats

concurrentiels. Il faut noter que cet esprit de compétition peut s’inscrire dans des domaines

pacifiques sous forme de jeux. Les communautés indo-européennes en sont d’ailleurs les

instigateurs : les jeux olympiques etc., mais avant les compétitions sportifs, la culture indo-

européenne s’attache à la valorisation des activités individuelles. Pour elle, la victoire sur un

ennemi ou sur un concurrent n’est pas l’objectif, mais la réalisation personnelle.

199 Dans la Bhagavad-Gîta, le nom de l’épée d’un des héros est la Triomphante , pour un autre, la Mélodieuse et la Trompe de pierreries et de fleurs. Le rappel de la dénomination de ces équipements indique à la fois les caractères déterminants, fatals et solennels de la situation.

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345

Bref la prémisse de la concurrence économique est localisée dans la religion indo-

européenne.

b ­ De la construction indo­européenne de l’homme   par le thème de la guerre et 

de discours sur l’obligation 

Les thèmes provoquant par le récit indo-européen est presque identique ou différent à

quelques éléments de détail : départ du héro, absence et retour avec violence du héro

(ALLEN, 2001). Mais même en utilisant les termes de l’utilité et de la valeur, la pensée

économique indo-européenne reste marquée par leur thème de départ.

Le profil de l’homme présenté désigne des qualités de combattant. Effectivement,

l’homme idéal des récits indo-européens sont des guerriers pour une cause jugée digne. A cet

effet, comme objectif militaire, la religion indo-européenne préconise l’élimination physique

de l’ennemi. Telle est d’ailleurs pour eux la morale de la guerre.

Cette attitude évoque la théorie économique de la concurrence. Il faut d’ailleurs

remarquer que le silence des théories économiques sur le comportement des agents, ou sur

leur sentiment durant l’élimination du concurrent semble être résolu par leur position

religieuse, et de ce fait, se passe de commentaire. La Bhagavad-Gîtâ énonce ce comportement

de la manière suivante : « les sages ne pleurent ni les vivants ni les morts », parce que

l’homme n’existe pas dans le présent, mais dans l’avenir200, c’est-à-dire qu’il procède par le

calcul.

Ce précepte doctrinaire est l’archétype de comportement économique : il faut

méconnaître le sentiment humain, car, selon leur argument, les hommes qu’on combat ont des

idées fausses, mais que le combat contre eux ne les réduit pas à néant, étant donné que le

raisonnement se porte sur l’avenir.

c ­ Le thème de triomphe de soi­même  

Certains thèmes sont permanents dans les monographies des religions des peuples

appartenant à la religion indo-européenne, notamment le combat entre le bien et le mal, ainsi

que le sens de devoir. De ces thèmes, l’homme apparaît non seulement comme l’agent de ces

combats, mais aussi leur lieu, quelquefois, en effet, c’est l’homme lui-même qui est tonitrué

200 « Car jamais ne m’a manqué l’existence, ni à toi non plus, ni à ces princes ; et jamais nous ne cesserons d’être, nous tous, dans l’avenir » (Bhagagad-Gîtâ, chap II – 2)

Page 349: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

346

par la pluralité de ses idées. L’homme se présente comme une synthèse de la lutte entre le

bien et le mal. A un certain moment de ce combat, cette synthèse se pose la question

d’existence, tel est d’ailleurs le texte de la Baghavad –Gîta, et dans une certaine mesure, de

leur religion en général.

En fait, cette tribulation interne de l’homme devant deux valeurs est aussi celle de

l’homme devant un choix. Le chapitre premier du Bhagavad-Gîtâ retrace ce combat intérieur

de l’homme confronté à un choix où les valeurs ou les arguments se valent les uns aussi bien

que les autres. Le protagoniste, Dhritarashtra, demande à son serviteur, pourquoi il aligne des

hommes valeureux pour combattre des hommes valeureux eux aussi et qui étaient ses amis et

frères. En économie, on aurait pu dire, pourquoi des arguments aussi solides les uns aussi bien

que les autres sont-ils avancés pour défendre des idées différentes. La religion propose alors

des arguments comme le sens de devoir ou la valeur de la vie pour défendre la décision ou

l’action à entreprendre, alors que l’économie actuelle réduit le critère de choix à la seule

maximisation de profit.

Aussi tout reconnaissant l’équivalence des problématiques économiques et religieuse

de choix, nous avançons l’hypothèse selon laquelle il y a un lien entre les circonstances

inspiratrices de pensées économiques aux circonstances provocatrices de la religiosité pour y

découvrir le caractère plutôt économique de la religion, et par là de poser de nouveau la

question existentielle en termes économiques. A cet effet, nous retracerons d’abord le thème

de la religion et ses thèmes dérivées. Ceci montrera alors que la religion est avant tout une

confrontation. Or celle-ci trouve son équivalent dans les thèmes de la concurrence et du

marché.

d  ­  Le  sectarisme  religieux,  ses  thèmes  dérivés  et  leur  contribution  dans 

l’identification de l’homme 

L’origine et le sens du mot « religion » méritent d’être discutés pour apprécier

l’importance de l’apport de la connaissance de la religion dans la compréhension de la

structuration intellectuelle indo-européenne. Dans la langue indo-européenne, le mot «

religion » possède deux acceptions : la première acception rattache ce mot au latin « religio »

signifiant « lien » ; la religion est le lien avec l’au-delà. La seconde acception, professée par

Page 350: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

347

Shafique KESHAVJEE201, fait remonter l’origine de ce terme à l’indo-européen « leg »/ « log

» signifiant cueillir, collecter dans l’intention de compter202. La différence réside dans les

thèmes et phénomènes associés à chacune de ces acceptions. Dans le sens de « religio », le

discours comprend les thèmes de croyances, rites, sorcellerie, guérison, etc., ou encore de

diversité religieuse, religion et environnement, genre et religion, alors que dans le sens de

cueillir dans l’intention de collecter, la programme comprend des activités intellectuelles. Les

thèmes connotés à cette seconde conception sont le latin « legere » qui signifie « lire » et « re-

legere » (littéralement, « recueillir » ou « relire »). En Grec, le mot « leg » est à l’origine du

mot « logos » tant connu du monde scientifique actuel.

Cette acception grecque de la religion fournit des importantes informations sur les

objets entourant la vie de l’homme, non pas par lui-même, mais par le thème qu’il évoque. La

racine « leg », en effet, évoque un recensement total, le catalogue de l’univers et qui permet

d’identifier ce qui existe ou ce qui n’existe pas dans la conception indo-européenne

KESHAVJEE a d’ailleurs établit cette catalogue (KESHAVJEE, 2008). Les thèmes logiques

qui en découlent alors se portent sur l’éloge de la nature, plus particulièrement tout ce que la

nature humaine peut percevoir ou imaginer l’existence, des divinités, des vertus, des grâces,

des qualités, etc.

Selon les communautés, la pratique de la religion peut être centralisée (à l’exemple de

la divinité romaine de l’Antiquité, MITHRIA) ou décentralisée, mais l’unicité des concepts de

la divinité prône plutôt en faveur d’un culte pour un dieu unique ou identique. Les études

indo-européennes foisonnent en thèmes de divinités locales, et s’inscrivent donc tacitement

dans la première acception du mot religion, et mettent celles-ci en relation les unes avec les

autres. Ainsi, les preuves sur l’identité des dieux écossais et les dieux nordiques et

germaniques sont plus ou moins déjà établies par les recherches de cette première acception :

qu’ils s’appellent « godh » ou « gudh », ou qu’ils soient solitaires ou vivant en famille

(comme les « Ases » et les « Vanes » de la mythologie nordique), ou qu’ils soient des géants,

des nains, ou des elfes, leurs existences ou leur formulation se rencontrent également dans les

pays de la communauté indo-européenne.

201 Voir René Garrus, Etymologies du français. Curiosités étymologiques, Bellin, 1996, pp.132ss cité par Shafique Keshavjee 202 Il s’agit en fait d’un concept pour désigner une façon ancienne de recensement d’une population. Le Nouveau testament de la Bible consigne un de ces recensements (Voir La Bible, Nouveau testament, Les évangiles respect selon Mathieu et Luc

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348

Les auteurs n’ont retenu que leur caractère et établissent des liens entre les caractères

des dieux et ceux de leurs adorateurs : les peuples de caractère violent adorent les divinités

violentes, ceux qui ont un tempérament négociant préfère les dieux négociants, etc., bref, la

divinité adoré représente l’idéal de l’individu. Aussi, dans la mesure où chaque individu ou

chaque communauté ne peut se constituer comme telle que par leur idéal qui s’établit

spontanément sous forme de normes et de valeurs, conformément à la théorie de Von

HAYEK ou de façon non voulue comme l’affirme la théorie de Karl MENGER, le

questionnement d’existence est une sorte d’accompagnement de ce que Ludwig

FEUERBACH appelle de l’aliénation : Deux phénomènes tiennent alors place ;

l’extériorisation du sentiment collectif, suivi de leur idéalisation. L’homme ainsi représenté

est alors en mouvement ou plus précisément, la recherche de l’identité de soi se présente sous

forme de mouvement et d’action en vue d’imiter sinon de ressembler à l’idéal exprimé.

Les religions d’origine indo-européen sont le Veda avec Brahma et le bouddhisme

antérieur à Siddharta Gautama, qui était appelé Kashyapa (BELENIOS). Leur point commun

est que chacune de ces religions prône l’existence d’un dieu présent et senti (alors que le ou

les dieux adorés dans les régions de la Mésopotamie sont des dieux cachés). De ce fait, la

présence d’un groupe d’individus régulant le discours religieux est nécessaire. Le bouddhisme

(actuel) distingue les prêtres et les « laïcs ». Chacun d’entre eux se spécialise dans leurs

activités : les premiers pour les questions spirituelles, alors que les seconds sont libre de leurs

entreprises. Cette division visible de travail conduit à une structuration sociale : les prêtres

producteurs de services spirituels, et qui sont matériellement improductifs, et les laïcs

producteurs de biens et services matériels et qui sont incultes spirituellement. La question de

l’existence provient alors lors de la rencontre discursive entre le prêtre et ses discours d’une

part, et le laïc avec ses objets matériels d’autre part. Le thème de la rencontre se porte

certainement sur le concept de « leg » indo-européen.

2 ­ Le thème de rencontre des puissances dans la philologie indo­européenne et son 

caractère archétype de la contradiction 

Le thème de rencontre apparaît dans le thème de « feu », qui est un élément

fondamental de la religion. L’origine du feu relève, d’après l’anthropologue anglais FRAZER,

de la mythologie. Son équivalent est le thème de la concurrence.

Page 352: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

349

Il nous faut donc prouver que la concurrence est aussi applicable pour décrire le thème

de la rencontre des astres ou autres.

Les documents anciens retracent que les Indo-européens reconnaissent les deux lieux

opposés du feu : le soleil et la terre (le volcan). Leur construction philologique cependant est

marquée par la différence de traitement de ce sujet. A cet effet, on peut citer les récits

respectifs de PROMETHEE, dans l’Antiquité grecque et celui de l’embrasement final de

RAGNAROK dans la mythologie scandinave.

a ­ Les domaines du profane et du sacré 

La culture indo-européenne a introduit la notion de domaines dans leur exposé. A

partir de cette délimitation, elle répartit ensuite les objets selon l’espace

Le thème d’instrument de production ou l’identification de certains objets comme

productif et d’autres non est aussi un thème issu de l’opposition ou de lutte, mais pas de la

relation avec la divinité. L’archéologie consigne la hache comme étant le premier instrument

de production. Puis, les peintures et fresques montrent la présence des hallebardes. Il faut

d’ailleurs constater que même dans les communautés non indo-européennes, l’homme

s’accompagne de ces instruments : il s’agit du daguet arabe, de la machette africaine, etc.

Les régions occupées par les Indo-européens étaient antérieurement occupée par les

Néanderthaliens durant la période néolithique. Ces hommes ont laissé leur trace par, entre

autres, des instruments de pierres.

b  ­  Le  rôle  des  sages  et  des  prêtres  indo­européens  dans  la  connaissance  de 

l’homme 

Les prêtres ont indiqué que certains objets ont des fonctions différentes de ses

apparences.

MEUDLER distingue trois fonctions indo-européennes dans lesquelles ou pour

lesquelles les objets sont demandés : la fonction magico-religieuse, la fonction militaire et la

fonction portant sur les sphères de la vie et de la santé (MEUDLER, Marcel). Ces trois

fonctions constituent la base idéologique de la communauté indo-européenne (avant que

l’idéologie de la liberté et de l’égalité en prenne le dessus). L’identification de ces bases

revient naturellement au chef.

Page 353: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

350

Les religions indo-européennes identifient les vertus de certains objets. Quelques un

d’entre eux sont des augures ou des auspices. Pour eux, notamment le conservateur Appius

Claudius, ces objets ou le comportement de ces objets sont des petites choses, qui apportent la

puissance d’une communauté (in Tite-Live (VI, 41, 4) trad. J.Bayet, C.U.F.). Et pour ces

petites choses, que les guerres éclatent (voir La Bhagavad-Gîtâ (Le chant du Bienheureux,

chapitre II sur les causes de la scission sociale : l’irréligion a détruit les ménage et la ville)

L’adhésion en ces valeurs et croyance identifie le comportement de l’homme que les

indo-européens ont découvert pour l’humanité. En fait il s’agit d’une rationalité que Max

WEBER qualifie d’axiologique et qui se trouve répandue dans les sociétés humaines

actuelles. Elle est d’ailleurs la cause de la variété des caractères humains admise dans les

cultures indo-européennes. Les auteurs indo-européens modernes abondent d’ailleurs dans ce

sens. Voici ce que soutient par exemple.

« Nous entendons par trait de caractère la présence d'une forme d'expression

déterminée pour l'âme d'un homme qui cherche à prendre position envers les tâches de la vie.

La notion de « caractère » est donc une notion sociale » (Alfred ADLER « Connaissance de

l’homme, page 104)

L’histoire de l’Antiquité romaine nous indique également, la détermination du

comportement de leur chef vis-à-vis des prescriptions divines, ou encore par son

comportement religieux dans la survie de la société. A cet effet, les armes ou les objets des

chefs sont importants.

Certains objets se démarquent dans la littérature indo-européenne : les haches

B – La spécialisation de la question de l’homme 

Dans ce paragraphe, nous présenterons comment les spécialistes se sont emparés de la

question. A cet effet, présentons quelques anecdotes de la présentation de la question sur

l’homme

Une des épisodes les anciennes et les plus connues sur la recherche de l’homme dans

une communauté indo-européenne est celle racontée à propos de DIOGENE le cynique : ce

philosophe se promenait nu ou presque – parce qu’il refusait tout influence ou tout

dépendance de l’extérieur sur son corps -, dans les ruelles d’Athènes, en plein jour. Il portait

Page 354: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

351

dans sa main une lampe allumée qu’il balançait sous le visage des passants et affirmait qu’il «

cherche un homme ». En apparence, il sait déjà ce qu’il cherchait : un être imaginaire qu’il

essaie de rencontrer au hasard dans une recherche sur terrain. En fin de compte, il cherchait

un homme, parce que les hommes qu’il croisait sur son chemin ne correspondaient pas à son

modèle imaginé de l’homme. Pour DIOGENE ainsi que pour tous les cyniques, « l »’homme

– et cette fois-ci, on peut mettre entre guillemets -, c’est le héro, celui qui impose la sagesse

comme fondement de l’action. DIOGENE ne l’avait jamais rencontré, mais seulement

entendu raconter ses exploits ; il s’agit de HERCULE, fils de ZEUS

Le même thème se rencontre également dans la littérature chrétienne, dans laquelle les

interprétations de l’évangile voient en Jésus l’homme idéal, parce qu’il a été créé à « l’image

de dieu ». Par rapport à l’image de DIOGENE, la bible semble apporter la réponse à la

question de qui est l’homme idéal : un être qui a compris la bible et qui se laisse porter par

son message, jusqu’à en dépendre sur le plan matériel203. L’homme idéal du christianisme est

JESUS , lui aussi, le fils de … ZEUS des chrétiens.

En fait, entre ces deux parangons de discours indo-européens tirés des discussions

greco-(judéo204 )-chrétiennes, il y a un débat entre les chrétiens et les Grecs sur le sens de la

vie, une discussion d’identité alors qu’ils ont adopté le même mode de vie : « sans cité, sans

maison, sans patrie, mendiant errant à la recherche de son pain quotidien » et de surcroit,

messager de ZEUS, disait DIOGENE à propos d’un de ses paires (BREHIER, 1928, page

198) ; un être moins démuni qu’un loup, sans oreillers, mais mieux vêtu que l’empereur le

plus riche se disait JESUS de lui-même pour ses futures disciples, mais qui ne fait que

accomplir la volonté de DIEU, par lequel il tire son pain quotidien

Nous déduisons alors que les discours indo-européens sur l’homme, tel que les relatent

ces deux œuvres connues, sont faits dans le cadre de la quête du sens de la finalité de l’action

et en dehors des considérations matérielles, et avec un arrière plan religieux. De prime abord,

la conception indo-européenne de l’homme est portée par le thème de combat que les

hommes -des hommes bons, pourtant – se font entre eux. Leur discours s’efforce d’expliquer

la cause de ce combat. Dans la Bhagavâd Gîta, la présentation est directe, alors que dans la

littérature biblique, le thème de combat entre des hommes « bons » trouve son summum dans

203 Jésus lui-même exhortait ses ouailles à la quête de l’accomplissement des souhaits de dieu, car ce dernier, assure-t-il, s’occupe de la vie matérielle de ce qui peut être qualifié de ses « possédés ». 204 Jésus lui-même exhortait ses ouailles à la quête de l’accomplissement des souhaits de dieu, car ce dernier, assure-t-il, s’occupe de la vie matérielle de ce qui peut être qualifié de ses « possédés ».

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352

les propos de Paul de Tarse, lorsque ce néophyte du christianisme s’écrit : « je veux faire le

bien, alors que je fais le mal ».

La science économique d’inspiration indo-européenne, n’a certes pas formulée la

question sous ce ton angoissant, seulement, elle constate, à travers les travaux fondateurs de

Friedrich Von HAYEK, d’Adam SMITH et de Carl MENGER l’existence de thème des

actions non intentionnelles. Pour ces trois auteurs, ces derniers, bon gré ou mal gré, sont des

actes non intentionnels. Adam SMITH constate que en cherchant son profit, l’homme

contribue aussi à l’enrichissement de ses paires. Carl MENGER, pour sa part, constate que les

institutions déterminant de l’homme n’ont pas de concepteur, enfin Von HAYEK reconnaît

l’existence de l’ « ordre spontané » qui s’établit entre les hommes.

A cause de cette dernière, les indo-européens portent leur discussion sur l’homme dans

la profondeur de l’être. Ils insinuent déjà l’introspection et le trouble intérieur. Leur livre de

religion, les propos consignés de Confucius, le Baghavad Gîta et la bible, confirment ce fait.

La Bhagavâd Gîta, par exemple, déclenche son discours par la réflexion d’un individu

contemplant une scène où des anciens frères d’arme, dans un combat fratricide, se sont rangés

en deux camps, pour se battre les uns contre les autres. L’individu en question est certes

perplexe, mais surtout attristé, à tel point qu’au lieu de se battre, il baissa son bras et laisse

tomber sa flèche. Ses questionnements se portent certes sur la cause de la scène, mais les

réponses qu’il reçoit de la sagesse, par le biais de KRISHNA rappellent le sens éthique dont

est animé l’homme, et que le fait de se soustraire de cette morale est une faiblesse dont sont

dépourvus les héros.

L’attitude de l’individu devant le fait et le combat se trouve aussi retracé dans la

littérature économique. Dans ses premières années de formation, la théorie économique

prêchait insidieusement, par sa compréhension de l’entrepreneur producteur, la nécessité

morale de produire des marchandises. Mais une autre approche, née environ un demi-siècle

après la théorie basée sur la variation de la production, apparaît lorsque le bien-être promis

par l’augmentation de la production n’a pas eu lieu. Elle prônait non plus l’augmentation de la

production, mais la compréhension de soi, et avec elle, celle de la nécessité d’entamer un «

combat » de production. Ainsi, la théorie néoclassique serait la question économique de la

cause de l’action et de ce fait, on s’attend d’elle un discours éthique plus fort. Elle est une

sorte de break intellectuel. Que recommande ce discours ou cette éthique très forte de

l’économie ? L’homo œconomicus est l’éthique très forte préconisée par un discours indo-

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353

européen de l’augmentation de la production. Elle recommande de ce fait une limitation de la

satisfaction des besoins par la consommation ponctuelle de marchandises, de produire le

maximum d’activités dans la limite du profit

L’arrêt est donc un état déterminant de la production.

Nous ne voulons cependant pas faire de l’exégète de ces documents, mais seulement

retenir des éléments qui conviennent à notre propos ; nous utilisons les documents religieux

pour en faire un champ d’argumentations, sans toutefois faire une étude systémique des

thèmes. C’est ainsi que nous constatons la présence de l’animal (de sacrifice) ainsi que des

plantes (notamment les arbres de la connaissance et de la vie dans la mythologie chrétienne)

dans la mise en exergue de « l »’homme.

Dans la plupart des documents religieux indo-européens (notamment la bible et le

Zoroastre), la question de l’homme a été posée successivement dans le discours en termes de

rapport entre l’homme et l’animal, puis du rapport entre l’homme et la divinité, et dans le

rapport entre l’homme et la nature, pour échouer finalement en termes du rapport entre un

individu et la totalité de l’humanité. La succession de conscience de la présence et de

l’antériorité de l’animal ou de l’animé, de la divinité, de la nature et de l’individu est donc les

étapes de la formation du thème de l’homme chez les Indoeuropéens205. Cette présence est

mise en relief et observée à travers le comportement de ces préalables de l’intelligence de

l’homme : l’homme, insinuent les Occidentaux, n’est pas un animal, ni une divinité, ni une

nature, ni même un individu ; il est une énigme. Pour eux, le constat de l’existence de

l’animal, l’ « autre » de la philosophie, en somme, suffit pour prouver l’existence de l’homme.

La série de thèmes des discours sur l’homme telle que les sages indo-européens l’ont

présentée n’est pas fortuite, car elle s’inscrit historiquement à la suite de la domestication des

animaux et de la construction ou de la continuation des premiers systèmes religieux, bref le

sage s’interroge sur le sens de sa propre existence seulement après avoir triomphé de la

nature. La question de qui est l’homme apparaît alors, d’après la conception indo-européenne,

comme étant celle d’une communauté jetant un regard sur le passé dominé par un rapport

triomphant sur la nature pour orienter ses actions futures, ou tout simplement en vue de

dompter l’homme lui-même. C’est une question d’un être à la fois agissante et pensante, situé

dans des circonstances précises ou selon leur lieu de prédilection. C’est une question qui

205 Ceci est manifeste dans la théorie biblique de la création (Voir la Bible, Ancien testament Genèse, chapitres I et II)

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354

émerge du néant, lorsque l’homme croit avoir accomplit quelque chose. Elle a un caractère

délibératoire en vue de fixer des options stratégiques à prendre.

1 ­  La quête de l’identification de l’homme par le prêtre indo­européen ou 

l’économiste 

La question de l’homme n’a pas été seulement un thème de réflexions d’érudits et de

sages, mais aussi de prêtres. Ce sont des individus qui se sont prisonniers de leur propre

doctrine. Ce type d’individus se rencontre dans les communautés indo-européennes et se

manifeste par l’art, ou par leur position de narrateur ou de contemplateur dans la littérature

d’action, et surtout par leur questionnement. Dans la littérature indo-européenne, le prêtre se

présente comme un quêteur d’un sujet qu’il ne maîtrise pas assez. Il s’interroge sur le

comportement du héro qu’il suit de près le comportement : le héro – le modèle des cyniques –

est à pied d’œuvre (il est généralement décrit dans la littérature indo-européenne, dans une

position de garde d’un combat imminent ; voir chapitre 3 de cette partie), et le narrateur ou

l’économiste y est présent, pour y chercher à comprendre ou pour rationnaliser la situation par

ses jugements. Nous dirons et démontrerons en deuxième partie de notre thèse chapitre

premier, que ce sont des économistes.

Les idées et les expressions de cette population, ou plus précisément de cette façon de

présenter et d’introduire le modèle dans une communauté ou dans une culture, cependant,

comme celles des populations non indo-européennes, se rencontrent par les thèmes et

vocabulaires qu’ils utilisent aussi bien pour dénommer les objets que pour identifier leurs

institutions. Mais à défaut d’une littérature purement indo-européenne, nous avons procédé

par une étude des thèmes partagés par l’ensemble de la littérature des langues indo-

européennes actuelles. Ces thèmes et leurs contenants littéraires en effet peuvent être repris

pour en dégager les préoccupations matérielles et immatérielles rendues conscientes par la

littérature et les vécues des peuples indo-européens et pour retracer la présence des objets

matériels (y compris l’espace) nécessaires pour la pratique de leur civilisation206.

206 Le vin, par exemple, est un objet de culte inséparable à toutes les cérémonies ayant un relent indo-européen. Les messes chrétiennes ou les cultes païens d’origine indo-européenne en ont toujours besoin. Ce produit s’est incrusté dans la vie sociale des indo-européens.

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355

2 ­ La formation de la question de l’identification de l’homme appréhendée par la 

problématique de la littérature religieuse indo­européenne 

Le thème de l’homme, il nous semble après avoir consulté quelques auteurs, dont Jean

HAUDRY207, tourne autour de la notion de la divinité personnifiée, du combat que cette

dernière a entrepris contre des adversaires redoutables et motivés. Généralement, le héro de la

narration ne comprend pas lui-même la situation. Des exemples foisonnent dans ce sens : la

rencontre de Jésus avec le diable dans un désert et durant laquelle Jésus fait preuve de

connaissance des livres de religion judaïque, et par la suite, il fut réconforté par les anges208, il

en est de même le combat sous forme de prière que Jésus a fait dans le jardin de Gethsémani,

à la suite duquel également, il a reçu du réconfort spirituel209. Dans la foulée de ce dernier

exemple, le combat que Jacob avait fait pour supplier Dieu de lui protéger de son frère Saül.

Le livre de religion hindou, la Bhagavad-Gîtâ abonde aussi dans ce sens : le « Trouble

d’Arjuna » du Bhagavad-Gîtâ retrace le doute de deux héros narrateurs d’une guerre

fratricide entre deux rangées de combattants qu’il apprécie pour leur valeur respective. Leurs

questions, loin d’être existentielle étaient étrangement identiques (« pourquoi, ces individus

vaillants sont-ils arrivés aux armes ? »), et leurs interlocuteurs respectifs dont KRISHNA de

répondre par un discours sur le sens de l’action et du devoir. Chacun des deux narrateurs, bien

que conduisant leur armée respective, ne souhaite pas la confrontation, mais comme dans le

récit chrétien, celle-ci est inévitable210. Seulement, dans le récit hindou, le héro est conforté

par une explication de la raison de la guerre.

Ces récits indiquent un écart ou une distance mental entre le héro et une force

supérieure, sous les yeux effarés du narrateur. Le support épique de communication pour

relater le problème de l’existence cependant cache un thème important : l’opposition ou le

trouble intérieur de l’homme. L’épopée de Gethsémani et de « Trouble d’Arjuna » en est la

preuve : Alors que le trouble intérieur est intense, l’exigence de repos du corps humain

triomphe. Ceci montre une des caractéristiques de l’homme selon la littérature indo-

européenne, est un être dual, d’une part, l’homme intérieur, celui qui est tourmenté

207 HAUDRY Jean, « Les peuples indo-européens d’Europe », publié sur Internet 208 Bible, Nouveau testament, Evangile selon Matthieu, chapitre IV, versets 1 à 11 209 Bible, Nouveau testament, Evangile selon Matthieu, chapitre XXVI, versets 37 à 46 210 Bhagavad Gîta, Trouble d’Arjuna 1 et 22

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356

intérieurement par l’angoisse et les affres de l’avenir, celui qui se pose des questions et

l’homme extérieur, celui ne résiste à aucune situation.

Le prêtre, de ce fait, se pose la question de l’homme dans des circonstances

d’opposition entre leur idéal et la réalité, lorsque le réel dépasse la notion de vérité.

3 ­ La question de l’homme d’après les thèmes indo­européens 

Les documents de caractère religieux indo-européens ont aussi générés d’autres

thèmes. Pendu au thème de combat ci-dessus, le thème de récompense morale (gloire), ou

matérielle, ou spirituelle (transmutation vers un lieu de villégiature) abonde également dans la

littérature indo-européenne. Le thème de récompense est largement décrit et étayé par la

littérature indo-européen (ou plus précisément par leurs critiques) et laisse supposer qu’il est

un thème dominant de cette civilisation. Dans le récit épique du Bhagavad-Gîtâ, la

récompense ou la sanction se présente sous forme de reconnaissance ou d’opprobre humaine

(la honte), parce qu’elles sont éternelles non pas en elles mêmes, mais parce qu’elles ne

disparaissent pas de la mémoire des hommes. L’obtention de ces récompenses dépend en

grande partie de l’imperturbabilité devant les faits répétitifs de la vie. « L’homme qu’elles [les

rencontres des éléments qui causent le froid et le chaud, le plaisir et la douleur] ne troublent

pas, l’homme ferme dans les plaisirs et dans les douleurs, devient, ô Bhârata, participant de

l’immortalité » affirment KRISHNA211, alors que dans la bible, l’immortalité de l’âme avec sa

nouvelle demeure est la récompense suprême.

La reprise du thème de la récompense dans la vie quotidienne où l’imminence de la

mort physique est réelle et permanente, a fait de cette dernière le motif de l’action et du

mouvement de l’individu. Un nouveau thème s’en sort, celui du mouvement et de la

migration. Des variétés d’explication du déplacement existent dans les contes indo-européens,

notamment leur tradition orale, selon laquelle les indo-européens sont des nomades à cause de

leur recherche de leur lieu d’origine qui se trouve quelque part, dans une contrée mystérieuse

située au nord du monde212 et auquel ils se sentent rattachés malgré le fait qu’ils n’ont pas

connu cette contrée213. Le problème sous-jacent à la migration indo-européenne est de savoir

211 Bhagavad-Gîtâ, Yoga de la science, XV 212 Jean Vertemont, « Dictionnaire des mythologies indo-européennes », Faits et Documents 1997 213 Les spéculations scientifiques vont cependant prouver le contraire et soutiennent que le foyer de dispersion des Indo-européens se trouve dans l’une ou plusieurs des contrées suivantes : au Nord de l’Asie centrale, au Sinaï, en Transcaucasie, en Europe centrale, en Anatolie, au Balkans ou à la steppe ouralo-pontique entre Dniepr et la Volga

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357

si le fait d’avoir dompté les chevaux et de disposer ainsi un moyen de locomotion et de

transport qui a poussé l’indoeuropéen à se mouvoir vers d’autres contrées, voire jusqu’aux

frontières naturelles des continents, ou faut-il expliquer ce mouvement par un phénomène

culturel impétueux ? Mais la migration n’est pas le propre des individus ou des communautés

qui sont véhiculées, nous pensons alors que ce déplacement, ce mouvement en simple aller, ne

s’explique que par une cause culturelle214, celle d’une conception de l’homme.

Si tel est le cas de la conception indo-européenne de la vie, comment discute-t-il de

l’homme ?

Partant de l’hypothèse de la réalité d’une perception de l’interdit, nous déduisons alors

que la migration indo-européenne et d’une façon générale de toutes les communautés ou plus

précisément d’un ou de plusieurs individus animés par une valeur s’explique par une valeur

fondamentale qui est la conscience de l’interdit. Dans leur déplacement, cependant, ils se sont

construit sûrement une certaine valeur appropriée à leurs activités d’errants, mais il nous

semble, dans le fond, chaque être humain, en communauté ou non, possède un sens fort de

l’interdit du moins de l’inceste. De ce fait, la migration est avant tout en rapport avec

l’échange de conjoints.

Il faut dire que cette vision de sagesse qu’on peut aussi qualifier, au niveau des

individus, de volonté agissante ont été définies par le philosophe français contemporain,

Michel FOUCAULT, comme étant un épistémè, un « à priori » historique détenu par une

culture et « qui, écrivait Bernard DANTIER, autour d’un modèle jouant comme centre

d’intérêt, base des problématiques, des hypothèses comme des méthodes des recherches de

savoirs, constitue l’invariant structural des connaissances. » (DANTIER, 2007)

Voici comment ces «volontés agissantes » ou ces « visions de sagesses » sont

exprimées dans quelques pays indo-européens, que sont l’Inde, l’Ossétie et Rome. En Inde,

trois principes sont identifiés : la « science des corrélations mystico-rituelles » (ou brahman),

la « puissance » (ou ksatra), et les « clans » (ou visah)., alors que chez les Nartes, un peuple

légendaire dans les traditions ossètes, ces principes sont les « riches par le bétail », les « forts

214 Pour la question de leur prétendu origine nordique, le cas des indo-européens peut être rapproché à celui du cas malgache retracé par RAISON-JOURDES à propos de la résurgence des rois dans les souvenirs des Malgaches. Il s’agit d’un mouvement intellectuel vers le passé. On peut d’ailleurs se demander s’il s’agit d’un mouvement général humain. On s’attendait alors à voir dans la migration indo-européenne, un mouvement se dirigeant vers le nord, mais il n’en est pas du tout ainsi, car les Européens se sont migrés vers l’Ouest.

Page 361: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

358

par l’intelligence » et les « vaillants et les « forts par les hommes », enfin chez les Anciens

romains, le corps sacerdotal retrace aussi dans leur organisation, cette vision trinitaire du

monde, puisque ce corps se subdivise en trois ordres (flamine) s’occupant respectivement du

culte de Jupiter, Mars et Quirinus. Le premier est un dieu souverain, des augures, des

serments et du droit, alors que le second, celui de la force physique et le troisième, est un dieu

qui intervient dans les fêtes agricoles. De chacune de ces trois formes de classement des

principes, il apparaît que la culture indo-européenne les trois thèmes suivants se répète et

qu’on peut les considérer comme un repère : premièrement, la richesse, la production et la

collectivité ; deuxièmement, la force physique, et troisièmement, la force spirituelle. Les indo-

européens ne voient dans le monde que ces trois aspects de la réalité qui constitue pour eux,

les objets de cadre de fonctionnement de l’homme. Ces derniers sont déterminants dans leur

conception de lois économiques.

Ces principes ont été la réponse indo-européenne de la question sur l’homme ; ils

indiquent le domaine d’argumentation non pas sur l’homme, mais sur sa typologie et de

fondement de leur conception de l’ordre sociale (division de la société en trois classes).

De même les indo-européens – du moins jusqu’avant la Déclaration des droits de

l’homme – conçoivent l’ordre de leurs activités matérielles à partir de cette distribution fatale

de types d’homme.

4 ­ Les conditions de la formation de la question de « qui est l’homme ? » dans la 

philologie mésopotamienne 

Pour être comparable aux discussions du monde indo-européen, nous étudieront les

faits d’une autre communauté répartie en des groupes linguistiques différents et qui auraient

vécu à peu près les mêmes contextes que les indo-européens. Ce monde couvre le territoire de

la Mésopotamie. Plusieurs communautés linguistiques ont occupé ce territoire et ont partagé

les mêmes racines culturelles. Les Sumériens et les Akkadiens, entre autres, sont les plus

renommés de ces peuples. Ils ont d’ailleurs connu très tôt l’écriture, et leurs tablettes servent

alors de documents de base. Ces textes sont localisés, pour ce qui concerne leur vigueur,

seulement dans les anciennes régions de Mésopotamie dans lesquelles d’autres documents

plus anciens peuvent être considérés comme étant les documents « mères ». Les recherches

archéologiques ont découvert trois codes, de datation plus ancienne, contenant, en gros, les

traditions mésopotamiennes : le Code d’Hammourabi (vers 1793 -1750 av. J.C.), les codes

Page 362: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

359

d'Ur-Nammu (2050 AC) et d'Urukagina (2350 AC, ce dernier demeure non découvert)

(CHENAUX, 1998). En apparence, une partie des documents religieux ultérieurs en vigueur

sont inspirés de ces codes, notamment dans le judaïsme, l’islam. De même certains

comportements quotidiens de ces peuples ou de l’homme en général trouvent leur explication

dans ces textes.

La libre interprétation des codes persiste certes, mais ce descriptif peut être retenu

comme une expression d’une inspiration collective, ou une vérité de base à partir de laquelle

se définit alors l’homme. A partir de ces fonds communs largement diffusés, et non pas avec

le message des inspirateurs de ces religions, les prophètes - les Mahomet, Isaïe, Jérémie et

autres -, et les patriarches - les Adam, Noé, Sem, Abraham, etc., - nous remontons alors vers

leur origine intellectuel, ou vers les aspirations collectives des peuples que ces personnalités

ont islamisé ou imposés leur propre vision. En fait et en plagiant un épisode biblique, nous

ferons comme Moïse dans le Sinaï, à la rencontre de dieu, la source d’inspiration religieuse,

remonter dans le temps ou dans le sentier laissé par l’histoire de mots, nous essaierons de

nous rapprocher sans pouvoir pénétrer dans l’âme ou dans la source des mots. C’est la même

démarche que nous avons utilisée avec les thèmes indo-européens mais au lieu de recueillir

les études et les hypothèses, nous utiliserons des documents plus concrets.

Par rapport aux hypothèses indo-européennes, les codes mésopotamiens n’ont pas

consignés de thèmes, mais des lois sociales compte tenu d’un pouvoir véridique cru. C’est ce

dernier que nous essaierons d’atteindre ou d’appréhender. Ce qu’on aurait pu nommer de

thèmes mésopotamiens trouve son fondement, son expression ou sa manifestation dans les

lois sociales elles-mêmes puisent sa source dans une vérité première transcendante. De ce fait,

une bonne loi est faite par un prêtre et pour un prince. En outre, son contenu se porte sur

l’éthique caractérisée sur le rapport de l’action sociale profitable au peuple, étant donné la

religion. (Tel est d’ailleurs l’esprit des premières phrases du code d’Hammourabi). A partir de

ces lois se dégagent alors leurs préoccupations : l’échange et le vice caché (POMERLEAU &

THOUIN, 1997), le système de rémunération (CHENAUX, 1998), etc. L’organisation sociale

et les formes d’activités sociales en vigueur dans les communautés occupant la Mésopotamie

se dégage alors de ces thèmes de droit ; ainsi on peut identifier l’existence de l’équivalent de

ce que nous appelons aujourd’hui, par rentiers (le « quamqalum ») qui, confie son argent ou

son bien à une autre personne, le « samallum », une sorte d’entrepreneur, à charge pour ce

dernier d’en tirer profit. En cas de perte, cependant, le samallum doit rendre le double du

Page 363: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

360

capital au quamqalum, alors qu’en cas de profit, il doit remettre le capital et le profit déduit

des frais, au propriétaire.

a ­ La question existentielle dans les civilisations mésopotamiennes : l’homme est 

un être créé pour une activité précise 

Le thème de l’homme se dégage de ces répartitions d’activités et de rémunération,

avec un fond de justice sociale, mais ce thème se développe lentement, car ce n’est que dans

les sociétés actuelles que la question d’identité de soi est dégagée de la question de

rémunération.

Les textes anciens cependant n’ont pas de sanction, ce qui les rend distincts au moins

des textes malgaches

Les textes sumériens affirment que l’homme est un être créé par dieu(x)215, pour être à

ses services, alors que la conception actuelle, bien que ne se préoccupant pas de la création ou

non, attache chaque être humain, au service de la communauté. La conception économique,

pour sa part, attache l’homme au service du marché.

L’impossibilité d’une domination effective du marché sur le comportement nous

oblige d’insérer, pour garder le principe du marché dans le système économique, dans le

discours économique, les autres forces non économiques de comportement. Il ne s’agit pas

pour le moment de savoir qui sont-elles, mais, étant donné leur présence, comment vit

l’homme et comment il construit avec ces forces mystérieuses, leur système de connaissance

215 L’archéologue SITCHIN, en 1976, ayant déchiffré des tablettes d’écriture cunéiforme, affirmait l’existence d’un douzième planète. « A une époque lointaine, écrivait, Roland GUETAT, rendant compte « La douzième planète » de SITCHIN (réédité chez Louise Courteau ,2000), du Soleil ont émané Mercure sur son orbite actuelle, puis une grosse planète, Tiamat, sur l'orbite des Astéroïdes, puis, sur leurs orbites actuelles, Vénus et Mars. Jupiter, Saturne avec un satellite dénommé Gaga viennent ensuite. En dernier naissent Uranus et Neptune. Evidemment tout cela prit beaucoup de temps... ». D’autres planètes et astres apparaissent par la fusion et par la scission des planètes existantes.

Voici comment est apparue la planète terre, dans la tradition sumérienne : « Ainsi 3 600 ans plus tard Nibiru (une planète venant de l’espace lointain) revint, ayant achevé sa première révolution autour du soleil. " Il frappa lui-même Tiamat, la fendant en deux. Un de ses satellites "heurta la moitié séparée destinée à devenir la Terre et la fit dériver jusqu'à une orbite où aucune planète n'était encore jamais allée. La Terre avait été créée ! Tandis que Kingu (une planète issue de la scission de Kingu, à la suite du passage de ce dernier dans la proximité des planètes Uranus, Saturne et Jupiter) entièrement dévasté, qui avait acquis une orbite indépendante lors du précédent passage de Nibiru, la perdit et devint satellite de la Terre désormais appelé la Lune. 3 600 autres années plus tard, une autre destinée fut réservée à l'autre moitié. Nibiru la frappa et la réduisit en mille morceaux. C'est là que furent créés le Ciel et la Terre, les Astéroïdes devenant un bracelet martelé dans les cieux séparant les planètes intérieures des planètes extérieures.

Une exploitation de l’hypothèse de l’existence de cette douzième planète permet à SITCHINE d’expliquer la pénétration de la vie sur terre : Une des astres qui ont heurté la terre l’a apportée sous forme de prémisse

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361

Dans la philologie arabe musulmane, la présence de la puissance extérieure et

agissante sur l’homme est vécue quotidiennement par l’attribution des noms de chaque

individu. Dans les pays influencés par la religion islamique, le nom porte l’appellation de la

puissance originaire de l’individu. Il ne s’agit pas de la puissance protectrice usitée dans la

dénomination catholique des chrétiens, mais de celle de qui, croit-on, l’individu tire son

énergie216 . Dans la langue malgache, il s’agit du « zavatra ». Pour certaines communautés, en

effet, le réel est le produit d’une force extérieure à l’homme et avec qui il faut harmoniser les

relations, sans quoi, des sanctions sous formes de maladies

Le culte de possession, entre autres le « tromba », illustre cette conception du monde.

Les sociologues l’ont appréhendé et décrit dans le cadre de revanche politique de ceux qui

n’ont pas le privilège de gouverner par les institutions séculières, car le tromba commande sur

tous les individus sans distinction de rang, ni de statut social. L’acceptation des propos des

possédés du tromba par les membres de la société est plus importante que ses incidences elles-

mêmes : les pratiquants de ce dernier recherchent la présence et l’influence de l’au-delà sur

l’individu. Cette acceptation des propos d’un possédé, comparable à celle des verdicts des

scientifiques est une attitude typiquement humaine mise en relief par la culture non indo-

européenne.

Ainsi, la civilisation non indoeuropéenne aborde la question de l’homme par une

inspiration relativement différente de celle des occidentaux. Leur vocabulaire reconnaît

l’existence d’une ou de plusieurs puissances assaillant ou agressant la vie et dont la triomphe

est humainement morbide ou bénéfique. En outre, pour elle, ce n’est pas la raison qui compte,

mais les actions qui exercent une pression active sur l’homme. Telle est il nous semble

sommairement les enseignements des différents rédacteurs des livres de religion. Ce ne sont

pas la vie, l’animation et le comportement qui leur importent, mais la conscience de la force

extérieure envahissante et écrasante, le rapport du fort au faible, bref, quelque chose

d’éthique.

Dans la culture non indo-européenne en général, le référentiel de la description de

l’homme est la force agissant sur lui, le mouvement ou la transformation qui s’ensuit, et la

finalité grâce. Le problème de l’homme est alors conceptualisé en termes de l’harmonie de la

relation entre la puissance envahissante ayant de l’empoigne sur lui et l’imminence de la mort

216 Le patronyme d’un tunisien, par exemple, comprend quatre parties que sont le surnom (« kunya »), le nom distinctif de l’individu (« ism »), le nom des ancêtres (« nassab ») et le nom de la tribu (« isb ») (Voir Riadh Ben Rejeb, « Contes, prénoms et culture au Maghreb. », Ed. In Press, 2003

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362

(alors que le système occidental de la connaissance met en relief la raison du plus fort).à

laquelle ou pour laquelle le récit est élaboré. L’homme est un être possédé qui attend une

libération et qui vaque dans l’espace généthliaque limitée des confins de la vie. La dimension

non sociale de l’homme est mise en relief par eux. Aussi la question que se pose généralement

l’homme à son propre sujet est : est-il conforme à la normale aux règles de la sagesse et de

l’éthique. Le premier référentiel de l’homme sur l’homme est d’ordre éthique et non pas

d’ordre rationnelle. La question de l’identité humaine est alors celle d’un individu ou d’un

peuple soumis ou dompté par une force étrangère et en quête d’une libération. Pour illustrer et

comprendre ce comportement, nous présenterons un cas de manifestation de cette présence de

forces étrangères. Dans ces cas, en effet, de concepts nouveaux ont été introduits pour décrire

cette puissance, mais que l’économie n’a retenu qu’un, le concept de marché.

Aucun document cependant, à l’exception de Jésus (dans la mesure où on considère ce

dernier comme un dieu), n’est au service de l’homme. De ce fait, il nous faut alors distinguer

les questions existentielles à travers les thèmes chrétiens et non chrétiens de l’existence ; notre

objectif reste le même : présenter les dispositions intellectuels de la question de l’existence, à

travers les premières littératures pour spéculer sur les conditions de questionnement de

l’existence dans une hypothèse où la production n’existe pas encore.

De la question de «Qui es-tu ? » se rencontre à maintes reprises dans le nouveau

testament – considéré pour la circonstance comme étant un document indo-européen, par sa

nature, par l’origine ethnique et culturelle de ses rédacteurs et par le contenu ou les thèmes

qu’il évoque. Utilisant alors la concordance biblique malgache, dans la rubrique « iza moa …

», on peut lire les thèmes suivants : Exode 3 : 11- (Moïse se pose la question – ou adresse une

prière à dieu, devant une mission) II Chronique 2 : 5- (Le roi Salomon se pose la question

devant une mission : la construction d’un temple) Matthieu 16 : 13- (Jésus interroge ses amis

sur son identité). En fait la question d’identité est une façon de communiquer un message

sinon de mettre en garde un interlocuteur.

b ­ La question existentielle dans les communautés colonisées  

La colonisation est aussi un phénomène qui affecte la culture d’une communauté, et

donc la représentation de soi du colonisé. Elle est la cause de questionnement sur la

nationalité. Pour le colonisateur, la colonisation relève de l’exploitation des ressources

naturelles des pays colonisés, de la production sur place d’objets matériels qui n’ont de

valeurs d’usage que dans les pays des colonisateurs et peu pour les colonisés. Le rapport entre

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363

le gain matériel des colonisateurs et la fracture sociale des colonisés est d’ailleurs

incommensurable, tellement il est insignifiant par rapport à son rendement matériel : pour la

conquête de Mexico, l’explorateur Hernan CORTES, en 1519, n’avait avec lui que 500

soldats, 16 chevaux, 13 arquebuses, et 32 arbalètes, alors que le rendement était des

déportations de 10 à 15 millions d’esclaves en provenance d’Afrique ; la colonisation

européenne de l’Afrique de l’Ouest a été faite presque par des Africains eux-mêmes

(ETEMAD, 2001).

c  ­  La  puissance  identifiée  comme  étant  de  l’horoscope  ou,  en malgache,  le  « 

vintana » 

La puissance des astres, selon la croyance non indo-européenne détermine le

comportement de l’individu. Elle est visible dans les communautés ayant hérité et préservé

leurs traditions ancestrales malgré l’influence et la présence envahissantes de européens et de

leur religion chrétienne. Parmi ces tribus figurent les Malgaches. Ces derniers ont hérité leur

tradition des Arabes, chez qui, ils ont emprunté les vocabulaires. Mais la tradition malgache a

pris une originalité, dans la mesure où la question de dieu a été substituée à celle des

Ancêtres, et que la divination est intégrée dans le système en tant que intercesseur entre

l’homme et la divinité au même titre que les talismans (« ody »). L’horoscope malgache

nomme carrément la puissance en question, par le mot « vintana », traduit par le mot «

divination ».

L’intérêt de la présentation de l’art de la divination malgache dans la présente thèse est

que, en plus de ses sources arabes et musulmanes, elle s’incruste dans la vie sociale et

économique de ses partisans, à tel point que ces derniers se sentent mal informés si les propos

des divins ne leur sont pas favorables – comme si le marché et la situation cyclique de

l’économie annoncent des difficultés imminentes.

Fernand KASSANGA affirme qu’il existe deux sortes de divinations chez les

Malgaches (du Sud-est) : l’une portant sur l’opportunité et l’autre sur la prospérité. Ces deux

types de vintana correspondent respectivement à la classification indienne de l’indo-

européens de la « science des corrélations mystico-rituelles » (ou brahman) précitée. On ne

peut s’étendre cependant sur cette classification, car le sujet n’est pas encore totalement

exploré. Jean François RABEDIMY, qui est lui aussi, un fils d’un ombiasy et praticien de

sikidy, comme Fernand KASSANGA, soutient qu’il existe des « sikidy » et des « ody », deux

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364

concepts différents et qui représentent respectivement ce que KASSANGA a appelé de

vintana et de zara. Par contre, dans leur discours, ces deux auteurs et d’autres également

indiquent la réalité d’une influence sur chaque individu. En outre, la source de cette influence

se trouve quelque part dans la nature. Au niveau de cette question, on peut d’ores et déjà voir

le lien entre les conceptions malgaches et arabes. C’est ainsi par exemple que le patronyme

est révélateur de cette source : pour un maghrébin, avec leur héritage berbère, noir africain,

arabe, musulman mais aussi hébraïque et chrétien, le patronyme couvre la lignée de parents et

aïeux de l’individu, plus son origine territoriale et enfin sa propre appellation (alors qu’un

nom de baptême catholique se contente seulement du patronyme du « saint protecteur »).

Déjà, dans ce sens, un individu n’est pas anonyme, mais une position ou un produit de

position.

La construction de cette dénomination n’est pas évidemment un exercice facile, car

celui qui impose le patronyme d’une personne, en l’occurrence, le géniteur ou la génitrice, se

doit de connaître mieux que les autres, la lignée sanguine et horoscopique de l’individu

impétrant de la société.

En considération des remarques précitées, une esquisse de ce que l’homme croit être

lui-même dans la nature apparaît. Deux remarques en découlent : les femmes (du moins

Malgaches) portent des noms de plantes (des fleurs, comme Rose) ou plus précisément de

plantes aquatiques (par exemple Nénuphar (Voahirana)). De tel constat mérite d’être

rapproché à la conception hindouiste de l’eau. Il faut, d’abord signaler que dans l’hindouisme

incite au pèlerinage sur le bord de l’eau, considérée comme un lieu où, selon cette religion, les

corps de la déesse mère tombèrent sur la terre (GABRINI, 2001)

Le concept de mort est important dans l’astrologie malgache, car il constitue le

référentiel de leur explication du sens de la vie. Cette dernière, en fin de compte, est

constituée d’une continuation. Chez les Malgaches, deux thèmes appuient cette proposition :

la manducation des morts et le « retournement des morts ».

Ainsi, chaque fois que le Malgache pratique le vintana ou qu’il se doit de vivre avec

les objets de talisman, il trouve une raison de vivre. Ce n’est pas la rareté ou le besoin qui le

pousse à agir, mais pour être en harmonie avec lui-même et avec la nature et son

environnement ; comme s’il est une pièce d’un mécanisme universelle. Aussi, lorsque

l’homme se conçoit lui-même comme un élément de la nature, on peut déduire que sa

question de « qui suis-je ? » lui est inspirée par la conscience de la différence de fonction et de

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365

produit et de profit et des autres. La question de « qui suis-je ? » est aussi une révolte ou une

préparation à une révolte ou contre le sort.

d ­ Le rôle des colons dans le processus de questionnement de soi   

Dans les pays colonisés, la défaite de pouvoir existant par une puissance étrangère est

mal comprise et aggravée idéologiquement, étant donné l’idéologie dominante, la

souveraineté du mythe, pensent certains anthropologues. Le pouvoir traditionnel, en effet, y

est considéré comme issue d’une puissance transcendante, elle est donc invincible. Aussi,

devant l’implacabilité de l’histoire, une conscience de révolte s’insurge dans les pays

colonisés. Le nationalisme est la réaction des colonisés devant leur situation. Leur contenu et

leur forme cependant varient. A Madagascar, en plus du nationalisme des « Vy Vato Sakelika

», le culte de possession sous forme de tromba ainsi que le retour à des pratiques ancestrales

(le famadihana, et la recherche des propos des défunts rois en sont les formes les plus

usuelles. La forme la plus spectaculaire est le ramanejana.

Ces variétés de formes de contre réaction dénotent la variété de questionnement sur

l’identité perdu. Dans les pays colonisés, les colons sont des étrangers à un milieu, à une

culture et à une façon d’être

5 ­ De la découverte sur l’homme : la qualification de l’homme est le thème de 

l’économie 

Nous nous demandons à partir de quelle époque de l’histoire, l’homme ou cet être qui

s’identifie comme étant « homme » ou comme étant « un homme » ou comme étant «

l’homme » commence-t-il à s’interroger sur son identité et sur le sens et l’orientation de ses

activités et devient « homme », dans la mesure où les autres êtres ne se posent pas cette

question et surtout dans la mesure où les instruments linguistiques dont dispose l’homme pour

extérioriser sa pensée le permet. La question s’inscrit dans une perspective évolutionniste

sinon comparative selon laquelle il existe un lien entre l’homme et l’animal (tous deux

dérivent de la notion de corps animé), mais que l’homme s’en est écarté, et le champ

d’observation n’est pas l’homme, mais l’homme ou cet être qui s’interroge sur son identité.

Cette question est fondée sur le constat de l’insuffisance de ce qui se dit sur l’homme,

ou plus précisément sur l’insuffisance des discours et de connaissance sur l’être qui cherche

son identité. Cet être, c’est nous, chacun d’entre nous, non seulement durant nos crises

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366

d’adolescences ou de crises d’un moment de notre vie, mais aussi durant les moments

critiques de notre vie, ou à la suite de la vue d’une situation que nous croyons impossible pour

un être humain. Devant ces faits, la philosophie nous apporte les thèmes de discussion :

l’histoire et l’expérience affirment les empiristes, la raison sinon l’intuition de vérité

transcendante. L’histoire universelle, en effet, nous présente l’homme ou « un homme » sous

forme de migrant équipé d’outillages, d’un être errant certes, et elle laisse supposer que ce

mouvement avec un équipement est aussi celui d’un être pensant, et surtout que l’homme

avait été toujours ainsi. Mais le problème est que « l »’homme n’est pas toujours ainsi, et qu’il

peut être différent de cette caricature car, du moins, d’après la philosophie cartésienne, il y

avait un état initial et un processus de transformation engendrant alors la description présente,

il y avait un moment où les instruments qui voyagent avec l’homme n’étaient pas encore

inventés. Dans cette situation, l’homme ne peut être représenté que comme un animal

voyageant avec … une idée d’équipement et d’instrument.

Ce n’est donc pas le déplacement qui importe, mais la capacité de concevoir un

instrument, ou l’idée d’instrument de production, sinon la volonté de partir et de quitter. Avoir

une idée peut ne pas être le propre de l’espèce humaine, car un animal peut aussi avoir une

idée de capturer sa proie ; mais l’homme se distingue des autres espèces du fait qu’il a des

idées d’instrument ou de moyen, avec ce que cela évoque en termes de calcul économique.

Les premiers hommes peuvent bien fonctionner sans avoir besoin de conceptualiser

l’expression « calcul économique », et leurs actes, le fait qu’ils ont une « idée d’instrument »

fait d’eux des êtres pensants et calculateurs malgré eux. Mais lorsque le concept de calcul

économique est appliqué, un déplacement de centre d’intérêt sur la représentation de l’homme

apparaît et devait apparaître, mettant au placard l’image de l’homme errant avec un

instrument de production. Peu importe d’ailleurs l’instrument de production, qu’il soit une

massue ou un marteau, une sagaie ou un fusil, c’est la puissance ou la « potentialité engagée »

(selon la terminologie de Gilles DELEUZE) vers la production qui importe. L’homme n’est

pas naturellement un producteur, mais un être doté de potentialité engagée vers la production.

Ce concept philosophique de DELEUZE exprime tout simplement l’idée calculatrice en

économie, car ce n’est pas l’acte qui, effectivement est calculatrice et productrice, mais l’idée.

Cette idée créatrice qui est déjà chez l’homme primitif, l’archaïque, ou le proto-

humain est celle qui a conduit à l’évolution de l’homme vers son état actuel de producteur de

moyens de production dont Karl MARX a fait l’éloge dans sa théorie sur le développement

général de l’humanité. L’idée créatrice contribue à l’orientation des activités et donc forme

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367

une sorte de calcul économique intuitive. Qu’est-ce qui guide l’idée créatrice ? La sensation

du besoin ? Non ! L’idée créatrice a été introduite par un narrateur, en l’occurrence,

l’historien, et la discussion sur l’homme est ancré sur l’étude critique de ces narrations sur

l’homme. Ce sont les narrateurs, qui on donné corps à l’idée créatrice.

Cette question et cette situation se posent lorsque l’homme se juge lui-même ou prend

une distance par rapport à lui-même, alors qu’il ne dispose ni d’expérience, ni de référence

pour cette situation. Les limites de nos facultés sont démontrées par David HUME. Un

individu doté de facultés de raisonnement et de réflexion, placé devant une succession de

faits, ne peut pas saisir les causes car sans expériences, affirme David HUME, dans son «

Enquête sur l’entendement » (1748), car il lui faut de l’expérience sur la base de laquelle il

peut être sûre de ce qui se passe dans l’immédiat. Ainsi, les historiens ont méconnu la

formation ou les prémices de la rationalité créatrice de l’homme ou transformatrice d’un être

en homme.

L’expérience, une sorte de produite de l’histoire, vient en appui à ce dernier sous la

forme d’observation intelligente de faits

Il y a un mal-dit sur l’homme, parce que les concepts utilisés ne sont pas précisés

sinon quelques étapes ont été ignorées, ou encore il est impossible pour le narrateur de

prendre assez de recule pour être un descripteur objectif. L’insuffisance des produits de la

science historique, il nous semble, est alors fortement complétée par l’économie. A la

différence de la caricature historienne de l’homme, les économistes représentent ce dernier

comme étant un être animé et travailleur et doté de raison et de quantité de travail. Ce n’est

donc pas que l’homme soit ou non un animal évolué par l’acquisition de la raison ou un être

différent de l’animal par la raison qui importe, mais le fait que la façon dont se conceptualise

l’homme par lui-même a changé et ne permet pas de mettre en exergue les états initial et

récurrent de l’homme. Une hypothèse se déduit alors : l’évolution du contenu de la langue

par l’acquisition des mots nouveaux et la diversification de la langue humaine par la

diversification de la culture cache la véritable nature de l’homme. Ne voulant cependant pas

entrer dans les détails des langages, nous limiterons nos réflexions sur les faits que le

langage est un élément distinguant l’espèce humaine de l’animal (étant donné leurs

ressemblances biologiques), et surtout que le langage renferme la prémisse de la raison, et

enfin que la raison elle-même s’acquiert par le travail (par l’expérience, disent les

Page 371: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

368

philosophes). Autrement dit, le travail a produit la raison, et ce dernier a accentué la

différence entre l’homme et l’animal217.

a ­ La découverte de la science économique : les concepts de raison et de travail   

La science économique focalise ce qui a à dire sur l’homme, dans les produits de

raison et de travail, mais elle est muette en ce qui concerne l’état initial de l’homme : sans

outillage et seulement riche de ses capacités. Pour elle, l’art n’a de sens que par l’économique.

La raison est le point de départ de la réflexion économique de son discours sur

l’homme. Elle est un thème de la littérature et de la philosophie pour décrire une norme de

comportement ; mais appropriée et interprétée par l’économie, elle devient un phénomène

historique. En économie, la rationalité est un rapport ou « ratio » transcendant dans la

connaissance de plusieurs phénomènes et non une raison argumentaire qui justifie ou pousse

une action218. Son appréhension relève de la croyance et de la soumission à une doctrine, ou

dans une mesure limitée, de la culture de soumission219.

En effet, chaque culture, selon certains philosophes, notamment Michel FOUCAULT

est identifiable par un invariant fondement de structure de connaissances jouant un centre

d’intérêts, de problématique et de méthodes de recherche de savoir220. Dans cet invariante de

la culture, l’homme se présente en acteur aspirant un changement, par le fait qu’il possède une

volonté de puissance agissant non seulement sur les autres individus, mais aussi sur soit (voir

NIETZSCHE). Mais ses actions sont limitées par des caractères par lesquels s’identifie

l’homme. Cette connaissance n’est ni la culture – car elle n’est par un environnement-, ni la

tradition, car cette dernière non seulement perd de plus en plus son emprise sur l’individu,

comme le suggèrent les Friedrich NIETZCHE, ni le sentiment d’appartenance de classe de la

théorie marxiste léniniste. Le philosophe allemand FEUERBACH. (Nous dirons et

développons plus loin alors qu’il s’agit de la conscience de l’interdit et de sens de la richesse).

217 C’est la différence dans la théorie de David HUME 218 Digression philosophique : On note que pour René DESCARTES, la conscience et non la raison est la donnée primitive de l’homme. Mais, à notre avis, la conscience elle-même est ordonnée et précisée par la raison. A quoi bon en effet, d’être conscient de quelque chose s’il n’y a pas de raison de l’être ? 219 Les propos de NIETZCHE selon lequel dans les sociétés jusqu’actuelles, la relation entre les membres de la société ont été de relations de maître à l’esclave 220 Voir la présentation de « Les mots et les choses » de Michel FOUCAULT par Bernard DANTIER

Page 372: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

369

Dans les sociétés où la soumission existe, la narration a une fonction sociale

importante. En effet, à cause de la relation entre l’économie et l’histoire, les économistes ont

tendances à considérer que leur étude consiste à insérer dans un système compréhensif les

faits ou un pan de fait d’un système dans un système de pensée. A cet effet, la collecte des

informations et des bases de données est déterminante. Les données économiques, cependant

et jusqu’à présent, se rapprochent des données sociologiques bien qu’il n’y a pas de règle qui

impose ce fait. Le narrateur est celui décrit les faits

Pratiquement, les narrateurs ou les descripteurs de l’homme, les économistes postulent

qu’en « recevant » par la raison, une substance acquise que l’on croit religieusement détenir,

c’est-à-dire en pratiquant une religion révélée où la connaissance lui vient de l’extérieur,

l’homme devient rationnel, parce qu’il est instruit à la fois de sa finitude (sa fin ou sa limite)

et du lieu de cette finitude (ses moyens naturels), et qu’il se pose le droit de « refuser » le don

de la religion. Pour être un homme étudié par l’économie, il faut alors pratiquer une certaine

croyance ou adopter une position dogmatique sur la réalité de connaissance de départ sans

quoi le monde serait non intelligible. Or cette position dogmatique fondamentale et partagée

faisant des économistes orthodoxes n’est pas universelle et évidente. Elle est bouleversée par

le doute et par la confrontation avec la perception de la réalité, notamment lorsque

l’acquisition de l’existence du rapport entre la connaissance de la finitude de soi et des

moyens disposés ou lorsque les acquis du rapport entre la connaissance de la finitude de soi

et des moyens disposés réclame une vérification expérimentale. La connaissance économique

est une culture, mais les individus qui n’ont pas de connaissance économique usuelle ne sont

pas pour autant incultes. Le fait que l’on devient rationnel, par instruction ou par expérience,

nous conduit à nous demander, même hors du cadre temporel, à partir de quelle condition un

individu est-il qualifié de rationnel.

La conception économique de la raison dépasse aussi celle de la philosophie et la

littérature. Ces derniers ont certes découvert la relation ou le thème de la relation entre les

mots et la pensée, mais elles n’ont pas considéré le fait que ce thème n’existe que lorsque

l’homme est placé devant une diversité et devant une similitude des objets conjoints de mots

et de la pensée. L’économie a su intégrer, par leur conception de la valeur, la variété ou la

nuance des objets dans la relation entre les mots et la raison, et à cause de ce fait, elle est la

discipline appropriée pour parler de l’homme.

Page 373: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

370

Il en est de même pour le concept de travail. L’économie s’est offert une conception

spécifique du concept de travail : une sorte de quantum de force humaine qui disparaît par la

production et se reproduit par la consommation. Le déploiement du travail sur un objet

entraîne la transformation de cette dernière, et la différence qui en découle devient la

rémunération de ce travail. Le travail est-il un principe moral ou religieux ? Un inventaire des

religions du monde – là où il est normal de juger ou de porter un jugement sur les activités des

hommes - sur le thème de l’action humaine et ses conséquences devraient nous indiquer la

réponse. La Bible indique l’état – qu’elle qualifie de « pécheresse » de l’homme221. Ce

qu’avait fait l’homme depuis la nuit des temps qu’on puisse imaginer était de la servitude

envers quelque chose. NIETZSCHE affirme d’ailleurs à ce propos que l’action humaine, dans

les périodes où l’homme était soumis à la tradition, était celle de l’esclave, mais au fur et à

mesure que l’homme s’affirme, il s’affranchit de ses propres natures et tende à devenir un sur-

homme (un « Übermensch »). A la vue des travaux et préoccupations des philosophes et

historiens, il semble que la recherche de la représentation du monde est au centre de l’activité

humaine. La liste des actions et des préoccupations de l’homme n’est pas encore close, mais

une esquisse se dessine déjà : l’homme est dans une situation de lutte ou d’opposition contre

une idée ou une force qui lui est extérieur. La science économique réduit la conceptualisation

de ces adversaires de l’homme par le terme de la nature et affirme dans la plupart des cas le

thème ou le constat de l’opposition de l’homme avec la « nature ».

La rationalité et le travail sont des concepts postulés, ou une hypothèse dont la nature

et la réalité n’ont pas été démontrées en économie, mais constatées par ses discours ; elles

sont affirmées par les mots et par... la raison lors du jugement ou de la description de l’action,

notamment durant le choix ou durant le travail. Le travail et la raison appliquées au constat de

la pluralité comparable des éléments de la nature forment la trace immatérielle de la présence

de l’homme que la science économique a découvert et introduit dans le système humain de

connaissance.

La conception économique de la raison et la façon dont la science économique

identifie l’homme cependant souffrent de quatre graves lacunes : Premièrement, malgré la

présence des concepts de la rationalité et du travail dans l’économie, l’état initial de l’homme

n’est pas encore la préoccupation ou le thème de cette discipline, alors que cette question va

de soi selon elle, lorsqu’il s’agit d’attribuer la qualification de l’homme en « homme sensé »

221 Voir à ce propos la Bible

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371

dans le rapport entre les hommes. Par cette lacune, la science économique ignore le

comportement de l’homme « irrationnel » à leur sens (c’est-à-dire de l’homme qui ne déploie

pas son travail alors que les circonstances à cet effet sont favorables), comme s’il lui est

impossible d’admettre l’existence de l’irrationalité, alors que ce comportement, par lui, est

combattu sinon tenté d’être expliqué. Deuxièmement, la conception économique de la raison

et la façon dont la science économique identifie l’homme insiste sur les faits du travail, plus

précisément sur la production, alors que la production peut être de quantité « nulle » à un

moment donné – entre guillemets, car en fait, la production, en économie désigne des objets

quantifiables par comparaison de valeurs intuitive et préalable à l’objet ; il s’agit d’une valeur

de départ qui prend forme à la suite de la comparaison avec celle d’un autre objet. La

production est matérialisée par sa valeur, alors que le travail, par le temps ou la durée de son

déploiement et par la qualité ou par l’intensité de ses contenus.

Troisièmement, les économistes actuels séparent les deux composantes principales de

l’homme (séparation de la raison et le travail) ou ont modifié le thème de travail en choix ou

en production. Quelquefois, certains d’entre eux considèrent l’existence de lien de causalité

entre ces deux principes : la raison est considérée comme la force animant ou motivant le

travail, ou, inversement, le travail est considérée comme une action logique et objective créant

sa propre justification dont la raison. Tels est d’ailleurs l’approche admise par les

matérialistes. La conception matérialiste, à l’instar des marxistes, considère la raison, au

même titre que la religion, comme une idéologie dépendante de la pratique. De telle

séparation des principes est lourde de conséquences épistémologiques. Non seulement,

l’économie n’a pas de discours sur l’existence, mais elle laisse de côté sa nature primaire

qu’est le discours sur la morale.

Enfin et quatrièmement, la pensée économique n’a pris en considération que les

aspects matériels de la rationalité, celle mettant en relief la connaissance de la nature (ou plus

précisément de l’identification de la nature), alors qu’elle doit aussi associer cette

connaissance de la nature avec celle de l’homme lui-même (c’est pourquoi d’ailleurs, pour

elle, la rationalité s’inscrit dans le cadre de la théorie de la valeur), y compris …

l’irrationalité. Elle s’est, en effet, développée dans un contexte où la marchandise s’est

diversifiée en quantité et en gamme. La rationalité, dans ce cas, est évidente et posée, alors

que les théories économiques actuelles ne font que discuter de cette réalité et de sa

formulation. Elle ne peut cependant pas étudier la situation de dénuement total – une pauvreté

initiale en quelque sorte, avant tout procès de production - et celle dans laquelle les objets sont

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372

uniformes, ou l’homme est culturellement insensible a la diversité – de état initial de

l’homme, en sorte. Ces deux situations sont imaginables dans les récits – bibliques ou autres –

de la création. Dans ces situations, alors, le thème de la rationalité se pose en termes de

conscience de l’homme étant donné la nature et l’activité humaine afférente est celle de la

découverte et non de la production.

b  ­ Au­delà des apports de  la science économique  :  l’économie a pour origine  la 

conscience de l’interdit et de la richesse 

Pour combler ces lacunes de la science économie, nous proposons d’ouvrir la réflexion

par les questions suivantes : « à partir de quel moment, un homme est-il rationnel ? » et « est-

on rationnel seulement de façon occasionnelle ou circonstancielle ? », en vue de concevoir

autrement l’apport de la science économique. En effet, nous pensons que la rationalité est une

acquisition de l’espèce humaine, un produit de son évolution d’ensemble, entrant dans ce que

Teilhard de CHARDIN considère de l’évolution vers le complexe.

Aussi, pour répondre aux questions de moment de l’acquisition de la rationalité, il

nous faut au préalable, nous interroger sur la nature de la rationalité, ou de la substance

complexe de l’homme, tout en sachant que cette question dépasse l’économie. A cet effet,

nous procéderons par une comparaison sommaire de la notion économique de la rationalité

avec celle de la littérature en général. En économie ou plus précisément chez les économistes,

en effet, la rationalité est un postulat de rapport permanent entre la représentation et les

phénomènes économiques, quoique ce rapport fasse l’objet de plusieurs amendements222 (par

exemple la théorie de l’ultimatum), alors qu’en littérature, la rationalité est un état de la

pratique de la raison. En économie, elle s’érige en loi, même si ce rapport n’est pas encore

démontré, alors que dans la littérature, la pratique de la raison est le propre de certaines

personnes, il s’agit en fait d’opinion qualifiée de juste. De ces faits, l’irrationalité est, dans le

sens des économistes, un écart relativement important entre le comportement de l’individu et

ce comportement idéal, alors qu’en littérature, ce sont des fausses opinions. L’économie

admet l’existence de cette erreur, dans le thème d’informations incomplètes ou biaisées ;

autrement dit, l’homme littérairement idéal est identifié en économie sous les termes de

l’homme insuffisamment informé. La rationalité, de ce fait, est l’état d’individus agissant

222 En fait en économie, le postulat joue le rôle de la loi ; tout ce qui est affirmé pour encadrer des propositions à venir servent de « lois économiques ». Ces affirmations sont des évidences qui se passent de preuve. Mais lorsque la question se porte sur le début de la rationalité, ou d’un phénomène, il ne s’agit plus alors d’une simple affirmation, mais d’une démonstration d’un phénomène. (Voir à ce propos, Partie II, Chapitre 1 section 3 §1)

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373

dans un marché où les informations permettent des actions économiques, sinon, la rationalité

est le fait des individus agissant dans un milieu où les informations, bien que complètes, sont

neutres et sans effets. De ces comparaisons, il apparaît que la notion économique de la

rationalité, par rapport à celle de la littérature, est à la fois, un cadre de l’homme et un

instrument de réflexion et de critique de l’homme – une sorte d’ambiance dans laquelle

l’homme est plongé -, alors que dans la littérature, elle est un état acquis.

A partir de ce préalable, on découvre alors que la question serait de savoir « à partir

quel moment, l’être qui s’érige en humain est-il dans un contexte de rationalité qui rend

humaine. Ici, nous considérons alors l’histoire comme une des situations décrits par Max

WEBER, lorsque ce dernier distingue les pouvoirs traditionnels, charismatiques et rationnels.

La rationalité relève d’une certaine façon de juger la science ou ce qui se sait ; elle a sa propre

logique, et en même temps, elle est, elle aussi, jugée et appréciée selon les besoins de la

société. Aucun être rationnel, aucune raison n’est raisonnable que, à la fois par le beau

discours logique ou scientifique qu’il fait et par l’utilité de sa raison pour ses auditeurs. C’est

ainsi que lorsque Adam SMITH décrivait le comportement de l’homme « sensé » dans sa

théorie sur la division de travail, il avançait implicitement que l’homme peut utiliser les

mêmes arguments justifiant l’égoïsme. Le besoin du capitalisme, justement, a besoin de

considérer la rationalité comme centré sur l’égoïsme, alors que dans un contexte différent,

celui, par exemple de John Stuart MILL, l’égoïsme n’est pas de mise ; à sa place, il est plutôt

demander de préférer « plus de richesse que moins ». Il faut d’ailleurs noter que la question de

sens ou de raison dépend de jugement dont la presse fait écho. En fait, le sentiment et le sens

jouent un rôle à côté de la raison : dans le monde économique et financier, constate

MICHIELSEN, il y a des entreprises qui passent bien dans les médias, et leurs dirigeants sont

jugés « sympathiques » et d’autres, « moins sympathiques », des responsables de la finance,

qui, comme Alan GREENSPAN, le responsable de la Banque centrale américaine, sont jugés

de « sensés », alors que ses pairs, comme celui de Wim DUISENBERG, sont considérés

comme « indécis ». MICHIELSEN va même jusqu’à annoncer l’existence probable de liens

entre la valeur boursière d’une entreprise et le sentiment du média vis-à-vis des dirigeants des

entreprises (MICHIELSEN, 2002).

Dans cette file d’idée, il apparaît alors – et les économistes partagent l’idée suivante –

que le sentiment précède la raison. Ce fait tient de plusieurs raisons. D’abord, dans l’histoire

de la pensée économique, il est considéré comme un acquis que la « Recherches sur la nature

et les causes de la richesse » d’Adam SMITH est le point de départ de la pensée économique,

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374

et que les travaux antérieurs de cet auteur n’étaient pas encore relevant de la science

économique. Contre cette thèse, des chercheurs, plus tard, essaient d’incorporer le « Traité des

sentiments moraux » dans le corpus de la théorie smithienne de l’économie, sinon refusent la

source généralement relatée par les historiens de la science économique selon laquelle la

Richesse des nations était écrite pour contrer les conceptions physiocratiques et mercantilistes

de la richesse. Ils soutiennent que l’objectif économique d’Adam SMITH est l’homme, cet

être qui non seulement a des sentiments, mais et surtout que ce sentiment est qualifié, du

sentiment moral.

Avant Adam SMITH, le rapport entre la sensation et la raison a été déjà soulevé par

David HUME pour qui la raison est une association des sensations issues de l’expérience

quotidienne ; la raison est plus ou moins incorporé dans la sensation. Aussi, semble-t-il que

dans la théorie smithienne, d’après la version courante de celle-ci, SMITH a établi une

démarcation entre la raison et le sentiment ; mais même s’il ne l’a pas fait, d’autres

économistes, les néoclassiques, vont le faire pour lui, en établissant un programme de

recherche basée sur l’économie pure ou épurée des sentiments.

L’homme de Adam SMITH a la particularité non pas d’être doté de force de travail,

mais surtout d’être autolimité par le sentiment moral.

A partir des questionnements sur la pénétration de la raison dans l’histoire humaine,

l’origine de l’homme rationnel est inévitable, et il apparaîtrait que le sujet de la rationalité,

inauguré par la philosophie et de la littérature, est le préliminaire de la question de l’origine de

l’homme dans le domaine des sciences dites sociales. Le thème de l’origine de l’homme est

économique, dans la mesure où cette origine est appréhendée comme le moment de

l’acquisition de la raison étant donné la force de travail.

Le fond commun de ces questions est le rapport entre le déploiement de la raison et

celui de la force de travail. C’est un vieux débat entre les matérialistes et les idéalistes et qui a

produit la découverte de l’existence de la différence de la conception de la représentation du

monde entre les hommes. Quels que soient cependant les issus du débat, nous pourrons dire,

alors et sans évoquer l’expérience, que le travail est pour quelque chose dans l’apparition de

la raison : du fait de son existence, le travail, -même s’il n’a pas influencé la formation de la

raison – est l’objet de la raison, et tout ce qui se critique se porte sur le travail (ou en termes

philosophiques, sur l’action). Le lien entre le travail et la raison est le principe fondamental

sur lequel repose la compréhension de l’existence dans le cadre de la théorie économique. Des

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375

obstacles cachent cette évidence : l’aspect permanent et récurrent de la raison s’oppose à

celui de sériel rapport entre le caractère dogmatique de la raison et le caractère éphémère ou

saccadé du déploiement du travail.

En effet, étant donné le caractère dogmatique de la raison, le rapport entre l’économie

et la religion – le rapport entre le « scio » et le « credo » - ou cette lecture transcendante

d’abord et historique de l’homme s’oppose à la connaissance même de dieu, le référentiel

religieux de la raison, dans la mesure où le ou les dieux inspirateurs apportés par les religions

sont cachés. Dans cette situation, le choix et la détermination de comportement de l’homme

est en contradiction avec la simplicité de l’évidence matérielle : pourquoi espérer l’ordre

future si le présent et l’immédiat est aussi satisfaisant et porteur de satisfaction et de joie ? La

réponse est que la rationalité couvre toutes les dimensions temporelles possibles et

imaginables ; ce qui est rationnel dans le court terme, l’est aussi dans les longs et moyens

termes. La rationalité, dans ce sens, est une sorte de logique ou d’argument d’offrande d’un

culte propre à une certaine façon de voir le monde. Tel est par exemple le sens que donne

GAUTHIER pour expliquer l’offrande dans la religion indienne ancienne (GAUTHIER,

2001). L’économie a pris à son compte cette conception religieuse de la rationalité.

L’économie elle-même est une version matérialiste de l’éthique religieuse, et l’homme qui en

découle est un animé doté de sens de religion (FEUERBACH, 1869). L’économie a pris de la

religion le sens de choix et de valeur des objets.

La rationalité économique est donc une construction de pensée dans le cadre de la

conscience de l’existence de plusieurs objets ; elle devrait permet de répondre à la question de

« qui est l’homme ? »

Le problème pratique pour placer la conscience dans le thème de l’économie est que

l’homme isolé ou non situé est rare sinon hypothétique dans le système actuel de

connaissance. L’homme non situé est, selon la littérature, le procréateur, le patriarche ou le

générateur de l’espèce humaine, sinon encore un être placé accidentellement dans un lieu «

désert » - (entre guillemets, car ce lieu est pratiquement inconcevable), alors que l’homme

isolé est le type de Robinson CRUSOE, qui, sur une île déserte, s’efforce de reproduire les

conditions matérielles de fonctionnement de l’espèce humain. L’exigence théorique

cependant impose d’admettre l’existence de ce lieu, afin de comprendre et de mettre en relief

l’existence de la conscience dans la formation de la pensée humaine. Dans ces conditions de

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376

réflexion, la question économique est « qui est l’homme, le patriarche, le générateur ou tout

simplement et dans le cadre de la relation de l’homme avec la nature, le producteur ? »

L’étude des conditions générales de la formulation de la question sur l’homme ou sur

l’identification ou de l’identité des chercheurs de « l »’homme, tout en sachant que ce

questionnement relève de la philosophie et de l’épistémologie de la science économique se

révèle par l’orientation stratégique de la production ou le caractère stratégique de celle-ci et

d’une manière générale de la manifestation de l’homme ou de la trace de l’homme. En effet,

la manifestation de soi de l’homme – qu’elle soit intellectuelle ou artistique - s’accompagne

de la trace de la pensée économique et ne s’interprète que par l’économique. On ne peut, en

effet, donner un sens à des lignes gravées dans les cavernes que si on méconnaît la volonté

humaine et la nécessité de les faire. La lecture économique de l’art et de la science et de la

technique nous permet de découvrir l’homme. Aussi, ce n’est pas la présence formelle de

discours ou de thèmes économiques qui importe, mais la présence de l’homme. De ce fait, il

faut donc chercher les cadres et les circonstances par lesquels émerge, chez l’homme, la

nécessité de discuter de lui-même, indépendamment du support de ce discours.

Cette discussion ou cette volonté de s’exprimer s’avère important, car elle dénote une

préoccupation qui dépasse la quête de la subsistance et qui est aussi … un besoin. Elle est

cependant localisée dans les circonstances non encore caractérisées. De prime abord, elle

dépend dans son contenu et dans sa forme, de la culture, ou plus précisément des moyens de

diffusion des valeurs culturelles et de ce qui est permis de penser par la culture. Dans ce sens,

le modèle de l’homme et la représentation du comportement de celui-ci ont vu leur naissance

dans les scripts des pièces théâtrales, dans les maximes et proverbes, bref, dans les formes de

littérature. Dans certaines communautés, chez les Grecs de l’Antiquité par exemple, ce sont

les poètes qui sont à l’origine de la modélisation et de la représentation de l’homme ; alors

que dans d’autres, par contre, à l’exemple de celle des Juifs où une version de leur loi interdit

la représentation sculptée de l’homme, le modèle de l’homme vient tout droit de la religion et

des horoscopes. Chez les animistes, la question déclenchant la question sur l’homme, se porte

sur le pouvoir séculier de l’ensemble des défunts. Le « mpanandro » (ou divin) est le maître

de leurs discours ; c’est lui, en effet qui diffuse l’oracle des Ancêtres, et par la même voie, il

est le seul à pouvoir affirmer la place de l’individu dans la société aussi bien que dans

l’espace des astres (le « vintana ») conformément à la croyance locale, surtout, c’est lui qui a

formulé le modèle de l’homme et des comportements selon les circonstances. Autrement dit, à

un certain degré d’organisation de la société, la substance par lequel l’homme émerge, est

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377

accaparée par un individu spécialisé et qui décide de l’affectation spatiale et fonctionnelle de

l’individu.

A voir de près cependant, la discussion ou la volonté de s’exprimer en tant que humain

s’inscrit déjà dans un cadre préhistorique avant que la division de travail entre le travail

intellectuel (ou poétique) et le travail manuel (ou économique) ne soit encore établie. En effet,

est une force intérieure tarabustant en l’homme indépendamment de la société et de ses

connotés, une substance humanisant, équivalente de l’âme dans certaines doctrines religieuse.

Cette volonté de s’exprimer est identifiée en termes de conscience. Nous affirmons l’idée que

la conscience de besoins et la notion de biens découlent des vides matériels et sociaux

supposés par les théories scientifiques de l’homme et de la société. De cette conscience, à

notre avis, l’homme apparaît. (Implicitement et en conséquence, nous soutenons alors que

l’homme n’est pas créé, mais auto-créé, par l’art et par les discours religieux, des sentiments

typiquement humains).

Il faut cependant reconnaître que le thème de l’apparition non physique de l’homme

n’a pas jusqu’à présent attiré les chercheurs des sciences humaines et sociales. L’homme

étudié et discuté dans les rues, dans les sociétés et par les sciences s’avère être le producteur

ou le transformateur de la nature et non pas celui qui a été visionné par le poète ou les inspirés

des religions ; alors que l’homme décrit par ces derniers, rien que par leur existence, leur

inspiration ou leur don, est avant l’acte de production et de la consommation ; il est de ce fait

important, parce qu’il est comportement et motivation, et non un être animé producteur et

consommateur. Les activités de production ne sont que des activités accessoires de celles de la

découverte. L’homme ne fait pas d’activité de production, mais de découverte créatrice de

l’univers ou du moins de son environnement. L’homme initial n’est pas un producteur, mais

un explorateur.

De même que les chercheurs, les sages, eux aussi, n’ont pas découvert la formation de

l’homme, et leur sagesse ne peut pas atteindre la nature profonde ou la véritable fonction et la

véritable activité de l’homme. Leur erreur découle de leur démarche analytique et dans leur

objectif lors de la recherche de l’identité de l’homme. Dans la philosophie – la discipline

académique chez qui, dans la culture occidentale, se discute généralement l’homme -, en effet,

l’homme est décomposé en des principes et des concepts, comme le « corps », l’ « âme » et l’

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378

« intelligence », ainsi que leurs correspondants régionaux respectifs ont été justement créés

pour, à la fois, identifier et caractériser l’homme223.

L’étude des conditions du questionnement sur l’homme peut donc être aussi appelée

de l’étude de la construction et de l’appréhension de l’esthétique. Dans l’histoire humaine,

elle a été inaugurée par la prise de conscience de la forme de soi de l’homme. La conscience

du corps est un élément fondamental de la construction de la pensée humaine et

éventuellement dans l’orientation de son appréhension de ses activités économiques et

substantielles.

II ­ Le destin de l’homme, c’est quoi ? 

ARISTOTE l’a schématisé comme étant le lieu de repos de l’homme. Ce lieu se

rencontre aussi dans les religions. Mais il s’agit pour lui du destin de chaque homme, comme

si chaque individu est une répétition, alors qu’il s’agit d’une construction et d’une

continuation. La théorie de TEILHARD DE CHARDIN est plus proche du réel, en avançant

le cheminement de trace de l’homme, de l’état cellulaire vers un état spirituel. Pour notre part,

nous restons dans un tronçon de la théorie ouverte par ce dernier auteur et nous chercherons le

destin d’un corps organique ou biologique vers un état stable et, autant qu’on puisse le dire,

définitif. La prise en main du destin de l’homme est dans ce sens un chemin vers un état de

stabilité ou de repos. On peut entrevoir ce chemin par la sédentarisation et la construction de

grandes villes, ou, au niveau des groupes, par la table de la mobilité sociale ; mais cette

dernière ne permet pas de voir le destin de l’homme, mais seulement, elle nous indique que si

un espace de compréhension de la question du thème est donné, alors dans cet espace, un lieu

de direction de l’homme en général est identifié. En un mot, ce que nous voulons montrer

c’est la « ville éternelle », le « Sion » de la bible. C’est là en effet que réside le salut224, et

point n’est besoin de mouvement, de volonté supplémentaire, car les obstacles sont loin d’être

un problème.

223 La variante indo-européenne du discours sur l’homme ajoute d’ailleurs à ce discours l’hypothèse selon laquelle chaque concept composant l’homme possède respectivement leur lieu de repos, c’est-à-dire un lieu, où une fois atteint, les aspirations s’éteignent : le corps dans la tombe, l’âme vers le Paradis, et l’intelligence vers la joie de la découverte ou vers la paix. Peu d’attention cependant a été accordée à la place de la fonction de l’homme dans la nature. 224 Voir La Bible, Ancien testament, Psaumes, XIV 7-

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379

Mais le lieu de repos n’est pas seulement un lieu paradisiaque, car le trouble à

l’intérieur de l’homme peut aussi être résolu par l’absence de volonté d’agir rencontré

effectivement dans les lieux de cultes225. L’état de conscience est alors nul ou aveuglé par la

croyance, l’homme agit en toute liberté tout en sachant que quoiqu’il fasse, il a été vaincu par

l’énormité de ses propres handicaps. Là, le concept biblique des Enfers (un lieu « de larme et

de grincement impuissant de dents ») décrit la situation. Effectivement, l’homme ne souhaite

pas pour lui cette impuissance, mais en théorie, il s’agit de lieu de l’inaction et d’absence de

mouvement. Ce deuxième lieu est le lieu que Joseph Aloïs SCHUMPETER qualifie

d’obstacle au développement de l’entreprenariat, car les innovations ne sont pas prises en

considérations par les clients, à cause de la liberté de choix dont dispose ces derniers.

La prise en main de destin de l’homme, ou son choix vers le lieu de repos, est entravée

par deux obstacles dominants : la nature de l’homme et l’infiltration de la croyance

cosmologique dans la recherche de l’homme. En effet, l’homme ne dispose pas d’organes

spécifiques lui permettant de se connaître lui-même, au-delà de ce qui est apparent ; c’est dire

l’homme ne peut pas appréhender intellectuellement l’homme. Pour se connaître lui-même, il

se compare alors aux animaux, utilise des informations qui n’ont de valeurs que par leur

consensus dogmatique. Et à force de persister dans cette démarche, l’homme arrive à avoir

une certaine idée ou intuition de lui-même. Le succès d’une telle démarche ne tarde pas alors

à venir, car à force de combattre l’animal, l’homme se découvre par des concepts et les

nuances distinctives, et ce, sous forme de concepts et des mots. L’état de conscience est alors

un ensemble de mots formant un langage, par lequel émerge l’homme ; mais dans ce concept,

la comparaison avec l’animal persiste.

L’élément qui manque au puzzle de la connaissance de l’homme est donc un système

de connaissance de l’homme qui ne passe pas par celle de l’animal : l’homme ne peut pas être

l’objet de la pensée de l’homme, c’est pourquoi, quand l’homme parle de l’homme, il pense

avant tout à l’animal. A cause de ce fait, l’homme de la pensée est rapproché de l’animal.

Mais la question n’est pas de savoir ce que contient le concept « homme », ni de « que peut-il

faire ? » indépendamment de son identité, mais plutôt un problème de « bien dire » l’homme

avant ce qu’il est localisé et ce qu’il a fait. Il se reconnaît par ses actions et par ses limites

225 Voir à ce propos la conception taoïste de l’action. Voici comment Lao Tseu, le rédacteur du Taö a développé les arguments de l’inaction dans ses thèmes de la recherche de « la Voie » par le « Saint ». D’une façon générale, les saints reçoivent quelque chose sans qu’ils en demandent, partagent sans donner, communiquent sans parler. Le Taö, comme toutes les cultures indo-européennes, invitent la population de se spécialiser dans leurs activités et de laisser la pratique de la morale aux prêtres.

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380

locales ; manifestement, il y a des discours sur l’homme, mais ces derniers ne sont pas

suffisants pour délimiter ce qui n’est pas homme, car ce qui existe nous montre seulement ce

qui n’est pas animal, c’est pourquoi notre propos n’est pas une ontologie de l’homme.

En outre, l’infiltration des doctrines cosmologiques dans le discours émousse le peu de

faculté de connaissance de soi de l’homme. L’ordre cosmologique renforce le caractère

inexorable et éthique de la question de l’homme et enrôle ce dernier dans leur système de

discours. A cause de ce fait, le discours sur l’homme veut que l’on parle de ce dernier en

fonction de jugement de la valeur de ses actions. Déjà le questionnement de l’identité de

l’homme se porte sur ce qui n’est pas animal, et maintenant il est complété par des

préoccupations d’ordre moral. Aussi, peut-on dire d’avance que l’homme est un non animal

qui fait du bien ou du mal.

Enfin, la conception indoeuropéenne et sa propagation mondiale par la science et la

colonisation et la particularité de l’approche de la question de l’homme par la culture non

indoeuropéenne fait de la question de l’homme encastré dans l’interstice de positions

dogmatiques différentes. En effet, l’inégalité de l’exposition et de la diffusion des littératures

des différentes communautés du monde a vulgarisé les discours de certaines communautés (le

sanskrit, puis le discours indoeuropéen) par rapport à ceux des autres à tel point que ces

discours ont perdu leurs caractères vernaculaires et s’incrustent dans la pensée populaire pour

prendre la place de vérité assertorique sur la base de laquelle se construisent les autres

discours. Ces discours sont ceux des puissances coloniales ou des religions. Une observation

rapide des littératures actuellement dominantes indique un fonds commun : le thème de

l’homme est associé à ceux de la divinité et de l’animalité. De ce fait, le discours sur l’homme

est limité par les frontières des discours dogmatiques et spécialisés ; le thème de l’identité de

l’homme est une ramassée de discours rejetés des doctrines sur l’éthique. Elle est une reprise

des limites de la science.

En portant notre réflexion sur cette position de la question de « qui est l’homme ? »

nous sommes arrivés à penser et nous sommes persuadés que la volonté d’être différent de

l’animal ou de prendre en main son destin malgré les entraves, renferme un sentiment très fort

(une angoisse, selon le terme de KIERKEGAARD, ou un « vouloir vivre » selon les termes de

l’anarchiste Jacob STIRNER) révélateur de la conscience ou de la souveraineté de la

conscience humaine. Elle est un état de conscience. En outre, nous sommes persuadés que ce

dernier (la conscience humaine) est la nature et l’identité fondamentale de l’homme. Et que,

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381

enfin, le concept de l’état de la conscience humaine peut mener vers le cœur du problème de

la connaissance de l’homme, car même si l’homme n’a pas de connaissance technique de lui-

même, il en possède néanmoins une intuition partagée avec ses pairs. Autrement dit, la

recherche de l’identité de l’homme est celle de l’homme de la rue.

Le thème de l’homme n’est donc pas un thème particulier de la civilisation

indoeuropéenne et des communautés occidentales – celui de l’individu l’est, peut-être -, mais

une préoccupation universelle fondateur, anticipons-le, de la pensée économique, avant d’être

accaparé par la culture. Seulement, il a été porté, avec la colonisation et la diffusion de la

religion, dans le discours populaire des autres communautés. Aussi, aujourd’hui, la discussion

sur le thème de l’homme s’inspire et est fortement marquée fortement des préoccupations

occidentales et indoeuropéennes : l’existence de l’âme et la distinction entre l’homme et

l’animal. L’animal ou la divinité sont devenus les référentiels partagés entre les civilisations,

du discours sur l’homme. Il faut noter cependant que des tributs amérindiens, malgaches et

autres, sont fidèles à la référence végétale de leur existence. C’est ainsi que certaines arbres

restent encore le symbole de ces peuples.

Ainsi, le problème de l’homme n’est pas un problème historique et culturel, mais un

problème fondamental sur la base de laquelle l’homme détermine sa place dans la nature, et

surtout sa prise en main de ses mouvements dans le temps. La prise en main de la destinée est

donc une question technique de positionnement dans l’espace.

La conception indo-européenne de l’ordre est la force déterminante de la tentative

humaine de se prendre en main.

III  ­  De  l’état  de  conscience  humaine  et  la  perception d’existence 

Nous introduisons le concept de « conscience humaine » pour conceptualiser la

tension intérieure d’un organisme doté d’intelligence et qui se résout alors par l’émergence de

l’homme – anticipons-le – de l’économie. Ce concept cependant doit être démontré pour avoir

une forme et un contenu.

En tenant en considération les handicaps de l’homme (de la rue) sur sa quête

d’identité, arrêtons-nous et prenons le temps de nous interroger sur l’apport du système

occidental dans la connaissance de l’homme en vue d’identifier le problème commun de ce

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382

vouloir savoir « qui suis-je ? ». Il s’agit de se rappeler le fonds commun actuel du discours sur

l’homme.

Le discours occidental ou indoeuropéen a donné les grandes lignes séparant l’homme

de l’animal (la possession de l’ « âme »), quoique la plupart de grandes lignes ait été mis en

brèche par les matérialistes absolus (niant la présence de l’âme), par les zoologistes

démontrant la possibilité de l’existence de la raison (même instinctive) chez l’animal. En

outre, il a montré que quelque part, dans une dimension inconnue ou imprécise, l’homme peut

sortir du néant et prendre une forme, une ou des fonctions précises et distinctives, et occuper

une espace non forcément physique ; seulement, il ne peut pas préciser cette référentielle de

base que chaque discours sur l’homme se présente sous forme de construction de théories. Si

l’homme, en effet, est capable de se décrire avec raison ou par la raison – qui est en lui-même

-, alors il n’a pas décrit tout l’homme, mais seulement ou bien l’homme qui a agi sans raison,

ou bien il a seulement décrit la raison, ou bien encore, l’homme agissant dans la raison. C’est

ce que fait d’ailleurs les économistes actuels, lorsqu’ils essaient de décrire le comportement

de l’homme rationnel ; ils font référence à l’homme irrationnel et soit ou à l’homme rationnel

et non pas à l’homme tout court. Pour eux, la référence est le marché. Aussi, il nous semble

important de chercher le référentiel dans lequel se puise tout discours humain sur lui-même,

étant donné que l’homme ne peut pas se décrire lui-même avec les organes et instruments

qu’il doit lui-même décrire. Ce référentiel de l’homme par lui-même est l’état de conscience.

Ce fondement collectif cependant s’avère imprécis, car ces êtres réels ou fictifs ou ces

concepts ne montrent que l’existence ou la possibilité d’existence de l’homme ; il faut que,

avec ce concept, quelques actions chose émanant de l’homme, quelque chose de typiquement

humain se manifestent. Aussi, la présence de dieu ou de l’animal (FREUD dira plus tard, le

totem) combinée avec un fait effectif et typiquement humain seront par conséquent la preuve

de la réalité de l’homme. Autrement dit, en utilisant les concepts de la classification

académique, nous dirons que la religion, la zoologie et l’art sont ensemble et inséparablement

les références du discours sur l’homme. Dans ce sens alors, la peine et le plaisir comme

l’affirme Jérémie BENTHAM, ne suffisent pas pour rendre compte de l’homme, de même en

est-il du sentiment ou la raison comme PARETO les affirme ; ce n’est pas le sentiment et les

produits artistiques et les actions conséquentes qui en découlent qui importent, mais

l’attachement de ces produits aux considérations métaphysiques et physiologiques de

l’homme. Mais, la cogitation intérieure, le monologue intérieur de la pensée que fait l’homme,

une fois, informé de l’emprise de ses passions sur lui, pour dompter ses passions, ou encore le

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383

malaise intérieur qu’il éprouve devant l’incompréhensible ou l’inconnu révèlent l’existence à

la fois de l’homme et de la richesse, car l’homme y trouve son propre profit : la maîtrise de la

passion est plus profitable à l’homme que le fait de suivre son instinct. Cette conscience de

faire autrement que le dessein la nature est à l’origine d’une nouvelle détermination du

comportement de l’homme : le calcul économique, et surtout à l’origine de l’augmentation de

la production. Celui qui est conscient non pas de ce qu’il fait, mais de ce qu’il est, est donc

automatiquement primé par des gains matériels ; il est à l’origine de la formation de l’espèce

humain. Ainsi le consensus partagés entre les discours et doctrines sur l’homme pointe le

calcul (se traduisant par la maîtrise de soi) et le sens de la richesse comme la particularité de

l’homme vis-à-vis de ses autres référentiels.

Or l’homo œconomicus apparaît justement à partir de ce moment, car il est, à notre

avis, le modèle de l’homme doté de la notion de la richesse et du sens de calcul. Ce n’est pas

la relation de l’homme avec la société qui est à la base de la construction d’une civilisation

matérielle, mais de la domestication de l’homme par lui-même, la domestication du soit par le

moi ; avant de domestiquer la nature, l’homme s’est domestiqué lui-même.

A partir de ce point d’entente portant sur la méthodologie, apparaît alors l’erreur grave

des discours sur l’homme et qui se perçoit en évidence dans la science économique. Dans la

littérature sur l’homme en général et dans la théorie économique plus particulièrement, en

effet, l’accent est mis sur le calcul économique et non sur la conscience par laquelle émerge le

calcul ; et ce déterminant faux a orienté la plupart des discours sur l’action pensée ou sensée

de l’homme et a conduit à des thèmes sur la recherche d’une meilleure allocation de ses

ressources et ou de ses dotations individuelles, alors que dans le fonds, le problème est de

savoir jusqu’à quel point l’homme peut-il concevoir son propre existence et agir en

conséquence. Ce problème a été déjà soulevé par Herbert SIMON, et nous essayerons

d’apporter la réponse. Dans les discours des économistes, ou dans leur théorie, il y a une

prémisse fausse qui a fait son chemin et a conduit à une fausse représentation de l’homme,

c’est-à-dire l’agent économique ou la raison économique.

Précisons cette affirmation, pour ne pas à la développer ultérieurement : les

économistes actuels, il nous semble, considèrent que seuls quelques individus se laissent

entraîner par le calcul économique. De ce fait, la science économique divise les êtres humains

en deux groupes selon l’usage ou non du calcul économique : Les individus mus par le calcul

économiques sont des êtres rationnels et modèles, et ceux qui ne le suivent pas sont, selon la

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384

logique occidentale qui domine dans le discours économique, des êtres irrationnels, pour ne

pas dire tout simplement des êtres seulement animés. Un individu est rationnel, lorsque dans

ses calculs, il cherche à allouer ses facteurs pour un résultat préalablement qualifié de

meilleur, parce que rapportant plus de gain matériel, même s’il fait fi des sentiments

contraires (par exemple, le sentiment d’accomplissement dans une activité peu payée). En

économie, la raison matérielle a été opposée à la nature sentimentale ou au non intentionnel,

ou s’inscrit comme quelque chose de meilleure que celle de la nature226. Cette vision de

l’homme caractérise l’homme de l’économie, comme le stigmatisent les autres disciplines

académiques, et c’est cette image qui subit les critiques de l’homo œconomicus. L’homme,

sur la base de laquelle les théories économiques sont fondées, est un homme seulement

rationnel.

L’évolution du concept de la rationalité met encore en relief cette erreur : Le concept

de la rationalité évolue dans le sens de précision entraînant une qualification de la rationalité.

Il est alors question de rationalité axiologique lorsque l’individu cherche le sens de ses actions

par la meilleure valeur, de rationalité téléologique lorsque la rationalité est basée sur

l’objectif. En outre, dans ses calculs, l’individu, selon Garry BECKER, ne prend pas

forcément en compte ses intérêts matériels mais des intérêts espérés (utilité espérée).

Pratiquement, selon la conceptualisation adoptée de la rationalité, les agents

économiques ont des stratégies économiques différentes : pour les uns, le problème consiste

principalement à quantifier les coûts et/ou les profits, alors que les agents adoptant une

rationalité axiologique sont soumis à des questions d’ordre moral du « que faire pour bien

faire ? », car ils sont plutôt convaincus que le cadre dans lequel ils agissent ne s’oppose pas à

leurs actions. Pourtant, malgré la différence de stratégies, les agents économiques ou chaque

agent économique est rationnel. Comment rendre compte de l’unicité de la rationalité des

activités économiques informelles ou inconscientes? Telle est la question, il nous semble,

retraçant le problème scientifique de l’homme.

Pour rendre compte de l’unicité et de l’universalité de la rationalité humaine, une

refonte de la manière de lire et d’interpréter les descriptifs de l’homme s’impose. La façon

actuelle de lire et d’interpréter les signes de l’humanité est ancré sur la compréhension de la

226 Il faut cependant noter que dans la littérature économique, il est d’usage d’associer l’expression « calcul économique » aux néoclassiques, alors que l’homme rationnel à celui des classiques. Ceci provient de l’apparence : les néoclassiques utilisent du « calcul à la marge », alors que les classiques, l’évidence et l’homme sensé.

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385

logique discursive du narrateur, (ceci relève alors de la rhétorique du narrateur), et ce, en

analysant ou en établissant un lien entre les concepts de représentation et le représenté ou

l’idée. Elle suppose, en l’occurrence, que l’homme, celui dont la littérature et les symboles

ont représenté, soit un sujet connu des lecteurs. Or, justement, l’homme dont la littérature est

en train de représenter est mal représenté, sinon remis en cause. Devant ce fait, la lecture et

l’interprétation des signes de l’humanité consistent à des opérations de vérification de la

présence de la rationalité dans le comportement des hommes décrits et susceptibles d’être

décrits, indépendamment des narrateurs. La question n’est pas littéraire, mais une découverte

de phénomène ou d’un concept susceptible d’expliquer le comportement général de l’homme.

Point n’est cependant besoin de lire toutes les littératures et d’interpréter l’art et tous les

symboles du monde pour y découvrir en fin de compte comme invariante la rationalité ; de

même il n’est pas besoin de poser comme postulat la rationalité (au contraire, il faut vérifier la

réalité de la rationalité). Devant ce fait, il nous semble, il faut s’interroger pourquoi l’homme

a-t-il besoin de parler de lui-même. La réponse se découvre alors : pour étudier la rationalité,

il faut faire une étude psychanalytique de ce qui a été dit sur l’homme et sur ce qui a été fait

pour le représenter. Autrement dit et dans le cadre de la formation de discours et de théories

économiques, il faut admettre en premier lieu que l’homme décrit par Adam SMITH dans sa

Richesse des nations provient non pas d’une donnée d’emblée sur l’homme, mais de la

conception psychanalytique de l’homme et de l’art. De même, lorsque Jérémie BENTHAM

avance l’utilité comme facteur de mouvement de l’homme, ou lorsque Vifredo PARETO

soutient que la peur et la peine sont les facteurs de détermination de l’action de l’homme, le

raisonnement de ces auteurs et leurs idées ne se comprennent que par les actions

indépendantes de la raison dont la psychanalyse et éventuellement l’art ont montré. Au départ,

il y a des actions inconscientes qui se pratiquent comme indépendamment des circonstances et

des volontés de chaque être humain et par lesquelles se reconnaissent les êtres humains. Nous

nous référons au constat de Sigmund FREUD, sur le fait que dans toutes les communautés

humaines, indépendamment de leur culture, l’homme s’interdit de quelque chose. Avec ces

démarches, notre thèse est que ce n’est pas sur la nature que s’appuie la rareté, mais sur la

conscience de genre donné par l’interdit. Pour découvrir l’homme, il nous faut donc retracer

non pas ce qu’il a fait, par ses volontés, ses besoins et désirs ou par ses envies, mais par ce

qu’il a fait malgré lui. Adam SMITH a déjà constaté ce fait par le concept de Main Invisible,

mais il refuse de considérer cette dernière comme étant la véritable cause de la valeur et de

l’essence des activités économiques. Pour rendre compte de ces faits, l’étude de l’identité de

l’homme doit commencer non pas par une étude comparative de la portée et des limites des

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386

doctrines littéraires, mais par des prolégomènes préparant à la doctrine non pas littéraire, mais

de l’homme. Certains auteurs appellent cela les caractéristiques de l’homme.

Cette entrée en matière sur la question de l’homme a pour objectif de consigner les

contextes intellectuels de la gestation de la problématique de l’homme ; mais elle ne nous

indique en rien le processus technique de cette gestation. Mais ce dernier aspect de la

question, bien que apparemment relevant de l’étude du processus de prise de décision, est

avant tout une question d’ordre moral, car la question de qui suis-je pour un humain ayant le

sens d’être une créature est plus ou moins interdite, car elle relève d’un jugement sur

l’humanité. Aucune culture humaine n’oserait d’entreprendre de telle démarche. Mais ayant

lancé le débat, nous sommes obligés de continuer dans ce sens.

CONCLUSION DE LA SECTION

Ainsi, la question de l’identité de l’homme se pose lorsque le problème matériel est

sur le point d’être résolu, c’est-à-dire lorsque le savoir ou la conscience humain s’affirme ; la

question de l’identité de l’homme ne relève pas seulement de la situation, mais aussi du

rapport de ses sentiments et perceptions avec la situation appréhendée alors de façon

objective.

En outre, la perception de l’existence n’est pas une question d’appréciation de la

qualité de la vie, mais de la quantité de savoirs sur la nature et le reste. Le savoir, en effet est

une relation entre la cause et l’action ; il est de ce fait limité par l’impossibilité de faire un

inventaire des actions humainement possibles et de la connaissance de la détermination des

actions de l’homme. Il faut du temps pour augmenter le savoir, ou plus précisément pour

parvenir à un bouleversement de ce que connaît l’homme. Le temps, cependant n’apportera

pas un plus pour la connaissance de l’homme, car la variation de la quantité

La question de l’homme se pose durant la crise ; mais l’homme est toujours en crise,

ou le malaise est dans la nature même de l’homme. La connaissance de la nature de cette

malaise peut mener vers la connaissance de l’homme objectif ou « l »’homme.

L’homme de l’économie est l’homme pensé.

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387

SECTION II – DE L’HOMO ŒCONOMICUS DEVANT « L »’HOMME INTRODUCTION

Le thème de l’homo œconomicus  

Etant donné les différents thèmes de la décomposition du thème de l’homme, nous

allons, par la présente section, emprunter le thème philosophico-religieux du « lieu de repos »

pour y étudier non pas un fragment de l’homme, mais l’homme dans sa totalité indivisible

quoique hétérogène car composée d’éléments multiples par nature. Le lieu de repos est

l’espace intellectuellement compréhensible, où le mouvement et l’action humaine cessent,

pour y trouver l’ultime objectif et motif de l’action, ainsi que pour y trouver le lieu où chute le

thème de l’homme. Plusieurs concepts désignent ce lieu : le cliché, l’art et le modèle ou la

représentation de l’homme, etc.

L’art et le modèle reproduisent l’homme en général dans un de ces moments précis de

sa situation ou de sa narration ; ou encore et ce qui revient au même, l’art et le modèle

reproduisent la situation momentanée de l’homme. Or, l’homme étant un être pensé, l’art et le

modèle désignent alors la pensée momentanée sur l’homme. Avec eux, le fardeau de l’image

de l’homme est extériorisé, et le poids exercé par l’existence de la représentation de l’homme

sur l’homme est atténué. Avec le modèle, la question sur le comportement de l’homme trouve

un répondant.

L’homme pensé cependant révèle des vérités cruelles sur l’homme réel que sa

conceptualisation semble être un pas ou des pas en arrière pour la connaissance de l’homme :

la représentation de l’homme indique l’homme idéal que devait être l’homme, elle est tout

sauf l’homme tel qu’il est ; l’homme idéal indique le chemin à faire, l’état à devenir, et non la

réalisation faite. L’homo œconomicus, par exemple, montre à quel point un homme ordinaire

n’est pas rationnel. En plaçant l’homo œconomicus comme un phare de comportement,

comme un horizon de mutation de l’homme, la science montre à quel point la réalité est loin

de l’idéal. Aussi, se posent des questions : le concept d’homo œconomicus est-il un

instrument permettant d’atteindre l’idéal de l’homme ? Avons-nous placé l’homo

œconomicus sur un piédestal qui ne lui est pas approprié ? Faut-il humaniser l’homo

œconomicus ?

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388

Qui est-il donc l’homo œconomicus ?

L’homo œconomicus est un concept opérationnel est efficace que l’explication du

comportement de l’homme dans des situations problèmes pour lesquels il est conçu : le

problème de l’homme pauvre et irrationnel. La science économique a posé qu’il s’agit de la

pauvreté matérielle définie comme étant une carence de stimulant apaisant momentanément la

sensation du besoin. Elle insiste sur la matérialité du bien, c’est-à-dire sur l’ensemble

sensible et mesurable du bien. Mais le problème de l’homme ou le trouble de l’homme – pour

emprunter l’expression de « trouble d’ARJUNA » de la Bhagavad-Gîtâ – est dans le conflit

des valeurs étant donné l’unicité de l’origine des choses ou la dualité de l’homme. Le concept

de « homo œconomicus », de ce fait se trouve utilisé seulement dans une situation où

l’homme peut changer sans vraiment changer ; il est dans un conflit certes mais sa résolution

de dépend que de son comportement, de l’adaptation de son comportement et

paradoxalement, de son inflexibilité. Les économistes décrivent cette situation comme étant

un changement quantitatif étant donné le retour cyclique. Pour les économistes, l’homo

œconomicus est une pièce mécanique flexible qui s’adapte au jeu de sa situation.

Comment peut-on rendre compte de cet état ?

Vers le lieu de l’homo œconomicus  

A cet effet, la voie la plus simple serait d’étudier le sens des concepts du paradis des

littératures religieuses qui désignent le lieu « physique » de l’homme (entre guillemets, car

d’après certaines interprétations de la bible et même du coran, aucun corps physique humain

n’ira dans ce lieu) ou encore du sens des mots « bonheur », « liberté », etc., ainsi que tous

autres concepts dont la philologique de chaque langue nous offre pour nommer la chose sentie

par l’homme et qui le pousse à agir et que nous dénommons par le mot « richesse ». Sans

vouloir entrer dans une définition préalable de la richesse et dans une hypothèse où les agents

ont une intuition de la richesse, alors force nous est d’établir une correspondance de sens entre

les termes « bonheur », « liberté », etc., avec lesquels la littérature définit la richesse et le mot

« richesse » - avec lequel la science économique définit le mobile de l’action individuelle.

Dans cette correspondance, l’homme apparaît clairement être sur la voie menant vers la

richesse, ou plus précisément le thème de « l »’homme désigne un être sur en voie de devenir

heureux. Les économistes des années 50 y voient un être ou un pays « en voie de

Page 392: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

389

développement » ; alors que les politiciens du début de ce siècle utilisent le concept de

« progrès ».

Nous abandonnons ainsi la recherche des qualités intrinsèques de l’homme pour

mettre en exergue ses moteurs de dynamisme et ses lieux d’aspiration, en supposant que seul

l’homme en est nanti. Ainsi faisant cependant, nous risquons de sombrer dans les variétés de

discours dont l’anthropologie en rend compte, alors que notre objectif est de chercher le point

commun de tous les phénomènes vernaculaires ; nous voulons montrer un phénomène (la

conscience de l’identité de soi de l’homme, le fait que l’homme s’est découvert lui-même et

qui le pousse à mieux être) à travers la variété de leur manifestation culturelle.

Devant ce fait, la question de l’homme sera abordée à partir de la façon dont chaque

type de langage permet de visualiser l’homme. Il s’agit d’une disposition intellectuelle

adoptée pour discuter de l’homme, et non pas des conditions socio-matérielles. Cette

disposition intellectuelle est manifestée par le choix thèmes plus ou moins associés à chaque

langage. En effet, chaque langage définit un ensemble de thèmes associés à un sujet et par

lesquels se comprennent les communications. Cette affirmation est soutenue par les traces

laissées par les documents écrits par les langues écrites. Un survol des contenus de la

littérature laissée par quelques langues laissent installer l’intuition de l’existence de ces

thèmes plus ou moins partagés. Généralement, ces thèmes sont des formules magico-

religieuses, des textes se rapportant sur la médecine, l’histoire et les conseils des sages - pour

ne pas dire philosophiques. La langue copte, une langue hybride de l’égyptien et du grec, dont

les premières traces remontent vers le VIIe siècle av. JC, selon les informations tirées de

l’encyclopédie Encarta – 2009 retracent ces thèmes ; il en est de même pour le « sorabe »

antemoro227.

Chose étrange d’ailleurs, certaines langues adoptent d’autres langues ou des

vocabulaires spécialisées pour parler de leur religion. L’Anglais par exemple, a son « thou »,

« thee » pour s’adresser à leur dieu ; les coptes utilisent la langue grecque ou le guèze pour

leur liturgie. L’importation de la religion explique en partie cet usage spécialisé d’une langue.

En outre, des langues sont usitées pour le commerce, telle est la langue démotique.

227 Voir à ce propos la préface de Lars DAHL « Le manuscrit A 6 d’Oslo », Ed. TPFLM

Page 393: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

390

Ce n’est donc pas vraiment l’homme, le chercheur, qui cherche l’homme, mais « sa »

langue, « la » langue unique à partir de laquelle dérivent les autres langues228. Chaque langue

- ce qui équivaut à une façon de communiquer d’« un » homme - cherche à travers des mots

appropriés, la forme et le contenu exacts de l’objet nommé, et parmi ces objets décrits figure

également l’homme. Les objets identifiés par les langues sont, dans la mesure du possible,

consignés dans des dictionnaires. Généralement, le dictionnaire de chaque langue ou chaque

système individuel de stockage de mots - fournit plus ou moins indirectement les thèmes

associés à chaque mot, ainsi que les différents concepts proches du thème. Mais le

dictionnaire est limité aux mots et expressions courants ; quelques-uns d’entre eux dressent

même les circonstances d’utilisation de ces mots ou encore, à l’instar du dictionnaire latin-

français de QUINCHERAT, les auteurs et les œuvres dans lesquels pour la première fois, le

mot en question. Dans le sens de la construction d’un dictionnaire non pas des synonymes

mais de nomenclature des mots, nous nous demandons et cherchons quel a été le premier mot

partagé par tous les êtres humains et à partir de qui dérivent les autres mots et langages. Quel

est le mot ou le terme qui s’incruste définitivement dans la pensée humaine et y reste à jamais

et fabrique le comportement, les normes et les valeurs de chaque être humain ? La question

ressemble à une recherche de la pierre philosophale, ou d’une gnose magique, mais en fin de

compte il s’agit d’une quête d’une vérité ou d’un thème fondamentale assertorique à partir

duquel nous pouvons explorer et développer pour expliquer et découvrir la véritable nature de

l’homme.

Aussi, notre dessein n’est pas de nous nous interroger quand et dans quelles

circonstances chaque grand type de langages présente-t-il la question de l’homme devant

l’homme et comment cette question s’incruste-t-elle dans la pensée humaine, et d’une façon

générale, quand est-ce que la question se pose en lui ou dans quelles conditions cette question

est soulevée et pourquoi cette question se pose-t-elle. Ces questions relèvent de la

connaissance de l’homme étant donné la relativité de la culture. Le fond de la question est

plutôt technique : avec quel moyen linguistique l’homme parvient-il à construire un ensemble

de thèmes touchant l’homme, la production et d’autres sujets avec lesquels l’homme se

discute. La question finale est donc comment l’homme a-t-il pu se construire en thème et en

sujet ? Où peut-on localiser ce thème ? Tel est l’objet de la présente section intitulée « Où est

228 Nous ne voulons pas entrer dans le débat des spécialistes des linguistiques portant sur la relation entre les langues. On note d’ailleurs la variété des concepts définissant les liens entre les langages : « parenté », « évolution », etc. En effet, la découverte de la langue indo-européenne, a ouvert des réflexions, d’où la question : est-elle une langue commune ou est-elle la langue originale ?

Page 394: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

391

l’homo œconomicus ? ». (Nous démontrerons alors successivement que l’homo œconomicus

est dans un lieu de conflit, (un milieu hostile, voire interdit), dans le mouvement, à l’intérieur

de l’homme incarné).

Le lieu de l’homo œconomicus 

Pour pouvoir répondre à cette question, imaginons l’homo œconomicus comme

l’homme, une représentation, une réaction. Comment est-ce possible ? Serait-ce seulement le

fruit de l’illusion de la pensée ? Ou encore seulement un jeu de mot ? Une métaphore ? Mais

laissons de côté momentanément le doute et poursuivons nos investigations en cherchant le

lieu de l’homme, l’homo œconomicus ou de la réaction dans le récit.

L’homme se trouve dans le récit ; le récit est le lieu de « l »’homme ; celui de l’homo

œconomicus l’est donc également, l’homo œconomicus est dans le récit. Toute la question de

lieu de l’homo œconomicus est aussi dans la construction du récit. Cette situation renvoie nos

réflexions vers le premier chapitre du présent livre : le récit de la création ou de la déchéance

de l’homme. L’homo œconomicus est l’homme de la fiction retracé dans les récits de groupe

culturel particulier - le héro indo-européen ou la divinité et les spiritualités égyptiennes et

hindoues. Comme l’homo œconomicus de la science économique, celui de la littérature

explique et décrit le comportement de l’homme idéal.

Aussi, l’hypothèse farfelue soit-elle de l’homo œconomicus comme étant aussi

« l »’homme ouvre la perspective de ce sujet vers le partage de l’homme de l’économie à

d’autres disciplines, et le transforme en phénomène dont le lieu est le compte rendu de la

science ainsi que son usage. L’homo œconomicus n’est pas seulement dans la science

économique, mais aussi dans une partie des discours des autres disciplines scientifiques.

Le problème cependant est le morcellement de l’espace récitatif dans lequel se trouve

l’homme. L’homo œconomicus est le récit de l’espace économique. Son acceptation par

d’autres disciplines permet aussi d’affirmer que son récit est dans l’espace de chacune de ces

disciplines. La démarche que nous avons utilisée pour construire nos réflexions sur l’homme

nous suggère de chercher la source commune des récits, le lieu originel de tous les thèmes

communs et d’en dégager l’unicité des nuances et des différences ; il nous faut examiner donc

le lieu commun de toutes les disciplines académiques. Notre objectif finalement est d’investir

la connaissance et le connaissable de l’homme pout y trouver non pas la nature du

Page 395: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

392

connaissable, mais ses limites et sa pesanteur son poids, par rapport à l’homme229. C’est

pourquoi, nous pensons que l’homo œconomicus lui-même est aussi l’espace de l’homme ; il

est alors le corps scientifique de l’homme : tout ce qui se dit sur l’homme s’adresse en réalité

à ce que l’homme a d’intelligible dans sa quête de survie.

D’où ce qui arrive à l’homo œconomicus est l’évènement de l’homme. Il est le lieu de

conflit, dans le mouvement et intériorisé. L’homo œconomicus est une structure qui délimite

le conflit, organise les actions ou le mouvement possible de l’homme et symbolise le trouble

ou la pulsion de l’homme. Ainsi, l’homo œconomicus est l’expression à la fois du lieu et de

l’action. C’est en tant que tel d’ailleurs que la science économique l’a perçu et lui a attribué la

rationalité comme principe de l’action. Le lien entre l’objectif et les moyens est, d’après la

science économique actuelle dont l’objet est de rendre intelligible la variation de la richesse

ou la satisfaction du besoin étant donné la rareté des moyens, le domaine de l’homo

œconomicus. Le concept d’homo œconomicus permet d’envisager la possibilité d’existence

de l’homme dans ces conditions.

, alors qu’en fait, l’homo œconomicus est lui-même ce lien ; il est la rationalité

absolue, car il fusionne en lui seul le principe de l’espace et de l’action appropriée donc.

PARAGRAPHE 1 – LE THEME DE HOMO ŒCONOMICUS DELIMITE LES SUJETS DE DEBATS SUR L’HOMME

Les questionnements qui ont conduit l’homme vers la quête du sens de la vie et de

l’action humaine sont le résultat du trouble intérieur de l’homme, et même plus d’un

déchirement intérieur de l’homme : des idées différentes troublent la sérénité théorique de

l’homme, que le trouble lui-même est considéré comme une nature de l’homme. Ils ternissent

l’image ou l’hypothèse de la cohésion interne de l’individu souverain. Des imprécisions

existent en ce qui concerne le lieu et la nature de ces débats : quelles parties de l’homme

s’opposent les unes contre les autres pour que ces questions puissent soient posées ? Le cœur

et la raison ? et la conscience ou l’inconscience ? L’homme est vraiment un être dual.

La psychanalyse avance leur modèle de l’homme dual composé facteurs conscients et

de facteurs inconscients, alors que l’économie défend l’idée de la primauté de la raison

matérielle sur le sentiment. Dans les deux cas, l’intérieur de l’homme est fait de débat et de

péroraison ; autrement dit, l’homme n’est pas un monde silencieux et calme, mais tumultueux,

229 Tel est la problématique développée par TEILHARD DE CHARDIN dans son « Phénomène humain »

Page 396: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

393

voire mouvant et risqué. La littérature distingue deux situations de ce débat : celui du moment

d’introspection et celui de moment où une emprise extérieure se fait sentir et qui se traduit

alors par de l’action. L’homme ou le corps de l’homme ou la mise en corps de l’homme est le

lieu de ce débat ; il délimite le conflit.

La littérature économique, pour sa part, a introduit le thème de la richesse – non pas

que la richesse soit un phénomène universelle, mais pour symboliser la récompense et réduit

la discussion sur l’homo œconomicus au seul enjeu de l’appropriation de la richesse. La

question provocatrice de la science économique se porte sur la nature et sur la cause de la

variation de la quantité de la richesse. Puis avec les marginalistes, la question se précise sur

l’homme et la richesse. En fait, la littérature économique insinue que la discussion est fait par

les économistes entre eux et se porte sur l’observation du comportement de l’homme en

général au moment de la distribution de la richesse. L’homo œconomicus est une discussion

d’économistes sur le thème de comportement de « l »’homme étant donné le besoin ou du

comportement des hommes étant donné la richesse. C’est dans ce cadre que le concept

d’homo œconomicus a été conçu.

L’expression « homo œconomicus » est une représentation destinée à être critiqué et

débattue ; elle est alors dans un lieu de débat et de péroraison qui n’existe sûrement que dans

les communautés humaines, du moins depuis la prise collective de conscience de l’espèce.

Elle évolue avec le débat en étant au centre, car elle remplace tout ce qui se dit sur l’homme.

Notre intention n’est pas cependant de décrire le fonctionnement et les fonctions de

l’institution de péroraison, qu’elle s’appelle « tribunal », « église », ou autres, mais de montrer

le lien entre la représentation de l’homme et le débat, c’est-à-dire la critique non pas de

l’homme réel, mais de celle de l’homo œconomicus. Au terme de cette section alors, nous

découvrons que la représentation de l’homme n’est pas et ne peut pas achevée, autrement dit

aucun modèle économique ne peut pas être satisfaisant, parce qu’il est dans un système de

crise. En termes économiques, nous dirons que l’homo œconomicus agit dans un système de

marché imparfait et non pas de concurrence pure et parfaite.

I ­ Du lieu de péroraison 

Le raisonnement ou le jugement critique de l’homme est une activité localisée dans un

domaine d’argumentation et de péroraison. L’homme n’est cependant pas seulement que de

raison, mais aussi de sens commun, silencieux et active. Dans ce dernier lieu, l’action est

Page 397: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

394

l’argument ; ce lieu est de ce fait un lieu de combat et de lutte. Nous traiterons de ce dernier

dans le point suivant.

Les doctrines sont les preuves du caractère inhérent du jugement critique de et dans la

nature humaine. Elles ont apporté les règles et les normes de comportement. Leur fondement

n’est pas la croyance forte ou la conviction profonde qui anime le choix, mais l’interdit qui,

en fin de compte, se pose en un obstacle fondamentale par lequel est apparu le comportement

ultérieur humain. La notion de la richesse, elle aussi n’est pas une doctrine, mais plus que

cela, une composante intrinsèque de la nature humaine. Par conséquent, la notion de doctrine

relève d’une vulgarisation de l’interdit. A force de penser, de parler, de rappeler et de discuter

de l’interdit, émerge spontanément une façon orthodoxe de comprendre et d’interpréter l’état

donné de l’homme et de concevoir le système humain hors de son cadre naturel qu’est

l’interdit, pour le placer dans la routine du quotidien de la règle et de la régulation. Aussi,

dans la vie pratique, l’interdit est transparent. Il se manifeste dans les invariantes de la

régulation sociale sous forme de péroraison et d’argumentation. Il est la pratique qui, dans

toutes les communautés humaines, dépense le plus de temps de réalisation avant même la

production ; de plus, elle établit les liens sociaux.

L’homme se présent ainsi dans la société, non pas comme une manifestation de

volonté arbitraire, mais de champ d’arguments avec lequel il s’exprime. La compréhension de

ce champ est ce que Adam SMITH nomme « sympathie ».

A ­ De la péroraison comme liens sociaux 

La péroraison suppose des champs d’argumentations et de la délibération. Pour ce

faire, l’homme de l’économie, dans ses discours, suit une piste intellectuel dont il a ouvert la

voie ou que d’autres avant lui l’a fait, et laisse aux autres le soin de continuer cette direction.

L’homo œconomicus est alors sur une piste intellectuelle, une doctrine, qui lui sert de lieu

critique. En outre, il puise ses arguments dans un référentiel convenu d’avance entre les

participants du discours. Pratiquement, ou dans un système économique de marché, le

discours est remplacé par une sorte de vote dont les bulletins sont l’argent apporté par les

demandeurs, ou la demande globale. Aussi, le coefficient budgétaire au niveau de la

Page 398: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

395

communauté désigne la quantité ou la masse et la nature de produits existant dans la

communauté et cernant l’individu. Cette conception économique s’est érigée en doctrine230 .

Les débats et raisonnements dans lesquels participe l’homo œconomicus sont ceux en

rapport avec le prix et la quantité. L’imagerie dans la littérature économique, en effet, utilise

des concepts anthropomorphiques de leur modèle et considère que ce dernier « effectue » un

choix, et cherche à maximiser le profit. Cela renforce certes l’idée que l’homo œconomicus

est un être réel ; nous avons d’ailleurs adopté ce démarche tout en sachant que notre intention

est littéralement de le démontrer (de-monstrer) pour en faire un être ou un objet ordinaire, non

caché au risque même de le transformer en humain.

La doctrine est donc le lieu de puisement d’arguments même de l’homo œconomicus,

lorsque ce dernier est confronté à une crise permanente et de forme répétitive.

Dans la pratique économique, quelques thèmes sont devenus des doctrines, entre

autres, le libéralisme. Dans ce thème, le problème dépasse le cadre de la théorie économique

et embrasse aussi le thème de la religion et de la politique. La doctrine de libéralisme est en

fin de compte un thème de la culture, car elle ne se pose que dans un débat occidental, au

même titre que le thème de la liberté. Mais il existe un problème équivalent ou récurrent du

libéralisme dans les autres cultures, notamment sur le thème de la relation entre l’État et le

peuple. Pour le cas de Malgaches, plus particulièrement, des chercheurs comme FRIMACCI

en a découvert que ce peuple a une culture dans laquelle l’État est toujours un monstre

suspecté. Cette conception est généralisée par Mark BLOCH lorsque ce dernier avance que

dans les pays asiatiques actuels, la position de l’individu se définit par la position de classe et

par le rang. Le rang est chez les Malgaches conceptualisé par le concept d’Andevo, Andriana

et Hova.

La question économique sur le libéralisme a été posée par Adam SMITH et TURGOT,

sur les thèmes de l’intervention de l’État dans les activités économiques. Elle s’inscrit dans

des débats portant sur la nécessité d’une liberté personnelle, littéraire, politique, religieuse,

230 La doctrine, conformément à la philosophie scientifique d’Ernest MACH, économise la pensée et permet de ne plus revenir sur certains propos déjà dits. Elle suppose un ensemble de concepts et de relations logiques à travers lesquelles se construisent le raisonnement et les débats. Il existe plusieurs types de doctrines. Dans la littérature, il est question de doctrine religieuse, et à l’intérieur de chaque religion, chez les catholiques, l’expression « doctrine sociale de l’église », entre autres faits son chemin. Chez les protestants, il est question de doctrine de prédestination, et de doctrine de l’épreuve ; c’est dire autrement que le concept de doctrine correspond à un enseignement et que l’homo œconomicus est donc par cette position, un être en plein découverte par l’enseignement, du monde.

Page 399: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

396

etc. Dans ce sens alors, le libéralisme est un débat provenant du conflit de rôle entre l’individu

et l’État. Puis, les débats évoluent et donnent naissance à une nouvelle conception du

libéralisme, celui où il y a moins d’État et plus de marché (VERGARA, Libéralisme et

éthique, 2000). Une nouvelle ligne de débat sur le libéralisme s’ouvre alors avec les travaux

de Léon WALRAS. Elle s’appuie sur l’opposition entre les individus et sous le contrôle du

marché. Deux points soulevés par Adam SMITH sont alors précisés par cette approche :

l’interdépendance économique des agents économiques individualistes et l’existence d’une

harmonie sociale malgré le caractère antisocial des agents économiques. A la place de la Main

invisible, les nouveaux débats, par les travaux des Gérard DEBREU, HARROW et HANN,

ont introduit un nouveau concept : l’équilibre général. Ce dernier fonctionne dans un marché

– et non plus dans la société – parce que le marché est, selon Maurice ALLAIS efficace dans

l’affectation de marchandises (MARIS, Le suicide du libéralisme économique, 2003).

Devant ces débats, certains auteurs constatent alors que la science économique elle-

même est au service du libéralisme (De VROEY, 2002)

La formation de la doctrine relève de sa publication. Les médias et les institutions de

formation académique sont les faiseurs de doctrines. Mais avant eux, les édits de la notoriété

politique ou religieuse sont des forces clés de la formation des doctrines

B ­ La péroraison comme lieu de profit social  

Etant donné la doctrine économique, l’homo œconomicus s’érige en innovateur et

surpasse régulièrement la routine engendré par la croyance à la doctrine du libéralisme. De ce

fait, l’homo œconomicus est dans une situation conflictuelle, mais aussi dans une situation

d’improvisation et d’innovation des lois et doctrines, plus précisément, l’homo œconomicus

défie les doctrines et les transforme en loi. Le conflit est le lieu de l’émergence de l’homme

de l’économie231. L’homo œconomicus y puise son caractère dominant : de la force en calcul

économique au détriment de la moralité. Cette nouvelle génération, selon DUMONT, provient

de la séparation de l’économique avec l’éthique (VERGARA, Les erreurs et confusions de

Louis Dumont, 2001) : l’homme peut, selon encore DUMONT, désobéir à toutes les règles y

compris celles de la religion, sauf aux lois économiques. La soumission aux lois économiques

231 Louis DUMONT en 1977 dans son « Homo aequalis » a montré l’origine et la localisation du thème de l’homo œconomicus dans un système où l’individu et le marché dominent.

Page 400: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

397

ou la désobéissance aux autres lois sauf celles de l’économie est le signe distinctif de la

société moderne.

Que gagne l’homo œconomicus dans la transgression des autres lois ou dans la

soumission aux règles économiques ?

La réponse est la rationalité de Max WEBER et de KEYNES. Pour le premier suivre

une loi relève d’une rationalité matériellement gagnante, alors que pour le second, le constat

de déséquilibre sur le marché profite les individus.

II ­ Du milieu hostile  

La localisation de l’homme peut aussi être saisie par les limites physiques de sa

résidence. Mais l’homme n’est pas seulement le physique mais aussi le mental ou autre

phénomène que la philosophie et l’anthropologie ont mis en relief : du sentiment, de la raison,

de l’âme, etc. Nous avons avancé le mot « trouble » ou « pulsion » pour désigner les abstraits

qui figurent aussi dans l’identité de l’homme. Ces derniers n’ont pas de lieu physique.

La question de la localisation de l’homme a été posée dans la science économique

actuelle et dans la sociologie, en termes de résidence, tout en sachant que ce concept renferme

deux composantes : la résidence physique (le lieu, le local et ses matériaux de construction et

d’ameublement) et la résidence sociale (les liens sociaux des occupants d’un lieu physique).

Le choix de la résidence répond de ce fait à des préoccupations de bien-être défini en termes

de matériel et de social. Dans un contexte où les matériaux de construction et d’ameublement

sont fournis directement par la nature, la dépendance individuelle à la société n’est pas une

nécessité, l’homme peut se trouver partout isolé ou regroupé. Mais si un coût (de construction

par exemple) intervient, un minimum d’organisation s’impose, le rapprochement social

s’organise en division de travail et en organisation politique. Le choix de résidence physique

s’explique par une démarche inverse de l’explication du rapprochement social : quand les

règles et valeurs sociales n’arrivent plus à s’imposer aux membres de la société – on est en

présence de ce que Emile DURKHEIM appelle par le concept de « anomie » - la société

s’éclate et le critère social de choix de résidence n’est plus de mise ; l’homme peut se trouver

dans les milieux morphologiquement différents.

L’anthropologie et la sociologie précisent ce cadre de l’effondrement de liens sociaux

en circonscrivant d’abord l’unité social au niveau de liens de parentés. La famille est, pour ces

Page 401: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

398

deux disciplines, l’unité sociale dans laquelle se manifeste la tension sociale. C’est au sein de

la famille que se tient la multiplication des individus, et c’est, dans ce sens, dans ou à travers

l’ensemble des familles que se perçoit l’homme ou l’humanité. Le choix de conjoint est de ce

fait l’origine double de liens naturels sociaux : il détermine le statut social de l’individu - le

titre de la dénomination de parenté en est la preuve -, et il fixe qui intègre la communauté et

qui en est exclu (exclusion par le départ pour le mariage ou inclusion par le mariage). De

même en est-il de la reconnaissance ou non du divorce, ou de la pratique ou non du mariage

exogame ou la pratique de la polygamie ou de la polyandrie.

L’horoscope est aussi un autre déterminant, révélé par l’anthropologie, de la

distribution spatiale de l’homme. Elle fixe d’abord les variétés de différence entre les

hommes. Ce fait est flagrant dans les cours royaux et dans les lieux de prière et peut être

étendu au niveau de la distribution des places dans les caveaux familiaux ou dans les lieux de

sépulture des familles ou du clan (Voir par exemple le « Fitampoha » sakalava). Dans la

mesure où l’horoscope répond à des besoins de la reproduction et de la stabilité sociale, alors,

en fin de compte, la répartition spatiale de l’homme en fonction du centre de cet espace

(occupée par l’important de la société, en l’occurrence, le totem ou le potentat) relève de

l’application du rapport social au niveau de la communauté. Il y a une correspondance entre

ce qui se passe dans la famille avec ce qui se passe au niveau de la nation. Dans une société

matriarcale ou dans une société patriarcale, la position spatiale de la mère ou du père

détermine celle des autres membres de la famille selon les valeurs adoptées par la famille.

EVANS-PRITHARD note que les premières communautés humaines étaient matriarcales

(EVANS-PRITCHARD, « La femme dans les sociétés primitives et autres essais

d'anthropologie sociale », 1963). Ramenée au niveau de la famille élargie ou du clan, la place

de la mère ou du père est occupée par le totem (dans le cas malgache, il s’agit de l’ancêtre

commun, « razana iombonana »), sinon du monarque fondateur d’une dynastie.

Quand le totem n’est plus matérialisé (le cas par exemple où à la place d’un être

vivant, on vénère un objet immatériel, l’âme d’un défunt), alors la place de l’homme dans

l’espace prend un autre aspect : on constate que dans certaines communautés adoptant cette

approche, la place centrale est évitée et crainte ; l’homme accepte de vivre dans les milieux

hostiles, tout en sachant que le milieu propice leur est physiquement accessible : les bords de

l’eau, les pentes des falaises, le pic des montagnes, etc., alors que tout proche, les places les

plus sécurisées sont délaissées à des lieux de cultes ou de la politique. Nous sommes alors

dans une situation d’irrationalité dans le sens économique du terme.

Page 402: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

399

III ­ Du milieu interdit 

Placer l’homme dans un milieu limité dans certaines dimensions, c’est soutenir aussi

que l’homme est un être déterminé et qu’il est en train de s’affranchir des emprises de cette

détermination.

La nature ou l’espace est la dimension visible de l’homme ; mais l’homme est aussi

interdit dans d’autres dimensions notamment religieuses. Le schéma est le suivant : le premier

narrateur, celui qui narre le monde sensible, impose des interdits en imputant leur fondement

à une détermination extérieure. Le concept de référence est alors le « pur » et l’ « impur ».

Puis, au fur et à mesure de la décentralisation de la religion, la référence de la description

change et le critère est le « bien » et le « mal ». Un autre éloignement du centre interdit mène

vers un autre ensemble de référents : l’ « utile » et la « pratique ». D’autres critères vont

caractériser le milieu qui va héberger la narration du modèle de l’homme, faisant en sorte que

ce lieu en question est un lieu de rejet et d’attraction, un lieu dual ou de déchéance et de

rédemption, L’homo œconomicus habite non seulement un lieu de conflit, mais aussi des

espaces interdits, sans quoi rien ne vaut d’être narré. Conséquence, l’homme est dans un lieu à

la limite de l’interdit. Il est loin d’être le dominateur de la nature selon la bible ; au contraire

son territoire est restreint par rapport à ce qui lui est interdit. Concrètement, la propriété privée

est plus dense que le bien public. Pour survivre le citoyen est obligé d’enfreindre

régulièrement et peut-être inconsciemment la loi.

Les sciences et la religion indiquent la réalité de la dualité ou la pluralité de l’espace

pour parler de l’homme : un lieu matériel et un ou plusieurs lieux d’une autre dimension. La

délimitation de la part des lieux cependant n’est pas précise. L’anthropologie caractérise

chaque part de ces lieux par le concept de « interdit » et de « permis », alors que la

philosophie utilise les critères de « bien » et de « mal », d’utilité ou de non utile, de vrai ou de

faux. Puis des critères comme « vie » (et la mort), sinon de la richesse (et de la pauvreté) sont

utilisé pour placer l’homme dans un lieu.

La diversité, voire la pluralité, de ces critères permettant de situer l’homme dénote des

différences culturelles de la dénomination et de la perception de la dualité de la situation de

l’homme. Par pluralité des lieux de l’homme, nous voulons mettre en relief la diversité des

lieux où se puisent les arguments pour parler de l’homme. Il ne s’agit donc pas de l’espace

physique où habite l’homme, mais une sorte de lieu où sont issus les thèmes utilisables pour

Page 403: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

400

parler de l’homme et plus précisément de l’homme de l’économie. Pour simplifier le discours,

nous pouvons donc réduire l’espace de l’homme dans deux lieux : le permis et l’interdit.

Comment peut-on donc vivre étant donné l’exigüité de l’espace vitale ?

C’est en enfreignant les interdictions que l’homme peut vivre. Ce n’est pas la carence

d’un bien qui est important dans l’économique, mais la charge de l’interdit. Si, comme des

loups, les hommes peuvent s’entretuer, et que comme des charognards ils peuvent manger la

dépêche de ses semblables, alors le problème du besoin est résolu à l’échelle humanitaire.

Mais les hommes s’interdisent certaines actions et certaines nourritures ; ils se condamnent à

l’épuisement et finalement, la mort les rattrape. Par contre en étendant son espace vitale, son

territoire, au risque de se faire damner par les dieux, ils résistent et subsistent jusqu’à ce que,

un jour, ils triomphent en imposant un ordre de leur choix.

Aussi, l’histoire de l’humanité n’est pas une histoire de la lutte entre les hommes étant

donné le patrimoine collectif de l’humanité comme l’affirme la théorie marxiste, mais une

lutte de « l »’homme contre l’emprise de l’interdiction ; c’est l’histoire de la profanation du

sacré et du tabou, du réservé et consacré. On ne peut pas cependant parler de l’histoire de

l’homme car la profanation ou le profané n’est pas le territoire de l’homme et que l’homme

n’a rien acquis de la nature. L’homme n’est que « être » dans le seul point de l’espace infini

qui lui est permis de vivre. Autour de lui, s’étale l’immensité, l’océanique, l’infini interdit ;

sur lui ou sous ses pieds, le seul point qui lui est permis, le seul espace qui lui est destiné.

Aussi, « l’être » de l’homme ne fait que la déchéance de l’espace par rapport à une situation

originelle. Le vide, les ténèbres, l’eau océanique et l’air ou le souffle du récit biblique de la

création étaient encore un espace unique consacré à Dieu. Mais une fois que l’homme arrive,

une partie du réservé est approprié et destiné à l’humanité. L’homme apporte la déchéance des

lieux. Désormais, la valeur ou le poids de la nature est issu de l’homme.

Ainsi, l’homme émerge du sujet ou du thème de conflit. Il ne s’agit pas seulement

d’un conflit verbal et judiciaire, ou technique, mais une trouble intérieur de l’homme dans sa

totalité ; un trouble qui dépasse le mental ou le physique ; c’est un conflit existentiel issu d’un

regard autocritique de l’homme, vivant dans un monde hostile et étranger. Ce trouble produit

de l’énergie et pousse l’homme vers l’action, vers le mouvement.

CONCLUSION DU PARAGRAPHE

Page 404: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

401

L’homo œconomicus ne s’arrête pas à une idée. Il suit un chemin qui, finalement, ne

fait qu’ouvrir et fait découvrir ce qu’on peut connaître de l’homo œconomicus. Littéralement,

l’homo œconomicus suit une méthode (littéralement, une voie) pour laquelle il s’expose à des

critiques.

Pour expliquer ce caractère particulièrement humain du choix de résidence, la relation

entre l’homme et le milieu ambiant, FREUD, dans son « Malaise dans la civilisation » affirme

la réalité de sentiments immédiats qui orientent l’action humaine et qui sont conceptualisés

par le mot « moi » ou « ego ». Ce dernier est l’élément stable de l’être humain ; il est localisé,

selon FREUD, dans le « soit », une façade limitant le moi dans l’apparence et l’inconscience.

L’homme conscient et agissant, l’homo œconomicus des théories économiques, est donc

enfermé par cette carapace d’inconscience et d’apparence ; la thèse est emprisonnée par

l’antithèse. Il faut reconnaître que la question n’est pas aussi simple telle qu’elle a été

formulée. Le rapport de «moi » avec le « soit » est un débat philosophique dont ont participé

des philosophes qui s’y sont illustrés : les existentialistes, notamment Jean-Paul SARTRE,

HEIDEGGER, entre autres. Les philosophes ont affirmé que le moi ou la conscience du «

moi » ne peut se réaliser non pas par le moi lui-même (moi ontologique), mais par la nature.

C’est par la conscience de la présence de la nature que le moi arrive à se poser comme

existant lui-aussi. Or, cette nature dont la présence est consciente par le moi n’est pas

forcément réelle, ce qui fait que la conscience de soi, issue de cette conscience de l’autre n’est

pas elle-aussi une réalité. Le discours sur la réalité de l’homo œconomicus, dans ce sens, est

donc le résultat non pas d’une synthèse philosophique, mais une position philosophique

adoptée implicitement dans les méandres des débats et doctrines philosophiques. Nous ne

voulons pas défendre la réalité de l’homo œconomicus par des arguments philosophiques, et

nous ne pouvons pas le faire d’ailleurs ; mais ce que nous avons fait, c’est d’avoir exploité le

thème de la philosophie (existentielle), pour ouvrir un débat conceptuel, tout en croyant

fortement qu’il ne s’agit pas seulement que de concept, ou une intuition, mais une réalité

pratique issue d’une autre croyance forte : l’existence d’un ordre transcendante.

Ce moi franchit régulièrement le soit ou sa carapace pour s’affirmer. Ce passage,

cependant n’est pas facile, mais jalonné d’entraves dont la forme directe est l’hostilité

extérieure qui n’est rien d’autre que l’image de la tribulation intérieure. L’intuition de richesse

est cachée alors par l’interdit ; la théorie économique, par le concept « homo œconomicus »,

a fourni un instrument conceptuel d’importance à la psychanalyse, et celle-ci l’a exploité pour

justifier l’extériorisation du moi ou, en termes politico-religieux, des discours de libération.

Page 405: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

402

La faute des économistes est que le concept du marché ne peut pas couvrir l’idée

véhiculée par le concept de richesse, mais seulement celui de la marchandise, c’est-à-dire

l’objet matériel rare et destiné à satisfaire le besoin, et que l’homme ainsi déduit est unique,

mais partagé par la compréhension d’un conflit artificiel de position.

La péroraison suggère l’existence d’un comportement idéal. C’est au moment de la

discussion que se réalise la conscience de l’écart entre ce qui est fait et ce qui aurait dû être

fait. Dans ces discussions cependant, il apparaît que ce n’est pas l’homme contre l’extérieur

qui est, mais l’homme contre son intérieur. Cela ne remet pas en cause l’hypothèse de

l’unicité et de l’intégralité de l’homme, car la contradiction – si il y en a – provient de

conception basique erronée : par exemple, une conception selon laquelle l’homme «

extérieur» est un reflet de l’homme « intérieur ». Or dans la réalité, il ne s’agit pas de reflet,

mais d’une unité232. Nous avançons donc l’hypothèse que l’homme que la science considère

comme intériorisé est le véritable homme, celui qui se permet de dire « je » («aho » ou

« iaho » dans la prononciation de certains dialectes malgache et qui peut être traduit

littéralement par « le je »). C’est le « je » égoïste qui est décrit par la littérature économique

actuelle, nous voulons élargir ce « je »-là par l’adjonction de ce dernier avec un autre « je »

inclusif de sorte que l’individu qui s’adresse à lui-même s’exprime en réalité en termes de

« nous ». C’est là que réside l’idée de reformulation de la littérature économique.

232 Cette unité de l’homme dans la dualité du corps est bien exprimée littéralement dans la conception biblique de l’homme et du mariage.

Page 406: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

403

PARAGRAPHE 2 - LES FAITS DE L’HOMO ŒCONOMICUS

Une fois les circonstances du questionnement sur l’existence identifiées, alors se

posent des questions portant sur l’enjeu de la question de l’existence : Que cherche l’homme

durant une période critique de son existence ? ou qu’est-ce qui justifie le retour à la normale

après une période critique ? Il s’agit à la fois d’exposer les enjeux du savoir sur l’identité de

l’homme et de retracer la position de l’homme dans la théorie économique. Avec ce dernier,

nous pouvons alors comprendre que la question de l’identité de l’existence de l’homme et ses

enjeux poussent l’homme à des « faire » qui, seront plus tard, qualifiées d’économiques. Telle

est l’objet du présent paragraphe.

Puisqu’il s’agit de l’homme en général, ce n’est pas vraiment l’agissement de

l’homme qui nous intéresse, mais son « faire ». La différence est que l’acte ou l’agissement

dénote un objectif et donc la rationalité alors que le faire indique une réalisation par

l’utilisation de la force de travail – le naturel et l’innée. Nous écartons donc le thème de la

volonté dans l’action de l’homme, pour ne parler que de l’action qui comble la vie ou qui, du

point de vue du narrateur et non de celui de l’acteur, justifie la vie ou le passage de l’homme

dans la vie actuelle ; car c’est le narrateur, le scientifique ou le philosophe, qui cherche à se

donner une raison sur la vie. C’est sur ce sujet, en effet, que se porte la critique de

« l »’homme. La critique de l’homme se porte tantôt sur les agissements de celui-ci, tantôt sur

les accomplis. En outre, la question de faire ne se pose qu’à des êtres concrets, alors que le

thème de l’homme modèle se pose en termes de réalisation passée : qu’avait fait l’homme

représenté ou l’homme idéal ? ou encore que peut faire l’homme représenté sur l’homme

réel ?

Selon FREUD, l’homme modèle est le produit de littérature magnifiant les exploits

d’un homme réel ; ce qui se dit alors sur les faits de l’homme représenté ou sur celui de

l’homme modèle n’est qu’une version littéraire des faits d’un individu qui a agi pour la

communauté, un récit d’un de ce que l’homme fait pour combler leur vie. L’homme modèle

n’a jamais existé, ou plutôt leur existence ne tient que pour expliquer une partie d’un thème

du faire de l’homme233. En économie, l’homme idéal est celui qui se conforme au modèle de

représentation de comportement : ses faits sont intelligibles car optimisant une fonction

233 Les modèles n’ont pas changé le monde matériel, et leur exemple ne dépend pas de l’extérieur de l’homme (par exemple des moyens matériels) – le peu qu’ils ont fait relève du miracle – mais ils se sont incrusté dans la pensée de l’homme qui travaille et éventuellement qui a réalisé les grands travaux. C’est pourquoi, le narrateur du mythe – et pourquoi pas son inventeur, le poète ou leurs inspirateurs, les Muses ou « l’inspiration divine » – a une place importante dans la société.

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404

économique de comportement. La question de la représentation de l’homme est également

traité dans la théorie économique dans le thème de la théorie de l’information et dans la

théorie de la firme, plus particulièrement les travaux des néo-keynésiens sur l’anticipation et

les informations. Pour elle, l’homme modèle est celui qui agit avec les informations

disponibles. L’homme modèle permet d’imaginer ce qui aurait dû se passer si les hommes (les

agents économiques) étaient rationnels ; le discours sur l’homme modèle de l’économie

montre un écart entre la théorique et le réel. La science économique, cependant, n’encourage

pas les hommes à imiter le comportement de l’homme modèle, car, en fin de compte,

l’homme modèle représente « l »’homme et non pas un individu. Le comportement de

l’individu isolé – sauf dans le cas de monopole – ne détermine pas la situation économique.

L’influence du modèle sur l’homme relève d’une observation des propos des

chercheurs qui ont abordé la question de l’homme et du modèle à partir à la fois des

observations sur terrains et des études des documents laissés par des penseurs consignant leur

intuition des faits. La perception de cette influence apparaît sous forme de synthèse de travaux

des différentes disciplines académiques concernées par l’homme et ayant élaboré un modèle

de comportement de l’homme ou tout simplement ayant une représentation tacite de l’homme

ainsi que des influences de la culture des chercheurs. Ces disciplines sont, entre autres,

l’anthropologie économique, l’histoire. Les chercheurs cependant n’ont pas encore affirmé ni

défendu leur découverte sur l’homme ; ils n’osent pas encore affirmer que l’homme « sur

papier » existe, car les articles sur lesquels ils fondent leurs idées font généralement l’objet

d’amélioration. Pour notre part, étant donné que les problèmes économiques ne peuvent plus

attendre d’autres faits déterminants pour identifier l’homme, nous soutenons que ce qui se dit

sur le thème de homo œconomicus est suffisant pour élaborer une science, et que en mitigeant

quand même nos propos, il est cette synthèse: il ne s’agit pas de l’homo œconomicus

instrumentalisé par la science économique pour décrire et expliquer le comportement humain

devant une situation, mais d’un thème de narration de l’homme dans une situation de conflit

intellectuel ou psychique intérieur. Notre argument principal est dans la suite logique du

thème de la richesse (Voir chapitre premier du Livre 1) : En amont, ce dernier est le résultat

de thème de la déchéance/rédemption selon lequel l’homme est devenu un captif de JESUS ou

du Mal ; et c’est en tant que tel, en tant qu’objet de concurrence entre le Bien et le Mal qu’il

est une richesse. Mais les économistes n’ont pas entendu cet aspect cosmologique fondateur

de la théorie de l’homme. Pour eux, la suite logique du thème de discours sur la

déchéance/Rédemption est le thème de la déchéance de la nature dont les thèmes de « besoin

Page 408: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

405

illimité », de « ressources limitées » de « travail » sont les thèmes centraux et névralgiques de

leurs descriptions. Dans ce dernier cas alors, c’est la nature qui produit de la valeur (par le

biais du thème de la rareté). Il faut donc corriger le discours des économistes en retournant au

point où l’homme est considéré comme la richesse ; telle est l’objet de ce paragraphe.

En redressant le discours dans le thème de « séparation » « salut », nous avons montré

que en fin de compte, c’est l’homme qui est de la valeur pour la divinité et le mal, et ce qu’il

est ou ce qu’il fait est de la production de la valeur. D’où notre premier paragraphe : L’homo

œconomicus produit de la valeur : le modèle de l’homo œconomicus qui s’est incrusté dans

la pensée humaine fait de l’homme non pas un producteur de biens matériels permettant de

satisfaire un besoin, mais surtout de producteur de biens permettant de reproduire la nature ;

ce sont en fin de compte des activités de conservation et de survie et de reproduction de son

espèce et des espèces de la nature. Nous dirons alors que l’homo œconomicus a fait de

l’homme un producteur de valeur. Puis et toujours dans cette suite logique de thème de salut,

le choix de l’homme est déterminant : il peut créer de la valeur ou hiérarchiser les objets sinon

détruire la nature, selon leur degré d’intelligence de l’environnement et de lui-même. Nous

dirons alors que l’homme fait donc un calcul que de son choix s’opère un déplacement

I ­ L’homo œconomicus transforme la nature en richesse  

Dans la logique discursive de la science économique actuelle, la richesse ou la valeur

– une hiérarchie définie des objets de la nature – a pour critère la rareté et l’utilité. Cette

discipline explique alors la pauvreté d’un pays doté de richesse naturelle non pas par la rareté,

mais par l’utilité : un pays est pauvre, parce que son peuple ne sait que faire de sa richesse

naturelle. Elle montre ainsi les avantages de l’ouverture d’économie à celle de l’étranger par

la demande que fait celle-ci à un bien que le pays en question ne sait qu’en faire. La nature est

la richesse. L’épuisement de la nature en tant que facteur de production, accéléré par la

mondialisation et l’augmentation de la population mondiale, fait que pratiquement la nature

elle-même est rare et utile, et que elle est naturellement une richesse, ou plus précisément,

« la » richesse. Conséquence, l’homme est pauvre, parce qu’il habite un milieu pauvre.

La vision de la pauvreté caractérisée par la nature pauvre et vide (le « foana »

malgache) au milieu de laquelle trône « l »’homme ne nous est pas étrangère, car elle a été

déjà figurée dans les théories cosmogoniques ; seulement, cette vision n’est plus de la

spéculation mais une réalité ou un phénomène qui se pointe à l’horizon, dans une échéance de

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406

moyen terme. L’homme a vraiment besoin d’un « salut » (selon les termes des récits

cosmogoniques) car il est seul au milieu de ce qu’il appelle « pauvreté » ; il faut le transporter

vers un monde meilleur, le monde de la richesse tant idéalisé par le mot « paradis ».

Dans la perspective biblique, cependant, le thème de salut ne se rapporte pas au thème

du corps de l’homme. Ce n’est pas le corps qu’il faut déplacer, mais la véritable substance de

l’homme. Cela entraîne, pour elle, l’exigence de la mise en place d’une théorie portant sur la

création d’un monde nouvel, compatible avec l’homme compatible avec la véritable substance

de l’homme. La place de l’homme dans la nature est montrée par cette vision de pauvreté :

Jusqu’à ce que la pauvreté absolue (« la terre informe et vide ») n’arrive, l’homme est dans un

environnement qu’il valorise en repoussant ou en franchissant l’interdit. La science

économique actuelle a fait du thème de vide un lieu où l’homme exploite la nature et fait de

cette dernière, de l’utilité. Cette activité se fait de façon coopérative entre les êtres humains.

Cette dernière entraîne à son tour, de l’échange et de la communication. Cette transformation

du vide est dénommée la production, alors que la coopération et l’échange est en réalité une

activité de déplacement ou de faire déplacer.

Nous allons alors expliciter le sens de la production en soutenant qu’il s’agit, en fait,

d’une activité de valorisation de la nature et de réduction de la distance mentale entre

l’homme et la nature, c’est-à-dire une sorte d’acquisition ou, dans le concept utilisé par la

science économique actuelle, de l’appropriation de la nature. Le thème de l’homo

œconomicus – et non pas le concept instrumental des économistes identifié par l’expression

« homo œconomicus » - modifie les référents de la production de la science économique sans

toutefois se départir de ses sujets et de ses bases. Ces modifications des thèmes ne relèvent

pas de changement de qualité, mais seulement un élargissement de sens. Le thème de la

production, au lieu d’être associé avec les thèmes de facteurs de production sociale, est traduit

en termes de valorisation (valeur subjective ou humanitaire et non pas valeur subjective

individuelle). Nous allons donc voire successivement le développement du thème de la

production respectivement dans le cadre de l’homme de la science économique actuelle et du

thème de l’homo œconomicus.

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407

A  ­  De  la  transmission  de  l’utilité  sur  la  nature  ou  activité  de 

valorisations de la nature 

Dans la production, selon la théorie économique actuelle, il y a un déplacement ou une

application de la force de travail humain. Le déplacement humain s’explique par la quête

d’objets précis : de la richesse permise. Aussi, à la question de « que fait l’homo œconomicus

? », la réponse est : il se déplace (comme tout être animé), guidé par la notion de la richesse et

de permission (ou de liberté).

Dans ce thème, cependant, Il faut tenir aussi en considération le lieu de l’homme ou

celui de l’homo œconomicus (interdit et sens de la richesse), à l’intérieur duquel, les

caractéristiques de ce dernier prennent un sens. Ce lieu est affirmé implicitement dans la

théorie actuelle de l’économie : l’entreprise et le marché. La valorisation de la production,

pour sa part, est localisée dans le marché. Les vocabulaires économiques actuels se rapportant

sur l’homme ou sur l’homo œconomicus sont limités : Dans le cadre de marché, les termes «

offre » et « demande » dans la « rationalité » sont les thèmes connotés à l’expression « homo

œconomicus » ; au niveau des secteurs institutionnels, ces termes sont : la production et la

consommation. De ce fait, l’homo œconomicus se localise dans le marché sinon dans la

production et dans la consommation et leurs lieux de réalisation (l’usine et le ménage). La

prise en compte des concepts de la comptabilité nationale a permis certes l’élargissement de

ces termes, seulement la comptabilité nationale conceptualise l’agent économique en termes

de « secteur institutionnel» dont les « opérations », regroupées en « fonctions » (expression

de la comptabilité nationale pour désigner les activités économiques) sont les activités

principales et les ressources principales.

Comparé aux vocabulaires des autres disciplines des sciences sociales et humaines

décrivant les activités humaines de la production, le faire de l’homme en général, et par

rapport à la théorie économique actuelle elle-même, des termes décrivant les activités sociales

et leurs entretiens manquent : l’homo œconomicus produit sans sentiment et sans calcul

politique ; il est un être autonome et isolé, plongé dans un monde où il n’est pas capable de

distinguer ses paires de l’environnement matériel qui l’entoure. Pour parvenir à cette

conception, les économistes actuels considèrent l’homo œconomicus comme une agrégation

des agents, un groupe d’individus fortement motivés et orientés vers un objectif précis,

disposant de toutes les informations requises pour agir et méconnaissant les détails

contingents de la vie : par exemples, à quel moment de la journée ou de l’opération les

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408

membres des groupes se sont lavés ou restaurés. L’homo œconomicus de la science

économique actuelle est une machine, un robot, à agir dans l’entreprise et dans le marché. Le

comportement de cette machine est justifié plutôt par des arguments statistiques et

d’interprétations cohérents de ces derniers. En poussant notre imagerie, l’homo œconomicus

est alors une représentation concrète (en pensée) de comportement produit des statistiques.

Les statistiques cependant sont si abondantes et variées, que malgré les techniques de lectures

des données élaborées par les statisticiens, il y a un écart entre la réalité et les informations

statistiques (ADDA, Les données économiques ont-elles un sens ?, 1995).

Les critiques du concept de production internationale brute sont connues : ce concept

ne retrace que les activités marchandes, il exclue la production des externalités, et il recèle des

absurdités, comme le fait qu’une catastrophe naturelle, ou les factures des médicaments

peuvent augmenter le volume de cet indicateur. Beaucoup de concepts utilisés par la science

économiques ont été élaborés pour la plupart, avant 1950. Sa référence implicite est l’objet

matériel produit par l’industrie. Dans ce monde, l’espace devient un obstacle et est concrétisé

par l’entité juridique de l’État-Nation. Le développement du secteur tertiaire remet en cause le

caractère matériel des objets de l’économie.

Enfin les activités humaines réelles sont mal mesurées par la science économique

actuelle. Cette dernière ne tient en considération que la production des biens marchands ou

issus de la division sociale du travail. Dans le fond, le problème tient du fait que les premières

théories ayant axé leur regard sur le fait des agents économiques ont constaté qu’une partie

des produits ne sont pas intentionnellement voulue par les producteurs. Adam SMITH a mis le

point sur phénomène et soutient que ces activités concourent au bien être de la communauté.

Dans le temps cependant, on constate que ces effets externes ne sont pas forcément positifs et

demandent l’intervention de l’État pour le réguler. Force est alors de constater que les actions

de l’homme entraîne des effets en cascade non contrôlés. Aussi, il faut imputer aux activités

humaines les conséquences de ses activités ; et que à la question de que fait l’homme, il faut

énumérer, non seulement les effets voulus, mais aussi les produits secondaires même les plus

insoupçonnés de ceux-ci.

La science économique actuelle montre que avec le système plus ou moins comptable

actuellement utilisé, il n’est pas possible de rendre compte de toutes les activités de

« l »’homme ; il est quasiment impossible de dresse une liste de ce qui se fait par l’homme.

Par contre, il est possible de trouver les moyens avec lesquels, sans se rendre vraiment

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409

compte, il agit : c’est le calcul économique. « L »’homme est doté de capacité de calcul

économique qui lui rend distinct de l’animal. En outre, étant donné que son lieu de rencontre

peut être identifié, et que l’homme est physiquement limité dans l’espace, on peut alors

affirmer que l’homme se déplace.

B – Le développement du thème de la production dans le cadre du thème 

de l’homo œconomicus 

Dans la théorie économique actuelle, le thème de la production est dépendant de

l’organisation non seulement de l’entreprise, mais de l’Etat ou de la Nation, ou tout

simplement du régime politique. La théorie économique classique, par exemple, n’existe que

dans un système organisé autour du marché et de l’égalité de droit économique des individus,

des « nations civilisés et en progrès». Elle ne peut pas fonctionner dans un système où

l’individu n’est pas socialement reconnu. Pour ce type de système, Adam SMITH utilise le

concept de « Nations sauvages qui vivent de la pêche et de la chasse » et n’y cherche

seulement que les lois naturelles ou universelles de comportement humain (SMITH 1776,

page 13), sinon de « Nations barbares … chez lesquels la propriété soit établi » et qui

pratique, pour cette raison, le commerce (SMITH 1776, page 133). Dans la théorie de Adam

SMITH, la richesse matérielle sous forme de métaux « précieux ») n’a pas de sens : « Chez

les nations sauvages, écrivait Adam SMITH, les plus pauvres de toutes, ces métaux ont à

peine une valeur » (SMITH 1776, page 153).

Le concept de socialisation n’a donc de sens que dans un certain niveau de

développement économique ; il est récent et date des débats sur la construction de la société à

la suite de l’abandon de l’ordre naturel sur lequel, croyait-on auparavant, les faits de l’homme

et de la société sont déterminés. Dans les œuvres d’Adam SMITH, la socialisation commence

avec la société agricole et avec la propriété. Des thèmes comme l’unité de classes sociales en

découlent, mais ils n’ont pas apporté, pour autant, des solutions sur les problèmes en vigueur

dans les sociétés modernes ; au contraire, ils n’ont fait que mettre en évidence les

insuffisances et l’incohérence des théories économiques ainsi que la réalité de la division et de

la pluralité. L’irrationalité collective ou l’impossibilité de rationalité de choix à plus de trois

objets (paradoxe de CONDORCET), en sont des exemples.

En fait, le mot socialisation est inspiré de la vision et de la réflexion sur le rôle de la

famille et de l’entreprise dans la construction de la théorie économique de l’homme. Puis

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410

l’idée a été développée par les sociologues pour défendre l’idée selon laquelle ce n’est pas

l’homme qui compte, mais la société et ses éléments (la culture et les institutions par

exemple). Les marginalistes ont, par la suite, abandonné l’idée de famille et d’entreprise

comme lieu de socialisation pour mettre en avant le concept de marché et de l’individu.

Pour les marginalistes, la socialisation est un procès économique d’intégration de

l’individu dans le système comprenant la production, la division sociale de travail et

l’échange marchand. Le concept de socialisation, cependant, ne peut pas être appliqué dans un

récit sur « l »’homme, car l’homme est en quelque sorte l’individu unique ou dominant. Si

« socialisation » il y a, ce serait plutôt une adéquation de récit de l’homo œconomicus avec

« l »’homme, une modélisation du comportement et de l’histoire d’un dictateur par rapport à

celui de l’homme ordinaire. Aussi, de la socialisation, on entend l’intégration du récit de

l’homme idéal, l’homo œconomicus dans celui de l’homme réel dans un espace (hostile et

interdit). L’espace économique, en effet, est un instrument et un lieu avec et par lequel

l’homme réalise son existence en pratiquant le calcul économique.

Conséquence, en portant la narration de « l »’homme vers le lieu d’existence du thème

de l’homo œconomicus, on découvre non plus ce que fait cet espace pour montrer l’homo

œconomicus (les « empreintes écologiques » révèlent la présence de l’homme), mais

comment l’homme grave ses empreints dans l’espace économique, intellectuel soit cet espace,

et quel est le profit que se partage l’homme et la nature dans cet échange. Le récit de

« l »’homme dans un ensemble de thèmes vulgarisés par le thème de l’homo œconomicus ou

par la science économique est un récit ouvrant une interrogation ou une réflexion sur

l’incrustation de la condition de la représentation « l »’homme sur la nature. Il est le problème

de la science économique actuelle, voire son obstacle épistémologique. Le problème n’est

donc pas la relation entre « l »’homme et « la » nature – la question de « l’homme est-il un

étranger dans la nature ? » - mais du récit ou de la narration de cette relation. Comment peut-

on rendre compte de cette relation ?

Pour répondre à cette question, nous reprenons les récits indo-européens, chez qui la

science de la nature semble être plus développée que partout ailleurs, pour y trouver la place

de la nature au sein de la pensée humaine. Nous dirons alors que l’homme effectue une

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411

« gravage » de la nature par ses propres empreintes et par cette action, il se laisse envahir par

la nature234.

1 ­ Du gravage de la valeur dans la nature 

Le récit indo-européen de l’homme qui a nommé les objets de la nature s’oppose à

celle véhiculée par la conception selon laquelle la valeur est affirmée par la rareté quantifiée

en termes de prix. Le monde indo-européen a rejeté une de ses anciennes traditions littéraires.

Parmi ces récits indo-européens de la valorisation des objets, les cas suivants méritent

d’être signalé, parce qu’ils montrent que la conception de l’économie ne peut se défaire d’une

métaphysique de base. Il y a le souffle ou le toucher magique permettant de donner la vie à un

objet, ou encore le récit biblique du livre de Genèse selon laquelle Dieu fit venir devant le

premier homme venu sur terre tous les objets afin que celui-ci puisse donner un nom à

chacun, ou encore que Dieu a affirmé que le monde ne sera plus jugé par le fait des hommes

(voir livre de Genèse sur la déluge). Ces récits prennent une autre version dans les thèmes

apocalyptiques de jugement dernier où, un à un chaque être humain sera présenté devant une

créature qui le jugera.

L’antithèse de ces récits provient des arguments «athées », notamment de Karl

MARX. Leurs arguments sont que ces récits ne sont que des mythologies qui n’ont de sens

que pour justifier l’oppression des pauvres, et que la réalité est que la lutte des classes, c’est-

à-dire la prétendue émancipation de l’homme est le programme administrant la relation de

l’homme avec la nature. L’antithèse du thème indo-européen de l’homme valorisant la nature

est de ce fait l’affirmation de la liberté de l’homme, et peut-être également de son

détachement de la nature.

La place de l’homme dans la nature ou la relation de l’homme avec la nature est donc

un thème indo-européen issu du récit particulier de la création de l’homme. La place de

l’homme dans la nature aussi bien que le récit de la création de l’homme forme un discours

selon laquelle l’homme, lui aussi, peut faire avec la nature ce que dieu a fait avec lui : leur

insuffler de l’existence. La présence physique de l’homme sur cette terre à elle seule justifie

234 Le comportement humain est donc comparable à celui de certains mammifères qui tracent son territoire par son propre odeur (l’urine) formant ainsi un territoire permis et ne se laisse emprisonner dans son propre domaine, car il s’efforce de se localiser dans un territoire tracé par un autre de ses paires.

Page 415: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

412

l’existence de la nature. Aussi, la question est que peut faire effectivement l’homme ou

qu’est-ce que ce dernier a fait de la nature ?

Nous allons voir que la nature a fait plus que l’homme dans la transformation de la

nature, autrement dit, il y a une concurrence entre l’homme et la nature dans la consécration

de la nature. De ce fait, la force de la nature est incontournable pour l’homme. Ensuite et de

l’autre côté, l’homme a beaucoup fait sur la transformation de ses paires : l’homme au contact

avec ses paires est une richesse.

2 ­ De l’incrustation des objets matériels dans la vie humaine 

Le fait que l’homme est conscient de l’existence d’activités et de lieux interdits

entraîne des conséquences sur l’appréhension des objets et sur les relations avec les objets

extérieurs fournis par la nature. Il est la cause de la distinction et de la différenciation des

objets, et il est aussi de la formation de coût.

On peut distinguer trois types d’objets selon la position de l’homme envers eux :

d’abord, les objets absolument interdits, ils n’ont pas de valeur mais des coûts individuels ou

collectifs pour l’espace qu’on dresse entre l’homme et eux. Ce sont les objets interdits de

consommation et de fréquentation, pour lesquels des infrastructures individuelles ou collectifs

sont dressée pour éviter le contact avec eux. Ensuite, les objets à mi-chemin entre le permis et

l’interdit, ils possèdent de valeur sociale élevée pour à la fois leur utilité et pour leur fonction

sociale (accession à une position sociale élevée) : on veut se l’approprier, ne serait-ce que

pour être à la fois proche et hors de l’interdit. Tel est le cas de la domestication des animaux

sauvages. Ces derniers sont interdits pour la menace qu’ils représentent pour la communauté.

Enfin les objets permis qui sont devenus des objets courants, profanes et représentant

l’empreinte écologique humaine. Ils sont protégés par le droit et la morale. L’homo

œconomicus agit dans la généralisation de ce dernier type d’objet, tout en sachant que la

plupart des objets relèvent de la deuxième catégorie. L’économie s’arrête alors lorsque tout

est permis. Cette situation correspond au « communisme final » marxiste.

Le déplacement des objets, de l’état de tabou vers l’état profane de l’homme est une

sorte de destination des objets. La finalité de l’objet est de participer à l’intimité de l’homme,

à l’image des vêtements. Ainsi, la nature, malgré l’interdiction actuelle, participe à l’ «

encorporation » de l’homme c’est-à-dire à la mise en corps de l’homme, à l’image de JESUS

qui est l’ « encorporation » des verbes divins. Nous utilisons le mot « encorporation » et non

Page 416: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

413

« incorporation » pour marquer le fait que le corps prend sa source non pas par des croutes

venant des objets extérieurs, mais par des percepts (l’interdit, la conscience de soi) venant de

l’intérieur de l’homme. La nature s’est donc rapprochée de l’homme et non l’inverse.

II  ­  L’homo œconomicus  apprécie  la  situation  et  calcule  les enjeux 

Le marché est le lieu de l’homo œconomicus ; il se traduit par un choix, ou par une

capacité de construire et d’apprécier la valeur. La capacité d’apprécier la qualité ou la valeur

d’un ensemble de projets est une des qualités spécifiques de l’homme. La littérature la décrit

en termes de « jouissance », et d’ « appréciation » ; certains philosophes la critiquent au nom

de la « vertu » et de la valeur morale. Apprécier une situation, c’est la critiquer, comme le font

les historiens, les religieux et tous ce qui croient être le détenteur du pouvoir spirituel de ce

monde. Les philosophes en font à leur manière, en reprochant l’absence de vérité ou de

conception, sinon de rationalité ou de sens. Du point de vue économique, l’appréciation d’une

situation consiste à en tirer la meilleure partie, c’est-à-dire à maximiser le profit ou l’utilité

que sont la forme marchande du profit. L’homme est toujours guidé par le sens de la richesse,

de façon instinctive ou naturelle. Ce comportement tant développé par la science économique

cependant n’a pas développé et utilisé dans le sens d’identité humaine par rapport à l’espèce

animal dans la théorie économique alors qu’il est au cœur du discours sur la relation de

l’homme avec la nature. La science économique s’est contentée de soutenir que l’homme est

dans la nature ou que la satisfaction de ses besoins est localisée dans la nature, mais elle

ignore que ce dernier s’en écarte à cause de la particularité de son espèce comme le font

d’ailleurs et aussi toutes les autres espèces. En introduisant à la fois l’existence de l’homme

dans la nature et sa séparation avec cette dernière, nous allons aboutir à l’idée que le sens

humain de la richesse est différent de l’instinct animal de migration. Dans un fond de la

question de l’identité de l’homme, nous montrerons que l’homme, à la différence de l’animal,

a un sentiment tourné vers l’intérieur de lui-même, alors que l’animal est tourné vers

l’extérieur. L’évolution réelle de l’homme n’est donc pas physique (croissance), ni

géographique (migration), mais mentale235.

235 Teilhard de CHARDIN en a fait la théorie. A partir de cette hypothèse, nous réalisons alors le sens réel du calcul économique.

Page 417: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

414

A.  Du calcul économique comme  sens commun de l’homme 

Le calcul est un état inné de l’homme et est en rapport avec sa conscience. Dans un

sens, il est un instrument avec lequel l’homme dompte, non pas ses impulsions naturelles,

mais l’emprise qu’a sur lui la société ou son environnement ; il dompte ses propres caractères

(et non seulement ses sentiments et intuitions), et se libère de la pression de son

environnement (on peut donc dire que la matière est pour l’homme un poids et non volatile et

légère) ; de ce fait, l’homme s’interdit de quelque chose. Ce caractère du calcul ouvre alors la

question sur la rationalité de la raison. Dans ce sens, les questions qui se posent sont : quelle

est la raison ou la nécessité de dompter la nature y compris la raison elle-même ? Ou encore

quelles sont les conséquences de la domestication de la nature sur le comportement humain ?

La première question a été répondue par la reconnaissance du concept calcul économique : en

effet ce terme a été développé dans le cadre de constat de l’existence d’externalités négatives

sur les actions humaines et qui demande une compensation de la part de l’acteur, sinon une

régulation des activités économiques par l’Administration publique. La deuxième question par

contre s’inscrit dans l’étude de la formation de l’homo œconomicus et dans lien entre le

développement économique et la pertinence de l’intervention humaine (ou tout simplement du

travail).

L’idée de calcul économique a été posée par Adam SMITH : il ne s’agit pas d’une

technique instrumentale de calcul, mais d’une action concrète à la fois individuelle et sociale

en vue de découvrir, loin des impulsions irréfléchies humaines, ce qui est bon pour l’homme

et en particulier pour celui qui fait du calcul. Le calcul économique veut être un instrument de

contrôle de la régulation sociale meilleure que l’éthique et la morale. Il s’inscrit donc dans un

prolongement de l’éthique et de la morale. Le calcul économique est, pour l’économiste, ce

que sont la morale et l’éthique pour les disciplines de la science humaine. La Main Invisible

est une expression du calcul économique.

Avec le développement de la Recherche opérationnelle, le calcul économique trouve

son aspect quantitatif et économique, notamment parce que cette méthode se base sur

l’économie des facteurs, et sur l’efficacité de la méthode. Cette aspect du calcul économique

ne trouve d’ailleurs toujours pas que des partisantes ; on lui reproche de ne pas tenir en

compte l’aspect social du projet, de méconnaître pour les actions d’envergures, les enjeux

politiques et éthiques. Avant la recherche opérationnelle, les bases jetées par les théories

walrasiennes ont permis de conceptualiser le calcul économique.

Page 418: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

415

Le calcul économique est une nécessité sociale parce que la société est composée

d’individus ayant des intérêts conflictuels et que ni le despotisme de l’État, ni l’éthique et la

morale ne peuvent concilier. Ce n’est donc pas la bonté ou la cupidité des hommes qui exigent

la présence du calcul, mais les conditions de survie d’individus vivant en groupe elles-mêmes.

La société, malgré ce fait, cependant, est un lieu de rassemblement d’hommes pour « bien

vivre », conformément à « La Politique » d’ARISTOTE dont on trouve aussi l’idée dans la

théorie d’Adam SMITH. Si la société a besoin de la morale et de l’éthique pour diriger ses

affaires, c’est parce qu’elle est basée sur du conflit d’intérêts matériels. Le calcul économique

est un moyen d’apparier de ces conflits. Le calcul économique est donc aussi une action

politique.

Le calcul devrait donc s’arrêter lorsque tous les conflits (d’intérêts) sociaux et

techniques sont résolus ; or cela demande un renouvellement constant des activités humaines

et qui se traduit par une nouvelle conception de l’économique. Ce fait est d’ailleurs visible

dans le comportement des héros de la littérature : l’homme décrit par la littérature est celui qui

est animé par une conviction profonde, un caractère résistant à tous les obstacles au destin

prémédité conjointement par l’auteur et la logique narrative, alors que l’homme décrit par

l’économie est celui qui, dans un système de marché inconnu, parvient à maximiser ses

fonctions économiques. Il faut donc procéder à une comparaison entre la conception dans la

rédaction d’une œuvre littéraire et celle de l’énonciation des lois économiques pour démontrer

tout simplement que l’homo œconomicus n’est rien d’autre que le héro dans le référentiel de

la littérature ou dans celui de l’idéologie populaire. Ce qui se dit sur le héro dans leur

ensemble, se dit aussi sur l’homo œconomicus ; autrement dit, ce dernier ne peut donc être

détruit par ses critiques parce qu’il véhicule l’idée de comportement de l’homme fort.

B.  Le calcul est une pratique non pas des héros, mais des migrants et 

des êtres en mouvement.      

Le mot « calcul économique » est-il une version économique de ce que la philosophie

a de concepts de réflexion, d’animation ou de pensée. Il suffit de faire une lecture rapide des

résumés et réflexions des auteurs sur le compte rendu des ouvrages ayant pour titre quelques

mots dont la pensée. Ainsi, dans « La pensée sauvage », LEVY-BRUHL indique l’existence

d’une « pensée primitive » différente d’une « pensée scientifique » et montre que pensée

primitive et pensée scientifique sont régies par les mêmes différences que magie et

Page 419: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

416

expérimentation (LEVY-BRUHL, L'âme primitive 1927). Dans « La pensée et le mouvant »,

le philosophe Henri BERGSON n’expose pas directement ses conceptions de la pensée, mais

de la philosophie et de sa pratique. Dès l’introduction de sa première partie, Henri BERGSON

affirme que l’objet relaté par la philosophie s’applique à d’autre monde, où l’homme peut se

passer de la satisfaction de ses propres besoins les plus naturels, un monde où il n’y a que des

hommes qui n’ont pas de besoin. Ce monde, il nous semble, c’est le monde de la pensée. Dans

la théorie de Blaise PASCAL, la pensée figure comme un élément agrandissant l’homme :

pour lui, la pensée est une sorte de dimension qui fait de l’homme plus fort et plus grand que

sa nature physique. Marius DIMITRIU est plus explicite en la matière. Pour lui, la pensée est

un phénomène

Le calcul économique donne un sens aux activités humaines en les projetant dans le

domaine de la rationalité, qui va, à son tour, les rendre descriptibles et intelligibles et surtout

orientées vers la richesse. La religion, la philosophie et la morale n’ont pas pu faire cette

projection vers leur domaine (pour faire des actions humaines, des activités religieuses, ou

philosophiques et éthiques). Conséquences, les notions de bien et de mal, de vrai ou de faux

sont dissociées de celles de la raison, et même, elles s’opposent entre elles, pourtant, cette

opposition et ces notions différentes sont des parties intégrantes d’un même principe appelé

par les économistes en termes de « calcul économique ». Pour notre part, nous préciserons,

plus loin que le calcul économique repose sur la conscience de soi et sur le sens de la

richesse. De ce fait, ce sont dans les thèmes comme la science, la religion et la sagesse que le

concept de calcul économique trouve son terrain de prédilection, en non dans les thèmes de

profit, comme le suggère la science économique actuelle.

Des problèmes de reconnaissance de la présence du calcul économique dans son

thème de prédilection apparaissent. D’abord les religions considèrent la raison (qui est un

fondement du calcul économique) en dehors du thème de choix, sinon comme une hérésie (le

dogme étant le normal) ; à la place de la raison, certaines religions imposent le devoir et

l’obligation. Le Baghavad Gita par exemple avance le devoir comme déterminant du choix et

de comportement. De ce fait, la partie compréhensible sur le plan économique de la pratique

religieuse ne concerne qu’un pan des activités religieuses : les obligations de dîme chez les

musulmans et les praticiens du judaïsme, le respect de jour consacré à la pratique de culte

chez presque toutes les religions du monde à l’exception du bouddhisme, etc., ainsi que leurs

conséquences dans l’organisation sociale et le rapport entre l’éthique religieux et l’esprit du

système économique (Max WEBER). Mais les relations entre les contraintes religieuses et la

Page 420: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

417

pratique économique elles-mêmes ne sont pas évidentes, car, selon le pays, le lien entre les

enseignements religieux et économiques sont biaisés par le fait que la religion n’apporte pas

seulement des principes susceptibles d’être attachés à l’économie, mais aussi des principes

contraires à l’économie236 .

En outre, la façon dont le calcul économique et le thème de l’art et de la littérature

traite la religion est différente, voire antagonique. La description littéraire met en relief

l’expression du moment, alors que la description économique rend compte des traces de la

pratique de la religion. On est donc en présence de deux contextes différents qui ne se

recouperont pas. Le fonds de la question est plutôt d’ordre idéologique et pratique.

Idéologique, car dans la réalité, les religions modernes insistent sur le caractère révélée de foi

et qualifie les religions traditionnelles de « naturelles » pour ne pas dire inférieur ; pour eux,

la religion relève d’un choix personnel, alors que dans la religion traditionnelle, d’après eux,

la pratique de la religion s’impose pour des raisons de contraintes culturelles. Le modèle de

l’homme idéal sous forme de complaintes divines sur l’état actuel de l’homme provient de ce

fait de leur propre conscience de soi; alors que la religion naturelle semble avoir comme

source les complaintes de l’homme blessé ou lésé demandant justice et conciliation avec l’au-

delà. Le modèle est donc dans la prière.

Sur le plan pratique, les religions sont instruites non pas pour leur enseignement

religieux, mais pour leur forme culturelle. Elles sont des composantes d’un système de valeur,

et ses contenus et messages sont des expressions sous une autre forme et pour d’autres

auditeurs d’un même message destiné, par exemple à des élèves, dans le cadre d’une

formation académique, par exemple.

Mais malgré ces problèmes, le calcul économique aborde aisément la religion par le

biais de la science. Sur le plan académique, il existe trois façons de considérer la religion : la

religion en tant que phénomène psychologique (Ludwig FEUERBACH), ou en tant que

phénomène social, et la religion en tant que phénomène indépendante. Mais dans notre cas, le

fait de ne pas aborder théologiquement les religions locales par la théologie est une aubaine,

car il indique que la religion n’est pas seulement un objet de la théologie, mais aussi d’autres

236 Tel est d’ailleurs le cas de la situation actuelle du capitalisme allemande et la pratique de la religion protestante dans ce pays : l’accumulation du capital est certes acceptée par l’ascétisme protestant, mais cette religion réclame aussi des préceptes moraux distincts de la recherche du profit, entrainant en fin du compte un système capitaliste original. (Voir à ce propos, Michel HAU, « Religion et capitalisme en Allemagne », in Alternatives économiques, n°160, juin 1998, page 98)

Page 421: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

418

théories et confirme ainsi notre démarche. L’anthropologue britannique Edward Evan

EVANS-PRITCHARD237 (1902 – 1973), étudiant la religion locale, qu’il qualifie de

primitive, constate qu’il y a deux façons d’aborder la religion locale dans la littérature

spécialisée : l’approche psychologique et l’approche sociologique. Les deux approches

cependant sont intéressées par le spectacle des rituels et des magies, ainsi que par les

superstitions qu’elles considèrent comme des actions psychologiques ou sociologiques, sinon

politiques (ALTHABE Gérard238) fondamentales de ces sociétés et dégagent de ceux-ci le

modèle de l’homme : l’homme idéal est celui qui se conforme aux règles de la nature. Ces

deux approches ne s’interrogent pas sur la logique et le profit matériel gagné par l’homme

idéal des religions locales, peut-être parce qu’elles considèrent cette pratique de façon

négative, des pertes économiques pour la société.

EVANS-PRITCHARD cependant remarque que malgré que la littérature scientifique

abonde dans le sens des rites et superstitions dans le rapport d’étude sur les sociétés

primitives, ces activités sont en réalité secondaires dans la vie quotidienne des populaces ne

pratiquant pas les grandes religions. Les rites et superstitions ne sont pas les uniques solutions

pratiques abordées. Autrement dit, la pratique de la religion, même avec une vision exagérée

de la situation, ne représente que pour peu, selon EVANS-PRITCHARD, dans la

détermination de l’homo œconomicus, mais il y figure quand même.

Le comportement économique des héros des livres de religion illustre ces idées : ils

ont fait preuve de calcul économique dans leur pratique religieuse, ils ont géré leur demande.

Les cas de Abraham et de Moïse sont intéressants, parce que leurs activités et de leurs

sentiments lors de l’accomplissement de celle-ci sont consignés sous forme de biographie

comprenant plusieurs séries apparemment isolées de décisions indépendantes et animées par

le calcul économique. L’histoire d’Abraham commence avec sa migration239 et s’achève avec

sa mort240 , celle de Jacob, avec les tribulations de sa naissance, ses duperies pour avoir le

237 EVANS-PRITCHARD Edward Evan, « La religion des primitifs à travers les théories des anthropologues », Petite Bibliothèque Payot, 1954, 154 pages, publié aussi sous édition électronique par Jean-Marie Tremblay 238 Tel est aussi la théorie de Gérard ALTHABE lorsqu’il étudie le rôle du tromba et du culte de la possession dans la communauté malgache : un moyen pour les individus qui ne sont pas nés avec le droit d’accession au pouvoir de prendre une revanche sur leur maître. En effet, quand possédé par la trombe, un individu est supposé ne plus être en possession de ses idées et pensées, il peut alors invectiver publiquement leur maître 239 Bible, Livre de Genèse, chapitre 12 240 Bible, Livre de Genèse, chapitre 25

Page 422: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

419

droit d’aînesse et ses actions pour exploiter son beau-père, enfin Moïse, comme Abraham a

décidé la migration. Ces narrations sont en fait composées de plusieurs séries de décisions

qui, ensemble et selon les narrateurs, forment une décision unique : la volonté de se fier à

Dieu. Cet objectif unique va être mis à l’épreuve des situations concrètes dans lesquelles nous

pensons pouvoir déceler la présence de calcul économique déterminant et conscient, et non

pas de la foi aveugle et ignorant. Aussi, l’homme, malgré la diversité matérielle de sa

situation, garde toujours un regard sur les biens et les objets matériels. Pour illustrer ces

propos, reprenons le cas des patriarches hébreux Abraham et Moïse.

1 ­ Le cas d’Abraham 

Abraham illustre les conditions de l’homme, stérile, pauvre (ou riche seulement de la

beauté ou de l’amour de sa femme) et errant, mais convaincu de la richesse future (postérité et

prospérité dans la stabilité). Abraham est décrit dans le modèle de AZZI et EHREHBERG

(voir IANNACCONE, 1999) comme étant le ménage qui répartit ses ressources entre les

objectifs domestiques (recherche de biens matériels) et les objectifs spirituels (allant jusqu’à

l’acceptation du sacrifice de son unique fils, un bien matériel rare).

Le cas d’Abraham soulève en outre le thème de la durée dans les actions ou de l’utilité

espérée qui anime les migrants. Abraham, relatait le narrateur biblique, quittait son pays natal

après avoir entendu la voix de Dieu lui promettant de faire de lui un patriarche occupant le

terrain fertile de la Palestine. En termes économiques, on dira qu’Abraham décide la

migration, à cause de l’efficacité des investissements en Palestine (fertilité relative du sol

palestinien par rapport à celui de son Ur natal), un objectif économique immédiatement

recevable, et à cause de la croyance selon laquelle il aura des descendants (un objectif

spirituel et matériel) effectif à très longue durée. L’objectif de longue durée semble revêtir un

caractère spirituel, mais reste matériel dans ses substances ; matériellement d’ailleurs cet

objectif ne profite pas à Abraham.

Serait-ce une conviction profonde ou une « religiosité » qui fait de son action une

prédestination. Pour analyser la situation nous allons poser les circonstances dans les termes

de rapport entre le court et le long terme. Abraham a quitté sa patrie natale parce qu’il a la

promesse d’avoir des descendants occupant le territoire qu’il va visiter241 . C’est un

comportement non économique, dans le sens ordinaire du terme, car la promesse ne contient

241 Bible, Livre de Genèse, chapitre 12

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420

aucune clause matérielle en faveur d’Abraham et qu’elle ne se réalisera même pas durant la

vie d’Abraham. Mais il est un comportement économique seulement si Abraham peut

actualiser le futur et considère comme des gains matériels la descendance et la possibilité

d’exploiter durant son passage, les terres fertiles qu’il va visiter. C’est ce que fit Abraham : Il

n’a pensé qu’à ses avantages matériels et immédiats, comprenant la promesse d’une

descendance. A l’époque et dans la culture juive, le fait de pouvoir procréer est une richesse

ou une bénédiction242.

Le rapport entre le court et le long terme peut aussi être analysé en termes de contrat,

en économie : Entre Dieu et Abraham le contrat est que ce dernier reste un serviteur fidèle,

mais faiblement payé du premier, en échange, de garanti de soutien durant la crise. Tel est

d’ailleurs la logique économique de contrat de travail. Mais, il y a une information

asymétrique : Dieu savait que les éléments matériels de la promesse ne serait pas pour

Abraham en personne, mais pour ses descendants, alors qu’Abraham est volontaire pour la

migration car il pensait faire du profit à cause d’une plus mauvaise situation dans son pays

d’origine que Dieu n’a pas pris en considération. Le choix de Dieu en faveur d’Abraham et

non, entre autres, de l’un de ses frères est économique car il profite à la fois Abraham et à

Dieu lui-même. C’est un choix satisfaisant l’équilibre de PARETO. Si Abraham avait eu un

peu plus de religiosité dans la tête et qu’il ne s’est pas préoccupé de ses propres intérêts, alors,

il aurait été le perdant dans cette transaction. A court terme, la fertilité du la terre justifiait

l’immigration, mais le long terme est une promesse pour lui d’avoir des descendants. Dans les

deux cas, Abraham ne perd rien en quittant son village.

Abraham est-il un être calculateur, et qu’il est guidé non pas par la foi comme le

prétend les rédacteurs de sa biographie, mais par ses propres intérêts matériels ? Pour

répondre à ces questions, trouvons-nous d’autres épisodes de la vie de ce héro. Prenons sa

décision de répudier sa concubine Hagar, avec qui il a déjà eu un enfant nommé Ismaël243 . Le

ou les biographes consignait qu’Abraham était contre la répudiation de cette esclave et de son

enfant, car elle mènerait ces derniers vers la mort certaine. Le problème auquel il est

confronté est moral. Sa solution économique serait théoriquement une compensation

matérielle : allocation de ressource matérielle pour l’enfant et la mère par exemple. Mais Dieu

et Sarah, l’épouse d’Abraham, se comportent en despote. Ils s’imposaient au dessus du moral

242 Voir à ce propos, la bénédiction divine à l’espèce humaine : « Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre, soumettez-là » (La Bible, Livre de Genèse, Chapitre 1, verset 28) 243 Bible, Livre de Genèse, chapitre 16, versets 1 à 16 et Chapitre 21, versets 1 à 20

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421

d’Abraham. Comment Abraham, sur le plan économique, va-t-il interpréter la situation ? Il va

utiliser la hiérarchie des morales qu’il faut reconnaître comme une réalité, et charge la Main

Invisible pour justifier sa décision. Son attitude, une soumission aux oracles divins, cache en

réalité une irresponsabilité civile (car il aurait du indemniser la mère et l’enfant) et se justifie

par la foi en la Main Invisible. Mais Abraham est un croyant, il – ou plutôt ses biographes -

ont justifié son action non pas par calcul économique, mais au concept de la foi. L’économie

offre un argument aux comportements religieux, voire non économiques. La science

économique actuelle est effectivement une idéologie de l’action de l’exploitant. Aussi, pour

analyser ce cas, nous procédons par un autre système d’argumentation.

Dans les deux cas, les décisions de la migration et de répudiation de la concubine,

Abraham faisait face à deux notions différentes de temps : l’immédiat et l’avenir. Chacun de

ces temps imposent de la moralité différente de l’action : le court terme demande une

compensation matérielle concret et réparant les dommages. Lors de son périple dans les terres

de Canaan, Abraham mérite un soutien matériel immédiat. Dieu l’a promis sous forme de

bénédiction, mais Abraham, et plus tard ses descendants, dans ses pérégrinations, ne

s’empêcher de glaner les produits bordant ses routes. C’est peut-être l’accomplissement de la

bénédiction de Dieu. De même, à court terme, Abraham doit couvrir les dépenses de son

esclave et de son enfant. Il a obtenu gain de cause auprès du bon Dieu, mais il s’est empêché

de donner raison à son esclave. L’injustice est flagrante. Pour justifier cette injustice, il ne faut

pas évoquer des prétendues éthiques et suprêmes comme la Main Invisible, mais une autre

morale déterminant du comportement humain : une période plus longue. Dans un temps plus

long, le même objet ou la même situation se trouve dans un autre concept de valeur et

d’appréciation. Aussi, saisi sous une portée différente de temps d’étude ou de réflexion, le

même objet ou le même cas apparaît sous un autre angle. Pourtant, ces différents laps de

temps coexistent pour apprécier la valeur de l’objet ou du cas ou du problème en question.

C’est ce qu’avait fait en réalité Abraham : L’objet ou le problème, dans sa forme présent, a été

conceptualisé par Abraham lui-même pour le cas de la migration. Il s’agit d’une exploration

d’un lieu (et en même temps, une exploitation d’une contrée plus fertile par rapport à celle de

Our en Calédonie d’où venait Abraham). Sous un autre angle, le périple était en réalité une

période déjà une phase de conquête de lieu. La transaction entre Dieu et Abraham était à la

fois une exploration et une conquête. Si on prolonge encore la réflexion, la transaction ne se

porte pas seulement sur le lieu de Canaan, mais du paradis lui-même. Abraham a vu dans

l’oracle de Dieu non seulement une déclaration de bénédiction qui va apparaître, mais aussi

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422

une bénédiction réelle, cachée sous les formes de gains matériels immédiats. La transaction

entre Abraham et Hagar se porte aussi sur plusieurs appréhensions de durée : l’immédiat était

la répudiation, mais elle était aussi une libération de Hagar et de son enfant né servant ou

esclave, et même la transaction était le transfert d’une partie de la bénédiction ou de contrat

entre Abraham et Dieu vers le fils de Hagar. C’est un objet unique devenu un ensemble de

plusieurs objets selon le laps de temps d’observation qui est l’objet de transaction entre Dieu

et Abraham et entre ce dernier et Hagar. Abraham a appliqué la même règle de comportement

dans tous les cas : la recherche de maximum d’utilité du bien promis par Dieu mais tenant en

considération le fait qu’il s’agit d’un bien unique appréhendé dans des laps différents de

temps, et non plusieurs biens futurs auxquels il faut actualiser les valeurs. Cette conception

présidait le comportement d’Abraham dans l’épisode du sacrifice d’Isaac244 .

Isaac était le fils donné à Abraham par Dieu et par lequel, il semble, sera accompli la

promesse. Dans cette situation, l’avenir et la promesse incarnée par Isaac sont échangés contre

une refonte automatique. Le sacrifice repose sur la perte apparente et immédiate de l’élément

immédiat du contrat que représente Isaac. Ce sacrifice très dommageable pour l’immédiat à

Abraham cache une espérance pour celui-ci. Peut-être espérait-il une clause très favorable

supplémentaire pour lui. En apparence, c’est une transaction inégale. Mais avec les différentes

strates de temps dans lequel se calcule la valeur réelle de la transaction, il s’agit d’un contrat

égal. Abraham dans ses transactions avec Dieu reste guidé non pas par le calcul économique.

2 ­ Le cas de Moïse 

Vis-à-vis du Pharaon son maître et parent, Moïse est un chef politique dirigeant avec

son frère Aron la libération des Juifs tenus en esclaves ; mais selon les rédacteurs de l’épisode

biblique de son histoire, il se présente comme le chef spirituel, fondateur de la doctrine juive.

L’analyse en termes économiques de sa biographie, lors de la traversée du désert avec le

peuple juif, retrace les fonctions de l’Administration publique conseillée par Dieu. Sous

l’inspiration de Dieu, Moïse introduit les lois sociales, hygiéniques, religieuses, et de façon

moindre, économiques au peuple juif. Certaines littératures avancent que les lois de Moïse

sont inspirées du Code d’Hammourabi et que le rituel religieux préconisé a été emprunté de la

pratique égyptienne environnante ; mais peu importe, le thème développé est le conseil de la

religion dans l’administration des facteurs de production, notamment le travail, au sein d’une

244 La Bible, Livre de Genèse, Chapitre 2 versets 1 à 18

Page 426: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

423

communauté nomade. La logique économique du peuple nomade se prête donc mieux à la

description de la situation envisagée. Ce type de littérature cependant est rare, et se confond

tantôt dans la théorie économique de la migration, tantôt dans les flots des récits

anthropologiques isolées de communautés nomades. Les tributs pasteurs nomades sont rares.

On trouve dans les chapitres retraçant les activités de Moïse les conditions morales de

prospérité d’une économie d’une communauté nomade : respect de ou d’une journée de repos

(le sabbat), rémission de dettes, etc. Ce qui est intrigant dans les chapitres, est la révélation

des phases de la vie matérielle de la communauté : la prospérité, période faste et de

bénédiction récompensant la fidélité à un ordre social (ou divin) et la crise, période de décès

et de maladie épidémique, de défaites militaires, de fuites et de désorganisation. Les chapitres

indiquent la conception hébraïque du bien-être : au sein de la communauté et pratiquant les

rituels recommandées de la religion. Ces chapitres doivent donc être comparés aux récits

relatant les fonctionnements d’une communauté nomade organisée autour de ses institutions,

sinon ils doivent être interprétés et localisés hors de la culture strictement chrétienne. En effet,

le rapport entre l’homme et dieu est manifestement exprimé en termes de religion dans la

conception chrétienne de ce terme, alors que dans les autres conceptions de la religion, le

terme religion désigne le rapport des hommes entre eux.

Dans ce dernier contexte, la religion explique ou étend le fondement de la relation des

hommes entre eux. Ce rapport cependant n’est pas seulement civil et basé sur des objets

communs, la communauté, mais aussi quelque chose d’animal, de mécanique et intégratrice,

par lequel l’homme perd son individualité pour entrer dans une sorte d’extase communautaire,

ou en termes économiques, pour apprécier le bien-être en collectivité. Dans ce contexte

d’interprétation, la religion devient le lien entre le monde et l’individu et l’homme (dans la

mesure où ce dernier est considéré comme étant un étranger de ce monde). C’est en tant que

tel que le comportement de l’homme est déterminant de la nature : l’homme est le seul être –

du moins jusqu’à présent connu – ayant un rapport avec la divinité, et de ce fait les actions

qu’il entreprend a un caractère divin à partir du moment où il reproduit l’action divine. Le

calcul économique est une des formes d’action ou de qualités divines ; il est conçu à l’image

de la perfection divine.

CONCLUSION DU PARAGRAPHE

Ainsi, même si les discours religieux n’utilisent pas directement l’expression « calcul

économique », d’autant plus que cette dernière est récente, il n’empêche que leurs propos

Page 427: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

424

recèlent l’idée de cette expression. Aussi, lorsqu’ils s’adressent à l’ensemble de l’humanité,

parce que chaque être humain peut ou doit parvenir et atteindre les qualités idéales que

chacun d’entre eux véhicule, en termes économiques, ils réclament tout simplement la

permanence de la pratique de calcul économique. Ainsi faisant, ils s’adressent aux hommes et

exposent leur propre vision de l’homme rationnel, un homme toujours prêt à l’action.

III – L’homo œconomicus se déplace 

Le calcul et la production de la richesse affectent la nature de l’homo œconomicus. Ce

dernier ne peut qu’évoluer et se déplacer avec ses activités ; l’homo œconomicus se construit

lui-même ou se découvre lui-même en franchissant l’interdit. Cette vision de l’homme auto-

réalisateur relève d’une thèse opposée de l’homme déterminé. Elle appartient à une théorie

soutenant l’émancipation de l’homme vis-à-vis de son créateur ou de ses sources. Cette vision

s’oppose aussi à la thèse qui considère que l’homme est une créature achevé et parfait. Elle

défend l’idée selon laquelle l’homme est un être abandonné par les principes qui l’ont

engendré, et que livré à lui-même, il cherche la voie vers cette source initiale, ou encore, il

suit son chemin, riche de ses sources initiales, de son totem, de son histoire.

Ce thème se rencontre dans les récits d’aventure de l’homme à la recherche de la

richesse ou de l’homme maudit qui fuit une damnation. Il n’est pas l’objet du récit où

l’homme riche de ses acquis affronte une situation exceptionnelle pleine d’énigmes et qui

demande de l’habileté et de la dextérité.

A. L’homo œconomicus franchit l’interdit 

La preuve matérielle de la réalité de déplacement de l’homme est la présence de ce qui

est appelée par l’expression « empreinte écologique » inventée par la WWWF. L’empreinte

écologique désigne la pression de la demande de l’humanité sur les ressources naturelles de la

Terre. Cet indicateur évalue la surface biologiquement productive de terre et de mer (en

hectare/tête) nécessaire à une population pour répondre à sa consommation de ressources et à

ses besoins d’absorption de déchet. Ceci se traduit certes par des changements des paysages

géographiques, par l’aménagement des terres, mais aussi des conséquences partielles sur la

faune et la flore. Des études ont montré par exemples, les conséquences des activités

humaines sur la survie des papillons, des changements climatiques sensibles à la suite de la

déforestation. La présence de la mobilité de l’homme se découvre par l’existence des lignes

Page 428: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

425

servant à des trajets humains aux environs desquels, la nature a relativement changé et s’est

concentrée en une large bande d’empreintes écologiques. Ce sont les pistes et sentiers qui se

sont modifiés ou rejoints au fur et à mesure que l’homme se déplace.

Cet indicateur théorique ouvre la voie à une réflexion : L’homme habite une bande

continue et est à l’affût de débordement de lieu. La continuité de l’espace ayant subit la

présence de l’homme se transforme en une bande de territoire à l’intérieure de laquelle seuls

les êtres humains peuvent se mouvoir. La terre semble se départager entre les territoires

habitables et non habitables, et l’homme ne fait que circuler dans l’espace habitable de la

terre. On se retrouve alors, encore et une fois de plus devant une vision duale du monde : le

permis et l’interdit, mais cette fois-ci, au niveau de la planète. Nous dirons alors que l’homme

se déplace sur les bandes des territoires permis vers des terrains interdits ou seulement sur les

bandes permis. L’homme a donc un choix qui se manifeste par sa décision d’être sur le

chemin battu ou sur le bord de la voie permise, quoique dans tous les cas, il soit sur la route.

Par nature il est un être qui est à la recherche continuelle d’innovation décrites par les théories

de Joseph Aloïs SCHUMPETER. Il est de ce fait un entrepreneur.

Le caractère entrepreneur de l’homme résulte des sens de la richesse et de l’interdit.

Qu’il soit sur le permis dans l’interdit, le sens de richesse lui colle sur la peau, de même,

lorsqu’il est dans l’interdit, ou plus précisément sur le point de pratiquer l’interdit, le sens de

la richesse lui accompagne toujours. A cet effet, on constate qu’empiriquement plus le calcul

économique fait par l’homme n’est élevé, moins le mouvement ou le déplacement sont

fréquents.

Les interdits sont régulièrement franchis, comme si au départ, l’homme est

emprisonné et que l’histoire est retrace le mouvement de l’homme vers une fin, une destinée

inévitable. Le récit de la franchise des interdits est particulier dans le sens qu’il répond à un

besoin de connaître l’ordre et en même temps de muser l’auditeur vers un point de son

imagination ; il est une littérature scientifique. Chaque fois un exploit d’un héro est narré, une

partie de la limite de l’homme est repoussée, car l’exploit narré indique à la fois un objectif

atteint et la triomphe de l’idéal. Les autres récits, et pourquoi pas, tous les récits, ne sont alors

que des récits de cette franchises.

Une étude critique du dépassement des interdits ouvre alors la question de l’idéal de

l’homme sur le thème de décadence ou de perfection de l’homme. Des faits comme la

Révolution industrielle, et d’une façon générale l’innovation, sont des circonstances durant

Page 429: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

426

lesquelles les limites de la société sont repoussées et demandent une nouvelle modélisation de

comportement. La généralisation de ce débat se traduit sous forme de la question le rapport la

matière et l’idée, ou encore sur les thèmes parlant de la fin du monde. Conséquences, l’idéal

de l’homme évolue.

Dans la bible (live de genèse), l’homme tout seul avec sa faiblesse, n’a pas pu franchir

l’interdit ; le diable lui vient en rescousse sous forme de persuasion. La raison est en quelque

sorte le maillon faible qui pousse l’homme à franchir l’interdit. Dans la littérature sumérienne

de GILGAMESH, l’homme est présenté comme un être dictateur et corrupteur que même le

fils de dieu descendu sur terre n’a pas pu résister. Cette capacité de se défaire de l’ordinaire

est une force économique puissante théorisée, en économie, en termes d’innovation et qui

n’est propre qu’à un certain type d’individus : les entrepreneurs. Dans les littératures

anciennes (notamment de l’Antiquité grecque), cette capacité est appelée de l’esprit, ou

encore de l’intelligence. Les théories se séparent cependant sur la localisation de cet esprit (ou

intelligence). Pour les uns, il est dans la matière, alors que pour d’autres, dont le philosophe

EMPEDOCLE et DEMOCRITE, il est séparé de la matière. Une remarque spéciale mérite

d’être notée sur la théorie d’EMPEDOCLE.

Pour EMPEDOCLE, l’esprit se compose de deux forces contradictoires : l’amour et la

haine. Le premier rapproche, alors que le second produit de la répulsion. Ces deux forces co-

agissent dans la formation et dans la destruction du monde (on note la conception mécanique

de la formation et de la destruction du monde) : Si l’amour triomphe, le monde vit en

harmonie, alors que inversement si la haine remporte la lutte, le monde éclate (LANGE 1910,

page 33). La création (et par extension, la production) est le résultat de séries d’accidents tel

que des déchets existent. Elle se fait sous forme de combinaison des objets de la nature, avec

ses produits secondaires (en termes économiques, « les externalités »). Ces derniers,

cependant, ne résistent pas dans l’existence et sont condamnés à disparaître, alors que la

véritable production possède une capacité de se reproduire. En termes économiques, nous

disons que la production et l’innovation sont les résultats d’accident ; et seule demeurent dans

la production, les produits qui peuvent faire l’objet d’innovation.

Pour le philosophe grec de l’Antiquité, DEMOCRITE, l’esprit est une matière existant

à côté de la matière. L’esprit a ses besoins et ses satisfactions ; il se satisfait du bonheur, alors

que le corps réclame des objets matériels. C’est DEMOCRITE qui affirmait le premier (dans

la pensée occidentale) que le corps n’est qu’une vase contenant l’âme et que cette dernière en

Page 430: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

427

est l’essentiel de l’homme et qu’elle qui fait mouvoir le corps Aussi, dans ce sens, la

recherche de « l »’homme consiste à localiser l’âme et en même temps la nature de celle-ci.

Seulement, l’homo œconomicus, du moins d’après les propos de ses premiers concepteurs (les

néoclassiques et les classiques) n’est pas une âme ; à peine est-il une représentation de

l’homme idéal d’une circonstance (en l’occurrence, le marché). C’est la psychanalyse et les

sciences humaines qui ont montré la fonction de la représentation dans la connaissance de

l’homme.

Friedrich-Albert LANGE constate que les philosophies de DEMOCRITE et

d’EMPEDOCLE ont été les sources de contes et de fables décrivant la puissance de la nature

ou encore les effets de l’union de demiurges pour expliquer la nature et la vie qui y est

dépendante (LANGE 1910, page 35)

B. Il évolue 

La position mentale d’être à l’orée de permis et de l’interdit entraîne un conflit

intérieur intense au niveau de l’espèce humaine, « un malaise dans la civilisation » selon le

thème de ; l’homo œconomicus est un être en conflit.

Le conflit est une seconde nature d’être de l’homo œconomicus. Il provient, affirme le

consensus des économistes, de la conscience de la rareté et de l’utilité des objets de la nature,

entraînant une lutte contre la nature en vue d’en extraire un peu plus de produits utiles. Cette

dernière est à moitié gagnée par la coopération entre les êtres humains prenant la forme de

division de travail permettant d’augmenter la production. Mais le regroupement des individus

en société, apparemment, n’a fait que mettre en exergue un autre problème : l’homme

consomme plus que le permet la production sociale. Aussi, devant ce fait, l’homo

œconomicus développe des outillages et artifices pour augmenter un peu plus la production et

en même temps, il détruit les travailleurs supplémentaires. Autrement dit, la lutte dont l’homo

œconomicus fait face est une opération de régulation de la taille de la population en fonction

du développement des outillages pour produire la quantité suffisante et satisfaisante de

produit. L’homo œconomicus calcule un volume optimal de la population susceptible de

profiter de la production, compte tenu de la qualité technique des outillages façonnés. Il s’agir

d’une opération d’appariement

Page 431: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

428

L’objet de la lutte de l’homo œconomicus cependant n’est pas évident. En effet, la

consommation des objets matériels est une raison suffisante de ce conflit.

L’homo œconomicus ne cherche pas le profit, mais la survie. Le profit, en effet, est

une notion sociologique et limité dans le cadre du capitalisme. Le profit n’existe que sous

certaines conditions : l’exploitation de l’individu et l’appropriation individuelle des produits.

Cet ensemble cependant, ainsi que les autres ne s’inscrivent que dans un contexte de survie il

y a une exploitation de l’économie d’échelle, avec une répartition inégale.

A voir de près cependant, ces pratiques aveugles de la recherche de conformité aux

lois de la nature s’inscrivent également dans une logique économique. L’interprétation des

causes des interdits, à l’exemple des communautés nomades juives de l’Ancien testament,

indique que les lois de la nature permettent à la communauté de garder leur intégrité raciale et

d’avoir automatiquement des règles sanitaires. De même les jours fastes ou néfastes de

l’astrologie malgache (fanandroana) est la réplique de repos sabbatique juive, elles sont

nécessaires pour restaurer les forces physiques des hommes, étant donné leur effort nécessaire

pour le déplacement.

Les fouilles réalisées autour des temples européens montrent l’existence de quelques

locaux précis et d’ustensiles indiquant une identité de sens, à tel point que des chercheurs

découvrent aisément l’existence de quelques thèmes communs à toutes les religions : le

sacrifice. A partir de ce point commun, se dégage aussi d’autres thèmes relevant d’un

problématique locale ou universel : par exemples, chez le tribut (appelé en Malgache par le

mot « foko ») merina à Madagascar, les ethnologues qui ont fréquenté les lieux de cultes

traditionnelles ont constaté la préoccupation des pratiquant de la religion traditionnel se porte

sur des questions de santé, sinon de la lutte contre la grêle245. Dans les communautés indo-

européennes, les fouilles archéologiques indiquent la présence de lieu de sacrifice et la

croyance au dieu de la fortune sinon de la procréation.

Quel est le sens économique du sacrifice religieux ?

La notion de sacrifice suppose une idée de violence. Il est un moyen d’accéder au

sacré. Le sacrifice n’existe que dans les communautés où un ordre des valeurs est établi246.

245 Voir MOLLET Louis, « La conception malgache du monde surnaturel et de l’homme en Imerina », Tome II, L’Harmattan 246 Voir GAUTHIER François, « La finitude consumée. Le sacrifice dans l’Inde ancienne de l’orgiasme à l’ascète. », in Religiologiques n° 23, printemps 2001, pp. 247-276

Page 432: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

429

Etant donné le caractère social inévitable de l’homo œconomicus, le sacrifice ne s’accomplit

que dans la mesure où son acte est compris et appréciée par les membres de la communauté.

Cette compréhension peut se traduire sous forme de communication officielle du groupe

d’appartenance du sacrifiant, sinon par l’existence d’un rite durant laquelle le sacrifice est

reçu. C’est cette quête de compréhension et non plus de critique qui fait que cet acte religieux

relève du caractère de l’homo œconomicus.

Le sacrifice est un signe de contact avec la sphère de l’au-delà247 .

Ainsi, le discours sur l’homme ne parle que de la contradiction entre l’intuition ou

l’intelligence spéculative dont dispose l’homo œconomicus et la portée de son action, et à

travers ces thèmes l’homme en général : un être qui sait non seulement ce qu’il faut faire et

comment faire, et même ce qui se passera, décide de répondre par une action spécifique et

ponctuelle à une réalité imposante et durable. Ses capacités de prévision devraient engendrer

chez lui, ou bien un comportement stratégique ou bien une série modèle de programmes

d’actions, à l’image de modèle prévisionnel de coup dans une partie de jeu d’échec. Le

modèle de l’homo œconomicus est de ce fait trop restreint pour décrire les actions dignes de

ses capacités.

CONCLUSION DU CHAPITRE : L’HOMO ŒCONOMICUS EST UN PRODUIT DE L’ETHIQUE SUR L’INTIMITE

L’homo œconomicus est un produit de l’éthique économique caractérisée par une

vision particulière des objets et de rôle de l’éthique. Il désigne le modèle de l’homme pratique

ou du réel qui critique ce qu’il fait, ou qui observe ce qui se trame à l’intérieur de chaque

homme y compris lui-même. De par cette activité, il ne peut pas donc être l’objet d’une

observation critique, car il représente « la » critique de l’homme ; il est unique en son genre.

De par sa dénomination, il est un produit du discours des économistes, mais de par sa nature

telle que la retrace l’ensemble des rapports anthropologiques, il est plutôt un homme de la

psychanalyse, un être qui se cherche et qui se donne une raison ou une valeur pour justifier

son acte. Ce caractère inquisiteur et fortement attaché aux valeurs éthiques est exploité par les

psychanalystes pour mettre en relief la réalité de l’inconscience dans le comportement de

l’homme réel.

247 Voir GAUTHIER François, Op. cité.

Page 433: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

430

Cet être cependant n’est pas un bloc indépendant de la nature ; il représente seulement

ce que la science a d’idéal dans l’adéquation de comportement humain dans un modèle. A cet

effet, il semble que la science exploite plutôt l’hypothèse de la possibilité d’une adéquation de

la nature avec celle de la nature véhiculée fondée sur le constat de l’universalité de caractère

critiquant de l’homme. De ce point de vue, il apparaît alors que ce n’est pas la sensation de

besoin qui pousse et oriente l’action, mais la contemplation critique de la nature, la

conscience de l’interdit, et la force qui veut attirer ces objets à pénétrer dans le domaine de

l’interdit. Aux « yeux » de l’homo œconomicus, alors la nature est l’objet de critique, de

réflexion et d’action ; c’est en tant que homo œconomicus que l’homme se présente comme

un sujet et la nature, comme objet.

Quel que soit le terme descriptif utilisé pour arriver à l’existence de l’objet, qu’il s’agit

de « production », ou d’«apparition », ou même, de « création », le fond de la question

d’existence des objets est sa compréhension : il faut du temps à l’homme pour saisir et

comprendre la réalité et le passage de l’objet. Aussi, dans le référentiel économique, le thème

de l’incrustation d’un objet dans l’espace social correspondant à une transformation de celui-

ci en marchandise, ouvre-t-il la question de la durée humainement exigée pour saisir

intellectuellement la réalité du passage d’un phénomène.

Chaque objet possède sa propre durée, et les objets dont la durée semble éternelle

s’incrustent dans le monde social. En effet, chaque communauté semble avoir un point de

repère pour identifier la durée, ne serait-ce que par les calendriers lunaires, ou par le nombre

de jours : nombre de jour de voyage, de fécondation ou nombre de jour précédant le

changement ou l’extinction ou la disparition d’un objet. L’incrustation des objets dans la

société ou l’attachement de l’individu à un objet est donc une question de besoin

d’appartenance et de durée de perception, aussi, la question est de savoir quelle est la relation

entre l’objet et l’individu ou plus précisément qu’est-ce qui fait que l’homme et l’objet sont

deux notions inséparables à tel point que de cette combinaison émerge l’homo œconomicus

ou encore par quelle théorie peut-on faire émerger du néant, la notion de homo œconomicus ?

D’un côté, les différentes théories de la formation cosmologique comme la théorie de

chaos d’Ilya PILGINE est tentante. Selon cette théorie, du chaos émerge un corps rationnel,

en l’occurrence, du chaos issu de l’imprécision des concepts hétérogènes et complexes que

sont l’homme et l’objet, émerge une réalité qu’est le calcul économique. Mais dans un autre

sens, nous dirons que le calcul est aussi un élément provenant de la croyance. Croire, c’est

Page 434: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

431

aussi faire du calcul, et faire de la spéculation sur l’avenir. Le calcul économique, en effet, ne

fait que confirmer ce qui est préalablement cru. Cette deuxième approche est d’ailleurs

confirmée par la présence de l’élément temporel dans la nature de l’objet : la foi est un

élément qui s’inscrit automatiquement dans le temps. Aussi, l’homo œconomicus est un

concept de comportement qualifié dans le temps. La littérature peut décrire le comportement

d’une divinité, alors que l’économique s’épanche pour sa part, sur l’homme de calcul. Dans ce

sens alors, le concept de calcul économique désigne un idéal de comportement dans un monde

meilleur ou une éthique dans un monde qui devait être le meilleur, parce que prévisible et soit

ou au moins compréhensible. C’est l’étique économique qui permet de répartir les objets entre

les « facteurs de production » et les « produits des facteurs de consommation», et ce, dans un

contexte où tout ce qui existe a été portée par le laps de temps, et que certains objets sont

qualifiés de « bons » pour la production, alors que d’autres pour la consommation.

Les objets sont des biens, lorsque et seulement lorsqu’ils sont perceptibles

intellectuellement. Avec la mondialisation, l’expression « ensemble des objets » est

conceptualisé par le concept de l’environnement, aussi, le concept d’éthique prend-il une

dimension intellectuelle plus concrète et officiellement associée avec l’éthique de

comportement économique. La prise en compte des biens à venir confirme l’idée que les

objets proviennent de la conscience des hommes ; aussi, l’homo œconomicus ne peut-il être

que celui qui peut prendre en considération la meilleure allocation des ressources dans une

perspective temporelle imprécis.

La dualité objet – homme n’est pas une relation dialectique, mais une coexistence

inséparable de deux concepts : l’homme est dans un milieu, et le milieu est déterminé par

l’homme. Cependant, la notion de détermination reste une énigme. La réalité est que

l’environnement est un destin d’objets susceptibles d’emprisonner l’homme ; autrement dit, la

raison d’être du calcul économique est d’extraire l’objet du néant, et cette extraction se

continue avec d’autres objets comprenant l’homme. Avec ce processus, il est alors possible

créer ou de construire une science à part entière qu’est la science économique.

Page 435: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

432

Conclusion du Livre  

Le thème de l’homme est formé d’abord de discours sur les formes, les symboles et les

représentations perceptibles de l’homme, et ensuite, de discours sur ce qu’on croit être de

l’essence de l’homme. Il est à la fois un discours sur l’homme universel et sur sa substance

quotidienne, un discours portant à la fois sur l’apparence et l’essence. Dans l’évangile et dans

la littérature gréco-romaine, ces deux discours sont opposés l’un à l’autre formant une

problématique de : « que pense l’homme de l’homme ? », identique à la question « Que pense

l’homme à propos du fils de l’homme ? » biblique248. Le fond de la question est la substance

de l’homme, parce qu’elle est cachée par l’apparence et parce que le thème de l’homme est

dominé par des propos sur la résistance de cette apparence à l’investigation intellectuelle en

profondeur de l’homme. Le visible s’est imposé sur l’intelligible. La réalité de ce dernier,

relative à une culture, dénote un comportement certain, une valorisation de l’inconnu, une

sorte de puissance attractive, l’appel de l’abîme, comme une anecdote philosophique.

Mais durant notre investigation, nous avons constaté qu’il ne s’agit pas vraiment de

l’abîme, ou d’un sentiment « océanique » comme l’affirme FREUD, mais plutôt, de

l’attraction de la faiblesse. L’homme est attiré par la faiblesse et par la richesse. Dans la

littérature, la faiblesse est la femme. Dans la science économique, par contre, cette faiblesse

présentée de façon thématique par la situation des femmes (dans la mesure où cette dernière a

un statut économico-politique inférieur à celui de l’homme), par les thèmes de sous-

développement, de besoin, bref, de tout ce qui n’est pas conforme à la vision humaine de

l’être bien (ou en termes philosophiques, de « l’entendement »). Pour notre part, nous avons

développé la faiblesse comme étant une partie intégrante de l’homme (interprétation stricto

sensu de l’unité de l’homme et de la femme d’après le récit biblique).

Le récit de l’homme ne peut pas être un récit engagé ; il est un récit contemplatif. Le

dieu de la bible contemple ses œuvres et constate que tout est bien ; l’homme-économiste se

contemple lui-même et constate qu’il y a des insatisfactions, des besoins, bref et en termes

bibliques, il y a la femme et la richesse. Les économistes ont traité la nature de l’homme en

termes de besoin et non en termes de femmes ou de faiblesse. L’histoire universelle est donc

une histoire de l’homme prenant progressivement conscience de ses faiblesses et non pas une

248 Voir La Bible, Le Nouveau testament, Evangile selon Mathieu, chapitre 16, verset 13

Page 436: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

433

histoire des forces productives. Les spéculations philosophico-religieuses ont pu percer la

carapace de visibles de l’homme par des narrations plus ou moins théâtrales mettant en jeu

des protagonistes démiurges, « la » femme, la faiblesse de l’homme et l’homme. Elles sont

parvenues à la découverte des substances typiquement humain, comme l’âme, les vertus, le

destin, etc. L’âme est-elle tellement parfaite qu’elle se comporte comme un comportement

idéal et informée. Cette âme est la découverte de l’introspection, de la conviction forte de

l’homme.

En tant que question d’apparence ou de position sociale, la question de qui est

l’homme ou qui est l’homo œconomicus peut se poser dans les rues, mais en tant que question

d’essence, la question devient un problème et se pose dans un aréopage de sages, de savants

sinon d’initiés, sinon dans le silence de l’intimité ou de l’introspection. L’homo œconomicus

est la réponse de la société savante pour parler de l’homme ; c’est aussi la solution, le nom

magique, permettant de résoudre les problèmes de l’identité humaine. Dans la littérature, il

évoque l’idée de démiurge ; dans la littérature économique, il évoque un ensemble

d’arguments et de références pour décrire et expliquer le fonctionnement d’un système, pour

placer l’homme dans un phénomène économique pure c’est-à-dire qui ne peut pas être décrit

ou saisi par une autre discours (exemples, l’inflation, le marché, etc.) et pour résoudre

d’autres en rapport avec l’homme, comme les problèmes politico-économiques du genre, ou

encore les problèmes pratiques concrets laissés à la charge ou en marge de la société (exemple

le problème écologique suppose un homo œconomicus inconscient du futur, égoïste et au

calcul relativement bon pour le moment..

Les réponses de la question de la représentation de l’homme par l’homme se conçoit et

se déduit de l’analogie avec celle de JESUS et des autres démiurges narrés dans la littérature

plus particulièrement religieuse. Ce sont : premièrement, les symboles et images figés de

l’homme avec lesquels l’homme se décrit lui-même et qui sont des mouvements et des actions

et non la finalité de l’action, et deuxièmement, l’ensemble des actions et de mouvement que

peut entreprendre l’homme, et troisièmement, la finalité ou le sens des activités humaines vers

lequel un arrêt peut être envisageable. Le monde n’est pas chrétien, mais la représentation de

l’homme est chrétienne, peut-être à cause de l’influence du christianisme, mais surtout à cause

des concepts et thèmes que cette religion a développé.

Les symboles et images figés de l’homme pénètrent de plus en lus dans la vie

quotidienne ; ils entretiennent en permanence l’existence de l’homme dans chaque être

Page 437: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

434

humain. Ce sont des lignes et des courbes usuelles placées à des endroits signalisant la

présence de l’homme. Exemples les figurines artistiques, ou encore les figurines des plaques

de signalisations diverses. Ces figurines images représentent ou évoquent des activités

précises de l’homme ainsi que l’imminence du repos. La figure de l’homme sur du panneau

de signalisation de passage piétonnier, par exemple, ne concerne que l’homme dans un lieu

précis ; il ne peut être évoqué, ni n’a de sens que pour l’homme qui traverse une rue utilisée

aussi par des véhicules. Son évocation s’arrête lorsque le piéton a traversé le tracé qui leur est

réservé. Le sens de la gravure du chasseur figuré dans les cavernes s’arrête avec la mort du

gibier, la pose photographique s’achève avec la photo, etc. La finalité ou le sens des activités

humaines vers lequel un arrêt peut être envisageable, par contre soulève des évocations. Elle

constitue à la fois un « lieu de repos » - selon la conception aristotélicienne - ou encore un lieu

où l’action pour laquelle la représentation a été faite perd son sens, et un lieu de nouveaux

départs ou plus précisément, de cogitation et de programmation de nouvelles actions. Le bout

de la représentation de l’homme sur un panneau de signalisation routière, par exemple, ou

encore la fin du clic de l’appareil photographique, etc., sont des signes de la fin d’une

représentation et le déclenchement de l’activité intellectuelle et de fin de l’ancienne action.

Dans la représentation de l’homme dans la science économique, le mot « profit » évoque à lui

tout seul cette finalité et lieu de repos. L’expression « homo économiques » est une synthèse

de ces deux représentations : elle désigne à la fois l’homme se dirigeant vers le lieu de repos

et l’homme parvenu au lieu du repos. Le mot « profil » est en quelque sorte « l’âme » de cet

homo œconomicus. La représentation de l’homme par l’économie est donc susceptible d’être

circonscrite dans quelques concepts symbolique : le profit, le travail, la disponibilité pour

l’échange, etc. Chaque théoricien, chaque participant à un débat sur l’homme peut apporter

leur propre objet fétiche de représentation de l’homme ; le discours sur l’homme tombe dans

la rue.

Le prolongement de cette conclusion sur le discours sur l’homme indique – du moins

d’après la philosophie de ARISTOTE - une indétermination intrinsèque (ce qui est bon ou

mauvais ne l’est qu’en fonction de la notion usitée de bonheur, alors que le bonheur n’est ni

bon ni mauvais, ou du moins ineffable et non qualifiable), et surtout ce discours révèle

l’existence de deux discours : la théorie et la croyance. Le discours sur l’homme est un

discours ouvert et non encore achevé, théorique et fidéiste. Or théorie et croyance, dans le

contexte actuel, sont fortement configurées par les enseignements doctrinaires des religions.

D’où les problèmes pratiques et épistémologiques : le discours sur l’homme ne se construit

Page 438: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

435

pas sur une base académique unique, et de ce fait, il est toujours contestable ; en outre, il ne se

construit pas également sur la base de fait de l’homme réel ou de l’ensemble des hommes,

mais sur la base de la représentation de l’homme. Le discours sur l’homme est une narration

imprégnée de considérations à la fois, pratiques, théoriques (ou éthiques) et dogmatiques,

quoique ces considérations ne s’intègrent pas les unes aux autres249, ce qui fait qu’un mal-dit

persiste sur le discours sur l’homme. Mais cela n’altère aucunement l’apport de la littérature

sur le thème de l’homme, notamment par leur thème de l’homme modèle ou de l’homme

représenté dans l’étude scientifique de l’homme et surtout le fait que la plupart des littératures

sinon toutes, indiquent que l’homme est à la recherche d’un bien ou du bien suprême. Avec

cette promesse alors, nous allons essayer de reconstruire un discours sur l’homme. Ce

discours est bâti sur les fondations inachevées des représentations disciplinaires différentes de

l’homme. Autrement dit, nous reprenons autant que possible ce qui a été dit sur l’homme pour

établir l’état de lieu de l’expression « homo œconomicus ».

A cet effet, notre point de départ a été des réflexions sur la représentation de l’homme

par lui-même, ou plus précisément l’ « homme représenté » ou de « l’homme narré » -

expressions que nous avons utilisé de façon indifférente. La construction de la représentation

de l’homme et l’utilisation de la représentation de l’homme, ont été le premier produit et le

premier facteur de production de l’humanité. Ce sont les premiers produits sociaux et les

premiers facteurs sociaux de production. En plagiant la partie biblique portant sur la création

de l’homme, nous résumerons alors que dieu créa l’homme, et ce dernier s’est créé son propre

image.

Les réflexions sur la représentation humaine existent mais, sont disséminées dans les

variétés de classification des sociétés et des communautés. Les matériaux avec lesquels on

peut concevoir « la » représentation de l’homme sont si nombreux et tellement vernaculaires

qu’ils semblent hétérogènes et ne se prêtent à aucun regroupement. Aussi pour surmonter ce

problème, nous ne pouvons qu’emprunter des propositions que nous jugeons arbitrairement

d’importantes dans la représentation de l’homme représenté ; d’où le titre du chapitre

premier : « des réflexions empruntées sur la représentation de l’homme ». A cet effet, nous

avons pu profite des apports des disciplines de la science de l’homme et de la philosophie

pour meubler nos propos. Nous avons exposé la démarche de cette construction de théorie

249 Cette situation est flagrante dans les théories économiques des activités religieuses, dans la mesure où les activités religieuses relèvent de la pratique économique. Le modèle a été formulé par AZZI et EHRENBERG (1976), dans lequel l’économique est le moral.

Page 439: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

436

économique dans un second chapitre ; ceci nous a permis, en troisième chapitre, de préciser le

contour de l’homme modèle de l’économie qu’est l’homo œconomicus, avec lequel nous

avons achevé la présentation introductive de l’homo œconomicus. Il nous reste alors à

exploiter de cet apport des autres disciplines, de leur activités de débroussaillages du terrain

sur le thème de l’homme pour parle du fond de la question de l’homme à partir de son

véritable lieu de péroraison : l’économique. Tel est l’objet du second livre.

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437

NOM DES DIVINITES ET DES PERSONNAGES DES RECITS  

BOUDDHA, Fondateur du bouddhisme, (v. 525 av. JC) ....................................................................................15, 17 

GILGAMESH (IIIe millénaire avant notre ère) Héro de récit sumérien ................................................... 21, 192, 420 

IKOTOFETSY, Héro de contes populaires malgaches........................................................................................... 126 

JESUS, dit aussi JESUS‐CHRIST Fondateur du christianisme et considéré à la fois comme une personne et un dieu

 .......................................................................................................................................................................... 17 

KRISHNA, dieu hindou .................................................................................................................... 13, 326, 329, 330 

OSIRIS, Dieu de l’Antiquité égyptienne ................................................................................................................. 12 

 

 

 

LISTE DES NOMS PROPRES CITES 

ANAXIMENE (v. 586 av. J.C. – v. 526 av. J.C.) Philosophe grec de la nature ......................................................... 28 

ANDRIANAPOINIMERINA Roi unificateur des habitants de Madagascar .............................................................. 19 

APULEE en latin LUCIUS APULEIUS THESEUS (v. 125 – v. 200) Ecrivain et philosophe romain ............................. 97 

ARISTOTE (384 ‐ 322 av. J.C) Philosophe grec .......................................................................... 5, 132, 379, 414, 434 

AULU‐GELLE dit GELLIUS (v. 130 – v.180) Erudit grammairien et compilateur latin ............................................. 96 

BAUMGARTEN Alexander (1714 ‐ 1762) Philosophe allemand ............................................................................ 43 

BERGSON Henri (1859 ‐ 1941), Philosophe français ............................................................................ 131, 248, 415 

BERKOFF Stephen (1935 ‐ ) Auteur dramatique anglais ..................................................................................... 130 

CAITANYA (1486 – 15300) Religieux né en Bengale ............................................................................................ 284 

CARLYLE Thomas ( 1795 ‐ 1881) Essayiste et historien écossais ......................................................................... 315 

CARROLL Lewis (1832 ‐ 1898) Auteur anglais, mathématicien et logicien ............................................................ 72 

COMTE Auguste (1798 ‐ 1857), Sociologue français ............................................................................................... 1 

DANTE Alighieri (1265 – 1321) Poète italien ....................................................................................................... 307 

DARWIN Charles Robert (1809 ‐ 1882) Naturaliste britannique ................................................................. 141, 142 

DEFOE Daniel (v 1660 ‐ v 1731) Ecrivain anglais ................................................................................................... 37 

DELEUZE Gilles (1925 ‐ 1995) Philosophe français ............... 19, 52, 53, 54, 57, 58, 65, 72, 132, 144, 240, 316, 367 

DESCARTES René (1595 ‐ 1650) Philosophe, scientifique et mathématicien français ............................................ 6 

DURKHEIM Emile (1818 ‐ 1917) Sociologue français .................................................................................... 69, 398 

ECKHART Maître (v 1260 ‐ v 1328) Théologien dominicain ........................................................................ 102, 173 

EINSTEIN Albert (1879 ‐ 1955) Physicien américain d'origine allemande ............................................................. 33 

FEHR Erns Economiste contemporain travaillant à l'Université de Zurich sur le comportement humain .......... 298 

FEUERBACH Ludwig (1804 ‐ 1872) Philosophe allemand ....................................... 22, 183, 230, 338, 349, 369, 417 

FEYERABEND Paul Karl (1924 ‐ 1994) Philosophe autrichien membre du Cercle de Vienne .............................5, 18 

FOUCAULT Michel (1926‐ 1984) Philosophe français ................................................................................. 358, 369 

FREUD Sigmund (1856 ‐ 1939) Psychanalyste autrichien  6, 20, 67, 69, 72, 167, 168, 193, 300, 383, 386, 402, 426 

Page 441: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

438

GENNEP Arnold Van (1878 ‐ 1957), Ethnologue français .................................................................................... 122 

GEORGESCU‐ROEGEN Nicolas (1906 ‐ 1994) Economiste ........................................................................... 136, 137 

HAYEK Friedrich August (1899 ‐ 1992) Economiste anglais d'origine autrichienne ..................... 2, 6, 327, 349, 353 

HEGEL Georg Wilhelm Friedrich (1770 ‐ 1831) Philosophe allemand ........................................................... 63, 237 

HERACLITE (v. 540 av. J.‐C.‐v. 475 av. J.‐C.), philosphe grec ............................................................................... 248 

HOBBES Thomas (1588 ‐ 1679) Philosophes anglais ........................................................................................... 253 

HORACE (65 – 8 av. J.C) Poète romain .................................................................................................................. 97 

HUME David (1711 ‐ 1776) Philosophe écossais ......................................................................................... 195, 375 

ISAIE (740 – 687 av. J.C.) Prophète hebreu ........................................................................................................... 42 

JESUS, dit aussi JESUS‐CHRIST Fondateur du christianisme et considéré à la fois comme une personne et un dieu

 ..................................................................................................................... 10, 11, 124, 195, 250, 352, 412, 432 

KAHNEMAN Daniel Economiste américain, Prix Nobel en 2002 ......................................................................... 298 

KANT Emmanuel (1724 ‐ 1804) Philosophe allemand ............................................................................................ 5 

KIERKEGAARD Søren (1813 ‐ 1855) Philosophe danois ................................................................................. 46, 381 

LAMARCK Jean‐Baptiste (1744 ‐ 1829) Naturaliste français ............................................................................... 141 

LEVY‐BRUHL Lucien (1857 ‐ 1939) Philosophe français ........................................................................................ 57 

LOCKE John (1632 ‐ 1704) Philosophe anglais .................................................................................................... 195 

MALTHUS Thomas Robert (1766 – 1834) Economiste britannique ...................................................................... 58 

MARX Karl (1818 ‐ 1883) Philosophe allemand et théoricien du socialisme ........................... 37, 68, 344, 367, 411 

MASLOW Abraham (1900 ‐ 1970) Psychologue américain ...................................................................... 51, 52, 238 

MEAD Margaret (1901 ‐ 1978), Anthropologue américaine ............................................................................... 140 

MENGER Karl (1840 ‐ 1921) Economiste autrichien ............................................................................ 5, 6, 327, 349 

MESCHONNIC Henri ( 1932 ‐ ) Poète et traducteur français ............................................................................... 190 

MILL John Stuart, (1806 – 1873) Philosophe et économiste britannique .......................... 1, 2, 3, 4, 26, 32, 37, 302 

MOUNIER Emmanuel (1905 ‐ 1950) Philosophe français ................................................................................... 298 

NIETZSCHE Friedrich (1844 ‐ 1900) Philosophe allemand ................................................ 67, 68, 194, 316, 369, 371 

PARETO Vilfredo (1848 ‐ 1923) Economiste et sociologue italien ......................................................... 37, 383, 386 

PAUL ou PAUL DE TARSE (v. 5 ‐ 65 apr. J.C.) Missionnaire et théoricien de l'Evangile ............ 38, 41, 124, 125, 126 

PLATON (v. 428 ‐ 347 av. J.C) Philosophe grec ...................................................................................................... 44 

PYTHAGORE (v. 570 – v. 490 av. J.C.) Philosophe et mathématicien grec .................................................... 27, 195 

RICOEUR Paul (1913 ‐ 2005) Philosophe français ............................................................................................... 136 

ROUSSEAU Jean‐Jacques (1712 ‐ 1778) Ecrivain de langue française ................................................................. 195 

Saint BONAVENTURE (1217 ‐ 1274), Théologien franciscain ...................................................................... 102, 105 

SARTRE Jean‐Paul (1905 ‐ 1980) Philosophe, romancier, écrivaint et journaliste politique français .. 123, 190, 402 

SCALIGER Joseph Juste (1540 ‐ 1609) Philologue et humaniste français ............................................................ 136 

SMITH Adam (1723 ‐ 1790) Economiste et philosophe écossais ............................. 2, 5, 18, 37, 194, 195, 413, 414 

SMITH Vernon Economiste américain, Prix Nobel en 2002 ........................................................... 97, 213, 261, 298 

SPENCER Herbert (1820‐ 1903) Philosophe évolutionniste britannique ............................................................ 167 

Page 442: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

439

SPINOZA Baruch (1632 ‐ 1677) Philosophe holandais ................................................................................ 126, 136 

STENDHAL (1783 ‐ 1842) Ecrivain français .................................................................................................. 137, 168 

TAYLOR Friedrich Winslow (1856 ‐ 1915) Ingénieur et théoricien de l'organisation du travail américain ........... 70 

 

   

Page 443: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

440

 

CITATIONS BIBLIQUES UTILISEES 

La Bible, Ancien testament, Deutéronome Chapitre 5 Verset 8‐  51 

La Bible, Ancien testament, Exode, Chapitre 20 Verset 4‐  51 

La Bible, Ancien testament, Isaïe, Chapitre 45 : Versets 1 à 8 ‐  137 

La Bible, Ancien testament, Isaïe, Chapitre 49, verset 7  268 

La Bible, Ancien testament, Jérémie, Chapitre 33, verset 26‐  268 

La Bible, Ancien testament, Job, Chapitres 38 et 39  219 

La Bible, Ancien testament, Juges, Chapitre 13 à 16  238 

La Bible, Ancien testament, Juges, Chapitre 15, verset 11‐  268 

La Bible, Ancien testament, Juges, Chapitre 3, verset 28‐  268 

La Bible, Ancien testament, Livre de Genèse, Chapitre 1 Verset 1‐  169 

La Bible, Ancien testament, Livre de Genèse, Chapitre 6‐  24 

La Bible, Ancien testament, Livre de Genèse, Chapitre 6, verset 1 et 2‐  88 

La Bible, Ancien testament, Livre du prophète Daniel, Chapitre 12, verset : 2‐  10 

La Bible, Ancien testament, Livre du prophète Daniel, Chapitre 2, verset : 1‐46  283 

La Bible, Ancien testament, Nombre, Chapitre 23 : 19‐  117 

La Bible, Nouveau  testament, Evangile selon Jean, Chapitre 4, verset : 13 ‐  283 

La Bible, Nouveau testament, Actes des Apôtres, Chapitre 17, verset 26 à 29  271 

La Bible, Nouveau testament, Epître aux Colossiens Chapitre 1, versets : 15  89, 90 

La Bible, Nouveau testament, Evangile selon Jean, Chapitre 1, verset 1‐  169 

La Bible, Nouveau testament, Evangile selon Jean, Chapitre 1, verset 14‐  86 

La Bible, Nouveau testament, Evangile selon Jean, Chapitre 14, verset : 6‐  10 

La Bible, Nouveau testament, Evangile selon Jean, Chapitre 17, verset 11‐  274 

La Bible, Nouveau testament, Evangile selon Jean, Chapitre 6, verset : 33‐  10 

La Bible, Nouveau testament, Evangile selon Jean, Chapitre 8 : Verset 44‐  210 

La Bible, Nouveau testament, Evangile selon Mathieu, Chapitre 16, verset 13  425 

La Bible, Nouveau testament, Evangile selon Mathieu, Chapitre 19, versets : 16 à 25  10 

La Bible, Nouveau testament, Livre d’Apocalypse, Chapitre 7, verset : 17  283 

La Bible, Nouveau testament, Premier epître aux Corinthiens Chapitre 11, versets : 7  90 

La Bible, Nouveau testament, Second epître aux Corinthiens Chapitre 4, versets : 4  90 

 

 

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MOTS MALGACHES UTILISES ET LEUR TRADUCTION SOMMAIRE 

Adala: Etat d'un homme qui a perdu le contact avec la pensée ou avec la raison et qui ne contrôle plus ses 

actes et ses paroles. Ce mot peut être traduit par le mot français "fou"  41 

Aingampanahy: Elan de l’âme.  120 

Angano (Forme de littérature orale utilisée pour des fins pédagogiques. Pour des fins andragogiques, on utilise 

le "hira gasy", dans lequel le message est chanté)  19 

Fanahy : Ame, Esprit, Dans la philologie malgache, le Fanahy est une entité mouvant logé dans le corps et qui 

permet à l'homme d'être un homme.  41 

Fomban’ny olombelona (lit. "Façon d'être de l'homme")  23 

Hondrakondrafana: un état initial de la démence.  41 

Kiady: Champion,  266 

Kilazalaza: Une forme de littérature orale usité chez les enfants pour raconter (et non pas accuser directement) 

à un adulte les méfaits d’un compère coupable  281 

Lasa saina : Celui dont la pensée est partie pour atteindre un objet‐problème.  41 

Loha: : Tête  170 

Ohatra (lit. "Comparable")  176 

Olona tandrifin’ny heritreritra (lit. "Homme correspondant à la pensée")  176 

Teny an’ohatra (lit. "Mots de comparaison")  176 

Tromba : Nom du culte de possession pratiqué à Madagascar.  334, 338, 409 

Very saina : Qui a perdu sa pensée ou sa raison.  41 

Voalohany: : Début ou commencement  170 

   

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442

MOTS LATINS UTILISES ET LEUR TRADUCTION SOMMAIRE 

Ceteris paribus : Toute chose égale par ailleurs .................................................................................................... 40 

Introspicere : Regarder à l'intérieur ...................................................................................................................... 80 

Introversus : Tourner vers l'intérieur ...............................................................................................................80, 81 

Reflectere : Faire tourner ou Tourner en arrière .................................................................................................. 80 

 

GLOSSAIRES DES TERMES ARABES 

« رجل » : litt : rajul : homme .................................................................................................................................. 59 

« ضمير » : litt : dhamîr: conscience ...................................................................................................................... 276 

«   litt : mar’a : homme ................................................................................................................................ 59 : « مَرْء

«  litt : fatta : jeune homme ......................................................................................................................... 59 : « فتّى

«  litt : insa : homme .................................................................................................................................... 59 : «ٳ 

GLOSSAIRES DES TERMES HEBREUX 

 littéralement "tob" : bien ......................................................................................................................... 170 «טוב »

« Whb» littéralement "bohou" : vague .................................................................................................................. 111 

« Wht» littéralement "tohou" : vide ..................................................................................................................... 111 

« ldb» littéralement "badala" : séparer .............................................................................................................. 117 

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443

BIBLIOGRAPHIE 

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TABLE DES MATIERES 

PREFACE ........................................................................................................................................... 5 

Des critiques de la science économique ..................................................................................................... 5 

Vers une nouvelle conception du discours sur la science économique ...................................................... 7 

INTRODUCTION GENERALE ............................................................................................................. 13 

Les questions : Qui est « l »’homme et quel (et où) est son domaine ? ................................................... 13 

Positions théoriques de la question .......................................................................................................... 14 

Les réponses ............................................................................................................................................. 21 

Des problèmes .......................................................................................................................................... 24 

Des solutions ............................................................................................................................................. 27 

Portées et limites des solutions ................................................................................................................ 28 

Démarche et corpus .................................................................................................................................. 32 

LIVRE PREMIER : DE L’HOMO ŒCONOMICUS. DES REFLEXIONS EMPRUNTEES ET CHOISIES SUR 

L’HOMME VERS LA REDECOUVERTE DU THEME L’« HOMO ŒCONOMICUS » ................................................ 41 

Introduction ................................................................................................................................... 42 

Le problème : le thème de l’homme dans la science économique a été évincé par le modèle dénommé 

« homo œconomicus » ............................................................................................................................................. 42 

Historique du thème de l’homme : De la formation de la réflexion de l’homme sur l’homme et ses 

impacts sur la conception de l’homme de l’économie (L’obstacle épistémologique de récit ancien) ..................... 45 

De l’esthétique vers le modèle ................................................................................................................. 49 

CHAPITRE I : DES REFLEXIONS EMPRUNTEES POUR LA CONSTRUCTION DE LA REPRESENTATION DE 

L’HOMME ET DES CONSEQUENCES DE CELLE‐CI ............................................................................................... 52 

Prolégomènes ................................................................................................................................ 52 

Présentation sommaire du thème de l’homme ........................................................................................ 52 

Positions théorico‐économiques sommaires de la question de la production du thème de « l »’homme.

 .................................................................................................................................................................................. 54 

Diverses théories de la question de la représentation de l’homme. ........................................................ 56 

A la recherche du lieu rhétorique ou le champ d’argumentation du thème de l’homme ........................ 60 

Introduction ................................................................................................................................... 64 

Les problèmes du thème de l’homme : L’existence de plusieurs mots désignant le mot « homme » dans 

chaque langue,  la divergence de leurs connotés et l’absence de recherche spécifique sur le thème de l’homme  64 

A la recherche d’une solution : En posant  l’homme comme un être dual, qui prend conscience de lui par 

lui‐même .................................................................................................................................................................. 67 

Démarche .................................................................................................................................................. 70 

Objectifs du chapitre ................................................................................................................................. 72 

Intérêts du chapitre .................................................................................................................................. 76 

Démarche pour présenter l’homme dual idéal ......................................................................................... 79 

Section I – De l’appréhension des réflexions sur la représentation de l’homme............................ 81 

Introduction : ............................................................................................................................................ 81 

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449

La question : Qu’est-ce que l’homme dit de lui-même ? ............................................................. 81 

Démarche vers la question .............................................................................................................. 82 

Paragraphe 1 – Les cadres thématiques du thème de l’homme ............................................................... 85 

A la recherche de la voie menant vers la découverte de ce que la narration a construit en

matière de la représentation de l’homme ...................................................................................................... 85 

De la demande du thème de l’homme ........................................................................................... 87 

Les apports du débat juif sur l’homme image de Dieu et ses questions ................................... 92 

Vers la reconstruction des liens entre les concepts pour la construction de la représentation

de l’homme par la narration ............................................................................................................................ 95 

I – De la construction de la réflexion sur « l »’homme à partir de la narration de la constitution de 

l’univers ............................................................................................................................................................... 99 

A – Du collecte des matériaux de base pour la construction du thème de l’homme ................... 100 

B – Les récits de la richesse et ses effets sur la construction du thème de l’homme ................... 115 

II.‐ De la construction de la réflexion sur « l »’homme à partir du thème « femme » ....................... 121 

A – La femme en tant que thème révélateur de la faiblesse de l’homme. ................................... 121 

B ‐ Le choix du thème de l’homme par le narrateur ..................................................................... 125 

1°) Les déterminants de la production de la narration en faveur de thème de l’homme ....... 125 

a – De la vulgarisation des modèles de récits tout fait ...................................................... 126 

b ‐ De la demande de récit de l’homme ............................................................................. 130 

2°) la mobilisation de l’intérêt collectif pour le thème de « l »’homme .................................. 133 

a) Les causes de la mobilisation de l’intérêt collectif pour le thème de l’homme ............. 133 

b) La puissance de la narration .......................................................................................... 136 

c) De la temporalité ........................................................................................................... 139 

Paragraphe 2 – De la narration de l’homme faible ou résumé du thème « homme » ........................... 143 

I ‐ La faiblesse saisie par les théories sociologiques .......................................................................... 145 

A – Approche structuraliste de la femme ou de l’homme faible .................................................. 145 

B – Approche fonctionnaliste de la femme ou de l’homme faible ............................................... 150 

1°) La représentation de la femme : le travail domestique ..................................................... 151 

2°) La représentation de l’homme est le produit de la volonté d’amplifier la différence sexuelle

 ................................................................................................................................................................ 153 

3°) La narration de la différence homme‐femme par le thème du corps................................ 154 

II – Approches philosophiques de la faiblesse ................................................................................... 156 

A – La faiblesse de l’homme en général d’après la théorie de NIETZSCHE ................................... 156 

1°) La formation du thème « la » femme chez NIEZTSCHE...................................................... 157 

2°) L’homme‐volonté de SCHOPENHAUER .............................................................................. 159 

B – La faiblesse de l’homme en général d’après Diogène le cynique ........................................... 161 

1°) La formation du thème de « l »’homme chez DIOGENE LAËRCE ....................................... 162 

2°) L’homme dénué et questeur de DIOGENE ......................................................................... 163 

Conclusion de la section.......................................................................................................................... 164 

Section II – Des réflexions sur l’ensemble des représentations de l’homme ................................ 167 

Introduction : .......................................................................................................................................... 167 

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Position de la question de la représentation de l’homme dans le référentiel économique et

présentation de la section ............................................................................................................................. 167 

Objectifs de la section : montrer que la représentation est aussi une modélisation du

comportement et un processus de socialisation. ....................................................................................... 168 

Démarche ......................................................................................................................................... 169 

Paragraphe 1 – Des contenus de la représentation de l’homme ............................................................ 170 

I – Diverses classifications du contenu du thème de l’homme .......................................................... 170 

A ‐ Types de classification du thème de l’homme selon la position des narrateurs ................ 170 

B ‐ Le récit de l’homme selon les points de focalisation de la narration ................................. 171 

1°) Le récit du vécu de l’homme dans le cadre d’un système totémique .......................... 172 

2°) Le récit de l’homme à travers le thème de héro .......................................................... 173 

II ‐ Les contenus des effets de la représentation de l’homme ........................................................... 177 

A ‐ La représentation de l’homme sépare le corporel et l’incorporel et introduit le normal .. 178 

B ‐ Les types de représentation de l’homme caractérisent la culture ..................................... 180 

C ‐ La représentation de l’homme ouvre la voie à la rhétorique ............................................. 183 

Paragraphe 2 ‐   La représentation de l’homme détache le lien entre l’homme et la nature et plonge 

l’existence humaine dans un ordre moral et physique .......................................................................................... 185 

I.  L’homme représenté véhicule la refonte de l’homme naturel ou de la construction de l’homme 

futur  187 

II.  L’homme esquissé n’apparaît que dans l’ordre à la fois moral et physique .............................. 192 

III. L’homme représenté est transfiguré ............................................................................................ 193 

A. L’entendement et la traduction modifient la représentation de l’homme. ............................. 194 

B ‐ De la désinformation de la représentation de l’homme par la prolifération des œuvres 

littéraires ...................................................................................................................................................... 195 

1. Les effets de la spécialisation des moyens d’expression littéraire ...................................... 197 

2. Pourtant, le symbole indique une paresse de la pensée de représenter l’intuitif .............. 197 

Conclusion de la section.......................................................................................................................... 201 

Conclusion du chapitre : Le thème de l’homme est encore un thème mal débroussaillé ............ 204 

CHAPITRE II – DE LA FORMATION DES FIGURES DES REPRESENTATIONS DE L’HOMME ...................... 206 

Introduction ................................................................................................................................. 206 

Des changements dans la conception du thème de l’homme ................................................................ 206 

La conception du thème de l’homme annonce une systématisation  du thème de l’homme et ouvre ce 

thème vers des critères plus variés ........................................................................................................................ 209 

Section I – Des profils de l’homme selon l’homme et le scientifique anonymes. ......................... 212 

Introduction ............................................................................................................................................ 212 

Le problème : A la recherche du profil de « l »’homme ............................................................. 212 

La solution de la science économique et ses limites : le cliché de l’ensemble des

phénomènes économiques et l’absence des autres dimensions humaines. ......................................... 214 

De la préparation au renouveau de l’homme de l’économie .................................................... 215 

Paragraphe 1 – Les cadres prénatals du thème de  l’homme : les thèmes de figure des représentation de 

l’homme ................................................................................................................................................................. 217 

I – De la construction du profil de l’homme indépendamment de l’homme .................................... 219 

Page 454: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

451

A – Les récits économiques et littéraires de l’homme retracent l’histoire de l’homme non 

souverain ..................................................................................................................................................... 223 

1°) Le récit économique des oracles ....................................................................................... 223 

2°) Le récit économique de la littérature politique et de la littérature scientifique ............... 227 

3°) Le récit économique de la vie quotidienne ........................................................................ 231 

B – Les récits économiques de l’homme animé par une détermination intérieure ..................... 235 

1°) Du récit de l’opposition entre la volonté et le désir .......................................................... 236 

a) Le récit ou le discours d’exposé de motif des politiques économiques ......................... 237 

b) le discours sur la perception de risque .......................................................................... 238 

2°) Le lien entre désir et besoin .............................................................................................. 239 

3°) Le récit du lien entre la volonté de l’homme et le besoin ................................................. 240 

II – Le profil de l’homme saisi à partir de l’imperfection de l’homme ............................................... 242 

1°) La faiblesse du héro ................................................................................................................ 244 

2°) La faiblesse de l’homme en général ........................................................................................ 247 

Paragraphe 2 – Le thème de l’homme entre les mains des scientifiques ............................................... 251 

I ‐ L’homme narré par Adam SMITH .................................................................................................. 255 

1°) Le récit de l’homme dans la narration d’Adam SMITH ...................................................... 256 

2°) De la construction du récit de l’homme dans la théorie d’Adam SMITH ........................... 258 

3°) Le cadre de capture de l’idée de l’homme dans le récit d’Adam SMITH ........................... 259 

II ‐ L’homme de la doctrine de John Stuart MILL ............................................................................... 261 

1) Le récit de l’homme dans la pensée individualiste de John Stuart MILL ............................. 261 

2) Le cadre de la formation du thème de l’homme dans la théorie de John Stuart MILL ....... 263 

III ‐ L’homme des modèles de la situation économique .................................................................... 265 

1°) Le modèle de l’homme d’HARROD DOMAR ...................................................................... 265 

2°) Le modèle de Vernon SMITH ............................................................................................. 266 

Conclusion de la section : Vers une systématisation des conditions de questionnement sur l’identité de 

l’homme ................................................................................................................................................................. 267 

Section II – De l’état de lieu des récits de l’homme idéal de certaines religions .......................... 269 

Introduction : .......................................................................................................................................... 269 

A propos du réel .............................................................................................................................. 269 

Vers la confrontation des thèmes de l’homme entre eux. ......................................................... 270 

Paragraphe 1 – De l’etat de lieu du thème de l’homme saisi à travers le sujet de la richesse développé et 

vulgarisé par la bible par rapport à l’homme développé par la science économique ............................................ 273 

I – La nature est une richesse de l’homme ........................................................................................ 273 

A – L’homme dominant de la nature ............................................................................................ 274 

B – L’homme à la recherche du Bien ............................................................................................ 277 

II –L’homme universel est la richesse du système de narration ........................................................ 278 

A – Le passage du thème de l’individu vers l’homme ................................................................... 279 

B – La raison et la conscience humaine ........................................................................................ 284 

Paragraphe 2 – De l’état de lieu de l’homme saisi à travers le sujet de besoin développé par d’autres 

religions par rapport l’homme développé par la science économique .................................................................. 288 

I – Présentation sommaire du Bhagavad‐Gîtâ et de l’homme ........................................................... 288 

Page 455: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

452

II ‐ Qui est l’homme du Bhagavad‐Gîtâ ? ........................................................................................... 293 

I – Où est l’homme selon la Bhagavad‐Gîtâ ....................................................................................... 294 

II – Que fait l’homme selon la Bhagavad‐Gîtâ ? ................................................................................. 295 

Conclusion de la section.......................................................................................................................... 297 

Conclusion du chapitre ................................................................................................................ 298 

CHAPITRE III ‐ A LA REDECOUVERTE DE L’HOMO ŒCONOMICUS ........................................................ 300 

introduction ................................................................................................................................. 300 

La question : La crise de l’homme ........................................................................................................... 300 

Le problème : De l’homme dans la pensée économique ........................................................................ 302 

Démarche vers la solution ...................................................................................................................... 302 

Solution de la problématique de l’homme ............................................................................................. 305 

Section 1 – Introduction au thème de l’homo œconomicus ........................................................ 309 

introduction ............................................................................................................................................ 309 

La question : la quête de normalisation de l’esthétique ................................................................... 309 

Le problème : le « moi » en tant que sujet et en tant que objet ....................................................... 310 

Paragraphe 1 – L’homo œconomicus est le thème  produit de la disposition naturelle consciente de 

l’homme à la quête de la représentation de l’homme ........................................................................................... 312 

I ‐ L’existence de l’  homme est une donnée de la pensée humaine .............................................. 315 

1°) Notes sur la notion de la pensée humaine ........................................................................ 315 

2°) De l’existence de l’autre .................................................................................................... 317 

3°) Les effets de l’existence de l’autre sur le récit de l’homme : la conception de l’homo 

œconomicus ........................................................................................................................................... 319 

II – L’existence de l’autre vient de la conscience de la réalité de l’ordre et du langage .................... 322 

1°) Les dispositions intellectuelles de la formulation de la question de « qui est l’homme ? » 

dans la philologie indo‐européenne ou « comment se forme la notion de besoin dans une communauté 

indo‐européenne ? » .............................................................................................................................. 324 

a) De la redécouverte de l’homme : De l’intelligence vers la conscience .......................... 325 

b)  De l’état de conscience au lieu de la rationalité ........................................................... 332 

2°) De l’état de conscience de soi  comme moteur et mesure de l’activité économique 

humaine .................................................................................................................................................. 333 

1 ‐ Généralités sur la quantification de l’état de conscience ........................................ 334 

2 ‐ Vers la généralisation de l’état de conscience quantifié de l’homme ..................... 340 

3 ‐ Du calcul et de l’évolution de état de conscience de soi ......................................... 343 

Paragraphe 2 – L’homo œconomicus est le produit de la révolte ou de la résistance humaine pour se 

prendre en main ..................................................................................................................................................... 345 

I ‐ Le thème de l’agent économique à travers le héro ....................................................................... 348 

1 ‐ De la construction indo‐européenne  de modèle de l’homme par les récits de combat 

contre le mal ........................................................................................................................................... 349 

a ‐ Qui est l’homme identifié ou modélisé par le prêtre indo‐européen ? ........................ 350 

b ‐ De la construction indo‐européenne de l’homme  par le thème de la guerre et de 

discours sur l’obligation ..................................................................................................................... 351 

c ‐ Le thème de triomphe de soi‐même ............................................................................. 351 

Page 456: Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la ...

453

d ‐ Le sectarisme religieux, ses thèmes dérivés et leur contribution dans l’identification de 

l’homme ............................................................................................................................................ 352 

2 ‐ Le thème de rencontre des puissances dans la philologie indo‐européenne et son caractère 

archétype de la contradiction ................................................................................................................. 354 

a ‐ Les domaines du profane et du sacré ........................................................................... 355 

b ‐ Le rôle des sages et des prêtres indo‐européens dans la connaissance de l’homme ... 355 

B – La spécialisation de la question de l’homme .......................................................................... 356 

1 ‐  La quête de l’identification de l’homme par le prêtre indo‐européen ou l’économiste ... 360 

2 ‐ La formation de la question de l’identification de l’homme appréhendée par la 

problématique de la littérature religieuse indo‐européenne ................................................................. 361 

3 ‐ La question de l’homme d’après les thèmes indo‐européens ........................................... 362 

4 ‐ Les conditions de la formation de la question de « qui est l’homme ? » dans la philologie 

mésopotamienne .................................................................................................................................... 364 

a ‐ La question existentielle dans les civilisations mésopotamiennes : l’homme est un être 

créé pour une activité précise ........................................................................................................... 366 

b ‐ La question existentielle dans les communautés colonisées ........................................ 368 

c ‐ La puissance identifiée comme étant de l’horoscope ou, en malgache, le « vintana »  369 

d ‐ Le rôle des colons dans le processus de questionnement de soi .................................. 371 

5 ‐ De la découverte sur l’homme : la qualification de l’homme est le thème de l’économie 371 

a ‐ La découverte de la science économique : les concepts de raison et de travail ........... 374 

b ‐ Au‐delà des apports de la science économique : l’économie a pour origine la conscience 

de l’interdit et de la richesse ............................................................................................................. 378 

II ‐ Le destin de l’homme, c’est quoi ? ............................................................................................... 384 

III ‐ De l’état de conscience humaine et la perception d’existence ................................................... 387 

Conclusion de la section.......................................................................................................................... 392 

Section II – De l’homo œconomicus devant « l »’homme ............................................................ 393 

Introduction ............................................................................................................................................ 393 

Le thème de l’homo œconomicus ..................................................................................................... 393 

Vers le lieu de l’homo œconomicus ................................................................................................... 394 

Le lieu de l’homo œconomicus .......................................................................................................... 397 

Paragraphe 1 – Le thème de homo œconomicus délimite les sujets de débats sur l’homme ................ 398 

I ‐ Du lieu de péroraison .................................................................................................................... 399 

A ‐ De la péroraison comme liens sociaux .................................................................................... 400 

B ‐ La péroraison comme lieu de profit social .............................................................................. 402 

II ‐ Du milieu hostile ........................................................................................................................... 403 

III ‐ Du milieu interdit ......................................................................................................................... 405 

Paragraphe 2  ‐  les faits de l’homo œconomicus ................................................................................ 409 

I ‐ L’homo œconomicus transforme la nature en richesse ................................................................ 411 

A ‐ De la transmission de l’utilité sur la nature ou activité de valorisations de la nature ............. 413 

B – Le développement du thème de la production dans le cadre du thème de l’homo œconomicus

 ..................................................................................................................................................................... 415 

1 ‐ Du gravage de la valeur dans la nature .............................................................................. 417 

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454

2 ‐ De l’incrustation des objets matériels dans la vie humaine ............................................... 418 

II ‐ L’homo œconomicus apprécie la situation et calcule les enjeux .................................................. 419 

A.  Du calcul économique comme  sens commun de l’homme ................................................. 420 

B.  Le calcul est une pratique non pas des héros, mais des migrants et des êtres en mouvement.

  421 

1 ‐ Le cas d’Abraham ............................................................................................................... 425 

2 ‐ Le cas de Moïse .................................................................................................................. 428 

III – L’homo œconomicus se déplace ................................................................................................. 430 

A. L’homo œconomicus franchit l’interdit .................................................................................... 430 

B. Il évolue .................................................................................................................................... 433 

CONCLUSION DU CHAPITRE : L’HOMO ŒCONOMICUS EST UN PRODUIT DE L’ETHIQUE SUR L’INTIMITE

 ................................................................................................................................................................................ 435 

CONCLUSION DU LIVRE ................................................................................................................. 438 

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................ 449