Denis Chevallier

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THÈSE Pour l’obtention du grade de DOCTEUR DE L’UNIVERSITE DE LA MEDITERRANEE Faculté des Sciences de Luminy ÉCOLE DOCTORALE PHYSIQUE ET SCIENCES DE LA MATIERE DOMAINE DE RECHERCHE : Nanophysique Présentée par Denis Chevallier Fluctuations hors équilibre dans l’effet Hall quantique et dans les circuits hybrides Directeur de thèse : Thierry Martin Soutenue le 30 septembre 2011 JURY Philippe Dumas Président Thierry Jolicoeur Rapporteur Richard Deblock Rapporteur Thierry Martin Directeur de thèse Jérôme Rech Invité Thibaut Jonckheere Invité

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THÈSE

Pour l’obtention du grade de

DOCTEUR DE L’UNIVERSITE DE LA

MEDITERRANEE

Faculté des Sciences de Luminy

ÉCOLE DOCTORALE PHYSIQUE ET SCIENCES DE LA MATIERE

DOMAINE DE RECHERCHE : Nanophysique

Présentée par

Denis Chevallier

Fluctuations hors équilibre dans l’effet Hall quantique etdans les circuits hybrides

Directeur de thèse : Thierry Martin

Soutenue le 30 septembre 2011

JURY

Philippe Dumas PrésidentThierry Jolicoeur RapporteurRichard Deblock RapporteurThierry Martin Directeur de thèseJérôme Rech InvitéThibaut Jonckheere Invité

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Table des matières

Introduction générale 1

I Courant et corrélations de courant 5

1 Limite classique-quantique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

2 Transport dans un échantillon mésoscopique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

2.1 Courant moyen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

2.2 Formule de Landauer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

3 Bruit et corrélations de bruit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

3.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

3.2 Cas classique : bruit poissonien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

3.3 Bruit dans un conducteur mésocopique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

3.4 Bruit à fréquence nulle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

3.4.1 Bruit thermique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

3.4.2 Bruit de grenaille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

3.4.3 Transition entre les deux régimes de bruit . . . . . . . . . . . . 18

3.5 Corrélations croisées à fréquence nulle : "Bunching/Antibunching" . . . . 19

3.6 Bruit en fréquence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

A Transport dans les liquides de Luttinger 23

II Théorie des liquides de Luttinger et transport hors de l’équilibre 25

1 Les liquides de Luttinger-Tomonaga . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

i

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Table des matières

1.1 Linéarisation du spectre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

1.2 Bosonisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

1.3 Expression de l’hamiltonien cinétique bosonisé . . . . . . . . . . . . . . . 31

2 Etats de bords de l’effet Hall quantique ou liquide de Luttinger chiral . . . . . . 32

2.1 Approche hydrodynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

2.2 Fonctions de Green bosoniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

3 Transport hors de l’équilibre ou formalisme de Keldysh . . . . . . . . . . . . . . 41

3.1 Théorie des champs usuelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

3.2 Moyenne en théorie des champs hors de l’équilibre . . . . . . . . . . . . . 42

3.3 Fonctions de Green bosoniques en temps réel . . . . . . . . . . . . . . . . 44

III Universalité du facteur de Fano et conductance différentielle dans un QPC

étendu 47

1 Courant et bruit dans un QPC : cas purement local . . . . . . . . . . . . . . . . 48

1.1 Courant moyen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

1.2 Bruit et facteur de Fano . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

2 Contact ponctuel quantique avec géométrie arbitraire . . . . . . . . . . . . . . . 52

2.1 Universalité du facteur de Fano . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54

3 Application à un contact quantique parabolique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

3.1 Effet de l’extension du QPC sur la conductance différentielle . . . . . . . 58

3.2 Résultats numériques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60

3.3 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62

IV Détection du bruit photo-assisté en fréquence à l’aide d’un circuit résonant

dissipatif 63

1 Modèle de Lesovik et Loosen et bruit non symétrisé . . . . . . . . . . . . . . . . 65

2 Détection du bruit : cas stationnaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66

2.1 Couplage inductif avec un circuit résonant dissipatif (circuit RLC) . . . . 66

2.2 Calcul des corrélateurs de charge dans le cas stationnaire . . . . . . . . . 69

2.2.1 Corrélateur de charge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

2.2.2 Cas stationnaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

3 Détection du bruit photo-assisté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72

3.1 Restauration de l’invariance temporelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72

3.2 Bruit non-symétrisé d’un QPC dans le régime de l’effet Hall quantique . 73

3.2.1 Présentation du modèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74

ii

Page 7: Denis Chevallier

Table des matières

3.2.2 Bruit non-symétrisé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75

3.2.3 Corrélateur moyenné des dérivées du courant . . . . . . . . . . 77

3.3 Applications numériques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78

3.3.1 Bruit d’excès dans l’effet Hall quantique . . . . . . . . . . . . . 78

3.3.2 Mesure du bruit photo-assisté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79

3.4 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82

B Transport dans les structures hybrides 85

V Introduction au transport non-local dans les structures hybrides 87

1 Réflexion d’Andreev . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87

2 Historique des travaux sur le transport non-local . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89

VI Double point quantique utilisé pour la séparation des électrons d’une paire

de Cooper 95

1 Présentation du modèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

1.1 Formalisme à un point quantique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

1.1.1 Expression des hamiltoniens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

1.1.2 Self-énergie tunnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97

1.2 Formalisme à deux points quantiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99

2 Courants de branchement et corrélations croisées . . . . . . . . . . . . . . . . . 101

2.1 Courants de branchement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101

2.2 Corrélations croisées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103

3 Résultats et discussions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106

3.1 Transport en l’absence de transfert direct par effet tunnel entre les deux

points quantiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106

3.1.1 Cas anti-symétrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106

3.1.2 Cas symétrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110

3.2 Transport en présence de transfert direct par effet tunnel entre les deux

points quantiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113

3.2.1 Cas anti-symétrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113

3.2.2 Cas symétrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115

3.3 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117

Conclusion générale et perspectives 119

iii

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Table des matières

Annexe A - Calcul des longueurs caractéristiques ξl et ξc pour un QPC parabo-

lique 123

Annexe B - Calcul des différentes composantes Keldysh du corrélateur de bruit127

Publications 131

Bibliographie 133

iv

Page 9: Denis Chevallier

Introduction générale

La physique de la matière condensée est une discipline très large qui prétend décrire les

propriétés et les phénomènes physiques des solides. Toutefois, un solide reste un corps

complexe vivant entre deux mondes : le monde classique et le monde quantique. En effet, celui-

ci est un corps macroscopique pouvant être décrit par une approche classique. Cependant, ses

propriétés essentielles sont souvent liées aux atomes qui le composent et à leur arrangement

dans le réseau cristallin. Une approche quantique telle que la mécanique quantique voire la

théorie des champs est donc davantage adaptée.

La physique mésoscopique s’inscrit de ce fait dans ce vaste cadre. Le préfixe "méso-" vient du

grec "mésos" signifiant "situé au milieu". La physique mésoscopique désigne donc l’étude de la

physique "des systèmes intermédiaires" entre l’échelle microscopique et l’échelle macroscopique.

Les systèmes étudiés doivent être constitués d’un grand nombre de particules pour permettre

l’utilisation de la mécanique statistique. En fonction des systèmes ou des propriétés étudiés, nous

pouvons utiliser différentes approches. Les approches semi-classiques permettent d’introduire

une part de mécanique quantique dans la théorie classique ou encore la mécanique quantique

statistique nous permet de distinguer la nature fermionique ou bosonique des particules mises

en jeu. Ces différentes approches seront limitées par la nature classique ou quantique de l’objet

étudié. La limite entre le monde classique et le monde quantique est caractérisée par la longueur

de cohérence de phase, c’est-à-dire la longueur sur laquelle les particules conservent leur phase.

Un système est quantique quand ses dimensions sont inférieures à la longueur de cohérence de

phase. Dans le cas contraire, le système est dit classique.

On situe le départ de la physique mésocopique en 1957 lorsque Rolf Landauer, pionnier dans

le domaine, proposa une approche de diffusion simple pour calculer le courant et la conductance

dans un fil conducteur connecté à deux réservoirs thermalisés [1]. Il montra que la conductance

1

Page 10: Denis Chevallier

Introduction générale

du fil est directement reliée à la probabilité de transmission d’un électron d’un réservoir à l’autre

à travers le conducteur. Ce résultat passa inaperçu lorsque Landauer en fit la proposition, cette

relative indifférence s’explique essentiellement par le manque de résultats expérimentaux. A

l’époque, la fabrication d’échantillons de petites tailles restait extrêmement difficile à cause des

limites technologiques. Il aura fallu attendre les années quatre vingt pour voir apparaître des

techniques telles que la lithographie électronique permettant la fabrication de tels échantillons.

De plus, la prise de mesures dans de bonnes conditions est nécessaire à l’obtention de résul-

tats expérimentaux convenables. Au cours des dernières décennies, les progrès effectués sur les

techniques et appareils de mesures (citons par exemple les réfrigérateurs à dilution permettant

d’obtenir des températures plus basses que celles de l’Hélium liquide) ont finalement permis

d’obtenir ces résultats expérimentaux. La physique mésoscopique est par conséquent devenue

l’une des branches les plus actives de la physique.

Parallèlement à toutes ces études fondamentales, la micro-électronique est devenue de plus

en plus présente dans la vie de tous les jours. La miniaturisation des composants électroniques

s’avère être le principal cheval de bataille des industries. Actuellement, les transistors sont

des composants électroniques de quelques dizièmes de micromètres. Ces dimensions sont pe-

tites, toutefois ces composants fonctionnent à température ambiante et sont donc décrits par

des approches semi-classiques. Les électrons sont vus comme des particules classiques pouvant

éventuellement subir des chocs durant leur course. Cependant, la diminution de la taille des

composants s’accélère d’année en année. La taille des échantillons sera bientôt inférieure à la

longueur de cohérence de phase des électrons, la limite quantique sera par conséquent atteinte

accentuant davantage l’interêt porté à la physique mésoscopique.

Cette thèse aborde avant tout des aspects fondamentaux de la physique mésoscopique et

plus particulièrement du transport électronique dans les systèmes unidimensionnels. Par dé-

finition, ces derniers sont des systèmes dans lesquels le mouvement des particules (électrons,

phonons...) est limité à une seule direction. Plus exactement, l’étendue spatiale de la fonction

d’onde transverse doit être inférieure à quelques longueurs d’onde de Fermi. Cette limitation

est réalisée soit par la géométrie du système (un nanotube de carbone a par exemple des dimen-

sions transverses beaucoup plus faibles que sa longueur, le mouvement des électrons est donc

clairement guidé), soit en jouant sur un paramètre extérieur à savoir un potentiel extérieur ou

un champ magnétique (les états de bords de l’effet Hall Quantique en sont le parfait exemple).

La conductance est la quantité physique la plus naturelle pour caractériser le transport

dans un échantillon mésoscopique. Landauer fut le premier a calculer la conductance d’un fil

relié à deux réservoirs thermalisés par une approche quantique. La confirmation expérimentale

2

Page 11: Denis Chevallier

Introduction générale

n’est venue qu’une trentaine d’années plus tard [2, 3]. Depuis, celle-ci a été calculée et mesurée

dans de nombreux systèmes. Toutefois, elle rend compte exclusivement du caractère moyen

du transport et ne fournit aucune information temporelle. Le bruit a donc été introduit pour

mesurer ces fluctuations temporelles du courant autour de sa valeur moyenne. Les prémices de

l’étude du bruit remontent bien avant la physique mésoscopique. En effet, c’est en 1918 que

Walter Schottky fut le premier à calculer le bruit produit par une source de particules classiques

émises de façon indépendante. Il montra que le bruit S est proportionnel au courant I et à la

charge des porteurs e

S = 2eI. (1)

Les recherches sur le bruit ont longtemps suivi le développement des télécommunications

où celui-ci est considéré comme un phénomène parasite. L’étude du bruit pour des systèmes

mésoscopiques est apparue seulement dans les années quatre vingt dans la continuité des études

sur la conductance. En physique mésoscopique, le bruit est également proportionnel au courant

et à la charge des porteurs. Il contient cependant un facteur d’atténuation dépendant de la

probabilité de transmission. Pour des coefficients de transmission faible, la mesure du courant

moyen et du bruit permet ainsi de remonter à la charge des porteurs.

Les premières expériences de mesure de conductance ont été effectuées sur des semi-conducteurs

et des métaux. Toutefois, les dernières décennies ont vue apparaître des structures hybrides su-

praconductrices, c’est-à-dire des structures composées de métal normal et de supraconducteur.

Prenons l’exemple d’une jonction métal normal-supraconducteur, la mesure du bruit a montré

un doublement de son amplitude, ce qui est interprété comme la signature de la charge 2e

d’une paire de Cooper traversant la jonction. Les supraconducteurs sont des matériaux assez

complexes et la compréhension des effets qu’ils engendrent lorsqu’ils sont incorporés dans une

structure hybride restent un challenge important.

Le premier chapitre de cette thèse introduit les principes de base du transport en physique

mésoscopique. Les calculs du courant, de la conductance, du bruit et des corrélations croisées

sont effectués dans le cas d’un fil conducteur relié à deux terminaux permettant ainsi une

discussion qualitative simple de ces quantités. De plus, les résultats obtenus sont comparés

avec les expériences.

La première partie sera consacrée au transport dans les liquides de Luttinger. Nous consa-

crerons un chapitre à la description des liquides de Luttinger et des états de bords de l’effet

Hall quantique. Le formalisme de Keldysh, permettant le calcul de moyenne hors équilibre,

3

Page 12: Denis Chevallier

Introduction générale

sera également développé ici. Puis, deux projets effectués au cours de cette thèse feront l’objet

de deux nouveaux chapitres. Le premier consistera à l’étude d’un contact ponctuel quantique

étendu. La rétrodiffusion des quasi-particules se produit ainsi dans une région finie de la struc-

ture. Nous montrerons l’universalité du facteur de Fano et l’effet de la largeur de la zone de

diffusion sur les propriétés du transport. Le deuxième projet que nous développerons portera

sur la détection du bruit photo-assisté à l’aide d’un circuit résonant dissipatif basée sur le prin-

cipe de détection à la Lesovik et Loosen. L’application d’une tension dépendante du temps sur

l’échantillon mésoscopique brise l’invariance temporelle dans les corrélateurs de courant, empê-

chant ainsi la détection grâce au circuit résonant. Le but principal sera donc de développer une

technique permettant de restaurer cette invariance. Finalement, nous appliquerons cette tech-

nique à un contact ponctuel quantique dans l’effet Hall entier, puis fractionnaire avec facteur

de remplissage ν = 1/3 de manière à obtenir des prévisions numériques.

La deuxième partie fera l’objet de l’étude du transport dans les structures hybrides. Un

chapitre d’introduction au transport non-local sera développé. De plus, nous récapitulerons

rapidement les principaux travaux théoriques et expérimentaux réalisés dans les structures hy-

brides. Le dernier chapitre présentera quant à lui un travail effectué sur la séparation des paires

de Cooper à l’aide d’un double point quantique. La géométrie que nous utiliserons est basée sur

deux récentes expériences utilisant un nanotube de carbone connecté à deux électrodes en métal

normal et une électrode supraconductrice de manière à générer deux points quantiques. Nous

calculerons les courants de branchement et les corrélations croisées pour mettre en évidence

les différents processus mis en jeu tels que le cotunneling élastique, les réflexions d’Andreev

directe et croisée. La mesure simultanée du courant et des corrélations croisées permettra une

mesure robuste du signal filtrant ainsi chaque processus (en effet les corrélations croisées sont

insensibles à la réflexion d’Andreev directe). De plus, les points quantiques étant générés dans

un même nanotube, la possibilité offerte aux électrons de passer par effet tunnel directement

d’un point quantique à l’autre entraine de lourdes conséquences sur les propriétés du transport.

Cet effet sera donc étudié avec grand interêt.

4

Page 13: Denis Chevallier

Chapitre I

Courant et corrélations de courant

1 Limite classique-quantique

Dans un échantillon mésoscopique, il existe trois longueurs caractéristiques : la longueur de

l’échantillon l, la longueur de cohérence de phase lφ (longueur sur laquelle un électron conserve

sa phase) et le libre parcours moyen le (longueur moyenne parcourue par un électron entre deux

collisions élastiques). Ce libre parcours moyen est une valeur intrinsèque à chaque matériau et

peut aller de quelques nanomètres dans les métaux à plusieurs micromètres dans les semicon-

ducteurs à haute mobilité sous basse température. La longueur de cohérence de phase lφ est

une quantité essentielle en physique. La limite classique-quantique est clairement caractérisée

par la perte ou le gain de cette cohérence de phase. Un électron est susceptible de perdre cette

cohérence suivant le type de chocs qu’il subit. Plusieurs types de chocs peuvent avoir lieu dans

un échantillon mésoscopique, chacun ayant des origines bien différentes. Ces derniers sont soit

élastiques si les électrons conservent leur énergie lors de la collision, soit inélastique s’ils ne la

conservent pas. C’est lors de ces collisions inélastiques que l’électron est susceptible de perdre

sa cohérence de phase. Les chocs inélastiques peuvent avoir lieu entre électrons-électrons et

électrons-phonons permettant ainsi l’échange d’énergie entre les électrons et le réseau cristallin.

Dans le cas d’une longueur de cohérence de phase inférieure à la longueur de l’échantillon

(lφ < l), l’électron ne conserve pas sa phase et nous sommes dans un système classique. Ce-

pendant, lorsque la longueur de l’échantillon est inférieure à la longueur de cohérence de phase

(l < lφ), l’électron est décrit comme une onde avec une phase complètement déterminée. Nous

sommes en présence d’un système mésoscopique décrit par la mécanique quantique.

Allons encore plus loin dans la description d’un échantillon mésoscopique en caractérisant

seulement deux régimes de fonctionnement (voir Fig. I.1). Lorsque la longueur du fil est plus

5

Page 14: Denis Chevallier

Chapitre I. Courant et corrélations de courant

grande que le libre parcours moyen (l ≫ le), les électrons vont subir de multiples chocs élas-

tiques. Ce régime est connu sous le nom de régime diffusif. Au contraire, lorsque la longueur

du fil est plus petite que le libre parcours moyen (le ≫ l), les électrons subissent très peu de

collisions et le régime est dit balistique.

Figure I.1 – A gauche : Conducteur dans un régime balistique, la longueur de l’échantillon est inférieureau libre parcours moyen. L’électron subit pas ou peu de chocs élastiques. A droite : Conducteur dansun régime diffusif, la longueur de l’échantillon est supérieure au libre parcours moyen. L’électron subitbeaucoup plus de chocs.

Toutefois, dans ces deux régimes de fonctionnement, les électrons ne subissent pas suffi-

sament de chocs inélastiques pour permettre une description correcte par des moyennes clas-

siques. La mécanique quantique est donc un outil fondamental prenant en compte la dualité

onde-corpuscule des électrons.

2 Transport dans un échantillon mésoscopique

On associe généralement Rolf Landauer à la naissance de la physique mésoscopique depuis

qu’il proposa en 1957 la première théorie quantique du transport [1]. Cette approche prend

en compte le caractère ondulatoire des électrons contrairement aux approches classiques. Si le

conducteur est balistique, cette théorie s’applique directement. En revanche, les principales me-

sures que nous connaissons ont été obtenues dans des systèmes diffusifs à cause de la difficulté

de fabrication des échantillons balistiques. Toutefois, la méthode de Landauer est parfaitement

généralisable à ce régime de fonctionnement. Il est cependant nécessaire d’avoir un échantillon

de longueur inférieure à la longueur de cohérence de phase pour garantir la conservation de

celle-ci. Dans le cas contraire, l’utilisation de méthodes semi-classiques telle que la méthode de

Boltzmann-Langevin est préférable.

Dans sa théorie, Landauer considère un fil connecté à deux réservoirs thermalisés (voir Fig.

I.2). La circulation d’un courant dans le fil est assurée par l’application d’une différence de

potentiel µL − µR = eV . La tension appliquée a pour effet de mettre le fil hors équilibre. Dans

6

Page 15: Denis Chevallier

I.2 Transport dans un échantillon mésoscopique

Figure I.2 – Fil quantique relié à deux réservoirs comportant une zone de diffusion. Un électron incident(ei) peut être soit réfléchi (er), soit transmis (et).

ces conditions, une théorie hors équilibre telle que le formalisme de Keldysh est nécessaire pour

décrire ce système. Toutefois, si la tension appliquée demeure relativement faible, les théories

à l’équilibre restent encore valables.

La force de la théorie de Landauer est qu’il n’est pas nécessaire de connaitre les détails de ce

qu’il se passe dans le fil (au niveau de la zone de diffusion). Cette dernière (pouvant correspondre

à différents systèmes : potentiel, jonction entre deux métaux, etc...) est simplement décrite par

une matrice de diffusion S. Une onde incidente sur cette zone de diffusion est en partie transmise,

l’autre partie étant réfléchie (voir Fig. I.2). Dans ce cas simple à deux terminaux, il existe deux

états incidents et deux états réfléchis. La matrice de diffusion est donc une matrice 2x2. Nous

pouvons aisément imaginer une géométrie avec N terminaux reliés entre eux au niveau d’une

zone de diffusion. Dans ce cas, la matrice S deviendrait une matrice NxN.

Landauer a pu calculer la conductance du fil et mettre en évidence que celle-ci était propor-

tionnelle à la probabilité de transmission des électrons à travers le fil. Cette théorie est donc un

puissant formalisme permettant de calculer différentes valeurs physiques telles que le courant,

la conductance ou même encore les moments d’ordres supérieurs du courant comme nous allons

l’aborder par la suite.

2.1 Courant moyen

Nous allons calculer le courant moyen dans un conducteur mésoscopique en utilisant une

méthode de seconde quantification [4–7]. Etudions le cas suivant, celui d’une particule de spin

1/2, de charge e et de masse me se propageant dans un système tridimensionnel à plusieurs

terminaux comportant plusieurs canaux. Notre étude porte sur un fil conducteur relié à deux

réservoirs thermalisés. La longueur du fil étant beaucoup plus grande que ses dimensions tran-

verses, la direction de circulation du courant est donc imposée (la position des réservoirs vient

7

Page 16: Denis Chevallier

Chapitre I. Courant et corrélations de courant

renforcer cette affirmation). Pour cette raison, les degrés de liberté transverses (ym et zm)

peuvent être intégrés. L’opérateur de courant dans le terminal m et dans le canal α s’écrit

généralement

Im,α(xm, t) = e~

2mei

σ

dymdzm

(

ψ†m,α,σ(~rm, t)∂ψm,α,σ(~rm, t)

∂xm− ∂ψ†m,α,σ(~rm, t)

∂xmψm,α,σ(~rm, t)

)

,

(I.1)

où xm, ym et zm sont les coordonnées spatiales dans le terminal m. ψ†m,α,σ(~rm, t) est l’opé-

rateur de création d’une particule de spin σ dans le terminal m et le canal α. La fonction

d’onde correspondante est la somme de l’état incident et des états diffusés provenant des autres

terminaux

ψm,α,σ(~rm, t) =me

~2√

∫ dE

km,α(E)ξm,α(ym, zm)

(

eikm,α(E)xmcm,α,σ(km,α(E), t)

+∑

n

Nc(n)∑

β=1

km,α(E)kn,β(E)

smαnβ(E)e−ikm,α(E)xmcn,β,σ(kn,β(E), t)

, (I.2)

où Nc(n) est le nombre de canaux dans le terminal n. ξm,α(ym, zm) correspond à la fonction

d’onde normalisée transverse :∫

dymdzmξm,α(ym, zm)ξ∗m,β(ym, zm) = δαβ. Finalement, smαnβ est

l’élément de la matrice de diffusion correspondant au coefficent de transmission d’un état inci-

dent du terminal n et du canal β, diffusé vers le terminal m et le canal α. c†m,α,σ est l’opérateur

de création d’un état diffusé dans le terminal m et le canal α.

Le vecteur d’onde km,α(E) est une quantité intrinsèque au matériau, par conséquent nous

faisons l’approximation que les vecteurs d’onde dans les différents terminaux sont essentielle-

ment les mêmes. Grâce à ces différentes hypothèses, nous pouvons réécrire le courant comme

suit

Im,α(t) = eme

~32π

σ

dEdE ′1

k(E)

(

c†m,α,σ(k(E), t)cm,α,σ(k(E ′), t)

−∑

n,n′

β,β′s∗mαnβ(E)smαn′β′(E ′)c

†n,β,σ(k(E), t)cn′,β′,σ(k(E ′), t)

)

. (I.3)

La valeur moyenne du courant fera donc clairement apparaître des moyennes de couples

8

Page 17: Denis Chevallier

I.2 Transport dans un échantillon mésoscopique

d’opérateurs de création et d’annihilation. Ces moyennes se réécrivent sous la forme suivante

c†n,β,σ(k(E), t)cn′,β′,σ(k(E ′), t)⟩

=~

2k(E)me

fn(E)δ(E − E ′)δnn′δββ′ , (I.4)

où fn(E) = 1eβ(E−µn)+1

est la fonction de Fermi-Dirac du terminal n avec le potentiel chimique

µn. En remplacant (I.4) dans la valeur moyenne de l’expression (I.3) et en sommant sur tous

les canaux, nous obtenons le courant total dans le terminal m

〈Im〉 =∑

α

〈Im,α〉

=2eh

dE∑

α

fm(E)−∑

n

β

s∗mαnβ(E)smαnβ(E)fn(E)

. (I.5)

La matrice de diffusion étant une matrice unitaire, la somme des probabilités de transmission

et de réflexion est égale à 1. A l’aide de cette propriété, le courant moyen devient

〈Im〉 =2eh

n

α,β

dE |smαnβ(E)|2 (fm(E)− fn(E))

=2eh

n

dE Tmn(E) (fm(E)− fn(E)) , (I.6)

où Tmn est la probabilité de transmission d’une particule du terminal n vers le terminal m.

2.2 Formule de Landauer

Dans le cas des électrons et en travaillant avec une tension pas trop élevée par rapport

à l’énergie de Fermi, nous pouvons faire l’hypothèse que la probabilité de transmission est

indépendante de l’énergie. Dans la limite de faible température, les fonctions de Fermi-Dirac se

comportent comme des marches de Heaviside et les intégrales peuvent être calculées aisément.

Intéressons nous à la géométrie de Landauer : un conducteur relié à deux réservoirs avec un

canal de conduction unique. Dans ces conditions, le courant moyen s’écrit

〈I〉 =2ehTeV, (I.7)

9

Page 18: Denis Chevallier

Chapitre I. Courant et corrélations de courant

où V est la tension appliquée entre les deux terminaux. En dérivant l’équation précédente par

rapport à la tension, nous obtenons la conductance de l’échantillon

G =2e2

hT. (I.8)

Cette relation est connue sous le nom de Formule de Landauer [1, 8]. Un quantum de

conductance égal à G0 = 2e2

hpeut ainsi être isolé. Cette relation peut être généralisée à plusieurs

canaux de conduction

G =2e2

h

Nc∑

α=1

Tα (I.9)

avec Tα la probabilité de transmission du canal α. Expérimentalement, la conductance a été

mesurée pour un gaz d’électrons 2D comportant plusieurs canaux de conduction [2, 3]. L’appli-

cation d’une tension de grille sur cet échantillon permet un contrôle sur ces canaux. Etant donné

que la probabilité de transmission de chaque canal est proche de 1, la conductance fait appa-

raître des plateaux aux multiples de 2e2/h. Chaque nouveau plateau correspond à l’ouverture

d’un canal supplémentaire (voir Fig. I.3).

Figure I.3 – Conductance en fonction de la tension de grille. Nous voyons nettement l’apparition des pla-teaux de conductance lorsque la tension est un multiple de 2e2/h, correspondant à l’ouverture de nouveauxcanaux [2].

Dans le cas classique, on s’attendrait à obtenir une résistance nulle pour deux raisons :

la conductance "classique" est donnée par la formule G = σW/l avec σ la conductivité, W

la section du fil et l sa longueur. Pour un échantillon microscopique, la longueur du fil étant

petite, la conductance devrait être grande [9]. D’autre part, la probabilité de transmission est

proche de 1, ce qui entraine une résistance quasiment nulle. Toutefois, la formule de Landauer

10

Page 19: Denis Chevallier

I.3 Bruit et corrélations de bruit

donne une résistance égale à h/2e soit 12, 9kΩ. Se pose ainsi la question de la provenance de

cette résistance. Pour obtenir une réponse, il suffit simplement de tenir compte de la résistance

intrinsèque des réservoirs qui influence le transport. La résistance totale G−1 est donc la somme

des résistances de l’échantillon G−1S et des réservoirs G−1

C . Ces deux types de résistances ont

pu être mesurés au cours d’une même expérience [10]. Les résultats des mesures confirment les

prédictions théoriques suivant lesquelles la résistance due aux réservoirs est égale à 12, 9kΩ,

tandis que celle de l’échantillon est nulle si la transmission est proche de 1.

3 Bruit et corrélations de bruit

3.1 Généralités

La conductance semble être la quantité physique la plus naturelle pour caractériser un

échantillon mésoscopique. Toutefois, cette dernière est liée au caractère moyen du courant alors

que celui-ci fluctue (voir Fig. I.4). Le bruit et les corrélations de bruit permettent justement de

mesurer ces fluctuations temporelles.

Figure I.4 – Fluctuations du courant par rapport à sa valeur moyenne.

Au cours des 30 dernières années, le bruit a été étudié par de nombreux groupes du fait

des enjeux économiques engendrés par l’essor de nouvelles technologies. Le bruit est souvent

considéré comme un signal polluant devant être réduit. Les sources de bruit dans un système

mésoscopique sont multiples. Trois sources sont prédominantes : le bruit en 1/f , le bruit ther-

mique et le bruit de grenaille. Le bruit en 1/f a pour origine les défauts mobiles capables

d’interagir avec les électrons. Il est proportionnel à l’inverse de la fréquence et au carré de la

tension appliquée [11, 12]. C’est un bruit hors équilibre puisqu’il apparaît lorsqu’une différence

de potentiel est appliquée au système. Il est observé à basse fréquence et limite la qualité des

11

Page 20: Denis Chevallier

Chapitre I. Courant et corrélations de courant

mesures. De plus, l’agitation thermique étant à l’origine de la fluctuation du nombre d’oc-

cupation des niveaux d’énergie d’un système, entraîne l’apparition du bruit Johnson-Nyquist

[13, 14] ou bruit thermique. Contrairement au bruit en 1/f , le bruit thermique est quant à lui

un bruit à l’équilibre. Enfin, le bruit de grenaille (ou shot noise) est une conséquence directe

de la quantification de la charge électrique. C’est un bruit qui apparaît lorsqu’une différence

de potentiel est appliquée. Il est donc directement relié au transport. Le premier à avoir mis

en évidence ce bruit fut Schottky en 1918 [15]. Il montra que dans un tube à vide, deux types

de fluctuations étaient présentes : la première due à l’agitation thermique des électrons (bruit

thermique) et la deuxième due à la discrétisation de ces derniers (bruit de grenaille).

Figure I.5 – Des paquets d’ondes incidents sur une barrière sont tous occupés par un électron. Cespaquets d’ondes peuvent ensuite être soit transmis avec un électron (un paquet d’onde non-occupé estréfléchi), soit réfléchis avec un électron (un paquet d’onde non-occupé est transmis).

En vue de simplifier la compréhension du bruit de grenaille, prenons un échantillon mé-

soscopique quelconque comportant une zone de diffusion (voir Fig. I.5). Un faisceau incident

est soit transmis avec une probabilité T , soit réfléchi avec une probabilité R. Si le faisceau

incident, à tout temps t, a une occupation de 1, sa valeur moyenne sera de 1. Ses fluctuations

∆nI = nI − 〈nI〉 seront nulles et le faisceau sera par conséquent non-bruyant. La particule est

soit transmise : nT = 1 et nR = 0 avec une probabilité T , soit réfléchie : nT = 0 et nR = 1 avec

une probabilité R = 1− T . Le produit nTnR est toujours nul, conséquence directe de l’occupa-

tion d’un seul des faisceaux de sortie. La valeur moyenne du nombre d’occupation du faisceau

transmis est 〈nT 〉 = T et du faisceau réfléchi 〈nR〉 = R. A partir de là, nous pouvons calculer

les fluctuations 〈∆n2T 〉 = 〈∆n2

R〉 = −〈∆nT∆nR〉 = T (1 − T ). Concluons en affirmant qu’un

faisceau incident non-bruyant donne naissance à deux faisceaux (un transmis et un réfléchi)

bruyants. C’est donc un mécanisme de diffusion probabiliste qui est à l’origine du bruit. Cette

discussion permet une compréhension simple du bruit pour des particules classiques. Dès lors

12

Page 21: Denis Chevallier

I.3 Bruit et corrélations de bruit

que nous voulons étudier des conducteurs quantiques, il est nécessaire de bien définir le bruit.

De manière générale, le bruit et les corrélations de bruit sont définis de la manière suivante

Smn(ω) = limT→∞

2T

∫ T/2

−T/2dt∫ +∞

−∞dt′ eiωt

′ 〈∆Im(t)∆In(t+ t′)〉

= limT→∞

2T

∫ T/2

−T/2dt∫ +∞

−∞dt′ eiωt

′[〈Im(t)In(t+ t′)〉 − 〈Im〉 〈In〉] . (I.10)

∆Im(t) correspond aux fluctuations du courant par rapport à sa valeur moyenne dans le

terminal m au temps t

∆Im(t) = Im(t)− 〈Im〉 . (I.11)

L’expression (I.10) correspond au "bruit" lorsque les deux terminaux sont identiques m = n.

Nous obtenons les "corrélations croisées" (ou "corrélations de bruit") lorsque les deux terminaux

sont différents m 6= n. Finalement, le bruit est à peu de chose près la transformée de Fourier de

la fonction d’auto-corrélations des fluctuations du courant. De plus, les corrélations de courant

dépendent généralement de la différence des temps t et t + t′. L’intégrale sur le temps t peut

être effectuée de manière triviale et la dépendance en T disparait.

3.2 Cas classique : bruit poissonien

En 1918, Schottky a calculé le bruit produit par une source de particules classiques [15]. Les

particules sont émises de façon indépendante (non corrélée). La probabilité pour que l’intervalle

de temps entre deux particules soit égal à t est donnée par la relation

p(t) =e−t/τ

τ, (I.12)

où τ est le temps moyen entre deux émissions. La probabilité d’émettre N particules pendant

un temps τN suit ainsi une loi de Poisson

P (N, τN) =τNNτNN !

e−τN/τ . (I.13)

Le nombre moyen de particules comptabilisées pendant le temps τN se réduit à l’expression

suivante : 〈N〉 = τN/τ . En injectant cette relation dans (I.13), nous obtenons

P (N, τN) =〈N〉NN !

e−〈N〉. (I.14)

13

Page 22: Denis Chevallier

Chapitre I. Courant et corrélations de courant

Notre variable suivant une loi de Poisson, il est facile de montrer que sa variance est égale

à sa valeur moyenne

(∆N)2⟩

=⟨

(N − 〈N〉)2⟩

= 〈N〉 . (I.15)

De plus, la définition du courant nous rappelle que celui-ci est égal au nombre moyen de

particules émises pendant le temps τN multiplié par la charge de ces dernières. Dans le cas des

électrons, le courant moyen devient

〈I〉 = e〈N〉τN

. (I.16)

Le bruit à fréquence nulle, quant à lui, s’écrit finalement

S = 2τN⟨

∆I2⟩

= 2e 〈I〉 . (I.17)

L’expression (I.17) est la formule de Schottky. Le bruit est donc proportionnel à la charge

des porteurs e et au courant moyen.

3.3 Bruit dans un conducteur mésocopique

Nous utilisons une approche de seconde quantification similaire à celle utilisée pour le cou-

rant. Dans le cas du bruit, nous considérons la moyenne du produit de deux opérateurs de

courant à des temps différents 〈Im(t)In(t+ t′)〉. Un tel produit exhibe une moyenne du produit

de quatre opérateurs de création et d’annihilation. Dans un cas très général où les opérateurs

peuvent être soit fermioniques soit bosoniques, cette moyenne est facilement calculable en uti-

lisant le théorème de Wick

c†p1,β1,σ(k(E1), t)cp2,β2,σ(k(E2), t)c

†p3,β3,σ′(k(E3), t+ t′)cp4,β4,σ′(k(E4), t+ t′)

=

~4k(E1)k(E3)

m2fp1(E1)fp3(E3)δp1,p2δp3,p4δβ1,β2δβ3,β4δ(E1 − E2)δ(E3 − E4)

+~

4k(E1)k(E2)m2

fp1(E1)(1∓fp2(E2)δp1,p4δp2,p3δβ1,β4δβ2,β3δσ,σ′δ(E1−E4)δ(E2−E3)e−i(E1−E2)t′/~,

(I.18)

14

Page 23: Denis Chevallier

I.3 Bruit et corrélations de bruit

∓ désigne toujours la nature fermionique ou bosonique des opérateurs et fp(E) la fonction de

Fermi-Dirac pour les fermions ou de Bose-Einstein pour les bosons. En utilisant l’expression

précédente, le corrélateur des courants prend la forme suivante

〈Im(t)In(t+ t′)〉 =e2

h2

dEdE ′

×[

4∑

αα′fm(E)fn(E ′) + 2

α

fm(E)(1∓ fm(E ′))e−i(E−E′)t′/~δmn

− 4∑

p

αβ

s∗mαpβ(E)smαpβ(E)fp(E)fm(E ′)

− 2∑

αα′s∗mαnα′(E)smαnα′(E ′)fn(E)(1∓ fn(E ′))e−i(E−E

′)t′/~

− 4∑

α′β

p

s∗nα′pβ(E′)snα′pβ(E ′)fm(E)fp(E ′)

− 2∑

αα′s∗nα′mα(E

′)snα′mα(E)fm(E)(1∓ fm(E ′))e−i(E−E′)t′/~

+ 4∑

αα′ββ′

pp′s∗mαpβ(E)smαpβ(E)s∗nα′p′β′(E

′)snα′p′β′(E ′)fp(E)fp′(E ′)

+ 2∑

αα′ββ′

pp′s∗mαpβ(E)smαp′β′(E)s∗nα′p′β′(E

′)snα′pβfp(E)(1∓ fp′(E ′))e−i(E−E′)t′/~

.

(I.19)

Les termes indépendants du temps dans l’expression (I.19) correspondent exactement au

produit des valeurs moyennes des courants. Dans la définition du bruit, ce produit des courants

moyens est retranché. De plus, l’intégrale sur le temps t′ fait apparaître une fonction delta de

Dirac sur l’énergie qui permet d’effectuer aisément l’intégrale sur cette dernière. Nous obtenons

finalement l’expression du bruit (et des corrélations croisées) suivante [16]

Smn(ω) =4e2

h

αα′ββ′

dE∑

pp′(δmpδmp′δαβδαβ′ − s∗mαpβ(E)smαp′β′(E − ~ω)

× (δnp′δnpδα′β′δα′β − s∗nα′p′β′(E − ~ω)snα′pβ(E))fp(E)(1∓ fp′(E − ~ω)). (I.20)

Cette formule est très générale. En vue d’obtenir des résultats plus exploitables, nous allons

étudier le cas d’un conducteur mésocopique à deux terminaux. Cette analyse sera faite sur le

bruit et les corrélations croisées à fréquence nulle puis à fréquence finie.

15

Page 24: Denis Chevallier

Chapitre I. Courant et corrélations de courant

3.4 Bruit à fréquence nulle

Cette partie nous permettra de mettre en évidence les apports de la connaissance du bruit

à fréquence nulle. En utilisant l’expression générale (I.20), nous pouvons extraire le bruit à

fréquence nulle présent dans un conducteur à deux terminaux

SLL(0) = SRR(0) =4e2

h

α

dE[

Tα(E)2(fL(1∓ fL) + fR(1∓ fR))

+Tα(E)(1− Tα(E))(fL(1∓ fR) + fR(1∓ fL))]

=4e2

h

α

dE[

Tα(E)(fL(1∓ fL) + fR(1∓ fR))± Tα(E)(1− Tα(E))(fL − fR)2]

.

(I.21)

Cette relation nous permet d’analyser le bruit thermique, le bruit de grenaille, de même que

la transition entre ces deux derniers. Etudions de plus près le cas des électrons. La première

partie correspond au bruit thermique. En effet si nous imposons une température nulle, ce

terme disparait. Le second terme correspond quant à lui au bruit de grenaille du fait de sa

nette dépendance à la différence de potentiel.

3.4.1 Bruit thermique

Le bruit thermique est une conséquence des fluctuations d’occupations dues à l’agitation

thermique. Ce bruit étant un bruit à l’équilibre, nous pouvons supposer que la tension entre les

terminaux est nulle. Cette hypothèse reste toutefois valable lorsque la tension est faible devant

la température eV ≪ kBΘ. Le bruit thermique s’écrit donc

SThLL(0) = STh

RR(0) =4e2

h

α

dE [Tα(E)(fL(1− fL) + fR(1− fR))] . (I.22)

En supposant que la probabilité de transmission ne dépend pas de l’énergie et en utilisant

la relation f(1− f) = −kBΘ∂f/∂E, nous pouvons intégrer l’équation (I.22)

SThLL(0) = STh

RR(0) = 4kBΘ2e2

h

α

= 4kBΘG. (I.23)

16

Page 25: Denis Chevallier

I.3 Bruit et corrélations de bruit

Cette relation nous enseigne que les fluctuations à l’équilibre sont directement reliées à

la conductance de Landauer. Nous pouvons relier ce résultat au théorème de fluctuation-

dissipation.

3.4.2 Bruit de grenaille

Le second terme de l’équation (I.21) correspond au bruit de grenaille. Ce bruit est un bruit

hors équilibre, une différence de potentiel eV = µL−µR est nécessaire pour le faire apparaitre.

Plus précisément, ce bruit est présent lorsque la tension appliquée est suffisament grande par

rapport à la température eV ≫ kBΘ [6, 7, 17]. A température nulle, le bruit de grenaille a donc

pour expression

SShLL(0) = SSh

RR(0) =4e2

h

α

dE[

Tα(E)(1− Tα(E))(fL − fR)2]

=4e2

heV

α

Tα(1− Tα). (I.24)

En prenant la limite de faible transmission Tα ≈ 0, nous retrouvons le bruit poissonien décrit

par Schottky [15]. Nous avons également vu dans la partie 2.2 que la conductance est quantifiée.

Cette dernière présente des plateaux lorsque les canaux de conduction ont une probabilité de

transmission voisine de 1. Pour de telles conductances, le terme∑

α Tα(1 − Tα) s’annule dans

l’équation (I.24). Des expériences ont effectivement montré [18–21] que le bruit s’annule lorsque

la conductance est un multiple de 2e2/h (voir Fig. I.6).

Lorsqu’un seul canal de conduction est présent, et en combinant l’expression du courant

moyen (I.7) à celle du bruit à fréquence nulle (I.24), nous pouvons écrire

SShLL(0) = 2e 〈I〉 (1− T ). (I.25)

Contrairement au résultat poissonien obtenu par Schottky, l’expression de celui-ci est ré-

duite d’un facteur 1−T . Ce bruit est dit "sous-poissonien". Si la transmission reste faible, nous

pouvons négliger le facteur T et retrouver un bruit poissonien.

En physique mésoscopique, le facteur de Fano est une quantité essentielle défini comme le

rapport entre le bruit de grenaille à fréquence nulle et le courant moyen

F =SShLL(0)〈I〉 = 2e. (I.26)

17

Page 26: Denis Chevallier

Chapitre I. Courant et corrélations de courant

Figure I.6 – Bruit en fonction de la conductance. Le bruit s’annule lorsque la conductance est un multiplede 2e2/h. Les courbes en pointillés correspondent au bruit incluant les effets thermiques [21].

Le bruit est donc toujours proportionnel au courant moyen et à la charge des porteurs. Sa

mesure permet de remonter par exemple aux charges effectives des quasi-particules dans un

système donné. Les charges effectives de l’effet Hall quantique fractionnaire ont été mesurées à

l’aide de cette méthode [22, 23]. Le facteur de Fano et la mesure de la charge des quasi-particules

sont davantage détaillés dans la partie concernant le transport dans les liquides de Luttinger

et plus précisément dans le chapitre (III) concernant l’universalité du facteur de Fano dans un

contact ponctuel quantique étendu. Nous avons donc présenté les deux régimes de bruit. Nous

n’avons toutefois pas étudié le comportement de la transition entre ces derniers.

3.4.3 Transition entre les deux régimes de bruit

En supposant que les coefficients de transmission ne dépendent pas de l’energie, nous pou-

vons effectuer l’intégrale (I.21) à température et tension finie [17]. Le bruit prend ainsi la forme

suivante

SLL(0) =4e2

h

(

2kBΘ∑

α

T 2α + eV coth

(

eV

2kBΘ

)

α

Tα(1− Tα))

. (I.27)

Pour des coefficients de transmission faibles Tα ≪ 1, la formule (I.27) devient

18

Page 27: Denis Chevallier

I.3 Bruit et corrélations de bruit

Figure I.7 – Bruit en fonction du courant [24] : (a) Θ = 300K et R ≈ 0.32GΩ, (b) Θ = 77K etR ≈ 2.7GΩ. Les traits pleins correspondent aux valeurs théoriques de l’équation (I.28).

SLL(0) =4e2

heV coth

(

eV

2kBΘ

)

α

= 2e 〈I〉 coth(

eV

2kBΘ

)

. (I.28)

L’équation (I.28) a été vérifiée expérimentalement à plusieurs reprises [20, 21, 24]. Plus

particulièrement, le groupe de C. Schönenberger a utilisé une pointe de microscope à effet

tunnel à proximité d’une surface métallique créant ainsi une barrière tunnel. Dans ce système,

deux séries de mesures ont été réalisées (voir Fig. I.7), montrant ainsi la transition entre le

bruit thermique (a) et le bruit de grenaille (b) [24]. Dans le régime de haute température

(kBΘ ≫ eV ), le bruit n’est proportionnel au courant que si celui-ci est suffisament grand. Au

contraire, dans le régime de faible température (eV ≫ kBΘ), le bruit est directement relié au

courant, en accord avec la formule (I.28).

3.5 Corrélations croisées à fréquence nulle : "Bunching/Antibunching"

L’expression (I.20) nous permet de déduire les corrélations croisées à fréquence nulle lorsque

m 6= n. En supposant une température nulle, ces corrélations deviennent

19

Page 28: Denis Chevallier

Chapitre I. Courant et corrélations de courant

Smn(0) =2e2

h

dE∑

αα′ββ′

pp′s∗mαpβsmαp′β′s

∗nα′p′β′snα′pβfp(E)(1∓ fp′(E)). (I.29)

De plus, l’unitarité de la matrice de diffusion impose la contrainte suivante

β

p

smαpβs∗nα′pβ = 0. (I.30)

Cette contrainte entraîne l’annulation de la partie linéaire en fp(E). Finalement, les corré-

lations croisées s’écrivent

Smn(0) = ∓2e2

h

dE∑

αα′

β

p

smαpβs∗nα′pβfp(E)

2

. (I.31)

Figure I.8 – Les bosons ont la possibilité de se regrouper (Bunching). Les corrélations entre les deuxfaisceaux transmis sont positives. Au contraire, les fermions s’excluent mutuellement à cause du principede Pauli (Antibunching). En conséquence, les corrélations sont négatives.

Nous pouvons observer une propriété intéressante dans l’expression (I.31). Le signe de celle-

ci dépend de la nature fermionique ou bosonique des particules mises en jeu. En présence de

fermions, les corrélations sont négatives (voir Fig. I.8). Le signe reflète le comportement des

fermions qui ne peuvent occuper un niveau d’énergie à plusieurs à cause du principe d’exclusion

de Pauli (Antibunching). Le signe positif des corrélations croisées nous renseigne sur la possi-

bilité offerte aux bosons d’occuper à plusieurs un même niveau d’énergie (Bunching). Mesurer

le signe des corrélations croisées à fréquence nulle permet donc de remonter à la nature des

porteurs de charge.

3.6 Bruit en fréquence

Le bruit en fréquence est un outil assez peu utilisé du fait de sa complexité. Toutefois,

celui-ci apporte des informations complémentaires. Grâce à l’équation (I.20) et en supposant

toujours que la transmission est indépendante de l’énergie, nous pouvons écrire le bruit (m = n)

comme

20

Page 29: Denis Chevallier

I.3 Bruit et corrélations de bruit

0 1Ñ ΩeV

SexcHΩL

Figure I.9 – Le bruit d’excès est maximum en zero, décroit linéairement jusqu’à ~ω = eV , puis s’annule.

SLL(ω) =2e2

h

2~ωcoth

(

2kBΘ

)

α

T 2α

+

[

(~ω + eV )coth

(

~ω + eV

2kBΘ

)

+ (~ω − eV )coth

(

~ω − eV2kBΘ

)]

α

Tα(1− Tα)

. (I.32)

A fréquence nulle, nous retrouvons effectivement le bruit calculé précédemment (I.28). Par

commodité, nous travaillerons à température nulle jusqu’à la fin de ce chapitre. Remarquons

tout de même qu’à l’équilibre, il subsiste une contribution appelée "fluctuations de point zéro".

Les physiciens isolent ainsi un bruit d’excès correspondant à la différence entre le bruit mesuré

à tension finie et celui mesuré à tension nulle

Sexc(ω) = SLL(ω, eV )− SLL(ω, 0) =4e2

h(eV − ~ω)

α

Tα(1− Tα)Θ(eV − ~ω). (I.33)

Expérimentalement, il est bien plus facile de mesurer le bruit en fonction de la tension pour

plusieurs fréquences plutôt que le bruit en fonction de la fréquence pour plusieurs tensions.

Toutefois, l’équation (I.33) nous prédit un changement de pente lorsque la fréquence de mesure

est égale à la tension appliquée à l’échantillon (voir Fig. I.9). Cette singularité a d’ailleurs été

mesurée pour un échantillon diffusif [25].

La mesure du bruit en fréquence se veut donc être un moyen efficace d’obtenir la valeur de

la charge effective des porteurs. En effet, à température nulle, un changement de pente apparaît

dans le bruit d’excès pour une jonction métal normal/métal normal lorsque la fréquence est égale

à eV [16]. De la même manière, en présence d’une jonction métal normal/supraconducteur, la

fréquence au delà de laquelle le bruit s’annule se situe à ~ω = 2eV [26]. Le facteur 2 correspond

à la charge d’une paire de Cooper créée dans le supraconducteur par réflexion d’Andreev. Pour

finir, l’effet Hall fractionnaire exhibe un changement de pente à ~ω = νeV où ν est le facteur

21

Page 30: Denis Chevallier

Chapitre I. Courant et corrélations de courant

de remplissage [27].

22

Page 31: Denis Chevallier

Première partie

Transport dans les liquides de

Luttinger

23

Page 32: Denis Chevallier
Page 33: Denis Chevallier

Chapitre II

Théorie des liquides de Luttinger et transport

hors de l’équilibre

Les métaux usuels à deux ou trois dimensions sont correctement décrits par la théorie des

liquides de Fermi [28–30]. Ce modèle permet d’habiller les électrons par les interactions, en nous

ramenant à une situation avec des quasi-particules sans interaction. Bien que la distribution

en énergie soit quelque peu modifiée par les interactions, cette dernière reste cependant très

semblable à celle de Fermi-Dirac car à température nulle, elle possède toujours un saut au

niveau de Fermi (voir Fig. II.1).

0.2 0.4 0.6 0.8 1.0k

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0nHkL

Figure II.1 – Distribution de Fermi-Dirac dans un système sans interaction (trait plein) et en présenced’interaction (trait hachuré).

Nous pouvons considérer que les particules obéissent à une loi fermionique. Cependant, dans

les systèmes à une dimension, la théorie des liquides de Fermi n’est plus valable pour plusieurs

raisons : excitations collectives, distorsion de Peierls [31]. Pour répondre à la nécessité de décrire

des systèmes à une dimension en interaction, Tomonaga [32] puis Luttinger [33] ont proposé un

modèle, qui sera résolu quelques années plus tard par Mattis et Lieb [34] et enfin par Haldane

[35], qui étendra le concept de liquide de Luttinger aux systèmes en interaction et aux bosons

à coeur dur (sous certaines conditions : absence de gap notamment). Cette théorie est basée

25

Page 34: Denis Chevallier

Chapitre II. Théorie des liquides de Luttinger et transport hors de l’équilibre

sur deux principes : la linéarisation du spectre d’énergie au niveau de Fermi et la bosonisation,

c’est à dire l’expression des fermions en interaction comme des bosons libres.

Ce modèle connut un fort succès pour décrire des systèmes physiques tels que les nanotubes

de carbone mais aussi les états de bord de l’effet Hall quantique fractionnaire. Par la suite,

nous ne donnerons qu’une approche en surface des liquides de Luttinger, sachant que des

articles de revue plus détaillés sur le sujet sont accessibles [36–39]. Dans toute cette partie,

nous étudierons des systèmes hors de l’équilibre dans le régime de l’effet Hall quantique. Pour

cette raison, nous décrirons dans un premier temps la théorie des liquides de Luttinger qui

permet une compréhension simplifiée de la technique de bosonisation en partant d’opérateurs

fermioniques décrivant les fermions du système pour arriver à une forme quadratique bosonisée

de l’hamiltonien. Puis, nous montrerons que les états de bord de l’effet Hall quantique peuvent

être modélisés par ces mêmes liquides de Luttinger à l’aide de l’approche de Wen [45] en partant

cette fois-ci de la densité de particules sur le bord d’une goutte de Hall considérée comme

bosonique pour obtenir les opérateurs fermioniques associés. Finalement, le dernier chapitre

sera consacré au transport hors équilibre et notamment au formalisme de Keldysh.

1 Les liquides de Luttinger-Tomonaga

1.1 Linéarisation du spectre

Nous considérons ici un système unidimensionnel d’électrons en interaction. L’hamiltonien

décrivant un tel système se décompose en deux parties : une partie cinétique et une partie

d’interaction

H = H0 +Hint. (II.1)

Certaines conditions sont essentielles à l’application de la théorie des liquides de Luttinger :

le spectre doit d’une part ne pas présenter de gap mais également être symétrique, c’est-à-

dire que le niveau de Fermi se réduit à deux points uniquement tel que E(kF ) = E(−kF ) =

EF . Prenons un exemple simple, le modèle d’électrons sur sites discrets au demi-remplissage

avec des interactions entre les plus proches voisins [36, 40]. La relation de dispersion de ce

dernier s’obtient sans trop de difficulté E(k) = −~vFa

cos(ka) avec a la distance entre deux

sites consécutifs (voir Fig. II.2). Cette relation de dispersion présente bien les caractéritisques

demandées.

26

Page 35: Denis Chevallier

II.1 Les liquides de Luttinger-Tomonaga

-EF EFk

EHkL

Figure II.2 – Comportement de la relation de dispersion dans le cas d’une chaine discrète d’électrons(unités arbitraires). Nous observons le niveau de Fermi pour lequel E(k) = E(−k) = EF .

L’idée fondamentale de la théorie des liquides de Luttinger est de linéariser le spectre d’éner-

gie au voisinage de l’énergie de Fermi car les propriétés du système à basse énergie dépendent

essentiellement des états avec des énergies proches de celle de Fermi. De plus, dans l’hypothèse

où la température est suffisamment basse, les fluctuations thermiques auront également lieu à

cette échelle d’énergie. Voyons la manière de linéariser le spectre selon le modèle de Tomonaga

[32]. Cette linéarisation du spectre au niveau de l’énergie de Fermi fait apparaître deux branches

E(k) ≃ ~νF (k − kF ) pour k > 0,

E(k) ≃ −~νF (k − kF ) pour k < 0. (II.2)

Très naturellement, nous pouvons considérer que les états avec k > 0 correspondent à ceux

où les électrons se déplacent dans une direction donnée (typiquement les électrons allant de

gauche à droite) et les états avec k < 0 correspondent aux états où les électrons se déplacent

dans l’autre sens (de droite à gauche).

La théorie de Luttinger permet quant à elle d’étendre la linéarisation jusqu’à des valeurs

negatives de k pour la branche positive et des valeurs positives de k pour la branche négative

(voir Fig. II.3). Ceci revient à rajouter des états non physiques d’énergies négatives dans la

théorie. La théorie des liquides de Luttinger présente l’avantage d’être résolue à l’aide de la bo-

sonisation avec l’ajout d’un facteur de convergence permettant de contrôler les états d’énergies

négatives. A l’aide du spectre linéarisé, nous pouvons réécrire l’hamiltonien du système sans

interaction H0

H0 = ~vF∑

r,k

ka†r,kar,k, (II.3)

27

Page 36: Denis Chevallier

Chapitre II. Théorie des liquides de Luttinger et transport hors de l’équilibre

Figure II.3 – Spectre original avec une structure de bande courbée (gauche). Spectre obtenu aprèslinéarisation à la Luttinger (droite).

où les opérateurs a†r,k(ar,k) sont les opérateurs de création et d’annihilation sur la branche r avec

r = ±. Le passage dans l’espace réel se fait simplement en définissant les opérateurs suivants

ψr(x) =1√L

k

eikxar,k,

ψ†r(x) =1√L

k

e−ikxa†r,k.

(II.4)

où L est la longueur du système 1D. Les relations d’anticommutations fermioniques usuelles se

retrouvent

ψ†r(x), ψr′(x′)

= δrr′δ(x− x′), ψr(x), ψr′(x′) = 0. (II.5)

Ces relations permettent de réécrire l’hamiltonien dans l’espace réel

H0 = −i~vF∫ L

0dx

(

ψ†+(x)∂ψ+(x)∂x

− ψ†−(x)∂ψ−(x)∂x

)

. (II.6)

28

Page 37: Denis Chevallier

II.1 Les liquides de Luttinger-Tomonaga

1.2 Bosonisation

L’objectif de la bosonisation est de réexprimer l’hamiltonien (II.6) en termes d’opérateurs

bosoniques qui obéissent aux relations usuelles de commutations. La méthode suivante permet

de définir ces opérateurs, la première étape consistant à introduire la densité d’électrons sur

chaque branche de la relation de dispersion

ρr(x) = ψ†r(x)ψr(x). (II.7)

Le passage dans l’espace des impulsions est nécessaire en procédant à une transformée de

Fourier

ρr(p) =1√L

∫ L

0dxeipxψ†r(x)ψr(x). (II.8)

Les équations (II.5) nous permettent de calculer aisément les commutateurs de ψr(x) avec

l’opérateur densité dans l’espace réel

[ψr(x), ρr(x′)] = δ(x− x′)ψr(x). (II.9)

De plus, la relation de commutation entre l’opérateur densité et lui même nous donne

[ρr(p), ρr(p′)] = −r p2πδp,−p′ . (II.10)

Ainsi, nous obtenons, à un facteur près, des relations de commutations usuelles. L’introduc-

tion de nouveaux opérateurs b†(k) et b(k) nous permettra par la suite d’éliminer le facteur en

question

b†(k) = i

2πkρ+(k) pour k > 0, (II.11)

b†(k) = −i√

2π−kρ−(k) pour k < 0, (II.12)

b(k) = −i√

2πkρ+(−k) pour k > 0, (II.13)

b(k) = i

2π−kρ−(−k) pour k < 0. (II.14)

29

Page 38: Denis Chevallier

Chapitre II. Théorie des liquides de Luttinger et transport hors de l’équilibre

Les relations de commutations entre ces opérateurs deviennent ainsi

[

b(k), b†(k′)]

= δk,k′ ,

[b(k), b(k′)] = 0. (II.15)

Nous pouvons désormais introduire les champs bosoniques φ+(x) et φ−(x) comme des com-

binaisons linéaires des opérateurs densité ou des opérateurs bosoniques b(k)

φr(x) = r2π√L

k>0

e−ark/2

ki[

e−ikxρr(k)− eikxρr(−k)]

= r

√4π√2L

k>0

e−ark/2√rk

[

b†(k)e−ikx + b(k)eikx]

, (II.16)

a est un facteur de convergence que nous ferons tendre vers zero à la fin du calcul afin d’obtenir

les quantités voulues. Ce facteur n’est rien d’autre que le cut-off de Luttinger, son introduction

est nécessaire pour compenser la présence des états d’énergie négatifs introduits dans la linéa-

risation du spectre. Les relations de commutations de ces nouveaux champs bosoniques avec la

densité s’écrivent dans l’espace réel

[φr(x), ρr(x′)] = −iδ(x− x′). (II.17)

Nous obtenons donc deux champs conjugués φ et ρ. Il reste cependant nécessaire de connaître

la relation de commutation des champs φ entre eux à des positions différentes pour avoir une

théorie complète

[φ+(x), φ+(x′)] =4π2L

k>0

e−ak

k

[

e−ik(x−x′) + eik(x−x

′)]

= 2iArctan

(

x− x′a

)

. (II.18)

Le facteur de convergence peut être désormais mis à zero pour obtenir

[φ+(x), φ+(x′)] = iπsgn(x− x′). (II.19)

30

Page 39: Denis Chevallier

II.1 Les liquides de Luttinger-Tomonaga

Le commutateur pour le deuxième champ φ− avec lui même à des positions différentes

s’obtient de la même manière

[φ−(x), φ−(x′)] = −iπsgn(x− x′). (II.20)

L’une des propiétés essentielles de deux opérateurs A et B conjugués est la suivante

[A(ζ), B(ζ ′)] = −iδ(ζ − ζ ′) et[

A(ζ), eiB(ζ′)]

= δ(ζ − ζ ′)eiB(ζ). (II.21)

En identifiant les expressions (II.9) et (II.17), la relation précédente (II.21) nous permet

d’écrire par identification

ψr(x) =Mr√2πa

eirkF xeiφr(x), (II.22)

où Mr est le facteur de Klein. Ce facteur permet l’ajout ou la suppression d’une particule sur la

branche r, mais assure également aux champs fermioniques des relations d’anticommutations

correctes car lui même possède des relations d’anticommutations usuelles

Mr,M†r′

= 2δ(r, r′),

Mr,Mr′ = 0 ,

M †r ,M†r′

= 0. (II.23)

Dans cette thèse, les calculs effectués avec les opérateurs ψr(x) ne nécessitent pas la présence

de ce facteur de Klein, c’est pour cette raison qu’à présent, nous allons le prendre égal à 1.

Nous avons donc réécrit les opérateurs fermioniques en termes de champs bosoniques.

1.3 Expression de l’hamiltonien cinétique bosonisé

D’après l’équation (II.3), une fois le spectre linéarisé, l’hamiltonien cinétique d’un système

unidimentionnel s’écrit

H0 = ~vF∑

r,k

ka†r,kar,k.

Ici, l’enjeu réside dans la réexpression de l’hamiltonien en termes d’opérateurs bosoniques

φ+ et φ−. La première étape consiste alors à calculer les relations de commutations existantes

entre l’hamiltonien et les opérateurs densités de chaque branche

31

Page 40: Denis Chevallier

Chapitre II. Théorie des liquides de Luttinger et transport hors de l’équilibre

[H0, ρr(p)] = r~vFpρr(p). (II.24)

Référons nous aux bases de la mécanique quantique nous rappellant que si nous avons des

relations telles que (II.24), cela signifie que les états créés par ρ+ et ρ− sont des états propres

de H0 avec des énergies ±~vFp. En tenant compte de cet argument, nous pouvons réécrire

l’hamiltonien cinétique comme [39, 41]

H0 = π~vF∑

r,p>0

[ρr(p)ρr(−p)] (II.25)

= π~vF

∫ L

0dx[

(ρ+(x))2 + (ρ−(x))2]

. (II.26)

Nous venons de dériver l’identité de Kronig [42] reliant l’hamiltonien (II.3) à l’hamiltonien

(II.26). Le remplacement des opérateurs densités par leurs expressions en termes des champs

bosoniques préalablement introduits (II.16) est trivial car la dérivation de l’équation (II.16)

nous offre la possibilité d’écrire

ρr(x) =r

2π∂φr(x)∂x

(x). (II.27)

Remplaçons (II.27) dans notre hamiltonien (II.26) pour obtenir

H0 =~vF4π

∫ L

0dx

(

∂φ+(x)∂x

)2

+

(

∂φ−(x)∂x

)2

. (II.28)

2 Etats de bords de l’effet Hall quantique ou liquide de

Luttinger chiral

L’effet Hall quantique a été découvert en 1980 par Klaus Von Klitzing [43] dans un gaz

bidimensionnel d’électrons soumis à un champ magnétique perpendiculaire. En présence d’un

champ magnétique, les états propres du système (sans interaction) forment des bandes appelées

niveaux de Landau d’énergie En = (n+ 1/2)~ωc, avec ωc = eB/m∗ la fréquence cyclotron. Ces

niveaux sont dégénérés car le nombre d’états d’un niveau de Landau correspond au nombre de

quanta de flux dans le système : N = nφA avec A la taille du système, nφ = B/φ0 = BE/h la

32

Page 41: Denis Chevallier

II.2 Etats de bords de l’effet Hall quantique ou liquide de Luttinger chiral

densité de quanta de flux et h la constante de Planck. Le facteur de remplissage est une notion

essentielle dans le phénomène de l’effet Hall quantique. Ce dernier se définit comme le rapport

entre la densité d’électrons et la densité de quanta de flux ν = ns/nphi. Ce facteur est facilement

modulable expérimentalement en augmentant le champ magnétique ou en changeant la densité

d’électrons dans le système par exemple.

Figure II.4 – Niveaux de Landau pour différents champs magnétiques. Ces niveaux sont séparés par uneénergie proportionnelle à la fréquence cyclotron ωc. Quand B augmente l’écart entre les niveaux augmententégalement.

Pour des champs magnétiques assez importants, le facteur de remplissage prend des valeurs

entières et des niveaux de Landau apparaissent. L’énergie totale du système augmente à la seule

condition que l’énergie de Fermi dépasse un des niveaux de Landau (voir Fig. II.4). Le passage

des niveaux entraine ainsi l’apparition de plateaux dans la mesure de la résistance transverse

(résistance de Hall)

RH =1ν

h

e2(II.29)

avec ν entier. Remarquons tout de même que cette quantification de la valeur de la résistance

ne dépend pas des paramètres extèrieurs comme la température ou la fréquence, ni même des

paramètres intrinséques à l’échantillon. Les plateaux de l’effet Hall entier sont très robustes ce

qui nous permet de faire des mesures avec de grandes précisions. En 1982, Tsui, Stormer et

Gossard ont découvert que ν pouvait prendre des valeurs fractionnaires de la forme p/q avec q

impair dans des échantillons désordonnés [44]. Ce nouveau régime fractionnaire met en évidence

les interactions qui sont beaucoup plus importantes que dans l’effet Hall Entier à cause de la

faible densité d’états électroniques. Nous allons à présent nous intéresser à l’un des aspects de

l’effet Hall quantique que sont les états de bords. Effectivement, dans un échantillon de taille

finie, les bords confinent les électrons avec un champ électrique. Dans un gaz bidimensionnel

33

Page 42: Denis Chevallier

Chapitre II. Théorie des liquides de Luttinger et transport hors de l’équilibre

soumis à un champ magnétique, les électrons décrivent des orbites cyclotron dont le centre est

immobile, hormis à proximité des bords en raison du confinement. En effet, le champ électrique

provoque la dérive du centre des orbites cyclotrons. Le mouvement des électrons se décompose

en un mouvement circulaire de pulsation ωc et un mouvement linéaire de dérive sur le bord de

l’échantillon (voir Fig. II.5).

Figure II.5 – Etats de bords : en présence d’un champ magnétique, les électrons se déplacent sur uneorbite cyclotron dont le centre reste immobile excepté lorsque l’électron est proche du bord. Dans ce cas,le mouvement des électrons impose un déplacement du centre de l’orbite cyclotron le long du bord del’échantillon.

Les déplacements de ces électrons sont appelés états de bords et constituent d’excellents

systèmes unidimensionnels dans lesquels l’étude des phénomènes de transport est riche.

2.1 Approche hydrodynamique

Dans cette partie, nous allons décrire les états de bords de l’effet Hall fractionnaire à l’aide

du modèle phénoménologique de Wen [45]. Le modèle de départ est le modèle hydrodynamique

d’une goutte de fluide de Hall (voir Fig. II.6), étant bidimensionnel et incompressible dû aux

interactions répulsives et aux corrélations entre les électrons. La quantification se fait en iden-

tifiant les variables conjuguées du système. L’hamiltonien quantique ainsi obtenu peut être

bosonisé de manière à obtenir un hamiltonien similaire à celui d’un liquide de Luttinger.

Dans un tel système, les seules excitations possibles sont des ondes se propageant sur le bord

de la goutte (des déformations de hauteur h(x)) et dans une seule direction avec une vitesse

v = cE/B, ~E et ~B étant les champs électriques et magnétiques. La densité de particules sur le

bord de l’échantillon est

ρ(x) = nsh(x). (II.30)

34

Page 43: Denis Chevallier

II.2 Etats de bords de l’effet Hall quantique ou liquide de Luttinger chiral

Figure II.6 – Modèle hydrodynamique pour les états de bord de l’effet Hall quantique. Les excitationsse propagent sur le bord de la goutte dans une seule direction.

où ns est la densité de charge. Cette densité obéit bien évidemment à l’équation de continuité

∂ρ

∂t− v ∂ρ

∂x= 0, (II.31)

où v est la vitesse des particules sur le bord de la goutte. Compte tenu du système que nous

utilisons, l’énergie du système n’est autre que le potentiel électrique multiplié par la charge

totale

H =12

∫ L

0dxV (x)eρ(x). (II.32)

V (x) est le potentiel scalaire et L le périmètre de la goutte. Dans un système soumis à l’effet

Hall, le champ électrique et le champ magnétique sont reliés par la relation

E =1nse

BJ (II.33)

avec J la densité de courant qui, sur le bord de l’échantillon, est égale à J = ensv. Ceci nous

permet ainsi d’écrire facilement E = vB. Grâce à cette relation, le potentiel électrique s’écrit

V (x) = Eh(x) = vBh(x) et l’hamiltonien devient

H =12evB

ns

∫ L

0dxρ2(x). (II.34)

La densité de charge ns étant proportionnelle à nφ, nous pouvons écrire que nφ = νeB/h.

En remplaçant cette relation dans l’expression de l’hamiltonien, nous obtenons

H =12hv

ν

∫ L

0dxρ2(x). (II.35)

Pour permettre la quantification de l’hamiltonien (II.35), il est nécessaire de passer dans

l’espace des impulsions en procédant à une transformée de Fourier de la densité d’électrons sur

35

Page 44: Denis Chevallier

Chapitre II. Théorie des liquides de Luttinger et transport hors de l’équilibre

le bord de la goutte

ρ(x) =1√L

k

e−ikxρ(k). (II.36)

L’hamiltonien dans l’espace des implusions est maintenant

H =12hv

ν

k

ρ(k)ρ(−k). (II.37)

Avant de commencer la quantification, nous allons tâcher de trouver les opérateurs conjugués

canoniques. Pour ce faire, nous réécrivons l’équation de continuité (II.31) dans l’espace des

impulsions

ρ(k) = −ivkρ(k). (II.38)

La quantification canonique nécessite la connaissance de la position q(k) et de l’impulsion

p(k). Aidons nous du formalisme lagrangien gouverné par les équations de Hamilton

q =∂H

∂p, (II.39)

p =∂H

∂q. (II.40)

A l’aide de l’hamiltonien (II.37) et de la dérivée temporelle de la densité d’états des particules

sur le bord (II.38), l’équation de Hamilton nous donne (par analogie q(k) = ρ(k))

p = − ∂H

∂ρ(k)= −ih

ν

ρ(−k)k

. (II.41)

En insérant l’équation de continuité à l’intérieur de l’expression précédente, nous obtenons

p(k) = ih

νkρ(−k). (II.42)

La connaissance des coordonnées généralisées et du moment conjugué, nous permet désor-

mais de quantifier la théorie. ρ(k) et p(k) deviennent les opérateurs conjugués canoniques avec

relation de commutation

[p(k), ρ(k′)] = i~δk,k′ . (II.43)

En remplaçant les définitions de p et ρ dans l’expression (II.43), nous pouvons faire appa-

36

Page 45: Denis Chevallier

II.2 Etats de bords de l’effet Hall quantique ou liquide de Luttinger chiral

raître le commutateur de l’opérateur densité avec lui même

[ρ(k), ρ(k′)] = −νk2πδk′,−k. (II.44)

Le commutateur de l’hamiltonien avec la densité d’état est également disponible

[H, ρ(k)] = ~vkρ(k). (II.45)

La relation (II.45) est très similaire à ce que nous avons obtenu dans le cas des liquides de

Luttinger (II.24). Par conséquent, réitérer la bosonisation comme précédemment est la première

idée qui vient à l’esprit. L’introduction du champ bosonique s’effectue comme suit

φ(x) =2π√L

k>0

e−ak/2

ki[

e−ikxρ(k)− eikxρ(−k)]

. (II.46)

A l’aide de la dérivée de ce champ

∂φ

∂x=

2π√νρ(x), (II.47)

l’écriture de l’hamiltonien (II.35) en termes de champs bosoniques est la suivante

H =~v

∫ L

0dx

(

∂φ

∂x

)2

. (II.48)

L’hamiltonien est maintenant quadratique et très similaire à l’hamiltonien des liquides de

Luttinger sans interaction. La seule différence notoire est l’introduction d’un champ φ unique

au lieu de deux. Physiquement, cela se traduit par la circulation des particules dans une seule

direction, c’est ce que l’on appelle un liquide de Luttinger chiral.

En utilisant la définition (II.46), nous pouvons écrire le commutateur du champ φ avec la

densité d’état ρ

[ρ(x′), φ(x)] = −i√νδ(x− x′). (II.49)

Grâce à la relation introduite dans la partie précédente (II.21), nous pouvons retrouver

la forme des opérateurs fermioniques ψ(x) en termes des champs φ(x) en identifiant avec les

équations (II.9) et (II.49)

ψ(x) =1√2πa

eikF xei 1√νφ(x) (II.50)

37

Page 46: Denis Chevallier

Chapitre II. Théorie des liquides de Luttinger et transport hors de l’équilibre

avec eikF x donnant le sens de déplacement des électrons et a le cut-off spatial permettant

d’éliminer la partie non physique du spectre. La dépendance de l’opérateur fermionique par

rapport à la fraction de remplissage ν nous permet de contraindre cette fraction. Pour connaître

ces contraintes, rappelons la relation d’anticommutation usuelle des opérateurs fermioniques

ψ(x), ψ(x′) = 0. (II.51)

Selon la formule de Baker-Campbell-Hausdorf

eAeB = eA+B− [A,B]2 (II.52)

avec A et B des opérateurs. Connaissant la relation de commutation des champs bosoniques

[φ(x), φ(x′)] = −iπsgn(x− x′) (II.53)

et en utilisant (II.51) et (II.52), nous pouvons remonter au produit des opérateurs fermioniques

et par conséquent à leur commutateur. Il apparaît la relation suivante

ψ(x)ψ(x′) = e±iπν ψ(x′)ψ(x). (II.54)

Pour retrouver les relations usuelles des opérateurs fermioniques (II.51), il est obligatoire

d’avoir

e±iπν = −1. (II.55)

Cette relation est vérifiée si ν = 1/m avec m impair. Cette propriété du facteur de rem-

plissage décrit un liquide de Luttinger fractionnaire. Dans les chapitres suivants, les fonctions

de Green bosoniques nous seront grandement nécessaires. Nous allons donc consacrer un para-

graphe à la dérivation de celles-ci à partir de l’hamiltonien obtenu (II.48).

2.2 Fonctions de Green bosoniques

Lorsqu’un système est à l’équilibre ou hors de l’équilibre, ses propriétés essentielles d’évolu-

tions ou même thermodynamiques s’expriment à partir des fonctions de Green. Les fonctions

de Green bosoniques sont définies comme suit [46]

G(x, t, 0, 0) = 〈Tφ(x, t)φ(0, 0)〉 . (II.56)

38

Page 47: Denis Chevallier

II.2 Etats de bords de l’effet Hall quantique ou liquide de Luttinger chiral

Il est très commode dans ce type de problème de travailler avec les intégrales de chemin.

Grâce à cette méthode, les fonctions de Green bosoniques s’expriment simplement à l’aide de

l’action du système

G(x, t, 0, 0) =1Z

Dφφ(x, t)φ(0, 0)e−iS(φ)

~ (II.57)

avec Z la fonction de partition du système, et S(φ) l’action. Tout l’enjeu réside dans le calcul

de la fonction de partition Z. Mais pour cela, la connaissance de l’action est indispensable. A

l’aide d’une transformée de Legendre, le lagrangien du système s’écrit

L = − ~

dx

v

(

∂φ

∂x

)2

+

(

∂φ

∂x

)(

∂φ

∂t

)

. (II.58)

L’action quadratique du système en termes des champs bosoniques se met sous la forme

suivante

S =∫

dtL =~

dt∫

dxφ [(v∂x + ∂t)∂x]φ (II.59)

= ~

dt∫

dx φOφ (II.60)

avec O = 14π

(v∂x + ∂t)∂x. Nous allons maintenant présenter la méthode consistant à introduire

un champ auxiliaire dans l’action (qui sera mis à zero à la fin du calcul), procédé permettant

de prendre des dérivées fonctionnelles de la fonction de partition afin de faire apparaître les

fonctions de Green voulues. Le champ auxiliaire η(x, t) est introduit de la façon suivante

Z(η) =∫

Dφe− i~S+i∫

dxdtη(x,t)φ(x,t). (II.61)

La dérivée seconde de cette nouvelle fonction de partition nous permet de réécrire la fonction

de Green bosonique sous la forme

G(x, t, 0, 0) =1

Z(0)δ2Z(η)

δη(x, t)δη(0, 0)

η→0

. (II.62)

La connaissance de la forme analytique de la fonction de Green peut s’obtenir en isolant le

champ auxiliaire dans l’action puis, en procédant à un changement approprié de variable. La

deuxième astuce de calcul consiste au passage en temps imaginaire en utilisant le changement de

39

Page 48: Denis Chevallier

Chapitre II. Théorie des liquides de Luttinger et transport hors de l’équilibre

variable τ = it. Une fois cette action menée, la fonction de Green bosonique s’écrit simplement

(i∂τ + v∂x)∂xG(x, τ) = 2πδ(x)δ(τ). (II.63)

Pour des personnes aguerries à ce formalisme, la connaissance de l’opérateur O est suffisante

pour directement connaître la fonction de Green, qui est l’inverse de ce dernier à un facteur

près. La solution de l’équation (II.63) est obtenue en posant −∂xG = f , puis en utilisant les

variables complexes z = x/v + iτ et z = x/v − iτ . L’équation pour f devient

∂zf = vπδ(x)δ(τ). (II.64)

L’électrostatique en 2D nous fournit la solution de l’équation (II.64), qui est de la forme

f(z) = 1z. Les fonctions de Green généralisées de Matsubara sont périodiques avec la tempéra-

ture [47]. Or, dans la définition de f(z), 0 < τ < β ne couvre pas l’intégralité du domaine, il

faut donc imposer une périodicité à τ pour pallier ce problème

f(z + iβ) = f(z) =1z

+∑

n6=0

1z − inβ =

π

vβcoth

(

πz

β

)

. (II.65)

Le calcul de la fonction de Green bosonique apparaît clairement

∂xG(x, τ) = −f(x/v + iτ) = − π

vβcoth

(

πx/v + iτ

β

)

. (II.66)

L’intégration de G(x, τ) nous donne

G(x, τ) = −ln

[

sinh

(

πx/v + iτ

β

)]

. (II.67)

Nous venons d’obtenir la fonction de Green thermique bosonique (des états de bords de

l’effet Hall). Remarquons que la fonction de Green est indépendante du facteur de remplissage.

Autrement dit, pour l’effet Hall entier ou fractionnaire, les fonctions de Green bosoniques seront

identiques. Comme nous l’avons mentionné dans l’introduction, les chapitres suivants seront

consacrés à des systèmes hors de l’équilibre. Dans le chapitre suivant, nous allons rapidement

introduire ces systèmes et les méthodes de calculs s’y rapportant.

40

Page 49: Denis Chevallier

II.3 Transport hors de l’équilibre ou formalisme de Keldysh

3 Transport hors de l’équilibre ou formalisme de Kel-

dysh

Dès le début des années 60, une méthode mathématique permettant de calculer des valeurs

moyennes d’observables (en particulier des fonctions de Green hors de l’équilibre) a vu le jour

[48–50]. Plus communément appelée formalisme de "Schwinger-Keldysh", c’est une extension

directe de la théorie des champs usuelle [41, 47] à une situation hors de l’équilibre. C’est une

methode très systématique qui permet de ramener formellement une situation hors de l’équilibre

à une situation diagrammatique de perturbations à l’équilibre. Nous allons ici présenter les bases

de cette théorie. Néanmoins, pour une description plus complète, cette méthode a été présentée

dans plusieurs articles de revues [41, 51, 52].

3.1 Théorie des champs usuelle

En théorie des champs usuelle, le système étudié évolue de façon réversible car il se trouve

à température nulle, ou à l’équilibre à température quelconque. Le système est décrit par

l’hamiltonien H = H0 +Hint. Les valeurs moyennes intervenant par exemple dans les fonctions

de Green s’écrivent [41]

〈φ0|AH(t)BH(t′)... |φ0〉 = 〈φ0|S(−∞,+∞)T [AI(t)BI(t

′)...S(+∞,−∞)] |φ0〉 (II.68)

=〈φ0|T [AI(t)BI(t

′)...S(+∞,−∞)] |φ0〉

〈φ0|S(+∞,−∞) |φ0〉, (II.69)

où |φ0〉 désigne l’état fondamental (état propre de H0). L’indice H désigne la représentation de

Heisenberg et l’indice I la représentation d’interaction. T est le T-produit usuel

T [A(t)B(t′)] =

A(t)B(t′) si t > t

±B(t′)A(t) si t < t

′.

Le signe ± désigne la nature bosonique ou fermionique des opérateurs. L’opérateur d’évo-

lution S(+∞,−∞) s’écrit

S(+∞,−∞) = Texp−i

~

∫ +∞

−∞dt′′Hint(t

′′)

. (II.70)

L’hamiltonien d’interaction Hint est ici perçu comme une perturbation. Partant d’un état

|φ0〉 non perturbé, nous faisons évoluer cet état vers l’état final |φ(∞)〉. L’état final reste tout

41

Page 50: Denis Chevallier

Chapitre II. Théorie des liquides de Luttinger et transport hors de l’équilibre

de même un état fondamental du système. Autrement dit, en faisant l’hypothèse adiabatique

sur la perturbation, l’état final (à t = +∞) est le même, à une phase près, que l’état initial (à

t = −∞)

eiα = 〈φ0|S(∞,−∞) |φ0〉 . (II.71)

3.2 Moyenne en théorie des champs hors de l’équilibre

Désormais, si le système évolue de façon irréversible (hors de l’équilibre), l’état final sera

différent de l’état initial et le passage de (II.68) à (II.69) ne sera plus vrai. Il est tout de même

possible de trouver un analogue à (II.69) grâce au formalisme de Keldysh. Il suffit de faire

évoluer le système de t = −∞ à t = +∞ puis de revenir au temps t = −∞. Pour ce faire,

Keldsyh a introduit un contour temporel dans le plan complexe (voir figure II.7)[50].

Figure II.7 – Contour temporel de Keldysh

On définit désormais l’opérateur d’ordre chronologique Keldysh

TK [A(t)B(t′)] =

A(t)B(t′) si t >K t

±B(t′)A(t) si t <K t

′,

t′>K t signifie que t

′arrive après t en suivant le contour Keldysh même si dans l’absolu t

′< t.

Si l’on considère dans l’équation (II.68) que les temps dans le premier opérateur d’évolution ap-

partiennent à la branche inférieure du contour Keldysh, et que les temps du deuxième opérateur

d’évolution appartiennent à la branche supérieure alors nous pouvons écrire

〈φ0|AH(t)BH(t′)... |φ0〉 = 〈φ0|S(−∞,+∞)T [AI(t)BI(t

′)...S(+∞,−∞)] |φ0〉 (II.72)

= 〈φ0|TK [AI(t)BI(t′)...SK ] |φ0〉 . (II.73)

42

Page 51: Denis Chevallier

II.3 Transport hors de l’équilibre ou formalisme de Keldysh

SK est le produit des opérateurs d’évolution sur chacune des branches

SK = S(−∞,+∞)S(+∞,−∞) = TKexp

− i~

KdtHint(t)

. (II.74)

où∫

K décrit l’intégrale sur tout le contour Keldysh. Dans ce formalisme, la "normalisation"

est déjà faite car le dénominateur 〈SK〉 est égal à 1. En effet, 〈SK〉 correspond à la valeur

moyenne de l’opérateur d’évolution dans le vide entre t = −∞ et t = −∞. L’introduction d’un

tel formalisme engendre certains inconvénients ; dans la mesure où TK ordonne les opérateurs

sur le contour Keldysh, nous pouvons choisir des temps sur la branche supérieure ou sur la

branche inférieure. La fonction de Green fait appel à deux temps différents, nous pouvons donc

la définir comme

Gηη′(x, tη, y, t

η′ ) = −i

TK [ψH(x, tη)ψ†H(y, t

η′ )]⟩

(II.75)

avec η = ± et η′= ±. La fonction de Green Keldysh peut donc s’écrire sous quatre formes

G++(x, t+, y, t′+) = −i

T [ψH(x, t)ψ†H(y, t′)]⟩

, (II.76)

G+−(x, t+, y, t′−) = ∓i

ψ†H(y, t′)ψH(x, t)

, (II.77)

G−+(x, t−, y, t′+) = −i

ψH(x, t)ψ†H(y, t′)⟩

, (II.78)

G−−(x, t−, y, t′−) = −i

T [ψH(x, t)ψ†H(y, t′)]⟩

. (II.79)

où T est l’opérateur d’ordre anti-chronologique et ∓ désigne la nature fermionique ou bosonique

des opérateurs ψ. Ces fonctions de Green sont primordiales en physique car la plupart des

quantités physiques d’un système peuvent se déduire de celles-ci. La fonction de Green d’un

système non-perturbé est facile à dériver, ce qui devient plus difficile lorsque le système subit une

perturbation. Pour pallier ce problème, nous pouvons réécrire la fonction de Green perturbée

en termes de ces mêmes fonctions non-perturbées en procédant à un développement perturbatif

de l’exponentielle présente dans l’opérateur d’évolution SK

Gηη′(x, tη, y, t′η

′) = −i

TK[

ψI(x, tη)ψ†I(y, t

′η′)]

SK⟩

. (II.80)

Revenons maintenant à l’expression de nos fonctions de Green qui, de manière pratique

43

Page 52: Denis Chevallier

Chapitre II. Théorie des liquides de Luttinger et transport hors de l’équilibre

pour les calculs, peuvent s’organiser sous forme matricielle

G =

G++ G+−

G−+ G−−

. (II.81)

Ces quatre fonctions de Green ne sont pas indépendantes, mais reliées par la relation [41]

G++ +G−− = G+− +G−+. (II.82)

Souvent, il est préférable d’introduire une nouvelle palette de fonctions directement déduites

des précedentes en posant la rotation suivante

G =

0 GA

GR GK

= LGL−1 (II.83)

avec la transformation unitaire

L =1√2

1 −1

1 1

. (II.84)

Grâce à la rotation de la base Keldysh, les quatre fonctions de Green peuvent donc être

réduites à trois

GR/A(t− t′) = ±θ(±(t− t′))[

G−+(t− t′)−G+−(t− t′)]

, (II.85)

GK(t− t′) = G−+(t− t′) +G+−(t− t′) (II.86)

avec GR, GA, GK respectivement les fonctions de Green retardée, avançée et Keldysh.

3.3 Fonctions de Green bosoniques en temps réel

Dans la partie (2.2), nous avons obtenu l’expression de la fonction de Green bosonique

en temps imaginaire (II.67). Dans la suite, nous utiliserons uniquement la fonction de Green

bosonique à température nulle, obtenue à partir de l’expression (II.67) dans la limite β → ∞.

De plus, il est important de signaler que cette fonction de Green bosonique diverge lorsque x

et τ sont égaux à zéro. Pour corriger ce problème, nous utilisons généralement les fonctions de

Green régularisées

44

Page 53: Denis Chevallier

II.3 Transport hors de l’équilibre ou formalisme de Keldysh

G(x, t, 0, 0) = 〈Tφ(x, t)φ(0, 0)〉 −⟨

φ(0, 0)2⟩

. (II.87)

Dans la suite de cette thèse, toutes les fonctions de Green bosoniques seront régularisées.

Revenons au but principal de ce paragraphe qui est l’obtention des fonctions de Green boso-

niques en temps réel. Nous pouvons retrouver l’expression de la fonction de Green G−+(x, t)

par prolongement analytique τ → it + ǫ [53]. De plus la double dépendance en position et en

temps peut être ramenée à une seule dépendance en temps du fait de la chiralité des fonctions

de Green bosoniques. Nous obtenons finalement [54, 55]

G−+(t) = −ln(

1 + ivF t

a

)

. (II.88)

Toutes les autres composantes de la matrice Keldysh peuvent être retrouvées à partir de la

composante G−+. En effet,

G+−(t) = G−+(−t), (II.89)

G++(t) = θ(t)G−+(t) + θ(−t)G+−(t), (II.90)

G−−(t) = θ(−t)G−+(t) + θ(t)G+−(t). (II.91)

Finalement, les quatres composantes Keldysh s’écrivent

G++(τ) = −ln

(

1 + ivF |τ |a

)

, (II.92)

G−−(τ) = −ln

(

1− ivF |τ |a

)

, (II.93)

G+−(τ) = −ln(

1− ivF τa

)

, (II.94)

G−+(τ) = −ln(

1 + ivF τ

a

)

. (II.95)

Il est important de noter que l’apparition du cut-off a provient de la régularisation de la

fonction de Green précédemment citée (II.87).

Tous les outils nécessaires à la compréhension des deux projets exposés dans les deux cha-

pitres suivants ont été présentés, à savoir les états de bords de l’effet Hall quantique et leur

45

Page 54: Denis Chevallier

Chapitre II. Théorie des liquides de Luttinger et transport hors de l’équilibre

modélisation par les liquides de Luttinger mais également les méthodes de calcul permettant

de décrire des systèmes hors de l’équilibre.

46

Page 55: Denis Chevallier

Chapitre III

Universalité du facteur de Fano et conductance

différentielle dans un QPC étendu

Les gaz d’électrons confinés en deux dimensions (2D) et soumis à un champ magnétique

perpendiculaire au plan de confinement sont dans le régime de l’effet Hall quantique (QHE)

[56]. Lorsque le facteur de remplissage est ν = 1, les particules mises en jeu sont des électrons.

Cependant, un echantillon "propre" avec un fort champ magnétique peut générer des excitations

portant des charges fractionnaires ν = 1/3, 2/5, ... [57]. Au cours des vingt dernières années,

des études théoriques [54, 58, 59] et expérimentales [22, 23] ont été menées pour calculer le

transport hors équilibre dans les barres de Hall. Quand une tension est appliquée entre les deux

états de bords, un courant tunnel transférant des quasi-particules entre les deux états peut être

observé. L’une des principales propriétés du transport dans le régime tunnel est que le rapport

entre le bruit à fréquence nulle et le courant moyen de rétrodiffusion correspond à la charge des

porteurs qui sont transférés par effet tunnel [5, 16]. Dans l’effet Hall quantique fractionnaire

(FQHE), pour un potentiel purement local, la théorie des liquides de Luttinger a également

prédit que ce facteur de Fano correspondrait à la charge effective des quasi-particules [54, 58].

En pratique, un contact ponctuel quantique (QPC) est fabriqué en plaçant des bornes élec-

trostatiques sur un gaz 2D. Il est donc difficile à croire que le potentiel créé est purement local.

L’étude que nous avons menée présente le calcul du courant de rétrodiffusion et du bruit dans

un QPC étendu avec une géométrie arbitraire. Avec la géométrie étendue, une multitude de

chemins sont envisageables pour le transfert de particules par effet tunnel d’un état de bord

à l’autre. Nous nous sommes donc intéressés à la déviation du courant de rétrodiffusion et du

facteur de Fano par rapport au cas purement local.

Dans un premier temps, nous allons présenter les quantités caractéristiques que sont le

47

Page 56: Denis Chevallier

Chapitre III. Universalité du facteur de Fano et conductance différentielle dansun QPC étendu

courant de rétrodiffusion et le bruit à fréquence nulle dans le cas d’un QPC purement local.

Nous nous intéresserons ensuite à un potentiel étendu arbitraire en vue de connaître la déviation

du facteur de Fano par rapport à l’élargissement de la zone de diffusion. Nous analyserons

enfin la divergence du courant de rétrodiffusion d’un QPC parabolique par rapport à un QPC

purement local.

1 Courant et bruit dans un QPC : cas purement local

Cette première section sera l’occasion de présenter les caractéristiques d’un QPC. Un QPC

est une barre de Hall sur laquelle une impureté (potentiel) a été générée en placant deux

électrodes. Au niveau de cette zone, les électrons ont la possibilité soit de continuer leur chemin

sur leur état de bord d’origine, soit de passer sur l’autre état de bord par effet tunnel en

créant un courant de rétrodiffusion. Tout l’enjeu dans cette première partie sera de présenter

ce courant de rétrodiffusion et le bruit à fréquence nulle dans le cas où la zone de transfert est

purement locale (Fig. III.1). Généralement, les liquides de Luttinger sont le formalisme le plus

adapté pour modéliser les états de bords de l’effet Hall quantique. Nous allons donc présenter

les différents résultats suivants en utilisant ce formalisme couplé au formalisme de Keldysh, ce

dernier permettant de calculer des valeurs moyennes hors de l’équilibre.

Γ0

V(t)

I B (t)

Figure III.1 – Contact ponctuel quantique purement local

L’hamiltonien du système sans interaction entre les deux états de bords s’écrit

H0 =vF~

r

ds(∂sφr)2 , (III.1)

avec r = R,L pour les excitations de droite et de gauche. Ici φr désigne le champ bosonique

chiral de chaque bord. Nous pouvons donc introduire l’opérateur de quasi-particule

Ψr(x = 0, t) =1√2πa

ei√νφr(t), (III.2)

où a désigne le cut-off et ν le facteur de remplissage. L’hamiltonien le plus général décrivant la

48

Page 57: Denis Chevallier

III.1 Courant et bruit dans un QPC : cas purement local

rétrodiffusion des quasi-particules (avec e∗ = νe) d’un état de bord à l’autre s’écrit de la façon

suivante

HB(t) =∑

ε=±[Γ0e

iω0tΨ†R(0, t)ΨL(0, t)](ε) , (III.3)

où ǫ = ± laisse un opérateur inchangé si ǫ = + et désigne son complexe conjugué si ǫ = −. Γ0

correspond à l’amplitude de transfert par effet tunnel des quasi-particules d’un état de bord à

l’autre au niveau de l’impureté. La tension entre les deux états de bords est introduite à l’aide

d’une transformation de Peierls et apparaît comme une phase additionnelle iω0t (ω0 = e∗V/~).

1.1 Courant moyen

Dans le formalisme de Keldysh, lorsque la valeur moyenne ne fait intervernir qu’un seul argu-

ment temporel, le temps peut être pris sur l’une ou l’autre des branches de manière équivalente.

Le courant moyen s’exprime alors comme

〈IB(t)〉 =12

η

TK IB(tη)S(−∞,+∞)⟩

=12

η

TK

IB(tη)e−i~

Kdt1HB(t1)

. (III.4)

Dans l’équation (III.4), l’opérateur d’évolution S apparaît sous le forme d’une somme de

termes multiples de toutes les puissances de Γ0. Le développement de l’exponentielle va nous

donner le courant moyen à tous les ordres en Γ0. Ce qui nous intéresse est le régime de faible

rétrodiffusion, nous nous limitons donc à l’ordre le plus bas non nul dans le développement de

l’exponentielle qui est l’ordre Γ20. Dans ces conditions, la formule générale du courant moyen de

rétrodiffusion en termes des fonctions de Green bosoniques chirales s’écrit

〈IB(t)〉 =ie∗Γ2

0

4π2a2~2

η

η∫ +∞

−∞dτsin(ω0τ)e2νGη−η(τ). (III.5)

Dans la partie (3.3), nous avons obtenu les quatres fonctions de Green bosoniques à tempé-

rature nulle suivantes [54, 55]

49

Page 58: Denis Chevallier

Chapitre III. Universalité du facteur de Fano et conductance différentielle dansun QPC étendu

G++(τ) = −ln

(

1 + ivF |τ |a

)

,

G−−(τ) = −ln

(

1− ivF |τ |a

)

,

G+−(τ) = −ln(

1− ivF τa

)

,

G−+(τ) = −ln(

1 + ivF τ

a

)

.

A partir des expressions précédentes et de l’équation (III.5), nous pouvons déduire le courant

moyen à température nulle

〈IB(t)〉 =e∗Γ2

0

2πa2Γ(2ν)~2

(

a

νF

)2ν

sgn(ω0) |ω0|2ν−1 , (III.6)

avec Γ(2ν) la fonction Gamma, ω0 = e∗V/~ et a le cut-off spatial. Pour permettre la comparai-

son avec le cas étendu de la partie suivante, nous allons tracer ici les conductances différentielles

dans les régimes de l’IQHE et FQHE (ν = 1/3) dans le cas purement local.

2 4 6 8 10Ñ Ω0ΕF

0.5

1.0

1.5

2.0dIdV

Ν=1 2 4 6 8 10Ñ Ω0ΕF

-0.35-0.30-0.25-0.20-0.15-0.10-0.05

dIdV

Ν=13

Figure III.2 – A gauche : Conductance différentielle (unités arbitraires) dans le régime de l’effet Hallentier (IQHE). A droite : Conductance différentielle dans le régime de l’effet Hall fractionnaire (ν = 1/3).Mise en évidence de la divergence Luttinger à faible tension lorsque ω0 → 0 (unités arbitraires).

Les caractéristiques principales d’un QPC dans ces deux différents régimes sont clairement

visibles (voir Fig. III.2) : une conductance différentielle constante dans l’IQHE et une conduc-

tance différentielle en loi de puissance dans l’FQHE avec sa divergence caractéristique à faible

tension lorsque ω0 → 0. Toutefois, au cours du temps le courant n’est pas égal à sa valeur

moyenne car il fluctue autour de celle-ci. L’étude du bruit nous permet d’étudier ces fluctua-

tions.

50

Page 59: Denis Chevallier

III.1 Courant et bruit dans un QPC : cas purement local

1.2 Bruit et facteur de Fano

Voici une analyse similaire pour le bruit présent dans le système purement local. Le for-

malisme de Keldysh prend tout son intérêt lors du calcul des corrélations du courant. Il nous

permet en effet d’ordonner les temps présents dans le corrélateur de courant en toute simplicité.1

S(t− t′) = 〈IB(t)IB(t′) + IB(t′)IB(t)〉 /2− 〈IB(t)〉 〈IB(t′)〉=∑

η

TK

IB(tη)IB(t′η′)e−

i~

Kdt1HB(t1)

/2− 〈IB〉2 . (III.7)

De la même manière que pour le courant, nous nous intéressons au régime de faible rétro-

diffusion, limitons nous à l’ordre le plus bas non nul dans le développement de l’exponentielle.

En procédant à une transformée de Fourier pour avoir le bruit en fréquence, nous obtenons la

formule du bruit à fréquence nulle en termes des fonctions de Green bosoniques chirales

S(ω = 0) =e∗

2Γ2

0

2πa2Γ(2ν)~2

η

∫ +∞

−∞dτcos(ω0τ)e2νGη−η(τ). (III.8)

En injectant les fonctions de Green adéquates, nous obtenons aisément l’expression du bruit

à fréquence nulle et température nulle

S(ω = 0) =e∗

2Γ2

0

2πa2Γ(2ν)~2

(

a

νF

)2ν

|ω0|2ν−1 . (III.9)

Maintenant que nous connaissons le courant moyen de rétrodiffusion de même que ses cor-

rélations à fréquence nulle, nous pouvons introduire une quantité essentielle en physique mé-

soscopique : le facteur de Fano. Ce dernier est le rapport entre le courant moyen et le bruit à

fréquence nulle

S(ω = 0)〈IB〉

= e∗. (III.10)

Cette relation, plus connue sous le nom de relation de Schottky, nous signifie que les quasi-

particules transferées par effet tunnel d’un état de bord à l’autre porte la charge e∗ = νe.

Les prédictions théoriques que nous venons de montrer ont été vérifiées expérimentalement

pour un QPC dans le régime de l’effet Hall fractionnaire (ν = 1/3) par deux groupes différents,

1Nous optons pour une convention dans laquelle le bruit est défini avec un facteur 1/2. La conséquencedirecte est la simplification du facteur de Fano qui est désormais simplement égal à la charge des porteurs.

51

Page 60: Denis Chevallier

Chapitre III. Universalité du facteur de Fano et conductance différentielle dansun QPC étendu

le premier à Saclay [22] (voir Fig. III.3) et l’autre au Weizmann institute [23]. Ce même groupe

de Heiblum a également mesuré la charge fractionnaire e∗ = e/5 dans l’FQHE avec une facteur

de remplissage ν = 2/5 [60]. D’autres expériences ont également été menées dans le régime de

forte rétrodiffusion ("strong backscattering"), où le QPC coupe la barre de Hall en deux liquides

de Fermi séparés à cause de la rétrodiffusion de la quasi-totalité des particules.

Figure III.3 – Mesure de la charge e∗ = e/3 des quasi-particules d’un QPC dans le régime de l’effet Hallfractionnaire [22].

Dans cette partie, nous avons mis en lumière les différents aspects d’un QPC dans le régime

de faible rétrodiffusion en présentant le courant de rétrodiffusion et le bruit à fréquence nulle.

De plus, nous avons montré que le facteur de Fano était égal à la charge des porteurs qui

passaient d’un état de bord à l’autre par effet tunnel. Nous consacrerons la seconde partie de

ce chapitre à la présentation de l’un des travaux que nous avons effectué. Le but de celui-ci

fut de montrer l’universalité du facteur de Fano dans un système où le QPC est arbitrairement

étendu, ce qui modélise avec plus de détails la réalité des expériences.

2 Contact ponctuel quantique avec géométrie arbitraire

Le système que nous allons étudier au cours de cette section est le suivant (voir Fig. III.4).

Le transfert de quasi-particules entre les deux états de bords contre-propageant se produit au

niveau de la zone de diffusion élargie, contrairement au cas ponctuel où la diffusion se fait

52

Page 61: Denis Chevallier

III.2 Contact ponctuel quantique avec géométrie arbitraire

Gxy

y

x

V

Figure III.4 – Contact quantique avec géométrie arbitraire : l’amplitude tunnel à partir de la positiony (sur la branche se propageant vers la droite) jusqu’à la position x (sur la branche se propageant vers lagauche) est Γxye

iδxy . Nous pouvons observer une contribution arbitraire (bleu-trait plein), une contribution"latérale" (rouge-trait pointillé fin) et une contribution "croisée" (vert-trait pointillé large).

seulement en un point.

Comme dans le cas local, nous utilisons le formalisme de Tomonaga-Luttinger pour décrire

les états se propageant à gauche et à droite. En l’absence de tunneling entre les deux états de

bords, l’hamiltonien du système s’écrit

H0 =vF~

r

ds(∂sφr)2 (III.11)

avec r = R,L pour les excitations de droite et de gauche. Avec φr le champ bosonique chiral

de chaque bord. L’opérateur de quasi-particule est

Ψr(x, t) =1√2πa

eirkF xei√νφr(x,t), (III.12)

où a désigne le cut-off et ν le facteur de remplissage. Cette fois-ci l’hamiltonien décrivant la

rétrodiffusion des quasi-particules (e∗ = νe) d’un état de bord à l’autre est

HB(t) =∫

dx dy∑

ε

[ΓxyeiδxyΨ†L(y, t)ΨR(x, t)](ε) , (III.13)

où ǫ = ± laisse un opérateur inchangé si ǫ = + et désigne son complexe conjugué si ǫ = −.

Le terme Γxyeiδxy est l’amplitude tunnel correspondant à la diffusion d’une quasi-particule d’un

point y (des excitations allant vers la droite) vers un point x (des excitations allant vers la

gauche).

Typiquement, si nous voulons retrouver le cas purement local, il suffit de prendre une amplitude

tunnel de la forme Γxy = Γ0δ(x)δ(y).

53

Page 62: Denis Chevallier

Chapitre III. Universalité du facteur de Fano et conductance différentielle dansun QPC étendu

Certains travaux ont déjà été réalisés dans le cas étendu, citons notamment la géométrie

rectangulaire proposée par T. Jolicoeur et Al. [61]. Les auteurs étudient le courant tunnel

entre deux états de bords contre-propageants décrits par des liquides de Luttinger chiraux

à travers une région étendue. Leurs résultats sont appliqués à deux gaz d’électrons en deux

dimensions dans le régime de l’effet Hall quantique séparés par une barrière tunnel. Leur zone

de diffusion a une géométrie rectangulaire où les électrons sont transférées de manière "latérale"

avec Γxy = ΓL(x)δ(x − y) (voir Fig.III.5). Les auteurs discutent également le cas de forte

interaction entre les deux états de bords qui engendre des exposants non-universels.

Figure III.5 – Géométrie rectangulaire de T. Jolicoeur et Al. où les particules sont transmises de manière"latérale" [61].

Dans notre travail, la géométrie est totalement arbitraire d’une part et les contributions

"latérales" sont par ailleurs omniprésentes (voir Fig. III.4). De plus, nous prenons en compte

les contributions dites "croisées" Γxy = ΓC(x)δ(x+ y).

2.1 Universalité du facteur de Fano

Nous allons désormais calculer le courant de rétrodiffusion et le bruit dans un QPC étendu

avec une géométrie complètement arbitraire. Le courant de rétrodiffusion est déduit de l’hamil-

tonien HB(t)

IBxy(t) =ie∗

~

ε

εΓxyeiǫδxyeiǫω0t[Ψ†R(y, t)ΨL(x, t)](ε) . (III.14)

54

Page 63: Denis Chevallier

III.2 Contact ponctuel quantique avec géométrie arbitraire

La moyenne du courant partiel est calculée en utilisant le formalisme de Keldysh

〈IBxy(t)〉 =12

η=±〈TKIBxy(tη)e

1i~

Kdt′HB(t′)〉, (III.15)

où η nous renseigne sur quelles branches Keldysh se situe le temps. Nous sommes dans le régime

de faible rétrodiffusion donc le développement de l’exponentielle se fait juqu’à l’ordre 1 en HB.

Le bruit partiel en temps réel s’écrit quant à lui

Sxyx′y′(t, t′) = 〈IBxy(t)IBx′y′(t′)〉/2 + 〈IBx′y′(t′)IBxy(t)〉/2− 〈IBxy(t)〉〈IBx′y′(t′)〉(III.16)

=∑

η=±〈IBxy(tη)IBx′y′(t′−η)〉/2 . (III.17)

L’égalité (III.17) est écrite dans la représentation d’interaction au même ordre que le courant

(Γ20). Le courant et le bruit total se calculent en sommant les contributions partielles sur tous

les chemins possibles de transfert par effet tunnel.

〈IBT 〉 ≡∫

dx dy 〈IBxy(t)〉, (III.18)

ST (t, t′) ≡∫

dx dy∫

dx′ dy′ Sxyx′y′(t, t′). (III.19)

En insérant l’expression des opérateurs de quasi-particules (III.12) dans celle du courant de

rétrodiffusion, nous obtenons

〈IBxy(t)〉 =e∗

8π2a2~2Γxy

dx′dy′Γx′y′∑

ηη′ǫ

ǫη′∫

dt′eiǫ(ω0(t−t′)−kF (x+y−x′−y′)+δxy−δx′y′ )

×〈TKe−iǫ√νφR(y,tη)eiǫ

√νφR(y′,t′η

′)〉〈TKeiǫ

√νφL(x,tη)e−iǫ

√νφL(x′,t′η

′)〉 , (III.20)

Nous faisons ainsi apparaître les fonctions de Green bosoniques

〈TKeαφL,R(x,tη)eβφL,R(0,0η′)〉 = eαβG

ηη′L,R(t∓x/vF ) (III.21)

avec α = −β. En procédant à un changement de variable sur le temps, nous obtenons

55

Page 64: Denis Chevallier

Chapitre III. Universalité du facteur de Fano et conductance différentielle dansun QPC étendu

〈IBxy(t)〉 = − ie∗

4π2a2~2Γxy

dx′dy′Γx′y′∑

ηη′η′∫

dτeνGηη

′(τ+ z

vF)eνGηη

′(τ− z

vF)

× sin(ω0τ − kF+(x− x′)− kF−(y − y′) + δxy − δx′y′) , (III.22)

où z ≡ (x− x′ + y − y′)/2 et kF± ≡ kF ± ω0/2vF . De la même manière, le corrélateur de bruit

en temps réel s’écrit

Sxyx′y′(t, t′) =e∗

4π2a2~2ΓxyΓx′y′

η

eνGη,−η(t−t′+ z

vF)eνGη,−η(t−t′− z

vF)

× cos(ω0(t− t′)− kF+(x− x′)− kF−(y − y′) + δxy − δx′y′) , (III.23)

Les fonctions de Green chirales apparaissent naturellement dans (III.22) et (III.23). Les expres-

sions analytiques des fonctions de Green à température nulle ont été introduites dans la section

(1.1). En utilisant ces résultats et en sommant sur tous les chemins possibles, l’expression du

courant se calcule, en opérant quelques changements de variables, en terme d’intégrale sur le

temps

〈IBT 〉 = − ie∗

2π2a2~2

dxdy∫

dx′dy′ ΓxyΓx′y′ cos(kF+(x− x′) + kF−(y − y′)− δxy + δx′y′)

×∫

dτsin(ω0τ)

[

1− ivFa

(τ + zvF

)]ν [

1− ivFa

(τ − zvF

)]ν . (III.24)

En utilisant les mêmes hypothèses que celles sur le courant et en intégrant la variable t− t′dans l’expression ST (t− t′), la forme analytique du bruit à fréquence nulle est la suivante

ST =e∗2

2π2a2~2

dxdy∫

dx′dy′ ΓxyΓx′y′ cos(kF+(x− x′) + kF−(y − y′)− δxy + δx′y′)

×∫

dτcos(ω0τ)

[

1− ivFa

(τ + zvF

)]ν [

1− ivFa

(τ − zvF

)]ν . (III.25)

Notons que l’intégrale suivante est mise en jeu dans les expressions du courant (III.24) et

56

Page 65: Denis Chevallier

III.2 Contact ponctuel quantique avec géométrie arbitraire

du bruit (III.25)

J±(ω0, z) =∫

dτe±i|ω0|τ

[

1− ivFa

(τ + zvF

)]ν [

1− ivFa

(τ − zvF

)]ν . (III.26)

Le courant exhibe une combinaison (J+ − J−)/2i tandis que le bruit à fréquence nulle

contient une combinaison (J+ + J−)/2. Ces intégrales peuvent être exprimées en termes des

variables ζ = ω0τ = ζ ′ + iζ ′′. L’intégrande possède donc une coupure à ζ ′ = ±z |ω0| /vF et

ζ ′′ ≤ −a |ω0| /vF . Nous pouvons fermer le contour dans le demi-plan supérieur et montrer qu’il

n’y a pas de coupure ou de pôle pour J+(ω0, z) dans ce demi-plan (voir Fig. III.6). Le théorème

de Cauchy nous stipule que l’intégrale J+(ω0, z) est donc égale à zéro.

Figure III.6 – Nous pouvons voir que les deux coupures (noir) sont dans le demi-plan inférieur. Lorsquele contour (rouge) est fermé dans le demi-plan supérieur, celui-ci ne contient ni coupure, ni pôle.

En substituant ces résultats dans les équations (III.24) et (III.25), le rapport entre le bruit

à fréquence nulle et le courant de rétrodiffusion est

ST〈IBT 〉

= e∗ , (III.27)

indépendamment des détails concernant la géométrie du système. Nous pouvons ainsi conclure

que le courant et le bruit semblent être grandement modifiés par le caractère étendu du QPC ;

toutefois, le facteur de Fano reste inchangé.

57

Page 66: Denis Chevallier

Chapitre III. Universalité du facteur de Fano et conductance différentielle dansun QPC étendu

3 Application à un contact quantique parabolique

3.1 Effet de l’extension du QPC sur la conductance différentielle

Pour étudier le comportement du courant en fonction de la "largeur" de la zone de diffusion,

nous allons devoir résoudre l’expression du courant (III.24). La résolution de l’intégrale [62]

nous permet de réécrire le courant sous sa forme locale

〈IBT 〉 =e∗|Γeff(ω0)|22πa2~2Γ(2ν)

(

a

vF

)2ν

|ω0|2ν−1Sgn(ω0) . (III.28)

L’amplitude de transmission devient une amplitude effective de la forme

|Γeff(ω0)|2 =∫

dxdy∫

dx′dy′ ΓxyΓx′y′Hν

(

|ω0|zvF

)

× cos(kF+(x− x′) + kF−(y − y′)− δxy + δx′y′) (III.29)

avec

Hν(y) ≡√π

Γ(2ν)Γ(ν)

Jν−1/2(y)(2y)ν−1/2

, (III.30)

où Jν−1/2(y) est la fonction de Bessel du premier ordre. En posant Γxy = Γ0δ(x)δ(y), le cas

purement local (|Γeff |2 = |Γ0|2) réapparaît. L’amplitude effective de transfert par effet tunnel

possède une dépendance non triviale en fonction de la tension appliquée, déclenchant une dévia-

tion par rapport à la loi de puissance d’origine IB ∼ ω2ν−10 . La majorité des géométries utilisées

par les expérimentateurs pourront facilement être reliées à un profil Gaussien

Γxy =Γ0

2πξcξle− (x−y)2

4ξ2c e− (x+y)2

4ξ2l , (III.31)

où ξl et ξc correspondent respectivement aux longueurs caractéristiques des contributions la-

térales et croisées. Considérons par exemple un QPC parabolique (voir Fig. III.7) où les états

de bords suivent un profil parabolique de largeur ξ. Pour décrire complètement ce profil, nous

introduisons la longueur minimale entre les deux états de bords d et la largeur de la barre de

Hall D où D ≫ d.

Cette géométrie parabolique peut être décrite par un profil Gaussien (III.31) où la longueur

caractéristique des contributions croisées est ξc = lB avec lB correspondant à la longueur ma-

58

Page 67: Denis Chevallier

III.3 Application à un contact quantique parabolique

D

Ξ

d

Figure III.7 – Un "contact ponctuel parabolique" : les états de bords suivent un profil parabolique delargeur ξ. La distance minimale entre les deux états de bords contre-propageant est d.

gnétique. La longueur caractéristique des contributions parallèles quant à elle est ξl = ξlB/√dD

(voir Annexe A). Cela signifie que les deux points d’injections x et y doivent se situer proches

l’un de l’autre sur une échelle de longueur de l’ordre de lB. Leur barycentre quant à lui peut se

déplacer sur une échelle de longueur plus importante de l’ordre de ξl. Les contributions latérales

sont donc directement reliées à la largeur de la zone de diffusion ξ. Nous nous intéresserons

essentiellement à ces contributions latérales par la suite. En insérant l’équation (III.31) dans

l’expression de l’amplitude tunnel (III.29), nous obtenons

|Γeff |2 =Γ2

0

2√

2πξle− ξ

2cω

20

2v2F

dx cos(kFx)e− x2

8ξ2l Hν

(

|ω0| x2vF

)

. (III.32)

A ce niveau du problème, notre expression du courant est assez générale, nous permettant

ainsi d’obtenir des résultats dans les deux régimes qui nous intéressent : l’IQHE et l’FQHE (ν =

1/3). Nous allons donc étudier l’amplitude de transmission et le courant moyen en fonction de

la tension appliquée pour différentes largeurs du potentiel dans ces deux régimes. Au préalable,

il est essentiel de discuter le paramètre kF ξl présent dans l’équation (III.32). Le vecteur d’onde

de Fermi à l’intèrieur de la constriction peut être approximé par kF ≃ d/2l2B [63]. De plus, d

est du même ordre de grandeur que la longueur magnétique lB, suggèrant kF ∼ 1/lB. Dans

le régime de l’effet Hall quantique, les valeurs typiques du champ magnétique B dans un gaz

d’électrons 2D sont de l’ordre de 6T , nous avons donc lB ∼ 10nm. Nous pouvons ainsi sonder

des valeurs de kF ξl allant de 1 à 10 pour des valeurs de ξl qui varient de ∼ 10nm à ∼ 100nm.

59

Page 68: Denis Chevallier

Chapitre III. Universalité du facteur de Fano et conductance différentielle dansun QPC étendu

2 4 6 8 10Ñ Ω0ΕF

0.05

0.10

0.15

0.20ÈGeff

2ÈG02

kFΞl= 5kFΞl= 3kFΞl= 1.5kFΞl= 1

Figure III.8 – |Γeff |2 normalisé par Γ20 en fonction de la tension appliquée ~ω0/ǫF , pour kF ξc = 0.5 et

différentes valeurs de kF ξl dans l’effet Hall entier (ν = 1).

3.2 Résultats numériques

Dans la figure III.8, nous voyons que dans l’IQHE (ν = 1), l’amplitude effective du transfert

de charge par effet tunnel décroît quand on augmente la largeur de la zone de diffusion. De plus,

le comportement de |Γeff |2 est non monotone avec un maximum aux alentours de ~ω0/ǫF = 4.

Ceci étant complètement en contraste avec la valeur constante |Γeff |2 = Γ20 du cas purement

local (voir Fig. III.2).

2 4 6 8 10Ñ Ω0ΕF

0.05

0.10

0.15

0.20

0.25

ÈGeff2ÈG0

2

Figure III.9 – |Γeff |2 normalisé par |Γ0|2 en fonction de la tension appliquée ~ω0/ǫF pour kF ξc = 0.5 etdifférentes valeurs kF ξl dans l’effet Hall fractionnaire avec un facteur de remplissage ν = 1/3 (Les valeurschoisies pour kF ξl sont les mêmes que dans la figure III.8).

Dans la figure III.9, le comportement de |Γeff |2 est étudié dans le régime fractionnaire avec

un facteur de remplissage ν = 1/3. Le comportement est essentiellement le même que celui du

cas ν = 1 excepté que la courbe est beaucoup plus piquée en son maximum.

L’influence de la largeur du QPC sur l’amplitude de transmission est désormais connue. La

60

Page 69: Denis Chevallier

III.3 Application à un contact quantique parabolique

seconde étape de notre étude consiste à analyser le comportement du courant par rapport à

cette largeur de la zone de diffusion. Pour être plus fidèle à ce qui se fait expérimentalement,

nous tracerons la conductance différentielle plutôt que le courant. Pour tous les graphiques

suivants, la conductance différentielle est normalisée par

dI/dV |(0) =(e∗)2

2πa2~2ν+1Γ(2ν)

(

a

vF

)2ν

ǫ2ν−2F Γ2

0. (III.33)

2 4 6 8 10Ñ Ω0ΕF

-0.1

0.1

0.2

dIdV

kFΞl= 5kFΞl= 3kFΞl= 1.5kFΞl= 1

Figure III.10 – Conductance différentielle normalisée par dI/dV |(0) en fonction de ~ω0/ǫF pour kF ξc =

0.5 et différentes valeurs de kF ξl dans le régime de l’effet Hall quantique (ν = 1).

2 4 6 8 10Ñ Ω0ΕF

-0.10

-0.05

0.05

0.10

dIdV

0-0.1-0.2-0.3

2 4 6 8 10

Figure III.11 – Conductance différentielle normalisée par dI/dV |(0) en fonction de ~ω0/ǫF pour kF ξc =

0.5 et différentes valeurs de kF ξl dans l’effet Hall fractionnaire avec un facteur de remplissage ν = 1/3 (Lesvaleurs choisies pour kF ξl sont les mêmes que dans la figure III.10). En inset : Conductance différentielledans le cas purement local.

Dans la figure III.10, nous étudions la conductance différentielle dans le régime de l’effet

Hall entier en fonction de la tension appliquée pour différentes valeurs de la largeur du QPC.

Contrairement au cas purement local où elle est constante, la conductance différentielle exhibe

61

Page 70: Denis Chevallier

Chapitre III. Universalité du facteur de Fano et conductance différentielle dansun QPC étendu

une structure piquée en ~ω0/ǫF = 4 devenant même négative après ce maximum dans le cas

étendu. En augmentant progressivement la largeur kF ξl, un palier apparaît à basse tension avant

lequel la conductance différentielle s’annule. Cette suppression a d’ores et déjà été observée

théoriquement [61] et expérimentalement [64] ; elle est typiquement reliée à la conservation de

l’impulsion. Ainsi, à cause de l’invariance spatiale, le coût énergétique pour retourner le vecteur

d’onde est beaucoup plus élevé que dans le cas local. Les particules ont tendance à continuer

leur chemin sur leur état de bord d’origine et la rétrodiffusion est grandement affaiblie.

La figure III.11 relate également la conductance différentielle mais pour un régime frac-

tionnaire avec facteur de remplissage ν = 1/3. Nous avons rappelé en inset le cas purement

local avec la divergence Luttinger caractéristique lorsque la tension appliquée est très faible. Le

comportement en loi de puissance survit à basse tension mais diminue rapidement lorsque la

largeur de l’impureté est augmentée. Le comportement à plus forte tension est essentiellement

le même que pour un échantillon dans le régime de Hall entier. Il est cependant intéressant

de souligner que le comportement global de la conductance différentielle pour les deux régimes

ν = 1 et ν = 1/3 devient similaire à très grande largeur de la zone de transfert pour toute la

gamme de tension (excepté pour ω0 = 0).

3.3 Conclusion

Le travail précédent nous aura finalement permis de mettre en exergue l’universalité du

facteur de Fano, montrant que le rapport entre le bruit à fréquence nulle et le courant de

rétrodiffusion dans un QPC avec une géométrie étendue arbitraire était toujours égal à la

valeur de la charge des quasi-particules passant d’un état de bord à l’autre par effet tunnel.

En vue de compléter notre analyse, une étude du comportement de l’amplitude tunnel et de

la conductance différentielle d’un QPC parabolique dans le régime de l’IQHE et l’FQHE en

fonction de la tension appliquée a été faite, et ce, pour différentes valeurs de la largeur de la

zone de diffusion. L’augmentation de la largeur de la zone de diffusion entraîne une déviation

assez nette du comportement de l’amplitude de transmission et de la conductance différentielle

par rapport au cas purement local.

62

Page 71: Denis Chevallier

Chapitre IV

Détection du bruit photo-assisté en fréquence à

l’aide d’un circuit résonant dissipatif

Grâce aux expériences menées dans de multiples systèmes, la compréhension des propriétés

du transport dans les conducteurs nanoscopiques à basse température a connu un fort succés.

Les modèles théoriques ont ainsi permis la description de ces processus de transport à l’aide de

différentes théories telles que la théorie du scattering ou encore la formulation hamiltonienne. Le

transport est caractérisé par le courant moyen traversant l’échantillon. Cependant, nombreuses

sont les informations pouvant être obtenues en mesurant les fluctuations de ce courant [5, 16],

et plus genéralement, les moments d’ordre supérieurs du courant [65, 66]. Les appareils de me-

sures ne permettant pas d’acquérir du bruit à des fréquences élevées, les premières recherches

concernant le transport quantique ont dû être effectuées à basse fréquence.

La détection à haute fréquence nécessite des méthodes particulières car les systèmes de dé-

tection conventionnels n’autorisent pas des mesures successives avec un intervalle de temps trop

court entre chacune d’elles. Le couplage "on-chip" est l’une des méthodes permettant de réaliser

ces mesures [67–69]. La connaissance de ces fluctuations à haute fréquence est nécessaire car

elle permet, notamment de caractériser les excitations collectives dans les nanotubes de carbone

[70]. Le sujet a depuis passionné nombre de physiciens, autant théoriciens qu’expérimentateurs.

Notons par exemple l’expérience de Schoelkopf qui utilise un circuit LC pour mesurer le bruit

d’un conducteur diffusif à deux terminaux [25]. Nous pouvons également citer Reulet qui me-

sure l’amplitude des fluctuations du courant et leur asymétrie dans une jonction tunnel [65].

Enfin, n’oublions pas Lesovik et Loosen qui couplent inductivement un circuit résonant à un

circuit mésoscopique [71]. Cette dernière expérience sera d’ailleurs étudiée avec attention dans

tout le chapitre.

63

Page 72: Denis Chevallier

Chapitre IV. Détection du bruit photo-assisté en fréquence à l’aide d’un circuitrésonant dissipatif

Lorsqu’une tension AC est appliquée à l’échantillon, les électrons lors de leur transmission

sont capables d’absorber ou d’émettre des photons : c’est ce qu’on appelle le transport "photo-

assisté". Le transport photo-assisté et plus particulièrement le bruit photo-assisté a été étudié

théoriquement et expérimentalement à différentes occasions dans des métaux diffusifs [25], des

jonctions tunnels [72], des jonctions supraconducteur/métal normal [26, 73, 74] mais aussi dans

des contacts ponctuels quantiques [75]. Le bruit présente des structures caractéristiques aux

valeurs correspondantes à la tension DC et aux multiples de la tension AC.

Dans le but de détecter le bruit et le troisième moment [76], des auteurs ont récemment

utilisé un circuit résonant LC dissipatif comme détecteur couplé inductivement à un circuit

mésoscopique. La description de ce détecteur inclut un environnement électromagnétique dé-

crit par un bain d’oscillateurs à la Caldeira-Legget [77]. L’étude menée considère un échantillon

mésoscopique dans un régime stationnaire ; l’hypothèse d’un régime stationnaire simplifiant

grandement le processus de détection du fait de l’invariance temporelle des corrélateurs. La

présence d’une tension dépendant du temps brise cette invariance et l’analyse devient com-

plexe. Nous avons donc mené une étude permettant de présenter un schéma de détection du

bruit photo-assisté en fréquence basé sur ce modèle. Cette analyse s’accompagne du calcul du

bruit photo-assisté dans un contact ponctuel quantique soumis à l’effet Hall quantique fraction-

naire (FQHE). La motivation de l’application de ce schéma de détection au régime de l’FQHE

est la présence de divergence nette du bruit photo-assisté pour des valeurs de fréquences cor-

respondantes à la tension DC et aux multiples de la fréquence AC [22, 23, 54, 59, 78].

Nous allons dans un premier temps voir en détails le modèle de Lesovik et Loosen pour la

détection des corrélations de courant. Compte tenu du fait que le calcul de Lesovik et Loosen

diverge lorsque le paramètre adiabatique qui contrôle le couplage est mis à zéro, nous introdui-

rons le modèle de détection avec un circuit dissipatif permettant de pallier ce problème. Nous

entrerons ensuite dans le coeur du sujet qui est la détection du bruit photo-assisté à l’aide de

ce circuit résonant dissipatif. Le principal problème étant la brisure de l’invariance temporelle

dans les corrélateurs à cause du rajout d’une tension dépendante du temps. Nous nous atta-

cherons à mettre en oeuvre une technique permettant de restaurer cette invariance temporelle

de manière à pouvoir utiliser notre schéma de détection.

64

Page 73: Denis Chevallier

IV.1 Modèle de Lesovik et Loosen et bruit non symétrisé

1 Modèle de Lesovik et Loosen et bruit non symétrisé

Bien que l’opérateur courant soit un opérateur hermitien, le produit de deux opérateurs

courant quant à lui ne l’est plus. C’est pour cette raison que les physiciens utilisent souvent le

bruit symétrisé en vue d’obtenir un résultat réel dont la définition est la suivante

Ssym(ω) =∫ +∞

−∞dt eiωt 〈∆I(t)∆I(0) + ∆I(0)∆I(t)〉 . (IV.1)

Le bruit symétrisé est simplement une combinaison des deux corrélateurs non symétrisés

Ssym(ω) =12

(

S+(ω) + S−(ω))

(IV.2)

avec

S+(ω) = 2∫ +∞

−∞dt eiωt 〈∆I(0)∆I(t)〉 , (IV.3)

S−(ω) = 2∫ +∞

−∞dt eiωt 〈∆I(t)∆I(0)〉 . (IV.4)

S+(ω)(S−(ω)), pour des fréquences positives (négatives), correspond à un taux d’émission de

photons à partir de l’échantillon mésoscopique. Alors que pour des fréquences négatives (posi-

tives) ces corrélateurs correspondent à un taux d’absorption de l’échantillon [79]. La singularité

de Fermi est mesurable dans les systèmes en interaction par le biais du bruit en fréquence. Elle

apparaît comme une singularité dans la dérivée du bruit à la fréquence correspondante à la

tension appliquée.

Lesovik et Loosen ont été les premiers à introduire une méthode de détection du bruit grâce à

l’utilisation d’un circuit résonant LC, couplé inductivement au circuit mésoscopique à détecter

[71]. L’inductance est couplée à une branche du circuit mésoscopique avec une constante de

couplage α, entraînant ainsi l’injection d’un courant dans la boucle du circuit LC. S’appuyant

sur cette méthode, ils proposèrent de mesurer de façon répétitive la charge aux bornes de la

capacité de manière à tracer un histogramme de cette dernière. La valeur moyenne et la largeur

de cet histogramme nous donnent des informations capitales sur le bruit du circuit mésocopique.

La moyenne du carré des charges, qui dépend des fluctuations de courant, devient donc la

quantité à mesurer. La formule du "bruit mesuré" obtenue par Lesovik et Loosen au premier

65

Page 74: Denis Chevallier

Chapitre IV. Détection du bruit photo-assisté en fréquence à l’aide d’un circuitrésonant dissipatif

ordre non nul dans le développement par rapport à la constante de couplage est

Smeas =

(

α2

2L

)2 12η

S+(Ω) +NΩ

(

S+(Ω)− S−(Ω))

, (IV.5)

où Ω =√

1/LC est la fréquence de détection correspondant à la fréquence de résonance du

circuit LC et NΩ est la distribution de Bose-Einstein. Dans l’expression (IV.5), le paramètre η

est le paramètre adiabatique qui tend vers zero, ce qui entraine la divergence du bruit mesuré.

Dans la partie suivante, nous allons voir comment l’introduction de la dissipation du circuit

résonant permet de corriger cette divergence. Cette technique de détection nous donne accès

au bruit non symétrisé car nous pouvons analyser deux régimes : lorsque la température du

circuit LC est faible la distribution de Bose-Einstein est également faible et le bruit mesuré est

typiquement égal à S+(Ω). Au contraire, quand la température est très importante par rapport

à la fréquence de détection, le bruit mesuré est proportionnel à S+(Ω)− S−(Ω).

Cette méthode de détection va nous permettre de détecter le bruit photo-assisté. Nous nous

intéresserons tout d’abord au cas stationnaire lorsque le circuit mésoscopique est soumis à une

tension continue. Ensuite, nous verrons comment régler le problème de la divergence du bruit

mesuré grâce au couplage avec un circuit résonant LC dissipatif (circuit RLC). Enfin, nous

appliquerons ce schéma de détection au bruit photo-assisté.

2 Détection du bruit : cas stationnaire

2.1 Couplage inductif avec un circuit résonant dissipatif (circuit

RLC)

Figure IV.1 – Le circuit mésoscopique est couplé inductivement à un circuit résonant dissipatif.

Le circuit mésoscopique est couplé de manière inductive à un circuit résonant dissipatif

66

Page 75: Denis Chevallier

IV.2 Détection du bruit : cas stationnaire

de capacité C, d’inductance L, et de composante dissipative R (voir Fig. IV.1) [76]. Dans le

cas stationnaire, la tension drain-source ne dépend pas du temps. Dans un tel système, les

corrélateurs de courant (le bruit) et de charge sont directement reliés, le signal contenant les

informations sur le bruit se trouve donc encodé dans le corrélateur de charge. Ainsi, tout l’enjeu

de cette partie est de calculer l’expression de ce corrélateur. L’hamiltonien basique qui décrit

l’oscillateur dissipatif est

Hosc = H0 +HLC−env , (IV.6)

H0 = HLC +Henv (IV.7)

avec HLC l’hamiltonien de l’oscillateur harmonique et Henv l’hamiltonien de l’environnement

modélisé par un bain d’oscillateurs de masses Mn et de fréquences propres ωn. HLC−env décrit le

couplage entre ces deux hamiltoniens. Pour un système quantique dissipatif, il est commode de

recourir aux intégrales de chemin. En l’absence de dissipation et de couplage avec l’échantillon

mésoscopique, l’action décrivant le circuit LC dans le formalisme de Keldysh est

SLC [q] =12

dtdt′qT (t)G−10 (t− t′)q(t′) , (IV.8)

G−10 (t− t′) = L[(i∂t)2 − Ω2]δ(t− t′) (IV.9)

est la fonction de Green inverse de l’oscillateur harmonique (L est sa “masse”), Ω = (LC)−1/2

est la fréquence de résonance du circuit LC, qT = (q+, q−) est un vecteur à deux composantes

contenant les coordonnées de l’oscillateur sur chacune des deux branches du contour Keldysh,

et σz est la matrice de Pauli dans l’espace Keldysh. Les effets de dissipation sont traités avec

un modèle de Caldeira-Legget, où l’environnement est modélisé par un bain d’oscillateurs har-

moniques avec des fréquences de résonances ωn [77]. La coordonnée de charge du condensateur

q est couplée linéairement avec le bain à l’aide de l’hamiltonien suivant

HLC−env = q∑

n

λnxn (IV.10)

avec λn la constante de couplage. A partir de ces expressions, nous pouvons écrire la fonction

67

Page 76: Denis Chevallier

Chapitre IV. Détection du bruit photo-assisté en fréquence à l’aide d’un circuitrésonant dissipatif

de partition de l’oscillateur harmonique avec le bain d’oscillateurs,

Z =∫

DqDxeiS[q,x], (IV.11)

où l’action est définie comme

S = SLC +12

n

xTn D−1n σzxn − qT σz

n

λnxn (IV.12)

avec D−1n (t) = Mn[(i∂t)2 − ω2

n] δ(t) et correspondant au produit de convolution en temps.

Les degrés de liberté du bain peuvent être intégrés de manière standard [80]. Le résultat de

cette intégration est l’habillage de la fonction de Green de l’oscillateur harmonique G par

l’environnement

G−1 = G−10 − Σ (IV.13)

avec la self énergie

Σ(t) = σz∑

n

λ2nDn(t)σz. (IV.14)

Désormais, le circuit RLC fait référence au circuit LC couplé au bain d’oscillateurs. Tous les

hamiltoniens de la théorie ont été introduits, excepté celui couplant le circuit RLC au circuit

mésoscopique. Le couplage est le suivant

Hint = αqI , (IV.15)

où I la dérivée de l’opérateur courant [71, 79]. Cette interaction est interprétée comme un

potentiel extèrieur qui agit sur le circuit résonant. Afin de calculer les fonctions de corrélation

de la coordonnée q de l’oscillateur harmonique, l’introduction de la fonction génératrice suivante

est nécessaire

Zη[I] =∫

Dq exp i[12

qT G−1 q − qTσz (αI + η)]

, (IV.16)

où ηT = (η+, η−) est le champ auxiliaire dans l’espace de Keldysh. En intégrant les degrés de

liberté de l’oscillateur harmonique, nous pouvons réécrire la fonction de partition comme

Zη[I] = eiSeff [η,I] (IV.17)

avec l’action effective de la forme

68

Page 77: Denis Chevallier

IV.2 Détection du bruit : cas stationnaire

Seff [η, I] = − i2

dt∫

dt′(η(t) + αI(t))TσzG(t− t′)σz(η(t′) + αI(t′))]

. (IV.18)

2.2 Calcul des corrélateurs de charge dans le cas stationnaire

2.2.1 Corrélateur de charge

En prenant la double dérivée de la fonction de partition (IV.17) par rapport au champ

auxiliaire η, le corrélateur de charge s’écrit

〈qβ(t)qβ′(t′)〉 ≡ Z−1η [I]

∂2Zη[I]∂η(tβ)∂η(t′β′)

η=0

, (IV.19)

où β, β′ ≡ ±1 sont les indices spécifiant la branche + ou − du contour Keldysh. Cette double

dérivée nous permet d’une part d’écrire le corrélateur de charge à l’ordre 2 dans le couplage

mais également de faire apparaître les corrélateurs des dérivées du courant

Kβ1β2(τ1, τ2) =⟨

TK I(τ1)β1 I(τ2)β2

meso, (IV.20)

où 〈...〉meso représente la moyenne hors de l’équilibre du circuit mésoscopique. Le corrélateur de

charge s’écrit maintenant comme une matrice dans l’espace de Keldysh

TKqβ(t)qβ

′(t′)

= α2∫

dτ1dτ2

β1β2

Gββ2(t− τ2)σβ2β2z Kβ2β1(τ2, τ1)σβ1β1

z Gβ1β′(τ1 − t′) , (IV.21)

où l’intégrande contient la fonction de Green Gββ′(t) du circuit RLC. Il apparaît clairement

que le corrélateur des dérivées du courant dépend de deux temps. La poursuite du calcul sera

différente selon si la tension appliquée dépend ou non du temps. Rappelons dans un premier

temps les résultats obtenus dans un cas stationnaire [76].

2.2.2 Cas stationnaire

Dans ce paragraphe, nous rappelons les résultats obtenus dans un cas stationnaire, c’est-à-

dire lorsque la tension appliquée à l’échantillon mésoscopique est constante. Les informations

concernant les moments du courant à hautes fréquences sont encodées dans l’histogramme de la

charge. L’inclusion de la dissipation due à l’environnement électromagnétique permet d’obtenir

69

Page 78: Denis Chevallier

Chapitre IV. Détection du bruit photo-assisté en fréquence à l’aide d’un circuitrésonant dissipatif

des résultats finis dans le processus de détection du bruit [76]. Ici, l’expression de la composante

hors diagonale du corrélateur de charge s’écrit à partir de l’équation (IV.21)

〈TKq−(t)q+(t′)〉 = 〈q(t− t′)q(0)〉 (IV.22)

Le fait marquant dans cette expression est la dépendance du corrélateur de charge à un

seul temps t − t′, ceci étant dû à l’invariance temporelle engendrée par le cas stationnaire. Le

corrélateur de charge est un produit de convolution qui dépend donc uniquement de t− t′. En

changeant de base pour écrire les expressions dans la base "RAK" de Keldysh, nous avons la

possibilité d’obtenir les fluctuations de charge à temps égaux t = t′

δ〈q2〉 = α2∫ dω

2πGR(ω)GK(ω)K+−(ω)− (GR(ω)−GA(ω))K−+(ω) (IV.23)

avec les trois fonctions de Green de la base "RAK" données par

GR/A(ω) = [L(ω2 − Ω2)± i sgn(ω)J(|ω|)]−1 (IV.24)

et

GK = (2N(ω) + 1)(GR(ω)−GA(ω)) , (IV.25)

où N(ω) est le nombre d’occupation de l’oscillateur et la fonction spectrale du bain défini

comme

J(ω) = π∑

n

λ2n/(2Mnωn)δ(ω − ωn) . (IV.26)

Grâce à leur transformée de Fourier, les corrélateurs des dérivées du courant K−+, K+− sont

très facilement reliés aux corrélateurs de courant

K+−(ω) = ω2S+−(ω), (IV.27)

K−+(ω) = ω2S−+(ω) (IV.28)

avec

S+−(ω) =∫

dt〈I(0)I(t)〉eiωt , (IV.29)

et S+−(ω) = S−+(−ω) correspondant à l’émission/absorption de photon du circuit mésosco-

70

Page 79: Denis Chevallier

IV.2 Détection du bruit : cas stationnaire

Figure IV.2 – Bruit mesuré grâce au couplage avec un cicuit RLC [76] avec un noyau dissipatif de laforme J(ω) = Lγω, une température fixée T = 0.01Ω pour γ = 0 (trait plein), γ = 1.6Ω (trait hachuré) etγ = 2.4Ω (trait hachuré-pointillé).

pique pour des fréquences positives/négatives [67, 81]. Ces définitions nous permettent d’écrire

le résultat final de la mesure du bruit d’excés

δ〈q2〉 = 2α2∫ ∞

0

2πω2[χ′′(ω)]2

(

S+−(ω) +N(ω)(S+−(ω)− S−+(ω)))

, (IV.30)

où χ′′(ω) = J(|ω|)/[L2(ω2 − Ω2)2 + J2(|ω|) est la susceptibilité généralisée [77].

Un circuit RLC ne peut avoir des divergences dans la mesure du bruit (voir Fig. IV.2). La

dissipation est donc essentielle dans le processus de mesure car elle supprime ces divergences.

Pour un système avec une largeur de raie infinie, l’équation (IV.30) peut être intégrée sur la

fréquence de résonance Ω, et le bruit mesuré prend la forme de Lesovik et Loosen [71]

q2⟩

=α2

ηL2

S+−(Ω) +N(ω)(S+−(Ω)− S−+(Ω))

, (IV.31)

où le préfacteur η est le couplage adiabatique qui apparaît lorsque nous négligeons la dissipation.

Une autre façon de mesurer la largeur de la distribution de charge serait de coupler directement

la capacité au circuit mésoscopique (couplage capacitif) qui détecte directement la transformée

de Fourier du corrélateur de charge [82]. Etant donné que la matrice du corrélateur de charge

(IV.21) est un produit de convolution dans le régime stationnaire, sa transformée de Fourier

prend simplement la forme d’un produit de matrice

dt〈TKqβ(t)qβ′(0)〉eiωt = α2

[

G(ω)σzK(ω)σzG(ω)]ββ′

, (IV.32)

71

Page 80: Denis Chevallier

Chapitre IV. Détection du bruit photo-assisté en fréquence à l’aide d’un circuitrésonant dissipatif

où G(ω) et K(ω) sont respectivement les matrices de la fonction de Green du circuit RLC et

du corrélateur des dérivées du courant dans l’espace Keldysh.

Après avoir récapitulé les principales étapes de la détection du bruit par la méthode de

Lesovik et Loosen et introduit les résultats de la détection avec et sans dissipation dans le

cas stationnaire, la question suivante s’est posée : qu’en est-il de la détection du bruit dans

le cas non stationnaire ? (c’est-à-dire si nous superposons une tension AC à la tension DC

appliquée à l’échantillon). Cette tension supplémentaire dépendante du temps entraîne la brisure

d’invariance par translation dans le corrélateur de courant et donc dans le corrélateur de charge.

Par la suite, la restauration de cette invariance temporelle deviendra l’objectif principal. Nous

ferons plus tard une application numérique dans le cas d’un QPC dans le régime de l’effet Hall

fractionnaire.

3 Détection du bruit photo-assisté

3.1 Restauration de l’invariance temporelle

Nous arrivons au point central du problème qui est de trouver le moyen de gérer la présence

de cette tension AC. Le potentiel total appliqué à l’échantillon mésoscopique est une fonction

périodique de période τ = 2π/ωac. Commençons par définir un nouveau corrélateur k(T, t′′) à

partir du corrélateur des dérivées du courant (IV.20)

K(t, t′) ≡ k(

t+ t′

2, t− t′

)

. (IV.33)

Avec T = (t+ t′)/2, t′′ = t− t′, le corrélateur de charge (IV.21) se réécrit comme

TKqβ(t)qβ

′(t′)

= α2∫

dt1dt2∑

β1β2

Gββ2(t′′−t2)σβ2β2z kβ2β1(T+t0, t2−t1)σβ1β1

z Gβ1β′(t1) . (IV.34)

où t0 = (t2 + t1)/2 − t′′/2. Définissons ensuite la moyenne de ce corrélateur de charge sur une

période de la tension AC [83]

∫ τ

0dT

qβ(t)qβ′(t′)

= α2∫

dt1dt2∑

β1β2

Gββ2(t′′−t2)σβ2β2z

∫ τ

0

dT

τkβ2β1(T+t0, t2−t1)σβ1β1

z Gβ1β′(t1) .

(IV.35)

Soulignons que la dernière intégrale sur la variable T est essentiellement une moyenne pério-

72

Page 81: Denis Chevallier

IV.3 Détection du bruit photo-assisté

dique sur le corrélateur k(T, t′′) avec la variable T décalée de t0. Comme la tension dépendante

du temps est oscillatoire avec période déterminée, cette moyenne périodique ne dépend pas du

décalage de t0 car k(T, t′′) contient seulement les harmoniqes de la fréquence AC [26, 74, 84, 85].

Nous pouvons donc mettre t0 = 0 sans crainte pour la suite du calcul. Le corrélateur de charge

moyenné sur une période se met sous la forme d’un produit de convolution (comme dans le cas

stationnaire) et dépend désormais uniquement de la différence t− t′

Qββ′(t− t′) ≡ 1

τ

∫ τ

0dT

qβ(t)qβ′(t′)

= α2∫

dt1dt2∑

β1β2

Gββ2(t′′ − t2)σβ2β2z Kβ2β1(t2 − t1)σβ1β1

z Gβ1β′(t1) , (IV.36)

où le corrélateur moyenné des dérivées du courant a pour définition

Kβ2β1(t) ≡ 1τ

∫ τ

0dTkβ2β1(T, t) . (IV.37)

Finalement, le corrélateur de charge moyenné peut être exprimé en termes des transformées

de Fourier des fonctions de Green de l’oscillateur harmonique et du corrélateur (IV.37)

Qββ′(t′′) = α2

β1β2

∫ dω

2πe−iωt

′′Gββ2(ω)σβ2β2

z Kβ2β1(ω)σβ1β1z Gβ1β′(ω) . (IV.38)

Ce résultat est l’analogue de la formule (IV.32), étendu au cas non stationnaire. Le pro-

tocole pour la mesure du bruit photo-assisté est le même que celui dans le cas stationnaire.

La restauration de l’invariance temporelle se fait en moyennant le corrélateur de charge sur

une période de la tension AC. Dans la section suivante, nous dérivons les expressions des cor-

rélateurs moyennés des dérivées du courant dans le cas d’un système mésoscopique spécifique

(QPC) soumis à l’effet Hall quantique.

3.2 Bruit non-symétrisé d’un QPC dans le régime de l’effet Hall

quantique

Le calcul du bruit symétrisé photo-assisté a été effectué [85]. Utilisons le même modèle en

généralisant toutefois le calcul à tous les éléments de la matrice Keldysh afin d’extraire les

corrélateurs moyennés des dérivées du courant nécessaires au processus de mesure du bruit

photo-assisté.

73

Page 82: Denis Chevallier

Chapitre IV. Détection du bruit photo-assisté en fréquence à l’aide d’un circuitrésonant dissipatif

3.2.1 Présentation du modèle

Nous allons dériver le bruit non-symétrisé d’un QPC soumis à l’effet Hall quantique (voir

Fig. IV.3).

Γ0

V(t)

I B (t)

Figure IV.3 – Contact Ponctuel Quantique (QPC)

Comme dans les sections précédentes, nous utilisons un modèle de Tomonaga-Luttinger

pour décrire les excitations se propageant de chaque côté du QPC. En l’absence de transfert de

quasi-particules par effet tunnel entre les deux états de bords, l’hamiltonien s’écrit

H0 =vF~

r

ds(∂sφr)2 (IV.39)

avec r = +,− pour les excitations allant vers la droite/gauche. Le transfert par effet tunnel est

décrit par l’hamiltonien de rétrodiffusion suivant

HB(t) =∑

ε

A(ε)(t)[Ψ†+(t)Ψ−(t)](ε) , (IV.40)

où A(ε)(t) est l’amplitude tunnel qui dépend de la tension appliquée via une tranformation de

Peierls. La notation ǫ = ± laisse un opérateur inchangé si ǫ = + et décrit son hermitien conjugué

si ǫ = −. Ψr est l’opérateur de quasi-particules exprimé en termes des champs bosoniques

chiraux φr

Ψr(t) =1√2πa

ei√νφr(t) , (IV.41)

où a est le cut-off et ν le facteur de remplissage. Choisissons une tension dépendante du temps

de la forme V (t) = V0 + V1cos(ωACt), l’amplitude tunnel devient alors

74

Page 83: Denis Chevallier

IV.3 Détection du bruit photo-assisté

A(ε)(t) = Γ0eiεω0texp(iε

e∗V1

~ωACsin(ωACt)) , (IV.42)

où e∗ = νe, ω0 = νeV0/~ et Γ0 est l’amplitude tunnel "nue", c’est-à-dire sans l’ajout de la tension

par substitution de Peierls. La périodicité de cette tension nous permet de réécrire l’amplitude

tunnel en termes des fonctions de Bessel Jn

A(t) = Γ0

+∞∑

n=−∞ei(ω0+nωAC)tJn

(

e∗V1

~ωAC

)

. (IV.43)

Le courant de rétrodiffusion s’obtient à partir de l’hamiltonien correspondant

IB(t) =ie∗

~

ε

εA(ε)(t)[Ψ†+(t)Ψ−(t)](ε) . (IV.44)

3.2.2 Bruit non-symétrisé

L’expression générale d’une composante Keldysh du bruit dans la représentation de Heisen-

berg est

Sββ′(t, t′) = 〈IβB(t)Iβ

B (t′)〉 − 〈IB(tβ)〉〈IB(t′β′)〉 . (IV.45)

Le plus bas ordre non-nul est le second ordre dans l’amplitude tunnel (Γ20). Dans ce cas, les

représentations de Heisenberg et d’interaction sont identiques et le bruit s’écrit

Sββ′(t, t′) = −(e∗)2

εε′εε′A(ε)(t)A(ε′)(t′)〈TK[Ψ†+(tβ)Ψ−(tβ)](ε)[Ψ†+(t′β

′)Ψ−(t′β

′)](ε

′)〉 . (IV.46)

A cause de la conservation des quasi-particules, ce corrélateur est différent de zero seulement

si ǫ′ = −ǫ . En remplaçant les opérateurs de quasi-particules par leurs expressions exprimées à

l’aide des champs bosoniques chiraux, nous obtenons

75

Page 84: Denis Chevallier

Chapitre IV. Détection du bruit photo-assisté en fréquence à l’aide d’un circuitrésonant dissipatif

Sββ′(t, t′) =

(e∗)2

4π2a2

ε

εA(ε)(t)A(−ε)(t′)〈TKe−iε√νφ+(tβ)eiε

√νφ+(t′β

′)〉〈TKeiε

√νφ−(tβ)e−iε

√νφ−(t′β

′)〉.

(IV.47)

Le théorème de Wick nous permet de contracter les champs en vue d’obtenir le bruit expri-

mée à l’aide des fonctions de Green bosoniques

Sββ′(t, t′) =

(e∗)2

4π2a2e2νGββ

′(t−t′) (A(t)A∗(t′) + A∗(t)A(t′)) . (IV.48)

En effectuant une tranformée de Fourier de l’expression précédente, le bruit en fréquence

s’écrit

Sββ′(Ω1,Ω2) = 2

(e∗)2Γ20

2π2a2

+∞∑

n=−∞

+∞∑

m=−∞Jn

(

e∗V1

ωAC

)

Jm

(

e∗V1

ωAC

) ∫ ∫

dτdτ ′ei(Ω1−Ω2)τ/2

× ei(Ω1+Ω2)τ ′/2e2νGββ′(τ)cos

((

ω0 +n+m

2ωAC

)

τ +n−m

2ωACτ

′)

. (IV.49)

Les identités trigonométriques usuelles nous permettent de séparer les variables τ et τ ′ de

manière à les intégrer séparément. Le résultat final pour les quatres composantes Keldysh du

corrélateur de bruit (voir Annexe B) est

Sβ−β(Ω1,Ω2) = 2(e∗)2Γ2

0

4π2a2

+∞∑

n=−∞

+∞∑

m=−∞Jn

(

e∗V1

ωAC

)

Jm

(

e∗V1

ωAC

)

π

Γ(2ν)(a

νF)2ν

×[

(1− βsgn (Ω1 + ω0 + nωAC)) |Ω1 + ω0 + nωAC |2ν−1 δ(Ω1 + Ω2 + (n−m)ωAC)

+ (1− βsgn(Ω1 − ω0 − nωAC)) |Ω1 − ω0 − nωAC |2ν−1 δ(Ω1 + Ω2 − (n−m)ωAC)]

, (IV.50)

Sββ(Ω1,Ω2) = 2(e∗)2Γ2

0

4π2a2

+∞∑

n=−∞

+∞∑

m=−∞Jn

(

e∗V1

ωAC

)

Jm

(

e∗V1

ωAC

)

π

Γ(2ν)(a

νF)2ν e

−βiπν

cos(πν)

×[

|Ω1 + ω0 + nωAC |2ν−1 δ(Ω1 + Ω2 + (n−m)ωAC)

+ |Ω1 − ω0 − nωAC |2ν−1 δ(Ω1 + Ω2 − (n−m)ωAC)]

. (IV.51)

76

Page 85: Denis Chevallier

IV.3 Détection du bruit photo-assisté

En vérification, nous pouvons calculer le bruit symétrisé Ssym(Ω1,Ω2) = 12(S+−(Ω1,Ω2) +

S−+(Ω1,Ω2)). Le calcul nous renvoie exactement le bruit symétrisé précédemment calculé dans

la référence [85].

3.2.3 Corrélateur moyenné des dérivées du courant

La relation entre le corrélateur de courant et celui des derivées du courant est assez triviale

à obtenir puisqu’elle s’écrit en transformée de Fourier

Kββ′(Ω1,Ω2) = −Ω1Ω2S

ββ′(Ω1,Ω2) . (IV.52)

Nous devons maintenant relier kββ′(T, ω) à Kββ

′(ω), ce qui est réalisé de la manière suivante

kββ′(T, ω) =

∫ dω1

2πe−iω1TKββ

′(

ω1

2+ ω,

ω1

2− ω

)

. (IV.53)

Partant des expressions des quatre composantes du corrélateur de bruit (IV.50) et (IV.51)

et des relations (IV.52) et (IV.53), les quatre corrélateurs moyennés des dérivées du courant

(IV.37) s’écrivent

Kβ−β(ω) =1τ

∫ τ

0dTk+−(T, ω) =

(e∗)2Γ20

4π2a2

+∞∑

n=−∞J2n

(

e∗V1

ωAC

) 1Γ(2ν)

(a

νF)2νω2

×[

(1− βsgn (ω + ω0 + nωAC)) |ω + ω0 + nωAC |2ν−1

+ (1− βsgn (ω − ω0 − nωAC)) |ω − ω0 − nωAC |2ν−1]

, (IV.54)

Kββ(ω) =1τ

∫ τ

0dTk++(T, ω) =

(e∗)2Γ20

4π2a2

+∞∑

n=−∞J2n

(

e∗V1

ωAC

) 1Γ(2ν)

(a

νF)2ν e

−βiπν

cos(πν)ω2

×[

|ω + ω0 + nωAC |2ν−1 + |ω − ω0 − nωAC |2ν−1]

. (IV.55)

Nous allons désormais étudier le comportement d’un QPC soumis au régime de l’effet Hall

entier et fractionnaire (ν = 1/3). Pour mener à bien cette étude, nous tracerons le corrélateur

moyenné des dérivées du courant ainsi que le bruit mesuré d’excès en fonction de différents

paramètres, à savoir la tension appliquée, la température du détecteur ou encore la dissipation.

77

Page 86: Denis Chevallier

Chapitre IV. Détection du bruit photo-assisté en fréquence à l’aide d’un circuitrésonant dissipatif

3.3 Applications numériques

En accord avec les calculs précédents, plaçons nous dans un régime où la température du

circuit mésoscopique est nulle (plus précisément, la température du circuit mésoscopique doit

être bien plus faible que la tension DC qui lui est appliquée). Le détecteur quant à lui est

susceptible d’être à une température non-nulle, c’est notamment l’un des effets que nous allons

étudier.

3.3.1 Bruit d’excès dans l’effet Hall quantique

Nous commençons notre analyse par étudier le comportement du bruit photo-assisté d’ex-

cés non-symétrisé. "Excès" signifie que la valeur du bruit à tension nulle a été soustraite aux

résultats.

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.50

1

2

3

4

5

6

WΩ0

K-+HWL Ν=13

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.50.00

0.02

0.04

0.06

0.08

0.10

0.12

0.14

WΩ0

K-+HWL Ν=1

Figure IV.4 – Corrélateur moyenné des dérivées du courant d’un QPC dans le régime fractionnaire(gauche) et dans le régime entier (droite). Les valeurs des paramètres utilisés sont les suivantes : ω0 = 3ωAC ,ω1 = ωAC et K−+(Ω) est normalisé par e∗IBω

20

Le premier graphe Fig. IV.4 présente le corrélateur moyenné des dérivées du courant K−+(Ω)

(voir Eq. (IV.54)) figurant dans l’expression de la mesure du bruit. Nous avons tracé le com-

portement dans deux régimes de l’effet Hall quantique : le régime entier (ν = 1) et le régime

fractionnaire avec un facteur de remplissage ν = 1/3, qui est le plateau le plus robuste et le

plus facile à atteindre expérimentalement.

Dans le cas ν = 1/3, nous obtenons des divergences pour K−+(Ω) localisées aux fréquences

ω0 et ω0± nωac. Le corrélateur est nul en Ω = 0 et semble devenir négligeable pour des valeurs

de fréquences supérieures à ω0 + 2ωac. Dans le cas de l’effet Hall entier, aucune divergence

n’apparaît dans le corrélateur K−+(Ω). Cepedant, la courbe exhibe des changements de pente,

des singularités apparaissent donc dans la dérivée à toutes les fréquences égales à ω0 ± nωac.

78

Page 87: Denis Chevallier

IV.3 Détection du bruit photo-assisté

Nous avons donc également accès au corrélateur de courant moyenné K−+(Ω)/Ω2 car le terme

Ω2 dans K−+(Ω) est dû à la dérivée temporelle sur l’opérateur courant.

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.50

1

2

3

4

5

6

WΩ0

K-+HWLW

2

Ν=13

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.50.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

WΩ0

K-+HWLW

2

Ν=1

Figure IV.5 – Corrélateur de courant moyenné (Les paramètres utilisés sont les mêmes que Fig. IV.5excepté le fait que K−+(Ω)/Ω2 est normalisé par e∗IB .)

Dans la figure IV.5, nous pouvons voir le comportement du corrélateur de courant moyenné

dans les deux régimes de l’effet Hall. Dans le cas fractionnaire, nous observons toujours des

divergences localisées aux mêmes fréquences que précédemment. Le fait que le bruit ne soit pas

égal à zero pour de faibles tensions est l’une des différences notables par rapport au corrélateur

des dérivées du courant. Si nous éliminons les pics satellites présents tout autour du pic central

dans cette courbe, nous retrouvons un résultat récemment publié dans la référence [86] où le

QPC est dans un régime fractionnaire et stationnaire. Dans le cas entier, nous observons des

sauts dans la dérivée pour les fréquences ω0 ± nωac, la courbe étant linéaire entre ces sauts de

dérivée. Le comportement du bruit d’excés est donc essentiellement le même que celui dans le

cas stationnaire, à savoir la décroissance linéaire du bruit jusqu’à Ω < ω0. Le seul changement

est l’annulation du bruit, non pas à Ω = ω0 mais à Ω = ω0 + ωAC . La normalisation des

courbes dans tout cette section est réalisée à l’aide du courant de rétrodiffusion à l’ordre (0)

dans l’amplitude ω1, correspondant au régime purement stationnaire [85].

I(0)B =

e∗Γ20

2π2a2Γ(2ν)

(

a

vF

)2ν

sgn(ω0) |ω0|2ν−1 . (IV.56)

3.3.2 Mesure du bruit photo-assisté

Les courbes obtenues pour le corrélateur moyenné de charge à temps égaux (en considérant

les quantités en excès) sont des graphes de l’expression suivante

Q−+(0) = α2∑

β1β2

∫ dω

2πG−β2(ω)σβ2β2

z Kβ2β1(ω)σβ1β1z Gβ1+(ω). (IV.57)

79

Page 88: Denis Chevallier

Chapitre IV. Détection du bruit photo-assisté en fréquence à l’aide d’un circuitrésonant dissipatif

pour différents régimes : faibles et fortes dissipations, basses et hautes températures du détecteur

mais aussi pour différents rapports ω1/ωAC . Ce dernier, apparaîssant dans les fonctions de

Bessel, nous permet de comprendre l’apparition et l’amplitude des différents pics. Toutes les

courbes sont normalisées par L2/(α2e∗IBω20). De plus, la dissipation et la température sont

exprimées en unité de ω0. La fréquence Ω = ω0 correspond à la position du pic central.

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.50

5

10

15

20

25

30

35

WΩ0

Q-+

Γ= 0.3Γ= 0.16Γ= 0.01

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5

-10

0

10

20

30

WΩ0

Q-+

T= 1.T= 0.5T= 0.01

Figure IV.6 – Bruit photo-assisté mesuré pour une température constante T = 0.01ω0 (gauche) etdissipation constante γ = 0.01ω0 (droite) : ωAC = ω0/3, ω1/ωAC = 1.

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.50

5

10

15

20

25

WΩ0

Q-+

Γ= 0.3Γ= 0.16Γ= 0.01

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5

-20

-10

0

10

20

30

WΩ0

Q-+

T= 1.T= 0.5T= 0.01

Figure IV.7 – Bruit photo-assisté mesuré pour une température constante T = 0.01ω0 (gauche) etdissipation constante γ = 0.01ω0 (droite) : ωAC = ω0/3, ω1/ωAC = 2.

Nous commençons notre analyse dans le cas où ω0 > ωac. Dans la figure IV.7, les courbes

correspondent au rapport ω1/ωAC = 2. Nous pouvons voir le pic central à Ω = ω0 avec une

amplitude faible comparée au premier et second pics satellites. Le troisième étant toujours

visible mais avec une amplitude quasi-nulle. L’amplitude de ces pics est reliée au rapport ω1/ωAC

présent dans l’argument des fonctions de Bessel (voir Fig. IV.8). Les fonctions de Bessel d’ordre

0 et d’ordre 3 (correspondant respectivement au pic central et au troisième pic satellite) ont

des amplitudes faibles lorsque le rapport des fréquences est de 2, ceci explique l’amplitude

du pic central et de son troisième satellite. Par contre, les fonctions de Bessel d’ordre 1 et 2

80

Page 89: Denis Chevallier

IV.3 Détection du bruit photo-assisté

(correspondant respectivement au premier et deuxième pic satellite) ont des amplitudes plus

élevées, ce qui fournit une explication à la grande amplitude de ces pics.

2 4 6 8 10x

-0.4

-0.2

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0JnHxL

J3HxL

J2HxL

J1HxL

J0HxL

Figure IV.8 – Fonctions de Bessel

Quand ω1/ωAC = 1 (voir Fig. IV.6), la fonction de Bessel d’ordre 0, correspondant au

pic central, a une grande amplitude. La fonction d’ordre 1 (correspondant au premier pic

satellite) a une amplitude plus faible que le pic central. Quant à la fonction de Bessel d’ordre

2 (correspondant au deuxième pic satellite), elle est pratiquement nulle.

0 2 4 6 8 100

5

10

15

20

25

30

35

WΩ0

Q-+ Γ= 0.3

Γ= 0.16Γ= 0.01

0 2 4 6 8 10

-50

0

50

WΩ0

Q-+ T= 3.

T= 2.T= 0.01

Figure IV.9 – Bruit photo-assisté mesuré pour une température constante T = 0.01ω0 (gauche) etdissipation constante γ = 0.01ω0 (droite) : ωAC = 3ω0, ω1/ωAC = 1.

Voyons maintenant le cas où ω0 < ωac, pour des rapports ω1/ωAC = 1 et ω1/ωAC = 2. Dans

la figure IV.9, les courbes ont un pic central à la fréquence ω0 puis un premier pic satellite

ω0 +ωac et un deuxième à la fréquence ω0 +2ωac. Toutefois, d’autres pics satellites apparaissent

aux fréquences −ω0 + ωac et −ω0 + 2ωac, correspondant aux pics satellites de la fréquence

négative −ω0. Nous pouvons interpréter cela comme le chevauchement de deux peignes centrés

sur les fréquences ±ω0. Dans la figure IV.10, les courbes exhibent le même phénomène mais

81

Page 90: Denis Chevallier

Chapitre IV. Détection du bruit photo-assisté en fréquence à l’aide d’un circuitrésonant dissipatif

0 2 4 6 8 100

5

10

15

20

WΩ0

Q-+

Γ= 0.3Γ= 0.16Γ= 0.01

0 2 4 6 8 10

-10

0

10

20

30

WΩ0

Q-+

T= 3.T= 2.T= 0.01

Figure IV.10 – Bruit photo-assisté mesuré pour une température constante T = 0.01ω0 (gauche) etdissipation constante γ = 0.01ω0 (droite) : ωAC = 3ω0, ω1/ωAC = 2.

avec des amplitudes différentes. Amplitudes pouvant toutefois s’expliquer comme auparavant

grâce aux oscillations des fonctions de Bessel. Nous pouvons voir dans tous ces graphiques

que la dissipation réduit le bruit et lisse les pics. Une chose importante concernant l’effet de

la température est la possibilité au bruit de devenir négatif lorsque celle-ci est élevée [76].

Ce phénomène se produit lorsque S+ − S− < 0 est plus grand que S+ du fait de la grande

population des états de l’oscillateur harmonique.

3.4 Conclusion

Le point central de cette partie fut donc la mise en place d’une méthode de mesure qui

permette la détection du bruit photo-assisté à haute fréquence dans un conducteur mésosco-

pique, ce dernier soumis à une tension AC superposée à un potentiel DC. Cette technique utilise

le couplage inductif entre le circuit mésoscopique en question et un circuit résonant dissipatif

[76]. Néanmoins, la détection du bruit photo-assisté est rendue plus difficile en présence d’une

tension dépendante du temps, car ceci entraine l’absence d’invariance temporelle dans les cor-

rélateurs de courant. Cependant, de manière à réutiliser le schéma de détection précédemment

cité, nous avons introduit la moyenne du corrélateur de charge sur une période du potentiel AC

pour restaurer cette invariance temporelle.

Nous avons dans un second temps appliqué nos prévisions à une situation concrète (dans la-

quelle le bruit photo-assisté était clairement visible) en mettant en oeuvre la détection du bruit

photo-assisté d’un QPC dans le régime de faible rétrodiffusion soumis à l’effet Hall fractionnaire.

Nous avons ainsi montré que le bruit photo-assisté présentait des singularités aux fréquences cor-

respondantes à la tension continue mais également des singularités satellites correspondantes

82

Page 91: Denis Chevallier

IV.3 Détection du bruit photo-assisté

au potentiel AC appliqué. Le couplage du détecteur à un environnement électromagnétique,

modélisé par un bain d’oscillateurs, lissait les anomalies. L’augmentation de la température du

détecteur permet, quant à elle, d’acquérir un bruit d’excès négatif.

Sachant que la tension AC donne naissance à des pics satellites aux fréquences ±ω0 + nωac,

nous pouvons distinguer deux limites : ω0 > ωac qui donnent lieu à un pic central entouré de ses

satellites, et ω0 < ωac où les satellites du pic central négatif sont présents dans le domaine de

fréquences positives. Ces deux situations sont susceptibles d’être réalisées expérimentalement.

De plus, nous pouvons faire apparaître ou même modifier l’amplitude des pics (centraux et

satellites) en jouant sur le rapport ω1/ωac. Ceci constituant un bouton de plus pour optimiser

la détection.

Les résultats précédents constituent un pas de plus vers la compréhension des aspects fon-

damentaux de la physique mésoscopique et plus précisemment de la détection en temps réel.

Ayant présenté des faiblesses, les méthodes de détections usuelles laissent désormais place à un

nouvel aspect de la recherche en physique mésoscopique, entrainant l’introduction de nouvelles

méthodes de détection à haute fréquence.

83

Page 92: Denis Chevallier

Chapitre IV. Détection du bruit photo-assisté en fréquence à l’aide d’un circuitrésonant dissipatif

84

Page 93: Denis Chevallier

Deuxième partie

Transport dans les structures hybrides

85

Page 94: Denis Chevallier
Page 95: Denis Chevallier

Chapitre V

Introduction au transport non-local dans les

structures hybrides

Les structures hybrides sont des structures composées de matériaux de différentes natures

(métal normal, supraconducteur, ferromagnétique,...). Plus particulièrement, nous nous inté-

ressons ici aux structures hybrides construites à base de métal normal et de supraconducteur

uniquement. Lorsque celles-ci sont composées de plusieurs terminaux, elles permettent la dé-

couverte d’une physique nouvelle. La motivation première dans l’étude de telles structures

réside dans l’observation de paires d’électrons enchevêtrés séparés spatialement dans différents

terminaux. D’immenses perspectives nous sont ainsi offertes comme par exemple la réalisa-

tion de circuits électroniques manipulant l’intrication. Cependant, l’accomplissement de telles

expériences engendrent quelques difficultés, la première étant la réalisation et la compréhen-

sion du fonctionnement d’une source de paires d’électrons corrélés. Le contrôle de ces sources

reste ensuite un challenge important [87]. Cette partie aura pour objectif d’appréhender le

fonctionnement d’une source continue d’électrons corrélés réalisée à l’aide de matériaux supra-

conducteurs. En effet à l’interface entre un métal normal et un supraconducteur, les processus

d’Andreev permettent de créer des électrons enchevêtrés dans l’électrode normale [88]. De plus,

les structures à double interfaces métal normal/supraconducteur/métal normal (jonction NSN)

engendrent des processus d’Andreev non-locaux qui injectent des paires d’électrons enchevêtrés

dans deux électrodes normales séparées spatialement.

1 Réflexion d’Andreev

Le principe de la Réflexion d’Andreev "Directe" (DAR) est le suivant : un électron incident,

sur l’interface métal normal/supraconducteur, est dans l’impossibilité de traverser le supra-

87

Page 96: Denis Chevallier

Chapitre V. Introduction au transport non-local dans les structures hybrides

Figure V.1 – Schéma du processus de réflexion d’Andreev "directe" : un électron est réfléchi en trou àl’interface entre un métal normal et un supraconducteur. La conservation de la charge est satisfaite par lacréation d’une paire de Cooper dans le supraconducteur.

Figure V.2 – Schéma du processus de Cotunneling Elastique dans une jonction NSN : un électron d’uneélectrode normale traverse le supraconducteur par effet tunnel (en créant une quasi-particule dans celui-ci)pour terminer sa course dans la deuxième électrode normale.

conducteur si son énergie ǫ est inférieure au gap de celui-ci. Cependant, l’électron peut être

rétroréfléchi sous forme de trou avec une énergie −ǫ. Afin de satisfaire la conservation de l’éner-

gie, la charge manquante 2e est absorbée dans le supraconducteur et une paire de Cooper est

formée (voir Fig. V.1). La réflexion d’Andreev peut également être vue comme l’injection de

deux électrons de spins et d’énergies opposés dans le supraconducteur, formant ainsi une paire

de Cooper. Ces deux électrons présents dans le métal normal, formant par la suite une paire

de Cooper, sont connus sous le nom de paire d’Andreev [89]. Notons que le processus inverse

existe : une paire de Cooper du supraconducteur peut être scindée pour créer une paire d’An-

dreev dans le métal normal.

Toutefois, des systèmes plus complexes font intervenir plusieurs jonctions NS (jonction NSN

par exemple). Dans de tels systèmes, d’autres processus comme le Cotunneling Elastique [90] et

la Réflexion d’Andreev Croisée ou non-locale [91, 92] rentrent en jeu. Le Cotunneling Elastique

(EC) est un processus simple qui transfère un électron d’une électrode normale vers la deuxième

88

Page 97: Denis Chevallier

V.2 Historique des travaux sur le transport non-local

Figure V.3 – Schéma du processus de réflexion d’Andreev croisée dans une jonction NSN : un électronincident sur la première interface est rétroréfléchi en trou au niveau de la seconde interface. La conservationde la charge est satisfaite par la création d’une paire de Cooper dans le supraconducteur.

électrode normale, traversant ainsi le supraconducteur par effet tunnel via un processus virtuel

d’excitation de quasi-particule (voir Fig. V.2). Aucune paire de Cooper n’est mise en jeu dans

un tel processus.

La Réflexion d’Andreev Croisée ou non-locale (CAR) est présente quand deux électrodes

normales forment deux jonctions NS séparées (par hypothèse, la séparation entre ces deux

électrodes doit être plus petite que la longueur de cohérence du supraconducteur). Dans un

tel système, la rétroréflexion d’un trou provenant du processus de réflexion d’Andreev directe

(résultant de l’incidence d’un électron avec énergie inférieure au gap supraconducteur sur une

des électrodes normales) se produit sur la seconde électrode normale avec création d’une paire

de Cooper dans le supraconducteur (voir Fig. V.3). Il est nécessaire que des électrons de spins et

d’énergies opposés existent dans chacune des électrodes normales pour permettre ce processus.

Une image alternative de celui-ci est la suivante : un électron de spin s et d’énergie ǫ d’une

électrode normale rentre dans le supraconducteur. Dans le même temps, c’est un électron de

spin opposé et d’énergie −ǫ qui est injecté dans le supraconducteur à partir de la deuxième

électrode. Ces deux électrons ainsi injectés forment une paire de Cooper. Le processus inverse

est également possible : une paire de Cooper est scindée pour injecter des électrons corrélés

dans les électrodes de chaque côté du supraconducteur.

2 Historique des travaux sur le transport non-local

La manipulation des électrons corrélés a connu un franc succès dans les années 2000 tant

au niveau expérimental que théorique. Les précurseurs dans le domaine de l’intrication ont mis

sur pieds plusieurs théories permettant la séparation de paires de Cooper soit par filtrage de

spin, soit par sélection de l’énergie de sortie. Les premiers furent Byers et Flatté [91] qui ont

mis en évidence les effets non-locaux en calculant le courant tunnel entre un supraconducteur

89

Page 98: Denis Chevallier

Chapitre V. Introduction au transport non-local dans les structures hybrides

et une pointe STM se déplacant à la surface de celui-ci (voir Fig. V.4).

Figure V.4 – Expérience proposée par Byers et Flatté [91] : une pointe STM se déplaçant à la surfaced’un supraconducteur.

Quelques années plus tard, T. Martin [93] montra qu’un signal non-local pouvait être obtenu

en mesurant les corrélations de bruit d’une fourchette NS. Ce même dispositif fut réutilisé par

Torrès et Martin [94] qui proposèrent de varier la transmission pour contrôler le signe des

corrélations. Puis, Deutscher et Feinberg [92] proposèrent de scinder les paires de Cooper issues

d’un supraconducteur en reliant celui-ci à deux bras ferromagnétiques de polarisations opposées

(voir Fig. V.5). Grâce à cette technique, les électrons d’une même paire de Cooper, ayant

des spins opposés, finissent leur course chacun dans l’un ou l’autre des bras ferromagnétiques.

L’interêt premier de cette géometrie est de pouvoir supprimer les effets locaux par la polarisation

totale anti-parallèle.

Evoquons également Choi, Bruder et Loss [95] qui ont proposé une configuration Josephson

où deux points quantiques sont placés en parallèle entre deux supraconducteurs : les électrons

d’une paire de Cooper peuvent donc être transmis par un des deux points quantiques ou être

scindée en deux avec un électron se propageant dans chaque point. Recher, Sukhorukhov et Loss

Figure V.5 – Géométrie de Deutscher et Feinberg [92] : une électrode supraconductrice reliée à deuxbras ferromagnétiques de polarisations opposées.

90

Page 99: Denis Chevallier

V.2 Historique des travaux sur le transport non-local

Figure V.6 – Expérience proposée par Recher, Sukhorukhov et Loss [96] : deux points quantiques reliésà un supraconducteur, chacun d’entre eux étant reliès ultérieurement à des électrodes normales.

[96] ont ensuite proposé une géométrie suivant laquelle deux points quantiques sont reliés à un

supraconducteur (voir Fig. V.6). Ces points quantiques étant eux-mêmes reliés à des électrodes

en métal normal. La séparation des paires de Cooper se fait naturellement par le transfert des

électrons sur chacun des points quantiques, finissant ainsi leurs courses dans l’une et l’autre des

branches normales.

Figure V.7 – Expérience proposée par Lesovik, Martin et Blatter [87] : une électrode supraconductricereliée à un bras normal se séparant en deux. Différents types de filtres : filtrage par énergie de sortie (gauche)et filtrage par spin (droite).

Citons finalement la géométrie proposée par Lesovik, Martin et Blatter [87] permettant la

fabrication d’électrons enchevêtrés (voir Fig. V.7). Tous trois proposèrent de relier une électrode

supraconductrice à un métal normal se séparant en deux bras. De cette manière, les paires sont

injectées dans le bras normal. Puis, suivant la géométrie du guide et les filtres placés sur les

bras, la séparation des électrons intriqués est réalisée soit par filtrage de spin, soit par sélection

de l’énergie de sortie. Les auteurs suggèrent de mesurer les corrélations croisées entre les deux

bras en métal normal. Depuis, le processus de CAR a été largement étudié dans des géométries

aussi diverses que variées. Beaucoup de travaux théoriques sont axés sur l’effet de la distance

d’injection des électrons dans le supraconducteur [90, 97–102]. D’autres considèrent des struc-

91

Page 100: Denis Chevallier

Chapitre V. Introduction au transport non-local dans les structures hybrides

Figure V.8 – Vue d’artiste de l’expérience faite par les groupes de T. Kontos et C. Schönenberger :Nanotube de carbone (nanofil) relié à deux électrodes normales et une supraconductrice : deux pointsquantiques sont ainsi générés. Les tensions de grille sont ajustées pour permettre la modulation des niveauxd’énergie de chacun des points quantiques.

tures hybrides où les électrodes normales sont remplacées par des métaux ferromagnétiques ou

des semi-métaux [92, 103–105], des semiconducteurs [106] ou même des liquides de Luttinger

[107, 108]. Plus récemment, les effets de l’interaction Coulombienne ont été étudiés dans cer-

tains de ces systèmes [109, 110].

L’interêt porté par les théoriciens à toutes ces techniques de séparation de paires de Cooper

a permis la mise en place de certaines expériences directement reliées aux théories proposées. La

première d’entre elles, utilisant la géométrie de Deutscher et Feinberg, fut réalisée par Beckman,

Weber et Von Löhneysen [111]. Ils mesurèrent une résistance non-locale dans le supraconduc-

teur dépendante du spin et de la distance entre les deux points d’injection dans celui-ci. Les

prédictions de Falci, Feinberg et Hekking [90], concernant l’effet de la distance et de l’orientation

des spins dans les électrodes, furent consistantes avec ces mesures. Notons également l’expé-

rience de Russo, Kroug, Klapwijk et Morpurgo [112] qui utilisèrent une géométrie similaire en

considérant une tricouche métal normal/supraconducteur/métal normal. Cadden-Zimansky et

Chandrasekhar [113] utilisèrent, quant à eux, une électrode supraconductrice couplée à une

multitude d’électrodes en métal normal afin de faire varier facilement la distance entre celles-ci

en activant les électrodes voulues. De ce fait, la compréhension de la compétition entre le EC

et le CAR en fonction de la distance d’injection est facilitée.

Récemment, deux expériences relativement similaires ont vu le jour. L’une du groupe de T.

Kontos [114] et l’autre de C. Schönenberger [115]. La géométrie du groupe de T. Kontos est la

suivante : un nanotube de carbone est connecté à ses extrémités à deux électrodes normales

et en son milieu à une électrode supraconductrice. Deux points quantiques sont ainsi générés

92

Page 101: Denis Chevallier

V.2 Historique des travaux sur le transport non-local

entre les différentes électrodes (voir Fig. V.8). L’ajout de tension de grille permet de moduler

le niveau d’énergie des points quantiques. Les expérimentateurs mesurent la conductance diffé-

rentielle pour mettre en avant la séparation des paires de Cooper. De plus, ils discutent l’effet

de la présence d’interaction Coulombienne qui favorise le processus de CAR. L’expérience de C.

Schönenberger utilise la même géométrie excepté le fait que le nanotube de carbone est remplacé

par un nanofil. De manière analogue, les expérimentateurs mesurent la conductance différen-

tielle pour mettre en avant la séparation des paires de Cooper, attirant toutefois notre attention

sur l’effet de la distance de séparation entre les deux points d’injection dans le supraconducteur.

Les mesures de courant ne sont pas les seules mesures nous permettant d’obtenir des infor-

mations sur les processus non locaux. Le bruit grenaille (shot noise) permet également d’obtenir

des informations complémentaires pertinentes [16]. Plus particulièrement, les corrélations croi-

sées permettent l’acquisition d’informations cruciales sur la statistique des porteurs de charge.

En effet, selon le principe de Pauli, les corrélations croisées sont toujours négatives dans des

structures multiterminales [6, 7]. Cependant, en utilisant une source supraconductrice émet-

tant des paires d’Andreev dans une structure multiterminale, les corrélations croisées peuvent

devenir positives en raison de la propagation des électrons d’une paire de Cooper dans deux

bras différents [5, 26, 94, 97, 116–119].

Nous consacrerons ainsi le chapitre suivant à l’étude du transport dans les structures hy-

brides. Basé sur la géométrie de [114] et [115], nous allons étudier de manière théorique un

nanotube de carbone relié par ses extrémités à des électrodes en métal normal et en son milieu

à une électrode supraconductrice (voir Fig. V.8). L’objectif principal étant d’étudier les proprié-

tés du transport non-local. En vue d’obtenir des mesures robustes, les courants de branchement

et les corrélations croisées à fréquence nulle seront étudiés en détails. Les deux points quan-

tiques étant de plus générés dans un nanotube de carbone, ceci permet aux électrons d’être

transférés par effet tunnel directement d’un point quantique à l’autre. Cet effet entraîne de

lourdes conséquences sur les propriétés du transport et sera donc un volet supplémentaire à

notre étude.

93

Page 102: Denis Chevallier

Chapitre V. Introduction au transport non-local dans les structures hybrides

94

Page 103: Denis Chevallier

Chapitre VI

Double point quantique utilisé pour la

séparation des électrons d’une paire de Cooper

1 Présentation du modèle

Cette partie sera consacrée à l’introduction des hamiltoniens décrivant le système du double

point quantique. De manière pédagogique, et afin de se familiariser avec les notations, commen-

çons par une présentation du formalisme à un point quantique relié à deux électrodes normales

et une supraconductrice [120–122].

1.1 Formalisme à un point quantique

1.1.1 Expression des hamiltoniens

Nous considérons un point quantique avec un seul niveau d’énergie ǫ, couplé à deux élec-

trodes normales et une supraconductrice (avec gap supraconducteur ∆) via les amplitudes

tunnel tj (j = L,R, S) (voir Fig. VI.1).

La tension appliquée sur l’électrode de gauche (droite) est notée VL(VR) ; le potentiel chi-

mique de l’électrode supraconductrice est mis à zero (VS = 0). Pour faciliter la lecture des

expressions, nous travaillerons avec ~ = e = 1. L’hamiltonien total du système s’écrit

H = HD +∑

j

Hj +HT (t) , (VI.1)

où l’hamiltonien du point quantique est donné par

HD = ǫ∑

σ=↑,↓d†σdσ. (VI.2)

95

Page 104: Denis Chevallier

Chapitre VI. Double point quantique utilisé pour la séparation des électronsd’une paire de Cooper

Figure VI.1 – Point quantique unique couplé à des électrodes normales et supraconductrice où tL/R(tS)sont respectivement les amplitudes tunnel entre le point quantique et les électrodes normales (supracon-ductrice).

Les hamiltoniens des électrodes sont exprimés en termes des spineurs de Nambu

Hj =∑

k

Ψ†jk (ξk σz + ∆j σx) Ψjk, (VI.3)

avec σz, σx les matrices de Pauli dans l’espace de Nambu et

Ψjk =

ψjk,↑

ψ†j(−k),↓

avec ξk =k2

2m− µ . (VI.4)

Pour des électrodes normales, le gap supraconducteur ∆j est zero. L’hamiltonien tunnel,

responsable du transfert des électrons entre les électrodes et le point quantique s’écrit

HT (t) =∑

jk

Ψ†jk Tj(t) d+ h.c. , (VI.5)

où le spineur de Nambu des électrons du point quantique est

d =

d↑

d†↓

. (VI.6)

La dépendance en tension est inclue dans l’amplitude tunnel grâce à la substitution de

Peierls suivante

Tj(t) = tjσz eiσz∫

Vjdt. (VI.7)

96

Page 105: Denis Chevallier

VI.1 Présentation du modèle

Le transfert par effet tunnel entre les électrodes et le point quantique est vu comme une

interaction, habillant les fonctions de Green des électrons du point quantique. Les fonctions de

Green "nues" (en absence de transfert par effet tunnel) sont

Gss′

0 (t, t′) = −i⟨

TC

ds(t)d†s′(t′)

0, (VI.8)

où TC est l’opérateur d’ordre temporel le long du contour Keldysh, s et s′ désignent les branches

± de celui-ci. L’intégralité des moyennes quantiques sont prises en accord avec l’hamiltonien

sans interaction 〈. . . 〉0 = Z−10 Tr

e−βH0 . . .

avec Z0 = Tr

e−βH0

et H0 = HD +∑

j Hj. Les

fonctions de Green habillées par le transfert par effet tunnel sont exprimées de la manière

suivante

Gss′(t, t′) = −i

TC

S(∞)ds(t)d†s′(t′)

0, (VI.9)

où S(∞) est l’opérateur d’évolution le long du contour

S(∞) = TC exp

−i∫ +∞

−∞dt

s=+,−τ ssz H

sT (t)

, (VI.10)

et τz est la matrice de Pauli z dans l’espace Keldysh.

1.1.2 Self-énergie tunnel

Ce paragraphe est voué au calcul de la self-énergie associée au transfert des électrons par

effet tunnel entre les électrodes et le point quantique. Les degrés de liberté des électrodes sont

quadratiques dans l’hamiltonien total. De ce fait, l’opérateur d’évolution peut être moyenné

sur les électrodes en intégrant leurs degrés de liberté

〈S(∞)〉leads = TC exp[

−i∫

Cdt1dt2 d

†(t1)ΣT (t1, t2)d(t2)]

, (VI.11)

où nous avons introduit les spineurs dans l’espace de Nambu-Keldysh

d(t) =

d+(t)

d−(t)

. (VI.12)

97

Page 106: Denis Chevallier

Chapitre VI. Double point quantique utilisé pour la séparation des électronsd’une paire de Cooper

La self-énergie prend donc la forme suivante

ΣT (t1, t2) =∑

j=L,R,S

Σj(t1, t2) =∑

j=L,R,S

(T †j (t1)⊗ τz)gj(t1 − t2)(τz ⊗ Tj(t2)) , (VI.13)

où gj(t− t′) = −i∑k⟨

TC

Ψjk(t)Ψ†jk(t′)⟩

est la fonction de Green des électrons de l’électrode

j, et ΣT , gj sont des matrices dans l’espace de "Nambu-Keldysh". Dans la littérature [122], ces

fonctions de Green sont données dans la base "RAK" de Keldysh,

gRAK ≡ LτzgL−1 , avec L =1√2

1 −1

1 1

⊗ 1, (VI.14)

où τz = τz ⊗ 1, et 1 est la matrice unité dans l’espace de Nambu. Grâce à cette rotation,

la matrice des fonctions de Green s’exprime facilement en termes des composantes avancée,

retardée et Keldysh

gRAK =

gR gK

0 gA

. (VI.15)

Les composantes des fonctions de Green dans la base "RAK" prennent finalement la forme

suivante

gR,Aj (ω) = πν(0)ω·1+∆j ·σxiζR,Aωj

,

gKj (ω) = (1− 2fω)(

gRj (ω)− gAj (ω))

,

(VI.16)

où ζR,Aωj =

± sign(ω)√

ω2 −∆2j , |ω| > ∆j,

i√

∆2j − ω2, |ω| < ∆j ,

(VI.17)

avec ν(0) la densité d’état au niveau de Fermi des électrodes normales et fω la distribution

de Fermi-Dirac. En réexprimant les fonctions de Green des électrodes dans la base usuelle, la

self-énergie Σj en temps s’écrit

98

Page 107: Denis Chevallier

VI.1 Présentation du modèle

Σj(t1, t2) = Γj∫ ∞

−∞

2πe−iω(t1−t2)e−iσzVjt1 [ω · 1−∆j · σx]e+iσzVjt2

−Θ(∆j − |ω|)√

∆2j − ω2

τz + i sign(ω)Θ(|ω| −∆j)√

ω2 −∆2j

2fω − 1 −2fω+2f−ω 2fω − 1

, (VI.18)

où Γj = πν(0) |tj|2 est le taux de transfert entre le point quantique et l’électrode j.

1.2 Formalisme à deux points quantiques

Abordons dès à présent l’étude centrale de cette partie, à savoir deux points quantiques

à un seul niveau d’énergie couplés à une électrode supraconductrice et deux en métal normal

(voir Fig. VI.2). Comme nous l’avons vu précédemment, ce système a été réalisé expérimenta-

lement par deux équipes [114] et [115], qui ont généré les deux points quantiques à l’aide du

recouvrement d’un nanotube de carbone (ou d’un nanofil) par des électrodes en métal normal

et supraconductrice (voir Fig. V.8). Les deux points quantiques étant construits à partir du

même nanotube, le transfert direct d’électrons entre-eux est ainsi rendu possible.

Figure VI.2 – Double point quantique couplé à des électrodes normales/supraconductrice

Le formalisme à deux points quantiques est simplement une extension du formalisme pré-

cédent où une nouvelle structure de matrice dans l’espace des points quantiques apparaît.

99

Page 108: Denis Chevallier

Chapitre VI. Double point quantique utilisé pour la séparation des électronsd’une paire de Cooper

L’hamiltonien total du système s’écrit désormais

H = HD1 +HD2 +HD1D2 +∑

j

Hj +HT1(t) +HT2(t), (VI.19)

où HD1 et HD2 sont les hamiltoniens des points quantiques

HDα = ǫα∑

σ=↑,↓d†ασdασ, (VI.20)

et le transfert par effet tunnel entre eux est décrit, en utilisant les spineurs de Nambu et

l’amplitude tunnel td, comme

HD1D2 = tdd†1σzd2 + h.c. . (VI.21)

Ces trois termes peuvent être combinés sous la forme suivante

HD = d†

ǫ1 td

td ǫ2

⊗ σzd, (VI.22)

où d† =(

d†1 d†2

)

est un spineur dans l’espace "Nambu-Dot". Le transfert par effet tunnel entre

le point quantique α et les électrodes s’écrit

HTα(t) =∑

jk

Ψ†jk Tjα(t) dα + h.c. , (VI.23)

où Tjα(t) = tjασz eiσz∫

Vjdt, et tjα correspond à l’amplitude tunnel entre le point quantique α

et l’électrode j. Cet hamiltonien correspond à un système où tous les points quantiques sont

couplés à toutes les électrodes. Dans le but de reproduire exactement le système de la figure

VI.2, il est nécessaire de mettre à zero les amplitudes tunnel tL2 et tR1 couplant respectivement

le point quantique 2 à l’électrode de gauche et le point quantique 1 à celle de droite.

Les fonctions de Green des électrons prennent désormais la forme suivante

Gss′αα′(t, t

′) = −i⟨

TC

dsα(t)d†s′α′ (t

′)⟩

, (VI.24)

avec α, α′ correspondant aux indices du point quantique. Comme dans la section précédente, la

self-énergie associée au transfert par effet tunnel est calculée en moyennant l’opérateur d’évo-

lution sur les degrés de liberté des électrodes

〈S(∞)〉leads = TC exp[

−i∫ +∞

−∞dt1dt2d

†(t1)ΣT (t1, t2)d(t2)]

, (VI.25)

100

Page 109: Denis Chevallier

VI.2 Courants de branchement et corrélations croisées

où d(t) =

d+(t)

d−(t)

est un spineur dans l’espace "Nambu-Keldysh-Dot" et la self-énergie est

donnée par

ΣT (t1−t2) =∑

j

(T †j1(t1)⊗ τz)gj(t1 − t2)(τz ⊗ Tj1(t2)) (T †j1(t1)⊗ τz)gj(t1 − t2)(τz ⊗ Tj2(t2))(T †j2(t1)⊗ τz)gj(t1 − t2)(τz ⊗ Tj1(t2)) (T †j2(t1)⊗ τz)gj(t1 − t2)(τz ⊗ Tj2(t2))

,

(VI.26)

où gj et ΣT sont des matrices respectivement dans l’espace de "Nambu-Keldysh" et "Nambu-

Keldysh-Dot". Chaque élément Σjαβ(t1− t2) de la matrice self-énergie (VI.26) dans l’espace des

points quantiques peut être obtenu à partir de (VI.18) en remplaçant Γj par Γjαβ = πν(0)tjαtjβ.

2 Courants de branchement et corrélations croisées

Abordons maintenant la dérivation des expressions des courants de branchement et des

corrélations croisées en termes des fonctions de Green des électrons et de la self-énergie tunnel

que nous venons de calculer.

2.1 Courants de branchement

Le courant provenant du point quantique α entrant dans l’électrode j s’écrit

Ijα(t) = i∑

k

Ψ†jkσzTjα(t)dα + h.c. . (VI.27)

Le courant moyen est indépendant de la branche Keldysh sur laquelle le calcul est réalisé. Par

conséquent, l’expression de celui-ci est donnée par la combinaison 〈Ijα〉 = 〈Ijα(t+) + Ijα(t−)〉 /2où t± est le temps sur la branche supérieure/inférieure du contour. L’introduction d’un champ

auxiliaire ηjα(t), apparaissant dans l’amplitude tunnel comme Tjα(t)→ Tjα(t)eiτz⊗σzηjα(t)/2, est

nécessaire à l’obtention des expressions souhaitées. Le courant moyen entre le point quantique

α et l’électrode j peut maintenant être calculé comme la dérivée première de la fonction de

partition

〈Ijα〉 = i1

Z[0]δZ [η]δηjα(t)

η=0

, (VI.28)

où Z[η] = 〈S(∞, η)〉0 et S(∞, η) est l’opérateur d’évolution en présence du champ auxiliaire.

Nous obtenons ainsi le résultat

101

Page 110: Denis Chevallier

Chapitre VI. Double point quantique utilisé pour la séparation des électronsd’une paire de Cooper

〈Ijα〉 =12

Tr

(τz ⊗ σz)∫ +∞

−∞dt′(

G(t, t′)Σj(t′, t)− Σj(t, t′)G(t′, t))

αα

, (VI.29)

où "Tr" correspond à la trace dans l’espace de "Nambu-Keldysh". En passant dans la base

"RAK", le courant moyen peut être réexprimé en termes des fonctions de Green avançée, retardée

et Keldysh comme

〈Ijα〉 =12

tr

σz

∫ +∞

−∞dt′(

GR(t, t′)ΣKj (t′, t) + GK(t, t′)ΣAj (t′, t)

− ΣRj (t, t′)GK(t′, t)− ΣKj (t, t′)GA(t′, t))

αα

, (VI.30)

où "tr" correspond, cette fois-ci, à la trace dans l’espace de "Nambu". La self-énergie Σj peut être

obtenue à partir des résultats de la section précédente. Toutefois, la fonction de Green G reste

à déterminer. Pour ce faire, nous utilisons l’équation de Dyson en fréquence, nous permettant

ainsi d’obtenir cette fonction de Green G dans la base "RAK"

GR/A(ω)−1 = GR/A0 (ω)−1 − ΣR/AT (ω), (VI.31)

GK(ω) = GK0 (ω) + GR(ω)ΣKT (ω)GA(ω), (VI.32)

avec

GR/A0 (ω)−1 =

ω1− ǫ1σz −tdσz−tdσz ω1− ǫ2σz

, (VI.33)

GK0 (ω) = 0. (VI.34)

En prenant la transformée de Fourier de cette fonction, le courant se réécrit comme

〈Ijα〉 = tr

σz

+∞∫

−∞

2πRe

[(

GR(ω)ΣKj (ω) + GK(ω)ΣAj (ω))

αα

]

, (VI.35)

où nous avons utilisé les propriétés selon lesquelles les composantes Keldysh sont anti-hermitiennes

et les composantes avançées et retardées sont hermitiennes conjuguées l’une de l’autre. Nous

102

Page 111: Denis Chevallier

VI.2 Courants de branchement et corrélations croisées

pouvons maintenant calculer le courant en utilisant les équations de Dyson (VI.31)-(VI.32) et

les composantes de la self-énergie associées au transfert par effet tunnel, s’écrivant en fréquence

ΣA/RL (ω) = ±i

ΓL11 0

0 0

⊗ 1 , (VI.36)

ΣA/RR (ω) = ±i

0 0

0 ΓR22

⊗ 1, (VI.37)

ΣA/RS (ω) = XA/RS (ω)

ΓS11 ΓS12

ΓS21 ΓS22

1 −∆ω

−∆ω

1

, (VI.38)

ΣKL (ω) = −2i

ΓL11 0

0 0

tanh(

β(ω−VL)2

)

0

0 tanh(

β(ω+VL)2

)

, (VI.39)

ΣKR (ω) = −2i

0 0

0 ΓR22

tanh(

β(ω−VR)2

)

0

0 tanh(

β(ω+VR)2

)

, (VI.40)

ΣKS (ω) = XKS (ω)

ΓS11 ΓS12

ΓS21 ΓS22

1 −∆ω

−∆ω

1

, (VI.41)

où nous avons étudié le cas VS = 0, ce qui nous permet la simplification de ΣS. De plus, nous

avons introduit

XA/RS (ω) = −Θ(∆− |ω|)ω√

∆2 − ω2± iΘ(|ω| −∆) |ω|√

ω2 −∆2, (VI.42)

XKS (ω) = −2iΘ(|ω| −∆) |ω|√

ω2 −∆2tanh

(

βω

2

)

. (VI.43)

2.2 Corrélations croisées

Nous suivons une approche similaire à celle développée pour le calcul du courant. Les cor-

rélations croisées mettent en jeu deux opérateurs courants evalués à des temps différents qui

ne commutent généralement pas. Habituellement, la procédure de mesure dicte la combinaison

du corrélateur de courant mise en jeu dans l’expression du bruit mesuré [67, 69, 71, 79]. Pour

cette raison, nous avons besoin d’obtenir le corrélateur non-symétrisé. Nous introduisons donc

une fonction de partition Z[η] = 〈S(∞, η)〉0, qui dépend cette fois du champ auxiliaire ηjαs(t),

où j = L,R, S correspond aux différentes électrodes, α = 1, 2 aux deux points quantiques et

s = ± aux deux branches du contour Keldysh. Ce nouveau champ auxiliaire est introduit dans

103

Page 112: Denis Chevallier

Chapitre VI. Double point quantique utilisé pour la séparation des électronsd’une paire de Cooper

l’amplitude tunnel de la manière suivante

Tjα → Tjαe∑

siπs⊗σzηjαs(t), (VI.44)

où les matrices π dans l’espace Keldysh ont été introduites

π+ =

1 0

0 0

, π− =

0 0

0 −1

. (VI.45)

Les corrélations croisées peuvent dès à présent être calculées en prenant la dérivée seconde

de la fonction de partition par rapport aux champs auxiliaires

I−iα(t)I+jβ(t

′)⟩

= − 1Z[0]

δ2Z[η]δηiα−(t)δηjβ+(t′)

η→0

. (VI.46)

En effectuant cette double dérivée, la fonction de corrélation courant-courant devient

I−iα(t)I+jβ(t

′)⟩

=∫

dt1dt2∑

γδss′

σ1σ2σ′1σ′2

σ1σ′1

×

Σ−si,αγσ1σ2(t, t1)Σ+s′

j,βδσ′1σ′2(t′, t2)Kss

′−+γδαβσ2σ′2σ1σ′1

(t1, t2, t, t′)

− Σ−si,αγσ1σ2(t, t1)Σs

′+j,δβσ′2σ

′1(t2, t′)Ks+−s

′γβαδσ2σ′1σ1σ′2

(t1, t′, t, t2)

− Σs−i,γασ2σ1(t1, t)Σ+s′

j,βδσ′σ′2(t′, t2)K−s

′s+αδγβσ1σ′2σ2σ′1

(t, t2, t1, t′)

+ Σs−i,γασ2σ1(t1, t)Σs

′+j,δβσ′2σ

′1(t2, t′)K−+ss′

αβγδσ1σ′1σ2σ′2

(t, t′, t1, t2)

, (VI.47)

Ks1s2s3s4α1α2α3α4σ1σ2σ3σ4

(t1, t2, t3, t4) = −⟨

TC

ds1α1σ1(t

1)ds2α2σ2

(t2)d†s3α3σ3(t3)d†s4α4σ4

(t4)⟩

(VI.48)

est la fonction de Green à deux particules des électrons du point quantique et Σs1s2j,α1α2σ1σ2(t1, t2)

est l’élement de la matrice de la self-énergie associée au transfert par effet tunnel avec l’élec-

trode j. Dans le cas général où l’interaction Coulombienne est prise en compte sur les points

quantiques, la fonction de Green à deux particules peut être exprimée en termes des fonctions

de Green à une particule habillées par les interactions G et du vertex d’interaction Γ

104

Page 113: Denis Chevallier

VI.2 Courants de branchement et corrélations croisées

K1234 (t1, t2, t3, t4) = G14 (t1, t4)G23 (t2, t3)− G13 (t1, t3)G24 (t2, t4) +∫

dt5dt6dt7dt8

×∑

5 ,6 ,7 ,8

G15 (t1, t5)G28 (t2, t8)Γ5678 (t5, t6, t7, t8)G73 (t7, t3)G64 (t6, t4). (VI.49)

où 1 ≡ σ1, γ1, s1. Toutefois, nous sommes dans un cas sans interaction, la fonction de Green à

deux particules se réduit en restituant tous les indices à

Ks1s2s3s4α1α2α3α4σ1σ2σ3σ4

(t1, t2, t3, t4) = Gs1s4α1α4σ1σ4(t1, t4)Gs2s3α2α3σ2σ3

(t2, t3)− Gs1s3α1α3σ1σ3(t1, t3)Gs2s4α2α4σ2σ4

(t2, t4) ,

(VI.50)

où Gs1s2α1α2σ1σ2(t1, t2) est l’élément de matrice σ1σ2 de la fonction de Green à une particule in-

troduite à l’équation (VI.24). En substituant (VI.50) dans (VI.47), nous obtenons la partie

irréductible du corrélateur courant-courant

Siα,jβ(t, t′) = 〈Iiα(t)Ijβ(t′)〉 − 〈Iiα(t)〉 〈Ijβ(t′)〉

=−∫ +∞

−∞dt1dt2Tr

(π− ⊗ σz)(Σi(t, t1)G(t1, t′))αβ(π+ ⊗ σz)(Σj(t′, t2)G(t2, t))βα

+ (π− ⊗ σz)(G(t, t1)Σj(t1, t′))αβ(π+ ⊗ σz)(G(t′, t2)Σi(t2, t))βα

− (π− ⊗ σz)(Σi(t, t1)G(t1, t2)Σj(t2, t′))αβ(π+ ⊗ σz)Gβα(t′, t)− (π− ⊗ σz)Gαβ(t, t′)(π+ ⊗ σz)(Σj(t′, t1)G(t1, t2)Σi(t2, t))βα

. (VI.51)

Après rotation de la base Keldysh, puis en prenant la transformée de Fourier de l’expression

(VI.51), la partie irréductible du corrélateur courant-courant en fréquence est

Siα,jβ(ω) = −12

Re+∞∫

−∞

dω′

× tr

σz(

ΣKi GA + ΣRi G

K − ΣAi GA + ΣRi G

R)αβ

ω′σz(

ΣKj GA + ΣRj G

K + ΣAj GA − ΣRj G

R)βα

ω+ω′

−σz(

ΣRi GRΣKj + ΣKi G

AΣAj + ΣRi GKΣAj − ΣAi G

AΣAj + ΣRi GRΣRj

)αβ

ω′σz(

GK + GA − GR)βα

ω+ω′

.

(VI.52)

105

Page 114: Denis Chevallier

Chapitre VI. Double point quantique utilisé pour la séparation des électronsd’une paire de Cooper

3 Résultats et discussions

Analysons à présent les résultats de ce chapitre. Le but de cette analyse étant d’une part de

comprendre quelle configuration optimise quel processus, mais également d’appréhender l’effet

du transfert direct par effet tunnel entre les deux points quantiques. Pour ce faire, nous allons

dans un premier temps étudier plusieurs configurations dans lesquelles le transfert direct par

effet tunnel entre les points quantiques est absent, démarche qui va nous permettre de connaître

les configurations favorisant chaque processus. Dans un deuxième temps, nous allons ouvrir le

canal entre les deux points quantiques afin d’étudier son influence sur les différents processus.

3.1 Transport en l’absence de transfert direct par effet tunnel entre

les deux points quantiques

Nous allons observer deux situations : le cas anti-symétrique, situation pour laquelle les ni-

veaux d’énergie des deux points quantiques ont des positions opposées (par rapport au potentiel

chimique du supraconducteur VS = 0) et le cas symétrique pour lequel les niveaux d’énergie

sont les mêmes. Toutes les échelles d’énergies dans les parties qui suivent sont en unités de ∆

et comprises dans le gap. Pour toute la description, nous nous plaçons dans le régime de basse

température (β ≫ 1/∆), la seule contribution de la température étant de lisser le signal.

La configuration de notre système permet à un ou plusieurs des processus présentés dans

le chapitre (V) de se produire. Tout l’enjeu de l’étude est de repérer quelle configuration va

faciliter quel processus.

3.1.1 Cas anti-symétrique

Concentrons nous sur le cas anti-symétrique où les deux niveaux d’énergie des points quan-

tiques sont opposés par rapport au potentiel chimique du supraconducteur. L’étude de cette

configuration nécessite de fixer la tension de l’électrode de droite en dessous de toutes les

résonances et de faire varier la tension de l’électrode de gauche comme le montre la figure VI.3.

La figure VI.4 présente les courants de branchement circulant dans les deux électrodes nor-

males (IL1 est le courant entre le point quantique 1 et l’électrode normale de gauche et IR2 est

le courant entre le point quantique 2 et celle de droite). Nous pouvons voir qu’avec une tension

inférieure à ǫ1 (le niveau d’énergie du premier point quantique), les deux courants ont le même

signe et essentiellement la même amplitude (les courants qui entrent dans les électrodes sont

positifs selon nos conventions). Nous observons tout de même une légère deviation entre-eux

autour de VL = ǫ2. Pour des tensions supérieures à ǫ1, les courants ont une faible mais compa-

106

Page 115: Denis Chevallier

VI.3 Résultats et discussions

Figure VI.3 – Cas anti-symétrique : les niveaux d’énergie des points quantiques sont opposés par rapportau potentiel chimique du supraconducteur. La tension de l’électrode de droite VR est fixée en dessous detoutes les résonances et nous faisons varier la tension de l’électrode de gauche VL.

-1.0 -0.5 0.5 1.0VL

-0.08

-0.06

-0.04

-0.02

Currents

IR2

IL1

Figure VI.4 – Courants de branchement (unités arbitraires) en fonction de la tension de l’électrode degauche VL pour ǫ1 = 0.5, ǫ2 = −0.5, VR = −0.7, β = 100, tL1 = tR2 = tS1 = tS2 = 0.2 et tL2 = tR1 = 0.

rable amplitude, par contre, leurs signes sont opposés.

L’explication physique de ces courbes passent obligatoirement par l’analyse de la densité

d’états des différents points quantiques :

ρα =1π

Im(GA)↑↑αα , (VI.53)

où α = 1, 2 et l’indice ” ↑↑ αα” correspond à la composante ↑↑ dans l’espace Nambu et αα dans

l’espace des points quantiques. ρ1 est présenté dans la figure VI.5. Cette densité d’état contient

un grand double pic à ǫ1, et un pic avec une amplitude beaucoup plus modérée à −ǫ1 = ǫ2, qui

est essentiellement due aux effets de proximité avec l’électrode supraconductrice. Dans cette

situation, ρ2 est exactement le symétrique de ρ1 par rapport à l’axe ω = 0, raison pour laquelle

nous ne l’avons pas montrée ici. Les électrons peuvent donc être transferés par effet tunnel

à travers les deux résonances de la même électrode, ce qui explique la présence du processus

107

Page 116: Denis Chevallier

Chapitre VI. Double point quantique utilisé pour la séparation des électronsd’une paire de Cooper

-1.0 -0.5 0.5 1.0Ω

1

2

3

4

Ρ1

-0.55-0.50-0.45-0.40-0.350.010

0.015

0.020

0.025

0.030

Figure VI.5 – Densité d’état du point quantique 1 (unités arbitraires) pour les mêmes paramètres quela figure VI.4.

de DAR. La contribution de celui-ci reste toutefois faible étant donné qu’une des résonances

posséde un faible poids.

Quand la tension de l’électrode de gauche est plus faible que ǫ2, le processus dominant est la

Réflexion d’Andreev Croisée (CAR) dans le sens où une paire de Cooper est scindée et chaque

électron est injecté dans chacune des électrodes normales. La Réflexion d’Andreev Directe

(DAR) contribue également mais à moindre mesure. Les processus CAR et DAR engendrent

donc des courants (IL1 et IR2) de même signe car, dans les deux cas, les électrons sont injectés

dans les électrodes normales à partir du supraconducteur. Le processus de Cotunneling Elastique

(EC) ne contribue pas car la tension de chaque électrode normale n’est pas assez élevée pour

permettre l’injection d’électrons dans les deux points quantiques. Cette configuration étant

optimale pour le CAR, l’amplitude des courants générés est appréciable car les deux électrons

transférés passent par les grandes résonances de chacune des densités d’états ρ1 et ρ2.

Lorsque VL > ǫ2, les deux courants se séparent légérement l’un l’autre car le processus de

EC intervient. En effet, un électron appartenant à l’électrode de gauche peut être transféré par

effet tunnel dans le supraconducteur grâce à la faible résonance de ρ1. Il poursuit sa route dans

le deuxième point quantique par la grande résonance de celui-ci, avant de finir sa course dans

l’électrode de droite. Pour de telles tensions, le processus de DAR est toujours présent mais

seulement du supraconducteur vers l’électrode de droite. Ceci explique pourquoi IL1 > IR2 dans

la région [−ǫ1, ǫ1].

Quand la tension de l’électrode de gauche est plus grande que ǫ1, le processus de CAR est

fortement réduit car VL est placé au-dessus de l’ensemble des résonances des points quantiques.

Les électrons injectés à partir du supraconducteur ne peuvent plus entrer dans l’électrode de

108

Page 117: Denis Chevallier

VI.3 Résultats et discussions

gauche. Les seuls processus autorisés sont le EC et le DAR. Le processus DAR, à partir de

l’électrode de gauche, injecte des paires de Cooper dans le supraconducteur, puis des paires de

Cooper sont détruites dans le supraconducteur pour injecter deux électrons d’énergies et spins

opposés dans l’électrode de droite. Le processus de EC contribue en transférant des électrons de

l’électrode de gauche vers celle de droite via le supraconducteur. L’amplitude de ces courants

est réduite car DAR et EC requièrent le passage à travers une faible résonance de ρ1 et/ou ρ2.

-1.0 -0.5 0.5 1.0VL

0.002

0.004

0.006

0.008

SL1,R2H0L

Figure VI.6 – Corrélations croisées SL1,R2(0) (entre IL1 et IR2) à fréquence nulle (unités arbitraires) enfonction de la tension de l’électrode de gauche VL pour les mêmes valeurs de paramètres que la figure VI.4.

La confirmation de nos observations est rendue possible par l’étude des corrélations croisées

à fréquence nulle entre les courants de branchement IL1 et IR2 (voir Fig. VI.6). Les corrélations

croisées sont positives jusqu’à ǫ1, puis s’estompent fortement pour devenir négatives. La légère

structure présente à −ǫ1 et le double pic à ǫ1 ont respectivement pour origine la faible résonance

et le double pic de la large résonance dans la densité d’état. Pour des tensions plus grandes que

ǫ1, les corrélations sont légèrement négatives, ce qui est en accord avec la faible amplitude des

courants associés.

L’interprétation physique de ces résultats est assez simple. Quand la tension est plus faible

que ǫ1, le processus dominant est le CAR et les corrélations croisées sont positives car les

deux électrons d’une même paire de Cooper sont scindés et finissent chacun dans une électrode

normale. Toutefois, quand la tension est plus forte que ǫ1, le processus dominant est le EC

et les corrélations sont négatives. Un électron est injecté de l’électrode de gauche, traverse le

supraconducteur en créant une quasi-particule puis, entre dans l’électrode de droite. Insistons

sur le fait que DAR ne contribue pas aux corrélations croisées car les deux paires de Cooper

injectées de chaque côté du supraconducteur sont indépendantes.

109

Page 118: Denis Chevallier

Chapitre VI. Double point quantique utilisé pour la séparation des électronsd’une paire de Cooper

3.1.2 Cas symétrique

Concentrons nous désormais sur le cas symétrique où les niveaux d’énergie des points quan-

tiques sont les mêmes (voir Fig. VI.7). Comme dans le cas précédent, la tension de l’électrode

de droite VR est fixée en dessous de toutes les résonances et nous faisons varier la tension de

celle de gauche VL.

Figure VI.7 – Cas symétrique : les niveaux d’énergie des deux points quantiques sont identiques. Latension de l’électrode de droite VR est fixée en dessous de toutes les résonances et nous faisons varier latension de celle de gauche VL.

-1.0 -0.5 0.5 1.0VL

-0.02

-0.01

0.01

0.02

Currents

IR2

IL1

Figure VI.8 – Courants de branchement (unités arbitraires) en fonction de la tension de l’électrode degauche VL pour ǫ1 = 0.5, ǫ2 = 0.5, VR = −0.7, β = 100, tL1 = tR2 = tS1 = tS2 = 0.2 et tL2 = tR1 = 0.

Dans la figure VI.8, nous étudions les courants de branchement. Contrairement au cas anti-

symétrique, les deux courants ont une faible amplitude lorsque VL est inférieure à ǫ1. Celle-ci

augmente fortement par la suite. Précisément, les deux courants sont négatifs et similaires pour

VL inférieure à −ǫ1. Puis, dans l’intervalle [−ǫ1, ǫ1], ils sont toujours négatifs mais dévient lé-

gèrement l’un de l’autre. Lorsque VL > ǫ1, ils ont des signes opposés et leurs amplitudes sont

fortement augmentées.

110

Page 119: Denis Chevallier

VI.3 Résultats et discussions

-1.0 -0.5 0.5 1.0Ω

1

2

3

4

5

6

Ρ1

-0.55-0.50-0.45-0.40-0.350.0150.0200.0250.0300.0350.0400.0450.050

Figure VI.9 – Densité d’état du premier point quantique (unités arbitraires) pour les mêmes valeurs deparamètres que dans la figure VI.8.

Quand la tension de l’électrode de gauche est plus faible que −ǫ1, les processus dominants

sont le CAR et DAR. Ces deux processus distribuent les électrons dans chaque électrode normale

de manière équivalente. Leurs faibles amplitudes s’expliquent aisément en considérant la densité

d’état des points quantiques (voir Fig. VI.9). Notons que dans cette géométrie ρ1 = ρ2 : les deux

densités d’état contiennent un grand pic central à ǫ1 et un pic beaucoup plus faible à −ǫ1. Dans

les deux processus cités précédement, un électron doit être transféré via la faible résonance, ce

qui explique leurs amplitudes modérées. Dans l’intervalle [−ǫ1, ǫ1], les processus DAR à partir

de l’électrode de gauche sont supprimés, mais ceux entre le supaconducteur et l’électrode de

droite quant à eux opèrent encore. Le CAR contribue toujours, mais il met en jeu le transfert

d’électrons à travers la grande résonance du point quantique 1 et la petite résonance du point

quantique 2. Ceci explique l’amplitude faible de ces courants. Additionné à cela, le EC apporte

une légère contribution étant donné que les électrons sont transférés à travers les deux faibles

résonances de chaque côté du supraconducteur.

Quand la tension de l’électrode de gauche est plus importante que ǫ1, le processus dominant

est le EC car les électrons peuvent être injectés dans le premier point quantique grâce à la

large résonance de celui-ci. Ils traversent ensuite le supraconducteur pour finir leur course dans

l’électrode de droite grâce à la large résonance du deuxième point quantique. Nous obtenons

des courants de signes opposés car les électrons sont transférés d’une électrode vers l’autre.

L’injection d’électrons dans l’électrode de gauche est impossible puisque la tension de celle-ci

est en dessus de toutes les résonances. De ce fait, CAR est complètement supprimé. L’amplitude

des courants générés est importante en correspondance avec la configuration optimale pour le

EC car les électrons sont transférés à travers les deux larges résonances de chaque côté du

supraconducteur.

111

Page 120: Denis Chevallier

Chapitre VI. Double point quantique utilisé pour la séparation des électronsd’une paire de Cooper

-1.0 -0.5 0.5 1.0VL

-0.008

-0.006

-0.004

-0.002

SL1,R2H0L

Figure VI.10 – Corrélations croisées SL1,R2(0) (entre IL1 et IR2) à fréquence nulle (unités arbitraires)en fonction de la tension de l’électrode de gauche VL pour les mêmes valeurs de paramètres que dans lefigure VI.8.

Dans la figure VI.10, nous étudions les corrélations croisées à fréquence nulle entre les

courants de branchement IL1 et IR2. Ces corrélations sont positives avec une faible amplitude

en dessous ǫ1, puis deviennent négatives avec une grande amplitude.

Quand la tension est plus faible que ǫ1, le processus dominant est le CAR et les corrélations

croisées sont positives. L’explication est similaire à celle fournie dans le cas anti-symétrique.

L’amplitude réduite des corrélations croisées peut s’expliquer par le fait que les électrons doivent

être transférés à travers une faible résonance. La structure à VL = −ǫ1 correspond à l’entrée en

jeu du processus de EC. Lorsque VL > ǫ1, le processus dominant est le EC et les corrélations

croisées sont négatives. En effet, les électrons peuvent passer à travers les deux larges résonances

des points quantiques, ce qui explique la grande amplitude du signal dans ce régime. Comme

précédemment, les courants générés par DAR ne contribuent pas aux corrélations croisées car

les paires de Cooper injectées de chaque côté du supraconducteur sont totalement indépen-

dantes.

En résumé, nous pouvons d’une part dire que le régime de cotunneling élastique est favorisé

lorsque les niveaux d’énergie des points quantiques sont les mêmes (cas symétrique). La réflexion

d’Andreev croisée, quant à elle, est facilitée lorsque les niveaux d’energie des points quantiques

sont opposés (cas anti-symétrique). Par la suite, nous allons nous intéresser à l’effet du transfert

direct par effet tunnel entre les deux points quantiques ("tunneling direct"). Ce dernier étant

pertinent du point de vue des expériences récémment effectuées [114, 115].

112

Page 121: Denis Chevallier

VI.3 Résultats et discussions

3.2 Transport en présence de transfert direct par effet tunnel entre

les deux points quantiques

Comme nous l’avons expliqué précédemment, le transfert direct par effet tunnel apparaît

car les deux points quantiques sont générés dans le même nanotube de carbone. Cet effet,

effectivement présent dans les expériences récemment réalisées [114, 115], a des conséquences

importantes sur les propriétés du transport. Pour cette raison, nous consacrons ici une partie

à son étude.

3.2.1 Cas anti-symétrique

Le principal effet associé au transfert direct par effet tunnel entre les points quantiques est

la modification de leurs densités d’états. Dans la figure VI.11, nous pouvons voir que le poids

de la faible résonance est augmenté de façon significative. La large résonance, quant à elle,

acquiert une structure en double pic asymétrique qui disparait pour des valeurs relativement

grandes de l’amplitude de transfert direct par effet tunnel ("tunneling direct").

-1.0 -0.5 0.5 1.0Ω

1

2

3

4

5

Ρ1

td=0.7

td=0.5

td=0.2

Figure VI.11 – Densité d’état du premier point quantique (unités arbitraires) pour différentes valeursde l’amplitude de transfert direct par effet tunnel entre les deux points quantiques, ǫ1 = 0.5, ǫ2 = −0.5,tL1 = tR2 = tS1 = tS2 = 0.2 et tL2 = tR1 = 0.

Les courants de branchement sont étudiés dans la figure VI.12. Pour VL < ǫ2, les deux cou-

rants sont négatifs avec une amplitude appréciable associée au régime de CAR. Contrairement

à la partie 3, les courants ont des amplitudes différentes (IR2 > IL1). Ceci s’explique par l’entrée

en jeu de deux processus différents. Tout d’abord, la présence de "tunneling direct" entre les

points quantiques permet le transfert des électrons de l’électrode de droite vers celle de gauche

sans passer par le supraconducteur. Puis, la petite résonance ayant pris du poids, le EC est

113

Page 122: Denis Chevallier

Chapitre VI. Double point quantique utilisé pour la séparation des électronsd’une paire de Cooper

-1.0 -0.5 0.5 1.0VL

-0.08

-0.06

-0.04

-0.02

0.02

Currents

IR2

IL1

Figure VI.12 – Courants de branchement (unités arbitraires) en fonction de la tension de l’électrode degauche VL pour ǫ1 = 0.5, ǫ2 = −0.5, VR = −0.7, β = 100, tL1 = tR2 = tS1 = tS2 = 0.2, tL2 = tR1 = 0 etl’amplitude de transfert direct entre les deux points quantiques td = 0.2.

maintenant autorisé du deuxième point quantique vers le premier. De plus, nous avons toujours

la possibilité d’injecter des électrons dans les électrodes normales grâce au processus de DAR.

Lorsque VL est au delà de ǫ2, CAR est toujours dominant mais les courants se croisent

(IL1 > IR2) car le EC et le "tunneling direct" se produisent désormais du premier point quantique

vers le second. La différence IL1−IR2 est plus importante que dans le cas sans "tunneling direct"

car les faibles résonances ont maintenant un poids non négligeables.

Finalement, pour VL > ǫ1, le CAR est supprimé. Dans ce régime, les processus principaux

sont le EC et le "tunneling direct" du premier point quantique vers le deuxième. De plus, le

DAR de l’électrode de gauche vers le supraconducteur puis du supraconducteur vers l’électrode

de droite est omniprésent. L’augmentation de la différence IL1 − IR2 a la même origine que

précédemment.

-1.0 -0.5 0.5 1.0VL

-0.010

-0.005

0.005

0.010SL1,R2H0L

td=0.7

td=0.5

td=0.2

td=0

Figure VI.13 – Corrélations croisées SL1,R2(0) (entre IL1 et IR2) à fréquence nulle (unités arbitraires) enfonction de la tension de l’électrode de gauche VL pour différentes valeurs du transfert direct entre les deuxpoints quantiques, ǫ1 = 0.5, ǫ2 = −0.5, VR = −0.7, β = 100, tL1 = tR2 = tS1 = tS2 = 0.2 et tL2 = tR1 = 0.

114

Page 123: Denis Chevallier

VI.3 Résultats et discussions

Dans la figure VI.13, nous étudions les corrélations croisées à fréquence nulle en fonction

de la tension de l’électrode de gauche pour différentes valeurs de l’amplitude entre les deux

points quantiques. Pour des faibles amplitudes tunnel td, la tendance générale est d’acquérir

des corrélations positives pour des tensions VL < ǫ1 et des corrélations négatives lorsque la

tension est supérieure au niveau d’énergie du premier point quantique. Cette transition est la

marque d’un changement de régime majoritaire CAR en EC. Quand l’amplitude tunnel entre

les deux points quantiques augmente, les corrélations croisées ont tendance à être décalées vers

des valeurs négatives (valeurs négatives résultant de la diminution du signal généré par CAR

et de l’augmentation de celui généré par EC et "tunneling direct"). Au delà de td = 0.7, les

corrélations croisées positives disparaissent totalement.

Nous pouvons encore discuter des structures provenant des résonances de la densité d’état

à ±ǫ1. La large résonance a une structure en double pic qui disparait quand td est suffisamment

grand. Ceci constitue l’explication du double pic présent dans les corrélations croisées à la

tension VL = ǫ1, qui est lissée pour de fortes amplitudes td. Dans le même temps, pour des

amplitudes intermédiaires de l’orde de td = 0.2, la structure en double pic de la faible résonance

entraine la présence d’une structure similaire dans les corrélations croisées à VL = −ǫ1. De part

l’augmentation de td, un pic dans les corrélations autour de VL = −ǫ1 est généré : ce pic est

décalé vers VL < −ǫ1 en accord avec le décalage en énergie qui est observé dans la densité d’état.

Ce pic est le dernier bastion des corrélations positives lors de l’augmentation de l’amplitude de

"tunneling direct".

3.2.2 Cas symétrique

Les densités d’état sont drastiquement modifiées par la présence de ce transfert direct par

effet tunnel entre les deux points quantiques (voir Fig. VI.14). Désormais, la densité d’état

contient un double pic à des énergies centrées autour de ǫ1 (un pseudo-gap est donc créé).

L’augmentation de cette amplitude entraine la séparation de plus en plus prononcée de ces

deux pics.

Les courants de branchement sont étudiés dans la figure VI.15. Avec td = 0.2, les courants

IL1 et IR2 sont négatifs pour des tensions inférieures à 0, ce qui est symptomatique de la sup-

pression des processus de CAR et DAR. Leurs amplitudes sont drastiquement réduites à cause

de l’absence de poids dans la densité d’état à des valeurs négatives d’énergie. Lorsque VL > 0,

les deux courants acquièrent des signes opposés et nous observons deux paliers correspondant

aux passages des doubles pics. Cette situation correspond donc au cas où seuls les processus de

115

Page 124: Denis Chevallier

Chapitre VI. Double point quantique utilisé pour la séparation des électronsd’une paire de Cooper

-1.0 -0.5 0.5 1.0Ω

1

2

3

4

Ρ1

td=0.7

td=0.5

td=0.2

Figure VI.14 – Densité d’état du premier point quantique (unités arbitraires) pour différentes valeursde l’amplitude de transfert direct par effet tunnel entre les deux points quantiques, ǫ1 = 0.5, ǫ2 = 0.5,tL1 = tR2 = tS1 = tS2 = 0.2 et tL2 = tR1 = 0.

-1.0 -0.5 0.5 1.0VL

-0.15

-0.10

-0.05

0.05

0.10

0.15Currents

IR2

IL1

Figure VI.15 – Courants de branchement (unités arbitraires) en fonction de la tension de l’électrode degauche VL pour ǫ1 = 0.5, ǫ2 = 0.5, VR = −0.7, β = 100, tL1 = tR2 = tS1 = tS2 = 0.2, tL2 = tR1 = 0 etl’amplitude directe entre les points quantiques td = 0.2.

EC et de "tunneling direct" contribuent.

Les corrélations croisées sont étudiées dans la figure VI.16 pour différentes valeurs de l’ampli-

tude tunnel entre les deux points quantiques. Avec td = 0.2, le signe est positif mais quasiment

nul pour VL < 0. Conséquence directe de l’absence de poids dans la densité d’état à des valeurs

négatives d’énergie. Contrairement au cas sans couplage direct où le crossover entre les régimes

de CAR et EC se situait aux alentours de VL = ǫ1, celui-ci arrive désormais lorsque VL = 0. Les

corrélations croisées acquièrent une amplitude appréciable quand la tension VL est augmentée.

Nous pouvons également voir la signature de la densité d’état dans le sens où nous observons

un double palier correspondant au double pic (VL = 0.3 et VL = 0.7 pour td = 0.2 par exemple).

Pour des amplitudes de "tunneling direct" importantes, le crossover se produit à des énergies

de plus en plus faibles car les densités d’états des deux points quantiques acquièrent des pics à

116

Page 125: Denis Chevallier

VI.3 Résultats et discussions

-1.0 -0.5 0.5 1.0VL

-0.030

-0.025

-0.020

-0.015

-0.010

-0.005

0.005SL1,R2H0L

td=0.7

td=0.5

td=0.2

td=0

Figure VI.16 – Corrélations croisées SL1,R2(0) (entre IL1 et IR2) à fréquence nulle (unités arbitraires)en fonction de la tension de l’électrode de gauche VL pour différentes valeurs de l’amplitude de transfertdirect entre les deux points quantiques, ǫ1 = 0.5, ǫ2 = 0.5, VR = −0.7, β = 100, tL1 = tR2 = tS1 = tS2 = 0.2et tL2 = tR1 = 0.

des énergies négatives.

3.3 Conclusion

Nous avons établi une expression générale pour les courants de branchement en termes des

fonctions de Green des électrons à une particule (habillées par le couplage avec les électrodes)

dans le même esprit que la formule de Fisher-Lee [123] mais pour une jonction hybride. De la

même manière, le bruit (plus particulièrement les corrélations croisées) a été exprimé à l’aide

des fonctions de Green à deux particules. Ce second résultat correspond à une extension de

la formule de Fisher-Lee/Landauer-Büttiker pour le bruit. Les interactions sur le point quan-

tique (Coulomb, électron-phonon,...) peuvent être incluses dans les expressions de ces fonctions

de Green à deux particules. Nous étudions ici un système sans interaction, ce qui permet de

réécrire ces fonctions de Green à deux particules en termes des fonctions de Green à une par-

ticule. Les courants de branchement et les corrélations croisées sont ainsi obtenus en résolvant

l’équation de Dyson. Toutes les échelles d’énergies sont contenues dans le gap supraconducteur,

correspondant au régime où la séparation des paires de Cooper par DAR/CAR est correctement

comprise. Face au large choix de paramètres pouvant être modulés (tension, niveaux d’énergie,

largeur de résonance,...), nous avons dû nous focaliser sur certains régimes de fonctionnement.

Nous nous sommes donc arrêtés sur deux de ces régimes : le cas anti-symétrique (les niveaux

d’énergie des deux points quantiques sont opposés par rapport au potentiel chimique du supra-

conducteur) et le cas symétrique (les deux niveaux ont la même énergie). La compréhension des

données obtenues pour les courants et les corrélations passent par l’analyse de la densité d’état

de chacun des points quantiques. Les effets de proximité dus à la présence du supraconducteur

117

Page 126: Denis Chevallier

Chapitre VI. Double point quantique utilisé pour la séparation des électronsd’une paire de Cooper

induisent une modification importante de chacune de ces densités d’états. Celles-ci acquièrent

du poids (faible résonance) à des énergies opposées au niveau résonant (large résonance). Le

transport des électrons est donc plus ou moins favorisé si celui-ci traverse une large ou faible

résonance.

Dans notre étude, nous fixons la tension d’une des électrodes normales en dessous de toutes

les résonances, et faisons varier la tension de la deuxième électrode. Nous commencons notre

analyse dans le cas où il n’y a pas de "tunneling direct" entre les deux points quantiques. D’un

côté, nous observons que le processus de CAR est optimisé dans le cas anti-symétrique lorsque

les tensions des deux électrodes sont inférieures à toutes les résonances. D’un autre côté, nous

voyons que le processus de EC est majoritaire dans le cas symétrique lorsque la tension de la

première électrode est en dessus de toutes les résonances. Une étude systématique de la carac-

téristique courant-tension et bruit-tension permet d’identifier quel processus est mis en jeu. En

effet, les courants de branchement et les corrélations croisées sont nécessaires en vue d’identifier

les processus du fait que le DAR est filtré par les corrélations croisées. Finalement, le "tunne-

ling direct" est "ouvert" et l’analyse est répétée. La densité d’état des points quantiques est

grandement modifiée par la présence de ce transfert direct d’électrons. Ce couplage a tendance

à détruire les corrélations positives. En effet, pour des couplages importants, les corrélations

positives sont même totalement supprimées.

118

Page 127: Denis Chevallier

Conclusion générale et perspectives

Dans le premier chapitre, nous avons présenté l’approche de Landauer à travers le forma-

lisme de diffusion en seconde quantification. Nous avons pu calculer le courant moyen et

la conductance d’un fil quantique, permettant ainsi de retrouver la formule de Landauer [1]. Ce

formalisme nous a également permis de calculer le bruit et de montrer qu’il était proportionnel

au courant moyen et à la charge des porteurs. Cette charge peut être ainsi déduite par la me-

sure simultanée du bruit et du courant moyen. De plus, l’expression des corrélations croisées

à fréquence nulle a été calculée. Cette dernière nous fournit des informations cruciales sur la

statistique des porteurs de charge. En effet, les corrélations croisées sont soit positives dans

le cas des bosons émanant d’une source thermique, soit négatives lorsque les particules mises

en jeu sont des fermions. Finalement, la charge des porteurs peut être également déduite en

calculant le bruit d’excès. En effet, nous pouvons observer un changement de pente significatif

à une certaine fréquence. Ce changement de pente se produit à ~ω = eV dans le cas d’une

jonction métal normal/métal normal [16] et à ~ω = 2eV dans le cas d’une jonction métal nor-

mal/supraconducteur [26] où le facteur 2 correspond à la charge d’une paire de Cooper créée

dans le supraconducteur par réflexion d’Andreev. Finalement, ce changement de pente inter-

vient à ~ω = νeV dans le cas de l’effet Hall fractionnaire où ν est le facteur de remplissage [27].

Il s’en suit une partie concernant le transport dans les liquides de Luttinger. Le deuxième

chapitre présente cette théorie permettant de traiter le problème des électrons en interaction

dans un système unidimensionnel. Nous avons également développé la technique de la boso-

nisation qui permet de réécrire l’hamiltonien sous forme quadratique en termes des champs

bosoniques représentant les excitations collectives électron-trou. Nous avons pu montrer par

une étude hydrodynamique que les états de bords de l’effet Hall quantique sont modélisables

par un liquide de Luttinger chiral. Finalement, nous avons présenté le formalisme de Keldysh

permettant de traiter les problèmes hors équilibre par des méthodes de théorie des champs.

119

Page 128: Denis Chevallier

Conclusion générale et perspectives

Dans le troisième chapitre, nous entrons dans le vif du sujet en étudiant un contact ponc-

tuel quantique (QPC) avec une géométrie arbitraire. Dans un premier temps, nous étudions

l’influence d’une impureté localisée (un potentiel de rétrodiffusion local) entre deux états de

bords de l’effet Hall quantique [78]. Toutefois, un QPC purement local est difficilement réali-

sable expérimentalement. A cause des difficultés de fabrication, ce potentiel possède toujours

une certaine largeur. Nous avons donc étudié l’influence de cette largueur de la zone de diffusion

dans le cas où le potentiel est arbitrairement étendu. Nous avons pu montré que le courant de

rétrodiffusion a essentiellement la même forme que le cas purement local excepté le fait que

l’amplitude de transmission devient une amplitude effective qui dépend de la tension appliquée

à l’échantillon. L’universalité du facteur de Fano a été mise en avant pour un QPC avec une

géométrie et une largeur complètement arbitraire. Puis, nous nous sommes intéressé au cas

d’un QPC parabolique de manière à étudier l’influence de la largeur de la zone de diffusion

sur le comportement de la conductance différentielle. L’augmentation de cette zone de diffusion

entraine ainsi une déviation (réduction) assez nette du signal par rapport au cas purement local.

Le quatrième chapitre est consacré à la détection du bruit photo-assisté à l’aide d’un circuit

résonant dissipatif. Un circuit RLC quantique est couplé inductivement au circuit mésosco-

pique à détecter. Le schéma de détection suit donc le modèle de Lesovik et Loosen [71] où la

composante dissipative du circuit résonant est modélisée par un bain d’oscillateurs à la Caldeira-

Legget [77]. Des mesures répétées de la charge aux bornes du condensateur nous permettent

de tracer un histogramme de cette charge. La valeur moyenne et la largeur de cet histogramme

sont directement reliées aux corrélateurs de courant dans le circuit mésoscopique. Après une

rapide étude du cas stationnaire, nous nous sommes intéressés au cas où une tension AC super-

posée à une tension continue DC est appliquée à l’échantillon. Cette composante dépendante

du temps entraine une brisure de l’invariance temporelle dans les corrélateurs de courant. De

manière à réutiliser le schéma de détection précédemment cité, nous avons proposé de restaurer

cette invariance en moyennant le corrélateur de charge sur une période du potentiel AC. Dans

un second temps, nous avons appliqué nos prévisions à une situation concrète en mettant en

oeuvre la détection du bruit photo-assisté d’un QPC dans le régime de faible rétrodiffusion

soumis à l’effet Hall fractionnaire. Nous avons observé l’apparition de pics centraux à Ω = ±ω0

où ω0 = νeV0

~est la fréquence correspondant à la tension continue V0 appliquée. La tension

AC quant à elle engendre des pics satellites aux fréquences Ω = ±ω0 + nωac. Nous avons pu

distinguer deux limites : ω0 > ωac qui donne lieu à un pic central entouré de ses satellites et

ω0 < ωac où les satellites du pic central négatif sont omniprésents dans le domaine de fréquences

positives. De plus, l’apparition et la modulation des pics peuvent être réalisées en modifiant

l’amplitude et la pulsation de la composante AC, ce qui constitue un bouton expérimental

120

Page 129: Denis Chevallier

Conclusion générale et perspectives

supplémentaire pour la détection.

La deuxième partie de cette thèse s’intéresse aux structures hybrides supraconductrices

(structures composées de métal normal et de supraconducteur). Le cinquième chapitre est une

introduction au transport non-local. Après une rapide présentation de la réflexion d’Andreev

directe (DAR), nous mettons en avant la présence de processus plus complexes dans les struc-

tures à double interface métal normal/supraconducteur/métal normal à savoir le Cotunneling

Elastique (EC) et la Réflexion d’Andreev Croisée (CAR). Nous récapitulons également les tra-

vaux théoriques et expérimentaux réalisés dans les dernières décennies. De plus, nous discutons

le changement de signe des corrélations croisées lorsque un supraconducteur est inséré dans une

structure multiterminale.

Finalement, le sixième et dernier chapitre présente un travail sur la séparation des paires

de Cooper à l’aide d’un double point quantique. Notre géométrie est basée sur la géométrie de

deux expériences récentes utilisant un nanotube de carbone (ou un nanofil) connecté à deux

électrodes normales à ses extrémités et une électrode supraconductrice en son milieu de ma-

nière à générer deux points quantiques entre celles-ci [114, 115]. Nous avons calculé les courants

de branchement en termes des fonctions de Green à une particule dans le même esprit que

la formule de Fisher-Lee [123]. Les corrélations croisées ont été calculées de la même manière

en termes des fonctions de Green à deux particules. Etant donné que notre système est sans

interaction, les fonctions de Green à deux particules se ramènent simplement à une combinai-

son de fonctions de Green à une particule. Toutes les échelles d’énergie sont contenues dans

le gap supraconducteur, correspondant au régime où la séparation des paires de Cooper est

correctement comprise. Face au large choix de paramètres modulables, nous avons dû nous

concentrer sur deux configurations : le cas antisymétrique dans lequel les niveaux d’énergie des

points quantiques sont opposés par rapport au potentiel chimique du supraconducteur et le cas

symétrique où les niveaux d’énergie des points quantiques sont identiques. La compréhension

des résultats obtenus est passée par l’analyse des densités d’états de chacun des points quan-

tiques qui sont grandement modifiées par les effets de proximité avec le supraconducteur. Dans

notre étude, nous avons fixé la tension d’une des électrodes normales en dessous de toutes les

résonances et nous avons fait varier la tension de la seconde électrode normale. Nous avons ainsi

pu montré que le régime de cotunneling élastique et les corrélations croisées négatives étaient

favorisés dans le cas symétrique. La réflexion d’Andreev croisée et les corrélations croisées po-

sitives sont quant à elles majoritaires dans le cas antisymétrique. Une étude systèmatique de

la caractéristique courant-tension et bruit-tension permet d’identifier les processus mis en jeu.

En effet, les courants de branchement et les corrélations croisées sont nécessaires pour identi-

121

Page 130: Denis Chevallier

Conclusion générale et perspectives

fier les processus du fait que le DAR est filtré par les corrélations croisées. Finalement, nous

offrons la possibilité aux électrons de passer par effet tunnel directement d’un point quantique

à l’autre en ouvrant le canal entre ces derniers. En répétant l’analyse, nous avons pu montrer

que cet effet a de lourdes conséquences sur les propriétés du transport. En effet, le transfert

direct a tendance à décaler les corrélations croisées vers des valeurs négatives. Mieux encore,

si l’amplitude de transfert direct est suffisament grande, les corrélations croisées positives sont

complètement supprimées.

Dans cette thèse, nous avons abordé plusieurs sujets relativement différents. Les perspectives

de travail sont multiples notamment concernant le double point quantique utilisé pour séparer

les paires de Cooper. En effet, nous avons négligé la séparation entre les deux points d’injections

localisés à l’interface supraconducteur/point quantique. Dans tous les travaux expérimentaux,

cette séparation r doit être plus petite que la longueur de cohérence du supraconducteur ("taille"

d’une paire de Cooper) sinon une décroissance exponentielle des processus de CAR (et EC) est

observée. En plus de cette réduction, une décroissance en loi de puissance en kF r est obtenue

théoriquement [90, 96, 102, 105], entrainant également une forte suppression de ces processus.

Toutefois, l’expérience de C. Schönenberger [115] n’a pu prouver l’évidence de cette suppression

en loi de puissance. L’argument avancé est le suivant : le segment de fil confiné sous le supra-

conducteur permet l’injection de paires de Cooper dans celui-ci. Celles-ci sont ensuite scindées

puis transférées dans chaque point quantique. De cette manière, le processus est immunisé par

rapport à cette distance d’injection et cette décroissance en loi de puissance n’apparaît pas. Le

deuxième effet, qui devrait être pris en compte dans un travail futur, est la présence d’inter-

action Coulombienne sur les points quantiques. L’inclusion des interactions constitue un réel

challenge. Ce type d’interaction peut être inclus en pratique de manière approximative avec

des théories telles que la théorie en champ moyen, la resommation de diagrammes perturba-

tifs,... . Dans la mesure où nos résultats intermédiaires des courants de branchement et des

corrélations croisées peuvent être exprimés en termes des fonctions de Green exactes à une et

deux particules, une extension du travail précédent, incluant les interactions Coulombiennes,

est forcément envisageable dans un futur proche. En outre, nous nous sommes concentrés sur

les corrélations croisées à fréquence nulle. Cependant, les corrélations croisées en fréquence

contiennent des informations additionnelles [124, 125] pouvant s’avérer pertinentes.

122

Page 131: Denis Chevallier

Annexe A - Calcul des longueurs

caractéristiques ξl et ξc pour un QPC

parabolique

D dr2r1

Ξ

Figure A.1 – Contact ponctuel quantique avec une géométrie parabolique.

L’amplitude tunnel entre deux points ~r1 et ~r2 situés sur chaque état de bords (voir Fig. A.1)

s’écrit généralement [126]

Γ(~r1, ~r2) =~

2

2m∗lBe− |~r1−~r2|

2

4l2B (1)

avec lB =√

~/eB la longueur magnétique et |~r1 − ~r2|2 = (x1−x2)2 +(y1−y2)2. En introduisant

la distance minimale d entre les deux états de bords au niveau de la constriction, l’amplitude

tunnel devient

Γ(~r1, ~r2) = Γ0 ed2−|~r1−~r2|2

4l2B , (2)

123

Page 132: Denis Chevallier

Annexe A - Calcul des longueurs caractéristiques ξl et ξc pour un QPCparabolique

où Γ0 = ~2

2m∗lBe−d2

4l2B est l’amplitude tunnel dans le cas purement local. Le système étant symé-

trique par rapport à l’axe des abscisses, nous pouvons écrire

y1 = −d2

+ f(x1)

y2 =d

2− f(x2).

(3)

-Ξ2 Ξ2

Hd-DL2

Figure A.2 – Définition de la fonction f(x) dans le cas d’un contact ponctuel quantique parabolique.

En supposant un profil parabolique (voir Fig. A.2), la fonction f(x) peut être définie comme

f(x) =

−(

2xξ

)2D−d

2si |x| ≤ ξ/2

−D−d2

si |x| > ξ/2.(4)

Focalisons nous sur le cas où x1 et x2 se trouvent à l’intérieur de la constriction (|xi| ≤ ξ/2).

Nous obtenons la relation suivante

|~r1 − ~r2|2 − d2 = (x1 − x2)2 +

4d(D − d)ξ2

(x21 + x2

2) +4(D − d)2

ξ4(x2

1 + x22)

2. (5)

Procédons au changement de variable suivant

X+ =x1 + x2

2

X− = x1 − x2.(6)

124

Page 133: Denis Chevallier

L’expression (5) devient ainsi

|~r1 − ~r2|2 − d2 = X2−

(

1 +2d(D − d)

ξ2+

(D − d)2

ξ4X2−

)

+8(D − d)2

ξ4X2

+X2−

+X2+

8d(D − d)ξ2

(

1 +2(D − d)ξ2d

X2+

)

. (7)

Plusieurs simplifications sont envisageables à ce stade du calcul. X− est confiné autour de

0 sur une longueur correspondant à la longueur magnétique, par conséquent X− est de l’ordre

de lB. Ensuite, la largeur de la constriction est plus petite que la largeur de la barre de Hall

d≪ D. Nous pouvons donc écrire

|~r1 − ~r2|2 − d2 ≈ X2−

(

1 +2dD

ξ2+D2l2Bξ4

)

+8dD

ξ2X2

+

(

1 +Dl2Bξ2d

+2D

ξ2dX2

+

)

. (8)

De plus, les longueurs D et ξ sont essentiellement du même ordre. La longueur minimale

d entre les deux états de bords est quant à elle du même ordre de grandeur que la longueur

magnétique lB. A l’aide de ces différentes approximations, l’expression (8) devient finalement

|~r1 − ~r2|2 − d2 ≈ X2− +

8dD

ξ2X2

+. (9)

En insérant (9) dans l’expression de l’amplitude tunnel (2), nous obtenons

Γ(~r1, ~r2) = Γ0 e−X2−

4l2B e−

X2+

(l2Bξ2/2dD) . (10)

Nous retrouvons effectivement un profil Gaussien

Γ(x1, x2) = Γ0 e− (x1+x2)2

2ξ2+ e

− (x1−x2)2

2ξ2− , (11)

où les longueurs caractéristiques ξ+ et ξ− sont définies comme

ξ+ =lBξ√dD

ξ− =√

2lB.

(12)

125

Page 134: Denis Chevallier

Annexe A - Calcul des longueurs caractéristiques ξl et ξc pour un QPCparabolique

126

Page 135: Denis Chevallier

Annexe B - Calcul des différentes

composantes Keldysh du corrélateur de bruit

A partir de l’expression (IV.49) et en utilisant les identités trigonométriques usuelles, nous

pouvons factoriser le bruit en deux contributions dépendant respectivement de τ et de τ ′

Sββ′(Ω1,Ω2) = 2

(e∗)2Γ20

2π2a2

+∞∑

n=−∞

+∞∑

m=−∞Jn

(

e∗V1

ωAC

)

Jm

(

e∗V1

ωAC

)

×[

I1(Ω1 + Ω2, ω)Iββ′

2 (Ω1 − Ω2, ω0, ω)− I3(Ω1 + Ω2, ω)Iββ′

4 (Ω1 − Ω2, ω0, ω)]

(13)

avec

I1(Ω1 + Ω2, ω) =∫ +∞

−∞dτ ′ei(Ω1+Ω2)τ ′/2cos

(

n−m2

ωACτ′)

,

Iββ′

2 (Ω1 − Ω2, ω0, ω) =∫ +∞

−∞dτei(Ω1−Ω2)τ/2e2νGββ

′(τ)cos

((

ω0 +n+m

2ωAC

)

τ)

,

I3(Ω1 + Ω2, ω) =∫ +∞

−∞dτ ′ei(Ω1+Ω2)τ ′/2sin

(

n−m2

ωACτ′)

,

Iββ′

4 (Ω1 − Ω2, ω0, ω) =∫ +∞

−∞dτei(Ω1−Ω2)τ/2e2νGββ

′(τ)sin

((

ω0 +n+m

2ωAC

)

τ)

, (14)

où les fonctions de Green chirales sont définies dans le base de Keldysh de la manière suivante

Gββ(τ) = −ln(

1 + βiνF |τ |a

)

, (15)

Gβ−β(τ) = −ln(

1− βiνF τa

)

. (16)

127

Page 136: Denis Chevallier

Annexe B - Calcul des différentes composantes Keldysh du corrélateur de bruit

Le principal objectif désormais est la résolution des différentes intégrales I1, I2, I3 et I4. Les

contributions I1 et I3 sont triviales à calculer car elles ne dépendent pas des indices Keldysh β

et β′. Elles s’expriment aisément en termes des fonctions delta

I1 =1

2(δ(Ω1 + Ω2 + (n−m)ωAC) + δ(Ω1 + Ω2 − (n−m)ωAC)) , (17)

I3 =1

2i(δ(Ω1 + Ω2 + (n−m)ωAC)− δ(Ω1 + Ω2 − (n−m)ωAC)) . (18)

Les intégrales Iββ′

2 et Iββ′

4 dépendent explicitement des indices Keldysh β et β′. Nous avons

besoin d’introduire deux intégrales tabulées pour permettre le calcul de ces dernières

∫ +∞

−∞

sin(ω0τ)dτ(

avF− iητ

)µ = iπηsgn(ω0)|ω0|µ−1

Γ(µ), (19)

∫ +∞

−∞

cos(ω0τ)dτ(

avF− iητ

)µ = π|ω0|µ−1

Γ(µ). (20)

Suivant les indices β et β′ mis en jeu, les résultats de Iββ′

2 et Iββ′

4 s’écrivent comme suit

Iβ−β2 =π

2Γ(2ν)

(

a

νF

)2ν

(

1− βsgn

(

Ω1 − Ω2

2− ω0 −

n+m

2ωAC

)) ∣

Ω1 − Ω2

2− ω0 −

n+m

2ωAC

2ν−1

+

(

1− βsgn

(

Ω1 − Ω2

2+ ω0 +

n+m

2ωAC

)) ∣

Ω1 − Ω2

2+ ω0 +

n+m

2ωAC

2ν−1

, (21)

Iββ2 =1

2

(

a

νF

)2ν π

Γ(2ν)

e−βiπν

cos(πν)

Ω1 − Ω2

2− ω0 −

n+m

2ωAC

2ν−1

+

Ω1 − Ω2

2+ ω0 +

n+m

2ωAC

2ν−1

,

(22)

Iβ−β4 =1

2

(

a

νF

)2ν iπ

Γ(2ν)

(

1 + βsgn(ω0 +n+m

2ωAC −

Ω1 − Ω2

2)

) ∣

ω0 +n+m

2ωAC −

Ω1 − Ω2

2

2ν−1

−(

1 + βsgn(ω0 +n+m

2ωAC +

Ω1 − Ω2

2)

) ∣

ω0 +n+m

2ωAC +

Ω1 − Ω2

2

2ν−1

, (23)

128

Page 137: Denis Chevallier

Iββ4 =i

2

(

a

νF

)2ν πe−βiπν

Γ(2ν)cos(πν)

ω0 +n+m

2ωAC −

Ω1 − Ω2

2

2ν−1

−∣

ω0 +n+m

2ωAC +

Ω1 − Ω2

2

2ν−1

.

(24)

A l’aide de ces quatre équations, les expressions du corrélateur de bruit (IV.50) et (IV.51)

dans l’espace Keldysh viennent aisément.

129

Page 138: Denis Chevallier

Annexe B - Calcul des différentes composantes Keldysh du corrélateur de bruit

130

Page 139: Denis Chevallier

Publications

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(2010).

– Poissonian tunneling through an extended impurity in the quantum Hall effect,

D. Chevallier, J. Rech, T. Jonckheere, C. Wahl, et T. Martin, Phys. Rev. B 82, 155318

(2010).

– Current and noise correlations in a double-dot Cooper-pair beam splitter,

D. Chevallier, J. Rech, T. Jonckheere, et T. Martin, Phys. Rev. B 83, 125421 (2011).

– Josephson effect through an anisotropic magnetic molecule,

I. A. Sadovskyy, D. Chevallier, T. Jonckheere, M. Lee, S. Kawabata, et T. Martin, Soumis

à Phys. Rev. B.

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Résumé :Un conducteur est bien caractérisé par sa conductance donnée par la formule de Landauer. Toutefois, le

bruit contient davantage d’informations. Il mesure les fluctuations temporelles du courant autour de sa va-

leur moyenne. De plus, le signe des corrélations croisées est lié à la statistique des porteurs de charge. Cette

thèse aborde deux principaux thèmes à savoir le transport dans les liquides de Luttinger et dans les structures

hybrides. Dans la première partie, nous commençons par donner une vision détaillée des liquides de Luttinger

et des systèmes qu’ils modélisent. Nous parlons également du formalisme de Keldysh permettant de traiter des

problèmes hors équilibre. Puis, nous rentrons dans le vif du sujet en étudiant l’effet de la largeur d’un contact

ponctuel quantique sur le courant de rétrodiffusion entre les deux états de bords de l’effet Hall quantique.

L’augmentation de la largeur du contact ponctuel quantique entraîne une forte diminution du courant de ré-

trodiffusion. Dans un autre chapitre, nous développons une technique permettant l’utilisation d’un circuit RLC

couplé inductivement au circuit mésoscopique pour détecter les corrélations de courant en régime photo-assisté.

La mesure de ces corrélations s’effectue à travers la charge aux bornes du condensateur. Dans une deuxième par-

tie, nous consacrons notre étude au transport non-local dans les structures hybrides supraconductrices. L’étude

de la réflexion d’Andreev croisée y est détaillée. Finalement, nous étudions une structure en double point quan-

tique reliée à deux électrodes en métal normal et une supraconductrice. Nous mettons en avant la séparation

des paires de Cooper en mesurant simultanément les courants de branchement et les corrélations croisées. Nous

démontrons que dans le régime antisymétrique, c’est-à-dire lorsque les deux points quantiques ont des niveaux

d’énergie opposés par rapport au potentiel chimique du supraconducteur, la réflexion d’Andreev croisée est

optimisée.

Mots clés : Bruit quantique, bruit photo-assisté, corrélation croisée, effet Hall quantique, liquide de Luttinger,

formalisme de Keldysh, structure hybride, paire de Cooper.

Abstract :The conductance is the most natural quantity to characterize a quantum conductor. It is given by the Landauer

Formula. However, noise contains more information. It measures the current fluctuations around its average

value. Moreover, the sign of the crossed correlations is related to the statistics of carriers. This thesis broaches

two main topics which are the transport in the quantum Hall effect and in hybrid circuits. First, we start by

introducing the Luttinger liquid and the systems which are modelized by them. Also, we discuss the Keldysh

formalism in order to treat nonequilibrium problems. Then, we study the effect of the width of a quantum point

contact on the backscattering current between two edge states of the quantum Hall effect. By increasing the

width of the quantum point contact, we show that the backscattering current is strongly reduced. In another

chapter, we develop a technique to use a RLC circuit inductively coupled to a mesoscopic circuit in order

to measure the current correlations in the photo-assisted regime. The measurement of these correlations is

performed through the charge on the capacitor plates. Secondly, we present the non-local transport in hybrid

structures. The mechanism of Crossed Andreev Reflection is explained. Finally, we study a double quantum

dot connected to two normal leads and a superconducting lead. We introduce the separation of the Cooper pair

by measuring together the branching currents and the crossed correlations. We demonstrate that in the anti-

symmetric regime (the energy level of the two quantum dots have opposite values with respect to the chemical

potential of the superconducting lead), crossed Andreev reflection is optimized.

Keywords : Quantum noise, photo-assisted noise, crossed correlation, quantum Hall effect, Luttinger liquid,

Keldysh formalism, hybrid structure, Cooper pair.