Demain, la société connectée

20
Paroles d’élus tome 10 2 Axelle Lemaire Secrétaire d’État chargée du numérique Les temps changent. Le numérique n’est plus la préoccupation de quelques-uns ou le béné- fice d’une élite, mais se développe désormais dans chacun des compartiments personnel, social ou professionnel de nos vies. Ce formidable outil doit être mis à la disposition du plus grand nombre. C’est ainsi qu’il changera en profondeur notre façon de communiquer, de travailler, de nous divertir et, de façon croissante, de participer à la vie de la cité. Le numérique est une chose publique. Le véhicule de cette transformation n’est pas éthéré, il n’a rien de virtuel : il s’incarne dans les centaines de milliers de kilomètres de cuivre et, de plus en plus, de fibre optique, dans les milliers de pylônes et d’antennes déployés sous nos pieds ou dans le ciel pour raccorder nos entreprises, nos écoles, nos logements, nos amis. Ces réseaux numériques sont les routes d’aujourd’hui : comme ces routes, construites hier, ils sont le fruit du savoir-faire de nos entreprises et du labeur d’un grand nombre d’ouvriers et d’ingénieurs dont nous ne pouvons qu’être fiers. Et comme les routes, en pierre puis en bitume, comme le train, à vapeur puis à grande vitesse, qui ont façonné la France d’aujourd’hui, ces réseaux bâtissent la France de demain. Grâce à eux, le numérique irrigue nos territoires et redistribue les cartes en faveur de leur égalité et de leur capacité à contribuer à la modernisation de notre pays. Assurer l’égalité numérique des territoires C’est parce que les infrastructures numériques sont un facteur puissant d’égalité entre les territoires que la mobilisation de tous était essentielle. Nous avons créé un outil, le plan France Très Haut Débit ; nous l’avons doté de moyens financiers, plus de 3 milliards d’euros, à la hauteur de l’enjeu ; nous y avons consacré des moyens humains et l’expertise nécessaire, avec la mise en place de la mission Très Haut Débit et, demain, de l’Agence du numérique pour accompagner toutes les initiatives dans les territoires. Car ce sont bien les collectivités locales et les opérateurs privés qui, par leur mobilisation désormais nationale, font vivre le plan et vont nous permettre d’atteindre l’objectif que le président de la République nous a collectivement assigné : couvrir en dix ans l’ensemble du territoire en très haut débit. Nul territoire ne doit être oublié, car notre pays se doit d’assurer durablement l’égalité de ses citoyens, où qu’ils se trouvent. Les attentes sont de plus en plus fortes, et les élus et représentants des collectivités territoriales le savent. Leur mobilisation et leur implication énergique dans ce grand chantier qu’est la couverture numérique du territoire le démontrent chaque jour. Il faut désormais aller plus loin et mettre en cohérence le développement des infrastructures et celui des usages, notamment des usages locaux. Mobiliser le numérique pour transformer les territoires Les collectivités territoriales n’ont attendu personne pour se saisir du numérique. Depuis longtemps, elles en font à la fois le moyen d’une modernisation de leurs interventions, de leur relation aux citoyens, un vecteur de développement économique local, et aussi la source d’une réelle innovation dans les services qu’elles peuvent proposer aux entreprises comme aux individus. Elles ont ainsi su mener des projets pilotes, souvent avant-gardistes, dans des domaines aussi différents que la santé, la culture, l’enseignement ou le tourisme.

description

Axelle Lemaire nous donne sa vision de demain, ainsi que des experts, sociologues anthropologues

Transcript of Demain, la société connectée

Page 1: Demain, la société connectée

Paroles d’élus tome 102

Axelle Lemaire Secrétaire d’État chargée du numérique

Les temps changent. Le numérique n’est plus la préoccupation de quelques-uns ou le béné-fice d’une élite, mais se développe désormais dans chacun des compartiments personnel, social ou professionnel de nos vies. Ce formidable outil doit être mis à la disposition du plus grand nombre. C’est ainsi qu’il changera en profondeur notre façon de communiquer, de travailler, de nous divertir et, de façon croissante, de participer à la vie de la cité. Le numérique est une chose publique. Le véhicule de cette transformation n’est pas éthéré, il n’a rien de virtuel : il s’incarne dans les centaines de milliers de kilomètres de cuivre et, de plus en plus, de fibre optique, dans les milliers de pylônes et d’antennes déployés sous nos pieds ou dans le ciel pour raccorder nos entreprises, nos écoles, nos logements, nos amis. Ces réseaux numériques sont les routes d’aujourd’hui : comme ces routes, construites hier, ils sont le fruit du savoir-faire de nos entreprises et du labeur d’un grand nombre d’ouvriers et d’ingénieurs dont nous ne pouvons qu’être fiers. Et comme les routes, en pierre puis en bitume, comme le train, à vapeur puis à grande vitesse, qui ont façonné la France d’aujourd’hui, ces réseaux bâtissent la France de demain. Grâce à eux, le numérique irrigue nos territoires et redistribue les cartes en faveur de leur égalité et de leur capacité à contribuer à la modernisation de notre pays.

Assurer l’égalité numérique des territoiresC’est parce que les infrastructures numériques sont un facteur puissant d’égalité entre les territoires que la mobilisation de tous était essentielle. Nous avons créé un outil, le plan France Très Haut Débit ; nous l’avons doté de moyens financiers, plus de 3 milliards d’euros, à la hauteur de l’enjeu ; nous y avons consacré des moyens humains et l’expertise nécessaire, avec la mise en place de la mission Très Haut Débit et, demain, de l’Agence du numérique pour accompagner toutes les initiatives dans les territoires. Car ce sont bien les collectivités locales et les opérateurs privés qui, par leur mobilisation désormais nationale, font vivre le plan et vont nous permettre d’atteindre l’objectif que le président de la République nous a collectivement assigné : couvrir en dix ans l’ensemble du territoire en très haut débit. Nul territoire ne doit être oublié, car notre pays se doit d’assurer durablement l’égalité de ses citoyens, où qu’ils se trouvent. Les attentes sont de plus en plus fortes, et les élus et représentants des collectivités territoriales le savent. Leur mobilisation et leur implication énergique dans ce grand chantier qu’est la couverture numérique du territoire le démontrent chaque jour. Il faut désormais aller plus loin et mettre en cohérence le développement des infrastructures et celui des usages, notamment des usages locaux.

Mobiliser le numérique pour transformer les territoiresLes collectivités territoriales n’ont attendu personne pour se saisir du numérique. Depuis longtemps, elles en font à la fois le moyen d’une modernisation de leurs interventions, de leur relation aux citoyens, un vecteur de développement économique local, et aussi la source d’une réelle innovation dans les services qu’elles peuvent proposer aux entreprises comme aux individus. Elles ont ainsi su mener des projets pilotes, souvent avant-gardistes, dans des domaines aussi différents que la santé, la culture, l’enseignement ou le tourisme.

Page 2: Demain, la société connectée

parolesdelus.com 3

Ce livre, années après années, témoigne autant de la diversité des projets que de leur ampleur croissante. Puisqu’une nouvelle génération d’infrastructures se déploie sur le territoire et va apporter des possibilités nouvelles, il est grand temps de changer d’ère et d’échelle, et d’envisager ensemble ce que seront les services de demain. Sur ce chemin, l’État doit être lui-même exemplaire, en étendant ses services en ligne, en mobilisant au mieux les données dont il dispose. La numérisation des services publics nous permet de les rapprocher des individus, d’en améliorer l’ergonomie et l’organisation, et ainsi de mieux répondre aux besoins de chacun. Je m’y emploie, avec mon collègue au sein du Gouvernement, Thierry Mandon.Dans cette mutation, l’État a également son rôle à jouer auprès des collectivités. Il sera là pour donner de la visibilité à leurs initiatives. Il sera là pour promouvoir la complémentarité ou la dissémination d’initiatives locales exemplaires. Il sera un soutien sans faille à la conception de leurs projets. C’est l’une des missions que je confierai à l’Agence du numérique. Je veux aussi que l’État accompagne nos entreprises, en valorisant les innovations qu’elles peuvent apporter à la société, dans le domaine médical ou pour rendre les villes et les transports plus intelligents, domaines où nous savons que les avancées seront nombreuses et nécessaires dans les prochaines années.Ce qui se dessine avec le numérique, c’est l’opportunité pour chaque territoire de prendre son destin en main, comme pour chaque individu de trouver de nouveaux moyens de s’accomplir, de s’émanciper. Le numérique libère.

Faire République par le numériqueLe 9e tome de Paroles d’élus, paru en 2013, était très justement intitulé Vive la République numérique ! J’ai repris l’expression, car c’est exactement cette République que je souhaite construire, que nous devons construire. Tout comme le numérique permet à des entreprises innovantes de bousculer l’ordre établi, de briser les rentes, il doit pouvoir être mobilisé pour accroître le pouvoir d’agir de chacun d’entre nous, en particulier des personnes les plus fragiles ou les plus marginalisées, et permettre de nous affranchir des contraintes sociales ou économiques. Il doit être un outil au service de l’égalité.Quand je vois se multiplier les initiatives collaboratives qui, grâce aux outils numériques, ont ramené des individus vers l’emploi, en ont conduit d’autres à créer leurs entreprises, quand je vois les nouvelles conversations se former autour des lieux de production numérique comme les fablabs ouverts, j’observe un visage du numérique éloigné de certaines caricatures : un numérique qui n’est ni déshumanisé ni distant, mais qui recrée le lien social. Ce numérique-là construit de nouvelles solidarités, permet de nouvelles causeries, au plus près, au plus loin, et concourt à revisiter la valeur qui conclut le triptyque républicain : la fraternité. Nous avons engagé, depuis quelques mois, une politique déterminée pour démocratiser l’accès au numérique et son usage. Il reste du chemin à parcourir, mais nous savons pouvoir compter sur la mobilisation de tous pour que la République numérique, solidaire et inclusive, que nous appelons de nos vœux devienne réalité. Les multiples témoignages contenus dans ce 10e tome de Paroles d’élus y contribuent et dessinent la République de demain, forcément numérique.

“Les réseaux bâtissent la France de demain. Grâce à eux, le numérique irrigue nos territoires et redistribue les cartes en faveur de leur égalité et de leur capacité à contribuer à la modernisation de notre pays.”

Page 3: Demain, la société connectée

Demain, la société connectée

[DiX Ans] Paroles d’élus

Page 4: Demain, la société connectée

Pour se projeter dans l’avenir et suivre les tendances en cours,

“Paroles d’élus” a sollicité des experts, notamment des sociologues

et anthropologues d’Orange Labs, auscultant les grands enjeux qui vont

transformer la vie des citoyens et auxquels seront confrontés,

demain, les territoires.

Page 5: Demain, la société connectée

Paroles d’élus tome 106

Né dans les années 1960 aux États-Unis, le processus de libé-ration des données publiques s’est démultiplié partout dans le monde à l’ère d’Internet. En France, les pionniers sont pour l’ essentiel des villes et des collectivités, rassemblées dans l’asso-ciation Open Data France : Rennes, la Communauté urbaine de Bordeaux, Brest, Paris, Marseille, Montpellier, Digne-les-Bains ont ou vont bientôt ouvrir leurs données cartographiques (parcelles, signalétiques…). C’est que la loi, pour les collectivités territoriales, a rendu obligatoire leur diffusion par une mise en ligne sur Internet ou sur le portail gouvernemental pour réutilisation par le public. Ainsi, Digne-les-Bains a-t-elle constaté un élan d’activité avec l’implantation de nouvelles entreprises.Baptisé “Data.gouv.fr” et ouvert en décembre 2011, le portail du Gouvernement recense plus de 13 000 informations publiques gratuites et réutilisables, comme les dépenses de l’État ou la liste des biens immobiliers propriétés de l’État.À l’heure où, dans le privé, l’analyse des données clients est source de différenciation commerciale, dans la sphère publique, l’open data sert la transparence, le développe-ment économique, susceptible de contribuer aussi à la baisse de la dépense publique.

Le principe de “donnée ouverte” (open data) fait référence à une donnée numérique d’origine publique (collectivité, service public) ou privée (entreprise) dont la diffusion est libre, sans aucune restriction, et qui peut susciter de nouveaux usages et de nouvelles applications.

Données en Libre-Service

OPen data

Avec la chute des coûts de traitement et de stockage informatique, la capacité d’analyser des centaines de milliards de données (big data) modifie les processus de décision en s’appuyant sur l’analyse prédictive et sur la personnalisation systématique de la relation au client. Les perspectives du big data sont énormes, pour partie encore insoupçonnées, et toucheront de nombreux champs de l’activité humaine : l’information ; la gestion des risques (commerciaux, assuranciels, industriels) ; les pratiques religieuses, culturelles et politiques ; la médecine ; la météorologie, etc.

Big dataDonnées massives pour analyse prédictive

1

en BreF>> L’information libre d’accès est un bien commun dont la diffusion est d’intérêt général.>> Les collectivités engagées dans cette démarche se sont regroupées dans Open Data France.

[DiX Ans] Demain, la société connectée 10 enjeux

Page 6: Demain, la société connectée

parolesdelus.com 7

Popularisée en France par le Grenelle de l’environnement, l’éco-nomie de la fonctionnalité (visible à travers les dispositifs de par-tage – Autolib, Vélib…) apporte une contribution au développement durable parce qu’elle va au-delà de la réduction des impacts éner-gétiques et de l’obsolescence des objets. À l’inverse du modèle économique classique, l’offreur maximise l’utilisation de ses biens en concevant des produits durables utilisés par une communauté de clients. Et dès lors qu’un bien unique satisfait les usages de plusieurs clients, le commerçant ne bâtit plus sa stratégie sur le nombre de produits vendus, mais sur le cumul des usages cédés aux clients. L’émergence de l’économie de la fonctionnalité est liée à la géné-ralisation du numérique, car, dans un contexte de raréfaction des ressources naturelles, il est un vecteur de passage à une logique de service et à la tertiarisation de l’économie. Dans sa pratique, l’éco-nomie de la fonctionnalité propose un retournement de la logique consumériste, avec une séparation de l’usage et de la propriété.In fine, l’économie de la fonctionna-lité entraîne la création d’emplois de proximité, non délocalisables, en sti-mulant les activités de maintenance, de formation, de services à la per-sonne, etc. Elle contribue ainsi à une revitalisation des territoires.

Autolib, Vélib… La mode est à l’usage et à l’économie de la fonctionnalité. L’émergence de ces nouveaux rites d’échange est le fruit de la généralisation du numérique et de la raréfaction des ressources naturelles.

L’usAge PLutôt que L’aPPrOPriatiOn

L’économie circulaire est un modèle qui limite les flux d’énergies fossiles et de matières premières en allongeant la durée de vie des produits, à l’image de l’économie de fonctionnalité, et en prévoyant leur recyclage dès leur conception. En réintroduisant des produits en fin de vie dans la boucle de production, l’économie circulaire s’approche d’un modèle tournant en circuit fermé. L’économie de la fonctionnalité tend à compléter la démarche de l’économie circulaire en jouant sur la non-cession des droits de propriété, ce qui permet de distribuer les usages d’un bien unique à un large public.

économie circulaireLe modèle du circuit fermé

2

en BreF>> Un bien unique doit pouvoir satisfaire les usages de plusieurs clients.>> L’économie de la fonctionnalité propose un retournement de la logique consumériste, séparant l’usage de la propriété.

ÉcOnOmie de La FOnctiOnnaLitÉ

Page 7: Demain, la société connectée

Paroles d’élus tome 108

Les transports quotidiens sont un enjeu majeur de l’aménagement du territoire : l’accessibilité aux entreprises, aux zones commer-ciales ou aux centres-villes a un impact direct sur les indicateurs économiques (PIB, emploi…) et sur les encombrements – source de pollution, de perte de temps et d’attractivité des zones concer-nées. Il suffit de 10 % de voitures en trop sur un axe routier pour créer un embouteillage, et en matière de prévision de trafic, les erreurs d’estimations sont souvent comprises entre 20 et 50 %.Actuellement, les réflexions sur le développement de nouveaux

cOmPOrtementS citOyenS et FLuiDité deS tranSPOrtS

Le projet Mobidix utilise les technologies numériques pour mieux prendre en compte la situation des usagers du Plateau de Saclay, en région parisienne (Yvelines), future Silicon Valley à la française. Afin de favoriser les comportements individuels susceptibles d’améliorer la mobilité de tous, Mobidix se propose de dessiner de nouvelles intermodalités : à partir de la géolocalisation de leurs déplacements via leurs smartphones, les participants au projet visualisent en 3D leurs trajets sur plusieurs semaines. L’objectif : voir dans quelle mesure la perception de sa propre mobilité et de ses effets peut inciter à changer ses pratiques.

mobilité alternativeMobidix à Paris-Saclay

modèles de mobilité urbaine entendent encourager les compor-tements de coopération et d’entraide entre usagers de la ville. Le potentiel est gigantesque : à titre d’exemple, sur une route périurbaine, le nombre de places inoccupées dans les automobiles représente, par jour, l’équivalent de 2 500 bus.À l’avenir, la prise de conscience généralisée des citadins, de leur rôle dans la création des difficultés de déplacement, pour-rait provoquer une modification profonde des comportements en matière de mobilité urbaine. Dès aujourd’hui, la technologie permet aux usagers des transports quoti-diens (métro, bus, voiture) d’échan-ger des infos trafic en temps réel, très utiles pour fluidifier les dépla-cements.

en BreF>> Les encombrements urbains sont récurrents, mais en matière de prévisions de trafic, les erreurs d’estimations vont de 20 à 50 %.>> Les places inoccupées dans les voitures sur un axe périurbain au cours d’une journée équivalent à 2 500 bus.

Face à la congestion des transports urbains, comment repenser l’aménagement du territoire autour de la mobilité ? Par une approche multimodale et une incitation au changement comportemental et à la solidarité entre citadins.

amÉLiOrer La mObiLitÉ3[DiX Ans] Demain, la société connectée 10 enjeux

Page 8: Demain, la société connectée

parolesdelus.com 9

Avec la montée en puissance du numérique, nombreux sont les usages en ville pouvant se décliner en “services urbains enrichis” à destination des citadins : habitants, agents des services publics, commerçants et clients, touristes, sans oublier les personnes à mobilité réduite. Dès aujourd’hui, des technologies existent – telles que la localisation GPS ou la réalité augmentée (un décor agrémenté de données visibles via son smartphone, sa tablette, ses e-lunettes) pour enrichir son parcours en ville.À terme, la multiplication des systèmes de géolocalisation et l’analyse en temps réel de données issues de capteurs urbains proposeront au citadin connecté différents services contextualisés en phase avec son activité. Ainsi, le “coach numérique” se veut un véritable assistant virtuel personnel : outre les logiciels de type Siri (Apple) ou les services Google Now, il existe des assistants spécialisés dédiés notamment à l’aide au shopping (ZeGroom d’Auchan, m-Casino) ou aux déplacements (Train Yamanote Line Network à Tokyo). À l’horizon 2020, la majorité des citoyens disposera d’un assistant virtuel personnel capable de proposer en temps réel, de manière proactive ou réactive, une aide personnalisée pertinente au regard de son activité du moment. Gestionnaire de nos données personnelles, l’assistant virtuel person-nel se rendra indispensable pour faire les courses, voyager, visiter une ville, ou s’informer des nouveautés relatives à nos lieux de vie habituels.

un territOire connecté

Connaissez-vous Martin, l’assistant virtuel du réseau de transport public de Bordeaux opéré par Keolis ? Sa mission : répondre aux questions fréquemment posées par les usagers (habitants, touristes) sur le site Internet du métro bordelais. À l’autre bout de la planète, à Tokyo, la ligne de métro la plus fréquentée se nomme Yamanote Line (littéralement, la “ligne du côté de la montagne”), car elle fait une boucle autour de la capitale. Depuis 2011, l’application Train Yamanote Line Network, disponible sur iPhone et Android, assiste et accompagne les millions d’usagers qui empruntent chaque jour le périphérique métropolitain tokyoïte.

Assistant virtuelMétro facile, à Bordeaux comme à Tokyo

en BreF>> Le numérique décuple les opportunités de services urbains enrichis pour tous les profils d’usagers de la ville.>> À l’horizon 2020, les services urbains enrichis seront à 100 % en “interaction” avec nos assistants virtuels personnels.

Habitant, touriste ou agent municipal, l’usager urbain rêve de mieux profiter de tous ses temps de déplacement… Pour les nomades connectés, les premiers services urbains enrichis alimentent d’ores et déjà leurs assistants virtuels de multiples et précieuses données.4ServiceS urbainS enrichiS

Page 9: Demain, la société connectée

Paroles d’élus tome 1010

Du silex taillé à Wikipédia, du livre au mp3, de la liste de courses à Google Scholar, la sophistication technique de nos socié-tés déplace constamment les savoirs de nos cerveaux vers les hypomnemata (supports de mémoire) numériques. Jamais autant de connaissances n’ont été si facilement accessibles, à portée de clic. Jamais aussi la connaissance n’a-t-elle été au cœur d’autant d’activités professionnelles, quotidiennes, ludiques, traduisant un phénomène massif “d’intellectualisation de la vie sociale”.Mais les nouvelles formes d’apprentissage ne sont pas forcément là où on les attend : numérisation du tableau noir, du cartable, du

aPPrendre en mOde MuLticAnAL

L’émergence récente des MOOCs (Massive Open Online Course) marque un virage à 180 degrés de la pédagogie traditionnelle : proposés pour la première fois en 2001 par le MIT (Massachusetts Institute of Technology), ces cours vidéo en ligne, réalisés par les meilleures universités américaines, cherchent à conquérir un marché mondial. Objectif visé : inverser l’organisation temporelle et spatiale de l’apprentissage, autrement dit pouvoir assimiler les savoirs chez soi pour les exercer ensuite en classe. Le premier MOOC “certificatif” français (avec délivrance de certificat) s’est tenu à l’École centrale de Lille en 2013 : consacré à la gestion de projet, il a été suivi par 2 500 étudiants.

Cours en ligneLes MOOCs, ou la pédagogie inversée

manuel scolaire, des exercices, de la relation avec l’enseignant, etc. Il ne suffit pas de substituer un dispositif numérique à un outillage analogique pour que l’apprentissage à l’école s’améliore ou que les inégalités devant l’éducation s’évaporent.Dans ce contexte, on s’interroge : si le savoir est dans le réseau, toujours à portée de main, que faut-il apprendre ? En chœur, les pédagogues répondent : il faut “apprendre à apprendre”. Et admettre qu’il ne suffit pas que le savoir soit à disposition pour qu’il soit vraiment intériorisé. Banalisée, simplifiée, empaquetée, l’informa-tion peut apparaître comme un bien de consommation dont on use, sans vouloir (ou pouvoir) se l’approprier réellement.

en BreF>> Il ne suffit pas de substituer un dispositif numérique à un outillage analogique pour que l’apprentissage s’améliore.>> Banalisée, empaquetée, l’information disponible en un clic peut apparaître comme un bien de consommation.

La diffusion de masse du savoir se répand à travers le monde. Grâce au numérique, de nouveaux processus d’apprentissage se font jour, pour accroître à tout moment les connaissances de tous.

nOuveLLeS FOrmeS d’aPPrentiSSaGe5[DiX Ans] Demain, la société connectée 10 enjeux

Page 10: Demain, la société connectée

parolesdelus.com 11

Phénomène émergent et en pleine expansion, le travail collaboratif dans des tiers lieux (coworking, télétravail, pépinières) se carac-térise par de nouvelles formes de travail, et surtout par des lieux qui cristallisent ces pratiques. Un mouvement qui permet à des dynamiques sociales nouvelles de s’exprimer dans le cadre d’un espace aménagé pour recevoir des travailleurs (salariés, indépen-dants) en dehors des lieux de vie traditionnels que sont le domicile et le bureau.Véritables lieux de rencontre, les espaces de travail collaboratif permettent notamment aux indépendants ou aux start-upers de rompre l’isolement inhérent à leur statut. Les sociabilités à l’œuvre dans ces espaces varient, allant des simples interactions inhé-rentes à la vie d’un collectif jusqu’à des niveaux plus poussés, comme l’échange de bons procédés, voire même la collaboration sur des projets communs.In fine, l’espace de travail collaboratif répond aux besoins d’une plus grande autonomie et d’une plus grande interpénétration des com-pétences, pour mener à bien des projets professionnels. Par ailleurs, en faisant passer au second plan la localisation des travailleurs (salariés, indépendants), le recours à un tiers lieu de travail permet d’envisager de nouvelles réponses aux probléma-tiques de développement durable.

deS tierS Lieux POur cotRAvAiLLeR autrement

Selon les individus qui lui donnent corps, l’espace de travail collaboratif recouvre des réalités multiples qui se mesurent notamment à l’aune de l’importance qu’accordent ces tiers lieux à la dimension sociale et collaborative. Dans tous les cas, les acteurs du coworking adoptent globalement le même discours, porteur d’un imaginaire mû par des valeurs d’ouverture, de partage et de collaboration spontanée. Un imaginaire inspiré des origines du mouvement, né en Californie au début du millénaire, du désir d’indépendants de mutualiser à la fois locaux et compétences pour gagner en efficacité.

CoworkingLa Californie, éternel territoire d’inspiration

en BreF>> Le tiers lieu collaboratif met à disposition les conditions nécessaires à l’exercice du travail.>> Les espaces de coworking constituent une réponse innovante aux besoins des indépendants et des start-upers.

Une chaise, une table et une connexion WiFi : ces quelques éléments mis à disposition d’un groupe de travailleurs suffisent à créer un espace de travail collaboratif. Une version 2.0 du traditionnel bureau… très tendance.6eSPaceS de travaiL cOLLabOratiF

Page 11: Demain, la société connectée

Paroles d’élus tome 1012

Dans la plupart des pays développés, la transition énergétique est en marche. Enjeu majeur : chercher des solutions pour remédier à l’épuisement des énergies fossiles et proposer aux citoyens un avenir énergétique plus durable qui s’appuie à la fois sur la division par deux de la consommation énergétique à l’horizon 2050 et sur le développement des énergies renou-velables. Le débat a été esquissé en France durant l’été 2014, lors de la présentation par le Gouvernement de la future loi sur la transition énergétique.

de nOuveaux coMpoRteMents en Faveur de L’envirOnnement

Parce qu’elle vise à changer la donne et les pratiques de chacun, la transition énergétique est porteuse de nouveaux modèles de consommation, comme l’économie du partage et de la gratuité (revente, don, troc, location de court terme, emprunt…), favorisée par l’essor du numérique. Au-delà de ces nouvelles pratiques, nombreux sont les observateurs (économistes, politiques…) à déceler dans ces comportements émergents les prémisses d’une “économie positive”. Avec des citoyens qui cultivent l’altruisme et travaillent dans l’intérêt des générations suivantes…

économie positiveVers le partage et la gratuité ?

Dans les territoires où les intercommunalités portent et animent des projets locaux avec les habitants, la transition énergétique est d’ores et déjà une réalité. Elle se concrétise principalement au travers de la construction de “bâtiments à énergie positive” (Bepos), que ce soit dans des logements (comme l’écoquartier de Lyon Confluence, premier du genre en France) ou dans des bureaux (ci-contre, le nouvel Hôtel de Région imaginé par Christian de Portzamparc à Lyon, aux vertus “écologiques et durables”). Dans le même temps, le déploiement de “smart grids” (réseaux intelligents) doit influer sur la demande électrique. Grâce aux réseaux informatiques et à la fibre optique, reliant producteurs, distributeurs et consommateurs – dotés de “comp-teurs communicants”, de panneaux photovoltaïques, de véhicules élec-triques, etc. –, l’objectif est d’adapter une partie de sa consommation aux capacités instantanées de production.

L’épuisement des ressources et l’urgence de protéger durablement l’environnement font de la transition énergétique une nécessité. Dans les territoires, de nombreux projets fleurissent (bâtiments à énergie positive, réseaux électriques intelligents…) et constituent l’amorce d’un changement.

tranSitiOn ÉnerGÉtique7

en BreF>> La transition énergétique vise à diviser par deux la consommation d’énergie à l’horizon 2050.>> L’atteinte de cet objectif passe notamment par la construction de bâtiments à énergie positive et le déploiement de réseaux électriques intelligents.

[DiX Ans] Demain, la société connectée 10 enjeux

Page 12: Demain, la société connectée

parolesdelus.com 13

La solidarité numérique consiste à lutter contre la fracture numé-rique en soutenant les associations engagées dans des actions en faveur de l’éducation, de la santé, de l’insertion sociale. Grâce au numérique et à l’expertise de bénévoles, de nombreux projets associatifs peuvent être améliorés, accélérés, renforcés.L’aide à l’éducation et au soutien scolaire, par exemple, passe par différentes actions : diffusion numérique d’applicatifs éducatifs (lire l’encadré ci-contre sur la Khan Academy), accompagnement de structures dédiées à l’autisme via la prise en charge d’outils numé-riques d’apprentissage (tablettes tactiles), promotion de nouvelles formes de production d’objets via notamment les fablabs (ateliers coopératifs de fabrication numérique), etc.De la même manière, le numérique peut aider les associations à mieux s’organiser et à communiquer. Le programme “Solidarité numérique” porté par la Fondation Orange va dans ce sens, en mettant notamment à disposition d’associations les 200 salles de formation du groupe Orange afin d’y organiser des sessions d’initia-tion aux technologies numériques. D’autres formes de soutien se déve-loppent également, comme la dota-tion en matériel informatique.

aGir cOntre La pRécARité numÉrique

Organisation non gouvernementale née en 2006, la Khan Academy a pour ambition de fournir un enseignement de grande qualité à tous, partout. Elle compte plus de 10 millions d’utilisateurs chaque mois. Concrètement, dès que les élèves de primaire ou du secondaire ont créé leur profil, la plateforme leur propose des parcours pédagogiques personnalisés et adaptés à leur niveau. Plus de 2 200 mini-leçons vidéo gratuites et des milliers d’exercices interactifs sont disponibles. Engagée dans l’éducation numérique, la Fondation Orange est à l’origine de la version française de la Khan Academy, lancée en septembre 2014.

Khan AcademyUne salle de classe à l’échelle du monde

en BreF>> La solidarité numérique promeut la culture et les pratiques numériques à destination des associations.>> La Fondation Orange favorise l’utilisation des technologies de communication pour lutter contre la fracture numérique.

Présent partout dans la vie quotidienne, le numérique devient aussi indispensable pour les populations les plus fragiles (femmes, jeunes, seniors en difficulté). Les accompagner dans l’appropriation de ces nouveaux outils et usages est l’un des enjeux majeurs de demain. Autant pour leur avenir que pour la société.8SOLidaritÉ numÉrique

Page 13: Demain, la société connectée

Paroles d’élus tome 1014

Partout dans l’Union européenne, les systèmes de santé mis en place après guerre s’efforcent d’assurer leur survie : en France, outre la multiplication des déserts médicaux dans bon nombre de régions, l’accroissement des maladies chroniques – concomitam-ment au vieillissement des populations dans les territoires – creuse chaque année les déficits publics et entretient les carences du système.Afin de tenter de relever ces défis colossaux, les dispositifs de soins pour les malades chroniques et la population vieillissante se déplacent de l’hôpital vers un habitat médicalisé. Grâce aux technologies mobiles numériques, des solutions de type “m-santé”

LeS muLtiPLeS PrOmeSSeS de L’e-sAnté

Lancée par le Gouvernement en avril 2013, la filière “Silver Économie” est un appel aux entreprises du pays… pour prendre soin de ses anciens ! Il y a urgence : si plus d’un tiers des Français a plus de 50 ans, les plus de 60 ans seront 20 millions en 2030, et près de 24 millions en 2060. Une humanité vieillissante – on compte aujourd’hui 900 millions de personnes âgées dans le monde – à qui proposer des services de santé, notamment dans le cadre du maintien à domicile. Une prise en charge de la dépendance qui, rien qu’en France, devrait générer d’ici 2040 un besoin de financement de l’ordre de 10 milliards d’euros par an.

silver économie Au chevet du futur senior

émergent, influençant tout l’écosystème médical, du médecin au patient, en passant par les aides-soignants. L’objectif : permettre le traitement à distance du malade chronique en dotant les four-nisseurs de santé des équipements adaptés à leur nouvel envi-ronnement de travail.Dès à présent, des dizaines de milliers d’applications m-santé destinées au grand public sont disponibles. Via des capteurs médicaux connectés au mobile, le smartphone se transforme en glucomètre ou en carnet de suivi médical, capable également de calculer une dose d’insuline et d’envoyer le tout au médecin trai-tant. Rien qu’aux États-Unis, le marché de la m-santé est estimé à 6 milliards de dollars pour 2015.

en BreF>> Grâce aux solutions émergentes de “m-santé”, le traitement à distance du malade chronique est possible.>> Conseils bien-être ou services de m-santé, les applications mobiles se multiplient, portées par les opérateurs télécoms et les assureurs.

À l’heure où les systèmes de santé publique chancèlent et face au vieillissement des populations, les acteurs de ce secteur s’appuient sur des solutions projetées par l’e-santé pour pallier les soins hospitaliers et donner corps au maintien à domicile des seniors.

diGitaLiSatiOn deS SOinS9[DiX Ans] Demain, la société connectée 10 enjeux

Page 14: Demain, la société connectée

parolesdelus.com 15

Historiquement, le terme e-réputation a fait son apparition en France en 2010, tandis qu’aux États-Unis, le terme “online repu-tation” émergeait dès 2006. Aujourd’hui, il s’agit d’une notion “carrefour” où convergent diverses problématiques : la publicité, les relations publiques, la communication de crise, la relation client, la veille stratégique, mais aussi la construction de la confiance et la protection de la vie privée.Des travaux d’économie et de sociologie révèlent que la réputa-tion renvoie à la confiance, constituant un signal de qualité pour les consommateurs. Elle se caractérise par deux dimensions : sa polarisation, bonne (good buzz) ou mauvaise (bad buzz), et son étendue – la taille des groupes sociaux où elle s’est diffusée. Les individus, comme les entreprises, peuvent amorcer un travail répu-tationnel visant à mesurer et à entretenir cette forme particulière de capital social et économique.En démultipliant les traces, en exposant à tous les conversations ordinaires et en rendant possible le traitement de grandes masses d’informations, les médias sociaux ont changé les règles du jeu. S’ap-puyant notamment sur des outils de traitement du langage, des logiciels d’e-réputation permettent de carto-graphier sa réputation en ligne, pour mieux l’améliorer.

La RéputAtion à L’ère du viLLaGe GLObaL

Maire, conseiller (municipal, général, régional), député, sénateur… de par son mandat, l’élu s’expose. À l’ère digitale, ses faits et gestes constituent son identité numérique : en cas de bad buzz, faute d’avoir su anticiper, il est crucial de savoir réagir avec les bons termes pour endiguer le phénomène. De nombreuses formations existent pour aider les élus et leurs équipes à se préparer à de telles situations, ainsi que sur l’art et la manière de revoir sa communication politique et institutionnelle (tenue d’un blog, présence sur Twitter, publication des comptes après campagne…).

e-réputation des élusS’informer, se former, pour mieux se protéger

en BreF>> Pour l’individu, l’e-réputation renvoie à la construction de la confiance et à la protection de la vie privée.>> En exposant à tous les conversations ordinaires, les médias sociaux ont changé la donne.

Nouveau capital social et économique de chaque individu, la réputation à l’ère digitale acquiert une dimension universelle que tout un chacun – dans sa vie privée, professionnelle, sociale – doit apprendre à gérer… pour mieux se protéger.10e-rÉPutatiOn

Page 15: Demain, la société connectée

Retrouvez l’intégralité de l’émission sur parolesdelus.com/territoiresnumeriques/

Paroles d’élus tome 1016

Page 16: Demain, la société connectée

parolesdelus.com 17

Xavier Couture. en quoi le numérique a-t-il transformé votre existence ? Luc Bretones. En quelques années, le numérique a changé nos vies : smartphone, visio, objets connectés, big data, etc. Se souvient-on que les tablettes n’existaient pas il y a quatre ans seulement ! Face à un tel champ de possibilités, les équipes du technocentre d’Orange doivent s’assurer que les services proposés anticipent les ruptures technologiques en se concentrant sur un nombre de sujets émergents ciblés : big data, Internet des objets, ouverture de nos plateformes par les API, services centrés autour de la carte SIM et l’e-éducation.Grâce à son effet de levier, le numérique est un fabuleux outil de désenclavement, quelle que soit la taille des collectivités, à des coûts réduits, accessibles à tous et susceptibles de fédérer tous les citoyens.marie-Laure sauty de Chalon. Le numérique a tout changé dans ma vie, parce que je ne vois plus de séparation entre le virtuel et le réel ! Les deux mondes se sont rejoints, que ce soit dans la sphère professionnelle ou personnelle. Dans la relation à mes amis, à ma famille ou dans le shopping, tout se fait à distance. Chacun peut rester à tout moment connecté, de sorte que le numérique multiplie

Pour marquer son dixième anniversaire, “Paroles d’élus” a organisé un débat autour de quatre personnalités du monde numérique : Virginie Fauvel, directrice Digital et Market Management d’Allianz France ; Marie-Laure Sauty de Chalon, présidente-directrice générale du groupe aufeminin.com ; Luc Bretones, directeur du technocentre d’Orange ; et Michel Feltin-Palas, rédacteur en chef à L’Express. Ce débat était animé par Xavier Couture, producteur, à la Gaîté Lyrique, haut lieu de la culture numérique. En voici les principaux extraits.

De gauche à droite : Michel Feltin-Palas, Virginie Fauvel, Xavier Couture, Marie-Laure Sauty de Chalon et Luc Bretones.À l’arrière-plan : l’artiste Dag en train de réaliser une œuvre éphémère sur le mur du studio pour marquer cet anniversaire.

[Dix Ans] L’émission débat

Page 17: Demain, la société connectée

Paroles d’élus tome 1018

pas assez de temps au débat et à l’élaboration commune. La participation peut occasionner des retards. Dans ce domaine, je crois à l’extraordinaire potentiel du numérique, sans pour autant tout changer !X. C. Cette irruption du numérique dans la vie publique implique-t-elle des comportements plus éthiques et plus rigoureux de la part de nos élus ?Virginie Fauvel. En tant que membre du Conseil national du numérique (CNNum), je suis persuadée qu’il faut gérer avec la plus grande transparence et la plus grande rigueur les données numériques des personnalités publiques. Il y a un besoin de régulation des données générées globalement par les individus. Comment ne pas regretter, par exemple, qu’actuellement de grands acteurs, hors de France, s’autorisent déjà à collecter des données personnelles de santé.X. C. et que penser de la prise de parole quasi systématique des élus sur les réseaux sociaux ?V. F. Pour ma part, je me félicite que les chefs d’entreprise et les hommes politiques s’y expriment. Même si certaines prises de parole sont parfois un peu rapides… Avec Twitter, une nouvelle communication s’instaure, qui implique une nouvelle

le nombre d’opportunités. J’y vois surtout un gain énorme de temps et d’efficacité. Il nous faut apprendre à vivre avec ces nouvelles technologies.michel Feltin-Palas. Journaliste, j’utilise Internet sur mon téléphone mobile, en reportage, pour répondre à mes lecteurs ou pour chercher de l’information. Mais, plus original, grâce à Internet et ayant des attaches en province, je communique en béarnais avec des interlocuteurs éloignés. Je peux même apprendre des chansons polyphoniques béarnaises. J’en déduis que si Internet a été envahi au départ par l’anglais, les langues minoritaires s’y développent aujourd’hui. Et Internet facilite la communication entre des communautés dispersées. X. C. La relation entre le citoyen et l’élu est-elle modifiée par le numérique ?m. F.-P. Au lieu de s’en servir pour justifier une décision déjà prise, certains élus savent désormais mieux prendre en compte l’avis des citoyens avant de prendre leur décision. On a vu certains quartiers ou équipements publics s’élaborer au cours de processus participatifs avec le concours des citoyens. Mais je suis plus sceptique devant d’autres élus, pressés de prendre des décisions et qui n’accordent

responsabilité : quel que soit l’endroit où l’on se trouve, propos et faits de chacun peuvent être rendus publics ! Cette proximité des chefs d’entreprise ou des politiques avec leurs clients, leurs électeurs ou détracteurs est une bonne chose.m.-L. s.-C. Nous n’avons pas encore assimilé les nouveaux codes de cette communication numérique. Il faut prendre du recul, s’armer et construire “sa barrière de corail”, attaquer, porter plainte quand c’est nécessaire ; bref, retrouver les règles éthiques normales pour ne pas se laisser déborder. L’affaire Thévenoud, par exemple, outre un certain populisme, révèle que la démocratie a fonctionné, plutôt vite d’ailleurs, la transparence aussi, que l’administration fiscale fonctionne, que des pénalités ont été infligées, alors qu’avant, on n’aurait peut-être même pas su... Oublions la déferlante populiste haineuse, ne retenons plutôt que le positif.X. C. D’après vous, quelle est la responsabilité des médias traditionnels dans cette dérive ?m.-L. s.-C. J’enseigne les médias mutants à Sciences Po et je constate que les sujets “people” nous polluent et nous empêchent de discuter des grands sujets et réformes importantes. Mieux vaut

“avec twitter, une nouvelle communication s’instaure, qui implique une nouvelle responsabilité : quel que soit l’endroit où l’on se trouve, propos et faits de chacun peuvent être rendus publics !”virginie Fauvel

[DiX Ans] Demain, la société connectée l’émission

Page 18: Demain, la société connectée

parolesdelus.com 19

clients que l’entreprise elle-même en interne, avec du WiFi, des accès Internet pour tous, en s’ouvrant aux réseaux sociaux, en équipant les collaborateurs pour retrouver a minima au bureau la technologie dont ils disposent chez eux.m.-L. s.-C. Un constat me trouble. Il y a vingt ans, les entreprises proposaient un matériel performant à des salariés non équipés chez eux. Aujourd’hui, c’est le contraire : les salariés sont bien équipés et c’est l’entreprise qui dispose d’un matériel vieillissant avec un personnel non formé. Il faut donc dire aux chefs d’entreprise et aux élus de s’équiper, de passer à la 4G. Le risque, c’est que les collaborateurs et l’entourage, en particulier les jeunes générations, ne les respectent pas.X .C. Au sujet de la transmission du savoir, Luc Bretones, pouvez-vous nous en dire plus sur les Cités du savoir ?L. B. Il s’agit d’un projet de soutien scolaire innovant, une sorte de “Resto du cœur du savoir” auquel se sont associés 2 500 salariés bénévoles d’Orange Solidarité pour un coût dérisoire (2 500 euros par dispositif). Il suffit qu’une collectivité mette à disposition des tables et des chaises dans un espace chauffé pour installer ce dispositif numérique de soutien scolaire.

écouter les besoins des gens qui s’expriment à travers les réseaux sociaux plutôt que les petits mots des journalistes. Les médias traditionnels ont beaucoup de difficultés à opérer la transition numérique. m. F.-P. Convenons que si les médias traditionnels sont bousculés, c’est que leur ancien modèle économique est affaibli, remis en question, avec moins de publicité et de vente. L’essentiel, c’est de trouver les moyens de financer des enquêtes longues et indépendantes, comme à L’Express, lorsque nous avons enquêté à quatre pendant trois mois sur le cumul des mandats auprès de 1 500 élus. Les nouveaux médias en ligne auront-ils la capacité de financer des enquêtes longues menées par des journalistes indépendants ?X. C. L’entreprise a-t-elle un rôle majeur à jouer dans la transmission des connaissances ?V. F. Une société comme Allianz a, me semble-t-il, un devoir de former et d’accompagner, quel que soit leur âge, l’ensemble de ses collaborateurs, qui expriment le besoin d’appréhender le numérique et qui, d’ailleurs, sont aussi des citoyens. Mais cette numérisation touche tout autant les

“Grâce à son effet de levier, le numérique est un fabuleux outil de désenclavement, quelle que soit la taille des collectivités, à des coûts réduits, accessibles à tous et susceptibles de fédérer tous les citoyens.”Luc Bretones

Un village des Landes, à deux pas de Mont-de-Marsan, a adopté le numérique pour changer la vie de ses habitants : Brocas-lès-Forges veut les faire entrer dans un monde nouveau.

À une centaine de kilomètres au sud de Bordeaux et au nord de Pau, Brocas (Landes) a fait le pari de l’open data. Soucieuse d’efficacité de l’action publique, cette commune de 800 habitants en plein cœur de la forêt landaise, a choisi l’open data comme support de transparence et d’efficience dans la vie publique et politique. Productrice de données comme n’importe quelle collectivité, à commencer par ses délibérations qui sont nécessairement publiques, Brocas a vu un intérêt à fournir et à mettre à disposition 22 jeux de données pour 90 fichiers : eau, effectif scolaire, économie du village, taux d’accidents, etc. Elle invite aussi le public à lui envoyer vidéos et photos du village pour les partager.Aujourd’hui pionniers, les élus de Brocas sont convaincus d’une généralisation rapide de ce mouvement de mise à disposition de données communales. Ils reçoivent d’ailleurs de nombreuses sollicitations de collègues, en recherche de précisions. Quant aux habitants, ils ont vite compris que l’open data pouvait leur rendre des services, mettre leur territoire en avant et faciliter les échanges.u opendata.brocas.fr

Brocas-lès ForgesL’open data au cœur des Landes

Page 19: Demain, la société connectée

Paroles d’élus tome 1020

une ville inconnue, a pu échanger une nuit durant avec d’autres femmes qui avaient connu le même drame. La solidarité online est très forte et débouche parfois sur la vraie vie, abolissant les séparations entre virtuel et réel.X. C. qu’apporte le numérique dans la relation des femmes au travail ? V. F. Quand on sait le maîtriser, le numérique peut considérablement aider les hommes et les femmes à gérer vie privée et professionnelle en restant à proximité de leur bureau, tout en allant chercher leurs enfants ou en les accompagnant chez le médecin et en restant connecté avec l’entreprise si besoin. Le numérique génère donc moins de stress, à condition aussi que l’entreprise régule bien l’envoi des courriels : chez Allianz, une charte recommande de ne pas envoyer de courriel avant 7 heures du matin et après 21 heures, ainsi que le week-end (sauf urgence). L’application de cette charte a changé le rapport des salariés aux courriels et participe à une diminution du stress.X. C. La France est-elle équipée pour affronter cette nouvelle économie du numérique ? existe-t-il une stratégie politique numérique ?L. B. On constate une réelle prise de conscience dont les récentes prises de position des secrétaires

X. C. qu’est-ce au juste qu’orange solidarité ?L. B. Sous l’impulsion de Mireille Le Van, secrétaire générale de la Fondation Orange, nous avons réactivé il y a trois ans cette association qui a recruté 2 500 bénévoles pour mettre Internet à la portée du plus grand nombre : jeunes des cités, personnes âgées ou femmes au chômage. Nous sommes en contact avec des élus des associations régionales et locales, des comités de quartier, des associations de retraités, etc. Tous les soirs, les salariés volontaires du groupe Orange se rendent dans ces salles de formation équipées d’accès Internet ouverts, accueillent ce public en face-à-face et tissent ce lien social… plutôt improbable sans le Net. C’est ainsi qu’un jeune délinquant en réinsertion a croisé à Saint-Denis (93) un cadre sup d’Orange, qu’il n’aurait sans cela jamais rencontré, et qu’autour d’une souris et d’un écran ils ont ensemble rédigé un CV en ligne, envoyé un premier courriel, etc. X. C. Comment s’exprime cette solidarité sur aufeminin.com ?m.-L. s.-C. Dans l’anonymat d’un site comme le nôtre, se créent de nouvelles intimités qui tissent du lien social. Comme cette femme de militaire partie en Afghanistan qui, après une fausse couche dans

d’État au numérique sont la preuve. Mais depuis dix ans, on voit passer tous les trains de l’innovation numérique en Europe, en France en particulier, sans en accrocher un. Il suffirait de prendre le prochain. Le logiciel s’est immiscé dans tous les secteurs de l’économie, ou comme le dit Marc Andreessen “software is eating the word” (le logiciel a mangé toute la valeur du monde). Aujourd’hui, c’est vers la data que se tournent les regards, que se cristallise la curiosité, autour de laquelle il faut se mobiliser. Pour les objets connectés et le big data, nous disposons des meilleurs ingénieurs. Le monde nous les envie. 60 000 expatriés développent des applications dans la Silicon Valley, où la French Touch est considérée comme l’intelligence la plus raffinée. Il faut regretter qu’une fois les start-up lancées, les créateurs partent à l’étranger parce qu’ils ne trouvent pas de capitaux en France…X. C. et qu’en est-il du principe de précaution ?V. F. À mon avis, on se cache souvent derrière ce principe pour ne pas innover. Quand on veut développer et jouer dans la cour des grands industriels, il faut accepter de prendre des risques. En France, on n’en prend pas assez. m.-L. s.-C. Pourtant, il existe en France un mécanisme très puissant

“certains élus savent désormais mieux prendre en compte l’avis des citoyens avant de prendre leur décision. On a vu certains quartiers ou équipements publics s’élaborer au cours de processus participatifs avec le concours des citoyens.”Michel Feltin-palas

[DiX Ans] Demain, la société connectée l’émission

Page 20: Demain, la société connectée

parolesdelus.com 21

rencontrer un médecin. Tout le monde consulte Internet sur ces sujets-là. Nous avons donc choisi de proposer des consultations de professionnels à faible coût pour désengorger les urgences et répondre à une réelle demande.

pour aider les start-up : c’est le chômage. Dans aucun autre pays au monde, des chômeurs ne sont rémunérés pendant deux ou trois ans pour monter leur boîte. Quelle fabuleuse aide à la création d’entreprise quand un emploi sur cinq naît du numérique !X. C. quel est votre sentiment sur les avancées dans le secteur de la santé, dossier que vous portez au Cnnum, alors qu’une étude annonce qu’en 2015 500 millions d’utilisateurs de smartphones et de tablettes utiliseront des applis mobiles liées à la santé ?V. F. La France, qui dispose d’un patrimoine de données parmi les plus riches au monde, doit les ouvrir à l’open data, avec les précautions qui s’imposent. À cette condition, les ingénieurs pourront créer des applications qui amélioreront considérablement la santé. On a raison d’être prudent sur cette diffusion de données ultrasensibles, mais le domaine est très porteur et créateur d’emplois.Dès lors que la donnée est individuelle, elle doit être manipulée avec un maximum de précautions, en accord avec la Cnil et en préservant rigoureusement son anonymat.m.-L. s.-C. La santé, secteur très présent sur aufeminin.com, nous a incités à créer les préconsultations. Il s’agit d’aider les internautes à comprendre leur état avant de

“il existe en France un mécanisme très puissant pour aider les start-up : c’est le chômage. dans aucun autre pays au monde, des chômeurs ne sont rémunérés pendant deux ou trois ans pour monter leur boîte. quelle fabuleuse aide à la création d’entreprise quand un emploi sur cinq naît du numérique !”Marie-Laure sauty de chalon

À l’initiative de son fondateur américain, NetSocial marketing, agence de net marketing spécialisée dans la stratégie digitale et l’e-commerce, s’est installée à Aurillac (Cantal). Elle propose ses services à des entreprises qui cherchent des opportunités de développement, entre autres à l’international, grâce à des sites web efficaces et aux ventes en ligne. Elle étudie les besoins, propose des solutions web et les a déjà mises en œuvre avec succès pour plusieurs marques locales. La société s’est installée dans le Cantal par choix de la qualité de vie et d’équipements adaptés à ses activités, mis en place par le Conseil général. L’accompagnement des pouvoirs publics à la création d’entreprise a été un facteur majeur de son implantation. Depuis, l’agence est d’ailleurs devenue partenaire du programme CyberCantal lancé par le Conseil général. Elle participe aussi à la formation des télétravailleurs. De sorte que NetSocial marketing est l’exemple d’une entreprise qui a reçu de la part de la collectivité et lui rend en retour son savoir-faire.u netsocialmarketing.fr

Aurillac Le numérique au service des artisans

u daginsky.com

une réalisation dédiée aux dix ans de Paroles d’élusAprès avoir étudié au Conservatoire libre du cinéma français, Dagmar Dudinsky débute sa carrière en voguant entre la production audiovisuelle, l’art underground (Hôpital éphémère) et la mode. En 1988, Dag intègre le studio graphique “La Force Magique” avant de rencontrer son binôme, Gonzague Lacombe, avec lequel elle créé l’agence de signalétique “Directeur Général”. Elle participe à la réalisation de Métavilla avec le collectif EXYZT lors de la biennale de Venise en 2006. Ensuite, elle s’immerge dans l’univers de la création sons et lumières v.2, où s’entrechoquent graphisme en temps réel, audio en surround et algorithmes. Dag a été invitée à réaliser, pendant le tournage de l’émission à la Gaîté lyrique, une création graphique autour de “Paroles d’élus”.