Deleuze - ordonnance du langage en découlera, avec son code de déterminations tertiaires ...

8
LOGIQUE DU SENS DE L'ORDRE PRlMAlRE ET DE L'ORGANISATION SECONDAIRE p.287 L'ensemble des surfaces constitue l'organisation dite secondaire. Celle-ci se définit donc bien par la «représentation verbale». Et si la représentation verbale doit être distinguée strictement de la «représentation d'objet », c'est parce qu'elle concerne un événement incorporel, et non pas un corps, une action, passion ou qualité de corps. La représentation verbale, c'est cette représentation dont nous avons vu qu'elle enveloppait une expression.

description

Toute l'ordonnance du langage en découlera, avec son code de déterminations tertiaires fondées à leur tour sur des représentations « objectales » (désignation, manifestation, signification; individu, personne, concept; monde, moi et Dieu). (...)Mais, ce qui compte ici, c'est l'organisation préalable, fondatrice ou poétique : ce jeu des surfaces où se déploie seulement un champ acosmique, impersonnel, pré-individuel. cet exercice du non-sens et du sens, ce déploiement de séries qui précèdent les produits élaborés de la genèse statique. De l'ordonnance tertiaire il faut donc remonter jusqu'à l'organisation secondaire; puis remonter jusqu'à l'ordre primaire, suivant l'exigence dynamique. Soit la table des catégories de la genèse dynamique en rapport avec les moments du langage : passion-action (bruit), possession-privation (voix), intention-résultat (parole).

Transcript of Deleuze - ordonnance du langage en découlera, avec son code de déterminations tertiaires ...

Page 1: Deleuze - ordonnance du langage en découlera,   avec son code de déterminations tertiaires   fondées à leur tour sur des représentations « objectales »

LOGIQUE DU SENS

DE L'ORDRE PRlMAlRE ET DE L'ORGANISATION SECONDAIRE

p.287

L'ensemble des surfaces constitue l'organisation dite secondaire.

Celle-ci se définit donc bien par la «représentation verbale».

Et si la représentation verbale doit être distinguée strictement de la «représentation d'objet »,

c'est parce qu'elle concerne un événement incorporel, et non pas un corps, une action, passion ou qualité de corps.

La représentation verbale, c'est cette représentation dont nous avons vu qu'elle enveloppait une expression.

Page 2: Deleuze - ordonnance du langage en découlera,   avec son code de déterminations tertiaires   fondées à leur tour sur des représentations « objectales »

Elle est composée

d'un exprimé et d'un exprimant,

et se conforme à la torsion de l'un dans l'autre :

elle représente l'événement comme exprimé, le fait exister dans les éléments du langage, et inversement confère à ceux-ci une valeur expressive, une fonction de «représentants» qu'ils ne poussaient pas par eux-mêmes.

Toute l'ordonnance du langage en découlera, avec son code de déterminations tertiaires fondées à leur tour sur des représentations « objectales » (désignation, manifestation, signification;

individu, personne, concept;

monde, moi et Dieu).

Page 3: Deleuze - ordonnance du langage en découlera,   avec son code de déterminations tertiaires   fondées à leur tour sur des représentations « objectales »

Mais, ce qui compte ici, c'est l'organisation préalable, fondatrice ou poétique :

ce jeu des surfaces où se déploie seulement un champ acosmique,

impersonnel, pré-individuel.

cet exercice du non-sens et du sens,

ce déploiement de séries qui précèdent les produits élaborés de la genèse statique.

De l'ordonnance tertiaire il faut donc remonter jusqu'à l'organisation secondaire;

puis remonter jusqu'à l'ordre primaire, suivant l'exigence dynamique.

Soit la table des catégories de la genèse dynamique en rapport avec les moments du langage :

passion-action (bruit), possession-privation (voix), intention-résultat (parole).

Page 4: Deleuze - ordonnance du langage en découlera,   avec son code de déterminations tertiaires   fondées à leur tour sur des représentations « objectales »

L'organisation secondaire (verbe ou représentation verbale) résulte elle-même de ce long parcours,

elle surgit lorsque l'événement a su élever le résultat à une seconde puissance,

et le verbe donner aux paroles élémentaires la valeur expressive dont elles étaient encore dénuées.

Mais tout le parcours,tout le chemin est jalonné par l'ordre primaire.

Dans l'ordre primaire les mots sont directement des actions ou passions du corps, ou bien des voix retirées.

Ce sont des possessions démoniaques, ou bien des privations divines.

Les obscénités et les injures donnent une idée par régression, de ce chaos où se combinent respectivement la profondeur sans fond et la hauteur illimitée;

car si intime soit leur liaison,le mot obscène figure plutôt l'action directe d'un corps sur un autre qui subit la passion,

tandis que l'injure tout à la fois poursuit celui qui se retire, lui retire toute voix,est elle-même une voix qui se retire·.

Page 5: Deleuze - ordonnance du langage en découlera,   avec son code de déterminations tertiaires   fondées à leur tour sur des représentations « objectales »

L'étroite combinaison des deux, des mots obscènes et injurieux, témoigne des valeurs proprement satiriques du langage;

nous appelons satirique processus par lequel la régression régresse elle-même,

c'est-à-dire n'est jamais une régression sexuelle en surface sans être aussi une régression alimentaire digestive en profondeur, qui ne s'arrête qu'au cloaque et ne poursuit la voix retirée qu'en découvrant le sol excrémentiel qu'elle laisse ainsi derrière soi.

Faisant lui-même mille bruits et retirant lui-même sa voix,le poète satirique, le grand Présocratique d'un seul et même mouvement du monde, poursuit Dieu d'injures et s'enfonce dans l'excrément.

La satire est un art prodigieux des régressions.