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Délocalisation - Défis et opportunités Les Cahiers du CESE Comité économique et social européen

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Délocalisation - Défis et opportunités

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Numéro de catalogue: CESE-2006-C-14-FR

Les Cahiers du CESE

Comité économique et social européen

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SOMMAIRE Page Préface 5 La Commission consultative des Mutations industrielles (CCMI): 7 Le rôle du Comité économique et social européen (CESE) dans la promotion d'un dialogue structuré sur les mutations industrielles dans l'UE Avis du CESE: "Portée et effets de la délocalisation d'entreprises" 11 Rapport d'information de la CCMI: "Une étude sectorielle des délocalisations" 31 Etude externe: "Une étude sectorielle des délocalisations: arrière-plan factuel" 43 Etude complète en ligne (en anglais): http://eesc.europa.eu/sections/ccmi/docs/documents/ A_sectoral_survey_of_relocation_a_factual_background_Final_report.pdf. Programme/Rapport de synthèse de la Conférence 75 "Délocalisation – Défis et opportunités" Présentations en ligne: http://eesc.europa.eu/sections/ccmi/events/index_fr.asp?id=1470001ccmifr

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Préface La délocalisation des entreprises est un problème porteur d'une forte charge, souvent émotive. Sujette à un débat politique intense et à une couverture médiatique considérable, elle se trouve presque au sommet des préoccupations des citoyens. Pour autant, et malgré son importance sur la scène politique et publique, la question des délocalisations ou, d'une manière générale, du transfert d'activités économiques vers des sites se trouvant à l'étranger, reste toutefois marquée par des malentendus, des désaccords et des confusions. Il n'existe ni définition unique et communément acceptée du processus, ni méthode unique et communément acceptée de mesure de son étendue et de ses conséquences. Il est nécessaire d'arriver à une plus grande clarté, sans quoi il ne peut y avoir de point de départ sain pour l'élaboration de politiques. Nous pouvons au moins être certains d'une chose: les délocalisations ont bien lieu et elles sont inextricablement mêlées aux autres manifestations des mutations structurelles. En effet, il est presque impossible de dissocier la délocalisation – même dans sa forme la plus littérale – et d'autres évolutions économiques ayant lieu sur la scène européenne, notamment la réaffectation des ressources, la rationalisation, l'expansion des entreprises et l'essor et le déclin naturels de secteurs donnés dans le cadre d'une dynamique en cours fondée sur le marché. Tout aussi indéniable est la nécessité de faire en sorte que le processus de délocalisation, nonobstant son caractère complexe et son articulation à d'autres phénomènes, soit l'objet d'un contrôle et d'une gestion compétitifs économiquement, acceptables socialement, et qui prennent également en compte les aspects environnementaux et territoriaux. Les divers acteurs concernés ont tout leur part de responsabilité pour garantir que les délocalisations contribuent à améliorer la compétitivité, tous en empêchant une régression sociale drastique et une perte de substance économique. On ne saurait trop insister sur les chances dont sont porteuses les délocalisations, à savoir la possibilité de réorganiser et d'améliorer les chaînes d'approvisionnement et les processus de production ou de distribution, ou encore, tout simplement, d'assurer la survie même d'une entreprise donnée qui doit faire face à des niveaux de concurrence à l'échelon mondial toujours plus élevés.

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Le Comité économique et social européen (CESE), à travers sa Commission consultative des Mutations industrielles (CCMI), a mené récemment plusieurs travaux sur le phénomène des délocalisations d'entreprises. Les plus récents d'entre eux sont rassemblés dans ce cahier. Vous trouverez ci-après:

− Une courte introduction décrivant la CCMI, ses missions et ses activités; − Un avis sur la portée et les effets de la délocalisation d'entreprise, rapporteur

M. Rodríguez García-Caro; − Un rapport d'information, coordonné par M. van Iersel, qui analyse la faible disponibilité

de sources statistiques non contestables de mesure de l'ampleur du phénomène; − Les conclusions, la note expliquant la méthodologie et la bibliographie de l'étude externe

qui a été une des bases de ce rapport d'information; − La synthèse d'une importante conférence sur le sujet qui s'est tenue au siège du CESE les

28 et 29 juin 2006. Josly Piette Président de la CCMI 2002-2006

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La Commission consultative des Mutations industrielles (CCMI)

Le rôle du Comité économique et social européen (CESE) dans la promotion d'un dialogue structuré sur les mutations industrielles dans l'UE

Héritière de l'expérience que le Comité consultatif CECA a engrangée pendant plus de cinquante ans dans le domaine du dialogue consultatif, la Commission consultative des Mutations industrielles (CCMI) du Comité économique et social européen combine cet atout avec la richesse de sa composition et de ses attributions, de sorte qu'elle constitue un organe unique dans les institutions européennes. Elle forme un nouveau type de modèle pour la discussion ou le dialogue sur des questions politiques entre différents acteurs, dans le domaine des mutations industrielles.

La CCMI examine les questions relatives aux mutations industrielles dans une vaste gamme de secteurs. En tant que telle, elle offre une valeur ajoutée aux travaux du CESE dans leur globalité. Elle présente une valeur particulière pour les nouveaux États membres qui sont actuellement touchés par les mutations industrielles et sa composition, remaniée à la fin de l'année 2004, reflète cet état de fait dans la mesure où ces pays sont fortement représentés.

La CCMI n'est pas seulement un dépositaire des leçons du passé. En se concentrant sur les sujets qu'elle traite, la CCMI a pour rôle de se tourner vers l'avenir. L'accent est mis sur l'anticipation, la prévention et l'analyse, de manière à garantir des approches communes positives dans la gestion des mutations industrielles d'un point de vue économique, social, territorial et environnemental. La CCMI promeut la coordination et la cohérence de l'action communautaire par rapport aux principaux changements industriels dans le contexte de l'Europe élargie et assure un équilibre entre la nécessité de réaliser des changements acceptables sur le plan social et le maintien d'un avantage compétitif de l'industrie européenne.

Antécédents Dans la perspective de l'expiration du Traité CECA le 23 juillet 2002, le Conseil Industrie du 18 mai 2000 a exprimé le souhait que la Commission européenne présente ses idées sur l'avenir du dialogue structuré dans les domaines couverts par ce traité. Dans sa communication du 27 septembre 2000 (COM(2000) 588 final), élaborée en étroite coopération avec le CESE, la Commission européenne a proposé la création d'une structure spécifique au sein du Comité, qui permettrait non seulement de conserver la précieuse expérience acquise au cours des années CECA et de poursuivre le dialogue structuré dans les domaines du charbon et de l'acier, mais qui serait aussi progressivement étendue dans l'optique de couvrir toutes les questions liées aux mutations industrielles dans une UE élargie.

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Création Concernant le contenu de cette extension notable de la fonction consultative du CESE, la Commission souligne sa détermination "d'aborder l'avenir du dialogue structuré CECA sous un angle résolument prospectif et tourné vers l'avenir". L'expérience unique de la CECA "en particulier dans les domaines du consensus social, des restructurations industrielles, de la recherche viendrait renforcer la capacité du CESE à prendre une part active à la modernisation de l'économie européenne et au renforcement de sa compétitivité"1. Les autres institutions européennes ont apporté leur soutien à ces propositions et ont mis à disposition du CESE les moyens nécessaires pour assurer le fonctionnement de ce nouvel organe, qui a été instauré le 24 octobre 2002 par l'Assemblée plénière du Comité économique et social européen.

Composition La CCMI est composée de 45 membres du CESE et de 45 délégués extérieurs, tous dotés de vastes connaissances et d'une riche expérience acquises dans toute une série d'organisations socioprofessionnelles de différents secteurs touchés par la modernisation de l'économie. Le président de la CCMI est un membre du CESE et le vice-président est un délégué. Le corps des délégués est divisé en trois catégories (employeurs, salariés, activités diverses), à l'image de la structure des trois groupes du CESE. Après l'élargissement à 25 États membres et vu le caractère particulièrement approprié de l'expertise que la CCMI peut apporter aux nouveaux États membres, la nouvelle CCMI comprend une forte proportion de membres et de délégués issus de ces pays.

Mission La création de la CCMI a ouvert de nouvelles voies. En effet, le CESE est désormais en mesure d'élaborer des avis dans le cadre d'un dialogue structuré direct entre ses membres et les représentants des secteurs et groupes d'intérêts concernés par les mutations industrielles. Les problèmes peuvent ainsi être examinés dans toute leur complexité tant des points de vue économiques et sociaux que sous l'aspect de la protection de l'environnement ou du développement durable. Ils sont traités dans le cadre du processus décisionnel normal de l'Union européenne par le biais de saisines des institutions (à caractère éventuellement exploratoire) ou d'avis d'initiative que le Comité estime nécessaires pour influencer le cours des choses au sein de l'UE.

Champ d'activité et moyens d'expression Le champ d'activité de la CCMI

• Continue à couvrir les domaines des industries charbon-acier et de leurs filières de production et de consommation dans lesquels des actions communautaires sont engagées;

1

COM(2000) 588 final.

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• a été progressivement élargi à la maîtrise des mutations industrielles dans d'autres secteurs d'activité et à leurs implications en matière d'emploi, de mesures de politique sociale et structurelle, de politique d'aides, de politique de concurrence, de recherche et développement technologique, de politique environnementale et développement durable, de politique énergétique, de politique commerciale;

• accorde une importance particulière, aux défis posés par les mutations industrielles dans les

nouveaux États membres. Les moyens d'expression de la CCMI comportent des avis obligatoires aux termes du Traité, des avis facultatifs et exploratoires à la demande du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, ainsi que des avis d'initiative, des rapports d'information de même que l'organisation de conférences et d'auditions. La CCMI maintient une étroite relation de travail avec les autres institutions et agences de l'UE ainsi qu'avec des organisations sur toute une série de questions liées aux mutations industrielles.

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José Isaías Rodríguez García-Caro

Membre CESE, Groupe I – ES

Rapporteur

CCMI/014 "Délocalisation d'entreprises"

Jürgen Nusser Délégué CCMI

Catégorie 3 Corapporteur

Bruxelles, le 14 juillet 2005

AVIS

du Comité économique et social européen

sur le thème

"Portée et effets de la délocalisation d'entreprises"

(avis d'initiative)

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Le Comité économique et social européen a décidé, le 29 janvier 2004, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème suivant: "Portée et effets de la délocalisation d'entreprises". La Commission consultative des Mutations industrielles, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 13 juin 2005 (rapporteur: M. RODRIGUEZ GARCIA-CARO; corapporteur: M. NUSSER). Lors de sa 419ème session plénière des 13 et 14 juillet 2005 (séance du 14 juillet 2005), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 128 voix pour, 15 voix contre et 6 abstentions.

*

* * 1. Introduction 1.1 Nous vivons dans un monde où la globalisation ne cesse de s'accroître, un processus qui

accélère le processus de dilution des frontières, caractérisé par un commerce internationalisé et par un développement technologique au rythme vertigineux1. L'accroissement de la propriété institutionnelle2, l'augmentation des investissements croisés transfrontaliers, la délocalisation des tâches, les changements rapides en matière de propriété et une plus grande utilisation des technologies de l'information et des communications font que l'identité géographique s'atténue et, par conséquent, que la compétitivité revêt une dimension globale. Dans un tel contexte, la compétitivité apparaît comme l'objectif global de l'appareil économique, l'interaction entre celui-ci et les sphères sociale, environnementale et politique au niveau institutionnel déterminant le processus de développement durable.

1.2 L'Union européenne apparaît aujourd'hui comme un noyau d'intégration important dans le

contexte de la globalisation, avec un marché unique, une union économique et monétaire et des progrès sensibles en matière de politique extérieure et de sécurité commune, ainsi que sur les questions relatives à la justice et aux affaires intérieures.

1

Le numéro spécial publié en septembre 2004 (n°2.859) du magazine français "Problèmes économiques", est consacré aux délocalisations. On y trouve un article dans lequel il est affirmé que le terme "globalisation" est un anglicisme utilisé pour décrire le phénomène de "mondialisation". Il s'agit du passage d'une économie internationale, où les nations autonomes du point de vue politique organisent leur espace économique national et participent à des échanges économiques plus ou moins importants, à une économie globale qui dépasse les réglementations nationales.

2 L’on entend par "propriété institutionnelle" celle qui est liée aux investissements réalisés par des instances disposant d’un volume

important de ressources propres ou de réserves. Les investissements réalisés par des fonds d’investissements, des banques, des compagnies d’assurances ou des fonds de pension en sont un exemple.

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1.3 Une société doit être compétitive dans son ensemble c'est-à-dire qu'elle doit être capable à tout moment d'anticiper l'environnement dans lequel elle s'inscrit, de s'y adapter et de l'influencer3. Ainsi, dans sa communication du 11 décembre 2002 intitulée "La politique industrielle dans une Europe élargie", la Commission définit la compétitivité comme "la capacité d'une économie à assurer de façon durable à sa population un taux d'emploi élevé et un niveau de vie élevé et en progression4". Par ailleurs, l'importance de la compétitivité globale est soulignée dans les rapports sur la compétitivité européenne publiés régulièrement par la Commission européenne depuis 19945.

1.4 Dans le cas de l'entreprise, la compétitivité réside dans sa capacité à satisfaire, de manière

durable, les besoins de ses clients, de manière plus efficace que ses concurrents, en leur offrant les biens et les services les plus intéressants du point de vue du prix ainsi que d'autres facteurs6. La compétitivité organisationnelle peut être définie comme la capacité d'une organisation à produire des biens et des services de qualité, reconnus en tant que tels et acceptés sur le marché global7, tout en répondant à la règle des trois "E": efficience, efficacité et effectivité. Efficience de la gestion des ressources, efficacité dans la réalisation des objectifs et effectivité éprouvée de la capacité à agir sur l'environnement.

1.5 Le facteur humain est un élément fondamental de la compétitivité des entreprises. En ce sens,

il importe de le motiver et de lui offrir des possibilités de formation et de promotion de même que sa contribution dans le cadre d'un dialogue social est importante.

1.6 Aujourd'hui, les entreprises sont soumises à un environnement en évolution permanente. Des

marchés de plus en plus ouverts, des infrastructures et des moyens de communication et de transport développés, des technologies et des applications technologiques faisant l'objet d'un processus constant d'innovation et une concurrence qui ne cesse de croître constituent le cadre dans lequel les entreprises ont à développer leurs activités au quotidien.

1.7 Le 1er mai 2004 a marqué un tournant dans l'histoire de l'Union européenne avec l'adhésion

de dix nouveaux États membres. Comme cela a été dit dans l'avis du Comité sur l'élargissement8, "L'élargissement du marché intérieur apportera de nombreux avantages sur le plan économique et renforcera la compétitivité de l'Europe dans l'économie mondiale, si l'on réussit à exploiter le potentiel disponible". Il convient cependant de noter que les structures économiques de ces pays n'ont pas encore atteint les normes de l'UE à 15. Selon le rapport 2003 sur la compétitivité européenne, les 10 PECO9 disposent d'un avantage dans les industries à haute intensité de main-d'œuvre, de ressources et d'énergie mais souffrent de

3

Voir avis du CESE du 19 mars 1997 intitulé "L'emploi, la compétitivité et la mondialisation de l'économie" (CESE 325-1997).

4 COM(2002) 714 final. Voir avis du CESE du 17 juillet 2003 sur ce thème (rapporteur: M. SIMPSON; CESE 935/2003).

5 Voir le septième de ces rapports publié en 2003 (SEC(2003) 1299).

6 Voir avis du CESE cité dans la note en bas de page n°2.

7 John M. IVANCEVICH, "Management: Quality and Competitiveness" (1996).

8 Voir avis du CESE, du 12 décembre 2002, sur l’élargissement (CESE 1371/2002 (rapporteuse: Mme BELABED) (Groupe II –

Autriche). 9

On entend par PECO les 10 pays suivants d'Europe centrale et orientale: République tchèque, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Slovaquie et Slovénie, ainsi que Bulgarie et Roumanie.

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désavantages comparatifs pour ce qui est des secteurs qui ont besoin, principalement, de beaucoup de capital ou de technologie. Les 10 PECO possèdent donc des avantages compétitifs pour les biens primaires (en amont) et les biens de consommation (en aval), alors qu'ils affichent des handicaps pour les biens intermédiaires et les biens de capital.

1.8 Un marché intérieur de près de 445 millions d'habitants, où les entreprises opèrent au sein

d'un cadre unique, capable de garantir des conditions macro-économiques stables dans un environnement marqué par la paix, la stabilité et la sécurité, constitue le premier avantage de l'élargissement du 1er mai 2004. Dans ce sens, s'il est vrai qu'après l'élargissement la population de l'UE a augmenté de 20% et le PIB de 5%, le coût horaire de la main-d'œuvre et la productivité ont baissé en moyenne dans l'ensemble de l'Europe des 25.

1.9 L'élargissement de l'Union ne devrait cependant pas être perçu comme une menace en soi

pour les "anciens" membres de l'UE. Les élargissements antérieurs de l'Union ont induit une amélioration du PIB et du niveau de vie des nouveaux États membres, comme en témoigne l'exemple de l'Irlande10, de l'Espagne11 ou du Portugal12, qui ont vu leur PIB augmenter à la suite de leur adhésion. En outre, il ne faut pas oublier que depuis le 1er mai 2004, l'avenir de l'UE est désormais lié à celui de ses 25 États membres.

1.10 Par ailleurs, l'élargissement permet aux entreprises européennes de profiter des avantages

offerts par les nouveaux partenaires de l'UE non seulement en termes de coût ou d'éducation mais également en termes de proximité géographique et de similitudes culturelles et linguistiques par rapport à d'autres zones de localisation possibles.

1.11 Le phénomène de délocalisation constitue un véritable défi pour la société européenne et peut

d'un point de vue théorique être envisagé dans une double perspective: d'une part, la délocalisation d'entreprises vers d'autres États membres, à la recherche de conditions plus favorables, et d'autre part, la délocalisation vers des pays qui ne sont pas membres de l'UE, comme ceux du sud-est asiatique13 ou ceux qui ont des économies émergentes14, parmi lesquels la Chine a une importance particulière. Dans ce second cas, ce phénomène est partiellement motivé par des conditions favorables de production et surtout par la possibilité de pénétrer de nouveaux marchés très importants présentant un énorme potentiel de croissance.

10

Le PIB est passé de 63,3 % de la moyenne communautaire (UE15) en 1970 à 123,4 % de la moyenne communautaire en 2004. Source: Annexe statistique de l'économie européenne – Printemps 2005 (ECFIN/REP/50886/2005).

11 Le PIB est passé de 71,9 % de la moyenne communautaire en 1986 à 89,7 % de la moyenne communautaire en 2004. Source:

Annexe statistique de l'économie européenne – Printemps 2005 (ECFIN/REP/50886/2005).

12 Le PIB est passé de 55,8 % de la moyenne communautaire en 1986 à 67,4 % de la moyenne communautaire en 2004. Source:

Annexe statistique de l'économie européenne – Printemps 2005 (ECFIN/REP/50886/2005).

13 Brunei DARUSSALAM, Birmanie/Myanmar, Cambodge, Indonésie, Laos, Philippines, Singapour, Thaïlande, Vietnam, Timor

oriental (source: Commission européenne). 14

L’on entend par "économie émergente" toute économie avec un revenu par habitant moyen ou faible, qui se caractérise par le fait qu’elle connaît un processus de transition d’une économie fermée vers une économie de marché, ce qui implique de mener à bien une série de réformes structurelles à caractère économique, et par le fait qu’elle reçoit beaucoup d’investissements étrangers (Antoine W. AGTMAEL; Banque mondiale, 1981) exemples d’économies émergentes: Chine, Inde, Brésil et Mexique

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1.12 Le phénomène de la délocalisation pourrait entraîner, outre la perte directe d'emplois, d'autres problèmes, notamment une augmentation des charges sociales pour les États concernés, une aggravation de l'exclusion sociale et une croissance plus faible de l'économie dans son ensemble, notamment en raison d'une diminution globale de la demande. En outre, il convient de noter que, dans le meilleur des cas, la délocalisation de la production industrielle peut contribuer au renforcement des droits sociaux dans les pays où a lieu l'investissement, et implique nécessairement le transfert du savoir-faire. Par conséquent, la délocalisation peut avoir un effet important de nivellement des avantages comparatifs respectifs, décrits au paragraphe 1.7 ci-dessus, et d'accroissement ultérieur de la compétitivité des entreprises délocalisées.

1.13 Malgré les effets évoqués précédemment, la Commission européenne elle-même reconnaît,

dans sa communication intitulée "Restructuration et emploi", du 31 mars 200515 que les restructurations ne doivent pas être synonyme de reculs sociaux et de perte de substance économique. Elle y note en outre que les opérations de restructuration sont fréquemment indispensables à la survie et au développement des entreprises, mais qu'il est nécessaire d'accompagner ces évolutions de telle manière que leurs effets sur l'emploi et les conditions de travail soient aussi transitoires et limités que possible.

1.14 À l'heure actuelle, les investissements dans d'autres pays ne sont plus l'affaire des seules

grandes entreprises. Les petites et moyennes entreprises, et en particulier de celles présentant une forte valeur technologique ajoutée, sont déjà elles aussi en train de s'implanter dans d'autres pays ou d'externaliser une partie de leur activité.

1.15 La création de processus technologiques plus avancés dans les pays à coûts élevés est, d'une

part, l'un des facteurs qui freinent le processus de délocalisation des entreprises, entraînant la création de nouveaux secteurs d'activité et augmentant les qualifications du personnel et le savoir-faire des entreprises. Par ailleurs, les économies émergentes et les pays du sud-est asiatique présentent des marchés dotés d'un fort potentiel qui bénéficient, entre autres, de régimes fiscaux et de prix de l'énergie entre autres, qui sont souvent plus intéressants que dans l'UE. De plus les coûts de main-d'œuvre sont bien moins élevés que dans l'UE, entre autres raisons parce que les droits sociaux sont moins développés, voire dans certains cas inexistants au regard des normes fondamentales de l'Organisation internationale du Travail (OIT), et le coût de la vie est moins élevé. Cela permet aux entreprises délocalisées dans ces pays de présenter sur le marché mondial des produits moins chers. De même, ces pays favorisent les investissements étrangers, en ayant parfois recours à des zones franches dans lesquelles le droit du travail et les conditions sociales sont pires que dans d'autres parties du pays, parce qu'ils sont conscients que de telles mesures constitueront une source importante de revenus pour leur économie. Pour cette raison, les entreprises qui envisagent de déplacer la partie de leur activité qui génère une moindre valeur ajoutée vers ces zones sont de plus en plus nombreuses, cette délocalisation entraînant souvent la création d'emploi peu qualifié et mal rémunérés.

15

COM (2005) 120 final.

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1.16 Le décollage économique des pays à économies émergentes et des pays du sud-est asiatique se mesure à l'aune de la multiplication des investissements étrangers directs (IED) dans ces zones et à l'intensification simultanée des échanges commerciaux entre l'UE et ces régions. Même si les chiffres montrent que l'Europe est parvenue à conserver une part importante de l'IED entrant, les flux globaux ont été réorientés et se dirigent de plus en plus vers l'Asie.

1.17 Les chiffres confirment donc le nouveau cap que prend actuellement le commerce extérieur de

l'Union européenne, dès lors que même si les États-Unis restent de loin le principal partenaire commercial, l'on peut constater qu'ils ont tendance à perdre de leur importance par rapport à d'autres pays tels que la Chine16.

1.18 Avant de poursuivre, il convient de tenter de définir les concepts de délocalisation et de

désindustrialisation.

• Délocalisation: phénomène correspondant à la cessation, partielle ou totale, d'une activité suivie de sa réouverture à l'étranger à travers un investissement direct. Dans l'Union européenne, on pourrait distinguer deux types de délocalisations:

a) interne: transfert, total ou partiel, de l'activité vers d'autres États membres; b) externe: transfert, total ou partiel, de l'activité vers des pays qui ne sont pas

membres de l'Union européenne.

• Désindustrialisation: A propos de ce processus, il convient d'opérer une distinction entre:

a) désindustrialisation absolue: entraînant baisse de l'emploi, de la production, de

la rentabilité, du stock de capital de l'industrie ainsi que des exportations de biens industriels avec apparition de déficits commerciaux pour ceux-ci;

b) désindustrialisation relative: baisse de la part de l'industrie dans l'économie, qui reflète un changement structurel dans la relation entre les résultats de l'industrie et le secteur des services17.

16

S'agissant du commerce extérieur de l'UE, les données publiés par Eurostat le 22 février 2005, correspondant à la période janvier novembre 2004, indiquent, pour la période étudiée, une augmentation notable des importations provenant de Chine (21%), de Russie, de Turquie et de Corée du sud (18% pour chacun de ces pays) tandis que la seule diminution constatée concerne les importations des États Unis (-14%). Pour ce qui est des exportations de l’UE, les augmentations constatées concernent celles à destination de la Turquie (30%), de la Russie (22%), de la Chine (17%) et de Taïwan (16%). Ainsi, l’on peut voir comment, au cours de la période étudiée, le commerce de l’UE à 25 s’est caractérisé par une augmentation du déficit commercial avec la Chine, la Russie et la Norvège et de l’excédent avec les États Unis, la Suisse et la Turquie.

17 À cet égard, v. l'étude "L'importance d'une industrie compétitive pour le développement du secteur des services", Brême,

décembre 2003.

Les messages clés de cette étude sont les suivants: • une baisse de la part du secteur manufacturier dans le PIB ne signifie pas une baisse de son importance; • les liens entre le secteur manufacturier et celui des services s'intensifient; • les services liés aux entreprises, qui connaissent une croissance dynamique, dépendent fortement de la demande du secteur

industriel; • l'industrie est un fournisseur essentiel de technologies liées aux innovations en matière de produits et processus dans le

secteur des services.

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Outre les délocalisations interne et externe, il nous faut également mentionner un phénomène qui a été mis en lumière par l'actualité récente dans quelques sites de production: la délocalisation inversée. Celle-ci se produit lorsque l'employeur pousse ses employés à accepter une détérioration de leurs conditions de travail sous peine de délocalisation. Ce phénomène est particulièrement pernicieux parce qu'il repose sur une mise en concurrence des travailleurs et en raison de l'effet "tâche d'huile" qu'il peut créer.

2. Tenants et aboutissants 2.1 Pour tempérer les effets négatifs de la délocalisation, il faut bien évidemment adopter des

mesures à caractère économique et social qui favorisent la création de richesse, de bien-être et d'emploi. En ce sens, il y a lieu d'accorder une attention particulière aux petites et moyennes entreprises en raison de leur importance en termes de contribution à l'emploi dans l'UE ainsi qu'aux entreprises d’économie sociale — petites, moyennes et grandes entreprises — en raison de leur tendance ininterrompue à créer de l’emploi et, qui plus est, vu leurs statuts, des emplois en principe plus difficiles à délocaliser. Dans ce contexte, le Comité soutient la Commission européenne et plus particulièrement sa proposition de décision visant à établir un programme cadre pour l'innovation et la compétitivité (PIC)18, dans laquelle elle propose de créer trois sous-programmes destinés à fournir un cadre commun pour stimuler la productivité, la capacité d'innovation et la croissance durable. Le premier de ces sous-programmes, intitulé "Programme pour l'innovation et l'esprit d'entreprise", vise à soutenir, améliorer et encourager notamment l'accès au financement pour le lancement et le développement des petites et moyennes entreprises ainsi que l'innovation sectorielle, les clusters (systèmes productifs locaux) et les actions relatives à l'esprit d'entreprise et à la création d'un environnement favorable à la coopération des PME. Afin de stimuler la création de clusters au niveau régional, il est fondamental que les multinationales décident de ne pas délocaliser leurs activités, ce qui contribuerait au développement des PME dans leur zone d'influence.

2.2 Il faut également tenir compte des risques indirects en termes de salaires et de conditions de

travail que peut comporter la délocalisation. Les partenaires sociaux devraient, à travers les processus de négociation collective et la création et l’utilisation optimisée des comités d’entreprise européens partout où ils sont de droit, minimiser ces risques et assurer l'avenir de l'entreprise et des conditions de travail de qualité.

2.3 L'UE-15 a toujours connu des disparités régionales en termes de revenus, d'emploi et de

productivité, lesquelles reflètent des différences de niveau d'endettement, d'avantages fiscaux

18

COM(2005)121 final du 6 avril 2005, "Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité (2007/2013).

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- 19 -

et d'attitude à l'égard de l'innovation. Après l'élargissement du 1er mai 2004, cette diversité régionale s'est considérablement accrue19.

2.4 Au niveau régional, les conséquences de la délocalisation des entreprises peuvent être

dramatiques, en particulier lorsque les régions se sont spécialisées dans un secteur particulier d'activités. C'est pourquoi une délocalisation en masse d'entreprises d'un secteur particulier peut avoir un impact fort et, entre autres, faire chuter le taux d'emploi, diminuer sensiblement la demande, réduire la croissance économique et accroître l'exclusion sociale. Afin d'éviter cela, la Commission européenne, dans son troisième rapport sur la cohésion20, souligne l'importance de concentrer ses efforts sur la cohésion en tant que facteur d'accroissement de l'efficacité économique et de la compétitivité de l'économie européenne, ce qui suppose une mobilisation de toutes les ressources et de toutes les régions21.

2.5 Il est essentiel de faire un effort en faveur de la qualification de la main-d'œuvre, de

l'augmentation de l'investissement dans l'innovation et du développement d'incitations en vue de promouvoir l'esprit d'entreprise à l'intérieur de l'Union européenne.

2.6 Selon les données de l'Observatoire européen du changement (Dublin), certains secteurs se

trouveront plus affectés que d'autres par la délocalisation22. La position des entreprises face à la délocalisation dépend également de leur degré d'indépendance, en fonction de leur structure et de leur technologie. Les catégories les plus faibles seront celles des entreprises filiales de multinationales dont le siège est à l'étranger et celles des entreprises qui ne sont pas propriétaires de la technologie de leurs produits ou de leurs procédés.

2.7 Les résultats insuffisants de l'Europe en termes de recherche et d'innovation sont

préoccupants, vu que les délocalisations ne semblent plus limitées aux secteurs nécessitant une main-d'œuvre importante. On observe de plus en plus de délocalisations dans des secteurs intermédiaires, voire dans certains secteurs de haute technologie, où des tendances existent à la délocalisation d'activités telles que la recherche et les services, la Chine et l'Inde étant les principaux bénéficiaires de ces développements/transferts.

19

Selon les données d'Eurostat du 7 avril 2005, le PIB par habitant de l'Union européenne (UE-25) se situait en 2002 entre 32 % de la moyenne de l'UE-25 (région de Lubelskie, Pologne) et 31,5 % (région du centre de Londres, Royaume-Uni). Des 37 régions dont le PIB par habitant était supérieur à 125 % de la moyenne européenne, 7 se trouvaient au Royaume-Uni et en Italie, 6 en Allemagne, 4 au Pays Bas, 3 en Autriche, 2 en Belgique et en Finlande et enfin, 1 en République tchèque, en Espagne, en France, en Irlande, en Suède et au Luxembourg. Parmi les nouveaux États membres, la seule région dont le PIB par habitant dépassait 125 % de la moyenne communautaire était Prague en République tchèque (153 %). Par ailleurs, des 64 régions dont le PIB par habitant était inférieur à 75 % de la moyenne communautaire, 16 se trouvaient en Pologne, 7 en République tchèque, 6 en Hongrie et en Allemagne, 5 en Grèce, 4 en France, en Italie et au Portugal, 3 en Slovaquie et en Espagne, et en fin, 1 en Belgique, au Royaume-Uni, en Estonie, en Lettonie, en Lituanie et à Malte.

20 COM(2004) 107, 18 février 2004. V. avis CESE y afférent (ECO/129).

21 Le Comité vient d'élaborer un avis d'initiative sur le thème "Mutations industrielles et cohésion économique, sociale et

territoriale" (CESE 959/2004, du 30 juin 2004, rapporteur: M. LEIRIÃO (GROUPE III-ORTUGAL), corapporteur: M. CUE (catégorie 2 de la CCMI-Belgique.

22 Selon l'Observatoire européen du changement (www.emcc.eurofound.eu.int), les secteurs les plus touchés par les délocalisations

depuis 2000 sont ceux de la métallurgie, des télécommunications, de l'automobile, de l'électricité, du textile, de l'alimentation et de l'industrie chimique.

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- 20 -

2.8 De même, certaines entreprises relocalisent la production dans le pays d'origine parce que l'UE offre de bonnes conditions pour la production de biens et de services sophistiqués. Même si la délocalisation de la production vers les pays à bas salaires se poursuit, il convient d'œuvrer au maintien et à la création de conditions favorables à la production favorables à la production de biens et de services sophistiqués, afin d'attirer une production à haute valeur ajoutée.

2.9 Les États-Unis constituent la première économie mondiale et le principal partenaire

commercial de l'UE. Durant les années quatre-vingt-dix, une série de mutations ont débouché sur l'émergence de la "nouvelle économie" dans différents pays, et plus particulièrement aux États-Unis. Le développement rapide des technologies de l'information et de la communication (TIC) ainsi que leur application au sein des entreprises ont entraîné dans ces pays une augmentation du taux de croissance du PIB et une forte baisse du taux de chômage. Ainsi, la révolution qui a touché le monde des télécommunications a donc eu des effets sur la société et l'économie dans son ensemble.

2.10 Même s'il est très important de favoriser la recherche afin de ralentir le processus des

délocalisations, qui constitue déjà pour certaines régions d'Europe une question préoccupante, c'est l'application des résultats de la recherche qui est la question décisive. En effet, c'est la mise en œuvre des résultats de la recherche scientifique et technologique qui génère un véritable développement économique et une croissance tangible. En d'autres termes, le facteur clé n'est pas la technologie elle-même, mais l'usage qu'on en fait, c'est-à-dire l'innovation.

2.11 Il faut toutefois se rendre compte que l'innovation n'empêchera pas à elle seule la

délocalisation d'activités industrielles traditionnelles qui sont transférées ailleurs parce qu'elles ne sont pas compétitives. En revanche, l'innovation contribue certainement à faciliter la substitution des activités délocalisées par des produits, des processus ou des services alternatifs dans les zones concernées.

2.12 Une économie fondée sur l'intégration du progrès technologique dans les procédés de

production fournit une vaste gamme de nouveaux produits et procédés à valeur ajoutée élevée, tant en termes de production que de consommation. Dans ce contexte, les pays qui ont rejoint l'UE le 1er mai 2004 doivent être considérés comme une source d'opportunités. En effet, avec l'aide d'une politique industrielle adéquate, les entreprises européennes pourront concevoir une nouvelle stratégie à l'échelle continentale et tirer tout le parti possible des opportunités offertes par cet élargissement.

2.13 Une entreprise se délocalise lorsqu'elle déplace la totalité ou une partie de ses activités d'un

lieu vers un autre. Tout comme les personnes, les entreprises abandonnent leur lieu d'origine dans un seul but: l'amélioration. Dans des zones économiques extrêmement développées dont les marchés sont partiellement saturés, le potentiel de croissance des économies nationales sur leur propre marché atteint progressivement ses limites naturelles. Par conséquent, des secteurs entiers de l'industrie doivent rechercher de futurs débouchés dans d'autres zones économiques. En outre, à l'heure de la globalisation, les entreprises se trouvent confrontées à

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une concurrence acharnée tant au niveau national qu'au niveau international. En ce sens, la compétitivité des entreprises ne dépend pas uniquement de la qualité de leurs produits ou services et de leurs fournisseurs, mais également des prix, des mouvements des devises et de la possibilité de pouvoir compter sur des marchés mondiaux ouverts et compétitifs dont les règles seraient respectées par tous.

2.14 Le choix du lieu d'implantation est une question stratégique pour les entreprises, qui les

contraint à tenir compte de nombreux éléments de nature très variée. Les entreprises prennent leur décision en se basant, entre autres facteurs, sur un niveau d'instruction élevé et adapté aux besoins, une bonne qualité des services publics, des coûts modérés, la stabilité politique, l'existence d'institutions qui suscitent un minimum de confiance, la proximité de nouveaux marchés et de ressources productives et une fiscalité raisonnable. La position des entreprises face à la délocalisation dépend également des coûts des infrastructures et des coûts de transaction ainsi que de leur degré d'indépendance, en fonction de leur structure et de leur technologie et de l'efficacité de l'administration publique. Le coût de la main-d'œuvre n'est donc pas le seul facteur à intervenir dans les décisions pour ou contre une délocalisation, et doit par ailleurs être pondéré en fonction de la productivité, dans la mesure où le rapport productivité/coût est capital en matière de compétitivité.

2.15 Les coûts relatifs à l'activité dépendent fortement des conditions nationales ou régionales. Le

pays d'accueil des investissements doit disposer d'un niveau minimum en termes d'infrastructures, de niveau d'éducation au sein de la population et de sécurité. La prise de risque par les entreprises se fonde sur le modèle suivant: d'abord la stabilité, ensuite la confiance et puis l'investissement. Les événements générateurs d'instabilité ou pour le moins d'incertitude quant à l'avenir pour les investisseurs jouent un rôle indiscutable. Les responsables politiques doivent être pleinement conscients de l'importance d'attirer des investissements qui créent de l'emploi de qualité, facilitent le développement technologique et renforcent la croissance économique. Par ailleurs, l'on devrait, dans le cadre des décisions relatives à l'aide au développement, tenir davantage compte de l'amélioration des droits civils et sociaux dans les pays destinataires de celle-ci. Les entreprises doivent contribuer à cet objectif en appliquant les principes de la responsabilité sociale23.

2.16 Les partenaires sociaux ont une responsabilité particulière dans la création de règles stables

sur le marché du travail. Les conventions collectives permettent de garantir des conditions de concurrence égales pour toutes les entreprises, ce qui conduit à une croissance élevée et offre une sécurité et des possibilités de développement tant aux salariés qu'aux entreprises.

2.17 D'autres éléments jouent également un rôle prépondérant. D'une part, la nature et la portée

des produits et des services nécessitent dans de nombreux cas que les biens soient produits et les services fournis dans les marchés cibles ou près de ceux-ci. D'autre part, il est souvent nécessaire pour les entreprises, en particulier les entreprises de fourniture, de suivre leurs

23

Le Comité économique et social européen, dans son avis sur "la responsabilité sociale des entreprises" (Livre vert) reconnaît que "le volontariat est un principe essentiel de la responsabilité sociale des entreprises" (CES 355/2002). Rapporteuse: Mme HORNUNG-DRAUS (Groupe I - Allemagne). Co-rapporteuse: Mme ENGELEN-KEFER (Groupe II – Allemagne) et Mme. HOFFELT (Groupe III – Belgique).

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clients là où ceux-ci décident de s'implanter. Enfin, dans de nombreux cas, il n'est pas possible de conquérir de nouveaux marchés sans que les produits et services fournis par les entreprises concernées n'incluent un certain degré de valeur ajoutée d'origine locale.

2.18 Enfin, il ne faut pas oublier que dans la mesure où les consommateurs attachent une grande

importance aux prix, et où la demande des consommateurs influence également l'offre, les distributeurs sont l'objet d'une pression considérable pour que les prix soient baissés. Déterminés à offrir des prix bas au consommateur, les grands distributeurs exercent une pression sur leurs fournisseurs pour que ceux-ci baissent les prix. Dans un tel contexte, il est normal que les fournisseurs, surtout les plus petits, ne disposent pas des ressources financières nécessaires pour satisfaire les exigences de la grande distribution24.

2.19 Compte tenu des différentiels existant entre, d'une part, les économies des États membres de

UE et, d'autre part, entre celle de l'UE dans son ensemble et celles des pays asiatiques certains facteurs favorisent la délocalisation d'entreprises:

• approvisionnements moins chers; • avantages fiscaux; • accès à de nouveaux marchés; • technologie; • coût de la main-d'œuvre moins élevé.

2.20 Les déplacements d'entreprises, surtout en dehors de l'UE, pourraient entraîner plusieurs

difficultés telles que: • Perte de compétitivité: les entreprises qui resteront dans l'UE seraient contraintes de faire

face à des coûts plus élevés que leurs concurrents. Cela se traduira probablement par une perte de part de marché dans le commerce mondial et par conséquent, deviendra un facteur très négatif pour la réalisation des objectifs de Lisbonne (croissance économique durable avec des emplois plus nombreux et de meilleure qualité ainsi qu'une cohésion sociale accrue, sans oublier le respect de l'environnement.

• Moindre génération de savoir-faire: Les entreprises européennes, forcées de faire

concurrence à d'autres dont les coûts sont moins élevés, pourraient éventuellement être contraintes d'investir de moins en moins dans la recherche; Cela déboucherait sur une perte de capacité d'innovation, un facteur pourtant fondamental pour garder sa place sur le marché actuel;

• Pertes d'emplois et détérioration des perspectives sur le marché de l'emploi pour une

partie sans cesse grandissante des actifs dans les régions et secteurs concernés: cela accroîtra l'exclusion sociale, et l'État devra consacrer davantage de ressources aux dépenses accrues de prestations sociales qui en découleront; les catégories de travailleurs les plus

24

Voir avis du CESE 381/2005, "La grande distribution – tendances et conséquences pour les agriculteurs et les consommateurs", rapporteur: M.ALLEN (groupe III – Irlande).

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pénalisées seront celles des entreprises filiales de multinationales où le siège est à l'étranger et celles des entreprises qui ne sont pas propriétaires de la technologie de leurs produits ou de leurs procédés.

• Croissance ralentie de l'économie: provoquée, en partie, par la contraction de la demande

intérieure, conséquence de l'impact sur la population de la modération salariale, de la perte d'emplois et de la dégradation des opportunités sur le marché du travail.

3. Conclusions 3.1 En réponse aux préoccupations exprimées par le Conseil européen25 et consciente de

l'inquiétude que suscite le risque de désindustrialisation et la façon dont nous pouvons anticiper et affronter les mutations structurelles que subit l'industrie européenne, la Commission européenne a adopté, le 20 avril 2004, la communication intitulée "Accompagner les mutations structurelles: Une politique industrielle pour une Europe élargie26" dans laquelle elle ébauche les grandes lignes d'une politique industrielle pour une Union européenne élargie. Le Comité traite spécifiquement de cette communication dans un avis distinct dans lequel il accueille avec satisfaction27 l'initiative mentionnée de la Commission.

3.2 Dans ce document, la Commission européenne signale que, malgré l'augmentation de la production dans la majorité des secteurs et l'absence de preuves d'un processus généralisé de désindustrialisation, l'Europe passe par une phase de restructuration qui implique un transfert des ressources et des emplois vers des activités à fort contenu en connaissance. À cet égard, la Commission signale que tous les États membres ont vu baisser le nombre d'emplois dans le secteur industriel entre 1955 et 1998.

3.3 Par ailleurs, la Commission signale que l'élargissement offre aux industries de multiples possibilités et, dans certains cas, peut contribuer à maintenir au sein de l'UE une production qui aurait été délocalisée en Asie. Afin d'anticiper les changements et de garantir la poursuite des politiques nécessaires pour y faire face, la Commission demande que soient prises en considération, dans le cadre des nouvelles perspectives financières jusqu'en 2013, les actions suivantes:

i L'amélioration de l'environnement réglementaire des entreprises au niveau national et communautaire, ce qui ne signifie pas nécessairement une diminution du nombre de réglementations, mais plutôt des réglementations claires appliquées de manière uniforme dans l'ensemble de l'UE.

25

Conseil européen tenu en octobre 2003 sous la présidence italienne.

26 COM(2004) 274 final, 20 avril 2004.

27 CESE 1640/2004 (rapporteur: M. VAN IERSEL (Groupe I Pays-Bas), corapporteur: M. LEGELIUS (Catégorie I de la

CCMI Suède).

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ii Une mobilisation accrue au niveau politique de l'ensemble de l'UE afin d'encourager la compétitivité, en particulier dans des domaines tels que la recherche, la formation, les règles de concurrence et les aides régionales.

iii La prise de décisions dans des secteurs précis afin d'élaborer des réponses politiques

qui satisfassent les besoins spécifiques, montent dans la chaîne de valeur, anticipent les mutations structurelles et les accompagnent.

3.4 Il ne fait aucun doute que l'industrie joue un rôle prépondérant dans l'économie. Dès lors, un secteur industriel en bonne santé et dynamique peut relancer l'économie dans son ensemble, tandis qu'une industrie peu compétitive et une production industrielle stagnante peuvent être à l'origine d'une anémie généralisée de l'activité économique. Celle-ci juge en effet fondamental de mettre en œuvre une politique industrielle28 favorable à la création et à la croissance d'entreprises qui, au sein de l'Union, investissent massivement dans l'innovation et le développement plutôt que de renforcer leur compétitivité en baissant leurs coûts. Ce n'est qu'en tirant parti des avantages qu'offre l'Europe (qualité des infrastructures de la société de l'information, investissement considérable dans la recherche et les nouvelles technologies et mise en œuvre appropriée des applications dans le monde des entreprises, amélioration de l'éducation et de la formation continue des travailleurs et dialogue social) et de tous les avantages liés au Marché intérieur que l'on parviendra à maintenir et à renforcer la compétitivité de l'industrie européenne. Il sera de la sorte possible de soutenir la croissance économique, le plein-emploi et le développement durable.

3.5 Pour accroître et soutenir la compétitivité des entreprises de l'UE, le Comité appelle au

renforcement de la protection des droits de propriété intellectuelle et à leur application dans les pays tiers.

3.6 Il est nécessaire de promouvoir un modèle de production tenant compte de facteurs autres

que le prix des biens produits. Il y a lieu de souligner que la compétitivité ne se mesure pas uniquement en termes de coûts ou d'avantages fiscaux mais également en termes de capital humain, dans la mesure où les personnes apportent une contribution fondamentale à la capacité compétitive des entreprises. Les activités de recherche et de développement des nouvelles technologies permettant de réduire les coûts de production et d'améliorer la capacité de production s'avèrent certes fondamentales, mais il ne faut toutefois pas oublier que la véritable valeur ajoutée de ces progrès réside précisément dans leur application. Par conséquent, il est primordial d'une part de disposer des connaissances nécessaires pour une mise en œuvre appropriée des processus afin de développer le vaste potentiel d'amélioration qu'ils offrent, et d'autre part d'encourager les entreprises à rechercher de nouvelles applications pour les technologies existantes, c'est-à-dire de renforcer l'esprit d'innovation. Il est évident que tant les chefs d'entreprise que les travailleurs ont un rôle capital à jouer à ce

28

La nécessité d’une politique industrielle active a été reconnue par le Conseil européen lors du sommet de printemps 2005, tenu à Bruxelles, les 22 et 23 mars 2005.

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niveau. Par conséquent, il ne s'agit pas d'autre chose que d'encourager les entreprises européennes à considérer le capital humain comme le fondement principal de leur valeur ajoutée et de leurs avantages compétitifs. Il importe par conséquent de prendre à la fois des mesures de formation continue des travailleurs et de relance des investissements dans l'innovation et la recherche, autre aspect pour lequel les partenaires sociaux européens ont un rôle majeur à jouer à travers leur programme de travail commun29.

3.7 Toutefois, certaines mesures ne sont pertinentes que dans le cas de délocalisation à l'intérieur de l'UE.

3.7.1 L'élargissement de l'Union et l'extension du marché intérieur qui en résultera interdisent

d'envisager toute restriction en matière de délocalisation d'entreprises d'Europe occidentale vers l'Europe centrale et orientale. Cela étant, il y a lieu de réfléchir à l'introduction dans les critères d'éligibilité de l'Union européenne de mécanismes garantissant que seules peuvent bénéficier d'un soutien les entreprises qui lancent une nouvelle activité ou un nouveau créneau commercial et non celles qui se limitent à déplacer des productions ou des services existants au sein de l'Union. Il convient dès lors d'encourager toute tentative susceptible de combler le plus rapidement possible l'énorme fossé existant entre l'Est et l'Ouest en ce qui concerne les conditions de production en général et les coûts de production en particulier.

3.7.2 La conclusion la plus importante à tirer est qu'il doit y avoir un processus continu

d'amélioration de la compétitivité en Europe. Ce processus, qui est en accord avec la stratégie de Lisbonne, doit être conduit par les entreprises (développement de produits meilleurs, création de modèles d'entrepreunariat novateurs, processus de production plus efficaces, etc.) et facilité par une législation plus adaptée au niveau européen et national.

3.7.3 Il conviendrait de renforcer les aides à l'investissement dans le capital humain et les autres

infrastructures. L'Union européenne a besoin d'une base industrielle forte, innovante et à la pointe de la technologie. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire de connaître de manière approfondie la situation actuelle dans tous les secteurs économiques, tant au niveau régional que national, de façon à tirer un profit maximum des avantages spécifiques offerts au niveau local.

3.7.3.1 Si l'on veut contribuer au maintien des entreprises sur les lieux d'implantation d'origine, les

mesures d'incitation régionales doivent augmenter en matière de formation. Il faudrait également promouvoir d'autres initiatives comme les échanges avec les universités dans le domaine de la recherche ou de la participation des autorités locales au développement de clusters régionaux destinés au soutien des entreprises30.

29

Voir la Déclaration commune portant sur la révision à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne, présentée lors du Sommet social tripartie du 22 mars 2005.

30 Le programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité (COM(2005) 121 final du 6 avril 2005), mentionné ci-dessus

(paragraphe 2.1), prévoit des actions dans ce sens.

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3.7.3.2 Le Comité soutient la proposition de la Commission de faire passer de 5 à 7 ans la période durant laquelle une entreprise ayant bénéficié d'aides financières doit maintenir l'investissement pour lequel les aides ont été sollicitées31. Cela favoriserait l'enracinement des entreprises qui par ailleurs, se verraient dans l'obligation de restituer l'ensemble des aides perçues au cas où elles ne rempliraient pas cette condition.

3.7.4 Compte tenu de l'importance et de l'intérêt de cette question, Le Comité suivra de près

l'évolution des délocalisations en Europe32. 4. Recommandations 4.1 Comme le signale la Commission européenne dans sa Communication sur les lignes

directrices intégrées pour la croissance et l'emploi (2006-2008)33, l'UE d'une part doit saisir les occasions que lui offre l'ouverture de marchés en forte croissance, notamment en Chine et en Inde, et d'autre part, elle dispose d'un potentiel important pour renforcer ses avantages concurrentiels, et il est essentiel qu'elle agisse avec détermination pour l'exploiter.

4.2 Le Comité estime que pour stimuler le potentiel de croissance et être à même d'affronter les

futurs défis, il est crucial de construire une société de la connaissance, fondée sur des politiques en matière de ressources humaines, d'éducation, de recherche et d'innovation. Par ailleurs, le Comité considère que la croissance durable exige également une dynamique démographique accrue, une meilleure intégration sociale et la pleine exploitation du potentiel que représente la jeunesse européenne, comme l'a reconnu le Conseil européen des 22 et 23 mars 2005 en adoptant le Pacte européen pour la jeunesse.

4.3 Le Comité juge nécessaire le renforcement de la convergence et des synergies entre les

différentes politiques, actions et objectifs internes de l'UE. Cela exige notamment une coordination efficace au sein de la Commission, qui doit également approfondir le dialogue qu'elle mène avec le Parlement européen et le Conseil.

4.4 Le Comité recommande à la Commission d'adopter une approche non seulement horizontale

mais également sectorielle pour la politique industrielle de l'UE, dans la mesure où les recommandations des Groupes de haut niveau pour les secteurs pharmaceutique, du textile et de l'habillement, de la construction navale et de la production automobile ont déjà montré que chacun de ces secteurs rencontre des problèmes spécifiques qui nécessitent une solution particulière et une approche individuelle et qui ne peuvent donc être réglés par une approche horizontale.

31

Voir les propositions de la Commission européenne pour les Fonds structurels.

32 À cet effet, il faudrait notamment tenir compte des analyses quantitatives et qualitatives effectuées par l'Observatoire européen

du changement (Dublin).

33 COM(2005) 141 final du 12 avril 2005.

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4.5 Pour éviter dans la mesure du possible les effets négatifs du phénomène des délocalisations en Europe, il convient de souligner notamment les aspects suivants:

4.5.1 Éducation, formation et qualifications. Le capital humain revêt déjà une très grande

importance pour la compétitivité industrielle, et cette importance ira probablement en augmentant (ce dont témoigne le fait que le manque de main-d'œuvre qualifiée représente la principale limitation au développement des PME). Ces prochaines années, il deviendra manifeste que la disponibilité de main-d'œuvre qualifiée constitue un facteur critique pour la compétitivité internationale à long terme de l'industrie européenne, et dès lors, on attribuera une grande valeur à la formation et à l'immigration dans le cadre de la législation et de la politique commune de l'Union. La politique industrielle européenne doit placer l'éducation, la formation et les qualifications au centre de sa stratégie, en prêtant une attention particulière à la formation continue des travailleurs.

Le capital humain et le savoir-faire sont des avantages compétitifs

4.5.2 Recherche et innovation. Il s'agit de facteurs clés de la compétitivité de l'industrie européenne. L'Europe s'emploie à parvenir à l'objectif consistant à consacrer 3% de son PIB à la recherche et redouble ses efforts pour développer la recherche publique et privée. Dans ce contexte, la création d'un espace européen de recherche est capitale pour doter l'UE des bases nécessaires pour le progrès scientifique et technologique.

Par ailleurs, il est important que la recherche se traduise en avancées en termes d'innovation industrielle et que les investissements privés en faveur des biens d'équipement permettant concrètement le progrès technologique soient multipliés.

L'innovation scientifique et technologique sont d'importants facteurs de différenciation

4.5.3 Politique de concurrence. Même si les interactions entre la politique industrielle et la

politique de concurrence sont de plus en plus nombreuses, elles n'en restent pas moins par trop isolées. Il est nécessaire de les mettre en plus étroite relation. L'application judicieuse des règles de concurrence, en lien direct avec les objectifs de la politique industrielle, contribuera grandement à la croissance et à l'emploi à long terme.

Il faut accroître le contrôle des marchés et que les nouvelles directives ainsi que les modifications apportées aux directives existantes prévoient des conditions de nature à garantir leur application uniforme dans les états membres.

Il est nécessaire d'établir un lien étroit entre politique de concurrence et politique industrielle

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4.5.4 Sensibilisation. Étant donné le rôle joué par le mode de consommation actuel dont le prix est

un élément crucial, il conviendrait de sensibiliser les consommateurs sur les répercussions de ce comportement. Les entreprises peuvent contribuer à la prise de conscience collective à travers les labels sociaux, de qualité, etc.34 On pourrait également imaginer qu'elles renseignent de manière plus précise les consommateurs sur l'origine de leurs produits.

Il conviendrait de sensibiliser les consommateurs sur les répercussions de ce comportement

4.5.5 Secteurs clés. Il faut se doter d'une politique industrielle plus active, en particulier d'un point

de vue sectoriel, et contribuant à la collaboration entre acteurs publics et privés. Dans ce sens, le Comité estime qu'il faudrait tenir compte notamment des analyses quantitatives et qualitatives menées par l'Observatoire européen du changement (Dublin) afin de consolider les bases du débat public sur les délocalisations.

Il est primordial d'accroître la coopération public/privé dans les secteurs clés

pour accélérer le développement.

4.5.6 Réponses aux chocs imprévus. Pour tous les secteurs et conformément à la communication

sur les restructurations et l'emploi35, il convient de se doter d'"instruments financiers communautaires révisés pour une meilleure anticipation et gestion des restructurations", dont les budgets correspondants seraient adaptés en conséquence en prenant en considération l'impact social. Aussi, il est souhaitable que les pouvoirs publics interviennent "en cas de choc imprévus ou dont l'impact régional ou sectoriel serait fort". C'est pourquoi le CESE soutient la constitution d'une "réserve pour imprévus" au sein des Fonds structurels.

L'Union doit se doter d'instruments financiers suffisamment souples

pour faire face à des chocs imprévus

4.5.7 Infrastructures. Il s'avère nécessaire d'améliorer les réseaux de transport, de

télécommunications et d'énergie, tant aux niveaux national et intracommunautaire qu'avec les pays voisins,. Les infrastructures constituent un élément central de la compétitivité, c'est

34

Voir avis du CESE Instruments de mesure et d'information sur la responsabilité sociale des entreprises dans une économie globalisée" (CESE 629/2005; rapporteuse: Mme PICHENOT) adopté le 8 juin 2005.

35 COM(2005) 120 final.

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pourquoi il y a lieu de les mettre à la disposition des entreprises à des coûts compétitifs. Le bon fonctionnement des services publics est attractif et nécessaire au développement des entreprises, particulièrement des PME.

Faciliter les activités des entreprises, par l'investissement en infrastructures,

les encourage à rester en Europe.

4.5.8 Stimuler l'esprit d'entreprise et faciliter les activités des entreprises. Pour garantir

l'avenir de l'industrie européenne, il est primordial de garantir un environnement favorable à la création et au développement de l'activité des entreprises, en accordant une attention particulière aux petites et moyennes entreprises. Il convient d'améliorer l'accès au financement dans les phases initiales et intermédiaires de la trajectoire des entreprises et d'alléger, dans la mesure du possible, les procédures établies pour la création et la gestion des entreprises. De même, il convient d'œuvrer afin de changer les mentalités et d'encourager la prise de risque inhérente à l'entreprise.

Par ailleurs, il importe de prendre en considération la contribution des travailleurs à la réalisation des objectifs de l'entreprise.

Il est impératif de promouvoir la création d'entreprises pour garantir la croissance.

4.5.9 Politiques sociales. Le meilleur moyen d'affronter les préoccupations légitimes concernant

les répercussions négatives de la délocalisation des entreprises consiste à concevoir et à appliquer avec discernement des politiques sociales prônant une attitude positive face au changement, permettant aux travailleurs d'adapter et d'améliorer leurs compétences et favorisant la création d'emplois.

Il est impératif de concevoir et d'appliquer des politiques sociales permettant de minimiser les

éventuels effets négatifs de la délocalisation des entreprises.

4.5.10 Dialogue social. A l'échelle des entreprises, des secteurs d'activité et au niveau

interprofessionnel, la politique industrielle européenne doit être définie et mise en oeuvre avec la contribution des partenaires sociaux, dont les connaissances en tant que premiers acteurs concernés sont fondamentales. Cela requiert que les entreprises fassent clairement connaître leurs intentions suffisamment tôt pour permettre aux autres acteurs concernés d'agir de façon adéquate.

Les partenaires sociaux européens devraient aborder cette question dans le cadre des

restructurations et dans le contexte du nouvel agenda de dialogue social européen, également

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au niveau sectoriel. Dans le cadre du dialogue social, les conventions collectives sont un facteur important pour créer des conditions de concurrence équitables pour les entreprises.

Garantir un équilibre constructif et créateur entre les intérêts des acteurs concernés

est un exercice permanent et continu

4.5.11 Compétitivité et règles du jeu international. Bien que les délocalisations soient un

phénomène lié aux changements structurels, il est inacceptable que les changements soient motivés, même partiellement, par une politique de l'UE trop souple dans la négociation et l'interprétation ultérieure des règles internationales essentielles. Il convient de prendre en considération la dimension sociale de la mondialisation et de créer une interaction constructive entre les politiques de l'UE afin d'encourager la coopération entre l'OMC et l'OIT. En conséquence, l'UE doit agir au sein de ces organismes internationaux dans l'objectif de voir respecter ces normes et, à défaut, de faire appliquer les mécanismes existants avec la plus grande efficacité.

Il est nécessaire de se doter de marchés globaux ouverts et compétitifs

dont les normes seraient respectées par tous. 4.6 L'objectif doit être d'encourager de nouveaux investissements en Europe, d'y maintenir les

investissements actuels et de poursuivre les investissements européens actuels à l'étranger. Bruxelles, le 14 juillet 2005.

La Présidente du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND

Le Secrétaire général du Comité économique et social européen

Patrick VENTURINI

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Bruxelles, le 6 septembre 2006

RAPPORT D'INFORMATION de la Commission consultative des Mutations industrielles

sur le thème "Une étude sectorielle des délocalisations"

_____________

Rapporteur: M. van IERSEL

Corapporteur: M. CALVET CHAMBON _____________

Joost van Iersel Membre CESE Groupe I – NL

Rapporteur

CCMI/030 "Une étude sectorielle des délocalisations"

Enrique Calvet Chambon Délégué CCMI

Catégorie 1 – ES Corapporteur

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Le 14 juillet 2005, le Comité économique et social européen (CESE) a décidé, conformément aux dispositions de l'article 31 de son règlement intérieur, de charger la Commission consultative des Mutations industrielles (CCMI) d'élaborer un rapport d'information sur

"Une étude sectorielle des délocalisations". Les travaux préparatoires ont été effectués par les membres et délégués suivants: Présidente: Mme FUSCO, art. 62 de M. ROSSITO (III-IT) Rapporteur: M. van IERSEL (I-NL) Corapporteur: M. CALVET CHAMBON (Cat. 1-ES) Membres: M. FERNÁNDEZ (Cat. 2-ES)

M. GLORIEUX (Cat. 3-BE) M. LASIAUSKAS (art. 62 LEVAUX) (I-LT) M. NOLLET (II-BE) M. HOSMAN (Cat. 1-NL) M. PÁLENÍK (III-SK) M. PASSLEY (Cat. 3-UK) M. SZEREMENT (Cat. 2-PL) M. ZÖHRER (II-AT)

*

* *

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1. Introduction: le CCMI et les délocalisations d'entreprises 1.1 Le présent rapport d'information s’inscrit dans la lignée directe de l'avis "Portée et effets de

la délocalisation d'entreprises", adopté par le Comité le 14 juillet 20051. 1.2 Selon l'avis, la délocalisation des entreprises, tant des anciens vers les nouveaux États

membres que de l'UE vers d'autres pays (en particulier ceux d'Asie), est un processus inévitable, que l'UE élargie doit suivre et gérer.

1.3 L'avis montre clairement que dans les régions qui connaissent le départ d'entreprises, la

délocalisation peut entraîner des pertes d'emploi et des conséquences connexes telles que l'accroissement des charges sociales, une exclusion sociale plus importante et une croissance économique plus faible.

1.4 L'attention est attirée sur le fait que malgré ces répercussions, la délocalisation n'est pas

nécessairement synonyme de déclin économique et social. Plus exactement, elle est souvent capitale pour la survie et le développement des entreprises. En outre, beaucoup d'entreprises réagissent de manière créative, soit en formant de nouveaux systèmes productifs locaux (clusters) et en étendant leurs activités - c'est en particulier le cas parmi les PME -, soit en adaptant la production et le design.

1.5 Selon l'avis du Comité, le choix du lieu d'implantation des entreprises constitue une question

stratégique qui requiert la prise en considération d'une grande palette d'éléments de nature économique et industrielle. En conclusion, il souligne qu'il faut renforcer certains aspects fondamentaux de la réflexion sur l'industrie et la mise en œuvre d'actions dans ce domaine, si l'on veut éviter davantage de délocalisations indirectes, et il propose une série de mesures pour traiter ce problème.

1.6 Cet avis définit les principaux thèmes généralement liés à la délocalisation et tire des

conclusions. Toutefois, comme le précise l'avis, "certains secteurs se trouveront plus affectés que d'autres par la délocalisation" (paragraphe 2.6). À présent, il n'existe pas de vue d'ensemble de la situation par secteur.

2. Rapport: faits et chiffres 2.1 En complément à l'avis susmentionné, la CCMI présente ici un rapport sur les faits et chiffres

relatifs aux délocalisations. La CCMI tire un certain nombre de conclusions sur les données statistiques, y compris la méthodologie employée et la disponibilité des sources.

1

Le texte intégral de l'avis du Comité (CESE 851/2005) (rapporteur: M. RODRÍGUEZ GARCÍA-CARO, Groupe I, employeurs, Espagne; corapporteur: M. NUSSER, délégué de la CCMI, Allemagne) est consultable à l'adresse suivante:

http://eescopinions.eesc.europa.eu/viewdoc.aspx?doc=\\esppub1\esp_public\ces\ccmi\ccmi014\fr\ces851-2005_ac_fr.doc

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2.2 Le rapport a pour objet de présenter, en utilisant les indicateurs les plus pertinents, une étude des délocalisations des entreprises dans une série de secteurs. Ceux-ci, comme on le constatera clairement à partir de la troisième partie du présent document, ont été sélectionnés en gardant à l'esprit plusieurs critères et plusieurs objectifs, notamment la présentation d'une vue d'ensemble aussi complète que possible. L'étude, disponible sur le site Internet de la CCMI2, examine donc 19 secteurs sélectionnés, en fournissant une étude synoptique des données existantes, statistiques et autres, pour chaque classe d'activité, afin de dresser un tableau précis de l'état de la délocalisation des entreprises dans chaque cas. Cette étude a été effectuée par Reckon LLP, un consultant extérieur dont les travaux ont été suivis de près et guidés par un groupe d'étude de la CCMI.

2.3 Par conséquent, ces quelques pages ont pour objectif de fournir une brève description de

l'approche employée par le consultant en étroite coopération avec le groupe d'étude de la CCMI, d'émettre quelques brefs commentaires sur les principaux résultats présentés dans l'étude, de placer ceux-ci dans leur contexte et, le cas échéant, d'avancer des suggestions.

3. Description de l'approche 3.1 Dans le cadre du suivi de l'avis du CESE du 14 juillet 2005, le consultant a été invité à

rassembler, recouper, systématiser et interpréter toutes les données disponibles sur les délocalisations. Bien que ce travail ait été mené avec minutie, des difficultés sont apparues au cours de cette démarche.

3.2 Il faut reconnaître qu'il n'existe ni définition universellement acceptée des délocalisations, ni

de grille d'analyse unique pour leur mesure, ce qui a des conséquences sur la méthodologie employée.

3.3 Le groupe d'étude a convenu de prendre la définition du Comité3 comme point de départ de

son examen et comme référence pour le choix et l'interprétation des indicateurs. Il a ensuite décidé de faire principalement porter son analyse sur les délocalisations externes ("transfert, total ou partiel, de l'activité vers des pays qui ne sont pas membres de l'Union européenne") pour respecter au mieux l’acquis du marché unique européen, sans toutefois totalement exclure les mentions de cas significatifs de délocalisations internes (entre États membres) quand il est clair que celles-ci sont importantes et potentiellement lourdes de conséquences.

3.4 Il n'est pas possible de fixer clairement les limites entre la délocalisation, la

désindustrialisation, le transfert d'activités à l'étranger (offshoring), l'externalisation, les flux

2

http://eesc.europa.eu/sections/ccmi/docs/index_fr.asp

3 Cf. CESE 851/2005. Au paragraphe 1.18 de cet avis, la "délocalisation" - qui, dans la version anglaise du texte, est utilisée de

manière interchangeable avec le terme "relocation" - est définie comme suit:

"Délocalisation: phénomène correspondant à la cessation, partielle ou totale, d'une activité suivie de sa réouverture à l'étranger à travers un investissement direct. Dans l'Union européenne, on pourrait distinguer deux types de délocalisations:

a) interne: transfert, total ou partiel, de l'activité vers d'autres États membres; b) externe: transfert, total ou partiel, de l'activité vers des pays qui ne sont pas membres de l'Union européenne".

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d'investissements directs étrangers (IDE) et les mutations structurelles en général. Il ne peut donc pas y avoir de système parfait de mesure d'un phénomène qui n'est ni univoque ni nettement défini. Le consultant s'est efforcé d'employer un ensemble pertinent d'indicateurs qui, articulés les uns aux autres, offrent une vue d'ensemble la plus précise possible des processus à l'examen. La CCMI considère qu'il est tout à fait bienvenu que l'étude comporte une présentation détaillée de chaque indicateur utilisé, où il est notamment précisé dans quelle mesure celui-ci est pertinent en tant qu'indicateur des délocalisations. Pour mentionner deux exemples, le consultant considère que l'Observatoire européen des restructurations (OER/ERM) et les investissements directs étrangers (IDE) constituent des indicateurs particulièrement discutables. Compte tenu du manque de fiabilité de ces sources, il a reporté les informations tirées de ces séries de données dans son étude, mais ne les a pas pris en compte à l'appui des conclusions qu'il a présentées.

3.5 La seule manière possible d'effectuer une analyse viable est de procéder par secteurs. Le

groupe d'étude de la CCMI a sélectionné 19 secteurs sur la base des critères suivants:

− importance d'un secteur donné en termes de PIB à l'échelon européen; − développement technologique et valeur ajoutée; − pertinence stratégique pour l'UE; − données relatives à l'emploi; − perception de l'exposition aux délocalisations.

3.6 Néanmoins, l'étude a été confrontée à des disparités et superpositions, parfois contradictoires, entre les manières dont les secteurs sont couramment définis et les nomenclatures statistiques les plus actuelles, lesquelles font parfois à leur tour l'objet de définitions différentes.

3.7 Même lorsque la définition d'un secteur semble claire et bien délimitée, l'analyse statistique

peut, le cas échéant, donner des résultats qui semblent arbitraires. Cela s'explique d'une part par le fait que les activités industrielles et les services sont intercorrélés et ont tendance à se recouper et d'autre part par la complexité des chaînes d'approvisionnement verticales et horizontales.

3.8 Les sources statistiques ne couvrent pas les secteurs de manière uniforme. Certains secteurs

ne sont pas du tout bien couverts par les ensembles de données les plus pertinents. On relève également des différences importantes entre les données disponibles par pays. Les périodes de référence divergent également de secteur à secteur et de pays à pays. Même dans certains sous-secteurs (comme par exemple l'aluminium), l'utilisation de données relatives aux valeurs au lieu de données relatives aux volumes constitue un problème récurrent qui peut être gênant ou prêter à confusion. Il faut noter que les nombreuses associations commerciales consultées dans le cadre de cette étude ne disposaient souvent pas elles-mêmes de données suffisantes (ou ne souhaitaient pas les communiquer). Certaines associations, par contre, ont bien collaboré et ont prouvé qu'elles disposaient de connaissances beaucoup plus justes et précises de leur secteur que celles pouvant être tirées des outils statistiques généraux.

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3.9 Malgré toutes ces difficultés, l'étude est bien structurée et sa conduite s'est conformée à une

méthodologie cohérente, définie par le consultant, qui a elle-même permis un certain nombre de constats (commentés dans la partie 4). Il convient toutefois de noter que, tout en conservant la cohérence de l'approche utilisée, on a gardé suffisamment de flexibilité pour pouvoir s'adapter aux caractéristiques particulières de secteurs spécifiques. Autrement dit, le même modèle a été appliqué à tous les secteurs, mais, au cas par cas, lorsque cela s'est avéré nécessaire et possible, des analyses spécifiques ont été réalisées en complément.

3.10 Cette étude a un autre mérite: celui de compléter la vue d'ensemble qui découle des données

statistiques, non seulement par le biais de contacts avec des associations commerciales (représentant les deux pôles des partenaires sociaux), mais aussi au moyen d'un examen complet des ouvrages disponibles sur le sujet. Ces démarches ont permis d'illustrer plus avant différentes perceptions des aspects suivants:

− définition des termes associés aux délocalisations; − mesures des délocalisations; − facteurs influençant la décision de délocaliser; − prévisions des tendances; − effets des délocalisations.

4. Constats de l'étude 4.1 Comme nous l'avons souligné dans la partie précédente, l'approche sectorielle des

délocalisations s'est avérée être la seule viable, dans la mesure où elle a permis de sérier les divers problèmes en jeu. Ainsi, les difficultés existant dans un secteur - par exemple sur le plan de la recherche de données - peuvent être restreintes à celui-ci sans risque d'affecter les questions touchant à d'autres secteurs.

4.2 Du fait des limites mentionnées dans la partie 3, la vue d'ensemble des délocalisations qui

ressort de cette étude comporte des lacunes et des incohérences. 4.3 Dans certains secteurs, l'analyse n'a pu être que limitée, car il s'est révélé qu'on ne disposait

pas d'un nombre suffisant de données pertinentes et comparables. 4.4 Les deux secteurs se rapportant aux services liés aux entreprises (services d'entreprises à forte

intensité de savoir et services financiers) présentent à cet égard des problèmes particuliers. Au moment où ces domaines ont été inclus à la liste des secteurs à examiner, le groupe d'étude de la CCMI se doutait de la pénurie d'information (aussi surprenante qu'elle puisse paraître) qui les concernerait. Néanmoins, étant donné l'importance et le caractère significatif de ces services, ils ont été retenus, afin que cette impression initiale soit confirmée ou infirmée.

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4.4.1 À la suite des travaux entrepris, la CCMI peut à présent confirmer le manque de données sur l'incidence des délocalisations dans le secteur des services financiers, ce qui empêche toute évaluation fiable de ce domaine.

4.4.2 Dans le secteur - extrêmement divers - des services d'entreprises à forte intensité de savoir, la

situation est à peine meilleure en matière de disponibilité des données fiables. Les informations existantes auraient tendance à nous laisser penser que la délocalisation n'a pas été un problème majeur dans ce secteur pris globalement4.

4.4.3 La CCMI salue l'initiative actuellement mise en œuvre par la DG Entreprises et industrie de

la Commission européenne qui vise à examiner le transfert à l'étranger des activités du domaine de la recherche et du développement. Plus on renforcera l'approche sectorielle de ladite étude, plus celle-ci gagnera en efficacité et en importance.

4.5 L'exemple du secteur de l'ingénierie électromécanique5 montre qu'il est en soi complexe de

tirer des conclusions sur les entreprises en se basant uniquement sur les données statistiques couramment disponibles. Au paragraphe 34 de l'étude présentée par le consultant, il est signalé que la production de ce secteur a diminué progressivement et que l'emploi a connu une baisse plus significative, alors que la balance commerciale de l'Europe s'est globalement améliorée sur la période 1999-2003. Le consultant propose deux explications divergentes mais également possibles de telles manifestations: i) progression de la productivité du travail et amélioration des résultats à l'exportation; ii) délocalisation de certains activités. D'après certaines données plus récentes, rassemblées par Orgalime depuis 2004 et présentées au cours d'une audition6, la production a augmenté alors que l'emploi a légèrement baissé. C'est seulement grâce aux informations apportées par l'association commerciale concernée qu'il est devenu évident que la première des hypothèses du consultant (à savoir une amélioration de la productivité du travail) est correcte.

4.6 En ce qui concerne les secteurs pour lesquels une analyse relativement solide (compte tenu

des remarques formulées en partie 3 sur les difficultés rencontrées) a été possible, les conclusions préliminaires d'ensemble tendent à indiquer que, dans certains secteurs, des délocalisations, au sens le plus littéral, ont effectivement lieu: c'est le cas dans le secteur des textiles, d'une part, et dans celui du "cuir, habillement et chaussures", d'autre part. Comme le

4

La CCMI considère que les travaux en cours de son groupe d'étude "Services et industrie manufacturière européenne: les interactions entre ces secteurs et l'impact de celles-ci sur l'emploi, la compétitivité et la productivité" (Avis d'initiative CCMI/035) (rapporteur: M. CALLEJA, Groupe I, employeurs, Malte; corapporteur: M. ROHDE, délégué de la CCMI, Allemagne). sont particulièrement opportuns et bien choisis. En effet, l'avis CCMI/035 examine l'impact des services liés aux entreprises (dont les services à forte intensité de savoir constituent un sous-groupe) sur l'emploi dans les industries manufacturières européennes et sur la compétitivité et la productivité de celles-ci. Il y est notamment prêté attention aux conséquences de l'externalisation des services liés aux entreprises.

5 Voir l'avis d'initiative du CESE sur les "Mutations industrielles dans le secteur de l'ingénierie mécanique" (CESE 526/2005,

adopté le 11 mai 2005, rapporteur: M. van IERSEL, Groupe I, Employeurs, Pays-Bas, corapporteur: M. CASTAÑEDA, délégué de la CCMI, Espagne):

http://eescopinions.eesc.europa.eu/viewdoc.aspx?doc=\\esppub1\esp_public\ces\ccmi\ccmi020\fr\ces526-2005_ac_fr.doc

6 Dans le cadre des travaux du groupe d'étude de la CCMI, une audition s'est tenue le 4 mai 2006 au siège du CESE, à laquelle ont

participé des représentants de sept associations commerciales et syndicats.

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remarque à juste titre l'étude, ces deux secteurs sont étroitement liés. Il convient en outre de noter que les statistiques disponibles au moment où le consultant a réalisé son étude ne prennent pas en compte l'impact qu'a eu sur ces secteurs l'expiration le 1er janvier 2005 de l'accord sur les textiles et l'habillement.

4.7 Dans les autres secteurs, il est difficile d'établir si les délocalisations, là aussi dans leur forme

la plus littérale, sont dissociables d'autres phénomènes économiques et sociaux plus larges qui peuvent eux-mêmes être mis sur le compte des "mutations structurelles" en tant que processus plus complexe au sein duquel la mondialisation, la rationalisation, les gains de productivité et la modernisation sont inextricablement liés. À cet égard, plusieurs tendances semblent converger:

− maintien ou diminution des niveaux d'emploi; − croissance des nouvelles technologies et augmentation connexe de la demande de

travailleurs disposant de qualifications supérieures, souvent extrêmement élevées; − accroissement de la productivité; − amélioration, d'une manière générale, des excédents commerciaux, en particulier vis-à-vis

des pays en développement, qui, en principe, devraient bénéficier des tendances à la délocalisation;

− intensification de la pression visant à réaliser des retours sur investissement rapides.

4.8 Enfin et plus spécifiquement, il est utile de signaler que, lors de l'audition du 4 mai, certaines organisations ont émis l'hypothèse que, dans quelques cas et dans certains secteurs où le besoin de grandes surfaces de production est évident, c'est la spéculation immobilière qui serait le principal motif de la délocalisation.

5. Conclusions de la CCMI 5.1 Au sein du CESE, l'élaboration du présent rapport d'information représente une pratique de

travail innovante, dans la mesure où ils articulent l'expertise et le savoir-faire des membres et des délégués de la CCMI et les conclusions d'une étude réalisée par un consultant externe dont le travail était toutefois suivi de près par le groupe d'étude compétent de la CCMI.

5.2 Le résultat présente une forte valeur ajoutée, étant donné que, comme l'établit l'examen

bibliographique qui se trouve dans l'étude externe, il n'y avait jusqu'à présent eu aucune tentative, de la part d'institutions publiques ou privées en Europe, d'entreprendre une étude complète fondée sur toutes les données aisément accessibles et consacrée exclusivement à la question des délocalisations d'un point de vue sectoriel.

5.3 Des contacts informels avec la Commission montrent que les institutions européennes sont

confrontées à des difficultés similaires. Contrairement à d'autres études, celle-ci couvre un large ensemble d'indicateurs.

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5.4 Néanmoins, l'objectif de saisir le champ des "délocalisations" sur une base sectorielle au sein de l'Union européenne n'a été atteint que partiellement, pour les raisons évoquées dans la partie 3 qui précise les difficultés méthodologiques rencontrées.

5.5 Dans certains cas, il semble qu'il y ait des contrastes importants entre les informations qui

découlent des statistiques disponibles et la manière dont les acteurs concernés perçoivent la dynamique d'un secteur donné. L'audition qui a été organisée par le groupe d'étude de la CCMI le 4 mai7 en a d'ailleurs donné un très bon exemple.

5.5.1 C'est seulement à l'aide de données et de statistiques fiables qu'on peut réduire le fossé qui

sépare la réalité "statistique" et "perçue". De surcroît, il est souvent nécessaire de faire appel à des experts (consultants spécialisés, associations commerciales et autres) afin qu'ils fassent une interprétation approfondie des données disponibles, en tenant compte de la complexité et des dynamiques multidimensionnelles des processus industriels et plus généralement des mutations qui affectent ce secteur. Le cas échéant, les erreurs de statistiques ne sont pas seulement quantitatives; elles transforment souvent la conception et la délimitation du secteur, ce qui est grave puisque toute politique potentielle basée sur des concepts erronés peut provoquer de gros dégâts. On gagnerait certainement à approfondir la recherche sur ces points précis.

5.6 Il reste nécessaire d'effectuer des travaux complémentaires. Exigent en particulier des recherches spécifiques plus approfondies la question des pays de destination et celle de l'examen minutieux de gammes particulières de produits au sein de chaque secteur.

5.7 Il sera très dur, comme nous l'avons évoqué au paragraphe 4.7, de distinguer la délocalisation

dans sa forme la plus littérale d'autres manifestations des mutations structurelles qui s'intègrent dans un processus plus complexe et dynamique. Traiter des délocalisations seules revient à se limiter à un aspect trop réduit, ce qui explique pourquoi il est pratiquement impossible de produire des statistiques relatives exclusivement aux délocalisations.

5.7.1 La condition préalable à toute production qui aurait une telle ambition serait de s'accorder à

la fois sur une définition commune des termes et sur les indicateurs appropriés, ce qui semble proche de l'impossible. Il serait également nécessaire de définir la motivation qui se trouve derrière chaque transfert de production - un objectif qui est à l'évidence irréaliste.

5.8 À l'heure actuelle, il n'existe pas de point de départ clair pour une politique publique dans ce

domaine8, même si des avancées ont été effectuées, telle par exemple l'étude de 27 secteurs distincts des industries manufacturières et de construction ("Industrie européenne: un aperçu sectoriel"9) qui figure en annexe de la communication de la Commission "Mettre en œuvre le

7

Voir la note n° 4.

8 Voir par exemple "EU competitiveness and industrial location" (La compétitivité et la localisation des industries de l'UE),

Bureau des conseillers de politique européenne (BEPA), 26 octobre 2005, notamment le paragraphe 2.4.

9 SEC(2005) 1216 final, du 5.10.2005.

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programme communautaire de Lisbonne: Un cadre politique pour renforcer l'industrie manufacturière de l'UE - vers une approche plus intégrée de la politique industrielle"10.

5.9 Cette situation est d'autant plus digne d'attention qu'il s'agit là d'un sujet doté d'une forte

portée politique et qui engendre, partant, une couverture médiatique importante. La question des délocalisations figure parmi les questions qui préoccupent le plus l'opinion publique11; cela s'explique notamment par le fait que les effets négatifs des délocalisations sont souvent concentrés, que ce soit sur le plan territorial ou sur le plan sectoriel, ce qui rend difficile une évaluation des aspects bénéfiques qu'une délocalisation apporte.

5.10 Une méthode statistique saine constitue une condition fondamentale pour la mise en œuvre

de politiques adéquates, et elle revêt une importance particulière à l'échelon européen. Cette question est loin d'être de nature purement technique: les statistiques ne doivent pas seulement recouvrir les délocalisations stricto sensu (voir paragraphe 5.7) mais aussi d'autres aspects des mutations industrielles, tels que ceux mentionnés aux paragraphes 3.3 et 4.7.

5.11 Dans le contexte de la mondialisation, il devient nécessaire d'améliorer de manière

fondamentale les données statistiques. L'UE a absolument besoin de séries de données objectives et bien alimentées. A cet égard, il est essentiel que soit adoptée une approche sectorielle, qui constituera également le meilleur point de départ pour une définition des politiques futures relatives aux mutations. Cela appuierait le nouveau cours de la politique industrielle.

5.12 Il convient néanmoins de garder à l'esprit qu'une approche spécifique à un secteur ne porte en

rien atteinte au cycle de vie naturel des secteurs industriels. En d'autres termes, il ne faut pas laisser cette approche interférer avec l'essor et le déclin naturels d'un secteur donné, lesquels interviennent dans le cadre d'une dynamique en cours fondée sur le marché.

5.13 Plus on disposera de données statistiques de qualité et plus il sera possible de développer aux

échelons régional, national et européen des politiques adaptées qui soient à même d'anticiper l'avenir.

5.14 Une anticipation de l'évolution des secteurs est, en retour, de nature à contribuer à identifier

des exigences spécifiques à l'échelon régional, ce qui est particulièrement souhaitable pour des régions au sein desquelles un seul secteur industriel domine (régions monoindustrielles).

5.15 Une approche statistique appropriée, aussi proche que possible de la réalité (ce qui n'est

actuellement pas le cas), devrait également contribuer à placer la délocalisation (un processus qui peut avoir tendance à effrayer les gens) dans la perspective qui convient.

10

COM(2005) 474 final, du 5.10.2005.

11 Voir la résolution de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe "Transfert d'activités économiques à l'étranger et

développement économique européen" (7 décembre 2005), paragraphe 4.

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5.16 Il est de toute façon nécessaire d'apporter des améliorations aux données statistiques qui entourent les questions à l'examen. Dans ce but, la CCMI recommande la mise en place d'une structure dont l'objectif premier serait de promouvoir une réaction coordonnée à toutes les difficultés soulignées plus haut, qu'elles soient liées à la méthode ou aux circonstances. La CCMI exprime sa disponibilité en vue de contribuer à cet effort.

Bruxelles, le 31 août 2006.

Le Président de la commission consultative

des mutations industrielles

Le Secrétaire général du Comité économique et social européen

Josly PIETTE Patrick VENTURINI

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"Une étude sectorielle des délocalisations:

Arrière-plan factuel"

Rapport final

Reckon LLP Regulation & Competition Economics

Etude complète en ligne (EN) et Résumé du rapport en FR/EN/DE/ES/IT/PL

http://eesc.europa.eu/sections/ccmi/docs/index_fr.asp

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TABLE DES MATIERES 1. RESUME Définition opérationnelle des délocalisations Notre approche Secteurs couverts par le rapport Constats relatifs à l'existence de données pertinentes Conclusions concernant les délocalisations Structure du rapport 2. DESCRIPTION DES DONNEES ET DES INDICATEURS UTILISES Données statistiques relatives au commerce extérieur Base de données STAN de l’OCDE pour l’analyse industrielle Statistiques structurelles sur les entreprises (SBS) Tableaux d'entrées-sorties symétriques Observatoire européen des restructurations Investissements directs étrangers et formation intérieure de capital fixe Industrie européenne et associations commerciales 3. ANALYSE SECTORIELLE La structure des analyses sectorielles Aéronautique Automobile Ciment Produits chimiques Ingénierie électromécanique Services financiers Aliments et boissons Verre Fer et acier Services d’entreprises à forte intensité de savoir Cuir, habillement et chaussures Métaux non ferreux Papier et pâte à papier Produits pharmaceutiques Plastiques Équipement ferroviaire Construction navale Textile Bois ANNEXE 1: APERÇU BIBLIOGRAPHIQUE ANNEXE 2: RECOUPEMENT ENTRE LES SECTEURS ET LES SÉRIES DE DONNÉES

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1. Résumé 1. Le 14 juillet 2005, le Comité économique et social européen (CESE) a adopté un avis intitulé "Portée et effets de la délocalisation d'entreprises"1. Cet avis fait observer, au paragraphe 2.6, que "certains secteurs se trouveront plus affectés que d'autres par la délocalisation". Le Bureau du CESE, au cours de sa réunion tenue le 12 juillet 2005, a autorisé la Commission consultative des mutations industrielles (CCMI) à élaborer un rapport d'information - intitulé "Une étude sectorielle des délocalisations"-, dans le but d'approfondir cette observation et de procéder à une évaluation sectorielle des délocalisations. 2. L'objectif du présent rapport est d'étayer la rédaction de ce rapport d'information, en examinant les données empiriques sur les délocalisations dans un ensemble de 19 secteurs au sein de l'Union européenne. Cette étude a principalement pour but de compiler et de présenter les données pertinentes qui existent et, lorsque de telles données sont disponibles concernant un secteur, de fournir une analyse synoptique des délocalisations. L'analyse est effectuée à l'échelon de l'Union européenne (UE) et à l'échelon de chaque État membre. 3. Les termes de référence utilisés dans le cadre de ce rapport, qui ont été établis par la CCMI, exposent clairement ce qui n'est pas du ressort de l'étude. Nous n'avons pas pour objectif de collecter des données primaires; notre mission est d'examiner les données existantes et publiées. En outre, nous n'avancerons pas de suggestions relatives aux mesures susceptibles d'être prises. Définition opérationnelle des délocalisations 4. Il n'existe pas de point de vue unanime sur ce que recouvre l'expression "délocalisation": c'est ce qu'on peut déduire d'un examen des publications de nature politique et universitaire sur la question et des discussions avec les acteurs concernés. Nous ne proposons pas un réexamen de ce débat2, ni même d'y contribuer, dans la mesure où il nous a été demandé d'adopter la définition employée dans l'avis du CESE du 14 juillet 2005. Dans son paragraphe 1.18, cet avis définit la délocalisation (qui, dans la version anglaise du texte, est utilisée de manière interchangeable avec le terme "relocation") comme suit: "Phénomène correspondant à la cessation, partielle ou totale, d'une activité suivie de sa réouverture à l'étranger à travers un investissement direct". 5. L'avis effectue ensuite une distinction entre délocalisation interne et délocalisation externe; la délocalisation interne a trait à des cas où l'activité reprend dans un autre État membre de l'Union européenne, et la délocalisation externe à des cas où elle reprend ailleurs.

1

Comité économique et social européen (2005). "Portée et effets de la délocalisation d'entreprises", CCMI/014 – CESE 851/2005.

2 Cela dit, l'annexe 1 comporte un bref examen des définitions concurrentes des délocalisations trouvées dans les références

bibliographiques.

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6. Le présent rapport s'intéressera en particulier à la délocalisation externe. Il signalera toutefois les cas où les données révèlent que des délocalisations ont eu lieu à partir d'anciens États membres, de l'UE-15, vers les dix pays qui ont nouvellement adhéré à l'UE, ou les cas inverses. Notre approche 7. Les données relatives au volume ou à la valeur des activités ayant cessé dans un État membre et ayant repris ailleurs à travers un investissement direct ne font pas l'objet d'une collecte cohérente ou exhaustive par secteurs à l'échelon européen. Par conséquent, on ne dispose pas de données à partir desquelles effectuer une évaluation directe des délocalisations telles que définies ci-dessus. 8. À la lumière de ces éléments, nous avons procédé à la sélection d'un ensemble d'indicateurs qui, bien qu'ils constituent des mesures imparfaites de la délocalisation, y sont associés. Nous avons fait appel à un examen bibliographique afin d'être en mesure de définir un ensemble d'indicateurs pertinents, lequel ensemble est détaillé dans le tableau 1.1 qui figure sur la page ci-après. 9. La sélection des indicateurs a été dominée par une exigence: qu'ils puissent être calculés sur la base de données publiées cohérentes et suffisamment complètes. 10. Il n'y a aucun lien direct entre quelque indicateur que ce soit parmi ceux qui figurent dans le tableau 1.1 et les délocalisations. Par exemple, on ne peut appréhender dans quelle mesure l'activité de production a été transférée à l'étranger à partir d'un examen qui porterait sur les tendances de la production intérieure. Les délocalisations affectent la production intérieure, mais il est clair que plusieurs autres facteurs, étrangers aux décisions des entreprises relatives à la délocalisation, ont également un impact sur elle. Le même constat est valable pour les tendances des balances commerciales, des niveaux d'emploi, les tendances de la part de la production intérieure consommée dans les pays de l'OCDE (qui reflètent la position du secteur sur le marché mondial) et, en fait, pour l'ensemble des indicateurs envisagés. 11. Dans la mesure où les indicateurs sélectionnés ne constituent que des mesures imparfaites des délocalisations, il est crucial de croiser et comparer différents indicateurs de mesure, afin d'élaborer une évaluation des délocalisations qui soit solide. 12. La nécessité de se pencher sur différents indicateurs et non sur un seul est encore appuyée par le fait que les séries de données desquelles sont tirés les indicateurs ne sont pas elles-mêmes parfaites. Nonobstant les défauts méthodologiques qu'elles peuvent comporter, aucune des séries de données ne couvre de manière complète tous les secteurs, dans tous les États membres, sur une période suffisamment longue. 13. Dans la section 2, nous présentons de manière détaillée les indicateurs pris en compte et les séries de données utilisées pour les calculer. Secteurs couverts par le rapport 14. Ce rapport se penche sur 19 secteurs, qui ont été sélectionnés et définis par le groupe de pilotage de la CCMI:

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a) Aéronautique

b) Automobile

c) Ciment

d) Produits chimiques

e) Ingénierie électromécanique

f) Services financiers

g) Aliments et boissons

h) Verre

i) Fer et acier

j) Services d'entreprises à forte intensité de savoir

k) Cuir, habillement et chaussures

l) Métaux non ferreux

m) Papier et pâte à papier

n) Produits pharmaceutiques

o) Plastiques

p) Équipement ferroviaire

q) Construction navale

r) Textile

s) Bois

15. Sur 19 secteurs étudiés, 17 relèvent de l'industrie manufacturière; ces derniers employaient en 2003 près de 25 millions de personnes, ce qui représente 80% des emplois industriels dans l'UE-253. Les deux secteurs qui ne relèvent pas de l'industrie manufacturière sont les services financiers et les services d'entreprises à forte intensité de savoir. 16. Certains secteurs sont définis de manière plus restreinte que d'autres. Le secteur de l'aéronautique est, par exemple, relativement étroit: il englobe l'industrie aéronautique et aérospatiale ainsi que la remise en état des avions, la maintenance et la réparation de leurs moteurs. Les services des entreprises à forte intensité de savoir incluent en revanche une gamme plus large d'activités, dont certaines ont trait à l'immobilier, à la location de machines et d'équipements sans opérateur, à la location de biens personnels et domestiques, aux activités informatiques, aux services de conseil en matière juridique, comptable, d'audit et d'architecture, à la publicité et au nettoyage industriel. Les sous-rubriques correspondantes de la section 3 énumèrent les activités comprises par chaque secteur.

3

A partir de notre analyse des statistiques structurelles sur les entreprises (SBS), Eurostat.

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Tableau 1.1: Les indicateurs de la délocalisation pris en compte

Indicateur Définition Source

Production intérieure

Production intérieure en valeur et en pourcentage du PIB SBS (Eurostat)

Emploi Emploi en termes absolus et en part de l'emploi global au niveau national

SBS (Eurostat)

Part dans la consommation de l'OCDE

Part de la production intérieure consommée dans les pays de l'OCDE

SBS (Eurostat), STAN (OCDE)

Pénétration des importations

Ratio entre les importations et la consommation intérieure SBS, COMEXT (Eurostat)

Coefficient d'autosuffisance

Ratio entre la production intérieure et la consommation intérieure SBS, COMEXT (Eurostat)

Entrées-sorties au sens étroit

Ratio entre les biens intermédiaires importés du secteur étranger X et la valeur ajoutée du secteur domestique X

Eurostat

Entrées-sorties au sens large

Ratio entre les biens intermédiaires importés et la valeur ajoutée du secteur domestique X

Eurostat

Balance commerciale

Balance commerciale (exportations nettes), pour quatre groupes distincts de pays partenaires: tous les pays, UE-15, UE-10 et pays en développement

COMEXT (Eurostat)

Investissements directs étrangers

Investissements directs étrangers, en faisant la distinction entre ceux intérieurs et extérieurs à l'UE-15, intérieurs et extérieurs à l'UE-25 et ceux de l'UE-10.

Économie et finances - domaine de la balance des paiements (Eurostat)

Investissements en capitaux internes

Investissements dans des actifs immobilisés internes Catégorie des données comptables nationales annuelles (Eurostat)

Pertes d'emploi ERM

Nombre de pertes d'emploi dues aux délocalisations, à partir de la base de données ERM, classées en fonction des zones de destination des délocalisations: vers l'UE-10, l'UE-15, vers l'OCDE et les pays qui ne font pas partie de l'UE, vers les pays en développement

Observatoire européen des restructurations (EMCC)

Note: SBS se rapporte aux statistiques structurelles sur les entreprises, STAN à l'analyse structurelle et COMEXT au commerce extérieur.

Pour de plus amples informations, voir la section 2 de ce rapport. Constats relatifs à l'existence de données pertinentes 17. La base de données relative aux statistiques structurelles sur les entreprises (SBS), publiée par Eurostat, est la meilleure source de données disponibles pour établir des mesures de l'activité. Cette

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base de données apporte des informations sur la valeur de la production et sur les niveaux d'emploi dans la plupart des secteurs couverts par cette étude. La base de données SBS porte sur l'ensemble des 25 pays de l'Union européenne et sur la période 1995-2003. 18. Elle comporte toutefois des lacunes significatives. Par exemple, certains États membres, notamment la Grèce, Malte, Chypre et la Suède, sont l'objet d'informations assez incomplètes pour plusieurs secteurs. Les données relatives à l'Allemagne et à certains des pays de l'UE-10 ne sont disponibles que pour la période 1999-2003. Aucune donnée n'est disponible concernant le secteur des services financiers. Les données relatives au secteur de la construction navale sont relativement rares. Malgré ces lacunes, nous continuons d'estimer que c'est la base SBS qui apporte les meilleures données de manière cohérente sur l'ensemble de l'UE et que, dans la mesure où elle propose des informations plus complètes, il est préférable d'avoir recours à cette base, plutôt qu'à Europroms, qui est également publiée par Eurostat et apporte des données relatives à la production. 19. La base de données COMEXT, publiée par Eurostat, a trait au commerce extérieur à destination et en provenance des États membres. Les données sont disponibles pour la période 1995-2004 en ce qui concerne les pays de l'UE-15 et pour la période 1999-2004 en ce qui concerne les pays de l'UE-10. 20. Toutefois, COMEXT comporte quelques lacunes. Elle ne traite en effet que le commerce de biens physiques et ne couvre donc pas les activités relatives au secteur des services d'entreprises à forte intensité de savoir et au secteur des services financiers. En outre, pour la Slovaquie et la Pologne, seules les données concernant l'année 2004 sont disponibles. 21. Malgré ces difficultés, la base de données COMEXT est suffisamment complète pour présenter un intérêt du point de vue de cette étude. 22. Les tableaux entrées-sorties publiés par Eurostat constituent une source d'information utile pour cerner le phénomène d'externalisation à l'étranger ("offshore outsourcing"). Ces tableaux permettent de construire des indicateurs des niveaux de pénétration des biens intermédiaires importés dans le processus de production national. Si, d'une certaine manière, il est certes éclairant de dresser un bilan de la pénétration des biens intermédiaires importés sur une année donnée, il est particulièrement intéressant d'observer la variation du niveau de pénétration au fil du temps. Malheureusement, l'élaboration de ces tableaux est rare, la plupart des États ne les établissant que tous les cinq ans. Lorsque tel est le cas, nous disposons de données concernant deux années, le plus souvent 1995 et 2000. Certains États membres n'ont élaboré ces tableaux que pour l'une des années de la période d'observation retenue. Ainsi, ces tableaux ne présentent des informations utiles que concernant dix États membres. 23. L'utilisation des tableaux entrées-sorties pose d'autres problèmes, s'agissant notamment du niveau d'agrégation des catégories de produits, étant donné que, pour certains secteurs, la catégorisation des activités correspond à un niveau d'agrégation plus élevé que celui des secteurs étudiés. Il existe par exemple des tableaux entrées-sorties pour tout un ensemble d'activités désigné comme "autres matériels de transport" qui regroupe le matériel ferroviaire, l'aéronautique et la construction navale. 24. La base de données de l'Observatoire européen des restructurations (ERM) publiée par l'observatoire européen du changement (EMCC) renseigne quant aux restructurations dans l'Union

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européenne. Cette base de données comporte des informations détaillées s'agissant des types de restructuration, notamment des transferts d'activité à l'étranger ("offshoring") et des délocalisations, des secteurs touchés et du nombre d'emplois perdus ou gagnés. 25. Source d'information utile, la série de données ERM présente néanmoins un nombre considérable de lacunes d'ordre méthodologique, qui sont liées au mode de collecte des données. Celles-ci sont recueillies en passant en revue une sélection de quotidiens européens et en recensant les informations faisant état de suppressions d'emplois du fait de restructurations. Ainsi, la base de donnée recense des pertes d'emploi, même lorsque les chiffres qui s'y rapportent reposent sur de simples déclarations d'intention des représentants des entreprises. En réalité, le nombre effectif de suppressions d'emploi faisant suite à une opération de délocalisation peut considérablement différer des prévisions initiales. Les révisions ex post de ces chiffres ne sont pas faciles à suivre; c'est pourquoi elles ne sont pas incorporées à la base de données. Nous reprenons les chiffres pertinents de cet ensemble de données dans les tableaux qui accompagnent les analyses sectorielles, sans toutefois nous en servir pour dresser un aperçu global des délocalisations. 26. De plus, à l'instar des tableaux entrées-sorties, la catégorisation des secteurs dans la base de données ERM ne correspond pas réellement à la définition retenue pour de nombreux secteurs par la présente étude. Ainsi, la série de données ERM fait état de pertes d'emplois pour une catégorie désignée comme "métaux" qui recouvre les activités du secteur de l'acier et du fer et les activités du secteur des métaux non ferreux. Nous avons résolu ce problème en reclassant les entrées de la base de données ERM en fonction des secteurs que nous étudions, ce que nous avons pu faire sur la base des informations complémentaires, plus détaillées, qui sont proposées pour chaque donnée recensée. 27. Les données relatives aux investissements directs étrangers (IDE) et à l'investissement national sont publiées par Eurostat. Elles sont ventilées par activité et région de destination. 28. Nous estimons que la mesure des délocalisations à l'aune des données relatives aux IDE donne lieu à des imprécisions particulièrement importantes. En effet, tout investissement réalisé par une entité nationale dans une entreprise étrangère par l'acquisition de plus de 10% du capital de l'entreprise bénéficiaire est défini comme étant un IDE et pris en compte dans ces données. Tous les investissements étrangers ne sont pas motivés par une délocalisation et toutes les délocalisations ne sont pas effectuées au moyen d'IDE. Les données sur les IDE incluent également le flux des désinvestissements des entités nationales dans le secteur étranger concerné. 29. Les informations relatives aux IDE sont d'autant moins fiables qu'il existe un nombre relativement important de lacunes dans les données Eurostat et qu'il s'avère en général impossible d'en déduire quels sont les flux d'IDE émanant d'entités d'un secteur donné situées dans un État membre à destination d'un pays en particulier (par exemple, la Chine, l'Inde ou le Brésil) voire vers un ensemble plus vaste de "pays en développement". Si l'on souhaite obtenir des résultats moins lacunaires, il convient de se baser sur un niveau d'agrégation des pays de destination qui aille au-delà de celui de l'UE-25. 30. De plus, à l'instar des tableaux entrées-sorties, la classification utilisée par la série de données sur les IDE correspond à un niveau d'agrégation plus élevé que la définition des secteurs retenue dans la présente étude, ce qui nuit également à l'applicabilité des données concernant les IDE à l'étude des

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secteurs visés ci-dessus. La classification sectorielle des données relatives aux IDE proposée par Eurostat correspond uniquement à quatre des secteurs qui nous intéressent: aliments, ingénierie électromécanique, services d'entreprises à forte intensité de connaissance et services financiers. S'agissant de ces secteurs, nous reprenons dans la présente étude les données pertinentes relatives aux IDE. Pour les raisons qui ont été succinctement mentionnées ci-dessus, nous considérons que l'utilisation de ces données en tant qu'indicateurs des délocalisations comporte des lacunes considérables et notre étude sectorielle ne s'en inspirera pas. L'annexe 1 expose plus en détail les carences des données concernant les IDE à cet égard. 31. Pour certains des secteurs, nous avons utilisé des données sur les niveaux d'activité publiées par les fédérations des secteurs concernés. Dans la plupart des cas, ces données complètent les informations tirées des séries de données évoquées précédemment. Toutefois, s'agissant de la construction navale, nous avons choisi d'utiliser les données fournies par le Comité de liaison des constructeurs de navires de l’Union européenne (CESA) en matière de production et d'emploi plutôt que celles proposées dans la base SBS. Il nous apparaît que les données du CESA décrivent plus précisément que celles du SBS d'Eurostat les activités entrant dans la catégorie "construction navale", telle que définie aux fins de la présente étude. La couverture proposée par la série de données du CESA présente en outre moins de lacunes bien qu'elle ne porte que sur les pays membres du CESA et que seuls 14 États membres de l'UE y soient affiliés. Conclusions concernant les délocalisations 32. La section 3 analyse pour chacun des secteurs les données concernant les délocalisations. À partir de ces analyses, nous avons dégagé un certain nombre de conclusions générales. 33. À deux secteurs près, les données ne font apparaître aucun élément probant attestant de délocalisations au niveau de l'Union européenne dans son ensemble. Les deux secteurs pour lesquels les données semblent confirmer l'existence de délocalisations sont le textile et le secteur désigné comme "cuir, habillement et chaussures". Ces secteurs sont étroitement liés en ce sens que la production du secteur textile constitue en amont un élément majeur entrant dans la fabrication de vêtements et d'accessoires. 34. Dans le secteur de l'ingénierie électromécanique, les données font apparaître des signaux mitigés. La production européenne dans ce secteur a diminué progressivement et l'emploi plus fortement encore, cependant que la part de ce secteur dans l'économie a reculé entre 1999 et 2003. À l'inverse de cette tendance, la balance commerciale de l'Europe s'est améliorée dans ce secteur, notamment vis-à-vis des pays en développement. En les rapprochant, ces éléments pourraient être interprétés de manière à laisser penser que la productivité du travail en Europe a progressé, conduisant à une contraction de l'emploi, et que les résultats à l'exportation se sont améliorés. À contrario, ces éléments peuvent également être considérés comme autant de signes indiquant que certaines activités sont délocalisées de l'Europe vers les pays en développement mais que, du fait de l'augmentation des exportations vers ces pays, les données commerciales masquent ce phénomène. 35. Les données ne permettent ni de mettre en évidence un État membre duquel l’activité économique se serait globalement délocalisée, ni d’en identifier un qui, d’une façon générale, aurait attiré l’activité délocalisée en provenance d’autres pays.

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36. Outre les délocalisations dans les secteurs européens du textile et du cuir, de l’habillement et des chaussures en général, notre analyse n’a mis en évidence que trois autres cas où ce phénomène est attesté par les données statistiques. Dans le secteur des produits chimiques, les données laissent à penser qu’une délocalisation a pu avoir lieu à partir du Royaume-Uni et de la Slovaquie. Dans le secteur des équipements ferroviaires, elles suggèrent une délocalisation à partir de l’Allemagne et dans le secteur de la construction navale, à partir de l'Allemagne et du Danemark. 37. Les données n’indiquent nullement que les États membres de l’UE-10 ont bénéficié d’une délocalisation interne importante. Dans les deux secteurs identifiés comme ayant été confrontés à des délocalisations importantes à savoir, les textiles et le secteur "cuir, habillement et chaussures", il semble que le transfert d’activité se soit fait vers des pays en développement. En fait, au vu des seules données commerciales, la balance commerciale entre le groupe des dix nouveaux États membres et celui des pays de l’UE-15 a eu tendance à évoluer en faveur de ces derniers. 38. Aucun motif permettant d’établir un lien entre la propension d’un secteur à se délocaliser et sa relative maturité n’a été mis en évidence. Structure du rapport 39. Le reste du présent projet de rapport final est structuré comme suit: (a) la section 2 décrit les séries de données et fournit une définition des indicateurs utilisés,

(b) la section 3 contient l'ensemble des analyses sectorielles spécifiques,

(c) l'annexe 1 indique les éléments bibliographiques pertinents et inclut une liste de références,

(d) l’annexe 2 établit une correspondance entre les secteurs étudiés dans le rapport et la catégorisation

des données utilisée dans les séries sur lesquelles se base l’étude.

40. Un fichier Excel joint au présent rapport expose les données à partir desquelles a été dressée la présente analyse.

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2. Description des données et des indicateurs utilisés 1. Cette section présente une description détaillée des sources de données sur lesquelles se base le rapport ainsi qu’une description des indicateurs utilisés pour caractériser la délocalisation. Les informations relatives aux bases de données employées proviennent en grande partie des méta-données correspondantes publiées par Eurostat. Données statistiques relatives au commerce extérieur 2. Les données relatives au commerce extérieur proviennent de la base de données COMEXT publiée par Eurostat. Cette base de données porte sur la circulation des marchandises à travers les frontières des États membres de l’Union. 3. Les données relatives au commerce extra communautaire sont collectées sur la base de la copie statistique des déclarations en douane. Les statistiques du commerce intracommunautaire sont établies à partir de données fournies directement par les opérateurs commerciaux. Cependant, toute entité assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dans un État membre et faisant du commerce intracommunautaire en dépassant un certain seuil, est tenue de rendre compte de la valeur des transactions auprès des autorités statistiques nationales. 4. Les principaux indicateurs publiés dans cette base de données sont les importations et les exportations, en valeur et en volume, classées par groupes de pays rapporteurs, de pays partenaires et de produits. Aux fins de la présente étude, l’on a eu recours aux chiffres du commerce extérieur en valeur (en millions d’euros). 5. La base de données couvre le commerce extérieur pour chaque pays rapporteur, vers et à partir de pays non communautaires et d’autres pays membres de l’Union. 6. La base de données concerne l’ensemble des biens mobiliers et physiques mais n’inclut pas le commerce des services. Plus de 10.000 produits différents y sont repris et classifiés selon la nomenclature combinée (NC). 7. La base de données couvre les 25 pays membres de l’Union. Elle porte sur la période 1995-2004 pour l’UE-15, et sur la période 1999-2004 pour les dix nouveaux États membres. 8. L’indicateur balance commerciale utilisé dans le cadre de la présente étude se fonde sur les données des importations et des exportations reprises dans COMEXT. Ces données ont d’abord été agrégées selon les groupes de produits correspondant le plus aux secteurs définis aux fins de l’étude. Elles l’ont ensuite été selon les groupes de pays partenaires, en vue d’obtenir des chiffres relatifs au commerce extra communautaire, au commerce intracommunautaire et au commerce avec les pays en développement. Aux fins de l’analyse, ont été considérés comme pays en développement ceux qui ne sont membres ni de l’UE, ni de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La balance commerciale (ou les exportations nettes) est calculée en soustrayant les importations des exportations. Les agrégats établis au niveau de l’Union pour le commerce extra

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communautaire l’ont été en additionnant les valeurs des exportations et des importations extra communautaires pour chaque État membre. Base de données STAN de l’OCDE pour l’analyse industrielle 9. La base de données pour l'analyse structurelle (STAN) que publie l’OCDE comprend des données de production, de main-d’œuvre et de commerce extérieur pour différentes activités. 10. Elle couvre l’ensemble des pays membres de l’OCDE ainsi que toutes les années entre 1995 et 2003, et présente des données compilées à partir des comptes nationaux des différents États membres. 11. Les activités reprises dans la base de données sont classifiées selon la Classification internationale type, par industrie, de toutes les branches d’activité économique (CITI, rév. 3). 12. La base de données STAN est utilisée pour calculer la variable consommation de l’OCDE, en additionnant la production et les importations, avant de soustraire de cette valeur celle des exportations des pays membres de l’organisation. Nous utilisons cette variable comme indicateur de la consommation globale. Statistiques structurelles sur les entreprises (SBS) 13. Les statistiques structurelles sur les entreprises (SBS) sont une série de données publiée par Eurostat qui fournit divers indicateurs relatifs à la nature et aux niveaux de l’activité économique au sein de l’UE. 14. La base de données couvre les activités dans tous les États membres. Elle est élaborée par Eurostat sur la base des informations transmises par les instituts nationaux de statistiques de chaque État membre. 15. Ceux-ci rassemblent les données provenant d'études statistiques, de sources administratives ou du registre des entreprises. Pour cet exercice, l'unité de sondage est l'entreprise, définie par le règlement du Conseil 696/93 (CEE) comme "la plus petite combinaison d'unités légales qui constitue une unité organisationnelle de production de biens et de services jouissant d'une certaine autonomie de décision, notamment pour l'affectation de ses ressources courantes"1. 16. Les données sont ventilées au niveau des groupes de produits sur la base du système de classification NACE rév. 1 (nomenclature statistique des activités économiques dans la Communauté européenne). 17. La base de données a été mise en place en 1995 et a fonctionné de manière transitoire entre 1995 et 1998. Aussi certaines données sont-elles incomplètes pour cette période. Les données sont toutefois plus complètes de 1999 à 2003. Au moment de la rédaction du présent rapport, les données pour 2004 n'étaient pas encore disponibles.

1

Statistiques structurelles sur les entreprises, métadonnées Eurostat en format SDDS, résumé de la méthodologie.

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18. La valeur de la production mesure la valeur réelle des biens et services, en euro, vendus par une entreprise durant l'année de référence. Cette variable est utilisée dans la présente étude afin de mesurer la production. 19. L'emploi est défini comme le nombre de salariés, c'est-à-dire le nombre de personnes liées à l'entreprise par un contrat de travail et auxquelles celle-ci verse une paie ou un salaire. Cette variable n'inclut pas les travailleurs contractuels qui ne sont pas directement employés par l'entreprise. 20. La consommation apparente est la somme de la production et des importations, à laquelle on soustrait les exportations pour chaque groupe de produits. La valeur de la production est tirée de la base de données SBS, tandis que les données relatives aux importations et aux exportations proviennent de COMEXT. 21. La part de la production dans le PIB, exprimée en pourcentage, est la part de la production globale d'un secteur dans le PIB d'un État membre. 22. La part de la production dans la consommation OCDE, exprimée en pourcentage, est la part de la production d'un secteur dans la consommation apparente consolidée des produits de ce secteur dans tous les pays de l'OCDE. Cet indicateur peut être utilisé comme valeur de remplacement pour obtenir la part d'un secteur dans la production mondiale, c'est à dire sa part du marché mondial. 23. Le coefficient d'autosuffisance est le ratio entre la production d'un secteur donné dans un État membre et la consommation apparente du même secteur dans cet État membre. 24. Le coefficient de pénétration des importations est le ratio entre les importations dans un secteur et la consommation apparente dans ce secteur pour chaque État membre. 25. La part de l'emploi global, exprimée en pourcentage, est le ratio entre le nombre de salariés dans un secteur et l'emploi global dans tous les secteurs d'un État membre. 26. Les agrégats communautaires pour la production, l'emploi et la consommation apparente sont calculés en additionnant les valeurs de chaque État membre. L'agrégat communautaire pour la part de la production dans le PIB est le ratio entre l'agrégat de production de l'UE et son PIB consolidé. L'agrégat communautaire pour la part de la production dans la consommation OCDE est le ratio entre l'agrégat de production de l'UE et la consommation totale de l'OCDE. 27. Lors du calcul des agrégats communautaires, si des données sur la production ou l'emploi dans un État membre n'étaient pas disponibles pour l'année 2003, la valeur correspondante pour l'année 2002 a été utilisée à leur place. Lorsque les données ne sont pas disponibles pour une année entre 1995 et 2003, l'interpolation linéaire a été utilisée pour combler la donnée manquante. Tableaux d'entrées-sorties symétriques 28. Les tableaux d'entrées-sorties symétriques sont publiés par Eurostat après avoir été rassemblés auprès des départements de comptabilité des instituts nationaux de statistiques. Ces tableaux d'entrées-

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sorties symétriques sont élaborés en convertissant les tableaux des ressources et des emplois, à prix constants. Parmi ces tableaux, ce sont les tableaux d'entrées-sorties symétriques pour les importations et les tableaux d'entrées-sorties symétriques pour la production intérieure qui présentent un intérêt pour la présente étude. 29. Les tableaux d'entrées-sorties symétriques ne sont pas élaborés annuellement, mais tous les cinq ans et Eurostat ne publie pas ces tableaux pour un grand nombre d'États membres. Nous n'avons recouru aux données de ces tableaux que lorsqu'ils existent pour au moins deux périodes consécutives. 30. Les tableaux d'entrées-sorties symétriques répertorient 60 groupes d'activités, sur la base du système de classification NACE rév. 1. 31. Les tableaux d'entrées-sorties pour les importations indiquent la valeur totale de chaque bien intermédiaire importé ventilée par activité intérieure consommatrice de ce bien intermédiaire. Les tableaux d'entrées-sorties pour la production intérieure indiquent la valeur consolidée de tous les biens intermédiaires importés ventilée par activité intérieure consommatrice de ce bien intermédiaire. Les tableaux indiquent également la valeur ajoutée par chaque activité intérieure. 32. La mesure restreinte de l'externalisation à l'étranger est le ratio entre la valeur des biens intermédiaires importés appartenant à une classe d'activité donnée et la valeur ajoutée par les entreprises intérieures consommatrices finales appartenant à la même classe d'activité. 33. La mesure large de l'externalisation à l'étranger pour une classe d'activité donnée est le ratio entre la valeur de tous les biens intermédiaires importés et la valeur ajoutée par les entreprises intérieures consommatrices finales au sein de cette classe d'activité. 34. Étant donné que les classes d'activité présentent parfois un niveau d'agrégation plus élevé que les secteurs à l'étude ici, les mêmes données sont utilisées pour certains secteurs appartenant à cette classe d'activité. Par exemple, des tableaux d'entrées-sorties existent pour la division 26 de la classification NACE, qui couvre la fabrication des "autres produits minéraux non métalliques", notamment le verre et le ciment. Les mêmes données sont donc présentées dans l'analyse de ces deux secteurs. Il n'est pas possible de procéder ainsi dans certains cas. Par exemple, des tableaux entrées-sorties existent pour la division 24 de la même classification qui couvre les produits chimiques et pharmaceutiques. Les tendances enregistrées dans ces deux secteurs diffèrent à tel point qu'il est difficile d'utiliser des données combinées. C'est là une faiblesse inhérente à ces données pour les objectifs de la présente étude. 35. Des agrégats communautaires ne peuvent être calculés pour ces mesures, étant donné que les biens intermédiaires importés ne sont pas ventilés en importations intracommunautaires et extracommunautaires. Observatoire européen des restructurations 36. L'observatoire européen des restructurations (ERM) est publié de manière continue par l'Observatoire européen du changement, basé à Dublin.

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37. L'ERM note tous les cas de restructuration industrielle qui: (a) touchent au moins un pays de l'UE; (b) impliquent une réduction annoncée ou réelle d'au moins 100 emplois; ou (c) concernent des sites employant au moins 250 personnes et affectant au moins 10% de la main-d'œuvre; ou (d) créent au moins 100 emplois. 38. L'Observatoire européen du changement note ces informations en procédant à une revue de presse d'une sélection de quotidiens dans l'ensemble des 25 États membres. 39. Les données sont classées selon le type de restructuration. La base de données compte huit types de restructurations, dont "transfert d'activité à l'étranger (offshoring)/délocalisation". 40. Pour chaque cas de restructuration, la base de données indique les informations suivantes: (a) nom de l'entreprise; (b) secteur; (c) type de restructuration; (d) date de l'annonce;

(e) nombre d'emplois perdus ou créés; (f) destination de la délocalisation (si connue); (g) résumé de l'information pertinente au cas.

41. Le recensement des cas a débuté en janvier 2002 et se poursuit de manière continue. 42. La variable perte d'emplois est calculée en additionnant le nombre d'emplois perdus pour chaque cas dans un secteur et un État membre donné. 43. Ici également, comme dans le cas des tableaux d'entrées-sorties, les secteurs définis dans la base de données ERM présentent souvent un niveau d'agrégation trop élevé pour les besoins de la présente étude. Dans de tels cas, les relevés pertinents sont utilisés afin de reclasser les cas individuels dans les secteurs que nous avons définis. Investissements directs étrangers et formation intérieure de capital fixe 44. Les données relatives aux investissements directs étrangers (IDE) sont publiées par Eurostat sous le thème Économie et finances, balance des paiements. 45. Eurosat définit les IDE comme: "la catégorie d'investissements internationaux reflétant l'objectif d'une entité résidente dans une économie (investisseur direct) d'obtenir un intérêt durable dans une entreprise résidant dans une autre économie (entreprise d'investissements directs étrangers). L'intérêt est considéré durable si l'investisseur direct acquiert au moins 10% du capital social de l'entreprise d'investissements directs étrangers". 46. Les données sont ventilées par pays déclarant, classe d'activité de l'investisseur direct, région de destination et année de l'investissement. Les données couvrent l'ensemble des 25 États membres de l'UE. 47. La base de données relatives aux IDE est utilisée pour construire des indicateurs des investissements directs à l'étranger réalisés par un pays déclarant donné dans l'UE-15 et hors de cet

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ensemble, dans l'UE-25 et hors de cet ensemble, et enfin dans l'UE-10. Les IDE sont répertoriés selon la classe d'activité de l'entité source des investissements, quelle que soit la nature de la destination finale. 48. La formation intérieure de capital fixe est publiée par Eurostat dans le cadre des données relatives aux comptes nationaux annuels. 49. La formation intérieure de capital fixe est définie par la base de données comme le "solde des acquisitions et des cessions d'actifs fixes par les producteurs résidents au cours de la période de référence, augmenté de certaines plus-values sur actifs non produits découlant de l'activité de production des unités productives ou institutionnelles".

50. Les données sont ventilées par pays déclarant, classe d'activité et année de formation du capital. Les données couvrent l'ensemble des 25 États membres de l'UE. 51. La formation brute de capital fixe dans un domaine d'activité par un État membre est utilisée pour indiquer le niveau d'investissement dans l'économie de ce pays. Industrie européenne et associations commerciales 52. Pour étayer notre analyse, nous avons recouru aux données récoltées auprès de diverses associations commerciales et organes de l'industrie. Dans la plupart des cas, les données proviennent de sources publiées. Toutefois, pour ce qui est de l'industrie de la construction navale, les données ont été fournies directement par l'association. 53. Les données relatives à l'industrie de la construction navale ont été fournies par la Communauté des associations de chantiers navals européens (CESA). Elles couvrent l'emploi pour la période 1995-2004 et la production pour la période 1997-2004 dans tous les pays membres de la CESA. Étant donné que seuls 14 pays membres de la CESA sont des États membres de l'UE, l'analyse se limitera à ces pays. 54. D'autres données complémentaires ont été tirées de diverses publications des associations suivantes: (a) Conseil européen des fédérations de l'industrie chimique (CEFIC) (b) Confédération des industries agroalimentaires de l'UE (CIAA) (c) Organisation européenne de l'habillement et du textile (EURATEX) (d) Union des industries ferroviaires européennes (UNIFE) (e) Confédération des associations nationales de tanneurs et mégissiers de la Communauté

européenne (COTANCE) (f) Confédération européenne des industries du bois (CEI-Bois) (g) Comité permanent des industries du verre (CPIV) (h) Confédération européenne des industries du papier (CEPI) (i) Association des industries aérospatiale et de défense européennes (ASD) (j) Association européenne des constructeurs de matériel aérospatial (AECMA) (k) Association européenne du ciment (CEMBUREAU)

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Annexe 1: Aperçu bibliographique 1. Nous avons passé en revue les principaux ouvrages qui traitent des délocalisations afin de mieux appréhender: (a) la définition des différents termes associés aux délocalisations et la signification qui est prêtée à ce concept; (b) les instruments de mesure des délocalisations employés dans les écrits qui traitent de ce thème et les données sur lesquelles ils s'appuient; (c) les facteurs spécifiques à une activité ou un secteur susceptibles d'accroître la propension des entreprises à délocaliser; (d) les tendances à venir en matière de délocalisations; (e) les effets de celles-ci. 2. Nous aborderons dans l'ordre chacun de ces points. Une bibliographie est jointe à la fin de cette annexe. Définition des termes associés aux délocalisations 3. Les ouvrages pertinents à ce sujet ne donnent pas de définition unique du terme "délocalisation". Nombre de textes que nous avons parcourus n'emploient pas le terme anglais générique "relocation" qui correspond au transfert d'activités économiques mais traitent de ce phénomène en le qualifiant d'"externalisation", d'"offshoring" (transfert d'activités à l'étranger), de désindustrialisation ou de délocalisation. Par ailleurs, tous les auteurs n'interprètent pas ces concepts de la même façon. 4. Pour commencer, le transfert d'activités économiques est souvent associé au concept de délocalisation qui au sens strict se réfère à la cessation d'une activité suivie de sa réouverture ou de sa sous-traitance à l'étranger (voir par exemple Aubert et Sillard, 2005). On retrouve cette approche dans la définition adoptée par le Comité économique et social européen dans son avis de 20051. Toutefois, l'opinion qui prévaut dans la plupart des ouvrages sur ce thème est qu'une telle définition des délocalisations serait trop étroite et, comme le font remarquer Boulhol et Fontagné (2005), qu'elle ne "recouvre pas une catégorie statistique ou un phénomène tangible". 5. Une grande partie des écrits définissent plutôt le phénomène en termes d'options qui s'offrenet à une entreprise lorsqu'il lui faut prendre des décisions de nature organisationnelle pour la mise en œuvre d'un processus de production donné. De telles décisions organisationnelles renvoient au recours à l'externalisation ou au transfert d'activités à l'étranger et c'est à ces deux notions que se réfèrent la plupart des publications pour traiter des délocalisations. 6. L'usage du terme "externalisation" et de l'expression "transfert d'activités à l'étranger" (ou "offshoring") n'est pas normalisée dans les ouvrages qui traitent de ce thème. Les définitions les plus communes sont celles proposées par la CNUCED (2004) et Pujals (2005). Leur description de 1

Comité économique et social européen (2005). “Portée et effets de la délocalisation d'entreprises”, CCMI/014 – CESE 851/2005, paragraphe 1.18.

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l'externalisation repose sur une distinction entre deux cas de figure: le processus visant à obtenir des facteurs de production intermédiaires peut être réalisé en interne (conservé "in-house") ou être délégué à une entreprise extérieure (externalisation); le terme "offshoring" est employé en référence aux cas où le processus de production est délocalisé à l'étranger. 7. Le tableau A1.1 ci-dessous présente les aspects que recouvrent les définitions de ces deux termes.

Tableau A1.1: Externalisation et "offshoring"

Production réalisée en interne ou externalisée Lieu de production Réalisée en interne Externalisée

À l'intérieur du pays Internalisation Externalisation

À l'étranger ("offshoring") Délocalisation à l'étranger intra entreprise ou captive

Externalisation à l'étranger ou offshore

Source: adapté à partir de CNUCED (2004) et Pujals (2005)

8. Les deux types de délocalisation offshore ("offshoring") présentés ci-dessus désignent l'installation d'une partie de la chaîne de valeur à l'étranger et ils figurent parmi les principaux phénomènes étudiés dans les ouvrages qui portent sur les délocalisations. Une telle interprétation ne repose pas sur le postulat que les activités réalisées à l'étranger doivent avoir été initialement accomplies au niveau national pour pouvoir être considérées comme relevant du phénomène de délocalisation. 9. La réflexion présentée ci-dessus définit l'externalisation et la délocalisation à l'étranger en référence à des biens intermédiaires, et non à des produits bruts ou finis. Toutefois, certains documents ne font pas cette distinction. Drumetz (2005) définit simplement l'"offshoring"comme une délocalisation de l'activité économique nationale à l'étranger et il ne semble pas se limiter aux facteurs de production intermédiaires. Une mesure des délocalisations centrée sur les biens intermédiaires s'intéresse avant tous aux domaines pour lesquels le processus final de production est réalisé au niveau national. Par exemple, si un fabricant d'automobiles national décide de réaliser la fabrication des moteurs à l'étranger, ces données seront prises en compte, les moteurs constituant un composant intermédiaire. Si en revanche, le producteur national cesse son activité dans ce domaine et qu'il est fait recours aux importations pour répondre à la demande, ces données ne seront pas prises en compte, dans la mesure où il n'y a pas d'importation de facteurs de production intermédiaires. 10. Certains écrits emploient une terminologie légèrement différente pour qualifier les pratiques décrites ci dessus. Par exemple, Geishecker (2005) et Amiti et Wei (2005) utilisent l'expression "externalisation à l'étranger" pour parler de l"offshoring", tel qu'il est défini dans le tableau ci-dessus. Dans d'autres documents, il semble également que les termes "externalisation" et "offshoring" soient utilisés indifféremment pour qualifier, de nouveau, ce qui a été présenté comme relevant de la délocalisation à l'étranger dans le tableau A.1.1. 11. Les notions examinées jusqu'à présent ont pour corollaire le concept de désindustrialisation, qui se rapporte au processus par lequel un pays ou un ensemble régional passe d'une économie industrielle à

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une économie fondée sur les services. L'avis du CESE de 2005 définit ce concept de manière plus précise, en termes absolus et relatifs2. Il présente la désindustrialisation absolue comme "entraînant une baisse de l'emploi, de la production, de la rentabilité, du stock de capital de l'industrie ainsi que des exportations de biens industriels avec apparition de déficits commerciaux pour ceux-ci", et qualifie la désindustrialisation relative de "baisse de la part de l'industrie dans l'économie, qui reflète un changement structurel dans la relation entre les résultats de l'industrie et le secteur des services". Mesures des délocalisations 12. Comme le remarque le rapport de l'OMC (2005), l’un des problèmes majeurs des définitions susmentionnées de l'externalisation et des délocalisations à l'étranger est qu’elles ne cadrent pas facilement avec les données économiques recueillies officiellement. Les données sont généralement collectées sur une base sectorielle, alors que les décisions relatives aux délocalisations sont prises à l'échelon de l'entreprise. Il est difficile de faire le lien entre les statistiques d’importations et la décision de dirigeants d'entreprise de remplacer la production d'origine interne par un produit importé. Amiti et Wei (2005) soulignent un autre problème potentiel: l'étude des données disponibles peut nous conduire à sous-estimer la valeur de la délocalisation à l'étranger, dans la mesure où les produits sont susceptibles de coûter moins cher s'ils sont importés que s'ils étaient achetés à l'échelon national. Il pourrait s'avérer préférable d'utiliser des données quantitatives, mais il n'est pas possible d'agréger celles-ci à un niveau supérieur à celui des produits pris individuellement de manière à obtenir un aperçu sectoriel utile et, dans bien des cas, de telles données ne sont pas disponibles. 13. En l'absence de données directes en la matière, les études réalisées ont employé des valeurs de remplacement afin d'avoir un aperçu de l'ampleur des délocalisations. Plusieurs indicateurs différents ont été utilisés à cet égard, ce qui n'est guère étonnant, étant donné l'absence de consensus quant à la définition des délocalisations. 14. Nous allons maintenant présenter les indicateurs des délocalisations qui ont été employés dans les écrits à ce sujet. Tableaux entrées-sorties 15. L'externalisation est généralement définie en référence à des facteurs de production intermédiaires et par conséquent, il est souvent fait recours aux tableaux entrées-sorties pour construire des évaluations. Dans le cadre d'une mesure des externalisations à l'étranger ("offshore"), les sources les plus exactes seraient peut-être les tableaux entrées-sorties pour les importations et la production nationale. Les tableaux entrées-sorties pour les importations reprennent les importations réalisées par chaque industrie en provenance d'autres industries situées à l'étranger et les tableaux entrées-sorties pour la production nationale donnent la valeur ajoutée apportée par chaque industrie nationale. 16. A l'aide de ces données, il est possible d'effectuer des calculs donnant une mesure restreinte et large des externalisations. Pour chaque classe d'activité industrielle, la mesure restreinte renvoie 2

Comité économique et social européen (2005). “Portée et effets de la délocalisation d'entreprises”, CCMI/014 – CESE 851/2005, paragraphe 1.18.

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uniquement aux importations en provenance de la même classe d'activité à l'étranger et concerne ainsi uniquement l'externalisation des activités principales de l'entreprise industrielle alors que la mesure large s'intéresse aux importations émanant de tous les secteurs industriels situés à l'étranger. Hijzen et al. (2005) calculent ces mesures "restreinte" et "large" comme suit: (a) Au sens restreint, l'externalisation d'une industrie I est le rapport entre les importations de produits I par l'industrie I et la valeur ajoutée de l'industrie I. (b) Au sens large, l'externalisation d'une industrie I est le rapport entre la somme de tous les facteurs de production achetés par l'industrie I et la valeur ajoutée de l'industrie I. 17. Le principal défaut de ces mesures consiste en ce que les données à partir desquelles elles sont calculées, à savoir les tableaux d'entrées-sorties pour les importations et la production nationale, ne sont établis qu'à intervalles espacés, en général tous les cinq ans. Pour compenser cette lacune et pour rendre possible la réalisation d'analyses qui nécessitent davantage d'observations, de nombreux auteurs, parmi lesquels Amiti et Wei (2005) ont réalisé des calculs approximatifs de ces mesures en utilisant une combinaison de tableaux entrées-sorties et de données commerciales. Les tableaux entrées-sorties standards détaillent uniquement les entrées dans chaque secteur industriel et ne les ventilent pas en fonction de leur origine nationale ou étrangère. Les auteurs utilisent ces tableaux standards en faisant l'hypothèse que le rapport entre les facteurs de production intermédiaires importés et ceux fabriqués à l'échelon national est le même que le rapport entre toutes les importations réalisées dans le secteur et la consommation totale du secteur. 18. La consommation ou plus précisément peut-être la "consommation apparente", est définie comme la somme de la production nationale et des importations, à laquelle on soustrait les exportations dans le secteur industriel en question. Ces deux différentes techniques sont équivalentes lorsque la part des biens intermédiaires importés est identique à la part de tous les biens importés. 19. D'autres auteurs, comme Geishecker (2005) et Falk et Wolfmayr (2005) précisent encore ces mesures en proposant des résultats désagrégés par pays partenaires, qu'ils obtiennent en analysant uniquement les importations en provenance de pays donnés. Données comptables nationales 20. D'autres évaluations des délocalisations ne prennent pas uniquement le commerce de biens intermédiaires comme référence mais tiennent également compte des données comptables nationales relatives principalement aux importations et aux exportations. 21. Par exemple, Drumetz (2005) calcule un ratio de pénétration des importations et un ratio de déficit extérieur qui permettent d'évaluer indirectement dans quelle mesure la consommation nationale dépend de la production nationale. Les mesures effectuées sont les suivantes: (a) Le ratio de pénétration des importations correspond au rapport entre les importations et la somme de la production nationale et des importations nettes.

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(b) Le ratio du déficit extérieur est donné par le rapport entre les exportations nettes et la somme de la production nationale et des importations nettes. 22. Dans son étude, l'auteur considère que des délocalisations à l'étranger ont lieu dans un secteur lorsque le ratio de pénétration des importations progresse fortement, le ratio du déficit extérieur baisse rapidement et la part de l'emploi de la branche dans l'emploi total diminue. D'autres études emploient également le ratio de pénétration des importations, notamment celles d'Anderton et Brenton (1999) et Campa et Goldberg (2005). 23. D'autres écrits, parmi lesquels ceux d'Amiti et Wei, s'intéressent aussi directement à la balance commerciale (exportations moins importations) en utilisant les importations comme valeur de référence pour les externalisations et les exportations comme indicateurs de "l'internalisation". 24. Rowthorn et Ramaswamy (1999), entre autres, se réfèrent à la part de la production totale réalisée par l'industrie concernée, mais ils s'en servent essentiellement comme instrument de mesure de la désindustrialisation et ils examinent les incidences d'autres facteurs, comme la balance commerciale. Emploi 25. De la même manière que Rowthorn et Ramaswamy (1999) utilisent la part d'un secteur industriel dans la production totale comme instrument de mesure de la désindustrialisation, ils emploient également la part de l'emploi industriel dans l'emploi total comme indicateur. Boulhol et Fontagné (2005) utilisent également cet instrument d'évaluation dans le même contexte. 26. Plutôt que de se pencher sur les chiffres de l'emploi, Geishecker (2005) s'intéresse à la part de la masse salariale dans différents secteurs industriels et étudie l'incidence de l'externalisation à l'étranger sur ce facteur. 27. Aubert et Sillard (2005) soulignent l'imprécision des mesures qui s'appuient sur les tendances de l'emploi pour comprendre le processus de délocalisation: les changements en termes d'emploi sont également le reflet d'autres facteurs, qui n'ont rien à voir avec les délocalisations, parmi lesquels les évolutions de la pression concurrentielle, aussi bien au niveau interne qu'externe, l'amélioration de la productivité ou les changements en matière de répartition capital/travail. 28. Les données de l'Observatoire européen des restructurations (ERM), géré par l'Observatoire européen du changement, peuvent aussi être utilisées comme instruments de mesure des délocalisations. L'ERM passe en revue les articles de presse publiés depuis 2002 dans l'UE pour obtenir des informations sur les pertes et les créations d'emploi dues aux restructurations des entreprises et, ce qui est particulièrement intéressant du point de vue de cette étude, il enregistre le nombre de pertes d'emploi, "lorsque l'activité continue à être réalisée par la même entreprise mais est transférée à un autre lieu de production au sein du même pays". Des écrits, comme ceux de Daudin et Levasseur (2005) et Pujals (2005) ont employé cette source de données comme indicateur de l'effet des délocalisations sur l'emploi. Galgoczi (2006) remarque, selon nous à juste titre, que la base de données ERM fournit des informations anecdotiques qui ne peuvent pas être considérées comme

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représentatives. Par conséquent, on ne peut pas tirer de conclusions solides des données qu'elle propose. Investissements directs à l'étranger 29. Les investissements directs à l'étranger (IDE), c'est-à-dire les investissements dans des avoirs étrangers, peuvent prendre deux formes différentes. Le premier type d'IDE consiste à investir dans des entreprises étrangères existantes (dans ce cas, il implique seulement un changement de propriétaire), ce qui n'est guère susceptible d'amener l'entreprise qui reçoit les investissements à exporter davantage vers le pays d'origine des IDE. Le second type renvoie aux investissements destinés à la création d'une nouvelle entreprise ou capacité de production. Cette catégorie est plus proche de la notion de délocalisation. 30. Dans son étude de l'utilisation des données relatives aux IDE en tant qu'indicateurs des délocalisations, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) envisage une autre catégorisation qui distingue les IDE verticaux et horizontaux. Les IDE verticaux se rapportent à la division du processus de production par une entreprise multinationale en vue de placer chaque étape de production dans le pays où le coût de sa réalisation sera le plus intéressant. Les IDE horizontaux renvoient au cas où une entreprise multinationale exerce la même activité dans plusieurs pays différents afin de produire des biens destinés au marché local; ils ne font pas partie des délocalisations. Il n'existe pas de données relatives aux IDE qui soient présentées à un niveau d'agrégation permettant de faire la distinction entre les IDE horizontaux et verticaux, mis à part dans de rares enquêtes. L'APCE (2005) souligne que "la presque totalité des études empiriques (…) concluent que l'IDE vertical ne joue qu'un petit rôle par rapport à l'ensemble de l'investissement direct étranger" et reconnaît qu'il est "difficile de tirer des conclusions simples sur les effets économiques de l'ensemble des IDE sur les pays sources". 31. Plusieurs études utilisent les données relatives aux IDE dans leur examen des délocalisations. Nous n'avons toutefois pas été convaincus par la logique qui sous-tend l'utilisation de ces données; en général, le seul élément qui plaide en faveur de leur utilisation est le fait qu'elles existent. Toutefois, l'examen critique de l'utilisation des données relatives aux IDE a renforcé notre sentiment qu'une portion substantielle des IDE émanant de l'UE n'est pas liée aux délocalisations et constituerait ainsi un indicateur peu fiable.

32. Nous citerons à cet égard le point de vue exprimé par Drumetz (2005) qui déclare: "les statistiques d'IDE répondent à d'autres objectifs que la mesure de la délocalisation et leur utilisation dans ce but est délicate". Des IDE pourront par exemple être réalisés sans que des équipements nationaux de production n'aient été fermés. Aubert et Sillard (2005) remarquent également qu'il est faux de croire que quelque soit la production qui résulte d'un IDE donné, celle-ci sera importée dans le pays d'origine, voire, plus généralement, qu'elle se "substituera" à la production nationale. L'IDE peut avoir été réalisé dans le but d'élargir un marché qui est proche du pays de destination. De plus, les investissements concernés peuvent avoir un objectif purement financier (achat d'actions cotées dans le pays de destination) et n'avoir peu voire pas de lien avec les décisions relatives à la production.

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33. Le Bureau fédéral du plan belge (2005) a également évalué les difficultés posées par la mesure des délocalisations à partir des données relatives aux IDE. Facteurs liés aux décisions de délocaliser 34. Certaines études en la matière ont tenté de mettre en lumière les facteurs qui sont liés au fait qu'une entreprise décide de délocaliser, et plus généralement se sont intéressées aux caractéristiques des entreprises ou secteurs industriels qui sont les plus susceptibles de procéder à des délocalisations. 35. Dans ce domaine, l'étude de la CNUCED (2004) est particulièrement utile. Elle cite les caractéristiques suivantes des services comme présentant une forte probabilité de délocalisation. (a) "la prestation du service n'a pas besoin d'être réalisée en face à face; (b) contenu à haute teneur en information; (c) l'activité peut être réalisée par télétravail et accomplie via Internet; (d) il existe des différentiels salariaux importants entre le pays source et le pays de destination concernant cette activité; (e) les barrières à l'établissement sont faibles; (f) peu d'exigences en matière d'interactions sociales." 36. Un second rapport, de l'OMC (2005) cite les paramètres suivants comme étant déterminants de la décision d'externaliser ou non une activité:

(a) "la possibilité de séparer le technique de l'institutionnel; (b) le degré de normalisation de la tâche considérée; (c) les coûts de transaction et de gestion en interne par rapport au recours à des fournisseurs externes; (d) les coûts de production; (e) la taille du marché." 37. D'autres éléments pertinents entrent en lignent de compte lorsqu'il s'agit par ailleurs de décider s'il convient ou non de procéder à un transfert de l'activité à l'étranger, car la délocalisation offshore donne lieu à d'autres frais de gestion variables qui peuvent résulter des différences linguistiques, juridiques, en matière de réglementations administratives ou monétaires ainsi que de la distance géographique entre les deux pays concernés. 38. Girma et Görg (2004) utilisent des données collectées à l'échelon d'entreprises du Royaume-Uni pour trois secteurs industriels (produits chimiques, ingénierie mécanique et instrumentale et éléctronique) afin d'étudier l'impact de différents facteurs sur la propension d'une entreprise à externaliser. Cette étude ne semble pas faire de distinction entre l'externalisation à l'étranger et auprès de producteurs nationaux. En prenant en compte d'autres facteurs (taille et coût de la main d'oeuvre), elle aboutit au résultat que les entreprises étrangères ont davantage recours à l'externalisation que les établissements nationaux. Différents paramétrages de leur modèle permettent de valider cette conclusion.

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39. Kakabadse et Kakabadse (2002) examinent les tendances en matière d'externalisation en se fondant sur une enquête réalisée auprès de 747 entreprises européennes et américaines. Cette étude ne semble pas faire de distinction entre l'externalisation à l'étranger et à l'échelon national. Le tableau A.12, qui figure ci-dessus présente un détail des raisons citées par les entreprises européennes pour justifier l'externalisation de leur activité.

40. Rowthorn et Ramaswamy (1997) étudient les causes et les effets de la désindustrialisation. Ils en concluent qu'il ne s'agit pas d'un phénomène négatif mais d'une conséquence naturelle de la poursuite de la croissance dans les pays développés. La principale cause citée pour expliquer la désindustrialisation est la croissance plus rapide de la productivité dans le secteur de l'industrie que dans celui des services.

Tableau A1.2: Motifs de l'externalisation

Motif Pourcentage des participants ayant sélectionné la réponse

Discipline budgétaire/contrôle des coûts 59

Moyen d'assurer la mise en œuvre de bonnes 56

Améliorer la qualité du service 41

Se concentrer sur des compétences clés 39

Accroître la capacité de développer un nouveau produit/service

35

Accès à des nouvelles technologies et compétences 34

Réduction des effectifs 34

Réduction du coût d'investissement 32

Accroître l'expertise en interne 30

Réduction des coûts de transaction 27

Réduction des coûts de promotion 23

Investissement technologique 18

Améliorer la place de l'entreprise dans la chaîne de valeur 17

Améliorer l'aptitude au changement 17 Source: Kakabadse et Kakabadse (2002) Le document souligne également que le commerce Nord-Sud a joué un rôle mineur en matière de désindustrialisation. Prévision des tendances en matière de délocalisations 41. Nous avons pensé qu'il serait utile d'examiner les prévisions des études concernant l'évolution probable du processus de délocalisation, afin d'observer si elles considèrent que ce processus va s'accélérer au cours de la décennie à venir et que l'orientation du flux d'activité économique va se modifier à l'échelon mondial, et si tel le cas, comment elles conçoivent cette évolution.

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42. Nous n'avons trouvé qu'une seule étude qui s'intéresse à cette question d'un point de vue quantitatif. L'article de l'institut de recherche Forrester (2004) donne des prévisions détaillées de la délocalisation d'emplois européens à l'étranger en les classant par pays et par secteur pour une période qui s'étend jusqu'en 2015. Le rapport prévoit qu'environ 495.000 emplois seront délocalisés hors de l'UE-15 d'ici 2010 et qu'il y aura environ 1.153.000 suppressions d'emploi d'ici 2015, ces pertes survenant pour deux tiers au Royaume-Uni. Le fait qu'une telle proportion des délocalisations émane du Royaume-Uni peut s'expliquer par le fait que chaque année l'Inde forme 2 millions d'anglophones qui disposent de qualifications techniques et de connaissances des techniques quantitatives et par le fait que le marché du travail britannique est relativement plus flexible que ceux des autres pays de l'UE-15. S'agissant du décompte par catégorie d'emploi, l'étude prévoit que d'ici 2015 les pertes seront réparties comme suit: 13% pour les personnes travaillant dans le domaine des technologies de l'information, 34% pour les employés, 29% pour les emplois du commerce et de la gestion, 20% pour les personnes employées dans le secteur de la science et l'ingénierie, 3% pour le secteur public et 1% pour le secteur des médias. Effets des délocalisations 43. Les ouvrages concernés abordent avec une certaine circonspection la question des effets des délocalisations. Il est naturel de s'intéresser à cette question, étant données ses implications politiques et, surtout, l'opinion communément admise (qui n'est pas nécessairement fondée) selon laquelle le processus de délocalisation doit continuer à s'accroître. L'analyse des effets des délocalisations a tendance à se concentrer sur un des deux aspects suivants: d'une part les conséquences en matière d'emploi dans le pays source et le pays de destination et d'autre part les conséquences sur la productivité de l'économie source. Nous proposerons un résumé succinct des approches adoptées dans les écrits pertinents. Effets des délocalisations sur l'emploi 44. Falk et Wolfmayr (2005) analysent l'impact de l'externalisation à l'étranger sur l'emploi, à l'aide de données relatives à l'industrie de 7 pays de l'UE pour la période 1995-2000. L'étude établit des équations relatives à la demande de main-d'œuvre qui montrent que les importations en provenance de pays à faibles salaires ont un effet statistique significatif sur l'emploi et que les importations issues des pays industrialisés n'ont pas d'effet sur l'emploi. Leurs calculs montrent que les changements observés en matière d'externalisations dans l'UE entre 1995 et 2000 sont à eux seuls responsables d'une réduction de l'emploi de 0,26 points de pourcentage par an. 45. Strauss-Kahn (2003) construit un modèle destiné à évaluer l'effet de la spécialisation verticale (part des facteurs de production importés dans la production – mesure large de l'externalisation) sur la part de travailleurs non qualifiés dans l'industrie. Le modèle est établi sur la base de données industrielles françaises pour 14 secteurs et sur deux périodes de référence: 1977-1985 et 1985-1993. Lors de ces périodes, la part des travailleurs non qualifiés dans l'emploi total a respectivement baissé de 0,49 et 0,44 points de pourcentage par an et le degré de spécialisation verticale a respectivement augmenté de 0.094 et 0.185 pour cent par an. L'auteur estime que les changements qui affectent la

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spécialisation verticale ont contribué à environ 11 à 15 % du déclin de la part des travailleurs non qualifiés dans l'emploi industriel en France pour la période 1977-1985 et 25% pour1985-1993. 46. Egger et Egger (2000) étudient les conséquences sur l'emploi de l'externalisation vers l'Europe orientale et l'ex-Union soviétique sur un échantillon de 20 secteurs industriels autrichiens pour la période 1990-1998. Les résultats indiquent qu'une augmentation de 1% des externalisations au bénéfice des pays de l'Est (en termes de production brute) engendre une évolution de la structure de l'emploi de 0,1% en faveur des travailleurs hautement qualifiés. Les auteurs estiment que les externalisations sont responsables de près d'un quart des mutations de la structure de l'emploi en faveur des personnes hautement qualifiées. 47. Les Perspectives de l'emploi 2005 de l'OCDE ("The OECD Employment Outlook 2005") étudient les coûts d’ajustement liés aux échanges sur les marchés du travail des pays de l’OCDE. Les principales conclusions de ce rapport concernant les effets du commerce international sur les marchés du travail sont les suivants. (a) Sur une longue période, l’effet le plus important des échanges et des investissements internationaux sur le marché du travail est une augmentation des salaires réels moyens, qui s’accompagne d’un redéploiement des emplois entre les branches et les professions. Le rapport souligne que ni la théorie économique, ni l’expérience passée ne permettent de penser que la situation de l’emploi s’est globalement dégradée sous l’effet de l’intégration économique internationale. Cela étant, il est probable que l’expansion des échanges avec des pays à bas salaires a contribué dans une certaine mesure à accentuer les inégalités salariales dans de nombreux pays de l’OCDE. (b) L’intensification de la concurrence internationale s'accompagne d’ajustements sur le marché du travail, mais les échanges ne sont que l’un des nombreux facteurs qui contribuent à la rotation des emplois et au changement structurel. (c) Les coûts d’ajustement paraissent plus lourds pour les travailleurs victimes de suppressions d’emplois dues à la libéralisation des échanges que pour les autres travailleurs qui perdent leur emploi, car ils ont plus de mal à retrouver des emplois et subissent en cas de réemploi des pertes de salaire plus importantes. 48. Amiti et Wei (2005) tentent d'établir si l'externalisation des services à l'étranger a conduit à une baisse de l'emploi au Royaume-Uni. Les auteurs utilisent des données émanant de 69 industries manufacturières et 9 industries de service britanniques qui couvrent la période 1995-2001 et ils en concluent que l'externalisation n'a pas d'effet négatif sur l'emploi industriel à un échelon sectoriel. Ils aboutissent au même résultat pour le secteur des services. Ces conclusions suggèrent que les personnes qui perdent leur emploi du fait de l'externalisation ont tendance à en trouver un autre au sein de la même classe d'activité industrielle. Cette étude conclut en outre que l'externalisation n'a pas d'effet négatif sur la croissance de l'emploi à l'échelon sectoriel. 49. Geishecker (2005) analyse les conséquences de l'externalisation vers l'Europe centrale et orientale sur l'emploi relatif de travailleurs manuels en Allemagne, à l'aide de données émanant d'un panel de 20 industries manufacturières sur la période 1991-2000. L'étude combine des données commerciales

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et des informations relatives aux entrées-sorties pour en déduire des informations sur l'externalisation à l'étranger et le commerce de biens finis et distinguer les effets des externalisations dans différents ensembles régionaux internationaux. En appliquant une mesure restreinte de l'externalisation et en tenant compte des autres facteurs, ils trouvent que l'externalisation à l'Europe centrale et orientale a diminué la part de la masse salariale des travailleurs manuels de 2,7 points de pourcentage entre 1991 et 2000 ce qui représente 57% de la baisse de la part de la masse salariale des travailleurs manuels sur l'ensemble de la période. 50. Boulhol (2003) développe un modèle inspiré de celui proposé par Rowthorn et Ramaswamy (1998), dans lequel il constate que les délocalisations sont étroitement liées aux gains de productivité. L'étude prend pour point de départ les données de 16 pays de l'OCDE entre 1970 et 2002. Ses résultats viennent corroborer ceux de Rowthorn et Ramaswamy (1998), à savoir que la désindustrialisation résulte principalement d'un processus naturel d'augmentation des gains de productivité dans l'industrie. Les évaluations réalisées dans ce document suggèrent que le commerce international est responsable de 15% à peine du phénomène de désindustrialisation. À l'origine de ce dernier, on trouve notamment l'accroissement des importations en provenance du Sud (pays en développement), et l'on estime qu'une augmentation des importations en provenance des pays du Sud équivalente à 1% du PIB engendre un impact relatif de - 2,8 % sur la structure relative de l'emploi. Effets des délocalisations sur la productivité 51. Comme nous l'avons précédemment mentionné, Girma et Görg (2004) observent les effets de l'externalisation (à l'intérieur du pays et à l'étranger) sur les entreprises nationales et étrangères, à l'aide de données recueillies auprès de sociétés britanniques. L'étude montre que l'externalisation accroît tant la productivité du travail que la productivité de tous les facteurs de production et que cette augmentation est plus prononcée dans le cas des entreprises étrangères. 52. Dans une étude de suivi qui a donné des résultats similaires, Görg et al. (2005) s'intéressent à l'impact de l'externalisation internationale sur la productivité, à l'aide de données émanant de l'enquête sur les dépenses de l'économie irlandaise pour la période 1990-1998 et collectées à l'échelon des usines. Les analyses économétriques suggèrent que les entreprises exportatrices qui s'engagent dans l'externalisation à l'étranger de biens intermédiaires en retirent des gains de productivité. L'étude montre qu'une augmentation d'un point de pourcentage du volume des externalisations conduit à une augmentation de productivité à l'échelon des usines qui s'élève à 1,7% pour les multinationales étrangères et 0,9% pour les entreprises domestiques. Les entreprises multinationales sont plus avantagées en matière d'externalisation à l'étranger car elles font partie de réseaux de production internationaux et savent mieux où se procurer des facteurs de production à des prix compétitifs. Résumé: conclusions sur les effets des délocalisations 53. Les études qui s'intéressent aux effets des délocalisations utilisent des données différentes, relatives à divers secteurs, pays et périodes de référence. Dans ce contexte, il n'est peut-être pas étonnant qu'on ne parvienne pas à atteindre un consensus quant aux effets des délocalisations sur l'emploi en général. Alors que certains auteurs trouvent que les délocalisations sont à l'origine d'une baisse de l'emploi, un groupe d'autres théoriciens suggèrent que celles-ci n'ont pas d'influence sur le

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nombre de postes mais sur la structure de l'emploi. Plusieurs écrits se font écho d'un même résultat: les délocalisations conduiraient à une modification de la structure de l'emploi au profit des travailleurs hautement qualifiés. Une des conclusions qui ressort des ouvrages que nous avons passés en revue est également que les délocalisations accentuent les différences salariales dans le pays source. 54. Un résultat somme toute plus surprenant est que les études réalisées sur la question semblent aboutir à un consensus quant aux effets positifs de la délocalisation sur la productivité dans le pays source.

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PHOTO Affiche conférence trilingue

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13.30 ENREGISTREMENT

14.30 ALLOCUTIONS D'OUVERTURE

Intervenant 1: M. BRIESCH — Vice-président du Comité économique et social européen

Intervenant 2: M. KOOPMAN — Commission européenne, Directeur, DG Entreprises et Industrie

15.00 DISCOURS — Ce que pourrait réaliser une Europe ambitieuse et unie

par M. DEFRAIGNE — Directeur d'Eur-IFRI - Institut Français des Relations Internationales à Bruxelles

15.30 DÉBAT OUVERT

16.00 Pause café

16.15 SESSION 1 Délocalisation: définition et état des lieux

La délocalisation en tant que manifestation des mutations industrielles dans le marché global

Délocalisation et désindustrialisation: comparaison

Types de délocalisations et terminologie

Prévoir les délocalisations: instruments disponibles et indicateurs

Principales tendances (géographiques, sectorielles, etc.)

Présidence: M. RODRÍGUEZ GARCÍA-CARO — Membre CESE, Directeur de la délégation auprès de l’UE de la Confédération espagnole des organisations d’employeurs

Intervenants: M. FERNANDES — Membre fondateur de Reckon LLP – Consultancy firm, Londres

M. KARPPINEN — Directeur de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail – (EUROFOUND, Dublin)

M. LAROSE — Membre du Conseil économique et social de France – Membre du Groupe de la Confédération générale du travail (CGT)

M. LEBRUN — Commission européenne, DG Emploi, affaires sociales et égalité des chances

Mme MARIN — Professeur, Université de Munich, Allemagne

17.30 DISCUSSION OUVERTE DES QUESTIONS SOULEVÉES AU COURS DE LA SESSION 1

18.15 FIN DE LA SESSION 1

18.30 RÉCEPTION

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9.00 SESSION 2 – Délocaliser ou non? (analyse "ex ante")

Facteurs qui déterminent le choix du lieu d'implantation

Moteurs de délocalisation

Éléments dissuasifs pour la délocalisation

Conséquences pour les sociétés, les régions et les personnes

Présidence: M. ZÖHRER — Membre CESE, Secrétaire international du Syndicat de la métallurgie, des mines et de l’énergie (GMBE – Autriche)

Intervenants: M. ALTOMONTE — Professeur, Université Bocconi - Milan

M. HOLMQVIST — CEO, European Association of Automotive Suppliers (CLEPA)

M. MARTENS — CEO, European Policy Center (EPC)

M. ROOME — Professeur, Solvay Business School – Université Libre de Bruxelles

M. TOTH — Membre CESE, Vice-président de l’Association des parcs industriels (IPE – Hongrie)

10.15 DISCUSSION OUVERTE DES QUESTIONS SOULEVÉES AU COURS DE LA SESSION 2

11.00 SESSION 3 Délocalisation: une arme à double tranchant (analyse "ex post")

Impact sur les régions d'origine

Impact sur les régions de destination

Délocalisation "secondaire"

Aspects macroéconomiques

Présidence: M. NUSSER — Délégué CCMI, Directeur général, Association nationale des négociants en acier (BDS – Allemagne)

Intervenants: M. BERGE-KLEBER — Vice-président de L&SEK (Association suédoise pour le développement local, économique et social)

M. COTTIGNY — Membre du Parlement européen, PSE

M. GALGÓCZI — Senior researcher, European Trade Union Institute (ETUI-REHS)

M. SHESHABALAYA — Business consultant – Fondateur de India Advisory

M. VAN ASSCHE — Conseiller en affaires sociales – Union Européenne de l’Artisanat et des Petites et Moyennes Entreprises (UEAPME / UNIZO)

12.15 DISCUSSION OUVERTE DES QUESTIONS SOULEVÉES AU COURS DE LA SESSION 2

13.00-14.30 Temps libre

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14.30 SESSION 4 Gérer les délocalisations

Rôle des partenaires sociaux et des autres acteurs concernés

Rôle des pouvoirs publics

Options politiques

La CCMI: anticipation et gestion des mutations industrielles

Présidence: M. VAN IERSEL — Membre CESE, Ancien Président de la chambre de commerce de La Haye et ancien député néerlandais

Intervenants: M. DE BUCK — Secrétaire général – Confédération des entreprises européennes – (UNICE)

M. DE BUCQUOIS — Vice-président du Comité européen des associations d’intérêt général (CEDAG)

M. DIJKSMA — Président de la Commission ECOS — Comité des Régions

M. HERZOG — Président de Confrontations Europe

M. MONKS — Secrétaire général – Confédération européenne des syndicats – CES/ETUC

16.00 DISCUSSION OUVERTE DES QUESTIONS SOULEVÉES AU COURS DE LA SESSION 4

17.00 CONCLUSIONS :

Mme VEUGELERS — Economic Advisor, BEPA, KU LEUVEN

17.15 INTERVENTION DE CLÔTURE

M. PIETTE — Président de la CCMI 17.30 FIN DE LA CONFÉRENCE

LIEU: Comité économique et social européen, rue Belliard 99, 1040 Bruxelles - Belgique DOCUMENTATION: disponible en français et anglais

INTERPRETATION: FR-DE-EN-IT-NL-DA-EL-ES-PT-FI-SV-CS-HU-PL-SK vers FR-DE-EN-IT-NL-ES-PT-CS-HU-PL

SITE WEB CCMI: http://eesc.europa.eu/sections/ccmi/events/index_fr.asp?id=1470001ccmifr

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R A P P O R T D E S Y N T H È S E D E L A C O N F É R E N C E

" D É L O C A L I S A T I O N – D É F I S E T O P P O R T U N I T É S "

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La conférence intitulée "Délocalisation – Défis et opportunités", qui a été organisée

par la Commission consultative des Mutations industrielles les 28 et 29 juin derniers,

a prouvé le besoin permanent de mener une discussion approfondie sur ce sujet

sensible et controversé. Le panel d'orateurs de haut niveau a émis des opinions très

divergentes sur d'importants aspects de la question de la délocalisation, à savoir sa

gravité, son ampleur, sa légitimité et les motivations qui la sous-tendent. Les

importantes opportunités créées par la délocalisation ont été systématiquement mises

en contraste avec la dure réalité des défis engendrés. Tout au long de ces deux jours

de discussions, les questions relatives à l'attitude à adopter par l'Union sont

constamment revenues à l'avant-plan.

Malgré la divergence des opinions, la conférence ne s'est pas résumée à

l'affrontement de stéréotypes. Et bien que l'on ne soit pas parvenu à une unanimité sur

les réponses à apporter, les discussions menées ont prouvé la pertinence de l'objectif

de la conférence, à savoir améliorer la compréhension de la situation actuelle, des

facteurs qui déterminent le processus, de ses conséquences et des options politiques

possibles.

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D É F I N I R L A D É L O C A L I S A T I O N

Dès le début, il s'est avéré que la définition et les données relatives aux délocalisations étaient encore très lacunaires. Roger Briesch, vice-président du Comité économique et social européen (CESE), a déclaré dans son allocution d'ouverture que malgré l'importance de la question, "[elle] reste marquée par des malentendus, des désaccords et des confusions. Il n'existe ni définition communément acceptée du processus, ni méthode unique et universellement établie de mesure de son étendue et de ses conséquences. Il est donc nécessaire d'arriver à une plus grande clarté, sans laquelle il ne peut y avoir une approche cohérente pour l'élaboration de politiques". Jusqu'à présent, il n'existe pas de données officielles ni de statistiques fiables, ont ajouté Gert-Jan Koopman, directeur à la DG Entreprises et Industrie, Commission européenne, et Gustav Zöhrer, membre du Comité économique et social européen. Et Pedro Fernandes, de Reckon LLP, d'expliquer que l'étude qu'il a récemment menée sur la question pour la Commission consultative des Mutations industrielles (CCMI) du CESE ne confirme l'existence de délocalisations au niveau de l'Union européenne que dans les secteurs suivants: le textile et le cuir, l'habillement et les chaussures. Dans le secteur de l'ingénierie électromécanique, les données font apparaître des signaux mitigés. Il existe peu de données sur la nature et l'impact des délocalisations […] et aucune donnée mesurant directement les délocalisations, a-t-il conclu. 27.000 emplois seulement au cours de cette dernière année? Gert-Jan Koopman et Jorma Karppinen, directeur de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail, ont partagé le point de vue d'autres orateurs selon lequel les délocalisations ne sont responsables que d'une faible proportion des pertes d'emplois nettes chaque année dans l'UE, à savoir probablement pas plus de 5%, soit 27.000 emplois dans l'année précédant juin 2006. Cependant, en l'absence de chiffres concrets, les points de vue sont légion. L'affirmation de Lars Holmqvist, représentant de l'Association européenne des distributeurs de véhicules automobiles, selon laquelle une usine de construction de véhicules automobiles polonaise offre un avantage de coût évident par rapport à une usine équivalente en Suède a été mise en doute par Hans Martens, du European Policy Centre, qui a suggéré que la comparaison ne tenait pas compte de données-clés sur la productivité relative. Par ailleurs, les allégations de l'OCDE relatives à des entraves à la création d'entreprises en Europe orientale ont été contestées par Dominica Ostrowska, représentante de la ville de Lódź à Bruxelles, qui, pour étayer ses propos, a évoqué l'installation d'entreprises telles que Siemens ou Philips dans la région de Poznan. Un phénomène complexe La complexité même du phénomène de délocalisation a été abondamment et systématiquement illustrée. Le Professeur Carlo Altomonte, de l'Université Bocconi (Italie), a décrit la division du travail appliquée pour la fabrication d'une brosse à dents électrique: trois continents et une dizaine de pays sont couverts. Ashutosh Sheshabalaya, India-Advisory, a évoqué des variations encore plus

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grandes sur ce thème. Il a souligné l'emploi par General Electric de plus d'experts à Bangalore que dans sa base de recherche américaine, mais également la délocalisation aux États-Unis de la conception de logiciels par des firmes pharmaceutiques indiennes ou encore la délocalisation par ABN-Amro du travail pointu en Inde et du maintien aux États-Unis du travail administratif de base uniquement. Le risque de confusion en matière de délocalisation est accru par la variété de termes utilisés. Ainsi, selon le professeur Dalia Marin, de l'Université de Munich, ce qui était considéré il y a peu comme de l'externalisation vers l'Europe orientale est désormais qualifié de délocalisation. Différents intervenants ont ensuite tenté de définir précisément le concept de délocalisation dans le cadre du contexte plus vaste du transfert d'activités à l'étranger (offshoring), de l'externalisation, de la restructuration et de la mondialisation, mais il n'en est pas ressorti d'image globale cohérente. Même la définition fournie dans l'avis du CESE de juillet 20051 ("phénomène correspondant à la cessation, partielle ou totale, d'une activité suivie de sa réouverture à l'étranger à travers un investissement direct") laisse planer quelque doute sur la signification de l'expression "à l'étranger". L'incertitude est toujours présente: faut-il parler de délocalisation à partir de l'UE-15 ou de l'UE-25 et doit-on la limiter aux nouveaux États membres et à tout pays tiers? Philippe De Buck, de l'UNICE, a mis en exergue le potentiel variable de la "délocalisation" en commentant les différentes réactions qui peuvent être enregistrées au sein d'une même région, et notamment les conflits opposant des municipalités à propos du déménagement d'entreprises locales. Le contexte plus global Dans son discours d'ouverture, Pierre Defraigne, d'Eur-IFRI, a replacé la délocalisation dans un contexte plus global. Il a souligné que la mondialisation pouvait, dans le meilleur des cas, radicalement améliorer les perspectives sur le plan mondial. Selon lui, elle ouvre de nouvelles perspectives de progrès de la productivité et donc des niveaux de vie (en encourageant l'innovation technologique et sa diffusion), d'intégration du Sud et de gestion en commun de l'environnement planétaire. Toutefois, a-t-il ajouté, pour réaliser cet objectif, l'UE doit apprendre à dominer le processus. Elle doit également pouvoir exercer une forte pression au niveau international afin d'éviter une dégradation du tissu social et de garantir une distribution plus équitable des richesses. D'autres dynamiques simultanées viennent s'ajouter, exigeant des réponses plutôt nuancées. Ainsi, Jürgen Nusser, de la CCMI, a signalé que l'industrie allemande de l'acier produit la même quantité qu'il y a dix ans, mais qu'elle emploie cinq fois moins de main-d'œuvre qu'à l'époque. Cette situation n'est pas due à la délocalisation, a-t-il ajouté, mais résulte simplement de l'évolution technologique, même si ses effets sont tout aussi désastreux pour l'emploi. Roger Briesch s'est exprimé dans le même sens: "Il est incontestable que des délocalisations ont bien lieu et qu'elles sont inextricablement mêlées à d'autres manifestations des mutations structurelles. Il est impossible de dissocier la délocalisation d'autres évolutions économiques, notamment la réaffectation des ressources, la rationalisation, l'expansion des entreprises ainsi que l'essor et le déclin naturels des secteurs".

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CCMI/014 - CESE 851/2005: "Portée et effets de la délocalisation d'entreprises".

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UNE VARIÉTÉ DE MOTIFS Les analyses des motifs de délocalisation font apparaître des divergences reflétant à peu près les différents points de vue (soit en tant qu'acteurs de la délocalisation, soit en tant que victimes du processus). Les orateurs représentant les entreprises ont estimé que les principales motivations sont liées à l'exploitation des changements. La liste de Jürgen Nusser, par exemple, mettait en exergue l'optimalisation des possibilités offertes par l'évolution industrielle (telles que le choix d'externaliser pour élargir les options au cours des différents stades ou aspects de la production). Elle comportait également l'accès à de nouveaux marchés et la mise à profit des nouvelles perspectives offertes par les marchés, des changements dans l'environnement professionnel (tels que les aides à l'investissement dans les nouveaux États membres, la disponibilité et le coût des locaux ou les différences en matière de taxation) ou les nouvelles conditions (telles que la disponibilité de main-d'œuvre plus qualifiée ou moins chère ou la possibilité d'un approvisionnement plus compétitif en matières premières ou produits semi-finis). Saisir les opportunités Philippe De Buck a décrit l'obligation qu'ont les entreprises de saisir les opportunités, qui peuvent consister en la variabilité des coûts d'un pays ou d'une région à l'autre (ex.: niveaux des taxes et des salaires), une évolution d'ordre technologique (ex.: des entreprises pharmaceutiques qui déménagent pour se rapprocher des centres de recherche) ou la modification des habitudes de consommation induites par l'évolution démographique. Pour Lars Holmqvist, les productions à faible coût et dès lors les délocalisations sont devenues une obligation pour notre secteur du fait de la baisse progressive des prix des véhicules. Cependant, toujours selon lui, les facteurs comportent également les qualifications de la main-d'œuvre (plus faciles à trouver en Europe orientale: les constructeurs de véhicules automobiles de haute technologie aiment la Slovaquie étant donné les normes élevées appliquées pour la production de leurs modèles haut de gamme), les bonnes compétences techniques, des marchés du travail flexibles et motivés, des attitudes positives face au travail, la proximité de marchés attrayants présentant un potentiel de croissance, ainsi que la stabilité politique et économique. Facteurs incitatifs et dissuasifs Hans Martens a insisté sur la variété des facteurs qui entrent en ligne de compte. La seule croissance économique d'un pays ne suffit pas pour attirer les entreprises étrangères (si tel était le cas, la Guinée-Équatoriale ou le Tchad constituerait des destinations privilégiées, a-t-il déclaré). C'est plutôt l'association de plusieurs conditions, très similaires aux éléments de la stratégie de Lisbonne de l'UE, qui incite à délocaliser, a-t-il ajouté. Pour José Isaías Rodríguez García-Caro, membre du CESE, la principale motivation est la recherche de travailleurs qualifiés.

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Les économistes et les fonctionnaires ont généralement évoqué des motivations similaires. Selon Gert-Jan Koopman, les facteurs sous-tendant la délocalisation ou l'externalisation sont parfois positifs: il peut s'agir d'une réorganisation visant à accroître le rendement général de l'entreprise, comme dans le cas de l'externalisation des approvisionnements en biens intermédiaires (ex.: dans l'industrie automobile). Ces facteurs peuvent aussi être négatifs: un climat défavorable aux entreprises et aux investissements, un niveau de réglementation élevé ou des contraintes sociales et environnementales. Mme Dalia Marin a quant à elle estimé que le véritable risque est d'assister à un exode des emplois hautement qualifiés vers l'Europe orientale du fait des niveaux de formation plus élevés. Elle prévoit une guerre des cerveaux plutôt qu'une guerre des entreprises. Des valeurs à respecter Mais les syndicalistes et autres représentants des travailleurs dont les emplois sont transférés ont attiré l'attention sur le revers de la médaille. Ils ont contesté l'approche clinique et insisté sur la nécessité d'émettre également des jugements de valeur. “Certains motifs sont plus avouables et plus légitimes que d'autres”, a estimé Roger Briesch. Certains orateurs plus insistants (dont Pierre Defraigne) ont rejeté les arguments purement économiques et soutenu que les délocalisations peuvent également être motivées par la recherche de profits plus élevés et de coûts réduits plutôt que par une véritable lutte pour la survie de l'entreprise. Chacun s'est en tout cas accordé pour dire qu'une entreprise qui envisage de délocaliser ne doit pas uniquement peser le pour et le contre de sa décision d'un point de vue égocentrique, mais doit aussi tenir compte de sa responsabilité sociale, c'est-à-dire des enjeux pour les personnes et les régions potentiellement affectées. Le problème est la redistribution inéquitable des richesses, a indiqué Enrico Gibellieri, de la CCMI, et plusieurs orateurs ont laissé entendre que les délocalisations sont le fait d'entreprises agissant comme de véritables chasseurs de primes, dénuées de tous scrupules et constamment à la recherche de nouveaux profits. La réalité des délocalisations est amère pour les victimes, a déclaré Michel Nollet, membre du CESE, évoquant l'abandon par Renault de son site de Vilvoorde pour illustrer la prédominance inopportune des intérêts des actionnaires au détriment de ceux des travailleurs. Il a également été suggéré d'insister davantage sur la dimension éthique. Le syndicaliste français Christian Larose a proposé d'instaurer un mécanisme permettant d'aider à atténuer la vulnérabilité des travailleurs face aux décisions de délocalisation, qui est ressentie au niveau des salaires mais également de leurs droits. Selon ce dernier, il est temps d'impliquer les consommateurs et de les sensibiliser aux conditions de fabrication des produits qu'ils achètent. Des comportements d'achat plus intelligents pourraient ainsi exercer une pression sur les entreprises et les pays et les amener à élargir leur champ de vision, à regarder plus loin que leurs propres préoccupations économiques et à respecter des normes sociales et environnementales élevées. Gustav Zöhrer a proposé de renforcer les obligations relatives à la responsabilité sociale des entreprises. C'est, selon lui, particulièrement important face à la persistance du travail des enfants et du travail forcé dans l'industrie textile, lesquels faussent les décisions de délocalisation. Lars Holmqvist partage ce point de vue. En ce qui concerne la responsabilité sociale des entreprises, Nigel Roome, professeur à la Solvay Business School, Belgique, a admis que la prise de position par rapport aux actionnaires n'est pas encore une compétence principale dans la plupart des entreprises.

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Et la fiscalité? Les opinions étaient très divergentes par rapport au poids de la fiscalité dans les décisions de délocalisation. Roger Briesch, Gustav Zöhrer et les syndicalistes ont insisté sur le fait que les niveaux variables de l'impôt sur les sociétés influencent les décisions en matière de délocalisation de manière inéquitable et ont vivement préconisé la mise en œuvre d'une harmonisation en la matière. Les économistes étaient d'avis que l'aspect fiscal n'influence que de façon marginale la décision des entreprises de déménager (mais Dalia Marin a signalé que cela influence le choix entre le transfert d'activités à l'étranger, ou offshoring, et l'externalisation). Lars Holmqvist et Hans Martens ont considéré que la fiscalité n'entre quasiment pas en ligne de compte dans le choix de délocaliser. Des divergences ont néanmoins été relevées, même parmi les représentants du monde des affaires. Selon Jürgen Nusser, le taux d'imposition fait la différence (entre 15% en Lettonie et 38% en Allemagne). Il a signalé que les juristes fiscalistes sont aujourd'hui des acteurs-clés des décisions en matière d'investissements directs à l'étranger.

D E S D É B A T S P A S S I O N N É S S U R L E S R É P E R C U S S I O N S

Les répercussions des délocalisations ont fait l'objet d'une discussion particulièrement animée. À ceux qui ont revendiqué la survie héroïque des entreprises, une compétitivité accrue, un choix plus large pour les consommateurs et une création d'emplois, d'autres ont opposé la main-d'œuvre sous-évaluée, une concurrence salariale, une dégradation sociale et de nombreuses suppressions d'emplois. Côté pile Les répercussions positives invoquées étaient notamment une baisse des prix pour les consommateurs, une hausse des bénéfices pour les entreprises, une impulsion majeure aux économies émergentes, l'amélioration des qualifications des travailleurs, le redéploiement à des postes supérieurs, une utilisation plus efficace des ressources et la création de nouveaux emplois pour remplacer ceux qui ont été supprimés. D'une manière générale, la délocalisation débouche sur une meilleure rentabilité, la croissance et la création d'emplois, a estimé Jean-François Lebrun, chef de l'unité "Conditions de travail, adaptation aux changements" de la DG Emploi de la Commission européenne. Selon Lars Holmqvist, les nouvelles infrastructures en Europe orientale produiront un million de voitures cette année. L'un des plus ardents défenseurs de la délocalisation était Enrique Calvet Chambon, de la CCMI, qui a souligné qu'il s'agit exclusivement d'une force, tant pour le pays de destination que pour le pays source, où l'énergie et les ressources peuvent être réaffectées plus efficacement. L'étude de Dalia Marin sur l'Autriche et l'Allemagne lui a permis de conclure que les pertes d'emplois issues des délocalisations dans ces pays sont inférieures à 1% car, selon elle, les emplois hautement qualifiés et dépendant de la recherche qui sont transférés vers la "nouvelle Europe" n'entrent pas en concurrence avec les postes occupés en Autriche et en Allemagne. Elle a estimé que les conséquences

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sont bénéfiques: les salaires peu élevés dans la nouvelle Europe aident l'Allemagne et l'Autriche à rester compétitives en leur permettant de réduire les coûts sur certains aspects de leurs opérations. Côté face Les répercussions négatives étaient perçues essentiellement sur le plan humain, avec une myriade d'exemples de détresse sociale dans les régions et secteurs touchés. José Custódio Leirião, membre du CESE, a évoqué le sort des travailleurs de l'industrie automobile portugaise délocalisée en Espagne afin de réduire les coûts. La plupart des 2.000 personnes ont 45 ans ou plus et n'ont aucune chance de retrouver un emploi, a-t-il déploré. Christian Larose a fait remarquer que dans le secteur textile français, la moitié des emplois ont été supprimés au cours de ces dix dernières années, et même si pour les économistes l'effet est marginal, ce n'est pas ce que disent les victimes!. Les entreprises ont également été accusées de "déguiser" des délocalisations en restructurations et d'abuser des menaces de délocalisation. Par ailleurs, elles exerceraient une pression injuste sur les droits et les niveaux de salaire des travailleurs (le terme "chantage" a été cité à plusieurs reprises) dans une vaine tentative de concurrencer la Chine par la réduction des charges sociales des entreprises. L'impact économique négatif a également été pris en compte, même par ceux qui sont plutôt favorables à la délocalisation. L'industrie automobile est de plus en plus menacée en Europe occidentale. La délocalisation est un risque pour notre société occidentale et nous devons agir, a estimé Lars Holmqvist. Jürgen Nusser a émis une mise en garde: l'industrie automobile allemande n'est pas simplement en train de bouger, elle est en train de fuir; et d'évoquer le risque, étant donné que Siemens a vendu son activité de téléphonie mobile à une entreprise asiatique, que personne en Allemagne ne sache fabriquer un téléphone portable d'ici cinq ans. Danny Van Assche, de l'UEAPME (Union européenne de l'artisanat et des petites et moyennes entreprises), pense que les PME sont devenues les victimes passives, et largement ignorées, des délocalisations des grandes entreprises. Complexité des conséquences Les conséquences des délocalisations sont aussi complexes que les motivations qui les inspirent. Comme l'a fait remarquer Danny Van Assche, il y a tant de facteurs en jeu que les régions peuvent autant y gagner qu'y perdre, et comme d'autres l'ont signalé, une adaptation réussie a également été observée, même dans des secteurs en plein déclin. Philippe De Buck a nuancé ses observations optimistes sur les mérites de la délocalisation et admis que les économies nationales s'adaptent à des degrés divers. C'est ainsi, par exemple, que lorsque des entreprises danoises délocalisent en Inde, elles récoltent plus qu'elles n'investissent, mais au sein des économies européennes plus vastes et plus introverties telles que la France et l'Allemagne, les entreprises tendent à sortir perdantes des délocalisations. Gert-Jan Koopman a également décrit les diverses réactions nationales: il a comparé la transition bénéfique d'activités requérant peu de qualifications à des activités très spécialisées en Finlande, en Hongrie ou en Pologne avec l'échec d'adaptation qui rend la France, l'Allemagne et l'Espagne vulnérables face à la délocalisation. Carlo Altomonte a expliqué de quelle manière l'économie américaine tire profit de la délocalisation vers l'extérieur: des gains globaux de productivité au niveau national compensent les pertes d'emplois initiales. L'Europe, par contre, en profite moins selon lui, surtout en raison des handicaps que sont son immobilisme et la rigidité de son marché du travail (son point de vue est toutefois remis en question par Hans Martens, qui a insisté sur

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le fait que dans certains endroits d'Europe, la délocalisation a donné lieu à une création nette d'emplois). Cette image contrastée a ensuite été commentée par des orateurs de tous horizons. L'impact variable de la délocalisation a été adroitement illustré par Jorma Karpinnen dont la présentation détaillée sur la création d'emplois en Pologne et en Slovaquie a montré que les chiffres relatifs aux régions voisines sont très variables selon qu'elles ont attiré des investissements de l'industrie automobile ou non. Tout en insistant sur les importants avantages potentiels des délocalisations, Gert-Jan Koopman a reconnu l'importance de la dimension sociale: les coûts humains locaux à court terme sont souvent concentrés sur des emplois, secteurs et régions particuliers, et visent en particulier les travailleurs peu qualifiés. Conformément à la position du Comité des régions de l'Union européenne, Harry Dijksma a accepté le fait que la mondialisation a relancé l'économie, mais il a souligné la nécessité de s'intéresser aux répercussions des restructurations et a prôné une participation des régions aux mesures d'accompagnement. Viliam Páleník, membre slovaque du CESE, a affirmé que les délocalisations internes à l'UE sur un axe est-ouest sont profitables et que ce sont les délocalisations nord-sud qui posent problème. Roger Briesch a reconnu que la délocalisation peut ouvrir de réelles opportunités en permettant de réorganiser et d'améliorer les chaînes d'approvisionnement et les processus de production et de distribution, voire en garantissant la survie d'une entreprise confrontée à la rude concurrence internationale, à condition qu'elle soit fondée sur des motifs légitimes et qu'elle soit menée avec sagesse et responsabilité. Jürgen Nusser, convaincu que la délocalisation représente "une formidable opportunité", a cependant admis qu'il s'agit là d'une arme à double tranchant. Besoin d'une analyse différenciée Comme l'a fait remarquer Bela Galgóczi, du European Trade Union Institute, il convient de mener une analyse propre et différenciée du phénomène afin d'explorer la grande diversité des répercussions. Il a émis des craintes par rapport à l'émergence d'une main-d'œuvre à deux vitesses. La baisse de la demande de main-d'œuvre peu qualifiée et la hausse du chômage due au manque d'adaptabilité menacent de créer une ségrégation au sein des marchés du travail et de mettre en danger la cohésion sociale. Toutefois, a-t-il conclu, si le défi de la délocalisation est sérieux, il ne faut pas pour autant dramatiser son impact sur l'emploi.

O P T I O N S P O L I T I Q U E S Malgré les préoccupations que suscite la délocalisation, tous se sont accordés pour dire qu'elle est inévitable. L'accent a donc été mis sur la gestion du phénomène plutôt que la lutte contre celui-ci. Une réalité incontournable John Monks, de la Confédération européenne des syndicats, a signalé que la délocalisation n'est pas un phénomène nouveau: l'un des objectifs de la Confédération britannique des syndicats à sa création en 1868 était d'empêcher l'exportation d'emplois du secteur textile du Royaume-Uni vers l'Asie.

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La délocalisation est inévitable, a déclaré clairement Jean-François Lebrun. Nous ne pouvons arrêter ce processus, a affirmé Gert-Jan Koopman. Il est vain d'essayer de l'éviter ou de le réglementer, a ajouté Danny Van Assche. Carlo Altomonte a qualifié les tentatives visant à la limiter par une réglementation de non avenues, et quoi qu'il en soit de "stratégie simplement défensive". Les réactions politiques Un large consensus s'est dégagé quant à la nécessité de stimuler la création d'emplois en Europe. En revanche, les opinions sur les moyens d'accomplir au mieux cette tâche sont divergentes. Gert-Jan Koopman a recommandé une combinaison de politique industrielle et de mesures d'accompagnement afin de garantir la réussite pour toutes les parties. La délocalisation requiert des mesures ciblées afin de modérer les coûts de reconversion et les actions visant à faciliter la transition des ressources. Cependant, l'évolution structurelle générale des économies nécessite une série de politiques visant à améliorer les conditions globales, conformément aux recommandations en matière de politique industrielle de la nouvelle stratégie de Lisbonne. Parallèlement, selon Jean-François Lebrun, les victimes directes de la délocalisation ont besoin d'un soutien en matière de sécurité sociale et d'un recyclage à court terme, mais les solutions à long terme dépendent de l'éducation et de réformes plus structurelles. Des mesures palliatives d'accompagnement ont été déployées avec succès grâce à des actions locales prises en aval en Suède, a précisé Lars Berge-Kleber, de L&SEK, qui a ajouté que si le secteur public soutient l'économie sociale, les modifications intervenant dans le secteur privé sont plus faciles à traiter et les dégâts sur le plan social sont limités. Dans le même ordre d'idées, Patrick De Bucquois, du CEDAG, a exhorté à une reconnaissance accrue des entreprises d'économie sociale au niveau européen, y compris dans les discussions relatives à la prestation de services transfrontaliers ou à la responsabilité sociale des entreprises. Une action communautaire concertée contre les abus John Monks a souhaité que les intérêts des différents acteurs et des travailleurs soient davantage représentés auprès des actionnaires. Il voulait également que l'UE prône une coopération internationale afin de minimiser le risque de fuite massive de capitaux d'investisseurs étrangers. Par ailleurs, il a préconisé une action concertée de l'UE contre les paradis fiscaux et contre l'influence croissante de la communauté financière sur les décisions concernant les entreprises: si l'UE peut s'attaquer à Microsoft, elle peut s'en prendre à d'autres grandes entreprises et leur rappeler qu'elles ont des responsabilités face aux autres et à leurs actionnaires. Michel Nollet a souhaité que le rôle des comités d'entreprises européens soit renforcé et que l'UE les soutienne davantage. La reprise d'Arcelor par Mittal démontre-t-elle une passivité de notre part, a-t-il demandé. La renaissance de la politique industrielle Le récent renforcement de l'engagement communautaire par rapport à une politique industrielle a été largement apprécié. Les intervenants étaient tous d'accord avec les solutions classiques avancées: innovation accrue, recherche et compétitivité, amélioration de la conjoncture, politique du marché du

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travail et politique sociale adaptées, définition des finalités des Fonds structurels, voire la limitation de l'assistance spécifique à chaque secteur (bien que cela ne signifie pas aider certains secteurs et les préserver de la concurrence internationale, mais bien identifier au niveau sectoriel les facteurs qui peuvent freiner la croissance de leur productivité, a souligné Gert-Jan Koopman). Edwin Calleja, membre du CESE, a conseillé de poursuivre la logique de l'élargissement tout en recommandant de se concentrer sur des domaines dans lesquels l'UE est encore en tête, tels que les services liés aux entreprises. Viliam Páleník a suggéré que l'élargissement permettrait à l'UE de réagir de manière plus efficace à la mondialisation si la libre-circulation des travailleurs était autorisée. Par ailleurs, János Tóth, membre du CESE, a souligné la valeur des parcs technologiques qui peuvent faciliter l'innovation. Les messages les plus déconcertants ont émané de Dalia Marin, dont le point de vue s'est écarté du courant général. Elle a mis en garde contre le fait que le financement de la recherche n'est pas efficace dans les pays souffrant d'une pénurie de qualifications car cela fait monter les salaires plutôt que de développer le volume des recherches. Quant à sa vision de la pénurie de qualifications dans la vieille Europe, elle est encore plus alarmiste: l'exportation d'emplois très qualifiés d'Allemagne et d'Autriche vers l'Europe orientale montre que les travailleurs qualifiés de la vieille Europe sont également perdants. Elle en a conclu que l'innovation en Europe orientale est moins onéreuse. En conséquence, l'éducation des travailleurs occidentaux sera moins attrayante sur le plan économique puisqu'ils n'auront de toute façon pas de perspective d'emploi hautement qualifié. Favoriser la compréhension Les actions visant à favoriser la compréhension du phénomène ont récolté une importante adhésion. Ashutosh Sheshabalaya s'est ainsi demandé si l'Europe ne progresse pas lentement pour permettre aux autres parties du monde de la rattraper. Joost van Iersel, membre du CESE, a estimé que l'Europe est au début d'un très long chemin dans la collecte et l'analyse des données. Philippe Herzog, de Confrontations Europe, a préconisé une action visant à aider les citoyens à voir les opportunités qu'offrent le changement autant que les risques qu'il implique. En prônant l'intégration de la justice au cœur de la politique économique, Pierre Defraigne a soutenu que les politiques actuelles du marché unique visant à la croissance n'ont jusqu'ici produit ni croissance significative ni emplois additionnels suffisants. Au lieu de cela, elles aggravent les inégalités entre riches et pauvres et sapent la confiance des Européens dans les réformes. Christian Larose a quant à lui souligné la nécessité pour les entreprises de mieux comprendre l'impact de leurs décisions et recommandé une "délocalisation intelligente", c'est-à-dire une démarche mûrement réfléchie en concertation avec l'ensemble des parties prenantes. En revanche, José Isaías Rodríguez García-Caro a prôné une meilleure compréhension de la compétitivité qui, a-t-il insisté, n'est pas un mot honteux: cela ne veut pas dire prendre les emplois des travailleurs ou réduire leurs salaires, mais s'adapter aux changements. Selon lui, une attention disproportionnée portée aux effets des délocalisations sur la main-d'œuvre peut s'avérer néfaste; il faut donner confiance non seulement aux travailleurs, mais aussi aux investisseurs.

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De la même façon, Enrique Calvet Chambon a prévenu qu'une opposition à la délocalisation risque de renforcer les frontières, de retarder le développement du marché intérieur et de décourager les investissements. Il ne faut pas empêcher la délocalisation parce que les traitements palliatifs nécessaires ne fonctionnent pas suffisamment bien. La solution consiste à poursuivre les délocalisations et améliorer les palliatifs, a-t-il dit. Viliam Páleník a souligné qu'il convient de mieux expliquer les aspects négatifs (souvent directs) des délocalisations afin qu'ils soient plus justement perçus comme le prélude d'effets positifs. Davantage de dialogue Toutes les parties ont revendiqué un renforcement du dialogue. Il sera crucial de résoudre cette équation si l'on veut préserver les valeurs de notre société, a annoncé Gert-Jan Koopman. José Isaías Rodríguez García-Caro a reconnu qu'il est nécessaire d'instaurer un dialogue entre les employeurs et les syndicats afin de parvenir à trouver des solutions. Selon Jean-François Lebrun, le défi majeur consiste à parvenir à un équilibre entre les gagnants et les perdants. Philippe De Buck était d'avis que les partenaires sociaux doivent discuter et qu'une fois que ces discussions auront abouti, les changements pourront être mieux acceptés et déboucher sur de meilleurs résultats. Même John Monks a admis que dans le monde actuel ouvert au capitalisme international, aux technologies des communications et aux transports, les syndicats et les pouvoirs publics se démènent pour se remettre à niveau.

PROCHAINES ÉTAPES Se référant aux discussions menées dans le cadre de cette conférence, Reinhilde Veugelers, membre du Bureau des conseillers de politique européenne de la Commission, a souligné dans ses conclusions qu'en dépit de la confusion entourant la question de la délocalisation, suffisamment de données sont disponibles pour apporter des réponses politiques réalistes. Selon elle, la clé n'est pas d'harmoniser les niveaux d'imposition ou de fournir des aides financières. La solution réside dans la capacité de changement de l'économie européenne. L'Europe connaît une croissance nette. Il est donc possible de gérer le processus, de dédommager les victimes et de les aider à s'adapter afin que les ressentiments ne viennent pas alimenter des tendances protectionnistes. Il s'agit d'un processus au sein duquel l'UE et les États membres devront coopérer en assumant des rôles complémentaires. Ils devront poursuivre l'objectif à long terme d'amélioration de la capacité d'adaptation en adoptant des mesures du type de celles prévues dans la stratégie de Lisbonne et en même temps, introduire des mesures à court terme afin de gérer et d'accompagner la transition. À l'avenir, a-t-elle ajouté, les Européens devront changer plusieurs fois d'emploi, d'employeur voire de pays au cours de leur carrière professionnelle. C'est pourquoi il convient de créer des mesures d'encouragement et des systèmes pour garantir la formation et la flexibilité, et notamment pour surmonter le retard permanent dont souffre l'Europe dans l'obtention des bénéfices nets des délocalisations.

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Mme Veugelers a insisté sur la nécessité d'instaurer la confiance. Les préoccupations de l'UE sont légitimes, mais nous savons tous qu'il s'agit d'une opportunité et nous savons la plupart du temps comment agir. Nous devons simplement arrêter de tant redouter de passer à l'action, a-t-elle affirmé, tout en préconisant une intensification du dialogue entre toutes les parties, ainsi que les responsables politiques, les travailleurs, les employeurs et les consommateurs, au niveau national, européen et international, et qui implique tant les pays d'accueil que les pays d'origine. L'UE détient les outils permettant de combattre non seulement les délocalisations, mais également tous les aspects des restructurations. Elle a juste besoin de coordonner davantage son action, a-t-elle précisé. Josly Piette, le président de la CCMI du CESE, a ensuite pris la parole. Notre enceinte peut accueillir ce type de réflexion, a-t-il fait remarquer. Le rôle officiel de la CCMI est de favoriser la coordination et la cohérence de l'action communautaire concernant les principales évolutions industrielles dans le contexte de l'UE élargie et de garantir un équilibre entre le besoin d'un changement acceptable sur le plan social et le maintien d'un avantage compétitif pour l'industrie. Comme l'a souligné Josly Piette, la CCMI a déjà adopté un avis d'initiative en juillet 2005 qui aborde ces principaux thèmes. Par ailleurs, il a rappelé aux participants que la CCMI a entrepris de réaliser une série d'études visant à définir la question au moyen de données claires et à examiner les réponses possibles afin d'affronter et de gérer le problème, et en particulier de l'anticiper, de le prévenir et de l'analyser. Cette question en évolution constante de la délocalisation fera très probablement l'objet d'un traitement plus approfondi mais aussi plus systématique par la CCMI, et ce afin de mieux comprendre et d'être mieux à même d'apprécier l'enjeu pour l'Europe et la réponse que celle-ci devrait apporter.

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