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Conditions de mise en place d’un dispositif de
surveillance des salariés
le 31 octobre 2014
CIVIL | Droit et liberté fondamentaux
SOCIAL | Contrôle et contentieux
Constituent des preuves illicites les informations collectées par un système de traitement
automatisé de données personnelles avant sa déclaration à la Commission nationale de
l’informatique et des libertés (CNIL).
Soc. 8 oct. 2014, FS-P+B, n° 13-14.991
La question de la surveillance des salariés est loin d’être marginale lorsque les nouvelles
technologies permettent un contrôle toujours plus poussé de la productivité des travailleurs.
D’ailleurs, le nombre des affaires publiées au Bulletin de la chambre sociale atteste que « la
surveillance est placée […] sous surveillance ». (V. BICC 2013, thème n° 4). Il est patent de
constater en la matière un enchevêtrement normatif progressif des exigences relatives, d’une part,
à la protection des données personnelles et, d’autre part, au droit du travail.
S’agissant des dispositions relatives à la protection des données personnelles, la CNIL exige,
conformément à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, que tout système de surveillance de l’activité des
salariés, comportant l’enregistrement des données personnelles, doit faire l’objet d’une déclaration
préalable. Dans certains cas, la mise en place du dispositif est soumise à une autorisation préalable
de la CNIL. C’est le cas des systèmes d’alerte professionnelle dont le champ matériel d’application
est plus étendu que celui visé par la délibération n° 2014-042 du 30 janvier 2014 précisant que «
peuvent faire l’objet d’un engagement de conformité à la présente décision unique les traitements
automatisés de données à caractère personnel mis en œuvre par les organismes publics ou privés
ayant pour finalité le signalement et le traitement des alertes au sein de l’organisme dans les
domaines suivants : financier, comptable, bancaire et de la lutte contre la corruption ; pratiques
anticoncurrentielles, lutte contre les discriminations et le harcèlement au travail ; santé, hygiène et
sécurité au travail ; protection de l’environnement ; et ce, dès lors que la mise en œuvre de ces
traitements répond à une obligation légale ou à un intérêt légitime dans ces domaines ». Le
non-respect de cette formalité préalable substantielle a pour effet de priver l’employeur de la
possibilité de se prévaloir, à l’appui d’une sanction disciplinaire, du refus du salarié de se conformer
au dispositif (au sujet d’un contrôle de badge, Soc. 6 avr. 2004, n° 01-45.227, Bull. civ. V, n° 103 ;
D. 2004. 2736, et les obs. , note R. de Quenaudon ; Dr.ouv. 2004. 378, note P. Aadm ; au sujet de
l’enregistrement d’une conversation téléphonique, V. Cass., ass. plén., 7 janv. 2011, n° 09-14.677,
Bull. ass. plén., n° 1).
Les informations collectées d’un dispositif non déclaré à la CNIL constituent des preuves illicites,
sauf dans la seule hypothèse où la mise en place du système de surveillance est rendue obligatoire
par des dispositions nationales ou supranationales (V. Soc. 14 janv. 2014, n° 12-16.218, Dalloz
actualité, 30 janv. 2014, obs W. Fraisse ).
À ces dispositions relatives aux données personnelles et libertés individuelles s’ajoutent les
exigences du droit du travail dont l’article L. 2323-32 dispose que « le comité d’entreprise (CE) est
informé et consulté préalablement à la décision de mise en œuvre dans l’entreprise sur les moyens
techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés ». En application de cet article, la Cour
de cassation et les juridictions du fond ont eu l’occasion d’annuler des dispositifs d’alerte
professionnelle en raison du défaut de consultation du CE et du comité d’hygiène, de sécurité et
des conditions de travail (CHSCT) lorsque les circonstances l’exigent (V. Soc. 8 déc. 2009, n°
08-17.191, D. 2010. 548, obs. L. Perrin , note I. Desbarats ; ibid. 672, obs. O. Leclerc, E. Peskine, J.
Porta, L. Camaji, A. Fabre, I. Odoul Asorey, T. Pasquier et G. Borenfreund ; Rev. sociétés 2010. 483,
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étude F. Barrière ; RDT 2010. 171, obs. R. de Quenaudon ; TGI Nanterre, 2
e
ch., 19 oct. 2007,
RDT 2008. 39, obs. I. Desbarats ; JCP S 2008. 1071, note P.-H. Antomattei ; TGI Lyon, 19 sept.
2006, Sem. soc. Lamy 2007. 1183, obs. A. Barège ; Versailles, 1
re
ch., 17 avr. 2008, n° 07/08624,
RDT 2009. 311, obs. R. de Quenaudon et M.-J. Gomez-Mustel ).
Dans l’arrêt du 8 octobre 2014, la chambre sociale analyse les conséquences en droit du travail non
pas d’une absence totale de déclaration à la CNIL mais d’une déclaration tardive intervenue
postérieurement à la mise en œuvre du dispositif de surveillance.
En l’espèce, une salariée a été licenciée, le 23 décembre 2009, en raison d’une utilisation excessive
de la messagerie électronique de l’entreprise à des fins personnelles. Contestant son licenciement,
elle saisit la juridiction prud’homale. Courant des mois d’octobre et novembre 2009, elle avait
envoyé respectivement 607 et 629 messages à caractère personnel. Ce contrôle aurait été effectué
au moyen d’un logiciel de « contrôle individuel de l’importance et des flux des messageries
électroniques ». Ce système permettait, sans faire apparaître le contenu des messages, de faire
apparaître la date et l’heure d’envoi ou de réception, le destinataire ou expéditeur et l’objet.
Conformément à l’article L. 1222-4 du code du travail, l’employeur avait averti préalablement la
salariée de la mise en place de ce mode de surveillance. Par ailleurs, les exigences qui découlent
de l’article L. 2323-32 du code du travail auraient été respectées. Le problème se situait ailleurs. Ce
système de surveillance n’a été déclaré à la CNIL que le 10 décembre. La question posée à la Cour
de cassation est la suivante : l’employeur était-il fondé à sanctionner disciplinairement la salariée
par un licenciement pour des faits dont il a eu connaissance grâce à des informations recueillies par
un dispositif avant sa déclaration à la CNIL ?
La cour d’appel d’Amiens a retenu, pour rejeter les demandes du salarié, d’une part que la
déclaration tardive à la CNIL, le 10 décembre 2009, de la mise en place d’un dispositif de contrôle
individuel de l’importance et des flux de messageries électroniques, n’a pas pour conséquence de
rendre illicites le système et l’utilisation des éléments obtenus et, d’autre part, que le nombre
extrêmement élevé de messages électroniques à caractère personnel envoyés et/ou reçus par
l’intéressée durant les mois d’octobre et novembre 2009 doit être tenu comme excessif et a eu un
impact indéniable et négatif sur l’activité professionnelle déployée par la salariée.
La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel en s’inscrivant dans la continuité des arrêts précités,
rappelant que les informations collectées sur la période antérieure à la déclaration constituent un
mode de preuve illicite, qui ne peut en aucun cas permettre à l’employeur, en cas de contentieux,
d’établir la réalité du fait fautif devant le juge prud’homal.
En ces termes, elle précise que « constituent un moyen de preuve illicite les informations collectées
par un système de traitement automatisé de données personnelles avant sa déclaration au CNIL ».
Le juge ne peut que constater l’irrecevabilité des preuves de ce dispositif qui a été déclaré
tardivement. La présente décision est donc pleinement à approuver.
Site de la CNIL
par Wolfgang Fraisse
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