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ss(e)ins de ville e D L’évolution urbaine de Lorient 19 39 19 45 - 19 43 19 63 -

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ss(e)ins de villeeD L’évolution urbaine de Lorient

1939

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1943 1963-

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1. L’urbanisation allemandeProjet de construction du K4 en 1944Dessin de J.D. Vers publié en 1991

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u1 1940-1941 :

Les grands aménagements militaires

Le 23 juin 1940, le vice-amiral Karl Dönitz visite les ports de la façade atlantique et décide d’implanter à Lorient les flottilles de sous-marins. Au contrôle des opérations depuis son Q.G. à Kernevel, il reçoit Fritz Todt, ingénieur des fortifications, les 15 et 16 novembre pour examiner la construction de bases afin de protéger les U-Boote. Le projet est validé par Hitler en octobre, les plans le sont le 23 décembre.L’ordre de réquisition de la pointe de Keroman est signé le 18 décembre. Les Allemands prennent aussi possession du groupe scolaire, désormais foyer du marin, et de nombreuses propriétés rue Jean Lender.

A partir de février 1941, deux dombunkers s’élèvent au port de pêche de part et d’autre de l’entrée du slipway, renforcé pour tracter les sous-marins. En septembre une petite base, sur la rive gauche du Scorff, complète les bassins de radoub. Pourvue de deux alvéoles accessibles à marée haute, elle peut abriter deux à quatre U-Boote.

1- Pause des ouvriers pendant la construction de la base, 1941Archives municipales de Lorient

2- Le plateau de translation devant le bunker K2, avril 1942Bundesarchivphotographe Dietrich

1938-1943 :Les ouvrages de Défense Passive

En 1938, la direction de la défense passive rédige son premier plan de protection qui prévoit tranchées couvertes et caves étayées. Pour mettre à l’abri les 40 809 Lorientais, il faudrait 12 kilomètres de tranchées, une dépense sans rapport avec les fonds de la préfecture du Morbihan. Le plan est donc péniblement mis en œuvre essentiellement sur les fonds de la ville. L’arrivée des Allemands, qui prennent la direction de la défense passive, transforme le paysage lorientais. Le 28 février 1941, les autorités allemandes mettent en demeure la municipalité de débuter immédiatement les travaux d’édification d’abris bétonnés.

41943-1945 : La forteresse

L’entrée en guerre des Etats-Unis en décembre 1941 et la défaite des Allemands dans la bataille de Stalingrad en février 1942 marque un tournant dans la guerre. Alors que Dönitz se replie à Angers, Hitler impose la construction du mur de l’Atlantique. Le programme prévoit notamment de renforcer la ceinture fortifiée des dix principales bases de la Kriegsmarine sur 10 à 20 km.Les faubourgs de la ville se couvrent petit à petit de mines, de barbelés, d’abris, de batteries d’artillerie, de projecteurs.... Les champs des agriculteurs de Keryado sont réquisitionnés ; en juin 1943, les immeubles encore debout du côté impair de l’avenue de la Perrière sont arasés pour dégager le champ de tir de l’artillerie.En juillet 1943, longeant le bassin long du port de pêche asséché derrière une digue, s’élève le bunker 4 qui doit doubler les deux premiers blocs pour recevoir la dernière génération des sous-marins allemands, les U-21. La forteresse se consolide jusqu’au débarquement de juin 1944.Mais en mai 1944, l’Organisation Todt cesse ses activités, du fait des attaques aériennes sur le nord de la France qui réduisent à partir d’avril puis interrompent le transport des matériaux de construction. K4 est loin d’être achevé mais la forteresse a toutes les armes pour se défendre. L’urbanisation militaire allemande à Lorient prend fin.maximale.

3- Bunker construits pour abriter les Allemands sur la quai des IndesArchives municipales de Lorient

4- Civils dans l’abri du journal Ouest-éclair à Rennes, pendant une alerteArchives municipales de Lorient

Lorsque la France déclare la guerre à l’Allemagne, le territoire lorientais semble très éloigné du conflit. Les Allemands prennent possession de l’arsenal le 21 juin 1940, la veille de la signature de l’armistice entre la France et l’Allemagne. Les Lorientais sont alors loin d’imaginer qu’ils assistent au début du transfert de propriété de leur ville, base logistique pour neutraliser les Anglais qui refusent la paix. En quelques mois, Lorient devient un centre de décision allemand à l’instar de Paris ou Berlin.

Cette intervention correspond au début des travaux à Keroman, et peut être motivée par le souci de protéger les ouvriers et le personnel allemands qui logent en ville.La ville est alors percée de tranchées, mais elles sont peu utilisées par la population : l’absence de toit ne met pas à l’abri des tirs violents de la D.C.A, et faute d’entretien, la boue les rend impraticables. Certaines, toutefois, sont coffrées et couvertes.Le 15 mai 1941 commence la construction de 3 abris d’une contenance totale de 900 places, sur des plans allemands, en béton armé, avec une épaisseur de toit de 1,50 m. En élévation en bordure du terrain de manœuvres du Faouëdic et place de la République, enterré place Alsace Lorraine, ils sont utilisés dès août par la population. Fin 1941, 3 nouveaux abris bétonnés sont accessibles : place Bisson, enterré, pour 200 personnes, quai des Indes en élévation pour 100 personnes (réquisitionné par les Allemands le 3 décembre 1941) et rue Beauvais face à la gare conçu pour 300 personnes. En 1942, le manque de matériaux interrompt l’exécution du programme prévu.

L rbanisation allemande’

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Vocabulaire :

Archives municipales de Lorient

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2. Lorient porte de l’Allemagne sur l’Atlantique

6- La construction de K3 vue des quais du port de pêche, 1943,Archives Municipales de Lorient

Vocabulaire :

Archives municipales de Lorient

La base de sous-marins 1941-1943

La ville détruite, 1943-1945Archives municipales de Lorient

Débutés, l’un en février 1941, le second en mai, les deux premiers blocs sont livrés sept mois plus tard, en septembre et en décembre, alors que commencent les fondations du troisième bloc. Keroman I mesure 120 mètres sur 120, 18,50 mètres de haut et supporte un toit de 3,50 mètres d’épaisseur. Il se divise en cinq alvéoles fermés par des portes blindées à deux battants. Un peu plus grand, le bloc II comprend 7 alvéoles. Base à sec, K1 et K2 sont séparés par un terre-plein de 87 mètres de large, ou zone de translation. Ils sont desservis par un

slip de halage protégé qui les relie à la mer. A l’extrémité de la pointe s’ancre depuis octobre le troisième bunker, Keroman III, opérationnel en mai 1943. En parallèle, au cours de 1941, les mesures de protection des hommes et du matériel de guerre sont établies. Les munitions sont mises sous abri. Le camp à torpilles se situe entre la caserne Frébault et la base. Près de l’hôpital maritime, trois bunkers (Jutta, Otto et Peter) abritent des infirmeries. Proche du cours de Chazelles, deux casernes sont construites sous des blockhaus.

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1 1940-1941 :Réquisitions… dépossession

Entre juin 1940 et l’hiver 1941, l’emprise allemande se déploie partout sur la ville. Les réquisitions interviennent dès le début de l’occupation pour loger les détachements allemands. Le 5 juillet, l’équipage du premier U-Boot présent à l’arsenal réside à l’hôtel Beauséjour, place Alsace-Lorraine. La Kreiskommandantur siège à partir du 8 octobre quai des Indes dans l’immeuble de la Chambre de commerce doté d’un abri en sous-sol. En décembre, l’organisation Todt installe ses services au collège des Jeunes Filles, rue du Faouëdic. Elle réserve pour ses ouvriers la caserne Frébault et le Polygône, à deux pas du chantier, jalonné de sept abris de défense passive et qui comprend plus de 50 baraques en bois.Un transfert de population lourd de conséquences s’opère : en 1941, le pays lorientais voit affluer entre 10 000 et 28 539 ouvriers, dont 4 997 Espagnols, des camps du sud de la France. La ville s’emplit d’Allemands, d’Algériens, de Marocains, d’Espagnols, de Tchèques, de Belges, de Hollandais, sans oublier les hommes de troupes ... jusqu’à saturation. sur laquelle s’ouvre une église. Le sud du quartier, sous emprise militaire, est fortifié et ceint d’un fossé en eau.

Un rapport de la mairie dresse un bilan au 16 décembre 1941 : sont réquisitionnés pour fournir 800 chambres les 58 hôtels de la ville, 355 immeubles, 243 appartements, 354 chambres, 40 garages, les bâtiments communaux et scolaires, et même certains quartiers (rue Léo Le Bourgo, avenue du Faouëdic et boulevard Joffre le 9 avril 1941). L’armée allemande occupe l’ensemble des infrastructures militaires préexistantes. L’urbanisation se densifie sur un rayon de 15 km. Les Allemands élèvent des camps peu coûteux, de construction rapide et faciles à déplacer.Au fil des jours, la ville se teinte des couleurs vertes des troupes allemandes et brunes des uniformes des ouvriers de l’Organisation Todt et s’assombrit sous les ailes de la Royal Air Force et les tirs de la DCA allemande. Elle est peu à peu dépossédée d’une partie de son bien et de ce qui faisait la vie quotidienne. La situation est très tendue fin 1941. Pour pallier le manque de logements, les Allemands envisagent l’évacuation totale de la population non engagée à leur service.

Le 5 août 1944, la forteresse se referme tandis que les Alliés approchent de la Poche. 26 000 hommes se regroupent à Lorient pour interdire à l’ennemi de s’emparer des infrastructures portuaires. Les Alliés n’attaquent pas mais placent des hommes aux frontières des poches de Lorient et de Saint-Nazaire. Un long siège s’installe. Il dure 9 mois. A nouveau une organisation se met en place dans l’enceinte, en lien avec Saint-Nazaire par la mer et avec l’Allemagne. Pour nourrir les hommes, l’état-major remet en culture ou en pâturage certaines terres. Sur la base de Lann-Bihoué paissent environ 500 bêtes laitières et de boucherie. En octobre 1944, la population civile totale recensée s’élève à 280 personnes à Lorient. Le 7 mai 1945, le colonel Borst signe à 20h au Café Breton à Etel la capitulation sans condition de la forteresse. Il reste désormais à enlever 70 000 mines et les innombrables dépôts de munitions qui empêchent jusqu’au 14 juillet le libre retour de la population.

3- Ventes d’effets personnels dans une rue. Des soldats allemand observent la scène,1940-1942Archives Municipales de Lorient

4- La ville détruite,1943-1945Archives municipales de Lorient

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OL rient porte de l’allemagnesur l’Atlantique

1939

1945

1943-1945 : Réorganisation

Le 20 janvier 1943, la Kriegsmarinewerft jette des tracts dans les communes limitrophes de Lorient sommant les ouvriers de reprendre le travail. En vain. A l’arsenal, sur 4 500 ouvriers, 500 environ viennent se faire pointer journellement. Le 29 janvier, il est décidé qu’aucun ressortissant français non indispensable à la vie publique et économique ne pourra accéder à Lorient à dater du 10 février. En revanche, le retour s’impose aux ouvriers de l’arsenal et des chantiers de l’Organisation Todt, aux employés dans les services de l’occupant, et à certains cultivateurs ou commerçants (boulanger, boucher, épicier…).Les rares maisons habitables, même à moitié, dans l’intra-muros et Nouvelle-Ville sont réservées à la Wehrmacht, tandis que la population se replie entre la Villeneuve et Kerentrech. Deux zones se dessinent dans cette nouvelle organisation de la ville. Au sud se concentre l’arsenal allemand, du Polygône en descendant vers la base et les ports de pêche et de commerce dont les quais ont été prolongés et les souilles approfondies entre 1941 et 1942. Au nord, le quartier de Kerentrech est au croisement des grandes voies de circulation et axes ferroviaires par où afflue tous les jours entre 7h et 8h le matin la masse d’ouvriers qui se disperse vers les différents chantiers. La vie s’organise à proximité de l’abri situé face à la gare qui accueille le nouveau centre de secours. Les services de la mairie (travaux, pompes funèbres, cantines…) s’installent dans l’école de Kerentrech, jusqu’à ce que l’armée d’occupation l’investisse à l’automne 1944. Tous travaillent quotidiennement à Lorient, subordonnés à l’occupant qui, depuis l’évacuation de la ville, accélère la construction de la forteresse.

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« votre command devra attaquer de nuit, avec tous les moyens disponibles, les bases

suivantes, avec pour mission de dévaster totalement les zones dans lesquelles sont

situés les sous-marins, leurs facilités de maintenance, les services, l’électricité, l’eau,

les communications et toutes les autres ressources dont dépendent les opérations. Pour

mettre en oeuvre cette décision, je vous demande de commencer une opération de ce

type, avec les moyens les plus puissants, contre Lorient ».

Directive du 14 janvier 1943 adressée à Harris, commandant de l’aviation britannique

1- Tract lancé par les autorités allemandes,20 janvier 1943Archives départementales du Morbihan

2- La ville détruite,1943-1945Archives municipales de Lorient

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3. Expansion portuaire

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5- La ville détruite,1943-1945Archives municipales de Lorient

Janvier - février 1943 : destruction

l’arrêté d’évacuation obligatoire avant le 10 février. Un peu plus de 70 civils ont trouvé la mort (plus de 300 pendant le conflit), ainsi que de nombreux ouvriers employés dans l’arsenal et les chantiers allemands. S’ils n’anéantissent pas l’arme de guerre allemande, lesbombardements visent à atteindre le moral des civils qui travaillent pour les Allemands et à détruire toutes les infras-tructures néces-saires à la vie quotidienne. Ils désorgaisent et ralentissent l’avancement des travauxdes bases de sous-marins et de Lann Bihoué.

Les premiers bombardements anglais frappent Lorient dès septembre 1940. Plus rares en 1941 et 1942, les frappes redoublent d’intensité et de fréquence à l’automne 1942. Deux jours avant Noël, le cabinet de guerre britannique adopte une stratégie qui scelle le destin de Lorient : la destruction de la ville. Une directive de Churchill est adressée le 14 janvier 1943 au commandant de l’aviation, Harris, pour son exécution immédiate. La population lorientaise en est informée par Radio Londres. Au cours de 9 bombardements entre le 15 janvier et le 16 février, les Alliés déversent entre 500 à 600 bombes explosives et entre 50 à 60 000 bombes incendiaires, détruisant près de 3 000 immeubles sur environ 5 000 bâtiments. Le théâtre et la préfecture maritime (hôtel Gabriel) disparaissent dans la nuit du 15 janvier, le cinéma Rex le 23, l’église Saint-Louis le 7 février… Très vite, gaz et électricité sont coupés et l’unique source d’eau provient du bassin à flot d’où les sapeurs-pompiers n’atteignent qu’une faible partie des foyers.« On évalue à 40 000 le nombre des évacués. Depuis la seconde attaque, tous les habitants qui pouvaient partir se sont réfugiés dans les villes et villages environnants » rapporte Terrin, contrôleur général de la Marine.Le 3 février, le préfet du Morbihan obtient

Au premier plan : à droite, la mairie, au centre l’école Bisson, années 60Archives municipales de Lorient

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Les procéduresde la reconstruction

Dès l’automne 1940, le régime de Vichy tente d’organiser un appareil administratif efficace pour penser la reconstruction des villes détruites. La loi du 11 octobre 1940 fonde le Commissariat Technique à la Reconstruction Immobilière, qui établit les plans de reconstruction des villes sinistrés, celle du 23 février 1941 la Délégation Générale à l’Equipement National, à qui il incombe d’élaborer une politique générale de reconstruction. L’aménagement du territoire relève désormais de l’Etat. Le 31 décembre 1940 est instauré l’Ordre des architectes. A la Libération ce dispositif est maintenu et complété. Le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, créé par décret le 16 novembre 1944, met en oeuvre une politique générale de l’urbanisme et de la reconstruction à l’échelon national. Il dispose d’une délégation départementale, premier interlocuteur du maire comme de l’architecte en chef, et d’une inspection qui assure la liaison entre l’Etat et l’échelon départemental.Sous la direction de l’architecte urbaniste en chef de la reconstruction, à Lorient Georges Tourry, travaillent les architectes chefs de secteurs qui réalisent le plan d’un îlot, puis les architectes d’opération qui dessinent le projet du bâtiment et enfin les architectes de chantier qui l’adaptent aux souhaits du propriétaire.

Mais leur première mission consiste à estimer les dommages des sinistrés. La loi prescrit une réparation intégrale lorsque la preuve de la valeur du dommage est apportée et que la reconstruction est effective. A défaut, des indemnités forfaitaires sont accordées. Cette première étape permet d’élaborer un plan de remembrement, qui répartit les espaces entre voirie et habitat. Il est ensuite confronté aux parcelles détenues par les propriétaires et affiné en concertation avec les associations de sinistrés créées à cet effet. Les premiers résultats du remembrement voient le jour en 1948 à Lorient. Parallèlement sont menées les opérations de déblaiement et de déminage. Un état des lieux paraît en janvier 1946 dans la « Liberté du Morbihan » : quelques 7000 ouvriers travaillent alors à Lorient dont 800 prisonniers allemands. Les 500 000 m3 de gravats viennent combler l’anse de Kergroise, une partie du bassin à flots et remblayer le quartier de l’Eau courante et le champ de manœuvre. 1949 marque le véritable démarrage des chantiers de construction, en bordure du Scorff, cours de Chazelles, dans l’intra muros… Ils se poursuivent sur 15 ans.En 1963, l’intra-muros est terminé.

Retravaillé, ce plan est approuvé par le conseil municipal du 28 novembre 1946 puis par le Ministère de la Reconstruction le 29 avril 1948. Dans l’intra muros, le tracé des voies est finalement conservé. Tourry affine son projet de zone « B », complétée par une cité administrative. Les discussions sont plus vives autour de l’aménagement du bassin à flot : comblement partiel ou total ? Îlot de verdure, scandé ou non par 6 barres de 12 étages ? Après un passage à Lorient en juillet 1949, le ministre de la Reconstruction Eugène Claudius-Petit évoque la forme de la ville qui « pourrait gagner beaucoup, si elle était organisée autour d’un élément architectural dominant qui lui tiendrait lieu [...] d’épine dorsale », situé éventuellement quai de Rohan. Tourry s’en inspire. Le long du bassin à flot partiellement comblé, il propose une composition architecturale forte : 3 immeubles en Y et un dernier serpentant dans un cadre vert, donnant d’un côté sur le théâtre, de l’autre sur le tribunal et la sous-préfecture. L’idée suit son cours, se transforme encore et débouche sur les 4 barres, quai de Rohan et République, au début des années 60.

3- Maquette du complexe sportif du Moustoir et de l’hôtel de ville, années 50Archives municipales de Lorient

4- mmeuble de Henri Conan sur pilotis face au Pont d’Oradour, à l’arrière plan le quartier de l’Eau courante, années 60Archives municipales de Lorient

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eD ssiner et organiser une ville moderne

19431963

Les plans successifs

Lorient est classée ville sinistrée le 6 mars 1943. Le 9 juillet, Muffang, commissaire général à la reconstruction, nomme, selon les voeux du maire Gallois-Montbrun, Georges Tourry architecte-urbaniste de Lorient. Sans avoir accès à la ville, Tourry établit cependant un premier plan qu’il présente dès le 24 novembre au préfet, au maire et à quelques notables. Ce premier projet s’appuie notamment sur le plan d’embellissement de 1934. Plutôt bien accueilli, il porte les grandes orientations discutées et affinées au cours de la reconstruction : le comblement du bassin à flot pour apporter une unité au nouveau centre ville déployé sur l’intra muros et Nouvelle Ville, la création d’une zone verte, dite zone « B », consacrée aux sports et à l’enseignement située sur le plateau du Moustoir et l’ancien champ de manoeuvre, une réflexion sur la circulation et les accès à la ville. Tourry précise son plan, présenté le 31 mars 1944 au Comité National de la Reconstruction : déplacement de la zone industrielle dans l’anse comblée de Kergroise, extension de la zone d’habitation sur la Villeneuve et l’Eau courante, passage à niveau souterrain cours de Chazelles, élargissement et prolongement des voies existantes, création de nouveaux axes et notamment le détournement de l’entrée de la ville par le futur Pont d’Oradour. Il applique les principes d’organisation de la ville moderne : séparation nette de l’habitat et de la zone industrielle, dédensification du centre ville élargi et aéré, fluidité de la circulation.

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« J’apprends que […] nous pourrons réutiliser immédiatement les cales, formes, quais […].

Nous possédons donc les germes d’une immédiate renaissance de notre pauvre cité et je ne doute point […]

voir reprendre à très brève échéance, tant à l’arsenal qu’au port de pêche, une activité qui sera le facteur

déterminant de la reconstruction de la ville. »

Georges Tourry au Maire de Lorient, le 14 mai 1945

1- Quelques baraques du Polygone vues de la rue de Larmor, 1946-1950Archives municipales de Lorient

2- Les trois barres de Georges Tourry sur le quai de Rohan, années 60Archives municipales de Lorient

Vocabulaire :

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4. Un nouveau visage architectural

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6- Rue des Fontaines, un immeuble d’avant-guerre a conservé son orientation alignée sur le tracé de l’ancienne rue, années 50Archives municipales de Lorient

Le Pont d’Oradour ; à droite un immeuble du quartier de l’Eau courante. Carte postale.Archives municipales de Lorient

La relance économique

Dautry leur garantit que Lorient restera le grand port de pêche de la façade Atlantique et « assure la ville de son concours sur ce point ». Concernant le maintien de l’arsenal à Lorient la décision incombe au ministère de la Marine. Fin janvier 1945, la Marine annonce officiellement le maintien du port militaire sur le Scorff. Elle récupère dès la Libération de la ville la base de sous-marins. Contrairement à celles du port de pêche, ses infrastructures sont en bon état. Son slipway est utilisé dès 1945 et jusqu’au début des années 50 pour mettre hors d’eau les chalutiers et les caréner. A l’origine de sa destruction, la base participe largement la reprise économique de Lorient.

Le 3 juin 1944, les autorités locales se voient restituer leurs pouvoirs. Emmanuel Svob reprend son mandat de maire de Lorient fin août 1944, après le départ précipité de Gallois-Montbrun, et installe le conseil municipal à Auray. Il concentre son action sur la reconstruction de la ville et l’assurance du maintien des deux poumons économiques de la région : le port de pêche et la Marine avec son arsenal. Très vite, Georges Tourry, maintenu dans ses fonctions à la Libération, l’informe du projet de transfert du port militaire en Afrique du Nord pour ne conserver que les ports de Brest et Toulon en métropole. Le maintien du port de pêche est également compromis. Svob réunit une délégation lorientaise et rencontre le ministre Dautry le 11 janvier 1945. L’échange est tendu, constructif et finalement rassurant pour les Lorientais.

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Hygiène et lumière

« La rue est faite pour circuler, la construction pour habiter. Les constructions ne devraient border les rues que lorsque l’orientation est convenable, ce qui est l’exception. », réaffirment les architectes Marcel Roux et Jean Le Couteur en 1951 dans leur note relative au programme d’aménagement de Paris. La ville moderne idéale serait composée d’immeubles collectifs ou de petites maisons liés à des espaces naturels formant des quartiers desservis par des rues étroites et reliés par de grands axes routiers. La rupture avec l’alignement sur la rue, incarnée à Lorient par l’ensemble de la Banane notamment, permet de privilégier l’orientation du bâtiment pour capter le maximum d’ensoleillement. La disposition des bâtiments dessine de nouvelles formes urbaines : en peigne le long de la place Jules-Ferry, en retrait à l’entrée de la rue du maréchal Foch, sur pilotis face au Pont d’Oradour. Elle dégage des espaces ouverts où peut se réinventer la sociabilité de la ville.

1- Immeuble Plein ciel, 1966,René Delayre (1924-1969)Archives municipales de Lorient

2- uccursale de la Société Générale, angle des rues de Liège et de l’Assemblée Nationale, 1954, Henri Reglain (1901-1974)photographe Dietrich

A l’intérieur du logement, la partition zone de jour (cuisine, séjour) et zone de nuit (chambres, salle de bain), apparue avec Perret au Havre en 1946, se développe. Elle est adoptée place Alsace-Lorraine en 1953. Le couloir tend à disparaître. Sont encouragées les coursives, qui s’étirent sur toute la longueur d’un étage, traitées comme des rues, les toitures terrasses, les parties communes éclairées naturellement, confortables et soignées, tant pour favoriser l’hygiène que la convivialité !« Air, lumière, espace, tel est le slogan de la charte d’Athènes. Ces trois termes doivent nous guider dans l’établissement des villes », scande Claudius-Petit à l’assemblée nationale en mars 1945.

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Techniques et matériaux contribuent à donner un visage spécifique à l’architecture de la reconstruction. Les cadres de fenêtres préfabriqués, produits dès 1942, présentés à la première exposition de la reconstruction gare des Invalides fin 1945, testés sur le chantier expérimental d’Orléans à la Libération, rythme les façades lorientaises. En saillie, réalisés dans des matériaux qui les distinguent du reste du mur par la teinte ou la texture, et aujourd’hui souvent par la couleur, ils se confondent à Lorient avec l’image architecturale de la reconstruction.

3- La place Alsace-lorraine et l’église Notre Dame de Victoire, 1953-1955,Jean Baptiste Hourlier (1897-1987) 1943,Archives municipales de Lorient

4- L’Ecole de Merville, 1952, Jean Martel et Maurice Ouvré Archives municipales de Lorient

5- Eau courante, maisons mitoyennes rue Alphonse Tanguy, 1955, Jacques Olivier et Maurice Ouvré Archives municipales de Lorient

Au sortir de la guerre, l’ampleur des destructions sur l’ensemble du territoire est impressionnante. Plus de 1800 communes sont déclarées sinistrées. La France traverse alors une crise du logement dramatique, accentuée par le déficit de constructions pendant l’entre-deux-guerres et le baby boom. La reconstruction des villes détruites s’inscrit dans le contexte d’une vaste rénovation urbaine, qui vise à remodeler radicalement le visage de la ville. Le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme ne donne pas de cadre esthétique précis. Mais sous l’impulsion de Raoul Dautry, ministre de novembre 1944 à janvier 1946, et plus encore de Eugène Claudius-Petit, de 1948 à 1952, ami et admirateur de Le Corbusier, la volonté de modernité est clairement affichée.

U ouveau visage architectural

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Vocabulaire :

Archives municipales de Lorient

Matériaux etprincipes constructifs

« Il ne faut pas se soumettre à la tradition. Est-ce que, lorsque l’incendie eut détruit complètement Rennes, on l’a reconstruite comme elle était avant ? Non, on l’a reconstruite comme on savait le faire au temps de Louis XIV. Il nous faut affirmer qu’avec le béton, l’acier, le verre et bientôt les matières plastiques, on peut créer une beauté qui sera égale à celle d’autrefois ». Eugène Claudius-Petit le 5 mars 1945 à l’assemblée nationale.

Le nombre de logements à construire chaque année pour résorber camps de baraques et bidonvilles oblige à rationaliser le chantier de construction, à recourir à l’emploi systématique de matériaux et de procédés de construction. Il faut industrialiser le bâtiment, construire des logements comme des automobiles. Le béton armé devient le matériau roi. Perret, son grand défenseur, généralise le principe constructif de la structure à ossature : poteau, plancher et poutre

debéton pour squelette. Le procédé est concurrencé par le développement de panneaux préfabriqués assemblés rapidement et facilement sur les chantiers.

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« Il faut que [les

architectes français

comprennent] […] que leur

petit talent de décorateur

de façades n’est plus

maintenant de saison, qu’il

s’agit de bâtir la cité

nouvelle. Celle-ci doit

rompre définitivement avec

tout ce qui a été fait dans

le passé. Il n’y a plus de

place que pour une seule

doctrine, […] [celle] de la

charte d’Athènes. »

Eugène Claudius-Petit le

5 mars 1945 à l’assemblée

nationale

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6- Angle de l’avenue du général Leclerc, une baraque cohabite avecun immeuble d’avant-guerreArchives municipales de Lorient

7- La tour Guémené,entre l’arsenal etla BananeArchives municipales de Lorient

Les lignes graphiques de la reconstruction

Pour arborer une expression plastique singulière et esthétique, la reconstruction tire parti des spécificités de ses matériaux et de ses principes constructifs : poteaux, redents, traitement du béton (enduit, lavé, poli, brut…). L’effet de monumentalité, ou le risque de monotonie, des façades s’estompe, malmené par la disposition des balcons et des fenêtres qui crée des jeux d’ombre et de lumière. Claustra pour aérer les séchoirs ou les celliers, oculi ou hublots des cages d’escaliers, jardinières de béton qui complètent les balcons, encadrement des fenêtres : tout concourt à animer la façade. L’édifice lui-même se décompose souvent en une succession de superposition ou d’emboîtements, en avancée ou en retrait. Une note esthétique marque généralement l’entrée des immeubles ou villas et s’attache à magnifier des éléments de détails des parties communes : poignées de portes, auvents, boîtes aux lettres, rampes d’escaliers…

Jeux de formes, de couleurs, de lumières, recherches graphiques, l’architecture s’efforce de trouver un langage commun avec la peinture et la sculpture et en intègre les expressions (panneaux de céramique, polychromie des façades, bas-relief…).

Cette publication a été éditée dans le cadre de l’expositionDess(e)ins de ville – L’évolution urbaine de Lorient 1939-196319 juin 2010 – 12 septembre 2010

Commissariat de l’exposition Service de l’Animation de l’architecture et du patrimoine – Ville d’art et d’histoire de Lorient

Recherches documentaires Soazig Le Hénanff

Recherches iconographiquesJean-François Noblet

Réalisation des plansSylvaine DuceuxDominique Pezzinoet l’équipe du service Dessin de la DGAET

Comité scientifiquePhilippe BonnetNathalie DefradePatricia DrénouRené EstienneJoëlle GourmelenSoazig Le HénanffJean-Luc Le Pogam

Documentation Service Historique de la Défense, département de la Marine à LorientArchives départementales du Morbihan

Conception graphique Nuances graphiques - Sophie Plunian

Impression Imprimerie de Basse Bretagne

La modernité de la reconstruction, affichée, délibérée, revendiquée, s’exprime pleinement dans la liberté des lignes graphiques de son architecture : la pureté et l’élégance des courbes, le jeu des pleins et des vides, le soin apporté à l’élément de détail. Le classicisme épuré des années 30 a encore gagné en sobriété. Les qualités plastiques du béton permettent de nouvelles prouesses techniques qui accentuent la finesse de certaines formes. Un léger voile de béton reposant sur une seule colonne élancée compose l’auvent d’une entrée d’immeuble. Au stade, ce même voile de béton vient protéger les spectateurs de la tribune. Comme sous la coupole de l’église Notre-Dame de Victoire, sur le béton osé brut, sans enduit ou parement, les lames de bois utilisées pour le coffrage ont laissé leur empreinte et la trame d’un décor subtil.

Animation de l’architecture et du patrimoine02 97 02 23 29

Hôtel Gabriel – Enclos du port56 100 Lorient

[email protected]://patrimoine.lorient.fr

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Lorient entre destruction et reconstruction au milieu des années 50 :la Banane en construction ; à l’arrière plan, la tour Guémené à peine commencée et les restes d’élévation de l’hôtel Gabriel.Archives municipales de Lorient