D. Schlumberger, Descendants non-méditerranéens de l'art grec. Syria 1960, 37

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    Daniel Schlumberger

    Descendants non-mditerranens de l'art grec.In: Syria. Tome 37 fascicule 3-4, 1960. pp. 253-319.

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    Schlumberger Daniel. Descendants non-mditerranens de l'art grec. In: Syria. Tome 37 fascicule 3-4, 1960. pp. 253-319.

    doi : 10.3406/syria.1960.5488

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/syria_0039-7946_1960_num_37_3_5488

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_syria_6321http://dx.doi.org/10.3406/syria.1960.5488http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/syria_0039-7946_1960_num_37_3_5488http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/syria_0039-7946_1960_num_37_3_5488http://dx.doi.org/10.3406/syria.1960.5488http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_syria_6321
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    DESCENDANTS

    NON-MDITERRANENS

    DE

    L ART

    GREC

    PAR

    DANIEL SCHLUMBERGER

    (Planches

    X-XIII)

    IL PaLMYRNE,

    MSOPOTAMIE, SUSIANE :

    LE DOMAINE PARTHE

    OU

    D INFLUENCE

    PARTHE

    1.

    Les

    caractres de Vart parthe

    Les

    ides

    reues.

    C est

    Rostovtzef, nous

    l avons dit,

    qu est due

    la notion d un art parthe (1). C est lui qui, le premier, a esquiss le domaine

    de cet

    art

    (2), et s est

    efforc d en

    dfinir

    les caractres. Bien

    que

    ses

    opinions aient t fort discutes,

    bien

    que

    le progrs

    de

    la

    recherche ne

    les

    ait

    pas

    toujours confirmes,

    je

    ne vois

    pas

    que le tableau propos

    par

    ce savant ait t remplac dans son

    ensemble.

    Aujourd hui

    encore c est

    (*) Cet art nous est connu surtout, on l'a vu

    (ci-dessus, p. 134),

    par

    les

    trois grands sites

    urbains de la steppe syro-msopotamienne :

    Palmyre,

    Doura-Europos et Hatra, et par

    les

    trs

    importants ensembles

    monumentaux

    qu'ils

    ont

    livrs

    chacun. Il

    l'est

    en

    outre, et accessoi

    rement, par une

    longue

    srie

    de

    monuments

    provenant de divers

    autres

    sites. Liste complte

    de

    tous

    les vestiges de l'art parthe (jusqu'en

    1935) dans Rostovtzeff, Parth. Art,

    notam

    ment

    p.

    158,

    n.l

    (sites),

    171-174

    (sculpture

    rupestre),

    179-186

    (figurines, masques, sarco

    phages

    de Babylonie). De cette liste doivent tre

    retranches

    seulement les

    peintures

    murales

    du

    Kuh-i

    Khwja,

    v. note

    suivante. Ajouter

    pour

    la Susiane une importante dcouverte

    rcente :

    la

    statue de Shami,

    Seyrig, Ant. Syr., III,

    pp. 9-15,

    et

    la nouvelle publication des monu

    ments de Tang-i Sarvak par

    W.

    B. Hen-

    SYRIA.

    T.

    XXXVII. FASC.

    3-4.

    ning,

    Asia

    Major,

    II,

    1952, pp. 151-178.

    (2)

    Sur

    ce domaine, et sur

    sa

    limite

    occident

    ale,. ci-dessus p. 134, n. 3 (Palmyrne), et

    ci-dessous p.

    274-280

    (Nabatne et Com-

    magne). La limite orientale

    reste

    incertaine,

    mais englobe

    certainement le rebord monta

    gneux

    du plateau iranien.

    C'est

    ce que

    mont

    rent, pour

    la Mdie,

    les

    reliefs

    qui ornent un

    quartier de roc de Bhistoun, E. Herzfeld, Tor

    von Asien,

    p. 56,

    pi.

    LU; pour la Susiane

    les

    reliefs

    rupestres

    de

    Tang-i Sarvak,

    voir

    note

    prcdente;

    le relief

    de Shimbr,

    E.

    Herzf

    eld, Arch.

    Mitt,

    aus Iran, I, pi.

    VIII;

    la

    statue de Shami,

    v.

    note prcdente. Les pein

    tures du Kuh-i

    Khwja,

    au

    contraire,

    sont

    extrieures au

    domaine de l'art parthe : ni

    leur

    situation

    ni leur style ne recommandent

    de les

    y

    inclure.

    17

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    254

    SYRIA

    ses travaux que

    doivent recourir

    ceux qui s interrogent

    sur ce

    qu il

    dnommait lui-mme

    le problme de l art parthe. Examinons

    donc

    ses

    vues.

    Si nous ngligeons les considrations de Rostovtzeff sur

    les

    thmes des

    scnes,

    sur

    les motifs

    du dcor, sur le costume

    et les

    bijoux, bref, sur le

    rpertoire

    de cet art,

    pour

    ne

    chercher

    ses ides que sur l essentiel

    du style

    parthe,

    nous

    pourrons,

    je

    pense,

    les

    rsumer en cinq

    mots

    : frontalit, spi

    ritualit

    hiratisme, linarisme,

    vrisme (1).

    Rservons

    pour

    l instant la

    frontalit, et analysons

    les

    quatre autres termes.

    L art parthe

    serait

    un art spiritualiste (2).

    Plutt

    que

    la

    beaut

    des

    corps

    il

    aurait

    cherch

    traduire la

    vie

    de

    l me.

    Dans

    ses

    reprsentations

    d tres

    divins,

    il aurait

    voulu

    rendre sensible la nature

    cleste,

    immatrielle

    des

    puissances supraterrestres. Dans ses reprsentations d tres humains,

    il

    se

    serait

    efforc

    d exprimer la ferveur

    des

    fidles. L impression de spiri

    tualit,

    en d autres termes de srieux, de grandeur religieuse qui mane

    d un

    grand nombre

    de

    figures

    parthes n est pas contestable. Mais

    est-elle

    due rien

    d autre

    qu aux

    regards braqus sur

    nous

    de ces figures, rien

    d autre

    qu tous

    ces yeux qui

    cherchent avec

    insistance

    nos

    yeux comme

    ne le font jamais, ou presque jamais,

    les

    yeux

    des

    figures de l art

    grec,

    mme

    quand celles-ci

    se

    prsentent de

    face? Je ne crois pas

    pour

    ma part

    qu il y ait lieu de distinguer

    la

    spiritualit de la

    frontalit si

    nous expl

    iquons

    cette dernire,

    nous

    aurons expliqu

    aussi

    la

    premire.

    L art parthe serait un

    art

    hiratique

    (3).

    Si nous ne

    considrons

    que les

    tableaux religieux,

    nous nous

    trouvons en effet le plus

    souvent

    devant un

    art

    de

    la

    raideur, de l immobilit. Mme ceux de ces tableaux qui

    reprsen

    tentaction ne

    nous

    la montrent d ordinaire que solennelle et compasse :

    nous sommes

    trs

    loin de cet

    art

    de

    l action libre

    et

    vivante

    que

    sont

    no

    rmalement

    l art

    grec

    ou

    l art grco-romain.

    Mais

    nous

    connaissons aussi

    des

    compositions

    profanes,

    et celles-ci

    se

    prsentent

    parfois

    comme

    de vri

    tables instantans de l action violente.

    Rostovtzeff

    opposait donc, au

    sein

    mme de l art parthe, l art

    froid

    et fig des

    scnes

    cultuelles ou

    votives

    (*) Voir notamment

    Dura-Europos,

    p. 120. p.

    83.

    (2) Parth. AH, pp. 232-237; Dura-Europos, (8) Dura-Europos, p.

    82, 85.

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    DESCENDANTS

    NON-MDITERRANENS

    DE L ART GREC

    255

    l art tumultueux

    des

    scnes

    profanes (1).

    Cependant

    il suffit

    d un

    regard

    sur

    les monuments

    pour

    s apercevoir que les compositions

    religieuses

    admettent

    parfois le

    mouvement

    (2)

    et

    que

    les

    compositions

    profanes

    ne

    le comportent

    pas toujours

    (3).

    La vritable

    opposition n est donc

    pas

    entre

    les scnes religieuses et les scnes

    profanes,

    mais entre les scnes compasses

    et les scnes mouvementes.

    Et

    l existence simultane de ces deux

    types

    de

    scnes

    dans l art parthe n est nullement une innovation :

    on

    constate le

    mme tat de

    choses dans les arts de l Ancien

    Orient.

    Rostovtzeff

    qualifiait en

    outre

    l art parthe de linaire et

    de vriste.

    Le

    linarisme, prcisait-il, c tait le

    procd

    qui consiste

    accuser

    les

    contours,

    cerner les

    figures,

    c tait

    le

    rendu

    schmatique

    des

    draperies,

    le manque

    de

    relief

    dans

    la peinture

    comme dans

    la sculpture (4).

    Le vrisme,

    c tait cet amour

    des

    dtails exacts

    qui

    fait que

    les

    figures,

    les scnes

    ten

    dent

    n apparatre que comme

    des agrgats

    de ces

    dtails, reproduits

    chacun

    par

    l artiste avec une application de miniaturiste,

    au

    dtriment

    d une vue synthtique.

    Le

    vrisme est

    un

    aspect si manifeste de l art parthe

    qu il

    ne requiert

    pas de discussion. Quant au linarisme,

    bien

    qu il

    soit souvent

    vident, il

    n est pas

    aussi gnral. Le

    contour accus des figures, la schmatisation de

    la draperie,

    le faible

    relief

    s observent

    assurment

    dans

    un

    trs

    grand

    nombre

    d uvres parthes. Mais pas

    dans toutes,

    et

    ce

    qui me

    frappe pour ma part,

    bien

    plus que

    la

    prsence de ces particularits dans tel

    ou

    tel groupe de

    monuments,

    c est

    leur manque

    de

    constance

    dans

    l art parthe en

    gnral.

    La chute des

    plis

    sera parfois exprime

    par

    un jeu de lignes conventionnel

    au

    point d en devenir

    presque

    inintelligible (pi.

    X,

    3),

    mais

    ailleurs elle

    res

    tera trs clairement l imitation plus ou

    moins

    habile

    d un

    drap

    natural

    iste

    rec. A

    ct

    de

    reliefs trs plats,

    proches de

    la

    manire achmnide,

    s en

    trouvent

    d autres

    dont

    la

    saillie

    trs

    prononce

    n est cependant

    qu un

    bombement

    de la pierre auxquels des draps linaires sont

    comme surim-

    (x)

    Parth. Art,

    p.

    262;

    Dura-Europos, p. 92. Dura-Europos,

    pi.

    XVIII

    (que

    Rostovtzeff,

    (2)

    Exemple

    : l'anguipde assailli par un croyait drive d'une scne profane, ibid.

    char et par un cavalier sur

    l'une

    des

    poutres p.

    92).

    histories du temple de

    Bel

    Palmyre, Seyrig, (8)

    Scnes

    de banquet, Parth. Art,

    fig. 72, 73.

    Ant. Syr.,

    II,

    p. 20; la chasse

    de

    Mithra

    Doura,

    (*)

    Parth.

    AH, p. 236.

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    256 SYRIA

    poss;

    et d autres encore

    o

    l on peroit, dans les volumes, dans les atti

    tudes, dans les draps, un certain effort d illusionisme la grecque (1).

    On dira

    donc

    simplement

    que

    dans

    celles

    de

    ses

    uvres

    o

    l art parthe

    mrite

    le

    qualificatif de linaire, il

    manifeste

    son traditionalisme oriental;

    et que dans celles

    o

    il ne le mrite pas, il manifeste sa

    tendance

    grecque :

    les

    difficults auxquelles se

    heurte

    si souvent l'effort de rigueur dans l ana

    lysene

    tiennent qu au

    caractre

    sans cesse

    variable de

    la

    rsultante, qui

    donne chaque monument ou groupe de

    monuments,

    sa physionomie, ses

    nuances

    particulires.

    Cependant, et c est

    l ce

    qui importe, le linarisme et le

    vrisme

    ne

    sont,

    pas

    plus

    que

    la

    coexistence

    du

    hiratisme

    et

    du

    mouvement

    ,

    des

    innovations

    parthes;

    Rostovtzeff

    lui-mme a marqu avec nettet

    qu il

    n y

    avait

    l

    que

    des

    survivances (2). Mais

    alors,

    et

    rserve faite de la

    frontalit,

    il est clair que

    nous

    n avons abouti jusqu ici

    qu

    constater

    la

    nature hybride

    de

    l art parthe, qu

    y

    reconnatre

    une combinaison ingale

    et instable d lments

    hrits des arts

    de l Ancien Orient avec

    des

    lments

    emprunts la

    Grce.

    Reste le problme de la

    frontalit.

    M. Ernest Will

    ayant

    discut rcem

    ment de

    faon critique

    et

    approfondie les

    vues de

    Rostovtzeff sur ce point,

    nous nous

    bornerons

    ici

    rappeler

    brivement

    les

    rsultats

    auxquels

    il

    est

    parvenu

    (3)

    (x) Les meilleurs exemples de

    relief

    plat

    sont

    Palmyre les poutres histories

    du

    temple

    de

    Bel

    (vers

    32

    de notre

    re),

    Seyrig,

    Ant.

    Syr.,

    II,

    p.

    36-37;

    et

    il

    est

    trs

    remarquable

    que

    l'un des meilleurs exemples de relief la

    grecque

    soit le

    rinceau

    du

    soffite des

    mmes

    poutres, ibid., comparer les pi. XVIII et

    XXI,

    1

    avec

    la

    pi.

    XXI,

    3.

    Autres exemples

    de

    relief

    plat

    Palmyre

    : les bases

    degr

    dont il sera

    question

    ci-aprs p.

    267;

    un groupe de stles

    funraires

    archaques,

    Berytus, III, 1936,

    p. 139, notamment

    pi.

    XXXII, 1-2, et

    XXXIII,

    3; et notre pi. X, 3;

    Doura, la stle de Zeus

    Kyrios (notre pi.

    XIII, 1), date

    de

    31, Dura

    Prelim.

    Rep., VII-VIII, 1939, p. 308. Exemples

    de

    hauts-reliefs

    de type non

    grec : le

    buste de

    Zabdibl,

    Seyrig,

    Ant.

    Syr., II, p.

    74,

    fig. 25;

    et la grande majorit de la

    sculpture

    fun

    raire palmyrnienne

    (avec

    nombre de nuances

    dans

    le

    dtail). Exemples de reliefs touchs

    par une

    certaine influence de

    l'Occident :

    les

    pages du tombeau

    dit de

    l'aviation (n

    186

    de Wiegand), Ingholt, Berytus,

    II,

    1935, pi.

    XXXIV,

    et

    du

    tombeau

    de

    Maqqai,

    pi.

    XXVII,

    ces

    derniers avec le

    commentaire

    (et

    les

    plan

    ches) de H. Seyrig,

    Ant.

    Syr., II, p. 83-85, d'o

    notre

    pi.

    X, 5; les reliefs des Gadd, Dura Prelim.

    Rep. VII-VIII, 1939, pi. XXXIII-XXXIV

    (

    Doura,

    mais

    en

    pierre de Palmyre).

    (2) Parth. Art, p. 236.

    (8) E. Will, Le relief cultuel grco-romain,

    chap,

    iv,

    1.

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    DESCENDANTS

    NON-MDITERRANENS

    DE

    L ART

    GREC

    257

    Dans

    les

    arts de l ancien Orient, et ds l origine,

    remarque

    M.

    Ernest

    Will,

    les

    arts graphiques,

    relief

    ou peinture, prfrent le visage de profil (p. 224)

    et se

    distinguent

    par

    l

    de

    la

    statuaire,

    laquelle

    offre

    au

    contraire

    des

    figures

    normalement destines

    tre

    vues

    de face.

    Cette distinction, qui est

    capi

    tale, n est cependant pas absolue;

    la

    prfrence

    des arts

    graphiques

    pour

    le profil, il y

    a, ds

    les

    origines

    aussi, quelques exceptions, que M. Will

    numre et

    s efforce

    d expliquer, et sur lesquelles nous allons

    revenir.

    Cependant

    le nombre de ces

    exceptions

    est trs

    restreint,

    et ne s accrot pas.

    Au

    cours de toute l volution

    ultrieure,

    jusqu au

    temps d Alexandre,

    on

    n observe pas de changement

    important.

    Dans les

    arts

    hittite,

    syro-

    hittite,

    assyrien,

    achmnide,

    les

    rgles

    et

    les exceptions

    restent

    les mmes

    (p. 227), et

    l on

    peut mme dire que, loin de s attnuer, la tendance au profil

    dans les

    arts graphiques se renforce plutt.

    Il

    apparat

    donc

    que la substi

    tution

    de

    la face au

    profil

    dans les arts

    de

    VAsie

    antrieure

    ne peut s expliquer

    par

    le jeu

    d une

    volution

    interne mais

    reprsente une vritable

    rvolution,

    une

    rupture

    avec

    un

    long

    pass

    et

    le point

    de dpart

    d une

    priode

    nouvelle

    (p. 229).

    Or cette rupture, dont

    les

    effets

    nous

    apparaissent dans l art parthe,

    nous

    n avons, quoi

    qu en

    ait

    dit

    Rostovtzeff,

    aucune

    raison

    valable

    de

    l attribuer aux Parthes eux-mmes. C est

    donc par

    l action de l art grec

    classique qu il faut l expliquer,

    de cet art

    qui

    depuis

    Alexandre domine

    l Orient, de cet art qui, prcisment, a abandonn la loi de la

    frontalit

    dans la statuaire et la rgle

    gnrale

    du profil dans le relief, abolissant ainsi

    le premier

    les conventions qui

    avaient

    rgi

    tous

    les

    arts

    antrieurs y compris

    l art archaque grec.

    Sur

    ce tableau,

    et notamment

    sur le rle librateur

    dterminant jou

    par

    l art grec

    classique dans

    la

    rvolution

    qui

    nous

    est dcrite,

    et

    sans laquelle

    l art parthe n et pas

    exist,

    je suis

    d accord

    dans les grandes lignes avec

    M. Will.

    Cependant

    le fait que la frontalit parthe soit de provenance

    grecque n a point empch

    l art

    parthe de

    se distinguer profondment

    de l art grco-romain.

    Nous aurons dfinir cette originalit

    parthe.

    Mais auparavant

    il

    me

    parat ncessaire de

    revenir

    sur le problme

    des

    vieilles conventions orien

    tales, et de

    la rvolution grecque qui

    y a

    mis fin.

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    DESCENDANTS NON-MDITERRANENS

    DE L ART

    GREC 259

    relle incarne,

    soit

    seulement mmorandum d une

    vie vanouie (1).

    La relation des tres

    vivants

    entre eux

    ayant

    lieu

    par les

    yeux, le dia

    logue

    de

    ces

    deux

    tres

    vivants

    que

    sont

    le

    spectateur

    et

    l image

    de

    prsen

    tation exige naturellement la frontalit de celle-ci.

    Pour

    la mme

    raison,

    les

    arts

    de narration, o

    ce

    dialogue

    n existe

    pas, qui retracent

    des

    pisodes

    du

    pass,

    recourent

    naturellement

    au profil : il suffit

    que les

    protagonistes

    d une

    scne se

    regardent

    (lorsqu ils s affrontent dans l audience,

    la

    rencontre,

    le combat),

    ou que

    les uns

    soient

    placs dans

    le

    champ visuel

    des autres

    (lorsqu ils

    se suivent

    dans

    le

    dfil,

    la poursuite, la

    chasse),

    pour

    que

    soit

    tabli

    entre

    eux

    le

    lien d une action qui leur est

    commune,

    et laquelle

    le

    spectateur

    n a

    point

    de part.

    Or

    le rcit ne

    peut que

    trs difficilement s exprimer

    par

    la statuaire

    (2),

    tandis

    que la

    vie

    relle,

    bien

    qu incarne de prfrence dans

    la

    statue,

    est

    parfaitement capable,

    elle, de s incarner aussi dans les personnages

    du

    relief

    et de la peinture. Telle est l explication des drogations la rgle

    du profil

    dans les arts

    graphiques

    : lorsque nous y

    trouvons des figures

    de

    face, elles y sont

    des

    intrusions de la

    vie

    sentie comme actuelle. Cela, qui est

    vident

    pour

    les figures apotropaques

    (3)

    (Bs,

    la

    Gorgone etc.),

    est

    gal

    ement vrai

    de

    la

    desse nue

    des reliefs cultuels

    (4)

    ;

    de

    la femme

    la

    fentre,

    du

    sphinx et autres

    figures des ivoires phniciens (5).

    runies

    dans une seule et mme uvre. Tel

    est

    le

    cas des taureaux androcphales

    cinq

    pattes

    de

    l'art

    assyrien, qui apparaissent

    de face comme

    statue

    et comme vie prsente,

    de

    profil comme relief et comme rcit

    .

    De

    mme

    la

    vache

    Hathor protgeant

    le pha

    raon

    dans le fourr de papyrus, est de face

    statue

    et vie,

    de

    profil

    (allaitant un pharaon

    ddoubl) relief et

    rcit,

    v. A. Scharff, Wesens-

    unterschiede

    g.

    u.

    vorderas.

    Kunst, Der

    Alte

    Orient,

    42,

    p.

    12.

    (*) Mme

    situation dans

    la Grce archaque.

    (8) II

    le

    fera pour la premire

    fois

    en Grce

    dans

    les grands frontons de la fin de l'poque

    archaque.

    Il

    le

    fait Surkh Kotal si,

    comme

    je

    le

    crois, les

    trois statues

    de pierre

    (ci-dessus,

    p. 146),

    figuraient

    une scne (d'investiture pro

    bab l emen t . Malgr ce que ces

    statues

    ont

    de

    peu grec

    chacune

    en soi, et certainement

    aussi dans leur groupement,

    il

    y a

    l

    un

    hellnisme.

    (8) C'est ce

    que

    M.

    Will marque

    bien en

    parlant de

    1

    efficacit

    de

    ces

    figures (p. 224).

    (*) Le relief

    cultuel, bien

    que

    trs rare, existe

    dans

    l'Ancien

    Orient, E.

    Will,

    op.

    cit.,

    p. 226,

    et des

    monuments

    tels

    que

    le relief d'Assour

    (cit par M.

    Will

    : Frankfort, op.

    cit.,

    pi. 72)

    ou

    la

    terre

    cuite de

    Lilith

    (ibid., pi.

    56)

    en

    sont des

    exemples probants.

    Dans

    Syria

    XXXV, 1958, p.

    384, j'ai

    us,

    sur

    ce sujet,

    d'une

    formule trop absolue.

    (8) Exemples : H. Frankfort, op. cit., pi.

    170 B,

    C (Khorsabad); R.

    D. Barnett,

    Nimrud Ivories, 1957, pi. IV; F. Thu-

    reau-Dangin,

    Arslan-Tash, 1931,

    pi.

    XXXI,

    XXXIII, XXXVI.

  • 7/23/2019 D. Schlumberger, Descendants non-mditerranens de l'art grec. Syria 1960, 37

    9/72

    260 SYRIA

    II peut arriver

    mme

    que cette

    intrusion

    se produise l intrieur d une

    scne narrative. Tout le monde connat ces figures de face

    qui

    sont indiss

    olublement

    lies

    par l action

    des

    figures de profil

    :

    le

    lion

    (au

    mufle de

    face) assaillant le taureau

    (de

    profil) ; le hros (au

    visage

    de face) domptant

    les

    fauves (le

    plus

    souvent

    de profil)

    la

    Gorgone (toujours de

    face) assaillie

    par Perse (gnralement

    de profil).

    De

    telles images sont

    particulirement

    remarquables en

    ce qu elles

    sont la

    fois

    rcit d une action, et

    vie

    incarne

    de l un

    des

    acteurs de la scne. Ce sont

    des

    images double intention, ce

    sont

    de

    vritables

    rcits

    vivants

    , trs

    proches de

    ce

    que

    seront

    plus

    tard les compositions

    parthes

    (1), mithriaques (le Tauroctone), ou grco-

    bouddhiques (la

    visite

    d Indra,

    le

    Grand Miracle),

    ou

    encore

    au

    Bas-Empire,

    toutes

    les compositions

    officielles

    qui

    se proposent de rendre sensible et

    prsente la

    majest

    du

    souverain

    en mme

    temps

    que d exalter

    son

    action.

    Conclurons-nous

    de l

    que

    M. Will ait eu

    tort

    de

    chercher

    les

    origines

    de ces compositions d un

    genre

    nouveau dans l art grec classique

    ?

    Certainement pas. Jusqu

    l poque

    d Alexandre les intrusions de

    l image

    de prsentation dans

    la

    composition narrative taient

    restes

    en Orient

    strictement

    confines

    quelques thmes particuliers.

    Ce

    n est

    pas

    des

    vieilles

    figures

    de Gilgamesh ou de

    la

    Gorgone que

    pro

    cdera le

    relief

    cultuel grco-romain

    la

    divinit

    agissante

    ;

    ni

    du

    relief

    cultuel de l Ancien

    Orient, trs rare (bien

    que,

    redisons-le,

    son existence

    ne

    puisse tre

    nie), et

    qui

    tait rest une

    pure

    et simple image de

    prsentation.

    De

    mme, il est

    impossible de rattacher ces vieilles

    figures

    orientales

    les tableaux

    historiques

    de

    l art

    monarchique de

    la basse

    anti

    quit, domins par

    la figure

    frontale (et gnralement centrale)

    du

    prince

    agissant.

    Ce

    qu il

    faut

    souligner au

    contraire

    c est

    l absence complte dans

    (*) La diffrence est que l'Ancien Orient et

    la

    Grce

    archaque

    limitent

    la

    dite

    intrusion

    un seul personnage, tandis que

    l'art

    parthe

    la gnralise. Parfois cependant cette

    diff

    rence mme est absente : une uvre comme la

    mtope bien connue du temple C de Slinonte,

    G.

    Lippold, Handb.

    der Archol.

    III,

    1

    (Fnfte

    Liefer.),

    pi. XXIX, 1, qui figure Perse

    tranchant

    la

    tte

    de

    la Gorgone

    en prsence

    d'Athna, et qui

    donne

    aux trois

    personnages

    de

    cette scne une

    attitude

    strictement frontale,

    est,

    cinq

    sicles

    de

    distance,

    une

    vritable

    composition

    parthe avant la lettre.

    Mais

    existe-

    t-il cette poque des compositions de cette

    espce

    en

    Grce

    mme?

    Et

    ne faut-il

    pas voir

    l,

    la limite du monde colonial grec, ce que

    nous

    aurons

    prcisment dans l'art parthe :

    une application mal comprise

    des

    innovations

    auxquelles tendait la Grce ?

  • 7/23/2019 D. Schlumberger, Descendants non-mditerranens de l'art grec. Syria 1960, 37

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    DESCENDANTS

    NON-MDITERRANENS

    DE

    L ART

    GREC . 261

    tout

    l Ancien Orient de la

    figure frontale

    dans

    l art

    narratif au

    service des

    dieux, comme dans

    l art

    narratif au

    service des rois.

    C est

    la Grce

    classique

    qui,

    la

    premire,

    a

    progressivement

    dpouill

    la

    statue

    de ce qu elle contenait de

    vie

    rellement et durablement prsente,

    en renonant

    la

    raideur

    du hiratisme,

    aux

    rigueurs

    de

    la pure frontalit,

    pour

    la douer de

    la

    souplesse

    des

    poses accidentelles (qui paradoxalement

    la

    rendaient

    plus

    vivante

    en apparence,

    mais

    en

    apparence

    seulement). C est

    la Grce

    classique qui, la

    premire,

    a progressivement attnu

    le

    caractre

    narratif qui tait

    gnralement

    (sinon dans tous

    les cas)

    celui

    des

    arts gra

    phiques, en

    abandonnant

    dans ces

    arts la convention du

    profil, en y intro

    duisant

    non

    seulement

    la

    figure

    de

    face

    ce

    qui

    pour certains

    personnages

    tait fait depuis les Sumriens mais toutes les

    attitudes

    intermdiaires

    entre le

    profil

    et la face.

    Tout

    l'effort de l art

    grec,

    qui tend

    donner

    aux

    uvres de

    la

    statuaire comme

    celles des arts

    graphiques l apparence de

    la

    vie transitoire, tend

    aussi par

    suite faire perdre la

    statue

    son

    caractre

    de rservoir

    permanent

    de force vitale, au

    relief

    et

    la peinture

    leur

    caractre

    de simple mmorandum.

    Il

    n y aura plus dsormais deux catgor

    ies uvres d art : les uvres d intention magique qui rpondent un

    besoin de connaissance mystique, et

    les

    uvres d intention

    historique

    qui

    rpondent

    un

    besoin

    de

    connaissance intellectuelle.

    Il

    n y en

    aura plus

    qu une seule qui ne cherchera

    ni

    inspirer le

    rconfort

    ou

    l'effroi d une

    prsence,

    ni fournir le

    rappel

    objectif

    d une

    action,

    mais

    qui

    rpondra

    une

    intention

    tierce,

    celle de toucher, d mouvoir, par une

    illusion,

    aussi parfaite

    que possible, et cependant

    sentie

    comme

    simple

    illusion par

    le

    spectateur.

    L originalit parthe.

    Aucun des arts qui

    ont suivi

    cette profonde

    rvolution n a

    pu revenir

    la

    situation antrieure. Mais il y

    avait

    plus

    d une

    manire

    d entendre l enseignement

    grec.

    Ce

    que

    l art parthe

    n en

    a pas

    retenu, sans

    doute parce qu il ne

    l avait

    pas

    compris,

    c est que l uvre

    d art,

    quelle

    qu elle ft, ne se

    proposait

    plus dsormais que d'offrir une

    illusion. Ce

    qu il

    en

    a

    retenu, en

    revanche, c est

    la libert qui lui tait

    offerte

    de

    donner

    l attitude

    frontale

    aux personnages

    des

    scnes narratives, tous

    les personnages

    de toutes ces

    scnes.

    L abolition

    par

    l art grec classique de ces

    deux conventions

    complmen-

  • 7/23/2019 D. Schlumberger, Descendants non-mditerranens de l'art grec. Syria 1960, 37

    11/72

    262

    SYRIA

    taires qu taient la

    frontalit

    rigoureuse

    de

    la

    statue et

    la rgle

    gnrale

    du profil

    rigoureux

    dans les

    arts

    graphiques,

    n tait

    qu une consquence du

    profond

    changement d intention

    qui

    vient d tre

    dcrit.

    Ces

    conventions

    avaient

    disparu

    dans

    la

    mesure mme o l intention illusionniste se substituait

    progressivement

    l intention

    mystique et

    l intention narrative; puisque

    la

    vie

    fait

    voir les tres de

    face,

    de profil, de

    dos,

    de

    trois-quart, puisqu elle

    offre toutes

    les attitudes, l art devait dsormais les offrir aussi. C est assez

    dire que si

    les

    arts graphiques grecs admettaient dsormais la frontalit,

    celle-ci

    n tait

    pour

    eux

    qu une

    possibilit laquelle

    ils

    ne recouraient

    que lorsqu elle paraissait convenir et qui

    n tait

    que rarement applique

    avec

    rigueur.

    C est

    ce

    que

    nous

    signifie

    M.

    Will

    lorsqu il

    nous

    dit

    de

    la

    fron

    talit grecque et grco-romaine qu elle

    est partielle (1).

    Par l application qu il

    fait de la frontalit, l art parthe ne se

    distingue

    pas seulement

    des

    anciens

    arts

    orientaux (et de l art grec archaque), auxquels

    il s oppose,

    mais

    aussi,

    de] l art grec classique, dont il procde.

    Les

    arts gra

    phiques de

    l Ancien Orient proscrivaient, sauf

    exceptions, la

    frontalit,

    l art grec

    classique l admettait,

    l art parthe

    l exigera

    : il prsentera

    en posi

    tion frontale

    systmatiquement et rigoureusement les personnages de ses

    scnes

    narratives.

    En

    d autres termes, le

    rcit

    parthe n innovera

    pas seul

    ement

    au

    regard du

    vieil usage oriental par

    son recours

    la figure

    frontale,

    mais aussi

    au regard de l usage grec classique

    par

    l absence

    presque

    totale (2),

    (x) Le relief cultuel grco-romain, p.

    251.

    Voir aussi M.

    Morehart,

    Berytus,

    XII,

    1956-57,

    p. 81.

    (2) II

    y

    a

    des

    exceptions. Un

    relief

    de style

    palmyrnien dat de 31, et figurant Hlios

    (de

    face)

    porte sur une sorte

    de prdelle sept

    petits

    personnages

    de profil,

    Syria,

    XXXVI,

    1959, p.

    58, pi. XI;

    sur un relief du temple

    de

    Bel deux

    personnages

    sont de

    profil,

    Seyrig,

    Ant.

    Syr. II

    p. 29 : survivances orientales,

    comme

    Test

    la mme date

    le

    sige de Zeus

    Kyrios Doura (ci-dessous

    p. 278 n.

    3). M. Will

    a fait tat de quelques exemplaires du

    banquet

    o

    la figure de

    l'pouse

    assise

    au

    pied

    du lit

    est

    place

    de profil (ou de trois-quarts), Reliefs

    cultuels, p.

    254

    (exemple Palmyre : Chabot,

    Choix,

    pi. XXVII, 10). Dans les

    peintures

    de

    Doura, parmi des

    centaines

    de

    personnages

    de

    face,

    on trouve de

    profil un

    messager (Dura,

    Final Report VIII,

    Synagogue,

    pi.

    LXV),

    et des

    mes

    sur le point

    de se

    rincarner [ibid.,

    pi. LXX).

    A Hatra, dans

    une sculpture sembla-

    blement domine par

    la frontalit,

    on trouve un

    linteau aux deux extrmits duquel sont figures

    des Victoires {III. Lond. News,

    18 dc.

    1954,

    p.

    1117,

    fig.

    9).

    Celle

    de

    droite,

    bien

    qu'elle

    soit

    en plein vol, fixe le spectateur,

    mais

    celle

    de

    gauche a rsist la tentation parthe, et est

    reste

    de

    profil. Comme l'a bien vu M.

    Will

    ces

    exceptions

    sont des hllnismes, mais qui ne

    dpendent

    pas

    ncessairement,

    comme

    il

    le

    pense,

    de

    modles

    occidentaux : ils peuvent

    venir

    de

    Sleucie du Tigre

    aussi bien

    que

    d'Antioche. Et ce

    qui

    doit surprendre ce

    n'est

  • 7/23/2019 D. Schlumberger, Descendants non-mditerranens de l'art grec. Syria 1960, 37

    12/72

    DESCENDANTS

    NON-MDITERRANENS

    DE L ART GREC

    263

    de la figure de profil et de toutes

    les

    attitudes non frontales (1).

    Chacun de ces deux usages avait

    sa

    logique

    propre.

    L usage que l Ancien

    Orient faisait du profil

    tait

    une

    convention

    parfaitement

    cohrente.

    Le

    rejet

    par

    l art grec

    de

    toute convention en

    cette

    matire n est

    pas moins

    cohrent : il reproduit les attitudes de la

    vie,

    et

    donc

    aussi

    l attitude fron

    tale, mais celle-ci est dsormais dpouille

    de tout

    potentiel particulier.

    A ces

    deux

    systmes l art parthe substitue l illogisme de

    deux convent

    ionsontradictoires

    : la

    premire

    est la

    notion

    que les divers personnages

    d un

    tableau participent une mme action, la

    seconde

    est

    celle

    de la repr

    sentation exclusivement

    frontale,

    laquelle

    est impropre

    traduire

    cette

    notion,

    puisqu elle

    te

    ces

    personnages

    l apparence

    de

    participer

    cette

    action.

    Comment ce dveloppement surprenant

    a-t-il

    pu se

    produire

    (2)?

    L expli-

    pas

    qu'ils

    existent, c'est bien plutt

    qu'ils

    restent si rares :

    dans

    le banquet funbre c'est

    la face qui est la rgle,

    mme

    pour la figure de

    l'pouse.

    Il

    n'est pas jusqu'aux animaux qui,

    dans

    l'art

    parthe, n'prouvent parfois

    le

    besoin

    de fixer

    le spectateur, ce qui

    se

    comprend

    lorsque

    cet

    animal

    n'est autre

    que

    le

    dieu

    (Schlumberger,

    Palmyrne du Nord-Ouest,

    pi. XL,

    2),

    mais est

    inattendu

    lorsqu'il n'est

    que

    la

    monture du

    dieu (ibid., pi. XXXVII,

    2).

    Bien

    entendu

    il n'y a pas tenir

    compte

    ici

    des

    trois

    fragments

    trs anciens dont l

    sera

    question

    ci-dessous page 279, n. 1 et

    qui

    sont antrieurs

    la

    formation de l'art

    parthe,

    mais seulement des

    cas

    que l'on relve au sein mme de cet art.

    (x)

    Rostovtzeff,

    Parth.

    Art,

    p. 238, avait

    trs

    bien senti ce qui distingue

    l'application

    de la frontalit dans

    le

    monde parthe de son

    application dans le monde mditerranen.

    Herzfeld

    has

    been inclined,

    crit-il, to

    regard

    frontality as

    borrowed by the Parthians from the

    Greek art. If that were so, the Palmyrene

    and

    Dur n artists would use

    front view and profile

    promiscuously like the Greeks. Ayant ainsi cart

    les

    Grecs

    il cherchait l'origine de la frontalit

    chez les nomades iraniens, chez les Saces, les

    Sarmates,

    et

    les Parthes eux-mmes lorsqu'ils

    taient encore dans la steppe

    Caspienne

    (p. 240)

    Comme

    on

    le voit, Rostovtzeff,

    constatant

    (avec

    raison) la

    diffrence

    d'application, en dduit

    qu'elle

    exclut la

    communaut d'origine.

    M.

    Will,

    au

    contraire,

    ayant tabli

    (avec

    raison)

    la

    communaut

    d'origine,

    en

    conclut que

    l'art

    parthe

    est

    dpourvu

    d'originalit.

    C'est

    du

    moins

    ainsi

    que

    j'entends

    des expressions

    comme ce mythe parthe, qu'il continue de

    pour

    fendre

    avec

    vigueur,

    voir Art parthe

    et

    art

    grec (extrait d'tudes d'arch. class.

    II, Annales

    de l'Est, mmoire n 22), p.

    127,

    note 1, ou

    comme la frontalit dite parthe [ibid., p. 135).

    Mais la communaut

    d'origine,

    qui ne

    me

    parat

    pas contestable, n'exclut pas la diffrence

    d'application,

    que je

    tiens pour vidente et

    capitale.

    Si au lieu

    de frontalit

    dite parthe,

    M. Will

    avait

    crit frontalit dite d'origine

    parthe,

    j'aurais

    souscrit

    sa

    formule.

    (2)

    On

    constate

    l'occasion, mme

    dans

    le

    domaine

    mditerranen, une

    tendance

    un

    dveloppement analogue. Exemples : monu

    ments des Dioscures, F. CHAPOUTHiER,.Dioscure*

    au service d'une desse, Paris, 1935

    (poques

    hellnistique

    tardive et romaine) ; des

    Cavaliers

    danubiens (affronts, foulant

    le

    vaincu), E.

    Will,

    Reliefcultuel, ch.

    II,

    3 (poque romaine)

  • 7/23/2019 D. Schlumberger, Descendants non-mditerranens de l'art grec. Syria 1960, 37

    13/72

    264

    SYRIA

    cation

    doit

    en tre que l Orient, au contraire de

    la Grce, avait

    conserv

    le sentiment

    de

    la

    prsence relle

    de

    la figure frontale. Cette figure

    restait,

    dans

    le

    sentiment

    populaire, charge de

    spiritualit

    active

    .

    Cette

    explication

    me

    parat

    la seule qui

    puisse

    rendre

    compte

    de

    l extraor

    dinaire

    rdeur

    avec

    laquelle l art parthe a saisi

    l occasion

    que lui offrait

    l art grec,

    au

    point

    de faire de

    la figure

    de face

    une convention

    plus

    tyran-

    nique encore que

    n avait

    t

    celle

    de

    la

    figure de profil dans l Ancien Orient.

    Ce

    que

    l art parthe

    a appris de

    l art grec revient en somme

    ceci :

    dsormais

    toute

    narration peut tre

    prsente

    comme rcit vivant , et

    l attrait de cette

    nouvelle

    formule a t tel qu elle a compltement supplant

    le

    vieux

    rcit-mmorandum

    des arts

    orientaux

    comme

    aussi

    le

    nouveau

    rcit prsentation illusionniste de

    l art

    grec.

    Telle est la grande originalit de l art parthe.

    2. Les

    origines

    de Vart parthe

    L art

    parthe vers

    le temps de Jsus-Christ.

    Les

    origines

    de

    cette

    forme

    particulire de l art grco-iranien de l Ouest que nous

    nommons

    l art parthe

    sont peine moins mystrieuses que celles de ces

    formes

    particulires de

    l art

    grco-iranien

    de l Est que sont

    les

    arts grco-bouddhiques gandhrien

    et

    mathurien,

    et mme, plus largement, que celles de

    l ensemble

    que ces

    arts

    forment avec l art grco-iranien dynastique,

    et que nous voudrions

    voir

    nommer l art kouchan (ci-dessous, p. 294, n. 1). A Palmyre, Doura-Europos,

    au dbut

    du premier sicle

    de notre

    re

    (1), nous voyons l art parthe surgir

    Ces compositions,

    proches

    de

    celles

    de l'art

    parthe, mais apparemment indpendantes de

    lui,

    drivent

    manifestement pour une

    part de

    vieux schmas orientaux, E. Will, op.

    cit.,

    p. 90,

    n.

    1 (disposition

    hraldique

    des Dioscures),

    p.

    93

    (le vaincu

    prostr).

    Il s'agit de savoir par

    quelles voie. Pour les

    Cavaliers au moins, dont

    l'iconographie

    tardive (IIe sicle) prsente quel

    ques parents (peu

    certaines

    il

    est vrai)

    avec

    celle

    plus ancienne

    de Mithra, ibid, p.

    401-402,

    405,

    une influence de l'Anatolie grco-iranienne

    ne me

    parat

    pas exclue. Pour les Dioscures

    au

    service d'une desse, figurs

    Sparte ds

    le Ier

    sicle avant

    J.-C,

    Chapouthier,

    op. cit.

    p. 45, un

    dveloppement

    indpendant

    est

    tout

    fait probable, mais il

    convient

    d'observer que

    ces

    compositions,

    o noua avons

    affaire

    un

    groupe, non

    une scne,

    ibid,

    p. 108,

    qui, en

    d'autres

    termes

    ne sont

    pas

    narratives,

    restent

    exemptes

    de

    1

    illogisme parthe

    .

    f1)

    A Palmyre la date approximative

    des

    fragments archaques (ornementaux) extraits

    de la

    fondation T

    (de

    la cour

    du

    sanctuaire

    de Bel) est fixe, par des inscriptions

    remployes

    avec

    ces

    fragments,

    la seconde

    moiti

    du

    IeT sicle avant Jsus-Christ

    et peut-tre

    aux

    pre

    mires annes

    de

    notre re, Seyrig, Ant. Syr., III,

    p.

    67.

    Un relief figurant quatre divinits de

  • 7/23/2019 D. Schlumberger, Descendants non-mditerranens de l'art grec. Syria 1960, 37

    14/72

    DESCENDANTS

    NON-MDITERRANENS

    DE

    L ART

    GREC 265

    soudain, pleinement

    constitu, reprsent

    par

    de nombreux monuments,

    ne diffrant

    d un

    site

    l autre

    que

    par

    des

    nuances, tout comme

    nous

    voyons

    un

    peu

    plus tard,

    sous

    Kanishka,

    surgir en

    Bactriane,

    au

    Gandhra,

    Mathur, cet art kouchan, dont

    le double

    aspect, royal et

    bouddhique,

    ne

    peut plus

    aujourd hui

    nous masquer l unit. Mais les

    antcdents immd

    iats de la brusque floraison parthe

    restent

    envelopps d obscurit comme

    le sont

    l autre

    extrmit du

    domaine

    iranien

    ceux

    del floraison

    kouchane.

    Cette dernire,

    il est vrai, est

    troitement associe

    la dynastie et

    proba

    blement la personne de Kanishka. La premire, au contraire, se produit

    dans un domaine qui ne relve que partiellement

    des

    Parthes, et

    n est

    pas

    lie

    la

    puissance

    parthe.

    Alors

    que

    nous

    trouvons

    Surkh

    Kotal,

    Mathur,

    la grande

    architecture,

    la grande sculpture

    au

    service des princes kouchans,

    l art qui a

    pu fleurir

    la

    cour

    des princes

    arsacides et dans

    les

    cours de leurs

    vassaux nous

    chappe encore.

    L art que nous

    nommons parthe, l art

    de Palmyre, de Doura-Europos,

    de Hatra,

    nous

    le voyons, sitt qu il

    nous

    devient saisissable,

    au

    service

    non

    pas de dynasties, mais de bourgeoisies.

    Cet art est

    religieux

    ou

    funr

    aire. Il s y ajoutait un art

    profane

    qui,

    bien

    que presque entirement

    perdu

    (1),

    a

    d

    tre

    fort

    important.

    Mais

    toujours,

    qu il

    s agisse

    du

    dcor

    en

    partie

    conserv

    des temples et des

    tombeaux,

    ou qu il s agisse du dcor

    disparu des

    rues,

    des places et des

    demeures,

    toujours cet art est

    celui

    d une

    certaine socit citadine : Palmyre il sert la puissante oligarchie marchande

    que

    le commerce

    international a

    fait surgir

    dans cette

    Venise des

    sables;

    Doura, march rgional en mme

    temps

    que forteresse frontire (2), il

    face est fix la mme poque par son

    remploi

    sous

    le

    temple de Bel,

    Ant. Syr.,

    IV,

    p. 1. Enfin

    les

    poutres histories

    du temple sont

    des

    envi

    rons

    de

    32

    de notre

    re,

    date de

    la

    conscra

    tione

    cet difice.

    La sculpture

    archaque

    (figure) vient

    d'tre tudie

    et est commod

    ment

    nventorie par Miss M. Morehart,

    Berytus XII,

    1956-1958. Il

    faudra tenir

    compte

    aussi des importantes dcouvertes faites par

    la mission

    archologique suisse dans

    le sanc

    tuaire de Baalshamn et qui sont pour une part

    d'poque archaque, voir le rapport

    naire de P. Collart, dans Annales Arch, de

    Syrie,

    VII, 1957,

    pp.

    68-90.

    A

    Doura-Europos

    la

    stle

    de

    Zeus Kyrios-Baalshamn

    (notre

    pi.

    XIII,

    1),

    est

    de

    31

    de notre

    re,

    ci-dessous

    p. 278, n. 3; la

    stle

    d'Aphlad de

    54,

    Dura

    Prelim.

    Rep.,

    V,

    1935, p. 1075. A

    Hatra

    les

    monuments dats ne commencent que sous

    Hadrien.

    (1) Parce

    que

    les statues honorifiques taient

    de bronze

    et ont

    t

    fondues.

    (a)

    Rostovtzef

    fait de Doura l'poque

    parthe une

    cit-caravanire

    , moins imp

    or-

  • 7/23/2019 D. Schlumberger, Descendants non-mditerranens de l'art grec. Syria 1960, 37

    15/72

    266 SYRIA

    sert les familles macdoniennes de cette vieille fondation

    sleucide.

    Au

    temps de

    Jsus-Christ,

    les bourgeoisies

    des cits

    de

    la

    steppe

    parti

    cipent

    l hellnisme gnral

    de l Orient,

    et

    l usage

    simultan

    qu elles

    font

    de

    deux langues

    de culture, l aramen et le grec,

    les noms

    frquemment

    doubles

    des

    personnes, Yinterpretatio graeca

    des divinits

    smitiques,

    tout

    cela a sa contrepartie, il est

    banal

    de le rappeler, dans les monuments,

    o

    des

    formes grecques ou hellnises sont

    troitement

    associes

    des

    formes

    qui ne le sont pas.

    La

    plupart des

    tudes dont

    l art parthe

    a

    fait

    l objet ont

    mis l accent

    sur cette

    dualit. La

    proccupation principale des chercheurs a

    manifes

    tement

    t

    d apprcier l art

    parthe

    (que

    l on dcouvrait), par

    rapport

    l art grec (connu depuis longtemps et

    considr

    comme une

    norme). On

    a

    oppos la

    composante

    grecque de cet art sa

    composante

    orientale on s est

    moins occup de

    distinguer,

    au

    sein

    de cette

    dernire, ce

    qui procde

    du

    vieux fonds traditionnel et

    ce

    qui relverait en propre du Nouvel Orient

    des

    Parthes

    (1).

    Or

    l analyse

    gagne, nous semble-t-il, tre

    ainsi

    nuance.

    Tantt l opposition principale est

    entre des

    lments grecs et

    des

    l

    ments parthes. C est

    ce

    que montre, par exemple,

    l tude

    que M.

    Seyrig

    a consacre

    au

    costume palmyrnien (2). Tantt le contraste

    s tablit

    entre

    des

    lments

    grecs

    et

    des lments

    de vieille

    provenance

    orientale.

    Un bel

    exemple

    en est fourni

    par

    le grand bas-relief formant linteau

    (3),'

    rcem

    ment

    rouv

    dans

    le sanctuaire

    de

    Baalshamn

    par

    la

    Mission

    archologique

    tante

    que

    Palmyre, mais de mme nature,

    v. Caravan Cities, 1932, passim, et encore

    Dura-Europos, 1938, p. 1. J'ai

    dit nagure,

    Gnomon,

    XI, 1935, pp. 82-96, et je crois toujours

    qu'il n'y a aucune raison de considrer Doura

    comme

    une

    ville

    de ce type.

    (x) Outre

    ce

    qu'a dit

    de cette

    opposition

    Rostovtzef

    lui-mme,

    l 'effort le

    plus mritoire

    qui ait

    t

    fait

    sur

    ce sujet

    me

    parat celui de

    C. Hopkins, Aspects of Parthian

    Art,

    Berytus,

    III, pp.

    1-30.

    (2)

    Ant.

    Syr.

    II,

    pp. 45-72.

    Le costume

    local

    (p.

    46) est

    trs

    rarement reprsent.

    (3) Publi par M. Paul Collart dans

    Annales

    Archol. de Syrie, VII, 1957, p. 84. Ce linteau

    formait

    le

    couronnement d'une

    niche.

    Le

    sujet

    en

    est,

    je

    pense, la triade

    de Baalshamn.

    L'aigle

    central est

    Baalshamn lui-mme. Il

    est flanqu,

    comme le

    veut

    l'usage, du

    Soleil

    et de la Lune.

    Les aigles portant

    des

    palmes

    sont

    les messagers

    de

    chacune

    de ces

    divinits;

    pour

    raisons

    de

    symtrie,

    Baalshamn

    a

    deux

    messagers.

    Sur

    Baalshamn et

    sa

    triade

    Palmyre, ainsi

    que

    sur la symbolique

    de

    l'aigle, v. H.

    Seyrig,

    Ant.

    Syr., V, index,

    s.

    v. Je

    remercie

    vivement

    M. Collart

    de

    l'autorisation

    qu'il m'a

    libr

    alement

    donne de reproduire ce magnifique

    chantillon

    de

    la

    sculpture

    archaque

    de Pal

    myre.

  • 7/23/2019 D. Schlumberger, Descendants non-mditerranens de l'art grec. Syria 1960, 37

    16/72

    DESCENDANTS NON-MDITERRANENS

    DE L ART

    GREC 267

    suisse (pi. XI,

    1).

    Par l aigle hiratique

    aux

    ailes

    dployes

    qui

    la

    domine,

    cette composition est

    dans

    la descendance lointaine

    mais

    directe des

    compos

    itions

    sumriennes

    l aigle lontocphale

    et

    le trait

    accessoire

    des

    deux

    rosettes ou astres placs dans le

    champ

    sous

    les

    ailes de l aigle est gal

    ement

    un legs de l Ancien

    Orient. Au

    contraire

    les

    quatre

    aigles

    la palme

    (les messagers) de caractre naturaliste, sont

    des

    additions

    hellnises au

    thme

    principal, comme

    le sont

    aussi les deux

    divinits reprsentes en

    buste

    (1).

    Tantt enfin il est

    possible

    de reconnatre,

    coulant

    en quelque sorte

    paralllement,

    les trois

    courants qui sont

    l origine

    de l art parthe. J en

    donnerai

    pour

    exemple

    deux bases

    degrs

    publis par

    M.

    Seyrig

    (2).

    Chacune

    d elle

    montre

    deux

    registres superposs,

    qui

    portent un dcor issu

    en droite

    ligne

    des arts

    de l Ancien

    Orient :

    frise

    d animaux passant, grosse

    rosette

    ornementale dans

    le

    champ. Mais

    l influence grecque se

    reconnat

    dans

    les

    acanthes et

    les oves des epistyles,

    dans les

    colonnettes corinthiennes

    canneles

    et,

    sur l un des

    registres, dans

    la pose naturaliste

    d un aigle.

    Enfin

    l usage

    architectural

    du

    galon perl, et

    la

    place que

    prennent

    au

    centre

    de chaque registre

    les

    bustes de divinits rigoureusement de face,

    sont

    la

    marque de l ge parthe

    (3).

    De

    mme on

    discerne dans cet

    art trois

    manires de reprsenter la chevelure masculine. La

    premire

    (4), de tendance

    naturaliste, divise les cheveux en petites mches et

    est

    d origine grecque.

    La

    seconde

    (5), qui

    les

    reprsente

    comme une

    masse

    ballonne

    soigneusement

    (x)

    Sur l'origine

    grecque

    de

    ce

    mode de

    reprsentation, v. E. Will, Relief cultuel grco-

    romain,

    index,

    s.

    v. buste.

    (a) Ant. Syr., III, p.

    132.

    (8)

    On

    pourra

    discuter le

    classement de

    tel

    ou

    tel

    dtail

    de

    ces intressants monuments

    (les

    cuirasses

    cailles des divinits et les poi

    gnes

    gemmes de leurs glaives

    sont-elles par-

    thes ou grecques?). Mais

    si

    mme l'on en

    retirait

    tous

    les dtails aux Parthes

    pour

    les

    donner

    soit

    la

    Grce,

    soit

    l'Ancien

    Orient, on ne

    pourrait

    contester

    le

    caractre parthe de leur

    composition.

    (4)

    C'est

    la chevelure de la plupart des

    tes funraires

    de

    Palmyre. Exemples

    dats

    dans

    Incholt, Studier, pi. I,

    4

    (133-4);

    II,

    2

    (138-9);

    III,

    3 (155); IV, 3 (172);

    VI,

    1-4

    (186-7, 189, 201-2, 204)

    etc.

    (6) Exemple

    Palmyre, Seyrig,

    Ant. Syr.,

    IV,

    p. 25,

    pi.

    II,

    triade

    (le

    dieu du

    centre)

    ;

    Doura,

    Zeus

    Kyrios, notre pi.

    XIII,

    1; en gnr

    al,

    M.

    Morehart, Berytus, XII, 1956-1957,

    p.

    76.

    Ce qui est spcifiquement parthe,

    c'est

    la

    forme ballonne de

    la coiffure ;

    en

    revanche

    le

    procd qui consiste rendre la chevelure

    ~ ou la barbe

    par des stries

    ondes

    est une

    vieille convention orientale

    (souvent

    associe

    aux bouclettes en colimaon, comme l'a vu

  • 7/23/2019 D. Schlumberger, Descendants non-mditerranens de l'art grec. Syria 1960, 37

    17/72

    26 8 SYRIA

    peigne, est parthe. La troisime (1), qui fait de la chevelure une sorte de

    toison de bouclettes en colimaon ranges

    avec

    rgularit, prolonge

    une

    vieille convention orientale

    (pi.

    XIII,

    2).

    De

    mme

    encore on

    reconnat

    Pal-

    myre trois espces diffrentes de rinceaux. Les uns sont de type grco-romain :

    rinceaux protomes du temple de Bel (d origine peut-tre

    antiochnienne)

    (2),

    doubles

    rinceaux

    de

    vigne

    tiges

    entrecroises

    apparents

    ceux de

    la

    Syrie mditerranenne (3). D autres sont caractristiques de l hellnisme

    oriental : rinceaux de

    vigne

    tige unique ondule issue d une souche trian

    gulaire, avec vrilles rgulirement

    disposes,

    et alternance rgulire

    d une

    grappe et d une

    feuille (4). Enfin,

    nous

    avons parmi

    les

    fragments archa

    ques

    u

    temple

    de

    Bel

    un

    type de

    rinceaux

    trs

    particulier

    o

    sur

    une

    tige

    peine sinueuse les grappes et les feuilles alternent

    avec une

    rigueur gomt

    rique, et

    forment au

    milieu du bloc une chane haute et compacte, encadre

    par

    la

    saillie

    moindre des

    vrilles.

    Et M. Seyrig d ajouter

    que

    cette

    compos

    ition

    d un esprit archaque

    fortement

    voulu

    et

    ordonn,

    dont

    les

    lments se

    dtachent en pleine clart, ne rappelle

    par

    rien Vart de la Mditerrane (5).

    C est manifeste, en

    effet,

    et je ne doute pas

    pour

    ma

    part

    que nous n ayons

    l, comme l a

    reconnu

    M.

    Ren

    Vallois (6), le descendant

    direct

    d un

    type

    de rinceau

    bien attest

    dans

    l art

    assyrien.

    Ces exemples, qui pourraient

    tre

    multiplis, suffisent montrer que

    l art parthe est ds l origine

    un compos triple,

    tout

    comme nous

    avons vu

    (ci-dessus,

    p. 148) que l est l art kouchan. A

    Surkh

    Kotal nous avons

    tout

    naturellement qualifi de

    grco-iranien

    cet amalgame de l hellnisme

    avec

    deux

    traditions orientales

    diffrentes, mais qui

    mritent d tre dites

    r

    aniennes

    l une et l autre, parce que

    mme la

    plus ancienne

    n est

    venue

    l

    qu aprs

    avoir pris

    service

    dans une cour

    iranienne,

    celle

    des

    Achmnides.

    C. Hopkins, Berytus, 1936, p. 6). Exemple

    (4)

    Ant. Syr., III, p. 80.

    Doura,

    la

    barbe d'Aphlad,

    Rostovtzeff,

    Parth. (6)

    Ant.

    Syr.,

    III,

    p.

    89.

    Art,

    fig. 38 (date : 54). (6)

    L'Architecture

    helln.

    et

    hellnist.

    Dlos,

    (x) Exemples

    Palmyre, la mme triade (les 1944, p. 389. Outre

    le

    a berceau d'Assourba-

    dieux latraux); notre pi. XIII, 3; exemples nipal (Frankfort,

    Art

    andArchit. Ane. Orient,

    dats, Ingholt, ibid., pi. I, 2

    (114); III,

    2 pi.

    114) cit

    par M. Vallois, mentionnons

    (154-5); V, 2-3 (181, 186);

    Doura, la chevelure des bas-reliefs du mme roi, Hall, Sculpt.

    d'Aphlad. babyl. assyr. Brit.

    Mus. (Ars Asiatica, XI) pi.

    (2)

    Ant.

    Syr., II, p. 37;

    V,

    p.

    20.

    LV, 1;

    XLI, 2.

    (8) Ant. Syr., III, p. 79.

  • 7/23/2019 D. Schlumberger, Descendants non-mditerranens de l'art grec. Syria 1960, 37

    18/72

    DESCENDANTS

    NON-MDITERRANENS

    DE

    L ART GREC 269

    A Palmyre,

    Doura,

    Hatra, l usage

    de

    ce qualificatif

    paratra

    sans

    doute

    moins

    indiscutable

    puisque seule la

    plus

    rcente des

    deux

    traditions

    orientales

    est

    iranienne,

    l autre

    tant

    avant

    tout

    smitique

    et

    msopota-

    mienne. Ce qui

    pourtant

    justifie

    mes

    yeux

    cette dnomination, c est que

    l art

    de ces

    villes (et mme celui

    de

    Palmyre

    laquelle n a

    jamais

    t parthe)

    est issu de celui

    des

    pays

    hellniss domins

    par

    des

    Iraniens, c est qu il

    est

    insparable de

    celui

    de

    la

    Msopotamie

    parthe (Assour, Ourouk,

    et

    surtout,

    bien

    qu elle nous chappe, Sleucie), et

    des

    pays

    iraniens eux-mmes

    (Shami, Tang-i Sarvak).

    Le

    qualificatif de grco-iranien

    nous

    offre donc la

    contre-partie du

    qualificatif de grco-romain que nous

    appliquons

    la

    Syrie

    mditerranenne

    et

    tous

    les

    autres

    pays

    hellniss domins

    par

    les

    Romains

    (1).

    Cet art des cits

    de

    la

    steppe syro-msopotamienne que nous

    appelons l art parthe, il nous faut

    tenter

    maintenant de

    voir

    comment

    il

    s est

    form.

    Les antcdents lointains

    de Vart

    parthe :

    de

    la coexistence la confluence.

    L histoire

    de l art grec dans

    l Orient hellnistique nous

    est drobe

    par

    un

    dfaut

    presque

    complet

    de

    documents.

    Cependant nous voyons

    bien

    d une

    part

    que

    la

    conqute macdonienne

    a

    eu

    pour

    consquence d annexer

    au

    domaine

    de l art grec l ancien empire

    achmnide (2), d autre

    part

    que

    cette

    annexion n a pas

    fait

    disparatre les

    arts

    traditionnels. C est en Egypte

    que

    s'offre sans doute le tableau le

    plus

    clair.

    Nous

    savons

    que

    l art grec et

    la vie

    grecque fleurissent

    Alexandrie;

    mais nous constatons aussi que

    le

    vieil art pharaonique poursuit une

    vie

    sans changement dans le

    reste

    du pays,

    particulirement dans

    les sanctuaires.

    C est

    la

    coexistence.

    (1) Rostovtzeff

    a souvent

    us

    de

    cette

    expression,

    en particulier RAA

    VII,

    p.

    202

    ss,

    mais en lui donnant un sens beaucoup plus

    large.

    C'est, me

    semble-t-il,

    la noyer

    dans

    le

    flou que de l'tendre des

    monuments scythiques

    de Russie

    mridionale

    et des intailles grco-

    perses ,

    d'poque achmnide,

    aux reliefs

    rupestres

    des Sassanides.

    (2) Pour

    les

    parties orientales

    de

    cet

    empire,

    il est vrai, nous

    n'avons

    d'autres

    documents

    SYRIA.

    T.

    XXXVII. FASC. 3-4

    que

    les monnaies

    des

    Sleucides,

    v.

    E.

    T.

    Newell,

    Eastern

    Seleucid

    Mints. Mais les

    mo

    numents

    de l'architecture

    et

    de

    la

    sculpture

    reparatront un jour, comme vient de reparatre

    le premier

    monument de l'pigraphie grecque

    de ces

    rgions,

    qui est aussi

    la

    premire ins

    ription

    grecque manant

    d'un roi de l'Inde,

    J.

    A.,

    1958, pp. 1-18 (D. Schlumberger,

    L.

    Robert).

    18

  • 7/23/2019 D. Schlumberger, Descendants non-mditerranens de l'art grec. Syria 1960, 37

    19/72

    270 SYRIA

    Or

    cet tat de choses n est

    pas

    particulier l Egypte. Nous le retrouvons

    en Babylonie, o nous entrevoyons l existence d un art grec dans les villes

    grecques, notamment

    Sleucie, tandis

    que

    nous voyons

    Ourouk

    fleurir

    les

    formes

    de

    l art traditionnel

    lies

    la

    religion.

    De faon

    gnrale, on peut imaginer cette

    coexistence de deux genres

    de

    vie

    (dont

    la

    coexistence

    des

    deux

    formes d art n est que l un

    des

    aspects)

    sur le

    modle

    de certaines coexistences qui n ont

    pris

    fin que tout rcem

    ment. Il suffira

    d voquer

    ces jumeaux extraordinairement dissemblables

    qu taient dans le Maroc franais la ville nouvelle juxtapose la mdina,

    dans l Inde britannique

    le

    cantonment

    (la ville anglaise) juxtapose

    la

    city

    (la

    ville

    indienne),

    et

    de

    songer

    la

    constante

    confrontation

    de

    deux

    ordres

    diffrents de gots et de

    besoins

    que ces juxtapositions

    impliquaient,

    et qui se refltaient dans la diffrence

    des architectures,

    de l ornement,

    du

    mobilier, des

    objets.

    Dans l ensemble, cette situation est

    celle

    de la haute poque hellnistique.

    Et,

    dans l ensemble

    aussi, l art grec tait celui des villes grecques, des

    colonies

    macdoniennes

    (1),

    des

    mercenaires grecs (2),

    des cultes

    imports;

    les arts

    indignes taient ceux

    des villes indignes, des

    vieux sanctuaires

    et du plat

    pays.

    Non

    seulement

    ces derniers ont continu de

    vivre,

    provi

    soirement inchangs,

    mais

    ils

    ont

    mme pu

    connatre une vritable

    renais

    sance

    (3).

    La grande rupture,

    le

    changement radical qui devait amener

    la

    (*)

    Sur

    les plans de ces

    villes

    ou colonies,

    encore

    lisibles dans les plans de

    plusieurs

    villes

    actuelles (Lattaqui, Antioche, Alep, Damas)

    ainsi

    que

    dans les' ruines

    d'Apame,

    de Doura-

    Europos, voir J.

    Sauvaget, Le

    plan

    de

    Laodi-

    cesur-mer, Bulletin d'tudes Orientales (Ins

    titut Franais,

    Damas), IV,

    1934,

    page

    107.

    En

    fait

    d'architecture, je

    ne

    vois

    citer

    que

    les restes

    (indits)

    de trois temples grecs de

    Sleucie, Seyrig, Antiquits syriennes, III,

    p. 116, et

    ceux

    des difices sleucides de

    Doura,

    Rostovtzeff,

    Dura-Europos, p.

    11

    (remparts

    et

    citadelle), pp. 34-38 (l'acropole,

    ou

    redoute).

    (2)

    Peintures

    murales des tombes de

    Marissa,

    C.

    Watzinger, Denkmler

    Palstinas,

    II,

    p. 17.

    Les inhumations s'chelonnent sur le ne sicle

    comme nous l'apprennent

    les

    inscriptions.

    La

    plus ancienne est de 198. Les tombes

    et

    leur

    dcor peint peuvent remonter aux dernires

    annes

    du me sicle.

    Stles

    peintes de

    Sidon,

    G.

    Mendel,

    Catal.

    Mus. Impr. Ottom., I,

    pp.

    258-270 (dbut

    du ne

    sicle).

    (8)

    Dans

    l'architecture

    d

    'Ourouk

    cette

    renais

    sance babylonienne d'poque sleucide frappe

    par son ampleur, v. A. Falkenstein,

    Topogr.

    v.

    Uruk,

    I, Leipzig,

    1941, o la

    situation de

    coexis

    tence (das Nebeneinander der zwei fremden

    Welten, p. m)

    apparat avec

    une parfaite clart.

    Voir

    aussi

    E.

    Heinrich,

    Filnft. Vorluf.

    Ber.

    Ausgrab. Uruk (Abh. Preuss. Akad. Wiss.,

    Berlin, 1934),

    sur

    les figurines, p.

    37

    : Es ist

  • 7/23/2019 D. Schlumberger, Descendants non-mditerranens de l'art grec. Syria 1960, 37

    20/72

    DESCENDANTS NON-MDITERRANENS DE L ART GREC 271

    disparition

    des

    arts

    de l Ancien Orient et leur remplacement par ceux

    du

    Nouvel Orient hellnis, ce changement n est survenu que plus tard.

    Mais

    naturellement

    l opposition

    des

    deux

    genres

    de

    vie s est

    manifeste

    trs tt l intrieur mme de

    la

    socit orientale. L hellnisme ne pouvait

    manquer

    de

    sduire

    une

    partie

    au

    moins

    de ceux

    des

    Orientaux

    qui avaient

    le moyen de

    s en

    offrir le luxe. Il y a ncessairement eu parmi eux des

    modernistes

    dsireux de

    vivre l europenne , ct de

    conservateurs

    attachs

    au

    genre

    de vie national, tout comme dans l Inde

    du xixe

    sicle il

    y avait des princes angliciss ct de princes traditionnalistes. Ce dvelop

    pement, nous l observons

    surtout

    dans les pays syriens, moins loigns que

    la

    Babylonie,

    plus ouverts

    que

    l Egypte.

    En

    Phnicie

    la

    coexistence

    appar

    at ans l art

    avant mme

    que

    la conqute ne

    l impose au pays

    : l art grec

    y est le rival des

    arts

    locaux, un

    sicle avant

    l arrive des Macdoniens; et

    le sarcophage

    du satrape , le sarcophage

    lycien , le

    sarcophage

    des

    pleureuses (1),

    pour

    l poque achmnide,

    le

    sarcophage d Alexandre (2),

    pour

    l poque

    des

    diadoques, nous

    offrent de beaux exemples de la

    faon

    dont cet art

    prend

    service

    chez les

    Orientaux. Ds l poque achmnide

    aussi

    nous

    voyons se

    produire

    des hybrides

    : les sarcophages

    anthropodes

    de Sidon

    (3)

    nous offrent l exemple le plus ancien sans doute qui nous

    soit connu

    d une forme de contamination

    constituant

    une

    famille.

    C est

    ainsi que, si haut que l on

    puisse

    remonter, s annonce

    dans

    cer

    ta ines classes de monuments, et se prpare de faon gnrale la confluence

    de l art grec et des

    arts

    de l Ancien Orient en un art nouveau.

    Comment et quand cette

    mutation s est-elle

    produite? Questions diffi-

    ein merkwiirdiges

    Nebeneinander

    von Grie-

    chischem

    und unberhrt Babylonischem, dus

    sich in dieaen Tonfiguren ausspricht ; et plus

    gnralement,

    p. 38,

    Griechisches

    und

    Baby-

    lonisches atehen nebeneinander. Einer spteren

    Zeit

    und einem Volk, das

    beiden

    fremd

    war, den

    Parthern,

    blieb es vorbehalXen in

    seiner

    Kunst

    die

    Gegenstze

    zu

    vereinen.

    (1) Sarcophage du

    satrape,

    troisime quart

    du ve sicle,

    G.

    Lippold, dans Handb. Archao-

    logie, III, I (Fiinfte

    Liefer.),

    p. 207; et

    mainte

    nant

    .

    Kleemann, Satrapen-Sarkophag aus

    Sidon,

    Berlin, 1958; sarcophage lycien, de la

    fin du

    sicle, Lippold,

    ibid.,

    p. 210;

    sarco

    phage aux

    pleureuses, deuxime

    quart du

    ive

    sicle, ibid.,

    p.

    231.

    (a)

    G.

    Lippold,

    op. cit.,

    p.

    288.

    (*)

    Sur

    ces monuments du ve et du ive sicle,

    gyptiens par la forme

    gnrale, grecs

    par

    les

    ttes,

    voir

    maintenant

    E. Kukahn, Anthropode

    Sarkophage in Beyrouth, Berlin, 1955.

    Sur

    les

    sarcophages gyptiens dont ils drivent v.

    M. L. Buhl, The Late Egyptian Anthropoid

    Stone Sarcophagi, Copenhague, 1959.

  • 7/23/2019 D. Schlumberger, Descendants non-mditerranens de l'art grec. Syria 1960, 37

    21/72

    27 2 SYRIA

    ciles,

    qui appellent

    des

    rponses diverses selon

    les

    pays, selon

    les milieux

    et

    mme

    selon les diffrentes

    catgories

    de

    l art.

    Bien que

    l Egypte

    ne

    concerne

    pas

    notre

    sujet,

    nous voudrions,

    ici

    encore,

    en

    faire

    tat, parce qu elle

    peut

    aider

    comprendre,

    par contraste,

    ce qui

    s est pass

    dans l Orient

    smitique et iranien. C est en Egypte que l on

    observe la

    coexistence

    la

    plus

    tranche,

    c est

    l

    aussi

    que

    l on

    constate la

    survie

    la

    plus tardive d un art national en

    face

    de l art grec.

    Certes, mme

    ici, l art grec a exerc son action sur l art indigne,

    une

    action

    souvent

    trs

    notable.

    Mais,

    de l art gyptien

    lgrement

    touch par l hellnisme de

    la

    tombe de

    Ptosiris

    et

    des

    tombes

    d Hermoupolis la Grande

    (1)

    l art propre

    ment

    rco-gyptien

    des

    hypoges

    d Alexandrie

    (2),

    du

    Srapum

    grec

    de

    Memphis

    (3)

    l architecture proprement grco-gyptienne de Philae (4),

    cette action ne dpasse

    pas

    la simple juxtaposition,

    dans

    certains groupes

    de monuments, de formes architecturales et de motifs ornementaux

    des

    deux provenances. Il s est

    produit

    une foule

    de contaminations,

    mais

    celles-ci ne

    donneront

    pas naissance un art nouveau. L art gyptien

    s teindra avec la

    religion

    dont il tait le

    serviteur,

    sans laisser aucune des

    cendance.

    Et le

    triomphe

    du christianisme lui

    donnera finalement

    pour

    successeur

    un art d origine trangre, l art copte. La profonde diffrence

    entre

    l Egypte et

    la Msopotamie apparat

    aussitt

    que l on

    rflchit

    que

    l art

    byzantin

    et l art

    roman

    doivent

    une

    part importante de leur

    rpertoire

    la

    Babylonie sumrienne, par succession

    lointaine

    mais

    directe,

    tandis

    qu ils

    ne

    doivent

    rien l Egypte

    pharaonique.

    Alors

    qu en Egypte l art national

    dure

    trs tard, en Msopotamie il a

    d

    disparatre

    trs

    tt. Le

    manque

    de monuments ne nous

    permet

    de

    prciser

    ni la

    date

    ni

    les

    circonstances de cette disparition, mais il est

    pro

    bable que le

    grand

    changement se place dans

    la premire

    moiti

    du

    ier

    sicle

    avant

    Jsus-Christ

    (5).

    Ce ne

    peut

    tre

    beaucoup

    plus

    tt,

    car

    il

    n est

    gure

    vraisemblable que

    ce

    changement

    ait

    commenc

    sous la

    domination

    des

    (x) Arch.

    f.

    Orientforsch.,

    X, pp.

    308-309. ptolmaques du Sarapieion

    de Memphis,

    v. E. Will, Relief cultuel grco-romain, Paris, 1955.

    p.

    250.

    (4) Le kiosque de Trajan ,

    etc.

    (2)

    Catacombe

    de Km-el-Chougfa (poque (5) Nous croyons

    le

    voir se produire, dans

    romaine), etc. trois stles d'Assour,

    W.

    Andrae et H. Len-

    (8) J.-Ph. Lauer et Ch. Picard, Statues

    zen,

    Partherstadt Assur, Berlin, 1933, pi. LIX

    a,

  • 7/23/2019 D. Schlumberger, Descendants non-mditerranens de l'art grec. Syria 1960, 37

    22/72

    DESCENDANTS NON-MDITERRANENS

    DE L ART GREC

    273

    Sleucides, qui prend fin vers 130;

    ce

    ne peut

    tre

    beaucoup plus

    tard

    puisque, nous

    l avons vu (ci-dessus, p. 264), l art parthe

    nous apparat

    tout

    constitu Palmyre au plus

    tard

    vers

    le temps

    de Jsus-Christ.

    En

    Syrie le dveloppement

    qui

    mne

    la

    confluence

    est

    heureusement

    un peu

    moins

    obscur. Sous le

    visage

    de la Syrie grco-romaine,

    visage bien

    connu grce

    une extraordinaire

    abondance de

    monuments,

    nous

    com

    menons dchiffrer en palimpseste le visage trs diffrent de

    la Syrie

    hellnistique et

    ce

    visage-l

    n est

    pas

    simplement,

    comme on

    et pu l atten

    dre,n visage smitique

    hellnis,

    il est galement iranis.

    C est

    que

    l influence de l Iran sur la Syrie n est

    pas

    moins

    ancienne

    que

    celle

    de

    la

    Grce,

    bien

    qu elle

    soit

    le

    fruit

    d une

    relation

    trs

    diffrente.

    L adoption

    de la robe persique

    par l aristocratie

    phnicienne (1),

    l appa

    rition d lments

    perses

    dans l architecture de Sidon(2), nous font

    entrevoir

    cette influence

    ds

    l poque achmnide,

    comme

    les

    sarcophages

    royaux

    de

    Sidon, ou l adoption

    de

    cette nouveaut

    qu tait

    la

    monnaie, nous

    attes

    tent, dans le mme

    temps

    et dans les mmes lieux,

    l influence

    grecque.

    Avantmme la

    conqute macdonienne, c est

    donc avec

    un art fort complexe

    que l art grec

    se

    trouve en concurrence, puisque au vieil art phnicien

    gyptisant,

    lui-mme

    dj

    complexe,

    s ajoutait

    une

    nuance nouvelle,

    celle

    de la

    Syrie des

    satrapes.

    La

    conqute macdonienne

    devait naturellement donner

    l expansion

    de l art grec

    une

    puissante impulsion. Il n en est que plus remarquable que

    lorsque, pour la premire fois

    l poque

    hellnistique,

    nous saisissons

    cet

    art associ celui de

    l Orient dans

    un mme monument,

    nous

    retrouvions

    prsente

    cette nuance iranienne. Si mal que nous

    soyons

    informs

    des

    ruines de Arak el-mir en Jordanie (3),

    nous reconnaissons (4)

    dans

    ce

    c

    (dates

    de

    88

    av. J.-C),

    b.

    Les deux

    premires

    actuellement connu

    de

    l'art

    parthe

    .

    sont

    de profil,

    la troisime malheureusement (*)

    Seyrig,

    Ant. Syr.,

    II,

    p. 48.

    non

    date, mais certainement d'poque trs (a) Syria, IV, 1923, pi. XLIII et XLIV.

    voisine,

    est

    de

    face.

    Bien

    que

    nous n'ayons

    (8) H.

    C.

    Butler, Public. Princeton Uni-

    pas proprement parler de

    l'art

    narratif versity Arch. Exp.

    to

    Syria,

    II,

    A, pp. 1-25;

    dans ce personnage isol,

    tenant

    un rameau, C. Watzinger, Denkmler

    Palstinas,

    II,

    il mrite d'tre mentionn, car cette reprsen- pp. 13-16.

    tation frontale

    du

    ddicant d'un ex-voto

    (4)

    G.

    Welter,

    Forsch.

    u. ForUchr. 1931,

    est chose nouvelle, et ce petit

    monument

    appa- p.

    406.

    rat

    ainsi

    comme le

    plus ancien

    chantillon

  • 7/23/2019 D. Schlumberger, Descendants non-mditerranens de l'art grec. Syria 1960, 37

    23/72

    274

    SYRIA

    palais

    tobiade du

    dbut

    du

    second

    sicle avant

    Jsus-Christ un paradis

    de type achmnide (le seul peut-tre que

    l poque hellnistique nous

    ait laiss), dans ses

    frises

    d animaux passant et

    peut-tre

    aussi dans ses

    chapitaux

    protomes

    (1) un

    reflet

    de

    la

    grande

    architecture

    de Perspolis

    ou de Suse, tandis que ses entablements doriques et ses

    chapiteaux corin

    thiens

    sont d origine grecque. Nous avons

    l

    un art oriental qui, sans

    oublier les rsidences des matres perses du temps

    pass, s adapte

    aux

    gots des matres grecs de l heure

    prsente

    :

    premier indice

    de

    la

    confluence,

    une poque o

    la

    coexistence

    devait

    tre

    encore gnrale,

    o

    devait

    subsister,

    ct

    de

    l art des

    temples

    grecs, des

    villes grecques, un art syrien

    des

    sanctuaires

    ancestraux

    et

    des

    villes

    indignes;

    premire

    annonce,

    chez

    ces

    princes

    juifs, de l art aulique grco-iranien.

    Les

    antcdents immdiats de Vart parthe. Au sicle

    suivant c est

    encore chez

    des princes

    syriens que nous

    pourrons

    tudier

    la

    confluence :

    dans l Auranitide nabatenne chez

    les

    princes

    hrodiens, dans le

    pays

    de

    Samosate

    chez

    les rois commagniens.

    A une centaine

    de kilomtres

    au

    Sud de Damas, quatre temples de l Au

    ranit ide

    (2)

    (Djebel

    LDruze),

    hellnisants

    par

    leur

    dcor

    (3),

    offrent

    des

    plans

    entirement diffrents de tout ce que

    nous

    connaissons dans

    l Orient

    mdi

    terranen (4), mais

    trs

    semblable en

    revanche

    celui

    d un temple achmn

    idee Suse, comme F.

    Oelmann

    a eu le mrite dele reconnatre

    ds

    1921 (5).

    (1)

    Contest

    par

    Welter,

    ibid.,

    qui y voit

    des

    pannelages de chapiteaux corinthiens.

    (2) Deux

    temples

    aujourd'hui

    disparus

    Si', Butler,

    op. cit., pp. 365-390, dont l'un,

    celui de

    Baalshamn, est

    dat de

    33

    avant

    Jsus-Christ;

    [un

    Sr, ibid.,

    p.

    428;

    un

    Sahr, ibid., p.

    441.

    (8)

    Le

    dcor des temples de Si', qui est

    mditerranen

    par certains

    de

    ses

    aspects

    (Seyrig, Ant. Syr., III,

    pp.

    76,

    80),

    s'apparente

    par

    d'autres

    traits

    (ibid., pp.

    83, 89) au dcor

    archaque

    de

    Palmyre.

    Pour les dcors cou

    vrants de

    Si',

    de Soueda, de

    Qanaoat,

    voir

    aussi Will,

    Syria, XXXI,

    1954, pp.

    279 et

    suiv.,

    qui les rapproche de ceux

    d'Assour, et

    les

    lifie de survivances hellnistiques : ce

    sont

    en

    effet

    des survivances de

    l'hellnisme

    oriental,

    dans

    une rgion que

    l'art

    grco-romain

    se

    prpare

    conqurir.

    (*) Prcisons

    que

    ces temples ont t

    levs

    sans

    qu'aucun

    dgagement srieux

    ait

    pu

    avoir lieu. Des dtails importants en

    restent

    inconnus, et leur

    similitude,

    frappante en

    tout tat de cause,

    avec

    ceux de Suse

    et

    de

    Surkh Kotal pourrait, Sr et Sahr, se

    trouver accrue

    si

    jamais

    une fouille

    venait

    tre faite.

    (5) Arch.

    Anz.

    1921,

    pp.

    278-288.

    Ce

    monu

    ment a

    t

    fouill par M. Dieulafoy, Acrop.

    de Suse, pp. 411-414, qui

    le

    tenait pour un

  • 7/23/2019 D. Schlumberger, Descendants non-mditerranens de l'art grec. Syria 1960, 37

    24/72

    DESCENDANTS

    NON-MDITERRANENS

    DE

    L ART

    GREC 275

    Maintenant

    que,

    dans

    le lointain

    Afghanistan,

    Surkh Kotal

    nous

    offre

    un

    nouvel

    exemple du mme plan,

    on

    ne peut plus raisonnablement douter de

    son origine

    iranienne

    (1).

    Sur

    ce type

    de temples nous

    devons

    l abb J. Starcky

    une

    intressante

    hypothse

    (2). Certains textes

    palmyrniens et

    nabatens mentionnent

    un

    mystrieux

    difice ou objet, nomm hammn. Ce terme, driv d une racine

    qui

    signifie

    s chauffer , est

    habituellement

    traduit

    par autel

    du feu,

    pyre

    (3). L abb

    Starcky a conjectur qu il

    devait

    pouvoir

    dsigner

    aussi,

    par

    mtonymie, V difice cultuel

    qui

    V abritait. Je pense qu il a raison (4).

    La ddicace dans le sanctuaire

    de

    Bel

    de

    la

    statue d un Palmyrnien qui

    avait

    difi

    Vologsiade

    un

    hammn

    tout

    entier

    (5),

    l un

    des

    textes

    com

    ments

    par

    Littmann,

    qui se trouve

    grav

    sur

    un

    bloc

    long de

    1

    m. 59 et

    qui

    obligeait

    supposer un

    pyre

    construit de plusieurs assises de grandes

    pierres (6), ne se comprennent bien

    que dans

    cette hypothse.

    L inscription

    palmyrnienne

    de l autel d Oxford commente

    par

    H. Ingholt et qui ment

    ionne

    ce hammn et cet

    autel

    ne s y oppose nullement, car il est

    courant

    que

    la ddicace

    d un difice soit grave sur un autel ou sur un bas-relief

    plac l intrieur de cet

    difice

    {7).

    L abb

    Starcky

    observe que le terme

    de

    hammn

    n est

    sans

    doute

    pas

    un

    simple

    synonyme

    de

    heykl

    ,

    temple,

    et

    rapproche

    le hammn de Vologsiade des temples de

    l Auranitide

    temple du feu. On a

    contest

    cette

    interpr

    tation. e n'est effectivement

    qu'une

    hypothse,

    mais

    qu