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RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013 224 La section C a montré comment des facteurs économiques fondamentaux – démographie, investissement, technologie, ressources naturelles, transports et institutions – peuvent agir sur l’évolution du commerce. Celui‑ci s’insère toutefois dans un contexte socioéconomique plus large, qui entre en ligne de compte pour le commerce et les politiques commerciales. Historiquement, les problèmes sociaux et macroéconomiques ont influencé à maintes reprises les décisions en matière de politique commerciale. La section B du présent rapport en a donné des exemples. Ces deux thématiques figurent actuellement parmi les grandes priorités politiques et il ne fait aucun doute qu’elles influeront à l’avenir sur les vues et les positions des décideurs politiques dans le domaine de la réforme du commerce. Il existe un troisième facteur, à savoir les préoccupations relatives à l’environnement, qui ont rapidement gagné en importance dans le débat politique national, régional et mondial. Ce facteur a lui aussi été fréquemment lié au commerce, notamment au vu de plusieurs différends retentissants qui ont été portés à l’OMC, dans le contexte des accords commerciaux régionaux et en tant qu’élément de l’actuel Programme de Doha pour le développement. D. Ouverture des échanges et contexte socioéconomique général

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La section C a montré comment des facteurs économiques fondamentaux – démographie, investissement, technologie, ressources naturelles, transports et institutions – peuvent agir sur l’évolution du commerce. Celui‑ci s’insère toutefois dans un contexte socioéconomique plus large, qui entre en ligne de compte pour le commerce et les politiques commerciales. Historiquement, les problèmes sociaux et macroéconomiques ont influencé à maintes reprises les décisions en matière de politique commerciale. La section B du présent rapport en a donné des exemples. Ces deux thématiques figurent actuellement parmi les grandes priorités politiques et il ne fait aucun doute qu’elles influeront à l’avenir sur les vues et les positions des décideurs politiques dans le domaine de la réforme du commerce. Il existe un troisième facteur, à savoir les préoccupations relatives à l’environnement, qui ont rapidement gagné en importance dans le débat politique national, régional et mondial. Ce facteur a lui aussi été fréquemment lié au commerce, notamment au vu de plusieurs différends retentissants qui ont été portés à l’OMC, dans le contexte des accords commerciaux régionaux et en tant qu’élément de l’actuel Programme de Doha pour le développement.

D. Ouverture des échanges et contexte socioéconomique général

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Sommaire 1 Préoccupationssociales:inégalitésetchômage 226

2 Préoccupationsenvironnementales 241

3 Préoccupationsmacroéconomiquesetfinancières 255

4 Conclusions 267

Faits saillants et principales constatations

• L’intégration réussie aux marchés mondiaux exige des individus et des sociétés qu’ils s’adaptent constamment à l’évolution de l’environnement compétitif. Ces ajustements peuvent créer des tensions sur le marché du travail et peuvent influencer les attitudes à l’égard de l’ouverture du commerce. Les économies qui ont une main d’œuvre bien formée et un environnement favorable aux affaires sont généralement mieux à même de s’adapter au changement.

• Pour que les sociétés empruntent le chemin du développement durable, il faut gérer avec soin les multiples aspects de la relation entre le commerce et l’environnement, afin d’éviter le « protectionnisme vert » et de maximiser les bénéfices environnementaux de l’ouverture du commerce.

• L’expansion du commerce doit être soutenue par un système financier et monétaire stable, garantissant un financement suffisant du commerce à un coût abordable, en particulier pour les pays en développement, et par des politiques macroéconomiques favorisant la stabilité des taux de change.

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1. Préoccupationssociales:inégalitésetchômage

Depuis quelques années, l’emploi est un enjeu politiquemajeur dans tous les pays, quel que soit leur niveau derevenu,maislesmotifsdepréoccupationdiffèrent.Dansdenombreux pays industrialisés, le chômage a augmentépendant la crise récente et, pour certains d’entre eux, lareprisedumarchédutravailn’estpasencoreenvue.1Leséconomies émergentes très peuplées comme la Chine etl’Inde ont des difficultés à absorber les nombreuxtravailleurs rurauxdans lemarchédu travail formel,mêmelorsquel’économieestflorissante.LedernierRapport sur le développement dans le monde (Banque mondiale, 2012b)soulignelerôleimportantdel’emploidansledéveloppementéconomiqueetsocialdespayslesmoinsavancés(PMA).

Les revenus des personnes qui travaillent constituentaussiunsujetdepréoccupation,surtoutavecl’aggravationdes inégalités de revenus à l’intérieur des pays. Dansplusieurs pays industrialisés, l’inégalité des revenus,mesuréepar rapportà lapartdes1%depersonnes lesplusrichesdanslarichessetotale,estprochedesniveauxenregistrésdans lesannées1920et représenteplusdudouble du niveau des années 1970. Dans de nombreuxpays à revenu intermédiaire, elle s’est aussi fortementaggravéedepuisledébutdesannées1990.

En raisondecetteévolution, les réformesdoiventdonnerdebonsrésultatssurlefrontdel’emploietdelarépartitiondes revenus pour obtenir le soutien du public. Cettesous‑section donne un aperçu des inégalités à l’intérieurdespaysetentreeuxetcomparelesniveauxdechômageentrelespays.Elleexamineensuitelaquestiondesavoirsiet dans quelle mesure le commerce a joué un rôle dansl’évolution observée. Enfin, elle examine si la structure

observéedumarchédutravailestsusceptibled’influersurlesattitudesà l’égardde l’ouverturedeséchangesoudeses effets. Enfin, elle s’achève par une analyse desdifficultés que les différents pays rencontreront dans unavenir proche sur le marché du travail et de leurs lienséventuelsaveclesrésultatscommerciaux.

(a) Répartitiondesrevenusetchômage:évolutionrécente

Lesdeuxdécenniesquiontprécédélacriseéconomiquerécente ont été marquées par une forte augmentationdes échanges et des flux de capitaux. Pendant cettepériode,lesinégalitésderevenussesontcreuséesdansla plupart des pays et des régions. Les données surl’évolution à long terme des inégalités révèlent que lasituationanettementchangéàlafindesannées1980etaudébutdesannées1990.

La figure D.1 montre que, dans un ensemble de paysappelégroupe«enformedeU»parAtkinsonet al.(2011),l’inégalité–mesuréeparlapartenpourcentagedes1%deménageslesplusrichesdanslarichessetotale–s’estconsidérablement accentuée au cours des dernièresannées, revenantauxniveauxatteintsaprès laPremièreGuerre mondiale. On voit qu’aux États‑Unis les 1% deménageslesplusrichesdétenaient19,6%delarichessenationale en 1928. Cette part est tombée à 7,7% en1973, son niveau le plus bas, puis elle a augmenté denouveau pour atteindre 18,3% en 2007, avant le débutde laGranderécession.Lapartderevenudesménageslesplusrichesadiminuépendant larécession,maiselleestdenouveauenaugmentationmaintenant.

L’évolution de l’inégalité suit une trajectoire analoguedans les autres pays représentés dans la figure D.1. Au

FigureD.1:Part des 1 % de ménages les plus riches dans la richesse totale : groupe de pays « en forme de U », 1910-2010

États-Unis Canada Australie Nouvelle-Zélande Royaume-Uni Irlande

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Royaume‑Uni,l’inégalitéétaitplusfortequ’auxÉtats‑Unisdurantlesquelquesannéesdel’entre‑deux‑guerrespourlesquellesdesdonnéessontdisponiblesetjusteaprèslaSeconde Guerre mondiale. Elle est ensuite tombée àmoins de 6% vers la fin des années 1970, puis elle aaugmenté régulièrementpouratteindre15,4%en2007.Atkinson et al. (2011) identifient un autre ensemble depaysayantconnuuneévolutionenLdes inégalités.Cespays,quicomprennentl’Allemagne,laFranceetleJapon,sontcaractériséspardesniveauxd’inégalité trèsélevésdans l’entre‑deux‑guerres. L’inégalité a fortement reculéaprèslaSecondeGuerremondiale,puisestrestéestablejusqu’àlasecondemoitiédesannées1990,quandlapartde revenu des 1% de personnes ayant les plus hautsrevenus a commencé à augmenter, quoique beaucoupmoinsquedanslespaysdelafigureD.1.

LafigureD.2montrecetteévolutiondel’inégalitépourleJapon et trois autres économies asiatiques pourlesquellesdesdonnéessontdisponibles.Danscesquatrepays, l’inégalité a commencé à augmenter dans lesannées 1990, la plus forte hausse étant enregistrée àSingapour.Toutefois,les1%depersonneslesplusrichesen Chine, en Inde, au Japon et à Singapour détiennentune part plus faible du revenu national que leurshomologuesauCanada,auxÉtats‑Unis,enIrlandeouauRoyaume‑Uni.2

Uneautrevariablefréquemmentemployéepourmesurerl’inégalité est le coefficient de Gini (expliqué dans lasectionB.2).Àpartirdedonnéessur lescoefficientsdeGinipour ladernièredécennie, lafigureD.3montrequel’inégalité est la plus forte dans une grande partie del’AmériqueduSudetdel’Afriquesubsaharienne.L’AfriqueduSudetleBrésilontdescoefficientsdeGinisupérieursà 50%. La Chine et la Fédération de Russie se situententre 40% et 49%. Les États‑Unis appartiennent au

mêmegroupe.LecoefficientdeGinidel’Indeestinférieuretsesituedans lafourchettede30%à39%.LafigureD.3montreaussiquebonnombredespaysoùl’inégalitéest faible, c’est‑à‑dire où les coefficients de Gini sontinférieursà30%,setrouventenEurope,parexempleenAllemagneetdanslespaysscandinaves.

On peut s’attendre à de nouvelles modifications de larépartition des revenus à l’intérieur des pays dans unproche avenir. L’une des principales tendances ayant uneincidencesur les inégalitésde revenuest lechangementde taille de la classe moyenne, qui devrait devenir plusnombreuseetplusrichedansleséconomiesémergentes,notamment en Asie, mais qui semble se réduire auxÉtats‑Unisetdansl’Unioneuropéenne(voirlasectionC.1).

Un phénomène apparu pendant la crise économique etquiresteproblématiquedansdenombreuxpaysàrevenuélevé est l’aggravation du chômage. Le Bureauinternational du travail (BIT, 2012) note qu’il y a unefracture générale entre les régions développées et lesrégionsendéveloppement, les tauxdechômage restantlargementsupérieursauxmoyenneshistoriquesdansungroupe de pays qu’il appelle la «région des économiesdéveloppéesetde l’Unioneuropéenne» (8,6%en2012,contreunemoyennede6,9%entre1998et2007),alorsque les tauxdechômageen2012étaient inférieursauxmoyennes historiques dans la plupart des régions endéveloppement.

Cette évolution est représentée dans le tableau D.1, quiindique les taux de chômage en 2007 et 2010 pourcertains pays. On voit que c’est dans les paysindustrialisésquelahausserécenteduchômageaétélaplus forte, avec plus de 4 points de pourcentage dansplusieurspaysd’Europeetd’AmériqueduNord.Maiscephénomènenepeutpasêtregénéralisé.EnPologne,par

FigureD.2:Part du centile supérieur des personnes ayant les plus hauts revenus dans certains pays asiatiques, 1922-2010

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FigureD.3:Carte mondiale des inégalités d’après les coefficients de Gini

Plus de 60 50-59 40-49 30-39 Moins de 30 Données manquantes

Sources:Basededonnéesdesindicesdudéveloppementhumain2011etCIA,World Fact Book ,2011.

Note:Lesvaleurscorrespondentauxdonnéeslesplusrécentesdisponiblespourlapériode2000‑2011.Surcegraphique,lecoefficientdeGiniprenddesvaleurscomprisesentre0et100,lesvaleurssupérieurescorrespondantauxniveauxd’inégalitéplusélevés.

Un autre élément susceptible d’influencer les fluxcommerciaux et les politiques commerciales dans unproche avenir est la répartition des revenus entre lespays, notamment parce que les niveaux de revenusrelatifs des pays détermineront ce qu’ils consomment etcequ’ilsproduisent.DanslasectionB.2,ilaétéquestiondu phénomène des «nouveaux acteurs mondiaux». Onconsidère généralement que ceux‑ci comprennent lesBRICS (Brésil, Fédération de Russie, Inde, Chine etAfrique du Sud), dont la plupart ont vu leurs revenuscroîtrefortementaucoursdes20dernièresannées.

Entre1990et2011,lacroissanceannuellemoyenneduPIBréelparhabitantaétésupérieureà10%enChineetà6%en Inde. Elle a été plus modeste mais non négligeable auBrésil (2,8%) et en Afrique du Sud (2,6%) alors qu’elle astagnédanslaFédérationdeRussie(0,7%).Celatraduituncertain «rattrapage» en termes de PIB par habitant entrequatredesBRICSetlesrégionsdumondelesplusriches,vuque la croissance du PIB par habitant a été de 2,4% auxÉtats‑Unis,de1,7%danslazoneeuroetde1,1%auJapondurant la même période.3 Ce phénomène, conjugué à lacroissance de la classe moyenne observée dans plusieurséconomiesémergentes,estprobablementl’undesprincipauxfacteursquiexpliquentleconstatdeMilanovic(2012)selonlequel lesinégalitésderevenusdanslemondeontdiminuéau cours des dernières décennies (c’est‑à‑dire pendant lapériode 1988‑2008). Mais cette tendance ne reflète pasnécessairement la situation des pays à faible revenu. EnAfriquesubsaharienne,parexemple, leNigériaaenregistréun tauxdecroissanceprochede5%, tandisquedansdespays comme la République démocratique du Congo ou leZimbabwe,lacroissanceduPIBparhabitantaéténégativeentre1990et2011.Cesdeuxdernierspays,etceuxquiont

exemple, le chômage est resté inchangé, alors qu’il abaisséenAllemagne.Dansd’autrespaysdéveloppéstelsque le Japon, le Mexique, la République de Corée et laTurquie, l’augmentationduchômageaétémodérée.Desdonnéessurlechômagenesontdisponiblesquepourunpetit nombredepaysendéveloppement.Le tableauD.1montre que, dans des pays comme la Colombie,l’Indonésieou lesPhilippines, les tauxdechômagesontrestés stables ou ont même baissé pendant la période2007‑2010.

TableauD.1:Niveaux et variations des taux de chômage dans certains pays, 2007-2010 (pourcentage)

2007 2010 Différence

Lituanie 4,3 17,8 13,5

Espagne 8,3 20,1 11,8

Irlande 4,6 13,5 8,9

États‑Unis 4,6 9,6 5,0

Grèce 8,3 12,5 4,2

Mexique 3,4 5,3 1,9

Turquie 10,3 11,9 1,6

FédérationdeRussie

6,1 7,5 1,4

Japon 3,9 5,0 1,1

Corée,Rép.de 3,2 3,7 0,5

Pologne 9,6 9,6 0,0

Philippines 7,4 7,4 0,0

Colombie 12,0 11,6 ‑0,4

Allemagne 8,6 7,1 ‑1,5

Indonésie 9,1 7,1 ‑2,0

Source:Banquemondiale.

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eu récemment des courbes de croissance analogues,courent donc le risque de «rester à la traîne», alors que lerestedumondeconnaîtunecroissanceplushomogène.

Malgrélephénomènede«rattrapage»mentionnéci‑dessus,larépartitiondesrevenusrestetrèsinégaleentrelespays,comme le montre la figure D.4. Le PIB par habitant auCanada,auxÉtats‑Unis,enEurope,enAustralieetauJaponreste trèssupérieuràcequ’ilestenAmériqueduSud,enAfriqueetdans lamajeurepartiede l’Asie.Cetécart auraune incidence sur l’avantage comparatif, et donc sur leseffetsducommercesurlemarchédutravail.

Les pays pauvres ayant une main‑d’œuvre importanteauront probablement un avantage comparatif dans lesbiensetservicesàforteintensitédetravail.DansdespayscommelaChine, l’Indeetéventuellement l’Indonésieet leMexique,lesexportationsreposerontprobablementsurunavantageenmatièredecoûtdutravail.CommelemontrelafigureD.4,latailledelapopulationactiveestàpeuprèslamêmeenIndonésieetauxÉtats‑Unis.CelleduMexiqueest comparable à celle de l’Allemagne. Or, les salairesmoyens sont 6 fois plus élevés en Allemagne qu’auMexique, et 20 fois plus élevés aux États‑Unis qu’enIndonésie. Les salaires moyens en Chine et en Inde sontaussi plus élevés actuellement qu’en Indonésie, mais ilssontplusbasqu’auMexiqueettrèsinférieursauxsalairesen Allemagne et aux États‑Unis. Cependant, la Chine etl’Inde ont une population active très importante quidépasselargementennombrecelledesautrespays.

Bienquelesniveauxdeproductivitéetlesqualificationsdelamain‑d’œuvresoienttrèsdifférentsselonlespays,lafigure

D.4donneàpenserquelespaysàfaiblerevenuetàrevenuintermédiaire–notammentenAsie–pourraient conserverpendantencoreuncertain temps leuravantageenmatièredecoûtdu travail,mêmesi les salairesdansdespays telsque la Chine sont en hausse (voir, par exemple, Li et al.,2012). On examine plus en détail ci‑dessous certains desproblèmesdemarchédutravailquiseposerontprobablementaux pays ayant des niveaux de revenu différents dans lecontexted’uneplusgrandeintégrationmondiale.

(b) Commerceetmarchésdutravail:unerelationàdoublesens?

La littérature économique sur les effets des réformescommerciales sur le marché du travail traitehabituellement des effets du commerce sur les revenusrelatifsdesfacteurs.Dans lesannées1980et1990,denombreuses études ont analysé l’impact du commercesur le salaire relatif de la main‑d’œuvre très qualifiée etpeu qualifiée, s’appuyant sans doute sur l’observationselon laquelle le salaire relatif des travailleurs trèsqualifiés augmentait dans plusieurs pays industrialisés.Uneautrebranchede la littératureaexaminé l’effetdesréformes commerciales sur les niveaux de chômage. Aucoursdesdernièresannées,deschercheursontanalyséla relation entre la mondialisation et la part des salairesdans le PIB, mesure qui a l’avantage de combiner lesdonnées sur les niveaux des salaires et le nombred’emplois.4 Aucune de ces mesures ne peut rendrecomptedetoutcequisepassesurlesmarchésdutravailparsuited’uneréformeducommerce,5maisellespeuventdonner ensemble une image générale des principauxmécanismesàl’œuvre.

FigureD.4:PIB par habitant dans les différents pays, 2008 (en$EUautauxdechangedumarché)

Plus de 80 000 ($) 60 000 - 80 000 ($) 50 000 - 59 999 ($) 40 000 - 49 999 ($) 30 000 - 39 000 ($)

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Population active(en millions)Salaire nominal ($EU)

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Source:LesmoyennesannuellesdessalairesmensuelsnominauxsonttiréesdelaBasededonnéesmondialedessalairesdel’OIT;lestauxdechangesontextraitsdesStatistiquesfinancièresinternationalesduFondsmonétaireinternational;letauxd’activitédes15à64ans,lapopulationtotaleetlePIBparhabitantproviennentdelaBanquemondiale.Touteslesdonnéesdatentde2008,dernièreannéepourlaquelledesdonnéessurlessalairesétaientdisponibles.

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(i) Le commerce a‑t‑il un effet sur l’inégalité à l’intérieur des pays ?

On a beaucoup écrit sur la relation entre la réforme ducommerce et la répartition des revenus à l’intérieur despays.Lalittératuresurlecommerces’estconcentréesurplusieursquestions.Parquellesvoieslecommerceagit‑ilsur la répartition des revenus à l’intérieur des pays?Quelle est l’importance relative de l’effet du commercesur la répartition des revenus par rapport à d’autresdéterminants possibles de la répartition? Dans quellemesurel’effetducommercesurlarépartitiondesrevenusdépend‑ildescaractéristiquesdupays?

Selon la théorie classique du commerce fondée surl’avantagecomparatif,unpaysexportelesbiensquiutilisentdemanièreintensivesonfacteurrelativement«abondant»etimporteceuxquiutilisentdemanière intensivesonfacteurrelativement «rare». Cela signifie que l’ouverture deséchanges augmente la demande du facteur abondant parrapportaufacteurrare.Lecommercedoitdoncréduirelesinégalités de revenus dans les pays en développement encréant des emplois et en augmentant les salaires destravailleurs non qualifiés, mais il accroît les inégalités derevenus dans les pays industrialisés en supprimant desemplois non qualifiés à cause des importations enprovenancedeproducteursétrangersàplusbascoûts.

Plusieursétudesempiriquesontanalysélarelationentrelecommerceet lesécartsdesalaires.6Lesdonnéessurles facteurs qui déterminent l’évolution des salairessemblent indiquer que le commerce n’est que l’un desnombreuxdéterminantsdesinégalitésdesalaires.Parmilesautresdéterminantsfigurentl’évolutiontechnologique,ladésyndicalisation, l’érosiondusalaireminimum réeletles changements de goût des consommateurs. Onconstate, en général, que l’évolution technologiquefavorisant la main‑d’œuvre qualifiée est le principaldéterminantde l’évolutiondes inégalitéssalariales,alorsquelecommercenejouequ’unrôlemineur.

La littérature économique récente s’écarte à plusieurségardsdel’analysetraditionnelledulienentrecommerceetinégalité.Premièrement,elles’intéressedeplusenplusauxdéterminants de l’évolution des plus hauts revenus,c’est‑à‑direàlamesuredesinégalitésreprésentéedanslesfiguresD.1etD.2.Lescontributionsthéoriquesquianalysentce phénomène se réfèrent à la notion d’«économie dessuperstars» (Rosen, 1981) et à l’idée qu’un nombre trèslimité de personnes profite d’une grande partie des gainsliés à l’accroissement de la taille du marché (Manasse etTurrini,2001;CostinotetVogel,2010).

Atkinson et al. (2011) émettent l’hypothèse que leschangementsrécentsdans l’évolutionde lapartderevenudespersonnesquiontlesplushautsrevenuspourraientêtreliés au fait que «l’accroissement d’échelle associé à lamondialisation et à l’augmentation des possibilités decommunication a accru la rente de ceux qui ont les plusgrandescapacités».Haskelet al.(2012)proposentuncadrethéorique qui explique comment la combinaison de lamondialisation et de l’innovation peut conduire à uneaugmentationdesrevenusréelsetrelatifsdes«superstars».

Ce dernier point met en évidence le deuxième écart parrapport aux analyses traditionnelles du lien entremondialisationetinégalité.Alorsquelespremièresétudesempiriquestentaientdedissocier leseffetsducommercesurlarépartitionetleseffetsdel’évolutiontechnologique,lesétudesplusrécentesmettentl’accentsurlefaitquelecommerce et l’évolution technologique peuvent aller depair.L’undeleurspostulatsestquelecommerceagitsurlarépartition des revenus par son effet sur les choixtechnologiques et la productivité. Elles supposentégalement que les effets positifs du commerce sur lacroissance peuvent s’accompagner d’un accroissementdes inégalités de façon plus systématique qu’on ne lepensaitautrefois,etqu’ildevientdeplusenplusimportantde développer de nouvelles activités pour garantir lacréation d’emplois suffisants et éviter le piège de lacroissance sansemploi (voir, par exemple,Bursteinet al.,2011;NewfarmeretSztajerowska,2012).

Depuis quelque temps, la recherche s’intéresse auxdifférentes formes d’inégalités, notamment la relationentre le commerce et l’augmentation des inégalités desalaires entre les entreprises pour des travailleursprésentant par ailleurs des caractéristiques similaires(voir,parexemple,AmitietDavis,2011;Friaset al. ,2012;Krishnaet al. ,2011).L’unedesconclusionsdecesétudesest que les travailleurs des entreprises exportatricesgagnent plus que les travailleurs ayant descaractéristiquesparailleurssimilairesemployésdansdesentreprises non exportatrices.7 Cela tend à montrer queles entreprises qui s’adaptent bien à la mondialisationpaient des salaires plus élevés et offrent de meilleuresconditionsdetravail(NewfarmeretSztajerowska,2012).

Enfin,leschercheurss’intéressentdavantageàlamanièredontlesautresélémentsdelamondialisationinfluentsurla répartitiondes revenusà l’intérieurdespays.Lesfluxfinanciers étrangers ont été identifiés comme undéterminant possible des inégalités, qui agirait souventencombinaisonaveclesfluxcommerciaux.8

Les entrées d’IED peuvent, par exemple, accroître lesinégalités dans les pays à faible revenu, car ellesaugmentent la demande relative de main‑d’œuvrequalifiée (Feenstra et Hanson, 1997). Une plus grandemobilité du capital qui ne s’accompagne pas d’unaccroissementsimilairedelamobilitédelamain‑d’œuvreau niveau mondial peut aussi avoir une incidence sur lepouvoir de négociation relatif des travailleurs et desdétenteursdecapitauxainsiquesurleschoixenmatièrefiscale. Les deux ont un effet sur la répartition desrevenus à l’intérieur des pays (voir, par exemple, Boix,2011). Des études empiriques récentes montrent quel’accroissementdesfluxfinanciersmondiauxacontribuéàplusd’inégalités(voir,parexemple,Bureauinternationaldu travail (BIT), 2011; Fonds monétaire international(FMI),2007;Jayadev,2007;Organisationdecoopérationetdedéveloppementéconomiques(OCDE),2011).

Dansl’ensemble,lesdonnéessemblentdoncindiquerquele commercedesbiensetdesservicesn’aprobablementpas eu d’impact notable sur les inégalités par le biaisclassique du déplacement de la demande relative de

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facteurs de production (Haskel et al., 2012). Toutefois,certainsfaitssemblentmontrerquelecommerce,associéà l’évolution technologique ou à l’IED, peut avoir un effetimportant sur la répartition des revenus à l’intérieur despays.Maislestroisfacteurssontaussiparmilesprincipauxmoteursdelacroissanceéconomique.

(ii) L’ouverture est‑elle un déterminant des niveaux de chômage ?

L’ouverture des échanges entraîne des changementséconomiques.Ellepermetauxentreprisesperformantesdedévelopper leurs activités et d’exporter. Elle expose aussilesentreprisesmoinsperformantesàlapressionaccruedela concurrence étrangère. Ces entreprises peuvent ainsiêtreamenéesàréduireleuractivité,voireàdisparaître.Ceschangementsdusàl’ouverturedeséchangessontdoncunélémentinévitableetsouhaitableduprocessusquiconduità l’amélioration des résultats économiques, puis àl’accroissement de la richesse. Toutefois, pendant lapériode de changement, des emplois sont créés danscertaines parties de l’économie et détruits dans d’autres.C’est pourquoi les responsables politiques considèrentsouvent ces périodes de transition comme critiques.9 Ilss’inquiètentaussidesconséquencesdeschangementssurl’emploidansunenvironnementconcurrentielunefoisquel’économie est ouverte. On le voit dans le fait que lesAccords de l’OMC prévoient des mesures de sauvegardepermettantauxgouvernementsd’intervenirdanscertainesconditions si une poussée inattendue des importations adeseffetsnégatifsimportantssurl’emploi.10

La recherche économique fournit aux responsablespolitiques des renseignements sur l’orientation deschangements après l’ouverture des échanges, et enparticuliersurlessecteursdel’économiequirisquentleplusdesubirdespertesd’emplois.Selonlathéorieclassiqueducommerce, la redistribution des ressources et de l’activitééconomiqueétaitcenséesefaireentrelessecteurs,aveclacréationd’emploisdanslessecteursexportateursetlaperted’emplois dans les secteurs en concurrence avec lesimportations. Les modèles du commerce plus récentsmontrent que l’ajustement au niveau des entreprises à lasuitedel’ouverturedeséchangesentraînedescréationsetdes pertes d’emplois dans tous les secteurs, car lesentreprisestrèsproductivesréussissentmieuxàlafoisdansles secteurs exportateurs nets et dans les secteursimportateursnets,alorsquelesentreprisespeuproductivess’en sortent moins bien (voir, par exemple, Bernard et al.,2007).Celasignifiequ’unepartieduprocessusd’ajustementconsécutifàl’ouverturedeséchangesalieuàl’intérieurdessecteurs(JansenetLee,2007),cequilerendprobablementplusfacilequ’unajustementintersectoriel.

Engénéral,aucoursdesdernièresdécennies,larechercheéconomiquen’aguèrecherchéàcomprendreleprocessusd’ajustement après l’ouverture des échanges, et s’estefforcéeplutôtdedéterminersi l’ouverturedeséchangesavaituneffetsurlestauxdechômageàlongterme.Dansce contexte, il convient de noter que l’ouverturecommercialen’aaucuneffetsurletauxdechômagesilesmarchés–notammentlemarchédutravail–fonctionnentbien.Danslesmodèlesthéoriquesquianalysentlarelation

entre le commerce et le chômage, les économistessupposent des marchés imparfaits où les salairesn’atteignentpasleniveaud’équilibredumarché.Celapeutteniraufaitquelessalairesminimumspèsentsurleniveaudes salaires (voir, par exemple, Brecher, 1974; Davis,1998),quel’effortdestravailleursdansleuremploidépenddufaitqu’ils jugent leursalaireéquitableounon(voir,parexemple,EggeretKreickemeier,2009),11ouquelemarchédu travail est caractérisé par des frictions d’appariementou de recherche (voir, par exemple, Jansen et Turrini,2004;Felbermayret al.,2011;Helpmanet al.,2010).12

L’impact de l’ouverture des échanges sur le chômagedépend de la question de savoir si l’on s’attend à ce quel’accroissement du commerce aggrave l’effet des frictionsexistantesouréduiselapressionsurunefrictionparticulière.Si, par exemple, l’ouverture des échanges exerce unepressionsurlessalairesdestravailleursquiperçoiventdéjàle salaire minimum, la concurrence étrangère accrue peutaggraver le chômage si la demande pour ces travailleursdiminueencore.Si, en revanche, l’ouverturedeséchangespermetauxentreprisesderéaliserdeséconomiesd’échelle,les salaires minimums et les frictions de recherche serontmoins contraignants et le chômage baissera à long termesur la seule base de la théorie économique. Comme ons’attendàceque lesréformescommercialeset l’ouverturedeséchangesentraînentuneséried’effetsdifférents,ilestdifficiledeprévoirl’impactducommercesurl’emploiàlongterme.Lesétudesempiriquesdonnentdesindicationsplusnettes sur les effets à long terme du commerce sur lechômage,commeonleverraplusloindanscettesection.

L’unedesraisonspour lesquelles la recherchethéoriques’est concentrée sur les effets à long terme plutôt qu’àcourt ou moyen terme des changements dans les fluxcommerciaux est peut‑être que les économistess’attendaient à ce que les phases d’ajustement soientcourtesetpeucoûteuses.Lespremièresétudesquiontcherchéàévaluer lescoûtséconomiquesdesprocessusd’ajustement consécutifs à des réformes commercialesontconcluquecescoûtsétaientfaiblesetreprésentaientenviron5%desavantagestotauxducommerce(Magee,1972;Baldwinet al. ,1980).

Ilestdoncraisonnabledepenserquelesmodificationsdesflux commerciaux n’ont pas nécessairement un impactimportant sur les indicateurs macroéconomiques, commele taux d’emploi global quand la valeur du commerce estfaible par rapport à la taille de l’économie. Dans un payscomme les États‑Unis, le ratio des importations au PIBétaitdel’ordrede15%danslesannéesquiontprécédélacriseéconomique.Mesuréesenvaleurajoutée,c’est‑à‑direen ne tenant compte que de la valeur ajoutée étrangèreincorporée dans les produits importés, les importationsreprésentaient moins de 14% du PIB des États‑Unis en2008etenviron11%en2009.13

LafigureD.5indiquecependantquel’apparitiond’uneforteconcurrencepeutavoiruneffetsurlastructureéconomiqued’unpays,mêmedansuneéconomieaussigrandequecelledes États‑Unis. Elle illustre le changement structurel auxÉtats‑Unis, mesuré par l’indice de changement structurel(ICS), qui tient compte des changements dans la taille

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232

relativedessecteurs.Cet indicevade0à100, lesvaleurssupérieures indiquant des changements plus importants,lesquelsvontgénéralementdepairavecuneredistributiondesressources.LesbarresdelafigureD.5indiquentdansquellemesurelastructureéconomiqued’unpaysdansuneannéedonnéediffèredecequ’elleétaitdixansplustôt.Lapériode de dix ans a été choisie parce qu’elle couvregénéralementdeuxcycleséconomiques.Leschangementsstructurelsentermesdecompositionsectorielledelavaleurajoutéeetentermesd’emploisontreprésentésséparément.

La figure D.5 montre que les niveaux observés dechangement structurel diffèrent dans le temps, certainespériodes étant caractérisées par des niveaux élevés dechangementetd’autrespardesniveauxfaibles.Ellemontreaussi que le taux mesuré de changement structurel aaugmentéaucoursdutempsauxÉtats‑Unis,carlespicsetlescreuxreprésentéssurlegraphiqueaugmententaufildesannées.LafigureD.5 indiquemêmeque leschangementsstructurelspeuventavoirunrapportaveclecommerce.LesdeuxlignesreprésententlapartdesexportationsmondialesduJaponetdelaChine.Ilestfrappantdevoirquelamontéede ces puissances commerciales a coïncidé avec despériodes de changement structurel plus important auxÉtats‑Unis.Lafiguremontrequelesajustementsentermesd’emploissemblentseproduireplustardquelesajustementsen valeur ajoutée, ce qui tient peut‑être au fait que lesajustements de productivité au niveau des entreprises

précèdent les ajustements d’effectifs. En outre, le délaientre l’ajustementde lamain‑d’œuvreet l’ajustementde laproductionestpluslongaucoursdesdernièresdécenniesquedans lesannées1980etaudébutdesannées1990.Les ajustements de l’emploi sont aussi beaucoup plusimportantsdans lapériodeplus récente.Cetteanalyseneprétendpasqu’ilyaunquelconque liendecausalitéentrel’augmentation des exportations des grands payscommerçants et le changement structurel chez leurspartenairescommerciaux.Parailleurs,ilestprobablequeleprocessus de redistribution consécutif à une réformecommerciale est propre à chaque pays et dépend dumoment de la réforme et de la nature des chocscommerciaux(voir,parexemple,Haltiwanger,2011).

La situation illustrée par la figure D.5 semble conformeauxconstatationsfaitesdanslalittératurerécentesurlecommerce: la phase d’ajustement consécutive à deschocs commerciaux peut être problématique.14 Cosar(2011), par exemple, fait remarquer qu’il peut êtreparticulièrement difficile pour les travailleurs âgés des’adapter.15Autoret al. (2012)soulignentque lespertesd’efficienceàmoyentermeassociéesà l’ajustementauxchocs commerciaux peuvent être importantes. Davidsonet Matusz (2004b) montrent, dans un cadre théorique,que les niveaux de chômage consécutifs à des chocscommerciaux peuvent être inférieurs ou supérieurs enfonctiondusentierd’ajustementsuiviparl’économie.

FigureD.5:La montée de nouveaux concurrents et changements structurels aux Etats-Unis, 1979-2010

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ICS de la valeur ajoutée aux États-Unis ICS de l'emploi aux États-Unis Chine Japon

Sources:ONU,principauxagrégatsdelacomptabiliténationale(valeurajoutéebruteparactivitééconomiqueen$EUcourants),LABORSTA,basededonnéesComtradedel’ONU.

Note:L’indicedechangementstructurel(ICS)estcalculéàpartirdesmoyennessurcinqansaudébutetàlafindechaquepériodededixans.Ilestgénéralementmesurécommelamoitiédelasommedelavaleurabsoluedesvariationsdespartssectoriellesdelavaleur

ajoutéedansletemps:SCI=

Différentsniveauxdedésagrégationsectoriellepeuventêtreutilisés,unedésagrégationpluspousséedonnantdesvaleurssupérieuresdel’ICS.L’ICSindiquédanscettefigureaétéconstruitaumoyend’unedésagrégationencinqsecteurs:agriculture,chasse,sylvicultureetpêche;activitésexctractivesetservicespublics;activitésmanufacturières;services;autresactivités.IlaétéutiliséprécédemmentdansCommissiondeproductivité(1998)etdansBacchettaetJansen(2003).Françoiset al.(2011)s’yréfèrentégalement.

II – Facteurs détermInant l’avenIr du commerce mondIal

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La littérature empirique sur les déterminants du chômageconstatequel’ouverturedeséchangespeutfairebaisserlechômageàlongterme,maisqu’ellepeutl’augmenteràcourtterme.Àpartirderenseignementsconcernant92payspourlapériode1990‑2000,Duttet al.(2009)constatentquelechômage augmente immédiatement après l’ouverture deséchanges, mais diminue au cours de la première et de ladeuxième année qui suivent cette ouverture. La baissecompenselargementlahausseinitiale.16Görg(2011)faitlemême constat dans un aperçu de la littérature, concluantque la mondialisation peut augmenter la rotation de lamain‑d’œuvreàcourt termemaisquerienn’indiqueque lecommerceouladélocalisationentraînentuneaugmentationglobale du chômage. Dans un article portant sur le longterme, Felbermayr et al. (2011a) constatent qu’une plusgrandeouverturedeséchangesesttoujoursassociéeàuntauxdechômagestructurelplusbas.Lalittératureempiriquesemble donc indiquer qu’à long terme le commercen’augmentepaslechômageoucontribueàleréduire.Quandil contribue à l’augmentation du chômage, c’estprobablementunphénomèneàcourtterme.

Les difficultés économiques réelles ou escomptéespendantlesphasesdetransitionpeuventcependantposerdes problèmes importants aux décideurs, surtout si ellesinfluentsurl’attitudedupublicàl’égardducommerceousielles mettent en danger les processus d’ajustementstructurel à long terme.La craintedu chômagepeut, parexemple, influencerl’attitudedesélecteursàl’égarddelaréforme commerciale, indépendamment du fait qu’ilsperdentounonleuremploidanslaréalité.Cettequestionsera de nouveau abordée dans la sous‑section suivante.Lespériodesd’ajustementconsécutivesà l’ouverturedeséchanges peuvent aussi influencer le commerce et lacroissanceà long terme (voir,parexemple,Mussa,1978;DavidsonetMatusz,2004b;Francoiset al.,2011),carellesdéterminentlacompositionstructurelledel’emploietdelaproductionenrésultant.Lesdifficultésrencontréesparlesdifférentspaysdanscecontextesontexaminéesplusloin.

(iii) Effet du chômage et de la répartition des revenus sur la politique commerciale

Cette sous‑section examine comment l’impact réel ouperçu du commerce sur l’emploi et la répartition desrevenuspeutinfluencerlespolitiques,notammentdansledomaine du commerce. Elle examine aussi commentl’inégalité des revenus dans un pays peut affecter lesavantagesqu’iltiredel’ouverturedeséchanges.

Impact perçu du commerce sur le marché du travail et risque de montée du protectionnisme

L’inégalité des revenus a augmenté dans la plupart despays et des régions au cours des deux dernièresdécennies. Comme cette période a été marquée parl’essor sans précédent du commerce international, on asouvent l’impressionque les avantagesde l’élévationduniveau de vie associée à la mondialisation n’ont pas étépartagés de façon égale entre tous les segments de lapopulation. Ces préoccupations risquent de se traduirepar un sentiment protectionniste et d’influer finalementsurlespolitiquescommercialesetlesfluxcommerciaux.

D’aprèslathéorieclassiqueducommerce,ilfauts’attendreà ce que les personnes employées dans les secteurs enconcurrenceavec les importationssoientsceptiquesfaceà l’ouverture des échanges. Les personnes dont lescompétences seront moins demandées après la réformerisquent aussi d’y perdre et, selon les études les plusrécentes,lesemployésdepetitesentreprisesrisquentplusdesouffrirdesconséquencesnégativesducommercequelesemployésdegrandesentreprises.17

On s’attend habituellement à ce que, dans les paysindustrialisés(paysbiendotésenmain‑d’œuvrequalifiée),la main‑d’œuvre peu qualifiée soit perdante (en termesrelatifs) à cause du commerce. L’analyse économétriquedes renseignements fournispardesenquêtesaconfirméque les attitudes à l’égard de l’ouverture des échangessont conformes aux prédictions théoriques. Mayda etRodrik (2005) constatent que les personnes travaillantdansdessecteursautresquelecommerceonttendanceàêtrelesplusfavorablesaucommerce,alorsquecellesquitravaillent dans les secteurs en concurrence avec lesimportationssontlesplusprotectionnistes.18Ilsconstatentaussi que les personnes ayant un niveau d’études plusélevé sont opposées aux restrictions commerciales danslespaysbiendotésencapitalhumain.Sur labasedecequi précède, l’économie politique classique prédirait quelesdécisionsenmatièredepolitiquesuivrontunetendanceprotectionniste si un nombre suffisamment élevé depersonnes se considèrent comme des perdants del’ouverturedeséchanges (Boix,2011;Mayer,1987;Duttet Mitra, 2002 et 2006). Si la répartition des gains ducommerce est suffisamment faussée, les sentimentsprotectionnistespeuventl’emporter,mêmesi l’effetglobalsurlebien‑êtreéconomiqueestpositif.

Bien que la plupart des analyses économiques de cettequestionaientmisl’accentsurleseffetsréelsducommercesurlarépartitiondesrevenus,lesperceptionsetl’incertitudeconcernantlesrésultatsindividuelsontuneimportance.Lesindividus qui subissent une perte d’emploi ou de revenupeuventêtrehostilesàl’ouverturedeséchangess’ilsontlesentiment que le commerce est à l’origine de leursproblèmes,quecesoitvraiounon.Ilspeuventaussinourrirdes sentiments protectionnistes s’ils craignent de perdreleuremploiàcausede l’ouverturedeséchanges,mêmesifinalement ils leconserventouen trouventunmeilleur.CephénomèneaétéexaminédansFernandezetRodrik(1991),quimontrentquelesindividuspréfèrentlemaintiendustatu quo s’ils ne savent pas à l’avance qui sera affecté par lesconséquencesnégativespossiblesd’uneréforme.

Une analyse des données d’enquête recueillies en 2000montre que les individus peuvent évaluer leurs propresperspectives d’emploi différemment des perspectivesd’emploipourl’ensembledupays.Danscetteenquête,onademandéàdesAsiatiquesetàdesEuropéensde18paysleuropinionsur leursituationprofessionnellepersonnelle,surlechômagedansleurpaysetsurlanécessitédelimiterlesimportationsdeproduitsétrangers.Onleurademandé:

• s’ils pensaient que la mondialisation avait un effetnégatifsurlasécuritédel’emploi(mondialisation1);

• s’ils pensaient que la mondialisation avait un effetnégatifsurleniveaudevie(mondialisation2);

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

234

• s’ilsétaientd’accordpourdirequeleurpaysdevraitlimiterlesimportationsdeproduitsétrangers(commerce);

• s’ils étaient préoccupés par leur situationprofessionnellepersonnelle(emploi1);

• s’ils étaient préoccupés par le chômage dans leurpays(emploi2).

LesfiguresD.6etD.7indiquentcommentlespréoccupationsausujetdel’emploisontliéesauxopinionssurlecommerceou la mondialisation en représentant les corrélationspertinentes entre les réponses individuelles pour les 18pays. Seules les corrélations statistiquement significativessont présentées. La figure D.6 montre que les personnespréoccupéespar leur situationprofessionnellepersonnellepensent aussi que la mondialisation est mauvaise pour lasécuritéde l’emploiet leniveaudevie.Cette tendanceseretrouve dans l’ensemble des pays, les corrélations étantlégèrement plus fortes pour les pays européens que pourles pays asiatiques. Les personnes préoccupées par leursituation professionnelle personnelle ont aussi tendance àavoir des opinions protectionnistes plus marquées lorsqu’ils’agitducommerce.Celavautaussipourtouslespaysdesdeuxrégions,àl’exceptionduRoyaume‑Uni.

Ces corrélations sont inversées lorsqu’on interroge lespersonnessurlesrésultatsenmatièredechômageauniveaunational. La figure D.7 révèle que, dans tous les pays, lesréponses individuelles concernant les préoccupationsrelativesàlamondialisationsontsystématiquementcorréléesde façon négative avec les opinions individuelles sur lesperspectives d’emploi dans le pays.19 La combinaison desdonnées des figures D.6 et D.7 semble indiquer que les

personnes interrogées qui ont tendance à penser que lamondialisationadeseffetsnégatifssurlasécuritédel’emploietleniveaudeviecraignentpourleurspropresperspectivesd’emploi,toutenreconnaissantquelesperspectivesd’emploiauniveaunationalpeuventêtrepositives.

La distinction ci‑dessus entre l’effet global et l’effetindividuel apparaît également dans les résultats d’autresenquêtesréaliséesdansdespayseuropéens.Celaindiqueque la majorité des personnes interrogées estime que lamondialisation offre des possibilités de croissanceéconomique mais aggrave les inégalités sociales.20 Lafigure D.8 examine de plus près les données d’enquêtesrelatives aux inégalités et compare les réponses à deuxquestionsselonlespays:

• Considérez‑vousquelesdifférencesderevenussonttropgrandes?

• Considérez‑vous que la mondialisation représente unemenacepourl’emploietlesentreprisesdansvotrepays?

La première question a été posée dans l’enquêteEurobaromètre de 2009, et la seconde dans l’enquêteEurobaromètre de 2012. La figure D.8 indique lepourcentage de personnes interrogées qui ont réponduoui aux deux questions dans les différents pays. Ellemontreunecorrélationpositiveentre lespréoccupationsrelativesaux inégalitéset lespréoccupations relativesàla mondialisation. Cette corrélation témoigne peut‑êtred’unphénomènespécifiqueà l’Europe,car lesexercicessimilaires effectués avec un ensemble de donnéesconcernant les attitudes mondiales ne révèlent pas decorrélationspositivesd’unesignificationcomparable.21

FigureD.6:Attitudes à l’égard de l’insécurité de l’emploi (situation professionnelle personnelle) (corrélationaveclesattitudesàl’égardducommerceetdelamondialisation)

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Source:Calculsdesauteurs,d’aprèsInoguchi(2001).

Note:Mondialisation1:Lamondialisationa‑t‑elleuneffetnégatifsurlasécuritédel’emploi?Mondialisation2:Lamondialisationa‑t‑elleuneffetnégatifsurleniveaudevie?Commerce:Votrepaysdevrait‑illimiterlesimportationsdeproduitsétrangers?Seuleslescorrélationsstatistiquementsignificativessontreprésentéesdanslafigure.

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Dans l’ensemble, les données d’enquêtes examinéesci‑dessus semblentmontrer que les individusperçoiventlamondialisationcommeunesourcederisquespourleursituation professionnelle personnelle. Comme l’avaientprévuFernandezetRodrik(1991),ilspeuventprendreces

risques trèsau sérieux,mêmes’ils reconnaissent que lamondialisation a probablement des effets positifs sur lemarché du travail en général. L’une des conséquencespossiblesestqu’ilspeuvent«voter»deplusenpluscontrelamondialisation.

Inégalités et avantages des réformes commerciales

Les inégalités réelles ou perçues peuvent influer sur lecommerce non seulement à travers leur incidencepossible sur les décisions en matière de politiquecommerciale,maisaussidirectementparleureffetsurlesmodesdeconsommationetdeproduction.Lespersonnesriches ne consomment pas les mêmes produits que lespauvres,etlespaysàrevenuélevéneproduisentpaslesmêmesbiensquelespaysàfaiblerevenu.22

À mesure que les consommateurs s’enrichissent, ilsdépensent une part plus faible de leur revenu pouracheterdesproduitsditsdepremièrenécessité,commeles produits alimentaires, et une part croissante de leurrevenu est consacrée à l’achat de biens tels que desmeublesetdeservicescommel’éducation.Sileurrevenucontinue d’augmenter, les produits de luxe, comme lesbijoux et les voitures, commencent à occuper une placeplus importante dans leur panier de consommation. Leséconomistesappellentcephénomènel’«élasticité‑revenude la demande»: à mesure que les consommateurss’enrichissent, ils dépensent plus pour des biens dontl’élasticité‑revenu de la demande est élevée. Lesentreprises se servent de ce concept pour prévoir lesventesfuturesdeleursproduitsenfonctiondel’évolutionattenduedesniveauxderevenusoudelarépartitiondesrevenussurlesmarchésqu’ellesdesservent.

FigureD.7:Attitudes à l’égard de l’insécurité de l’emploi (chômage dans le pays) (corrélationaveclesattitudesàl’égardducommerceetdelamondialisation)

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Source:Calculsdesauteurs,d’aprèsInoguchi(2001).

Note:Mondialisation1:Lamondialisationa‑t‑elleuneffetnégatifsurlasécuritédel’emploi?Mondialisation2:Lamondialisationa‑t‑elleuneffetnégatifsurleniveaudevie?Commerce:Votrepaysdevrait‑illimiterlesimportationsdeproduitsétrangers?Seuleslescorrélationsstatistiquementsignificativessontreprésentéesdanslafigure.

FigureD.8:Attitudes à l’égard de la mondialisation (2012) et des inégalités (2009) en Europe (pourcentagedespersonnesinterrogéesquiétaitd’accordoufortementd’accordavecladéclarationsuivante)

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Source:Lescalculsdesauteurssontbaséssurl’Eurobaromètrede2009et2012.

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Dansl’espritdecequiprécède,Grigg(1994)montrequ’audébut des années 1980 les dépenses alimentairesreprésentaient64%durevenudesménagesenTanzanieetmoinsde15%enAustralieetenAmériqueduNord.23L’encadré D.1 explique en quoi ces différences dans lesmodes de consommation peuvent avoir un effet sur lapositiondespaysdanslesnégociationscommerciales.Lesmodesdeconsommationdiffèrentnonseulemententrelespays,maisaussiàl’intérieurdespays,oùilsdépendentdela répartitiondes revenus.Dalginet al. (2008)constatentquelesimportationsdeproduitsdeluxeaugmententavecleniveaudesinégalitésdanslepays.

L’inégalité des revenus peut aussi se répercuter sur laproduction. Linder (1961) considère que la proximité d’ungrandmarchéconsommantdesproduitsdequalitédonneauxentreprises des pays riches un avantage comparatif dans laproduction de ces produits. Lorsqu’elles exportent, cesentreprises trouvent des marchés plus vastes pour leursproduits de qualité dans les autres pays à revenu élevé. Enconséquence,Linderaestiméquelesvolumesdeséchangesseraient plus élevés entre les pays ayant des niveaux derevenussimilaires.Desrecherchesplusrécentesontconfirméque plus les pays sont riches et se ressemblent, plus ilscommercententreeuxetplusgrandeestlapartdeséchangesintrasectoriels – c’est‑à‑dire plus grande est la part desproduitsdifférenciés(voir,parexemple,Bergstrand,1990).

À mesure que les pays à revenu faible et à revenuintermédiaire s’enrichiront, ils vont probablementconsommer, produire et exporter des biens de plus enplus sophistiqués. Si les inégalités continuent de croîtreselon les tendances observées récemment, cela seraparticulièrement bénéfique pour le commerce des«produitsdeluxe»,c’est‑à‑diredesproduitspourlesquelsil y a une forte élasticité de la demande par rapport au

revenu.Fieler(2011),parexemple,préditquelapoursuitedelacroissancedueàl’accroissementdelaproductivitéen Chine ira de pair avec une forte hausse de laconsommationdeproduitsdeluxe.

DanslemodèledeFieler,laproductiondeproduitsdeluxedelaChineaugmenteaussi,maisbeaucoupmoins,carl’avantagecomparatifdupaysrestedanslaproductiondeproduitsmoinssophistiqués,24 qui devrait profiter grandement desaméliorations de productivité susmentionnées. Fieler (2011)préditque lesprix relatifsmondiauxdesproduits «debase»baisserontdufaitdel’augmentationdel’offrechinoise.EtlesprixrelatifsdesproduitsdeluxeaugmenterontenraisondelapousséedelademandeenChine.SelonFieler,lespaysrichesquisontexportateursnetsdeproduitsde luxeprofiterontdece changement. Les pays pauvres qui sont de grosconsommateursdeproduits«debase»profiterontdelabaissedes prix de ces produits. En revanche, les pays à revenuintermédiairequi sont importateursnetsdeproduitsde luxepourraientêtreaffectésparcesvariationsdesprixrelatifs.

Fieler (2011) ne fait pas d’analyse distincte pour lesconsommateurs des différents groupes de revenus àl’intérieurdespays.Comptetenudecequiaétéditdanslesparagraphes précédents, il n’est pas déraisonnable depenser que les variations relatives des prix finiront parprofiterauxménagesàplusfaiblerevenuquiconsommentplusdeproduitsdebaseetauxménagesayantlesrevenusles plus élevés s’ils sont propriétaires des facteurs deproduction utilisés pour produire des produits de luxe.L’article de Fieler et la plupart des études examinéesjusque‑làsupposentquelesmarchésmondiauxetnationauxfonctionnentdemanièrerelativementordonnée.Sicen’estpaslecas,lesinégalitésàl’intérieurdespayspeuventavoiruneffetbeaucoupplus fortsur la répartitiondesgainsducommerceàl’intérieurdespaysetentreeux.25

EncadréD.1: Sécurité alimentaire ou sécurité sanitaire des aliments

Les différences dans les modes de consommation entre les pays peuvent avoir un effet sur la position denégociation des responsables de la politique commerciale. Au cours des débats récents sur le commerce desproduitsagricoles,parexemple,lesreprésentantsdespaysàfaiblerevenuonteutendanceàmettrel’accentsurlanécessitéd’assurerl’accèsàl’alimentation,tandisquelesreprésentantsdespaysindustrialisésinsistaientplussurlanécessitédegarantirlaqualitédesproduitsalimentaires.

Ladernièredécennieaétémarquéeparunegrandevolatilitédesprixdesproduitsagricoles.Commelesménagespauvres ont tendance à consacrer une grande partie de leurs revenus à l’alimentation, ils sont particulièrementvulnérablesàlahaussedesprixdesproduitsagricoles.LaBanquemondiale(2011)aestiméquelahaussedesprixdes produits alimentaires entre juin et décembre 2010 a poussé 44 millions de personnes supplémentairesau‑dessousduseuildepauvreté (1,25dollarEU).Decefait, lasécuritéalimentaireaétéunedespréoccupationsmajeures des responsables politiques, notamment dans les pays en développement. Afin d’assurer unapprovisionnementsuffisantenproduitsalimentairesàdesprixabordables,lesresponsablespolitiquesontoptépourdes mesures comme le subventionnement de la consommation de produits alimentaires ou la restriction desexportationsdeproduitsalimentaireslocaux.

Bienquelavolatilitédesprixdesproduitsprimairesaitaussiaffectélesconsommateursdespaysindustrialisés,cesontlespréoccupationsrelativesàlasécuritésanitairedesalimentsetnonàlasécuritéalimentairequiontdominéledébatpublicdanscespays(Cheonget al.,2013).Eneffet,quandlesconsommateursdeviennentsuffisammentrichespournepasavoiràsesoucierdel’accèsdebaseàl’alimentation,ilscommencentàaccorderplusd’importanceàlaqualité des aliments. La crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) dans les années 1990, l’épidémied’Escherichia colien2011etlatransmissiondelagrippeaviaireparlebiaisducommercedesvolaillesaucoursdesdernièresdécenniesontsuscitédesinquiétudesausujetdelasécuritésanitairedesproduitsalimentairesimportés.Danscecontexte,lademanded’unrenforcementdelaréglementationsanitairedesalimentsaaugmenté,entraînantl’adoptiondenouvellesformesdemesuresnontarifaires(MNT)oudeprogrammesd’étiquetageprivés.

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LestravauxdeFoellmietOechslin(2010;2012)montrentque, si les marchés financiers sont caractérisés par desimperfections,lesinégalitéspeuventexclureducommercecertainespartiesdel’économie.Ilsmontrentenparticulierquel’ouverturecommercialepeutaccentuer lesécartsderevenusentrelespropriétairesd’entreprisesdanslesPMAcar,enraisondurétrécissementdesmargesbénéficiaires,il est difficile, voire impossible, pour ces entrepreneursd’accéder au crédit (Foellmi et Oechslin, 2010). S’il estnécessaired’investirdanslesnouvellestechnologiespourêtrecompétitifauniveaumondial,desmarchésfinanciersimparfaits risquent d’empêcher les petites et moyennesentreprises(PME)desPMAderéalisercesinvestissements(FoellmietOechslin,2012).Celadonneàpenserquedespolitiquesvisantàfaciliterl’accèsaucréditpermettraientàune plus grande partie de l’économie des PMA departiciperaucommerceetaugmenteraientainsi lesgainsretirésducommerce.26

DanslecadreproposéparFoellmietOechslin(2012), lefaitdeciblerlesentreprisesquiontrelativementmoinsdecontraintes de crédit, c’est‑à‑dire les plus grandesentreprisesparmicellesquiontdescontraintesdecrédit,procurerait probablement les avantages les plusimportants en termes d’accroissement du commerce.Dans ces conditions, les constatations de Foellmi etOechslin(2012)peuventéclairerutilementledébatsurlerenforcement de la réponse de l’offre aux réformescommerciales dans les pays en développement dans lecadredel’Aidepourlecommerce.

(c) Commerceetmarchédutravail:desproblèmesdifférentsàdifférentsstadesdedéveloppement

La question de savoir si et comment les inégalitésinfluencerontlesfluxcommerciauxfutursetlesavantageséconomiques en résultant et celle de savoir si lespréoccupations en matière d’emploi ou d’inégalitéinfluenceront les décisions futures des négociateurscommerciauxdépendentengrandepartiedelasituationdechaquepays.Commecelaaétéexpliquéplushaut,lePIB par habitant est encore très différent d’un pays àl’autre, et ces différences se traduiront par desdifférencesdanslesmodesdeconsommationnationaux.Elles détermineront aussi l’avantage comparatif, et donclarépartitionmondialedelaproduction.

Ce que l’avenir apportera dépendra beaucoup de laquestion de savoir si les pays en développement àcroissance rapide poursuivront leur rattrapage et si ceuxqui n’ont pas réussi leur rattrapage dans le passé ferontmieuxàl’avenir.Uneautrequestionseradesavoircommentlesactuelspaysàrevenuélevéferontfaceà l’émergencede nouveaux concurrents. On a beaucoup écrit sur lamanièredontlesdécideurspeuventinfluencerlatrajectoirede développement d’une économie.27 Les simulationsprésentées dans la section B.3 montrent comment lesdécisionspolitiquespeuventinfluencerlatrajectoirefuturedu commerce et de la croissance. La présente sectioncontribue à cette discussion en examinant comment lesproblèmesdumarchédutravailpeuventinteragiraveclesproblèmesdecroissancerencontréspardifférentspays.

Cette sous‑section examine en particulier trois stadesd’intégration dans les marchés mondiaux qui peuventdéterminer les difficultés auxquelles les différents paysseront confrontés sur leur marché du travail.Premièrement, de nombreux pays à faible revenu,notammentlesPMA,n’ontpasréussiàs’intégrerdanslesmarchés mondiaux et doivent trouver des moyens desurmonter les obstacles existants. Deuxièmement, avecl’augmentation du PIB par habitant et des salaires, uncertain nombre de pays à faible revenu et à revenuintermédiairequiontréussiàs’intégrerdanslesmarchésmondiauxcommeexportateursdeproduitsàbassalairespourraientsouhaiterpasseràlaproductiondeproduitsàplusfortevaleurajoutée.Troisièmement,aucoursdes20dernières années, les économies avancées ont dû fairefaceàl’arrivéedenouveauxconcurrents,cequiasouventcréédestensionssurlemarchédutravail.Silesnouveauxconcurrents réussissent à s’implanter dans de nouvellesniches de produits dans un avenir proche, de nouveauxajustements sur le marché du travail pourraient êtrenécessairesdanslemondeindustrialisé.

(i) Ne pas rester en arrière

Les économies en développement, notamment enAfrique, possèdent d’abondantes matières premières etsont devenues des fournisseurs mondiaux importantspour répondre à la forte demande qui résulte del’urbanisation et de l’industrialisation rapides d’autrespays en développement, comme la Chine et l’Inde. Uneamélioration des termes de l’échange due à cetteaugmentation de la demande entraînera‑t‑elle uneaugmentationdesrevenusdanslespaysexportateursdeproduitsdebase,notammentenAfriquesubsaharienne?Ou bien la dépendance à l’égard des exportations deproduitsdebasecreusera‑t‑elleencore le retarddecespaysparrapportàd’autresrégions,notammentl’Asie?

L’unedesconséquencesdelahausserécentedesprixdesproduitsdebaseestlaspécialisationaccruedenombreuxpays africains, y compris les PMA, dans l’exportation deproduitsdebase (voir la sectionB.2). Il estprobablequel’importance économique accrue de ces exportations estalléedepairavecuneaugmentationduPIBàcourtterme.Toutefois,lesfaitsmontrentqu’aucoursdutempslespaysqui s’enrichissent ont tendance à diversifier leursexportations (Cadot et al., 2011). Cela laisse penser qu’ilest justifié de mettre l’accent sur une plus grandediversificationéconomiquedanslespaysàfaiblerevenu.

Ledébatsurlesmoyensdefavoriserladiversificationpeutapporterdeséclairagesutilespour lesystèmecommercialmultilatéral,etnotammentpourlesactivitésderenforcementdescapacitésmenéesdanslecadredusystème.Brentonet al.(2009)soulignentdeuxpointsquipeuventêtrepertinentspour les décideurs soucieux de diversification.Premièrement,lespaysàfaiblerevenuconnaissentun«tauxde mortalité» des nouveaux produits exportés beaucoupplusélevéquelespaysàrevenuintermédiaireouàrevenuélevé.Celasignifieque lesentreprisesdecespaysontdumalàmainteniretàaccroître lesexportationsdeproduitspotentiellementviables.Parconséquent,ilseraitsouhaitableque les décideurs politiques se penchent sur les

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dysfonctionnementsdumarché,lesobstaclesinstitutionnelset les insuffisances des politiques qui empêchent ledéveloppement des nouvelles lignes de produits.Deuxièmement, les pays à faible revenu ne desserventgénéralement qu’une petite partie des marchés étrangerspotentielspour lesproduitsqu’ilsexportentdéjà. Ilpourraitdoncêtretrèsavantageuxquelesgouvernementsjouentunrôle proactif en aidant les exportateurs potentiels às’implanter sur lesmarchésétrangersouà s’intégrerdansles chaînes d’approvisionnement mondiales. Lederman et al. (2009)décriventlerôlequelesorganismesdepromotiondes exportations peuvent jouer dans ce contexte etsoulignent l’importance du cadre institutionnel de cesorganismespourleurréussite.

Tout effort pour accroître la diversification devra tenircompte d’une caractéristique importante du marché dutravail dans les PMA. En moyenne, l’emploi agricolereprésente 72% de l’emploi total dans ces pays, contreseulement 4% dans les économies à revenu élevé trèsdiversifiées.Parconséquent,touteffortdediversificationet d’intégration dans les marchés mondiauxs’accompagneraprobablementd’unemigrationdeszonesruralesversleszonesurbaines(Banquemondiale,2012).Les mesures destinées à faciliter l’intégration dans leszones urbaines pourraient consister, entre autres, àfournir des renseignements sur les possibilités delogementoud’emploi(Cheonget al. ,2013).Enraisondelatailledusecteuragricole,ilpourraitaussiêtrejudicieuxd’orienter au moins une partie des efforts vers lerenforcementdecertainesbranchesdecesecteurpoursuivre l’exempledecertainsPMAquiont réussiàentrersur des marchés de niche à forte valeur ajoutée avecleursexportationsagricoles.LesuccèsdesexportationsdefleurscoupéesduKenyaetceluidesexportationsdecaféduRwandasontparmilesexempleslesplusconnus.L’Aide pour le commerce peut jouer un rôle importantdanscecontexte,commel’expliquel’encadréD.2.

(ii) Rattraper le peloton de tête

Les chaînes d’approvisionnement mondiales ontaugmentéleséchangesentreleséconomiesdéveloppéeset en développement et ont suscité un regain d’intérêtpour le rôlede l’avantagecomparatif dans laproductioninternationale. Les pays exportent différents types de

pièces et de composants à différents stades de leurdéveloppement,lespaysendéveloppementexécutantlestâches à forte intensité de main‑d’œuvre peu qualifiée.Cesont leséconomiesavancées,oùsontexécutées lestâchesàforteintensitédecompétencesetdecapital,quicaptentlamajeurepartieducommerceenvaleurajoutée.Le commerce intragroupe, facilité par l’investissementdans lacréationdefilialesà l’étranger,prenddeplusenplusd’importancedanscecontexte.

Le transfert de technologie et de connaissances, facilitépar ce commerce et par l’IED, a permis aux pays endéveloppementd’avancerplusrapidementqueparlepassésur l’échelledesproduitsen termesd’intensitédecapitalet de qualité. Plusieurs économies émergentes ont bienréussiàtirerpartidecespossibilités(voirlessectionsC.2etC.3).EncequiconcernelaChine,onconstatedéjàdessignes d’approfondissement de la capacité de productionetdeprogressionsurl’échelledesproduits(Rodrik,2006;Hausmann et al., 2007). Le panier des produits exportéspar l’Inde est sophistiqué par rapport à son PIB parhabitant,quoiquemoinsqueceluidelaChine(Hausmannet al.,2007;TianetYu,2012).

LetableauD.2montrequelesdifficultésqueleséconomiesémergentes rencontrerontsur lemarchédu travaildanscecontextesonttrèsdifférentesd’unpaysàl’autre.Alorsquelarépartitionsectorielledel’emploienAfriqueduSudetdansla Fédération de Russie ressemble déjà à celle des paysindustrialisés,laChineetl’Indeemploientencorelamajoritédeleurpopulationactivedanslesecteuragricole.Cesdeuxpayspourrontdonccomptersuruneabondantemain‑d’œuvrebon marché et relativement peu qualifiée. Mais, s’ilsparviennentàréorienterleurproductionversunegammedeplushautetechnologieetdequalitésupérieure,lademanderelative de main‑d’œuvre qualifiée augmentera. Les deuxpays seront donc confrontés au double défi de devoirabsorberungrandnombredetravailleursrurauxrelativementpeuqualifiésdanslemarchédutravailetdeformerungrandnombre de travailleurs pour les préparer à la générationsuivanted’emploisdanslesecteurmanufacturieretdanslesecteur des services. Étant donné les structuresdémographiquesdivergentesdesdeuxpays,cedéfipourraitêtreplusredoutablepourl’IndequepourlaChine.

EncadréD.2: Accès à des marchés de niche en exportant des produits agricoles : le café rwandais

LeRwandaaune«stratégienationaleducafé».Lecaféspécialrwandaisremportedesconcoursinternationaux,estparmi les plus chers du monde et est recherché par Starbucks, Green Mountain Coffee, Intelligentsia et CounterCultureCoffee.Selondesdonnéespréliminaires,l’industrieducafécréedesemplois,permetauxpetitsproducteursde dépenser et de consommer davantage et favorise peut‑être même la réconciliation sociale en réduisant la«distanceethnique»entrelesHutusetlesTutsis,quitravaillentensembleàlacultureetaulavageducafé.

Commentcelaest‑ilarrivé?Premièrement,legouvernementrwandaisaréduitlesobstaclesaucommerceetlevélesrestrictions pesant sur les producteurs de café. Deuxièmement, le Rwanda a élaboré une stratégie axée sur laproductiondecafédehautequalité,produitdespécialitédontleprixrestestablemêmelorsqueleprixducafédequalité industrielle baisse. Troisièmement, des donateurs internationaux ont fourni des fonds, une assistancetechniqueetuneformationencréantdesprogrammescommeleprogrammedepartenariatsdurablespouraméliorerl’entreprise rurale et le développement de l’agro‑industrie (SPREAD) financé par l’USAID. Le prédécesseur deSPREAD a mis en place la première coopérative de café rwandaise à titre expérimental en 2001, et le projet sepoursuit,améliorantchacundesmaillonsdesnouvelleschaînesd’approvisionnementducaféàfortevaleur.

Source:EasterlyetFreschi,AidWatch,mai2010.

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(iii) S’adapter aux nouveaux concurrents

Avec lamontéeenpuissancedenouveauxgrandsacteursmondiaux(Brésil,ChineetInde,parexemple;voirlasectionB.2), les autres pays commerçants ont dû s’adapter à lanouvelledonnesurlesmarchésmondiaux.Lesimportationsdespaysdel’OCDEenprovenancedeChineontfortementaugmentéaucoursdes20dernièresannées,supplantantlaproductionlocaleetlesimportationsenprovenanced’autrespays.Parallèlement, l’accèsaumarchéchinoisaoffertdespossibilitésauxexportateursdel’OCDE.Ilenestrésultéunrepositionnementdenombreuxproducteursetexportateursparrapportauxmarchésmondiaux.

La plupart des pays de l’OCDE ont perdu des parts dumarché mondial au cours des 20 dernières années. Letableau D.3 donne des détails pour l’Allemagne, lesÉtats‑Unis et le Japon, qui étaient les trois principalespuissances exportatrices avant l’arrivée de la Chine. Lastructure de l’emploi a également changé pendant cettepériode, avec partout un déclin marqué de l’emploiindustriel.Si en2010celui‑ci représentait encoreplusduquart de l’emploi total en Allemagne et au Japon, il n’enreprésentait plus que 17% environ aux États‑Unis. Dansces trois pays de l’OCDE, le secteur des services amaintenant de loin la part la plus importante de l’emploitotal.Certainsobservateursjugentpréoccupantesl’ampleuretlarapiditédecechangement(voir,parexemple,Spence,2011), notamment en raison du rôle du secteurmanufacturier comme moteur de l’innovation. Pisano etShih (2012), par exemple, estiment que les activités deproduction et de recherche‑développement (R‑D) dans lesecteur manufacturier doivent avoir lieu au même endroit

ou dans des lieux voisins pour que la R‑D soit efficace.Selonleurargumentation,lespaysquiperdentleurbasedeproduction manufacturière risquent aussi de perdre leurcapacitéd’innovation(voirlasectionC.3).

Dans les économies avancées, l’emploi est de plus enplusconcentrédanslesecteurdesservices.Ilestrépartientre des sous‑secteurs où les qualifications et lessalaires sont élevés (finances, affaires juridiques, parexemple) et d’autres sous‑secteurs où les qualificationset les salaires sont faibles (vente au détail, hôtellerie etrestauration,construction,garded’enfants,parexemple).Ce deuxième groupe de sous‑secteurs est aussicaractérisésouventparunniveauélevéd’emploiinformel.

Pour savoir si la restructuration de l’emploi aboutit à unesituation meilleure ou pire, il faudrait comprendre quelstypesd’emploisdeservicesontcréés.Jusqu’àrécemment,lesétudesanalysantleschangementsdumarchédutravailconsécutifs à une réforme commerciale ne prenaient encomptequelesecteurmanufacturieretlaissaientdecôtélesecteur des services ou l’économie informelle. Ladisponibilité de nouveaux ensembles de données permetd’analyser les flux potentiels de main‑d’œuvre sortant dusecteur manufacturier. Ebenstein et al. (2009) constatentquelestravailleursquiquittentlesecteurmanufacturieràlasuite d’une réforme commerciale ou d’une délocalisationpourtravaillerdanslesecteurdesservicesvoientleursalairediminuerde6à22%.28Ilsepeutdoncquelacroissancedusecteur des services en termes d’emplois soit l’une descausesdel’augmentationdesinégalitésobservéedanslespaysindustrialisés,quiaétéanalyséeplushaut.

TableauD.2:évolution de la part de l’emploi par secteur, BRICS (pourcentage)

Part des exportations mondiales

Part dans l’emploi

Agriculture Industrie Services

Brésil1995 0,9 26,1 19,6 54,3

Brésil2009 1,2 17,0 22,1 60,7

Chine1995 2,9 52,2 23,0 24,8

Chine2008 8,9 34,6 27,2 33,2

Inde1994 0,6 61,9 15,7 22,4

Inde2010 1,5 51,1 22,4 26,5

FédérationdeRussie1995 1,6 15,7 34,0 50,0

FédérationdeRussie2008 2,9 8,6 28,9 62,4

AfriqueduSud2000 0,5 15,6 24,2 59,4

AfriqueduSud2009 0,5 5,7 25,7 68,6

Sources:BasededonnéesKILM(indicateursclésdumarchédutravail)duBITetOMC.

TableauD.3:évolution de la part de l’emploi par secteur, principaux exportateurs de l’OCDE (pourcentage)

Part des exportations mondiales

Part dans l’emploi

Agriculture Industrie Services

Allemagne1995 10,1 3,2 36,0 60,8

Allemagne2010 8,2 1,6 28,4 70,0

Japon1995 8,6 5,7 33,6 60,4

Japon2010 5,0 3,7 25,3 69,7

États‑Unis1995 11,3 2,9 24,3 72,8

États‑Unis2010 8,4 1,6 16,7 81,2

Sources:BasededonnéesKILM(indicateursclésdumarchédutravail)duBITetOMC.

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Lastructureactuelledel’emploidanslespaysindustrialisésdécouledel’apparitiondenouveauxacteurssurlesmarchésmondiaux. Comme cela a été dit plus haut, il est probablequeleséconomiesémergentestenterontd’avancerdanslachaînedevaleurpoursoutenirleurcroissance.SilaChineetéventuellement d’autres grandes économies émergentescomme le Brésil et l’Inde y parviennent, il se peut que leséconomiesindustrialiséessoientconfrontéesàunenouvellevagued’ajustementsmajeursdesmarchésdutravail.Onnepeut exclure que ces ajustements contribuent à unepolarisation accrue sur les marchés du travail, avec unecroissancedel’emploidanslesactivitéslesplusetlesmoinsqualifiées et une diminution de l’emploi dans les activitésmoyennementqualifiées.29Avecunecompétitivitéaccrueàtous les niveaux de qualification, il sera probablement deplus en plus important de mettre en concordance lespolitiquesd’éducationetdeformationaveclesstratégiesauniveaudesentreprises(voirl’encadréD.3).

(d) Conclusions

L’emploi figure au premier rang des préoccupations desresponsables politiques depuis quelques années, et ilpourrait y rester encore un certain temps. Les raisonsdiffèrent selon les pays. Certains ont besoin de trouverdesmoyensd’absorberunepopulationcroissantedanslemarché du travail ou d’absorber une population ruralenombreuse dans les activités formelles et urbaines.D’autres sont confrontésàdes tauxdechômageélevésdepuis lacriseéconomique récente. Il sembleyavoirenoutre un malaise croissant dans le monde face àl’aggravationdesinégalitésderevenus.Lapartderevenu

des 1% de personnes les plus riches a fortementaugmenté dans de nombreux pays depuis les années1990.Bienqu’il n’y ait pasdepreuveconcluanteque lecommercecontribuedemanièresignificativeàl’évolutiondu chômage ou des inégalités à long terme, lesperceptions du public font que celui‑ci n’apportera sonsoutien aux réformes que s’il voit qu’elles donnent debonsrésultatssurcesdeuxfronts.

Dans le débat public, la «mondialisation» a souvent étéassociéeà l’accroissement des inégalités observé au coursdesdernièresdécennies.Leschercheurssesontefforcésdedémêler les effets des différentes composantes de lamondialisationsurlarépartitiondesrevenusetdecomprendresi elles agissaient conjointement. Les données disponiblestendentàmontrerquelecommercen’aprobablementpaseud’impactsignificatifsurlesinégalitésparlavoieclassiquedudéplacement de la demande de facteurs de production.Toutefois, certains éléments donnent à penser que lecommercevadepairavecl’évolutiontechnologiqueetquelacombinaison des deux contribue à l’augmentation desinégalités. Selon des données récentes, les flux financiersmondiaux peuvent aussi jouer un rôle dans cetteaugmentation observée. Étant donné que l’IED, l’évolutiontechnologique et le commerce sont parmi les principauxmoteurs de la croissance, cela pourrait constituer unegageure pour les responsables politiques, qui doiventmaintenir la croissance tout en veillant à ce qu’elle soitéquilibréeentermesderépartitiondesrevenus.

Larelationentrelecommerceetl’emploiareçuunegrandeattentiondelapartdesresponsablespolitiquesaucoursdes

Encadré D.3: Pertinence des politiques d’éducation et de formation pour l’intégration dans les marchés mondiaux

Dans le monde d’aujourd’hui, très intégré et en mutation rapide, les qualifications à tous les niveaux de l’entreprisedeviennentabsolumentessentiellespourlesrésultatsetlacompétitivitémondiale.L’accèsàunemain‑d’œuvrequalifiéeaide lesentreprisesàentrersurdenouveauxmarchésétrangers,às’intégrerdans leschaînesd’approvisionnementmondiales,àsurvivreetprospérersur lemarché intérieuretàs’adapterà l’évolutiondesconditionssur lesmarchésmondiaux(voir,parexemple,Gregget al.,2012;Froyet al.,2012).

Les politiques en matière d’éducation et de formation professionnelle peuvent aussi contribuer aux deux objectifsexaminésdans laprésentesection: lacréationd’emplois (notammentpour les jeunes)et la réductiondes inégalités(parcequelespersonnesqualifiéess’adaptentgénéralementmieuxdansleséconomiesmodernesquecellesquisontpeuqualifiées).

L’undesmoyensdepréparerlesjeunesauxdéfisdeleurfuturenvironnementdetravailestdefaireensortequ’ilsaientdebonnesconnaissancesdebaseetqu’ilssoientcapablesdelesutiliserdansdescontextesdifférents(Almeidaet al.,2012;Woessmann,2011).Toutefois,lefaitdedonnerauxjeunesdesqualificationsquilesrendent«adaptables»neleursuffiraprobablementpaspourtrouverunemploi,notammentlorsqu’ilsarriventpourlapremièrefoissurlemarchédutravail.

Dans les processus d’embauche, les employeurs recherchent généralement des candidats ayant un ensemble dequalificationsspécifiquesauposteàpourvoir,ouausecteurousous‑secteurdanslequelopèrel’entreprise.Étantdonnéquelesdécisionsenmatièred’éducationetdeformationsontprisesbienlongtemps–souventdesannées–avantlemomentdel’entréesurlemarchédutravail,ilpeutyavoirdesproblèmesdedécalagedansletemps,c’est‑à‑diredescasdans lesquels lesdécisionsprisesaujourd’huienmatièred’éducationetde formationnecorrespondentpasauxqualificationsquiserontdemandéesdemain(voir,parexemple,Almeidaet al.,2012).

Pourlimiterceproblèmeetéviterl’inadaptationdesqualifications,ilseradeplusenplusimportantquelesgouvernementsrenforcentlesmécanismesd’anticipationdesqualificationsnécessairesdansl’économie.Àcettefin,ilsdevrontrenforcerlacollectededonnéessur lademandeactuelleetfuturedequalificationspar lesemployeursetfaireensortequecesrenseignementssoienttransmisauxétudiants.Celasupposeaussiquelesrenseignementstransmisdevraientinfluersurl’offre d’éducation et de formation. Les employeurs sont bien placés pour savoir quelles qualifications sont et serontdemandées,desortequeleurparticipationseraprobablementimportantepourquelespolitiquesenlamatièreréussissent.

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dernières années. Les données semblent indiquer quel’ouverture des échanges peut contribuer à la créationd’emplois.Mais,commeellevaaussidepairavec l’adoptiondenouvellestechnologiesetl’augmentationdelaproductivité,l’intégrationréussieentermesdecroissancedesexportationsn’entraînera pas nécessairement la création de nombreuxemplois, à moins que la réaction de l’offre soit importantedans les entreprises exportatrices et dans la chaîned’approvisionnementintérieurequilessoutient.

De façon plus générale, la mondialisation facilite ladiffusion des idées et des innovations, qui contribueprobablementàl’accélérationdel’évolutiontechnologique.Cette dernière oblige les entreprises et les travailleurs às’adapterconstammentàdenouvellestechnologies.Ceuxqui sont exposés à la concurrence sur les marchésmondiaux doivent aussi s’adapter en permanence àl’évolution de l’environnement concurrentiel, comme on apuleconstateraucoursdes20dernièresannées,quiontétémarquéesparl’émergencedenouveauxgrandsacteurssurlesmarchésmondiaux.

Pour réussir dans un monde de plus en plus intégré, lespaysdoiventavoirunegrandecapacitéd’adaptation.Celavautpourdenombreuxaspectsdel’économie,maissurtoutpour le marché du travail. La nature et l’ampleur desdifficultés liées au marché du travail diffèrent selon lespays. De nombreux pays à faible revenu qui ne sont pasencorebienintégrésdanslesmarchésmondiauxdevront,pour réussir leur intégration, procéder à une importanterestructuration économique, probablement en réorientantl’emploidel’agricultureversl’industrieetlesservices.

Plusieurs économies émergentes pourraient êtreconfrontéesaudoubledéfidedevoiremployerlesnombreuxtravailleursruraux,toutenévoluantversdesactivitésàplusfortevaleurajoutée.Pouryparvenir,ellesdevrontmaintenirleurs exportations dans plusieurs activités à faiblequalification, toutenaugmentant rapidement l’emploidansde nouvelles activités à plus forte valeur ajoutée. Si lacroissancedeséconomiesémergentessemaintientetsilepoids relatif des différents exportateurs continue dechanger, les marchés du travail des pays industrialiséspourraientrestersoumisàdespressionsàl’ajustement.

Les données d’enquête révèlent que, dans les paysindustrialisés comme dans les pays émergents, lesindividussontpréoccupésparleursperspectivesd’emploi,même s’ils ont une vision optimiste des perspectiveséconomiques de leur pays dans un monde globalisé.Comptetenudel’ampleurdecescraintesetdufaitqu’ellescoïncident souvent avec des inquiétudes au sujet deseffets de la mondialisation sur la répartition des revenus,les opinions négatives sur la mondialisation pourraientpersister,voireserenforcer. Ilserait trèsrisquéd’arriveràunpointoùladétériorationdesperceptionsconcernantlasécuritédel’emploietlarépartitiondesrevenusàl’intérieurdespayspousseraitlespaysàrecourirauprotectionnisme.

À court terme, les responsables politiques peuventrépondre à ces craintes en assurant une protectionsociale aux personnes touchées par le chômage.30 Àmoyen et long termes, il est probable que les politiquesd’éducation et de formation joueront un rôle importantdanstouslespays.L’accèsàunemain‑d’œuvrequalifiée

aidera lesentreprisesàentrersurdenouveauxmarchésetfaciliteral’adaptationdesentreprisesetdestravailleursà l’évolution des conditions du marché. Les politiquesd’éducation et de formation peuvent aussi aider àrépondre aux préoccupations en matière de répartition,les travailleurs qualifiés profitant plus facilement desnouvellespossibilitésquelestravailleurspeuqualifiés.

Parailleurs,despolitiquesactivesconcernant lemarchédu travail qui aident les travailleurs licenciés à retrouverun emploi peuvent aider à apaiser les craintes de perted’emploi.Lespolitiquesqui instaurentunenvironnementplus favorable aux entreprises peuvent contribuer à lacréation d’emplois. Les initiatives visant à renforcer lesmarchés financiers intérieurs peuvent êtreparticulièrement bénéfiques dans la mesure où ellesfacilitent les investissementsnécessairespouraméliorerla compétitivité des entreprises. Plus généralement, desinitiatives comme l’Aide pour le commerce, qui visent àrenforcer la réaction de l’offre dans les pays endéveloppement,peuventêtreutilesàcetégard.

2. Préoccupationsenvironnementales

L’ouvertureducommerceetlaprotectiondel’environnementsontdesélémentsclésdudéveloppementdurable.31Celaaétéreconnuilya20ansauSommetdelaTerredeRio,oùlacommunauté internationale a souligné l’importance de lacoopération «pour promouvoir un système économiqueinternational ouvert et favorable, propre à engendrer unecroissanceéconomiqueetundéveloppementdurabledanstous les pays, qui permettrait de mieux lutter contre lesproblèmes de dégradation de l’environnement».32 Quandl’OMCaétécrééequelquesannéesplustard,lesMembresdel’Organisationontaffirméleurengagementenfaveurdudéveloppementdurableetontdéclaréque laprotectiondel’environnement et l’utilisation durable des ressourcesmondiales étaient des objectifs essentiels du systèmecommercialmultilatéral.33

Un commerce ouvert et des politiques environnementalesappropriéesdevraientcontribueràunemeilleureutilisationdes ressources (PNUD, 2013). L’ouverture commercialepermet aux pays de se spécialiser dans les activitésproductivespourlesquellesilsontunavantagecomparatif;elle élargit en outre le marché pour les producteursnationauxquipeuventainsiréaliserdeséconomiesd’échelle.La politique environnementale a pour but d’accroîtrel’efficiencedusystèmeéconomiqueenfaisantensortequelescoûtsliésàlaproductionetàlaconsommation,ycomprisles coûts pour l’environnement, soient pleinement pris encomptedanslesdécisionséconomiques.

Au‑delà de ces points communs d’ordre général, lecommerce et l’environnement ont des interactionscomplexes, avec des liens multiples et des effets derétroaction mutuels. D’où la difficulté de gérer l’interfaceentre le commerce et l’environnement, y compris pourl’OMC.Àpartirdececonstat,laprésentesectionexaminelesprincipauxaspectsdelarelationentrelecommerceetl’environnementetmetenévidencelesdéfisquipourraientseprésenterdans l’avenir.Plusprécisément,elleexaminel’impact de l’ouverture des échanges sur l’environnement

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

242

et la question connexe de savoir comment le commercepeutêtre influencépar la façondont lepublicperçoitcetimpact. Elle examine ensuite les multiples interactionsentre la politique environnementale et le commerce, enprenantl’exemplededeuxtypesdepolitiquesrelativesauxchangements climatiques (les ajustements carbone auxfrontières et les mesures d’incitation en faveur desénergiesrenouvelables).L’analysemontreque,siellen’estpas gérée avec soin, l’interaction du commerce et del’environnement peut donner lieu à des tensionscommerciales et autres, qui peuvent compromettre lacontribution future de l’ouverture des échanges à lacroissanceéconomiqueetaudéveloppementdurable.

(a) Schémasdedégradationdel’environnement

L’environnement et l’économie sont deux systèmesinterdépendants. Au cours des dernières décennies, lacroissance a provoqué des changements et desproblèmesenvironnementauxdegrandeampleur(Dittrichet al. , 2012) (voir la figure D.9). Par exemple, plus de lamoitié des terres émergées de la planète ont étémodifiéesparl’activitéhumaine(HookeetMartín‑Duque,2012). La pression croissante sur la biodiversité aentraînéladisparitiondenombreusesespècessauvageset augmenté le risque d’extinction (Secrétariat de laConventionsurladiversitébiologique,2012).

La dégradation de l’environnement est un processuscomplexequipeutprendredesformesmultiples(lesquellesne s’excluent pas mutuellement), telles que la pollutionatmosphérique (pollution de l’air intérieur et extérieur,appauvrissement de l’ozone stratosphérique, changementclimatique), la pollution de l’eau (épuisement des nappes

souterraines,pollutiondeseauxdouces,pollutionmarine,disparition des récifs coralliens), la modification del’utilisation des sols (érosion, désertification, sécheresse,disparition de terres humides), la perte de diversitébiologique (extinction d’espèces, disparition d’habitatsnaturels, espèces envahissantes, surpêche) ou encore lapollution due aux produits chimiques et aux déchets(métaux lourds,polluantsorganiquespersistants,déchetsradioactifs) (Programme des Nations Unies pourl’environnement,2012).

La dégradation de l’environnement menace directementle développement économique à long terme (Dell et al. ,2012),lasécuriténationale(Matthew,2000)etlastabilitépolitique(O’Loughlinet al. ,2012).Desurcroît,lapollutiondel’environnementadiverseffetsnocifssurlasanté.Ilaétéestiméqueprèsd’unquartdesdécèsetdelachargemondialedemorbidité(jusqu’àuntierspour lesenfants)peuvent être attribués à des facteurs de risqueenvironnementaux (Organisation mondiale de la santé,1997;Prüss‑ÜstünetCorvalán,2006).

La théorie économique suggère que la dégradation del’environnement est le résultat de défaillances du marché,comme ladifficultédedéfinir,attribueret faire respecter lesdroitsdepropriétésur lesressourcesenvironnementales.Ladégradation de l’environnement est une externalité négativetypique qui se produit lorsque les producteurs ou lesconsommateursquiutilisentlesressourcesenvironnementalesetquipolluentnetiennentpascomptedeseffetsnéfastesdeleursactivitéssurlerestedelasociété,cequiengendredescoûtssociauxsupérieursauxcoûtsprivés.

Enfonctiondeleurportéeetdeleurampleur,lesproblèmesenvironnementaux peuvent être locaux, régionaux ou

FigureD.9:évolution de la production, du commerce et de la pollution, 1970-2008

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Indice Planète vivante Indice des émissions de SO2 Indice du PIB (en $EU constants de 2000)

Indice des émissions de CO2 Indice des émissions de NOx Indice du commerce des marchandises (en % du PIB)

Sources:Secrétariatdel’OMC,d’aprèsCentrecommunderecherchedelaCommissioneuropéenne(2011),WWF(2012)etBanquemondiale(2012c).

Note:Lesdonnéesontététransforméesenindices(annéederéférence1970).

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mondiaux (Ramanathan et Feng, 2009). Si l’activitépolluante et son impact sur l’environnement ont lieu aumêmeendroit,onconsidèreque lapollutionest locale.Onpeut citer comme exemples la pollution de l’eau, lesémissions de particules et la dégradation des sols. Lapollution est régionale si les effets de l’activité polluantetouchentune régionentière, voireplusieurs territoires (parexemple émissions de dioxyde de soufre (SO2) oucontamination de grands cours d’eau). La pollution estmondiale si l’activité polluante a des effets à l’échelleplanétaire (par exemple émissions de dioxyde de carbone(CO2)ousubstancesquiappauvrissent lacouched’ozone).Une pollution mondiale n’a pas nécessairement desconséquences homogènes; l’une des caractéristiques duchangementclimatiqueestprécisémentqu’ilaffecteratouslespays,maispasdelamêmefaçon.

L’impact des pays sur l’environnement étant très divers, ilest difficile de définir un ensemble unique d’indicateursenvironnementauxcomparablesdansletempsetentrelespays.Plusieursindicateursontétéélaborés,dontcertainsintègrent des variables économiques et sociales pourrendrecomptede ladurabilité.Outre lesdonnéessur lesémissions de CO2, de SO2 et d’oxyde d’azote (NOx),

34 etlesmesuresde la biodiversité,35 il existeplusieurs sériesd’indicateurs environnementaux généraux, tels que lesindices Adjusted Net Saving, Environmental Performance Index,Ecological Footprintet Environmental Impact.36

Une analyse descriptive de ces données indique quel’impact des pays sur l’environnement au niveau mondialest fortement hétérogène et asymétrique (voir la figureD.10).Lespaysdéveloppésetlespaysendéveloppementontun impactdifférent,mais ilspeuvent tous fairemieux

FigureD.10:Comparaison des indices de performance environnementale

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Sources:Secrétariatdel’OMCsurlabasedeBanquemondiale(2012c),YaleCenterforEnvironmentalLawandPolicyetCenterforInternationalEarthScienceInformationNetwork(2012),Boruckeetal.(2013)etBradshawetal.(2010).

Note:LelogarithmeduPIBparhabitant(en$EUconstantsde2000)aétéutilisépouratténuerl’asymétrie.

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

244

oumoinsbien.Parexemple,pourcequiestdesémissions,8 pays développés et 11 pays en développement37génèrentplusdetroisquartsdesémissionsmondialesdeCO2.Demême,17pays(dont13paysendéveloppement)38génèrentplusdetroisquartsdesémissionsmondialesdeSO2, tandis que 7 pays39 sont à l’origine de plus de lamoitiédesémissionsmondialesdeNOx.Ilsepeutquelesvariations importantes dans les classements reflètent enpartie des différences dans les méthodes et le champd’application des indices et des mesures, ainsi que lesproblèmesenvironnementauxdifférentsauxquelslespayssont confrontés. Plusieurs pays, développés et endéveloppement, sont atypiques (nettement au‑dessus ouen dessous de la moyenne) pour ce qui est de l’impactpositif ou négatif sur l’environnement, ce qui reflète larelation spécifique qui existe entre le développementéconomiqueetlaperformanceenvironnementale.

La «courbeenvironnementaledeKuznets»supposeunerelation en U inversé entre la dégradation del’environnement et la croissance économique: ladégradation de l’environnement augmente avec lacroissance économique lorsque le niveau de revenu parhabitant est faible, mais la situation s’améliore à termeau‑delà d’un certain seuil (Grossman et Krueger, 1993).Cetteévolutiondelapollutionetdurevenupeutêtreliéeà l’élasticité‑revenu de la demande de protection del’environnementdesconsommateurs,quiimpliquequelespolitiques de réduction de la pollution et la qualité del’environnement s’améliorent avec la hausse du revenu.Les éléments empiriques à l’appui de la courbeenvironnementale de Kuznets restent controversés, enpartieàcausedumanquededonnéesappropriéesetdeplusieursproblèmeséconométriques.Alorsquecertainesétudes mettent en évidence une relation en U inversépourcertainspolluants (parexempleémissionsdeSO2),d’autresproduisentdesrésultatsdivergents(parexempleémissionsdeCO2).

Des estimations empiriques effectuées récemment àl’aide d’ensembles de données plus représentatifs, dedonnées de meilleure qualité et de techniqueséconométriques plus appropriées donnent à penser quelaperformanceenvironnementaled’unpaysdépendnonseulementdesonniveaudedéveloppementéconomique,maisaussideplusieursfacteursliésaurevenu,ycomprisles institutions politiques, la bonne gouvernance et ladiffusion de l’innovation technologique. En ce quiconcerne le commerce, la principale question est desavoirdansquellemesurelaproduction,letransportetlaconsommation liés aux échanges commerciauxcontribuentàaugmenterlapressionsurl’environnement.Cettequestionestexaminéedanslasectionsuivante.

(b) Commerce,environnementetperceptionsdupublic

Commeonl’avu,lesfluxcommerciauxinternationauxontfortement augmenté au cours des trois dernièresdécennies, période qui a aussi été marquée par unedégradationimportantedel’environnement.Celaaamenéàs’interrogersurlacontributionpossibleducommerceàladégradationde l’environnement, cequiadonné lieuà

de nombreuses études pour déterminer si le commerceest bon ou mauvais pour l’environnement. La réponse àcette question a des implications importantes pourl’avenir du commerce international, reflétant la relationréciproque entre le commerce et l’environnement et lesmultiples effets de rétroaction entre ces deux systèmesinterconnectés. L’analyse qui suit illustre les problèmesque cette relation réciproque peut soulever du point devue des politiques, en examinant, d’une part, l’effet ducommercesurl’environnementet,d’autrepart,l’influencesur le commerce de la façon dont le public perçoit sesconséquencespourl’environnement.

(i) Quel est le lien entre le commerce et l’environnement ?

Les économistes ont examiné de quelle manière lecommerce affecte l’environnement en décomposantl’impactd’unchangementmarginalauniveauducommerceentrois«effets»:l’effetd’échelle,l’effetdecompositionetl’effet de technique (Grossman et Krueger, 1993).L’ampleur et, parfois, la direction des effets individuelsdépendentdescirconstancesparticulièresdechaquepayset doivent donc être déterminées de façon empirique. Lerésultat net des trois effets indique l’impact global del’ouverture du commerce sur l’environnement dans uneéconomiedonnée.Cecadred’analyseestutilisé ci‑aprèspour essayer de mettre en évidence les principaux«ressorts» de la relation entre le commerce et lesconditionsenvironnementales,premièreétapenécessairepourexaminerl’évolutionfuturedecetterelation.

Effet d’échelle

L’effet d’échelle désigne l’augmentation du niveaud’activitééconomiquedueà l’ouvertureducommerce,etson impact sur l’environnement. Sauf si la productiondevientpluspropreetmoinsintensiveenressources,etsiles consommateurs modifient leur comportement, parexemple en recyclant davantage leurs déchets,l’accroissementde laproduction,des transportsetde laconsommationassociéàl’ouvertureducommerceconduitàunedégradationdel’environnement.

La contribution des transports à l’effet d’échelle a reçuuneattentionconsidérable.Étantdonnéqu’ilsdépendentfortement du pétrole comme source d’énergie, cetteattention s’est portée en grande partie sur l’impact destransports sur le changement climatique. Bien quel’essentiel du commerce international se fasse par mer,modedetransportleplusefficiententermesd’émissionsdecarboneetquinereprésentequ’unepartminimedesémissionsmondialesdecarbone,ons’attendàcequelesactivités de transport liées au commerce augmententfortementaucoursdesprochainesdécennies, ainsi quelesémissionsgénéréesparlestransports.

Il a été estimé que les émissions imputables au transportmaritime international représentent environ 3% desémissionsmondialesdeCO2résultantde lacombustiondecombustibles fossiles (International Transport Forum,2010).40 La contribution des modes de transport plusintensifs en CO2 a été estimée à 1,4% des émissions

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mondialespourletransportaérienetà17%pourletransportroutier.Ceschiffressurestimentlacontributionducommercecar ils incluent lesémissionsgénéréespar letransportdespersonnes,enplusdutransportdesmarchandises.Enoutre,le chiffre pour le transport routier comprend à la fois letransportintérieuretletransportinternational.

En ce qui concerne les émissions liées au commerce(c’est‑à‑direlesémissionsrésultantdelaproductionetdutransport de marchandises entrant dans le commerceinternational), on estime que le transport représenteenviron un tiers des émissions mondiales de carbone(Cristea et al., 2011). Cette moyenne dissimule desdifférencesimportantesdanslacontributiondesdifférentssecteurs économiques et des différents pays auxémissionsgénéréespar les transports liésaucommerce.Parexemple lapartdecesémissionsdans lesémissionstotales dues aux exportations va de 14% pour l’Asie duSud à 55% pour l’Amérique du Nord (voir la figure D.11).Celas’expliquepar la fortedépendancedesexportationsnord‑américaines à l’égard des transports aérien etroutier.41S’agissantdessecteurséconomiques,lapartdesémissionsgénéréesparlestransportsdanslesémissionstotales liées aux exportations de produits agricoles, deproduits miniers et d’autres produits transportés en vracparvoiemaritimeestsouventinférieureà5%,contre75%pour lematérielde transport, lematérielélectronique, lesmachinesetcertainsproduitsmanufacturés.

Entre 2010 et 2050, les émissions de carbone dues autransport international de marchandises devraient êtremultipliées par 4 en dehors de l’OCDE et par 1,5 dans lazone OCDE, en supposant que la répartition modale resteconstante (International Transport Forum, 2012). Cesprojectionssoulignentl’importancedeseffortsmultilatérauxvisant à internaliser les coûts environnementaux dans les

prixdutransportinternationalaérienetmaritime,notammentaumoyendetaxesetd’autresmesuresaxéessurlemarché.

L’évolutionfuturedestendancesmisesenévidencedanslasection B.2 pourrait affecter les scénarios projetés desémissionsdeCO2généréesparlestransports.Parexemplel’importance croissante des accords commerciauxpréférentiels transrégionauxplutôtqu’intrarégionauxdevraitentraînerunemondialisationaccruedeséchangesimpliquantune réorientation vers des partenaires commerciaux pluslointains.Celapourraitfaireaugmenterlesémissionsdegazà effet de serre liées aux transports en rapport avec lecommerce,surtoutsicelas’accompagned’uneaugmentationdu transport aérien plutôt que du transport maritime. Ledéveloppement de chaînes d’approvisionnement régionalesplutôt que mondiales, comme on le voit en Asie (voir lasectionB.2(e),auraitl’effetinverse.

Effet de composition

L’effet de compositiondésigne les changementsdesprixrelatifs et des niveaux de pollution qui résultent del’ouverture du commerce. L’ouverture des échangesprovoquel’expansiondecertainssecteursetlacontractionde certains autres, en fonction de l’avantage comparatifd’un pays. En supposant que l’échelle de l’activitééconomique et les méthodes de production restentconstantes, l’ouverture commerciale réduit la pollutionintérieure si le secteur (d’exportation) en expansion estmoins polluant que le secteur (en concurrence avec lesimportations)quisecontracte.L’effetdecompositionvaàl’encontre de l’effet d’échelle dans les pays qui ont unavantagecomparatif dansdessecteurspropres,mais lesdeuxeffetsserenforcentmutuellementdans lespaysquiontunavantagecomparatifdansdessecteurspolluants.

FigureD.11:émissions générées par les transports résultant des exportations, 2004 (pourcentage)

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Source:Secrétariatdel’OMC,d’aprèsCristeaetal.(2011).

Note:L’«intensitédesémissionsgénéréesparlestransports»désignelapartdesémissionsgénéréesparlestransportsdanslesémissionstotalesrésultantdesexportations.Pourélargirlaperspective,lafigureindiqueaussilapartdesémissionsdechaquerégiondansletotaldesémissionsgénéréesparlestransports(«partdesémissionsgénéréesparlestransports»).

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

246

Qu’est‑cequidétermine la spécialisationd’unpaysdansuneproductionpropreoupolluante?Suivant l’hypothèsedite «de la dotation en facteurs de production», fondéesurlemodèleHeckscher‑Ohlin, l’ouvertureducommerceamène les pays (développés) riches en capital à sespécialiser dans des productions à forte intensité decapital(polluantes)tandisquelespaysendéveloppementsespécialisentdansdesproductionsàforteintensitédemain‑d’œuvre(propres).42

Une autre hypothèse, dite «hypothèse du refuge pourpollueurs», s’appuie sur l’idée que la politiqueenvironnementale est la principale source d’avantagecomparatif. Elle suppose que l’ouverture du commerceentraîne la relocalisation de la production très polluantedespaysoùlapolitiqueenvironnementaleeststricteversceux où elle est relativement souple (Taylor, 2005).43Cela implique que les pays en développement (dont onsuppose que la politique environnementale est moinsstricte que la moyenne) se spécialisent dans desproductions polluantes, tandis que les pays développéssespécialisentdansdesproductionsnonpolluantes.44Laquestion de savoir si l’hypothèse de la dotation enfacteurs l’emporte sur l’hypothèse du refuge pourpollueurs, ou l’inverse, dans une économie donnée, estunequestionempirique(voirlasectionD.2(c)).

Effet de technique

L’effetdetechniquedésignel’améliorationdesconditionsenvironnementales résultant de la modification desméthodesdeproductiondesbiensetdesservicesinduitepar le commerce.45 Il signifie que les entreprisesdeviennent moins polluantes du fait de l’ouverture ducommerce (voir l’encadré D.4). L’impact de l’effet detechnique sur l’environnement est toujours positif, maisriendans la littératuren’indiquequeceteffetseproduitnécessairement,ouqu’ilestsuffisammentimportantpourcompenser l’impact environnemental négatif de l’effetd’échelle (voire de l’effet de composition). Une raisonavancée pour expliquer cela est que, sans incitationsappropriées, les agents privés ne vont pas adopter lestechnologiesnécessairespouraméliorerlesméthodesde

production(Copeland,2012).Étantdonnélerôleclédelapolitique environnementale pour inciter à adopter denouvellestechnologies, ilsembleque l’ampleurde l’effetde technique dépend dans une large mesure del’existenceetdelamiseenœuvreadéquated’unebonnepolitiqueenvironnementale.

La littérature économique a identifié au moins deuxmoyens par lesquels le commerce peut améliorer lesméthodes de production. Premièrement, l’augmentationdurevenuparhabitantassociéeàl’ouverturecommercialepeutentraîneruneplusfortedemandedupublicpourunenvironnementpropre.Sileprocessuspolitiquen’estpas«capté» par les industries polluantes, ou compromisd’unemanièreoud’uneautre, lademanded’améliorationde la qualité de l’environnement devrait aboutir à unepolitique environnementale plus stricte incitant lesproducteurs à réduire l’intensité de pollution de leursactivités(NordströmetVaughan,1995).

Deuxièmement, l’élimination des droits de douane et desautres obstacles au commerce a tendance à accroître ladisponibilité et à réduire le coût des technologiesrespectueuses de l’environnement incorporées dans lesbiens d’équipement importés ou fondées sur lesconnaissances diffusées grâce aux mouvements depersonnel.Parexemple,d’aprèsuneétudecitéedansDutzet Sharma (2012), si les 18 pays en développement quiémettent le plus de gaz à effet de serre éliminaient lesobstaclestarifairesetnontarifairesvisant lesproduitsdelacatégoriedesénergiesrenouvelables,leursimportationsaugmenteraient de 63% pour les appareils d’éclairageefficaces, de23%pour laproductiond’énergieéolienne,de14%pourlaproductiond’énergiesolaireetdeprèsde5%pourlatechnologiedecombustionpropreducharbon.

Les avantages potentiels du commerce pourl’environnement soulignent l’importance cruciale despremières négociations jamais tenues à l’OMC sur lecommerce et l’environnement. Le mandat de cesnégociations prévoit «la réduction ou, selon qu’il seraapproprié, l’élimination des obstacles tarifaires et nontarifaires visant les biens et services environnementaux»

Encadré D.4: L’effet de technique dans un monde où le commerce est concentré parmi quelques entreprises mondiales

Commenousl’avonsvuàlasectionB.2(f),lesdonnéesempiriquesindiquentquelecommerceesttiréprincipalementpar quelques grandes entreprises transnationales. Kreickemeier et Richter (2012) ont étudié récemment lesimplicationsdecetteobservationpourl’impactenvironnementalducommerceàtraversl’effetdetechnique.

Les auteurs ont élaboré un modèle du commerce avec une concurrence monopolistique et des entrepriseshétérogènes, qui montre comment l’ouverture du commerce déplace la production des entreprises les moinsproductives (et lespluspolluantes), qui sontévincéesdumarchépar la concurrenceétrangèreaccrue, vers lesentreprises plus productives (et moins polluantes). L’augmentation de la productivité agrégée due à l’ouverturecommerciales’accompagned’uneréductiondelapollutionintérieureglobalesi l’intensitédepollutionspécifiqueauxentreprisesdiminuefortementàmesurequeleurproductivitéaugmente.

Le lien établi dans le modèle de Kreickemeier et Richter entre la productivité des entreprises et leur efficacitéenvironnementaleestétayéparcertainstravauxempiriques.Parexemple,Coleet al. (2008)utilisentdesdonnéesconcernant15industriesenChineentre1997et2003etconstatentqu’ilexisteunliennégatifentrelaproductivitétotaledesfacteursetlesémissionsdetroispolluantsatmosphériques.MazzantietZoboli(2009)mettentenévidenceunlienpositifentrelaproductivitédutravailetlaréductiondeplusieurstypesd’émissionsatmosphériquesenItalie.

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(OMC, 2001). Ces négociations pourraient permettre deréduireetd’abaisserlesobstaclesaucommercedesbienset services environnementaux, et d’améliorer ainsi lesconditionsd’accèsauxmarchésdanslemondeentierpourlesécotechnologiesplusefficaces,diversesetabordablesincorporéesdanscesbiensetservices(voirlasectionE.2).

Une question connexe est de savoir si l’investissementétranger direct (IED) peut avoir des «retombéesenvironnementales». Il a été avancé que les entreprisesmultinationales pourraient imposer des prescriptionsenvironnementales particulières à leurs filiales et à leursfournisseurs extérieurs au sein de la chaîned’approvisionnement (par exemple pour des raisons deréputation ou d’économies d’échelle), les amenant ainsi àadopterdestechnologiesrespectueusesdel’environnement(Albornoz et al., 2009). Le mouvement de travailleursqualifiésentredesentreprisesétrangèresetdesentreprisesnationalesaétéidentifiécommeunautremoyenparlequell’IEDpeutencouragerladiffusiondesconnaissancesetdestechnologiespermettantdepréserverl’environnement.

En somme, le cadre d’analyse des effets d’échelle decomposition et de technique a révélé au moins troiséléments de la relation entre le commerce etl’environnementquisemblentparticulièrement importants.Le premier est le rôle de la technologie pour minimiser,voirepourcompenser,l’impactnégatifsurl’environnementde l’effet d’échelle, et éventuellement de l’effet decomposition.Unepolitiqueenvironnementalebienconçueetconvenablementmiseenœuvreetunrégimecommercialouvertsontconsidéréscommedesconditionsessentiellespour faciliter l’adoption des nouvelles technologiesnécessairespouraméliorerlesméthodesdeproduction.

Ledeuxièmeélémentestletransportliéaucommerce,etsacontributionauxémissionsdegazàeffetdeserre.Laquestiondesavoirs’ils’agitd’unpointvitalpourlesystèmecommercialmultilatéraldépenddansunelargemesuredesrésultats des efforts coopératifs visant à internaliser lescoûts environnementaux dans les prix du transportinternational, et de l’évolution future de la portéegéographique des accords commerciaux préférentiels etdeschaînesd’approvisionnement,entreautresfacteurs.Letroisième élément est l’importance de la politiqueenvironnementale(parrapportauxfacteurs«traditionnels»,comme la dotation en capital et en main‑d’œuvre) pourdéterminer l’avantage comparatif des pays dans lesproductions polluantes ou propres. Il est difficile de tirerdes conclusions politiques appropriées sur ce point, enraison des divergences de vues dans l’analyse de larelationentrelecommerceetlapolitiqueenvironnementale(voirlasectionD.2(c)).

(ii) Quel est l’effet net du commerce sur l’environnement ?

À commencer par les travaux de Grossman et Krueger(1993), plusieurs études économétriques ont examinél’impactducommercesur l’environnement,principalementencherchantàévaluerempiriquement le résultatnetdeseffetsd’échelle,decompositionetdetechnique(Antweileret al.,2001;ColeetElliott,2003).L’ambiguïtédesrésultats

deces travauxpeutêtredueenpartieàdesdifférencesdans lescadresconceptuels, lessourcesdedonnées, lesindicateurs supplétifs, et les méthodes économétriquesutilisés. Ces études suggèrent en gros que la pollutiontotale peut augmenter ou diminuer selon que l’effet detechniquel’emporteounonsurl’effetd’échelle.Letypedepolluantfaitpartiedesfacteursqui influentsur lerésultatnet. Pour un polluant mondial comme le CO2, l’effetd’échelleatendanceàdominerleseffetsdetechniqueetde composition. Pour certains polluants locaux, l’effet detechniquesembledevoirl’emportersurl’effetd’échelle.Parailleurs, certaines études montrent que l’impact ducommerce sur l’environnement diffère en fonction duniveauderevenudespays(Managi,2012).

Étantdonnéquelecommercedissocielaproductionet laconsommation dans l’espace, certains travaux ontdéveloppédesconceptspermettantdedécrirecommentlecommercerépartitladégradationdel’environnemententrelespays.Cesétudessontessentiellementdescriptivesetn’établissent aucun lien de causalité entre le commerceinternational et la spécialisation dans les productionspolluantes. En raison du grand nombre de donnéesnécessaires pour pouvoir comparer les tableauxentrées‑sorties et les mesures de l’impact surl’environnement,cesétudesconsidèrentgénéralementunseul pays (Weber et Matthews, 2007; Jungbluth et al.,2011) ou un petit groupe de pays (Nakano et al., 2009).Plusieursd’entreellesévaluent l’impactducommercesurl’environnementpourlespolluantsatmosphériquescommeleCO2et leSO2(Antweiler,1996), tandisqued’autres lefontpourl’eau(HoekstraetHung,2005),pourl’utilisationdes terres (Hubacek et Giljum, 2003), pour les produitsdes industries extractives (biomasse, combustiblesfossiles,métaux,minéraux industrielsetminérauxpour laconstruction) (Bruckner et al., 2012), et pour la pressionsur la biodiversité (Lenzen et al., 2012). Aucune de cesétudes ne tient compte de l’énergie et des émissionsassociéesautransportinternationaldemarchandises.

Bienquelesdonnéesempiriquesindiquentquelaplupartdes pays développés ont augmenté leur impactenvironnemental lié à la consommation plus que leurimpactenvironnemental intérieur,cequifaitdespaysendéveloppementetdespaysémergentsdesexportateursnets d’impact environnemental incorporé, il n’y a pas deschéma unique pour ces impacts (Ghertner et Fripp,2007;PetersetHertwich,2008;Bruckneret al. ,2012;DouglasetNishioka,2012;Lenzenet al. ,2012;Peterset al. , 2012). En fait, plusieurs pays développés et pays endéveloppement semblent être exportateurs etimportateurs nets, respectivement. Comme on l’a vu,l’impact environnemental lié au commerce dépend denombreux facteurs, tels que la dotation en facteurs, lestechnologies de production, la balance commerciale,l’intensité énergétique et la spécialisation commerciale(Jakob et Marschinski, 2012). Les variablesinstitutionnellespeuventaussijouerunrôleimportant.

Les pressions sur l’environnement dues à l’augmentationrapide du poids des économies émergentes dans lecommerce international ont attiré une grande attention, etcelacontinueraprobablement.Dansl’avenir,ilseposeraune

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

248

questioncruciale,celledesavoirsil’effetd’échelleassociéàla croissance rapide du commerce des économiesémergentes s’accompagnera de modifications desméthodesdeproductionsusceptiblesde réduire l’intensitédepollutionet l’intensitéénergétiquede leurproductionetde leur commerce. Une autre question est de savoir dansquelle mesure l’IED dans les économies émergentes aurades retombées environnementales positives. Certainesétudes empiriques ont tenté d’analyser ces facteurs pourcertains pays. Par exemple, Dean et Lovely (2008) ontconstaté que la participation croissante de la Chine auxchaînesd’approvisionnementmondialesgénéraitdeseffetsde composition et de technique qui ont pu contribuer à laréductiondel’intensitédepollutiondesoncommerce.

(iii) Comment les préoccupations environnementales affectent‑elles le commerce ?

Faute de données empiriques robustes sur les effets ducommerce sur l’environnement, le grand public risque depercevoirceseffetsprincipalementà traversdesexemplesrestreints d’effets néfastes, qui suscitent des réactionsémotionnelles fortes et sont largement relayés par lesmédias.Onpeutalorscraindrequelaperceptiond’unimpactnégatif du commerce sur l’environnement ne vienneexacerberlesentimentprotectionnistecauséparl’incertitudeéconomiqueetparl’impressionquel’ouvertureducommercecontribueàl’augmentationduchômageetdesinégalitésderevenus dans les pays et entre eux (voir la section D.1(b)).L’analyse qui suit examine les données disponibles sur lafaçondontlepublicperçoitlesconséquencesducommercepourl’environnement,etsurlamanièredontcetteperceptionpeutinfluencerlapolitiquecommerciale.

Ondisposedepeudedonnéessurlafaçondontlesindividusperçoivent leseffetsenvironnementauxducommerce.Uneenquête sur les attitudes à l’égard de la mondialisationeffectuée en 2007 dans 18 économies (représentantenviron 56% de la population mondiale) a révélé desdifférences importantes entre les pays, la perception del’impactducommercesurl’environnementétantpluspositivedansleséconomiesouvertesquedansleséconomiesquilesontmoins (voir lafigureD.12).Desdifférencesentrepaysressortent également d’une enquête réalisée dans les27 États membres de l’Union européenne (Commissioneuropéenne, 2010). La part des personnes interrogées quiconsidèrentquelesdommagesenvironnementauxsontl’unedes principales conséquences négatives du commerceinternationalvade4%enBulgarieà42%enAutriche.Pourl’ensemble de l’UE, les dommages environnementauxarrivent bien après le chômage parmi les conséquencesnégativesperçuesducommerceinternational.

Relativement peu d’études ont examiné le lien entre lespréoccupationsenvironnementaleset l’attitudedupublicàl’égardducommerce.L’uned’elles(Bechtelet al.(2011))montre qu’en Suisse les personnes qui se disent trèssoucieusesdel’environnementontuneimagenégativedela mondialisation, sont favorables à l’utilisation demesures restrictives pour le commerce afin de protégerlesemploismenacésparlaconcurrencedesimportations,etprennentencomptedesfacteursautresqueleprixet

la qualité dans leurs décisions d’achat. Il faudrait menerd’autres recherches empiriques pour déterminer si cesrésultatss’appliquentpluslargement.

Dansdesétudesconnexes,deséconomistespolitiquesontétabli un lien entre la tendance croissante à inclure desdispositions sur l’environnement dans les accordscommerciauxrégionauxetlespréoccupationsdesindividusconcernant l’environnement.Plusprécisément,cesauteursestiment que certains pays comptent peut‑être sur cesdispositions pour rassurer les électeurs qui craignent leseffetsnégatifsducommercesurl’environnement(Bechtelet al., 2011). Cet argument semble particulièrement pertinentpouruntypededispositionenvironnementalefigurantdansun nombre croissant d’accords commerciaux régionaux, àsavoir l’engagement des parties de ne pas abaisser lesnormes environnementales dans le but d’obtenir unavantagecommercial oud’attirerdes investissements (voirl’encadré D.5). Ce renforcement institutionnel devraitconsolider les gains à la fois pour le commerce et pourl’environnement(voirlasectionC.6).

Les conclusions générales énoncées dans cettelittératurepeuventêtreapplicablesàd’autresaspectsdelapolitiquecommerciale, endehorsdesdispositions surl’environnementdesaccordscommerciauxrégionaux.Parexemplelaproliférationdesnormesprivéespourraitêtreconsidéréecommeunsignedel’influence,surlapolitiquecommerciale,despréoccupations relativesauxeffetsducommercesurl’environnement.

FigureD.12:Perception par le public de l’impact environnemental du commerce (pourcentagedepersonnessedisantd’accordavecl’affirmationénoncéesurl’axevertical)

0

10

0 40 60 80 120 140 160

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Ouverture du commerce (ratio du commerce au PIB - %)

50

70

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100

États-Unis

Argentine

Inde

Arménie Mexique

Corée, Rép. de

Ukraine

Thaïlande

Chine Pologne

Israël

France

Fédération de Russie

Source:Calculsdesauteurs,d’aprèsChicagoCouncilonGlobalAffairsetWorldPublicOpinion.org(2007).

Note:Legraphiqueindiquelapartdespersonnesinterrogéesquiontrépondu«bon»àlaquestion«Globalement,pensezvousquelecommerceestbonoumauvaispourl’environnement?»Cettepartestpondéréeparlapartdelapopulationayantrépondusoit«bon»soit«mauvais».

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EncadréD.5: Dispositions environnementales des accords commerciaux régionaux

Avant l’entrée en vigueur de l’Accord de libre‑échange nord‑américain (ALENA) en 1994, les dispositionsenvironnementales des accords commerciaux régionaux (ACR) avaient une portée relativement limitée.L’environnement était principalement mentionné dans le préambule des ACR et dans les règles relatives auxexceptionsgénérales,suivantl’approcheadoptéeauniveaumultilatéral.

Depuisl’ALENA,laportéedesdispositionsenvironnementalesdesACRaétéélargie.Surles194ACRnotifiésàl’OMC(jusqu’àlafinde2010),prèsde60%contiennentdesdispositionssurl’environnementautresquecellesdupréambuleoudesexceptionsgénérales.Parmi lesACRquicontiennentdesdispositionsplusvastesenmatièred’environnement,55%ontétéconclusentredespaysdéveloppésetdespaysendéveloppement,38%entredespaysendéveloppementet7%entredespaysdéveloppés.

FigureD.13:Dispositions environnementales des accords commerciaux régionaux

ACR comportant uniquementdes exceptions/droits

environnementaux, 75 [36%]

ACR comportant des dispositionsenvironnementales en plus des exceptions/droits, 131 [62%]

ACR comportant uniquement des exceptions/droits environnementaux et le préambule, 10 [8%]

ACR comportant des dispositionsenvironnementales en plus des exceptions/droits et du préambule, 121 [92%]

ACR comportant des dispositions environnementales mais pas d'exceptions/

droits environnementaux, 1 [0,5%]

ACR ne comportant aucunedisposition environnementale,

4 [2%]

Source:Secrétariatdel’OMC.

L’élargissement de la «dimension environnement» des ACR comprend notamment la décision d’inclure desengagementsconcernant leniveauet la rigueurdes loisetnormes intérieuresenmatièred’environnement.Surtous les ACR notifiés à l’OMC, 46 contiennent des dispositions de ce type. Ces dispositions prennent la formed’engagements de ne pas abaisser les normes environnementales pour attirer des investissements, de fairerespectereffectivementlesloisetnormesenvironnementalesetdereleverlesnormesoumêmedelesharmoniserentre lespartiesà l’ACR.Bienque lesdispositionsconcernant les loisetnormesenvironnementalessoientpluscourantes dans les ACR entre pays développés et pays en développement, plusieurs accords entre pays endéveloppementencontiennentaussi.

Lacoopérationdans ledomainede l’environnementestunautresujetsouvent traitédans lesACR.C’est lecasdansenviron70ACRnotifiés.L’approchedecettequestionvarieconsidérablement.CertainsACRénoncentdesprincipesgénéraux,tandisqued’autresidentifientdesquestionsoudessecteursspécifiquespourlacoopération.Lesdispositions relativesà la coopérationdans ledomainede l’environnementquifigurentdans lesACRentrepays développés et pays en développement sont généralement axées sur le renforcement des capacités et lerenforcementdelaconceptionetdelamiseenœuvredesloissurl’environnement,tandisquelesACRentrepaysendéveloppementsoulignentlanécessitéderemédierauxproblèmesenvironnementauxcommuns.

Les parties à des ACR établissent parfois des arrangements institutionnels visant spécifiquement à faciliter lamise en œuvre des dispositions environnementales de ces accords. Ces arrangements peuvent consister en lamise en place d’organes d’examen et de surveillance, de mécanismes de dialogue et de consultation ou deprocédures formelles de règlement des différends. De plus en plus, les ACR prévoient des possibilités departicipationdupublic(parexempleaccèsauxrenseignementsetauxdocuments,représentationdanslescomités,présentationdecommunicationssur lesquestionsd’application)dans lecadredesarrangementsconcernant lamiseenœuvredesdispositionsenvironnementales.

Les normes privées sont élaborées par des entités nongouvernementales, y compris des entreprises, desassociations professionnelles, des groupes deconsommateursetdesorganismesdenormalisation,pourrépondre à la demande croissante d’information sur lescaractéristiques environnementales et autres desproduits et des services de la part des consommateurs.

Lebutdecesnormesestde renforcer lesmarchésdesbiens et services dont les qualités écologiques sont«invisibles» pour les consommateurs. Certaines portentexclusivementsurdescritèresenvironnementaux(relatifsàunproduitouàlafaçondontilestproduit),maisd’autresintègrent des critères relatifs à la sécurité sanitaire desalimentsetdescritèressociaux.

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

250

Des normes privées ont été élaborées en rapport avecplusieurs indicateurs environnementaux, tels quel’empreinte carbone, les kilomètres alimentaires etl’utilisation d’eau cachée. Elles couvrent une gamme deproduits de plus en plus large, allant des produitsalimentaires et des appareils ménagers aux produitsforestiersetauxservicescommeletourisme.Cesnormessont «volontaires» (puisqu’elles sont établies par desentitésprivées),maisellespeuventavoirdesrépercussionsimportantessur lecommerce, cequiestparticulièrementpréoccupant pour les pays en développement (OMC,2012b).

En somme, on ne dispose pas de suffisamment dedonnées pour tirer une conclusion définitive surl’interaction futureentre,d’unepart, laperceptionpar lepublic des effets du commerce sur l’environnement et,d’autrepart,lapolitiquecommerciale.D’autresrecherchessontnécessairespourdéterminerdansquellemesurelesperceptionsnégativesdeceseffetssontrépanduesetsiellespeuventprovoqueruneréactionprotectionniste.

En attendant des résultats empiriques plus robustes, lesdonnées disponibles semblent indiquer que lespréoccupations des individus concernant le commerce etl’environnementexercentbienuneinfluencesurlapolitiquecommerciale,maiscelanevapasjusqu’auprotectionnisme.Par exemple, ces préoccupations s’expriment dans latendance croissante à inclure des dispositionsenvironnementales dans les accords commerciauxrégionaux; on peut aussi penser qu’elles contribuent enpartie à la prolifération des normes privées qui visent àrépondre à la demande croissante d’informations sur lescaractéristiquesenvironnementalesetautresdesproduitsetdesservicesdelapartdesconsommateurs.

(c) Politiqueenvironnementaleetcommerce

Unaspectessentiel de la relationentre le commerceetl’environnement est l’impact du second sur le premier àtraverslespolitiquesenvironnementales.Quandonparlede politiques environnementales «strictes», on suppose,dans l’analysequisuit,que larigueurde la législationvadepairavecuneapplicationtoutaussistricte.Enpratique,cen’estpastoujours lecascar,dansdenombreuxpays,la faible capacité institutionnelle empêche une mise enœuvreadéquate(PoelhekkeetPloeg,2012).

La relation entre la politique environnementale et lecommerceestprobablementàdoublesens.Autrementdit,les efforts faits pour remédier aux effets surl’environnementaumoyendepolitiquesenvironnementalespeuvent influencer la direction et la composition des fluxcommerciaux tandis que l’ouverture au commerce peutaffecter la volonté et la capacité des pouvoirs publicsd’adopterdespolitiquesenvironnementales.Cetterelationcomplexeetmultidirectionnellecréedesproblèmespourlesystème commercial multilatéral. Dans le contexte duprésent rapport, une question essentielle est de savoir sicesproblèmesvonts’intensifierdansl’avenir.L’analysequisuit aborde cette question en examinant deux types depolitiques liées au changement climatique. Étant donné

que les préoccupations relatives à la compétitivité sontomniprésentesdanslesdébatspolitiquesetthéoriquessurles effets des politiques environnementales et ducommerce,oncommenceraparexaminercettequestion.

(i) Conséquences de la politique environnementale pour la compétitivité

Pourévaluerl’impactdelapolitiqueenvironnementalesurlecommerce, ilestutiledereconnaîtred’abordque l’ampleurdecet impactvarieconsidérablementselonque lamesureenquestionviseà luttercontre lapollutiongénéréepar laconsommation ou par la production (Copeland, 2012). Eneffet, une mesure environnementale qui vise la pollutionrésultant de la consommation a normalement pour effetd’accroîtrelescoûtsàlafoispourlesproducteursnationauxet pour les producteurs étrangers. On peut citer commeexemple une prescription fixant un niveau minimald’efficacitéénergétiquepourlesappareilsélectroménagers.Si le coût du respect de cette prescription est plus élevépour les producteurs nationaux que pour les producteursétrangers, les importations d’appareils électroménagersaugmententetlaproductionnationalediminue.

En revanche, les mesures environnementales qui visent lapollution résultant de la production (par exemple unelimitationdesdéversementsd’eauxuséesdansleseauxdesurfaceparlesproducteursnationauxdeproduitschimiques)peuvent avoir un effet défavorable sur la compétitivité desproducteursnationauxenfaisantaugmenterleurscoûtsparrapport à ceux des producteurs étrangers. Cela peutentraînerunebaissede laproductionnationaledeproduitschimiques, ou désavantager les producteurs nationaux parrapportauxproducteursétrangers.

La plupart des études économiques supposent que lespolitiquesenvironnementales impliquentdescoûtspourdesentreprises et des secteurs particuliers (Pasurka, 2008).Néanmoins, certains observateurs ont fait valoir que cescoûts n’entraînent pas nécessairement des pertes decompétitivité pour les entreprises et secteurs affectés.46Porter et Linde (1995) postulent qu’une politiqueenvironnementalebienconçuepeutoffrirdes«compensationsen terme d’innovation» qui non seulement amélioreront laperformanceenvironnementale,maisaurontaussipoureffetdecompenserentoutoupartie lecoûtadditionneldecettepolitique.Lepostulat,appelé«hypothèsedePorter»,asuscitédenombreuxtravauxempiriques.D’aprèsAmbecet al.(2011),la version «faible» de l’hypothèse (une politique plus stricteentraîneplusd’innovation)estassezbiencorroboréeparlesdonnées,tandisquepourlaversion«forte»(unepolitiqueplusstricteaméliorelaperformancedesentreprises),lesdonnéesempiriquesnesontpasconcluantes.

L’évaluation des conséquences des politiquesenvironnementales pour compétitivité se heurte à denombreusesdifficultés,enpartieenraisondumanquededonnées sur le coût du respect de ces politiques. LesÉtats‑Unis ont publié des données pertinentes, quidonnent à penser que le coût direct du contrôle de lapollutionestrelativementfaible.En2005(dernièreannéepour laquelle des données sont disponibles), lesentreprisesaméricainesontdépenséprèsde21milliards

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dedollarsEUentantquecoûtsd’exploitationpourréduirela pollution. Pour la plupart des industries, ces coûtsreprésentent au plus 0,5% des recettes (voir la figureD.14). Cette proportion peut atteindre 1,1% pour lesindustriestrèspolluantes,commelesmétauxdebaseetlepapier.Encequiconcernelesdépensesd’équipementvisant à réduire la pollution, leur part dans le total desnouvelles dépenses d’équipements est généralementinférieure à 5%, sauf pour quelques industries trèspolluantes,commelepapier, lepétroleet lecharbon, lesproduits chimiqueset lesmétauxdebase.En2005, lesentreprisesaméricainesontconsacréenviron6milliardsdedollarsEUauxdépensesd’équipementvisantàréduirela pollution, ce qui représente un peu moins du tiers dumontanttotaldescoûtsd’exploitationliésàlaluttecontrelapollutionpourlamêmeannée.

Leséconomistesontcherchéàévaluerlesconséquencesde la politique environnementale pour la compétitivité envérifiant la validité dans la pratique de l’hypothèse «durefugepourpollueurs».Commeonl’avu,cettehypothèseprédit que l’ouverture du commerce (et des capitaux)entraîne la relocalisation de la production très polluantedespaysoù lapolitiqueenvironnementaleeststricteversceuxoùelleestplussouple.Bienquecettehypothèsesoitrelativementsimple,lesétudesempiriquesmenéespourlavérifierontdonnédesrésultatscontradictoires,cequitientenpartieà l’utilisationdecadresconceptuels,desources

de données, d’indicateurs supplétifs, et de méthodeséconométriques différents. Dans le prolongement deCopeland et Taylor (2004), des études récentes dans cedomaineontmontréquelesdifférencesdansledegréderigueur des politiques environnementales ont tendance àinfluer sur la répartition géographique de la productionpolluante, ce qui donne à penser qu’une politiqueenvironnementaleplusstricteaun«effetdissuasif»pourlaproductiondeproduitspolluants.Néanmoins,onn’apasdedonnées robustes indiquant que cet effet dissuasif est«suffisammentfortpourêtreleprincipaldéterminantdeladirectiondesfluxd’échangesoud’investissements».

Cerésultatgénéralsignifiequedeseffetsnégatifssurlacompétitivité peuvent être associés à une politiqueenvironnementaleplusstricte,pourcertainesentrepriseset certains secteurs, en fonction de leur intensité depollution et de leur mobilité géographique, entre autresfacteurs. Il se peut donc que les entreprises et lessecteurs concernés (et peut‑être d’autres aussi)invoquent des problèmes de compétitivité (réels ouperçus) pour faire pression contre les politiquesenvironnementales. Les pouvoirs publics peuvent réagirenincorporantdesélémentsrestrictifspourlecommercedans lespolitiquesenvironnementales(«protectionnismevert»)àlafoispouroffrirunecompensationauxsecteurstouchés et pour surmonter la résistance aux réformesenvironnementales.

FigureD.14:Coûts associés à la réduction de la pollution aux états-Unis, 2005 (pourcentage)

0 2,0 4,0 6,0 8,0 16,0

Mobilier

Matériel de transport

Matériel électrique

Informatiqueet électronique

Machines

Ouvrage en métaux

Métaux de base

Minerais non métalliques

Matières plastiqueset caoutchouc

Produits chimiques

Pétrole et charbon

Imprimerie

Papeterie

BoisCuirs et produits

connexesUsines de produits

textilesUsines textiles

Boissons et tabac

Transformation desproduits alimentairesToutes les industries

10,0 12,0 14,0

Coûts d'exploitation Dépenses d'équipement

Source:Calculsdesauteurs,d’aprèsBureaudurecensementdesÉtats‑Unis(2008).

Note:Coûtsd’exploitation–Coûtsliésàlaréductiondelapollutionenpourcentagedelavaleurdesexpéditions.Dépensesd’équipement–Dépensesliéesàlaréductiondelapollutionenpourcentagedesnouvellesdépensesd’équipement.

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

252

Il a été avancé que la fragmentation croissante duprocessus de production dans les chaînesd’approvisionnement mondiales (voir la section B.2(e))pourrait atténuer les préoccupations relatives à lacompétitivité liées à une politique environnementalestricte.Avecleschaînesd’approvisionnementmondiales,ilestpossiblederelocalisercertainespartiesduprocessusdeproductionenréponseàunepolitiqueenvironnementalenationalestricte.Utilisantunlargeéchantillond’entreprisesmanufacturières japonaises, Cole et al. (2011) constatentque ces entreprises externalisent la partie polluante deleur processus de production. Ils suggèrent que «lerenforcementdelaréglementationenvironnementalepeutaméliorer lasantéde lapopulation localesanscauser lespertes d’emplois massives associées à la relocalisationtotale ou à la fermeture que prédisent les groupes depressionindustriels».

Il n’en reste pas moins que les gouvernements peuventrecourir au protectionnisme vert en échange d’un soutienpolitique en faveur de politiques environnementales plusstrictes, ce qui pourrait compliquer les efforts futursd’ouverturecommerciale.Commeonleverradansl’analyseci‑après des conséquences de certaines politiquesenvironnementales pour le commerce, cela dépendrabeaucoup de la question de savoir si les préoccupationsrelatives à la compétitivité associées à la politiqueenvironnementale amènent les gouvernements à chercherdessolutionscoopérativesauxproblèmesenvironnementauxcommuns,aulieudesetournerversleprotectionnismevert.

(ii) Interaction entre les politiques environnementales et le commerce

Maîtriser la fuite de carbone

Certains des problèmes environnementaux les pluscompliqués et les plus litigieux ont une dimensionmondiale; c’est‑à‑dire qu’ils sont le fait de pays dont lesactivitéséconomiquespolluentouréduisentuneressourcecommune,audétrimentdetouslesautrespays.L’absencede solutions coopératives pour corriger ces effetstransfrontièresfaitqu’ilestplusdifficiledes’attaquerauxproblèmes environnementaux mondiaux et de gérerl’interface entre les politiques environnementales et lecommerce.Ladifficultéestparticulièrementévidentedansle domaine du changement climatique, où l’émergenced’une mosaïque de régimes régionaux, nationaux etinfranationaux peut faire craindre une perte decompétitivité pour certaines entreprises et certainssecteurs,ainsiqu’unrisquede«fuitedecarbone».Onparledefuitedecarbonelorsquelaréductiondesémissionsdegaz à effet de serre par un ensemble de pays (pays«contraints») est contrebalancée par l’augmentation desémissionsdans lespaysquineprennentpasdemesuresd’atténuation (pays «non contraints»). L’ouverture aucommerceet l’ouvertureà l’investissementsontdeuxdesfacteurspouvantcontribueràlafuitedecarbone.47

Pour le moment, on n’a pas de preuve robuste del’existenced’unefuitedecarbone,enpartieparcequelespolitiques de tarification du carbone sont relativementrécentes, et parce que les prix du carbone sont

relativementbas.Lalittératuredisponible,quis’appuieengrande partie sur des modèles d’équilibre généralcalculables, indiquent que globalement la fuite decarboneestmodeste.48Toutefois,si lesprixducarboneétaientélevés,lafuitedeviendraitrelativementimportantepourlessecteursénergivoresàforteintensitéd’émissionsquisontexposésaucommerceinternational.

Audébutdelamiseenœuvredessystèmesd’échangededroits d’émission, la plupart des gouvernements ontcherchéàdissiper lescraintes relativesà lacompétitivitéet à réduire le risque perçu de fuite de carbone enattribuant gratuitement des quotas d’émission auxparticipants.49 C’est ce qui a été fait par exemple enAustralie, dans l’Union européenne, en République deCoréeetenNouvelle‑Zélande.Unequestionclé,quiadesimplications pour l’avenir du commerce et du systèmecommercial multilatéral, est de savoir comment les paysgérerontlesmenacesperçuesdepertedecompétitivitéetdefuitedecarbonedurantlesétapesfuturesdelamiseenœuvrede leurssystèmesd’échangededroitsd’émission.Parmi les instruments pouvant être utilisés pour gérercette double menace, il y a les ajustements carbone auxfrontières,quiconsistentàélargirlatarificationducarboneauximportationsetquiontdoncreçuunegrandeattentionparmilesspécialistesdelapolitiquecommerciale.

Pour le moment, aucun pays disposant d’un systèmed’échange de droits d’émission n’a mis en place desajustements à la frontière, mais certaines propositionsont été examinées. La plupart sont axées sur lesimportations et prendraient la forme d’une taxe sur lesproduits importés ou d’une prescription imposant auximportateurs d’acheter des permis ou des droitsd’émission pour leurs importations. À l’exportation, lesajustements pourraient consister en une ristourne àl’exportationdestinéeàrembourserauxexportateursquiexpédient des produits vers des pays non contraints lecoûtdurespectdesprescriptionsenmatièred’émissions.

Bien que les ajustements à la frontière puissent êtrejustifiés comme mesure de second rang pour compléterlessystèmesdetarificationducarbone,siunaccordsurla tarification n’est pas trouvé au niveau mondial, leurmiseenœuvrepratiquepeutdonner lieuàdes tensionscommerciales. L’application d’ajustements fiscaux à lafrontière dans le cadre d’un système de tarification ducarbone soulève plusieurs difficultés pratiques, en plusde la difficulté de concevoir un mécanisme permettantd’ajuster le coût des quotas d’émission et de calculer lemontantappropriédel’ajustementàlafrontière(OMCetPNUE,2009).Lesprincipauxdéfissontliésàladifficultéd’évaluerlesémissionsparproduitetauxfluctuationsduprixducarbone(ouduprixdesquotas)danslecadred’unsystème d’échange de droits d’émission. Une difficultésupplémentairepeutsurgir lorsque lesproduits importéssontsoumisdanslepaysd’origineàd’autresrèglementsrelatifsauchangementclimatique,commedesrèglementstechniques,plutôtqu’àdesmécanismesagissantsur lesprix, comme des taxes. Le respect de certaines règles,commelesnormesderendementénergétique,peutaussientraîner des coûts (par exemple investissement dansdes techniques ayant un haut rendement énergétique)

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qu’il peutêtredifficiled’évalueret de transformerenunprixajustableouenune«actioncomparable».

Parailleurs,bienque lapossibilitéde réduire la fuitedecarbonesusciteungrandintérêtetquelespayspuissentavoir des raisons environnementales de recourir à desmesures commerciales pour l’empêcher, ces mesuresrisquent d’être utilisées pour manipuler les termes del’échangeetpourprotégerlesproducteursnationaux.Ce«doubleusage»possibledespolitiquesdeluttecontrelafuitedecarbonepourraitestomperladistinctionentrelespolitiques visant à poursuivre un objectif légitime (parexemple atténuer le changement climatique) et lespolitiques utilisées afin de soutenir des entreprises oudes industries nationales dont la compétitivité estmenacée. Cela montre à quel point il peut être difficile,danslapratique,dedistinguerlesmotivations«légitimes»des motivations protectionnistes des mesures de luttecontre la fuite de carbone, et de repérer les cas où cesmesurescréentdesobstaclesaucommerce.

Promouvoir les technologies propres

De plus en plus de gouvernements ont mis en place ouenvisagent de mettre en place des incitations en faveurdes technologies propres, en particulier des énergiesrenouvelables. Certaines de ces politiques (ditesd’«incitation par le marché») ont pour but de créer unedemandepourcestechnologies,tandisqued’autres(ditesde«volontarismetechnologique»)visentàaccroîtrel’offreou à encourager l’innovation. Les instruments d’incitationpar le marché les plus courants sont les systèmes dequotas,lestarifsd’achatgarantisetlesprimes,etunlargeéventail d’incitations fiscales. Les politiques devolontarisme technologique prennent généralement laforme d’un soutien à la recherche‑développement auxpremières étapes du processus d’innovation, et d’unsoutien au développement et à la fabrication de produitsaux étapes ultérieures, essentiellement au moyend’incitationsfinancièresetfiscales.50

Lesincitationsvisantàpromouvoirl’innovationetl’adoptionde technologies basées sur l’énergie renouvelable ont étéjustifiéespar lesobstaclesparticuliers rencontrésdanscedomaine, liés notamment à la structure du marché del’énergie,àl’infrastructure,àlacourbed’apprentissageetàl’incertitudedespolitiquesclimatiquesfutures(Popp,2012;Serreset al.,2010).Néanmoins,lesdonnéesempiriquessurl’efficacitédeces incitations restent assez limitées, cequitient en partie à la difficulté d’obtenir des donnéesconcernant certaines incitations adoptées récemment(Fischer et Preonas, 2010). D’après une étude sur le rôledes incitationsdans lapromotiondestechnologiesbaséessurl’énergierenouvelabledans35pays,pendantlapériode2000‑2005,seulsquelquespaysontappliquédespolitiquesqui ont permis d’accélérer le déploiement de cestechnologies pendant cette période (International EnergyAgency,2008).Plusieursautresétudessur l’efficacitédesincitationsenfaveurdesénergiesrenouvelablesportentsurunpetitnombred’instruments,cequi limite lespossibilitésde comparaison entre les différentes politiques possibles(parexempleKlaassenet al.,2005).Desurcroît,certainesdes études qui examinent l’expérience des incitations ont

tendanceàéviter laquestiondesavoirsi lesavantagesdeces politiques dépassent leurs coûts (par exemple Buen,2006).

Les motivations des incitations en faveur des énergiesrenouvelables vont bien au‑delà des préoccupationsstrictementenvironnementales.Lesgouvernementsplacentdeplusenpluscesincitationsdanslacatégoriepluslargedela«compétitivitéverte»,c’est‑à‑direqu’ilslesconsidèrentcommedesoutilspermettantnonseulementd’atteindredesobjectifs environnementaux (comme l’atténuation duchangementclimatique)maisaussidestimulerlacroissanceéconomique et la création d’emplois et de promouvoir lesexportations et la diversification. Par exemple, en 2007,l’Union européenne a mis en place des politiques visant àaccroître la part des énergies renouvelables dans laconsommation énergétique totale, afin de diversifierl’approvisionnement énergétique de l’UE et de créer denouvelles industries, des emplois, de la croissance et despossibilitésd’exportation(Commissioneuropéenne,2012).

LaRépubliquedeCoréeadésignéplusieurstechnologiesénergétiques comme «nouveaux moteurs de croissance»dans sa Stratégie nationale pour une croissancerespectueusedel’environnement.Ladécisiond’inclureunetechnologie dans la liste était fondée sur sa contributionpotentielle à la croissance économique et à la durabilitéenvironnementale, ainsi que sur son «importancestratégique»(OCDE,2010b).Les27technologieschoisiesbénéficient de dépenses publiques accrues pour larecherche‑développement. Dans sa feuille de routestratégique pour 2011‑2015 (appelée 12ème Planquinquennal), la Chine a accordé un soutien à plusieursindustries d’exportation stratégiques, comprenant lestechnologiesénergétiquespropresetlesvoiturespropres.

La prolifération rapide des incitations en faveur desénergies renouvelablesdans lespaysdéveloppéscommedanslespaysendéveloppementetlatendancecroissanteàassocier cesmesuresà lacompétitivité verteposedesproblèmes importantspour lagestionde l’interfaceentrele commerce et l’environnement. Bien que les effets desmesures d’incitation sur le commerce varient en fonctionde l’ampleur du soutien accordé et de la conception desmesures,ycomprislaquestiondesavoirsilarechercheoulesproduitssoutenussontprochesdustadedel’applicationcommerciale, certains types de politiques incitativespeuvent aider les entreprises nationales à prendre desparts de marché et des bénéfices à des concurrentsétrangersplusefficients,oupeuventaussiavoirdeseffetsde distorsion des échanges, si bien que l’on ne peut pasécarterlerisquede«détournement»delaréglementation(OMC,2012b).

L’imbrication des objectifs concernant l’environnement etla compétitivité verte pourrait rendre ces incitations plusvulnérablesàl’influencedepuissantsgroupesdepression,à la recherchederente.Celapourraitaussientraînerunemauvaiseconceptiondespolitiquesen raisondumanqued’informations pour parvenir à des objectifs multiples (etsouvent imprécis) (Banque mondiale, 2012b). Certainesdonnées justifient la crainte que des considérationsd’économie politique influent sur la conception des

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

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incitations en faveur des énergies renouvelables. Parexemple,Fischeret al.(2012)fontdessimulationspourlesecteur de l’électricité et constatent que l’ampleur desincitations observées en faveur des technologies baséessur l’énergie renouvelable dépasse, probablement debeaucoup,cequiseraitjustifiéparleseffetspositifsdelarecherche‑développement et de l’apprentissage par lapratique.Ce résultatest valablemêmeensupposantdesretombéesimportantesdansd’autresdomainesdufaitdel’apprentissagepar lapratique.D’autres travaux indiquentque certaines politiques en matière d’énergiesrenouvelablessontmotivées,entreautres,parlaprésencede groupes d’intérêts bien organisés plutôt que par desconsidérationsenvironnementales(LyonetYin,2010).

Un autre aspect préoccupant des incitations en faveurdes énergies renouvelables a trait à la décision decertains pays d’incorporer dans ces incitations desmesures restrictives pour le commerce, notamment desprescriptionsrelativesàlateneurenélémentslocaux.Parexemple,danslecadredecertainsprogrammesnationauxou infranationaux, la participation au système de tarifsd’achatgarantis(oul’accèsàdesavantagesadditionnels)est subordonnée à l’utilisation de composants d’originenationaledanslestechnologiesàénergierenouvelable.Ilse peut que ces prescriptions orientent la demandeadditionnelle d’intrants générée par les incitations enfaveur des énergies renouvelables vers les producteursnationaux, au détriment de producteurs étrangers plusefficients,cequifausseraitlecommerceinternational.

(d) Conclusions

L’ouverture du commerce et la protection del’environnementsontdesélémentsclésdudéveloppementdurable et les politiques dans ces deux domainesdevraient contribuer à une meilleure utilisation desressources. Il n’y a pas de conflit intrinsèque entrel’ouverturecommercialeetladurabilitéenvironnementaleet,dansbiendescas, lesmesuresquivisentàatteindrel’undecesobjectifscontribuentaussià laréalisationdel’autre.Celaaété reconnuaumomentde lacréationdel’OMCen1995,quandlesMembresdel’OMContaffirméquelecommerceetl’environnementpouvaientetdevaientse renforcer mutuellement, et que les politiquescommerciales devaient être menées conformément àl’objectif de développement durable, en vue à la fois deprotégeretpréserverl’environnement.

Le commerce et l’environnement interagissent de façoncomplexe,avecdemultipleseffetsenretourréciproques.Si elle n’est pas gérée avec soin, la relationmultidimensionnelle entre ces deux systèmesinterconnectés peut donner lieu à des tensions, quipeuventaffaiblirlacontributionpositiveducommerceàlacroissanceéconomiqueetaudéveloppementdurable.

L’augmentation considérable du commerce internationalau cours des trois dernières décennies, qui a coïncidéavec une période de transformations profondes et deproblèmes importants pour l’environnement, a attirél’attention sur l’effet d’échelle croissant du commerce.Cette attention s’est portée pour l’essentiel sur les

grandeséconomiesémergentes,dufaitdel’augmentationrapidede leurpoidsdans lecommerce international.Onmanque cependant de données empiriques concluantessur l’effet global, moyen ou net de l’ouverture ducommercesurl’environnement.

Pour l’avenir, il reste de nombreuses possibilités encoreinexploitées d’accroître les gains environnementauxdécoulant du commerce. Le commerce peut induire deschangementsdanslesméthodesdeproductionquipeuventcontrebalancersoneffetd’échelle.Toutefois,ceteffetditdetechnique peut dépendre de nombreuses conditions, ycomprisunrégimecommercialouvert,debonnespolitiquesenvironnementalesetdesolides institutions.Celasoulignel’importanceetl’urgencedestoutespremièresnégociationsmultilatérales sur le commerce et l’environnement, danslesquelles les Membres de l’OMC cherchent à réduire ouéliminer les obstacles au commerce des biens et servicesenvironnementaux.

Le transport, qui contribue aussi à l’effet d’échelle ducommerce, a également reçu uneplusgrande attention,principalementenraisondesacontributionauxémissionsdecarbone.Bienquel’essentielducommercereposesurletransportmaritime,modedetransport leplusefficienten termesd’émissionsdecarbone,ons’attendàcequeles transports liés au commerce augmentent fortementau cours des prochaines décennies, de même que lescoûts associés aux émissions qu’ils génèrent. Cesprojections pourraient être affectées par l’importancefuture des accords commerciaux préférentielstransrégionaux plutôt qu’intrarégionaux et par l’évolutiondes chaînes d’approvisionnement internationales. Il fautaussi tenir compte d’un autre facteur: le résultat desefforts multilatéraux visant à aligner les coûts privés etles coûts sociaux du transport international, notammentaumoyendemesuresaxéessur lemarchéqui intègrentlescoûtsenvironnementauxdanslesprixdestransportsaérienetmaritimeinternationaux.

En principe, les effets d’échelle du commerce pourraientjouerunrôleimportantdanslesperceptionsetlesattitudesdu public à l’égard du commerce, renforçant ainsi lesentimentprotectionniste.Toutefois,pourpouvoirtireruneconclusiondéfinitive sur la façondont lesperceptionsdupublic concernant l’environnement influent sur lecommerce, il fautmenerdenouvellesrecherches.Pour lemoment, les données disponibles semblent indiquer queles préoccupations des individus concernantl’environnementexercentbienuneinfluencesurlapolitiquecommerciale, mais pas dans le sens du protectionnisme.Par exemple, les préoccupations au sujet de l’impactenvironnemental du commerce se traduisent par unetendance croissante à inclure des dispositionsenvironnementales dans les accords commerciauxrégionaux,ouparlaproliférationdesnormesprivées.

Outre les effets d’échelle du commerce, les effets de lapolitiqueenvironnementalesur lacompétitivitésontparfoisperçus comme une entrave aux réformes. Il n’y a pas dedonnées empiriques robustes sur l’hypothèse dite «durefuge pour pollueurs». Cependant, les politiquesenvironnementalesontinévitablementuneincidencesurles

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modesdeproductionetdeconsommation,etpeuventdoncavoirdeseffetsnégatifssurlacompétitivitéd’entreprisesoudesecteursparticuliers,quipeuventdecefaitinvoquerdesproblèmes de compétitivité (réels ou perçus) pour fairepression contre les politiques environnementales. Lesgouvernements peuvent alors réagir en incorporant danscespolitiquesdesélémentsrestrictifspourlecommerce.

Pour tenter d’encourager la «compétitivité verte», lesgouvernementsontétédeplusenplusnombreuxàmettreen place des programmes d’incitations en faveur destechnologies vertes, axés sur les énergies renouvelables.Dupointdevueducommerceetdusystèmecommercialmultilatéral,lerisqueestquel’imbricationdesobjectifsenmatière d’environnement et de compétitivité verte rendeles incitations en faveur des énergies renouvelables plusvulnérablesàl’influencedepuissantsgroupesdepression.Celapeutaussiconduireàdespolitiquesmalconçuesenraisondumanqued’informationspourréaliserdesobjectifsmultiples(etsouventimprécis).Celapourraitaccentuerleseffets négatifs possibles sur le commerce de certainesmesures d’incitation et compromettre leur efficacitéenvironnementale.

Il est probable que les problèmes environnementauxmondiaux créeront des défis supplémentaires pour lecommerce et le système commercial multilatéral. Cela estparticulièrement évident dans le domaine du changementclimatique, où l’apparition d’une mosaïque de régimesrégionaux,nationauxetinfranationauxpeutfairecraindreuneperte de compétitivité pour les entreprises et les secteursénergivoresexposésaucommerce,avecunrisquede«fuitedecarbone».Bienquelesajustementsàlafrontièrepuissentêtre considérés comme une mesure de second rang pourempêcherceseffetsenl’absenced’accordsurlatarificationducarboneauniveaumondial, leurmiseenœuvrepratiquerisquededonnerlieuàdestensionscommerciales.Enoutre,ilsrisquentd’êtreutilisésplutôtpourmanipulerlestermesdel’échangeetprotégerlesproducteursnationaux.Le«doubleusage»possibledecesmesuressouligneladifficultépratiquequeposeladistinctionentrelesmotivations«légitimes»etlesmotivations protectionnistes pour ce qui est des mesures«antifuite», et l’identification des cas où elles créent desobstaclesaucommerce.

Lesdécisionsprisesindividuellementetcollectivementparles économies ouvertes pour gérer la relation entre lecommerce et l’environnement ont des implicationsimportantespour l’avenirducommerceinternationaletdel’OMC.L’évolution futurede cette relationdépendradansune large mesure de la réponse apportée par lesgouvernements aux préoccupations relatives à lacompétitivité et aux autres préoccupations liées auxpressions sur l’environnement et aux politiquesenvironnementales. Des efforts collectifs conduisant àl’adoption d’approches concertées pour faire face auxproblèmes environnementaux mondiaux pourraient limiterles conséquences négatives pour la compétitivité, etréduire ainsi le risque que des pays privilégient lespolitiques protectionnistes. Cela souligne l’importanced’unecoopérationmultilatéralerenforcée,àl’OMCetdansle cadre du régime de gouvernance environnementalemondiale.

3. Préoccupationsmacroéconomiquesetfinancières

Aussidéstabilisantsqu’ilspuissentêtreàcourtterme,leschocs macroéconomiques et financiers n’affectent lestendances à long terme que lorsque les facteurssous‑jacentsdelacroissancesontmodifiésnégativementet durablement, par exemple par de profondschangementsdansl’offredemain‑d’œuvreetdecapitaux.La crise financière de 2008‑2009 et sa relativeressemblanceaveclacrisede1929(unecrisefinancièreayant des effets mondiaux sur la production et lecommerce) rappellentque leschocsmacroéconomiqueset financiers peuvent avoir des effets importants etrécurrents, sinon durables, sur le commerce et lacroissanceàl’échellemondiale.

Deux phénomènes par lesquels les chocsmacroéconomiquesetfinanciersinfluentsurlecommerceinternational intéressent particulièrement l’OMC: leresserrement du crédit, qui réduit le financement dontdisposent les opérateurs commerciaux, et lesmodificationsdestauxdechange,quidétournentlesfluxcommerciaux et créent des tensions dans les relationscommerciales. Si les taux de change finissent pars’ajusteretsileresserrementducréditestgénéralementassociéà la«purge»desecteursfinancierssurendettés,celapeutquandmêmepesersurlatendanceetletauxdecroissanceducommercemondial.Cettesectionpasseenrevuelesproblèmesquelavariabilitéexcessivedestauxde change et le manque de financement du commerceposent pour l’expansion du commerce, et examinecomment ils peuvent contribuer à façonnerl’environnement macrofinancier qui influera sur lecommercedansl’avenir.

(a) Financementducommerce

Lefinancementestcequipermetd’»huiler»lesrouagesducommerce.Laplupartdestransactionscommercialessontfinancées par des crédits commerciaux à court terme –d’après le FMI‑BAFT (2009), 80% du financement ducommerceconsisteenfinancementsstructurés(lettresdecréditouengagementssimilairesutilisant lamarchandisecomme garantie) ou en liquidités sur compte ouvertfournies en contrepartie des créances clients.51 Enprincipe, si les risques commerciaux semblent plusimportants dans une transaction commercialeinternationale que dans une transaction commercialenationale (risque de non‑paiement, risque de perte oud’altérationdelamarchandisependantl’expédition,risquedechange),lefinancementducommerceestgénéralementconsidéré comme une forme de financementparticulièrementsûre,carilestassortidegarantiessolidesetreposesurdesopérationsdecréditdocumentées.

D’après le «registre des pertes et défauts de paiementliés au financement du commerce» de la Chambre decommerce internationale (CCI), le taux moyen de défautdepaiementsurlescréditsàcourttermedansledomainedu commerce international ne dépasse pas 0,2%, dont60% sont recouvrés (CCI, 2011). Bien que ce soit une

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opérationcourante,lefinancementducommerceestvitalpour les échanges. Jusqu’aux crises financières desannées 1990 et de 2008‑2009, le financement ducommerce était considéré comme allant de soi. Lespériodesdecriseontcréédesdistorsionssur lemarchédufinancementducommercequiont rendunécessairesdes interventions publiques. On trouvera ci‑après uneanalyse du lien entre le commerce et le financement ducommerceainsiquedesprincipauxfacteursdéterminantlestendancesenmatièredefinancementducommerce.

(i) Clarification du lien entre le commerce et le financement du commerce

Pendant la crise financière asiatique, des institutionscomme le FMI et l’OMC avaient révélé des éléments dedéfaillancedesmarchéspourexpliquerleresserrementducrédit commercial. Il s’agissait notamment descomportementsgrégaires,dudécalageentrelerisqueréeletlerisqueperçu,delaconcentrationdesmarchésetdelaconfusionentrelerisque‑paysetlerisquedecontrepartie(FMI, 2003; OMC, 2004b). Les études sur le rôle dufinancement du commerce se sont multipliées dans lecontexte de la crise financière de 2008‑2009 et duralentissementéconomiquequiasuivi,aumomentduquellecommercemondialadiminuéplusrapidementquelePIBréelparunfacteur12,chiffrebeaucoupplusélevéquelesprévisionsfourniesparlesmodèleshabituels.Commel’ontrésumé Eichengreen et O’Rourke (2012), «les causes decet effondrement du commerce ne sont pas encore biencomprises, bien que des recherches récentes aientcommencé à faire la lumière sur certaines d’entre elles»(voirBaldwin,2009;ChoretManova,2012).Si laplupartdesauteurss’accordentàdirequelachutedelademandea été largement responsable de la diminution des fluxcommerciaux, le débat a porté principalement sur le rôlepossible d’autres facteurs, comme les restrictions aucommerce, le manque de financement du commerce, laspécialisationverticaleetlacompositiondeséchanges.

Lestravauxempiriquessur lefinancementducommerceont été limités par l’absence de données détaillées,malgrél’existenced’informationsqualitativesfourniespardesenquêtessurlestendancesetlastructuredumarché(CCI, 2009; FMI‑BAFT, 2009). Des progrès ontcependantété faitss’agissantdemettreenévidenceunlien entre les conditions financières, les créditscommerciauxetlecommerceauniveaudesentreprises.

Parexemple,AmitietWeinstein(2011)ontétabliunliendecausalité entre les exportations des entreprises, leurcapacitéd’obtenirdescréditsetlasantédeleursbanques.À l’aidededonnées recueilliesauniveaudesentreprisesentre 1990 et 2010, ils montrent qu’environ 20% de labaisse des exportations du Japon pendant la crisefinancièrede2008‑2009sontimputablesaufinancementdu commerce. Les auteurs montrent aussi que lesexportateurs dépendent plus des crédits commerciaux etdes garanties que les producteurs nationaux, et que lesentreprisesquitravaillaientavecdesbanquesendifficultéontvu leursventesà l’étrangerchuterplusfortementquecellesdeleursconcurrents.Lesentreprisesmultinationalessemblentmoinstouchées,notammentparcequ’unegrande

partiedeleurcommerceestuncommerceintra‑entreprises,moins risqué. En outre, les multinationales peuventoptimiser le cycle production‑exportation, réduisant ainsilesbesoinsenfondsderoulement:plusl’intervalleentrelaproductionetlepaiementestcourt,moinslefinancementposeproblème.

Dans lemêmeesprit,Bricongneet al. (2012)ontconstatéque les secteurs largement tributaires du financementextérieur ont été les plus durement touchés par la crisefinancièreetqueleursexportationsontsubilabaisselaplusimportante.Àl’aidededonnéesmensuellesconcernantlesproduits et les destinations de différents exportateursfrançais,lesauteursontégalementconstatéquelespetitesetlesgrandesentreprisesavaientétéaffectéesdemanièreanalogue par la crise. À l’aide de données sur lesimportations des États‑Unis, Chor et Manova (2012) ontconstaté que les conditions du crédit étaient l’un desfacteurs par lesquels la crise avait entraîné l’effondrementducommerce.Lespaysdontlemarchéducréditétaitplustendu,commel’indiquaientleurstauxd’intérêtinterbancaires,ont moins exporté vers les États‑Unis pendant la crisefinancière.Ceteffetaétéparticulièrementmarquépourlessecteurs financièrement vulnérables. Ces secteurs, queChor et Manova (2012) définissent comme des secteursayant besoin d’un important financement extérieur, ont unaccès limité aux crédits commerciaux. L’accès a étéparticulièrement limité au plus fort de la crise financière.Toutefois, certaines études n’ont pas constaté que lefinancement du commerce avait joué un rôle significatifdans le «grandeffondrementducommerce» (parexempleParavisiniet al.,2011,etLevchenkoet al.,2010).

Au niveau macroéconomique, Korinek et al. (2010)constatent une forte relation statistique entre les créditscommerciaux à court terme assurés, utilisés commeindicateursupplétifdufinancementtotalducommerce,etles flux commerciaux. En étendant la même série dedonnées à un cycle commercial entier (2005‑2012), onconstatequecette fortecorrélationestconfirmée(voir lafigureD.15).

(ii) Principales causes de l’évolution récente des marchés du financement du commerce

Aversion au risque et défaillances du marché lors des récentes crises financières

Comme il est indiqué plus haut, le financement ducommerce est l’une des activités financières les plussûres, avec un faible taux de défaut de paiement.Toutefois, en tant qu’activité de prêt à court terme, ildépend fortement du refinancement sur le marchéinterbancairepour les fondsengrosàcourt terme.Lorsde la crise financière de 2009 et de la crise financièreasiatique de 1997‑1999, la raréfaction globale desliquidités sur les marchés interbancaires a eu uneincidencesurl’offredecréditscommerciauxpareffetdecontagion:nonseulementlesliquiditésnesuffisaientpasàfinancertouteslesdemandesdeprêts,maislescréditscommerciaux étaient également affectés par laréévaluation générale du risque lié à la détérioration del’activitééconomiquemondiale.

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Àl’automne2008,notammentaumomentoùlesbanquescentralesontinjectémassivementdesliquidités,leG‑20aexaminésiunensembledemesuresspécifiquesàlacarteétaitnécessairepourremédieraumanquedefinancementdu commerce. Le problème était double. Premièrement,unegrandepartiedesliquiditésadditionnellesfourniesparlesbanquescentralesn’apasététransforméeennouveauxprêts. Par conséquent, ces liquidités n’ont pas servi àfinancer de «nouvelles» transactions commerciales.Deuxièmement, l’injection de liquidités par les banquescentralesn’apasrésoluleproblèmecroissantdel’aversionaurisquequandlacrises’estpropagée.

Laperceptiondurisquedenon‑paiements’estaccruedefaçon disproportionnée par rapport au niveau de risqueeffectif,cequis’esttraduitparuneforteaugmentationdelademanded’assurancesoudegarantiespourlescréditscommerciaux à court terme par les opérateurscommerciaux. Le G‑20 a réagi en s’engageant à fournirune plus grande «capacité» par l’intermédiaire desorganismes de crédit à l’exportation. On s’est alorsdemandésilesmesuresprévuesparleG‑20comportaientunélémentderisquemoral,c’est‑à‑diresicesassurancespouvaiententraînerdesdécisionsdeprêtimprudentes.

Lacrisefinancièrede2008‑2009arévélédenombreusesdéfaillancesdumarché,àcommencerparl’incapacitédesagencesdenotationetdetouslesautresmécanismesdesurveillancedumarchédedétecterlespremierssignesdedétérioration de la santé générale des banques, enparticulier lamultiplicationdesopérationshorsbilanet ladétérioration consécutive de leurs profils de risque. Uneautre défaillance était l’absence de «courbed’apprentissage» adéquate pour mieux distinguer lessegments«malades»dessegments«sains»dumarché.

Lorsque le Sommet du G‑20 s’est tenu à Londres enavril 2009, des enquêtes réalisées par la Commission

bancaire de la Chambre de commerce internationale(CCI)etparlaBankers’AssociationforFinanceandTrade(BAFT)sur les tendancesdumarchédufinancementducommerce (CCI, 2009; FMI‑BAFT, 2009) avaientconfirmé la fortedétériorationdesmarchés (volumesenbaisse, prix en hausse) et révélé des pénuries danscertaines régions.52 Cela a amené le G‑20 à allouer250 milliards de dollars EU pour le financement ducommerce sur deux ans (Auboin, 2009; Chauffour etMalouche,2011).

LeplanduG‑20apermisdesoutenirtemporairementlefinancement du commerce sans provoquer dedéplacement à long terme de l’activité des marchésprivés.Ilconsistaitenunecombinaisond’instrumentsquipermettaient d’accroître le cofinancement et le partagedes risques par les banques et les institutionsinternationales et nationales bénéficiant d’un soutienpublic.LegroupedetravailétabliparleG‑20poursuivrelamiseenœuvreduplanaconstatéqu’auboutd’unanlapartdufinancementutiliséétaitd’environ150milliardsdedollarsEU.

Problèmes propres aux pays à faible revenu

Les problèmes rencontrés par les opérateurscommerciauxdespaysàfaiblerevenupouraccéderàunfinancement du commerce à un coût abordable sontlargementstructurelsetsesontaggravésdepuislacrise.Parexemple,uneenquêterécenteduCentrenéerlandaisde promotion des importations en provenance des paysen développement (CBI) a révélé que la plupart despetites et moyennes entreprises (PME) exportatricesd’Afrique considèrent que le coût du financement ducommerce a augmenté au cours des trois dernièresannéesetque l’accèsàcefinancementestdevenuplusdifficile(CBI,2013).

FigureD.15:Relation entre les importations et les crédits commerciaux assurés, 2005-2012 (millionsde$EU;moyennedetouslespays)

Importations réelles Crédits commerciaux assurés

0

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20 000

30 000

40 000

50 000

60 000

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Source:AuboinetEngemann(2012).

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

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LesPMEdespaysendéveloppementsontgénéralementconfrontées à une série de contraintes «structurelles».Celles‑ci vont du manque de savoir‑faire des banqueslocalesàunmanquedeconfiance, lesnégociantsétantobligés de fournir des garanties très importantes et depayerdescommissionsélevéespourobtenirdescréditscommerciaux,bienqueletauxdedéfautdepaiementnesoit pas beaucoup plus élevé dans les pays à faiblerevenuqu’ailleursdanslemonde.

Les banques multilatérales de développement ontdéveloppéunensembledeprogrammesdefacilitationdufinancement du commerce visant à soutenir lestransactions commerciales sur le «segment bas» dumarchédefinancementducommerce(transactionsallantde quelques milliers à quelques millions de dollars aumaximum). Ces programmes offrent des capacitésd’atténuation des risques (garanties) aux banquesémettricesetauxbanquesconfirmatricespourpermettre,enparticulier, l’endossement rapidedes lettresdecrédit– instrument largement utilisé pour financer lestransactions commerciales entre acteurs de pays endéveloppement et entre pays en développement et paysdéveloppés.Aumilieude lacrisefinancière,à l’automne2008, avec l’appui de l’OMC et du G‑20, les limites degarantie de ces programmes ont été relevées afin desoutenir les transactionscommerciales sur cesmarchéset de réduire l’»écart structurel» entre les niveaux derisqueréeletperçu.Cesprogrammesfonttoujoursl’objetd’unefortedemande.

Prescriptions réglementaires contraignantes

L’expansion du commerce mondial dépend dufonctionnementstableetprévisibledusystèmefinancier.Parconséquent,lerenforcementdesrèglesprudentiellesest bénéfique pour le système financier comme pour lecommerce mondial. Dans une lettre conjointe adresséeauxdirigeantsduG‑20réunisàSéoulennovembre2010,le Président de la Banque mondiale et le Directeurgénéral de l’OMC ont soulevé la question desconséquences imprévues que pourraient avoir lesnouvelles règles prudentielles mondiales (ce qu’il estconvenu d’appeler les cadres de Bâle II et III) sur ladisponibilitédufinancementducommercedans lespaysàfaiblerevenu.

Alors que le financement du commerce bénéficiait d’untraitement réglementaire préférentiel dans le cadre deBâle Icar ils’agitd’unfinancementsûr,essentiellementàcourtterme,lamiseenœuvredecertainesdispositionsdeBâle II s’est révélée difficile pour le commerce. Bâle III aajoutéàcesprescriptionsunetaxesurleslettresdecrédit.La lettre faisait observer que, étant donné l’importancesystémique du financement du commerce pour lecommerce et le développement, l’application deprescriptions réglementaires trop strictes risquait deréduire les incitationsdusecteurfinancieràparticiperaufinancement du commerce (par rapport à d’autrescatégoriesd’actifs).

Enconséquence,cesquestionsontétéexaminéesparleGroupedel’élaborationdespolitiquesduComitédeBâle

surlecontrôlebancaireetparlesinstitutionsconcernéespar le financement du commerce, notamment l’OMC, laBanque mondiale et la CCI. Sur la base de propositionsformuléesparl’OMCetlaBanquemondiale,leComitédeBâle a décidé, en octobre 2011, de lever l’obligation decapitaliserleslettresdecréditàcourttermependantuneannéeentière, l’échéancemoyenneétantcompriseentre90 et 115 jours. Cette mesure peut débloquer descentainesdemillionsdedollarsEUpour lefinancementd’autres transactions commerciales. En janvier 2013, leComité de Bâle a également décidé de modifier lesprescriptions en matière de liquidités pour les prêts àcourtterme,enparticulierceuxqu’utilisentlesnégociantsdespaysendéveloppement.

(iii) Défis du financement du commerce dans un contexte de désendettement

Unequestionessentielleexaminéedanscettesectionestcelledesavoirsi laréductiondel’importancedusecteurfinancier dans son ensemble pourrait entraîner uneréduction de l’offre de financement du commerce et,partant,entraverl’expansionducommercedansl’avenir.

Le rapport annuel 2012 de la Banque des règlementsinternationaux(BRI) indiqueque lessecteursbancairesen Europe et aux États‑Unis traversent actuellementune période d’assainissement des bilans des banques,qui pourrait permettre un «redimensionnementsouhaitable du secteur bancaire à long terme» (BRI,2012). Il pourraiten résulterdesconditions financièresplus soutenables et plus saines dans l’économiemondiale. Étant donné que l’expansion du secteurfinanciermondialdanslesannées2000(mesuréeparlapartdusecteurdanslePIBouleratioducrédittotalaurevenu) avait été encouragée par l’endettement et laprise de risques excessifs de la part des banques, unepériode de modération du crédit et de rendements ducapital plus réalistes procurerait des avantageséconomiques substantiels, notamment grâce à despolitiquesdeprêtplusprudentes,uneréductionduratiodette‑revenuetunretouràlarépartitionplushabituelledesressourcesencapital,quiseraientmoinsdétournéesdesautressecteurspardesrendementsartificiellementélevésdanslesecteurfinancier.

Toutefois,quandellessontdéclenchéespar l’éclatementde bulles d’actifs (actifs immobiliers ou financiers), lescrises financières peuvent entraîner des correctionsimportantes et durables dans le secteur financier, avecdes effets à long terme sur l’économie. Leredimensionnementdusecteurpeutêtreunprocessusdelongue haleine, qui peut aussi avoir des conséquencesmacro et microéconomiques négatives. La figure D.16montre que, après le resserrement du crédit de2008‑2009,lacroissanceannuelledescréancessurlessecteursnonfinanciersestrestéegénéralementnégativede2010audébutde2012pourlazoneeuroetpourleséconomies avancées en général, c’est‑à‑dire que lesbanques prêtaient moins à l’économie réelle. Seules lesbanques des pays émergents ont augmenté leurs prêtspendantcettepériode.

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Au niveau macroéconomique, les crises financièrespeuvent avoir plusieurs répercussions négatives. Lesbanques peuvent réduire l’offre de crédits aux agentséconomiques pour limiter, ou même réduire, le volumedeleursactifsafinderespecterlesratiosprudentiels.53Il peut alors être nécessaire de passer par pertes etprofitslesactifssurévaluésoudelesvendreàperte,cequi réduit la rentabilité des banques.54 En outre, ladiminution de la rentabilité des actifs bancaires,conjuguée à la réduction des nouveaux prêts, peutentraîner une contraction du taux d’investissementglobalde l’économie, tantpour lesecteur financierquepour l’économie dans son ensemble (du fait de laréduction des prêts). Si l’accumulation de capital étaitentravée pendant un certain temps, la productionpotentielleseraitréduite.

Selon le mécanisme de déflation par la dette d’IrvingFischer, les crises financières entraînent généralementuneffondrementducréditetunebaissedesprix,doncune déflation (Fisher, 1933). Les ratios d’endettementélevés et la déflation causent généralement desdépressions car la charge de la dette devient encorepluslourdeentermesréels.Commel’aditFisher(1933),«chaque dollar de dette restant impayé devient plusgrand, et si le surendettement initial est suffisammentimportant,laliquidationdesdettesnepeutpassuivrelabaissedesprixqu’elleprovoque».

Pendant la récente crise financière, les ratiosd’endettement et de levier élevés ont été les principauxsujets de discussion, la déflation étant moins souventévoquée. La figure D.17 montre que l’augmentationannuelle des prix à la consommation a fléchi pendantcette période, mais n’est devenue négative qu’en 2009pour lesÉtats‑Uniset laChine, tandisqu’elleest restéepositive pour l’Europe. En 2010 et 2011, les prix à laconsommationauxÉtats‑Unis,enChineetenEuropeont

denouveauaugmenté.Lesbanquescentralesont fourniaux banques les liquidités nécessaires pour sedésendetter.Toutefois, leproblèmeinhérentauxlonguespériodesdedésendettementn’estpasnécessairementladéflation mais une mauvaise répartition des ressources.Les nouveaux prêts sont supplantés par les anciens, cequipeutmeneràunelonguepériodederesserrementducrédit,puisàlastagnation.

Au niveau microéconomique, une longue périoded’austéritéfinancièrepeutaussiavoirdeseffetsnégatifsimportants, en particulier pour le financement ducommerceetdoncpour lecommerce.Plusprécisément,la répartition des ressources en capital ne peut pass’améliorersilecréditdiminue.

FigureD.16:Croissance annuelle des créances sur les secteurs non financiers, 2006-2012 (pourcentage)

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Source:StatistiquesbancairesterritorialesdelaBRI,calculsdesauteurs.

FigureD.17:Inflation annuelle – variation des prix à la consommation de tous les produits, en glissement annuel 2005-2011 (pourcentage)

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Leslonguespériodesderesserrementducréditpeuventaffecter de façon disproportionnée certaines catégoriesd’agents économiques ou de crédits, comme les créditscommerciaux, malgré des antécédents favorables entermes de solvabilité et de sécurité. Amiti et Weinstein(2011) estiment que l’ajustement à la baisse du secteurfinancierjaponaispendanttouteunedécennien’apaseuun effet neutre sur le financement des exportateursnippons.Lesentreprisestravaillantavecdesbanquesendifficultéontvuleursrésultatsàl’exportationdiminuerentermes absolus. Les PME, en particulier les PMEexportatrices,ontété lesplustouchéescarellesétaientlesplustributairesdescréditscommerciaux.

On peut se demander si l’accès des PME au crédit engénéral, et aux crédits commerciaux en particulier, seraaffectéparuneconcurrenceaccrueauseindescomitésde crédit des banques qui font l’arbitrage entre lesdifférentes catégories de prêts. Le danger d’une plusgrande «sélectivité des risques» est que les banquesattribuent leurs ressources limitées aux segments ducréditlesplusrentables,réduisantainsileurengagementdansdesproduitsmoinslucratifs,commelefinancementducommerceàcourtterme.Unautredangerestquelesbanques privilégient leurs clients les plus rentables,c’est‑à‑dire les gros clients. Par conséquent, leredimensionnement du secteur financier et une plusgrande sélectivité des risques ne contribuent pasautomatiquement à une meilleure répartition desressourcesdanscesecteur.

Le financement du commerce peut être un instrumentimportantpouralléger lesbilansdesbanquesetassurerainsi un désendettement rapide. Étant donné qu’il s’agitd’un financement à court terme renouvelable, la plupartdes lignes de crédits commerciaux ont une échéance à90 jours, ce qui est la durée moyenne des transactions.En ne renouvelant pas ou en réduisant ces lignes decrédit, les intermédiaires bancaires peuvent rapidementréduire leur portefeuille de prêts (leur endettement)quand cela est nécessaire. À la fin de 2011, quelquesbanques européennes ont annoncé une réduction deslignes de crédits commerciaux pour restructurer leursbilans.Cetteapprocheaétédecourtedurée.

Lefinancementducommercepeutégalementsouffrirsi leredimensionnement du secteur financier s’accompagned’une«renationalisation»desactivitésdeprêtaudétrimentdes prêts transfrontières. De nombreuses banquesinternationalesontdéjàréduitleursactivitésinternationales.Comme l’indique la BRI, «outre les dépréciations d’actifstransfrontières qui ont eu lieu pendant la crise, lerenchérissementdufinancementparempruntetapportsdefondspropresaentraînéunediminutiondesfluxdecréditstransfrontières. Par conséquent, la part des emprunteursétrangers a reculé dans le total des actifs des banquesinternationales (voir la figure D.18). Pour les banqueseuropéennes, elle a diminué de près de 30 points depourcentage depuis le début de 2008. Les banques n’ontpastoutesréduit leursactivitésà l’étranger, lesexceptionsnotables étant les banques d’Asie et les banques d’autrespaysémergents.Ilsepeutcependantquel’onassisteàunerecompositiondupaysagebancaireet àune redistributiondespartsdemarché.

(iv) Perspectives

L’évolution future du secteur bancaire international estdifficile à prévoir, bien que l’on puisse s’attendre à unediminution de sa part dans le PIB, du moins dans leséconomies avancées. Cela dépendra en grande partiedesincitationsdonnéesparunnouveausystèmefinancierréformé.Normalement,lesprêtsbancairesdevraientêtreréorientésversdesformesdefinancementplusdurables.Si la réduction des bilans se fait au détriment du«financement par levier et des investissements toxiqueshors bilan», les formes de financement traditionnellespourraient en profiter. Dans ce cas, les prêts seraientréorientés vers le financement de l’économie réelle,notamment le financement du commerce, facteurimportantpourlecommerce,etpasseulementenpériodede crise (Auboin et Engemann, 2012). Dans le mêmetemps,silarationalisationdusecteurfavoriselesformesde prêt plus rentables, par opposition aux prêtstransfrontières,bonnombred’intermédiairesfinancierssedemanderont s’ils doivent rester engagés dans lefinancementducommerce.

Ladécisiond’entreprendreoudecesserdesactivitésdefinancementducommercen’estpasfacileàprendre.Lefinancementducommercecomportedes«coûtsfixes»,en particulier les coûts liés à l’origine des transactionsde financement du commerce (investissement dans lesservices de postmarché, relations avec la clientèle etrelations commerciales, ouverture de succursalesétrangères, connaissance des procéduresinternationalesdefinancementducommerce).Biensûr,ladécisiondecontinueràparticiperaufinancementducommerce dépend dans une large mesure de lademande de transactions commerciales réelles – et

FigureD.18:Part des actifs étrangers dans le total des actifs, 2006-2012

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Toutes lesbanques

Banques européennes

Banques noneuropéennes

Sources:Statistiques financières internationales du FMI,statistiquesbancairesinternationalesdelaBRI,calculsdel’OMC.

Note:TotaldescréancesétrangèresdesbanquesdéclarantesBRIayantleursiègeenAllemagne,auCanada,auxÉtats‑Unis,enFrance,enItalie,auJaponetauxPays‑Basenpourcentagedutotaldesactifs,lescréanceslocalesétantextraitesdesStatistiques financières internationales du FMI.

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donc du maintien du partage de la production et desrelations commerciales. Les organismes multilatérauxdevront rester engagés dans le financement ducommerce, au moins pour combler les lacunes sur lesegment inférieurdumarché,notammentdans lespaysàrevenufaible.Ilfaudraentretenirundialogueaveclesorganismesderéglementationpourfaireensortequelefinancement du commerce soit reconnu comme uneforme de financement favorable au développement etpeurisquée.

(b) Fluctuationsmonétaires

Les taux de change peuvent influer sur le commerceinternational de différentes manières. Les taux dechange réels (prix relatifs des produits échangeablespar rapport aux produits non échangeables) peuventinfluersurl’incitationàrépartircesressourcesentrelessecteurs produisant ces biens. L’incidence des taux dechange sur le commerce peut être analysée à traversdeux effets: les fluctuations des taux de change, quipeuvent être une source de frustration pour lesproducteurs et les négociants car elles peuvententraîner des coûts d’incertitude élevés; et les écartsprolongés des monnaies par rapport à leurs niveauxd’équilibre – ce qu’il est convenu d’appeler«désalignements» –, qui sont considérés comme desdistorsionsimportantesdelaconcurrenceinternationalepar les prix. À court terme, ils peuvent avoir uneincidence négative sur la répartition des ressourcesentre lespays.Àplus longterme, lasituationestmoinsclaire.

Selon la théorie économique, lorsque les marchés sontexempts de distorsions, un désalignement des taux dechange n’a aucun effet à long terme sur les fluxcommerciaux car il ne modifie pas les prix relatifs.Toutefois, des effets à long terme sont prédits par des

modèlesquisupposentdesdistorsionsdumarché,tellesque des problèmes d’information ou des défaillancesdesmarchésdeproduits.Àcourtterme,quandcertainsprix dans l’économie sont moins susceptibles des’ajuster, les variations des taux de change nominauxpeuvent modifier les prix relatifs et affecter les fluxcommerciaux internationaux, mais cela dépend deplusieurs facteurs, notamment la stratégie de prix desentreprises commerciales et l’importance des réseauxdeproductionmondiaux.Ceseffetsàcourttermesurlecommercenesontdoncpassimples.

Même si les effets économiques à plus long termedes désalignements monétaires ne peuvent pas êtreétablisaveccertitudepourtouslespaysetdanstoutesles circonstances, les désalignements persistantsdestauxdechangesontsourcedetensionssystémiquedans le commerce international car elles alimententla perception d’une concurrence monétaire déloyale,ce qui pousse à recourir à des mesures de politiquecommerciale, comme les droits de douane et lesmesures de «défense» commerciale, pour remédieraux déséquilibres monétaires perçus. C’est pour cetteraison, en particulier, que le système commercialmondial a besoin d’un système monétaire internationalqui favorise la stabilité et l’ajustement des tauxde change. Or la coopération monétaire progressede façon inégale. On peut donc s’attendre à ceque la question des taux de change reste ouvertependant un certain temps dans le système commercialmondial.

Les figures D.19 et D.20 montrent, respectivement,l’évolution de la volatilité et des niveaux des taux dechangeeffectifsréelspourcertainesrégionsetcertainspaysaucoursdutemps.

FigureD.19:Volatilité des taux de change réels, 1975-2012

Asie en développement Afrique subsaharienne Hémisphère occidental Moyen-Orient et Afrique du Nord États-Unis

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Source:Statistiques financières internationales du FMI.

Note:Lavolatilitécorrespondàl’écarttypeannueldel’augmentationmensuelledestauxdechangeréels.

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

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(i) Volatilité des taux de change et commerce

CommelemontrelafigureD.19,après30ansderelativestabilité des taux de change nominaux et réels dans lecadredusystèmedeBrettonWoods,lestauxdechangesont devenus plus volatils à partir du début des années1970,cequiasuscitéunvifdébatsurleseffetspossiblesdecetteplusgrandevolatilitésurl’économieréelle.

Les milieux commerçants, qui avaient négocié desréductionssubstantiellesdelaprotectionauxfrontièresàl’époque où les taux de change étaient déterminés parl’étalon de change‑or, ont exprimé des préoccupationsparticulièrementvives.ÀlademandeduDirecteurgénéralde l’Accord général sur les tarifs douaniers et lecommerce (GATT) de l’époque (au nom du Conseilgénéral), le Fonds monétaire international (FMI) aexaminé les effets de la volatilité accrue des taux dechangesurlecommercemondial.

Toutenconstatantque lespreuvesd’uneffetnégatifdela volatilitéaccruedes tauxdechangesur lecommercemondial étaientminces, leFMI (1984)a souligné le rôledu risque de change, ce qui cadrait avec les analysesthéoriques antérieures (années 1970 et 1980) de larelation entre les taux de change et le commerceinternational. Ces études étaient essentiellement axéessur le risque commercial lié aux transactionsinternationalesetsurl’incertitudegénéréeparlavolatilitéàcourtoulongtermedestauxdechange.Ellesportaientprincipalement sur la manière dont cette incertitudeinfluait sur la décision de faire du commerce, sur sarentabilitéattendueet,enfindecompte,surlarépartitiondes ressourcesentrebienset serviceséchangeablesetnonéchangeables.

Clark(1973)donneuneexplicationsimpledelamanièredontlavolatilitédestauxdechangeagitsurlecommerce.Ilexpliquequel’incertitudesurlestauxdechangefuturssetraduitdirectementparuneincertitudesurlesrecettesfutures en monnaie nationale et que les producteursrevoient leurproductionet leursexportationsà labaisseafin d’être moins exposés au risque de change. L’idéeselon laquelle la volatilité accrue des taux de change ades effets défavorables sur le volume du commerceinternational est relativement répandue dans les étudesréalisées tout au long des années 1970 et 1980 (voirégalementBaron,1976;Cushman,1983;DeGrauweetVerfaille, 1988; Giovannini, 1988; Bini‑Smaghi, 1991).Maiscesconclusionsreposentsurdeshypothèsesassezfermes, qui ont été analysées et adaptées par d’autresauteurs – notamment la concurrence parfaite, le rôleimportant de la monnaie de facturation, l’absenced’intrantsimportés,laforteaversionaurisqueetl’absenced’instruments financiers pour la couverture du risque dechange. Cela a amené à des modèles multipays plussophistiqués avec des entreprises diversifiées, danslesquels la relation entre les taux de change, l’offre debienset ladécisiondecommercerdevientplusambiguë(voirl’encadréD.6).

De même que les premiers modèles théoriques sontrelativement peu concluants quant aux effets de lavariabilitédestauxdechangesurlecommerce,lesvastesétudes empiriques livrent des résultats tout aussiambigus. Comme l’affirme Taglioni (2002), «on supposehabituellementque l’effetdéfavorablede lavolatilitédestauxdechangesurlesfluxcommerciaux,s’ilexiste,n’estassurément pas important». Cette conclusion estpartagéed’unemanièregénéraleparOzturk (2006),quiprésente un large éventail de données empiriques, dontcertainescorroborentetd’autrescontredisentl’hypothèsed’une relation négative entre la volatilité des taux dechangeetlecommerce.

FigureD.20:Niveau des taux de change effectifs réels, 1995-2012

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Source:InstitutBruegel–Basededonnéessurlestauxdechangeeffectifsréels.

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EncadréD.6: Aperçu de la littérature traitant de la volatilité des taux de change et du commerce

Ilexistedansla littératurecinqgrandscourantsquiontdéveloppélemodèledeClark(1973), lequelétaitcentréuniquementsurl’incertitudecrééeparlavolatilitédestauxdechange.

Dans la première série d’études, l’effet de la volatilité accrue des taux de change sur le commerce dépendbeaucoup du degré d’aversion au risque des opérateurs commerciaux (De Grauwe, 1988; Dellas et Zilberfarb,1993).Lesopérateursneutresàl’égarddurisqueontpeudechancesd’êtreaffectésparl’incertitudedestauxdechange, mais ceux qui ont une aversion au risque le seront, quoique à des degrés divers. Comme l’indiqueDe Grauwe (1988), il se peut, paradoxalement, que ces derniers décident d’exporter davantage en réponse àl’augmentation de la volatilité, afin de compenser la baisse attendue de leurs recettes par unité exportée.L’existencedecetterelationaétéconfirméethéoriquementparlasuite,parBrolletEckwert(1999).

Unedeuxièmeséried’étudestientcomptedelapossibilitépourlesentreprisesdesecouvrircontrelesrisquesdechange.Lapossibilitéd’unecouverturefinancièreparlebiaisdesmarchésdeschangesàtermeréduitl’incertitudegénéréepar lesfluctuationsdestauxdechangenominaux,bienque lesentreprisesn’aientpastoutes lemêmeaccès aux facilités de couverture et qu’elles puissent se comporter différemment selon leur position dansl’opérationdecouverture.ViaeneetdeVries(1992)estimentquelesmarchésàtermecréentdes«perdants»etdes«gagnants»parmilesexportateursetlesimportateursquiontdespositionsopposéesdanslesopérationsàterme. En outre, comme l’a indiqué le FMI (1984), les contrats de couverture du risque de change ne sont pasdisponibles dans tous les pays ni pour toutes les catégories d’entreprises. Ce sont généralement des contratsassez importants, à échéance courte et assortis de commissions élevées. De plus, ils ne couvrent qu’une partlimitéedesfluctuationspossiblesdurantl’échéanceproposéecarilestdifficile,pardéfinition,d’anticiperl’ampleurdesfluctuations. Il est doncgénéralement admisque lesgrandesentreprisesexportatrices sontmieuxplacéesquelespetitespourbénéficierd’unecouverturedechange.

Un troisième courant de la littérature est centré sur les coûts d’ajustement. L’hypothèse selon laquelle les taux dechangeinfluentsurlecommerceparcequelesentreprisesnepeuventajusterleursintrantsenfonctiondesfluctuationsdestauxdechangeaégalementétéassouplieparplusieursauteurs.DeGrauwe(1992)atravaillésurunéventaildecaspluslargequeceuxdécritsparClark(1973).Silesentreprisespeuventajusterleursfacteursdeproductionàlahausseetà labaisseen fonctiondesprixmondiaux,ellesauront tendanceàvendreplus lorsque lesprix internationauxendevisessontélevés(avecunelimitefixéeparlacapacitédeproductiondufacteur«flexible»)etmoinslorsquecesprixsontbas.Maisceladépendradel’aversionpourlerisquefaceàl’incertitudeduprofit.Plusuneentrepriseauneaversionpourlerisque,moinselleadechancesd’exporterdavantage,comptetenudel’augmentationdel’écartdeprofitdueàlavolatilitédes tauxdechange.En revanche, lesentreprisesquicraignentmoins le risquevendrontdavantagemalgrél’incertitudeduprofitparcequelespossibilitésdécoulantdelavariabilitédesprixpeuventcompenserl’incertitude.

Une quatrième série d’études analyse l’effet de la volatilité des taux de change sur la composition du commerceplutôtquesursonvolumebrut.Certainsmodèlesmettentl’accentsurlamargeextensiveducommerceplutôtquesursamargeintensive(c’est‑à‑diresurlenombredesproduitséchangésplutôtquesurlevolumed’échanged’unnombredonnédeproduits).Plusprécisément, lesmodèlesdepersistanceoudedépendancehistoriquedanslecommercemondialmontrentque la forte variabilitédes tauxdechangeet l’incertitudequ’elleentraînepeuvent influersur ladécisiond’entrersurlesmarchésétrangersoud’ensortir(notammentDixit,1989;Krugman,1986;Franke,1991).

Enfin, lecinquièmegrouped’étudesécarte l’hypothèseselonlaquelle l’incertitudeliéeautauxdechangeestunfacteurexogène.BacchettaetWincoop(2000)examinentl’incidencedelavolatilitésurlesniveauxdecommerceetdebien‑êtredanslecontextedemécanismesfixesetflexibles.Unrésultatintéressantquiillustrelacomplexitédelarelationentretauxdechangeetcommerceestqu’unestimulationmonétairedansunpayspeutentraînerladépréciationdesontauxdechangesansavoirbeaucoupd’effetsurlecommerce.Eneffet,ilsepeut,d’unepart,que la baisse du taux de change réduise les importations tandis que, de l’autre, l’augmentation de la demandeintérieure les stimule avec un effet de compensation. Bien entendu, l’effet net dépendra de toute une série devariables,allantdel’élasticitédelademanded’importationsjusqu’auxfacteursliésàl’offre,telsquelesouhaitoulacapacitédesproducteursnationauxd’ajusterleursprixenfonctiondeladépréciationdelamonnaie.

Depuis 2000, les travaux empiriques sur l’effet de la volatilité des taux de change sur le commerce se sontpoursuivis,notammentavecdesanalysestransnationales.Parexemple,uneétudedel’OCDE(Huchet‑BourdonetKorinek, 2012) examine l’effet de la volatilité des taux de change sur le commerce de deux petites économiesouvertes,leChilietlaNouvelle‑Zélande.Elleconclutqueceteffetatendanceàêtreplusmarquésurlespetiteséconomiesouvertesquesurlesgrandeséconomies.

Comme l’ont bien résumé Coric et Pugh (2010), «enmoyenne, la variabilité des taux de change a un effetnégatif sur le commerce international. Toutefois, […] cerésultat est fortement conditionnel. […] Les effetsmoyens sur le commerce ne sont pas suffisamment

robustes pour être généralisés à tous les pays». Lesrésultats sont conditionnels pour les raisons identifiéesdans les modèles théoriques: l’existence d’instrumentsde couverture, la présence d’intrants importés, lapossibilitédelibellerlesfacturesenmonnaielocaleetla

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capacitéd’absorberdanslesmargesdeprofit lespertesduesauxvariationsdestauxdechangeetautresfacteurs.Lesentreprises lesplussensiblesà lavolatilitédestauxde change ne sont peut‑être pas les grandes, mais lespetites(commecelaestexpliquédans lasectionB.2(f)).Enoutre, lesétudesempiriquesont tendanceàmontreruneffetsignificatifsurtoutdanslecasducommerceavecdes voisins proches, notamment lorsque les économiessontfortementintégrées.

(ii) Désalignement des taux de change

Ledébatsurl’effetdestauxdechangesurlecommercea refait surface au cours de la dernière décennie, avecl’apparitiondegrandsdéséquilibresextérieursauniveaumondial. Après la récession de 2009, les inquiétudesconcernantl’emploietlalenteurdelarepriseontamenéàsoupçonnercertainspaysdechercherà«exporter»leursdifficultés pour sortir de la crise aux dépens de leurspartenairescommerciaux.Ledébats’estdoncdéplacédel’incidence de la volatilité des taux de change sur lecommerce aux effets d’un désalignement durable desmonnaies. En d’autres termes, on s’intéresse moins auxeffets de la variabilité qu’au niveau des taux de changeréels.

Les taux de change peuvent dévier de leur niveaud’équilibre pour deux raisons. Premièrement, cela peutêtre dû à une intervention des pouvoirs publics visantdirectement à modifier le taux de change réel(manipulationmonétaire).Àcetégard,lesgouvernementset/ou les banques centrales disposent d’un certainnombred’instrumentspouragirsurleniveauréeldutauxde change, parmi lesquels le contrôle des capitaux oul’intervention ciblée sur les marchés des changes.Deuxièmement,lesdésalignementspeuventêtreuneffetsecondaire inattendu de politiques macroéconomiquesvisant à atteindre des objectifs intérieurs, ou bien ilspeuvent résulter de distorsions dans l’architecturefinancière internationale ou dans les conditionsstructurellesintérieures.

Le débat théorique et politique sur le désalignement desmonnaiesportesurdeuxpointsimportants.Lepremierestde savoir dans quelle mesure le taux de change réel estunevariablequipeutêtreinfluencéeparlesresponsablespolitiques (Eichengreen, 2007; Rodrik, 2008). L’opinionconsensuelleestlasuivante:letauxdechangeréelétantle prix relatif des biens échangés par rapport aux biensnonéchangés,iléchappeaucontrôledirectdesdécideurspolitiques.Toutefois,sonniveaupeutêtreinfluencéparlespolitiquesàcourtetàmoyen terme.Eichengreen (2007)en fournit une illustration en décrivant l’expérience de laRépublique de Corée dans les années 1960, où unedévaluationnominaleaétécombinéeàuneconsolidationbudgétaire, laquelle a permis de maintenir le taux dechangeréelàunniveauplusbas.

Ledeuxièmepointa traità lamesuredu tauxdechanged’équilibre. Il est difficile, en théorie et en pratique, dedéterminerletauxdechanged’équilibre–etdonclacaused’un désalignement des monnaies. Cela est difficile enthéorie parce que le taux de change est une variable

déterminée par divers facteurs macroéconomiques,financiers et commerciaux. Cela est difficile en pratiqueparce qu’il existe plusieurs méthodes différentes pourmesurer le taux de change d’équilibre, aucune n’étant«meilleure» que les autres. Les principales méthodesemployéespourévaluer les tauxdechangesont fondéessurlacompétitivitédusecteurdesbienséchangeables(ou«parité de pouvoir d’achat»), sur des calculs du modèled’équilibre général et sur des estimations de ce qui estnécessaire pour assurer l’équilibre de la balance despaiements(ou«tauxdechanged’équilibrefondamental»).Cesméthodespeuventproduireunéventail d’estimationsrelativementlarge.LeFMIutiliseuncertainnombredecesestimationspourévaluerlestauxdechanged’équilibre.55

Une autre question concerne la différence entre leseffets à long terme et à court terme sur le commerce.Selon la théorie économique classique, les prix à longterme sont totalement flexibles et s’ajustent à toutchangement de politique (ou tout autre choc). Enparticulier, en l’absence de distorsion des marchés, undésalignement des taux de change – tel qu’unedévaluationmonétaire–n’apasd’effetsàlongtermesurlesfluxcommerciauxousur l’activitééconomique réelle,carilnemodifiepaslesprixrelatifs.Toutefois,lecourtetle moyen terme peuvent être différents. En effet, sicertainsprixprennentdutempspours’ajuster(c’est‑à‑dires’ilssont«rigides»),lesmouvementsdestauxdechangenominauxpeuventmodifier lesprix relatifset influerà lafois sur la répartition des ressources entre les secteursde biens non échangeables et échangeables et sur lesfluxcommerciauxinternationaux.

Les modèles macroéconomiques ouverts intègrent leseffets à court terme des désalignements des taux dechange (voir, par exemple, Krugman et Obstfeld, 2009).En particulier, quand les prix sont «rigides», unedépréciation nominale de la monnaie nationale entraîneunebaisseréelledutauxdechange,cequiaccroîtleprixduproduitétrangerparrapportàceluiduproduitnational.Cette modification des prix relatifs amène l’économienationale à importer moins car les consommateursnationaux se tournent vers les produits nationaux moinschers,etàexporterpluscarlesconsommateursétrangersse tournent eux aussi vers les produits nationaux moinscoûteux. Selon ces modèles macroéconomiquesclassiques, touteschoseségalesparailleurs, labalancecommerciale des pays s’améliore du fait del’accroissementdesexportationsetde ladiminutiondesimportations,enfonctiondeladépréciationàcourttermedesontauxdechange.

Deux hypothèses importantes doivent être retenues enl’espèce: la dépréciation nominale devrait donner lieu àune dépréciation réelle, augmentant ainsi le prix desproduits étrangers par rapport à celui des produitsnationaux; cette modification des prix relatifs doit avoirdes effets rapides sur les quantités importées etexportées, et donc sur la balance commerciale. Enpratique, toutefois, les effets à court terme desdésalignements des taux de change peuvent être pluscomplexescarcesdeuxhypothèsesnesontpastoujoursvalables (en fonction, par exemple, de l’élasticité de la

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demande ou de l’élasticité de substitution pour chaqueproduit). En outre, la balance commerciale dépend detoute une série d’autres facteurs, comme le revenu dupaysetceluidurestedumonde.

En ce qui concerne la première hypothèse, la littératurerécente montre que ces effets dépendent, entre autres,de la monnaie dans laquelle les producteurs nationauxfacturentleursproduits.Celaestdûenpartieaufaitquela monnaie de facturation influe sur la mesure danslaquelleunedépréciationnominaleentraîne(ounon)unedépréciation réelle du taux de change. Si, par exemple,lesproducteursfixentleursprixdanslamonnaienationale(hypothèse qui est généralement celle des modèlesclassiques du commerce), les modifications du taux dechangenominalserépercutentbiensurletauxdechangeréel,etunedévaluation imprévue faitbaisser leprixdesproduits nationaux par rapport à celui des produitsétrangers,commenousl’avonsindiquéplushaut.

Toutefois,l’effetd’unedévaluationsurlecommerceseraitdifférent si les producteurs nationaux fixaient leurs prixdans la monnaie des acheteurs ou dans une monnaievéhiculairetellequeledollarEUoul’euro.Celatientàceque l’effet de répercussion serait moins que «parfait»danscesdeuxcas.Parexemple,lathéorietendàmontrerqu’une dévaluation aurait encore des effets réels, maisqu’ils équivaudraient non pas à une promotion desexportationsmaisplutôtàdesrestrictionsàl’importation(StaigeretSykes,2010).

Lasecondehypothèse,à savoir l’incidenceàcourt termedes désalignements monétaires, peut être remise enquestion. Selon l’effet «courbe en J», la dépréciation dutaux de change réel est souvent synonyme d’unedétérioration immédiatede labalancecommercialesuivied’une amélioration (rapide). Ce mécanisme repose enpartiesurl’hypothèsequeladévaluationestinattendue(etdonc lamodificationdesprixégalement)etqu’unepartiedesproduitséchangéssontcommandésaupréalable(unecertaine part des commandes à l’importation et àl’exportation étant passée plusieurs mois à l’avance). Lavaleurdesimportationscommandéesàl’avanceaugmenteen termes de produits nationaux, ce qui signifie qu’il y ainitialement une baisse de la balance commerciale. Lahausse des prix à l’importation peut être compensée entout ou partie par le remplacement, s’il est possible, desproduits importés par des produits nationaux, mais celasuppose un ajustement des capacités des entreprisesnationales qui prend du temps. Une fois cet ajustementeffectué, une dépréciation du taux de change réel peutaméliorerlabalancecommercialeparrapportàsonniveauantérieur. En somme, il est plus difficile qu’il n’y paraît àpremière vue de comprendre l’effet à court et moyentermesd’unedépréciationdu tauxdechangesur lesfluxcommerciauxetsurlabalancecommerciale.

L’argumentci‑dessusnetientpascomptedelapossibilitéde défaillances du marché. Ainsi, en présence deproblèmes d’information (par exemple si lesconsommateurs étrangers ne connaissent pas la qualitédesproduitsexportés),leniveaudesexportationspouvaitêtre faible et inefficient (Bagwell et Staiger, 1989;

Bagwell, 1992). Un exportateur de produits de qualitépeutavoirbesoinde faireconnaîtrecettequalité,cequiest coûteux. Les entreprises peuvent aussi avoir desincertitudes communes quant à la rentabilité d’exporter(Freund et Pierola, 2010). Dans ce contexte, lasous‑évaluationdutauxdechangepeutavoirdeseffetsàlongtermesiellepermetauxexportateursd’entrersurlesmarchésétrangers,surmontantainsil’inefficienceinitiale.Plus précisément, si ce raisonnement est juste, ons’attendrait à ce que la dépréciation de la monnaie soitassociée à l’entrée sur de nouveaux marchés avec denouvelles lignes de produits (c’est‑à‑dire la margeextensiveducommerce)etàcequecelanesoitpas(oupas entièrement) inversé à long terme lorsque les prixs’ajustent. En outre, comme on considère que lesdéfaillancesdumarchéjouentunplusgrandrôledanslespaysendéveloppementquedans lespaysdéveloppés, ilfaudraits’attendreàcequeceseffetsàlongtermesoientplusfaiblespourcesderniers.

(iii) Perspectives

Laquestiondesavoirsilavolatilitéetledésalignementdestauxdechangepeuventavoiruneffetréelsurlecommerceàcourtetàlongtermeestunequestionempirique.Orlesétudesempiriquesdonnentdesrésultatsmitigés.Commenousl’avonsvuplushaut,lasous‑évaluationdelamonnaiea parfois un effet positif sur les exportations, mais laprésence,l’ampleuretlapersistancedeceteffetdiffèrentselon les études. Nous avons vu, dans la section B.2(e),que la complexité de cette relation a peu de chances dediminuer vu l’accroissement du rôle des réseaux deproductionmondiauxdanslecommerceinternationaletdel’interdépendancedescycleséconomiquesentrelespays.

Pour le système commercial mondial, il est probable quelestauxdechangeresterontunproblèmesystémique.LesÉtats Membres du GATT/de l’OMC ont toujours soutenuqu’unsystèmemonétaireinternationalfavorisantlastabilitédes taux de change était essentiel pour créer unenvironnement propice au commerce international (voirl’encadréD.7).

Ledébatsurl’effetdestauxdechangesurlecommercea repris dernièrement à l’OMC56 et il reprendra sansdoute chaque fois que l’on estimera, à tort ou à raison,que l’état de la coopération monétaire internationale nepermet pas un ajustement ordonné des taux de changereflétant lapositiondesbalancesdespaiementset qu’ilempêcheunMembre,ouplusieursMembres,detirerpartides avantages compétitifs à cause du manque decoopération. Si l’influence des politiquesmacroéconomiques et structurelles sur les taux dechange est reconnue (Eichengreen, 2007), le systèmecommercial mondial doit périodiquement «désamorcer»lestensionsliéesàl’effetperçudestauxdechangesurlecommerce. Cela est devenu plus fréquent ces dernièresannées, car l’accroissement des flux internationaux dedevises peut déstabiliser les politiques économiquesnationalesetréduirel’efficacitédescontrôlesclassiques(notamment des restrictions aux mouvements decapitaux).

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Pour l’OMC, il s’agit aussi d’une question systémiqueparcequelesvariationsdestauxdechangeaugmententou réduisent le niveau de protection souhaité ou perçupar lesopérateursnationaux,et semblentdonc jouerunrôle dans la définition des politiques commerciales. Auniveaumultilatéral,lesfluctuationserratiquesdestauxdechange empêchent les Membres de l’OMC d’obtenir lesniveaux de protection souhaités, qui font l’objet denégociations et d’engagements à long terme –précisémentparceque lespolitiquesvisentàétablirdesconditionsd’accèsprévisiblespourlesproducteursetlesopérateurscommerciaux.Enconséquence, lesMembrespeuvent chercher, parmi les instruments de politiquecommerciale, un moyen de faire face aux évolutionscycliquesouauxvariationsdestauxdechange.

D’après certaines études empiriques, les pays utilisentdes mesures commerciales contingentes en réponse àune dépréciation monétaire par leurs partenairescommerciaux. Par exemple, Knetter et Prusa (2003) etNiels et Francois (2006) établissent un lien entre lesaffaires antidumping et les taux de change pour uncertain nombre de pays: le nombre des plaintesantidumping contre des partenaires a tendance àaugmenter quand la monnaie locale s’apprécie parrapport à celle du partenaire et quand le déficit de labalancecourantesecreuse.

Dans un monde où les marchés de capitaux sontimportants,unproblèmeseposetantpourlesopérateurscommerciaux que pour les décideurs politiques lorsquelestauxdechangesecomportentdefaçondésordonnéeet ne s’ajustent pasaux fondamentauxde l’économie.Àl’époquedusystèmedeBrettonWoods,unepartiede lacommunautécommerciale internationalecomptaitsurunrégime d’ajustement ordonné des taux de change réels.Ce systèmen’était pas idéalmais il donnait l’impressionqu’il existait, du moins dans un premier temps, unegouvernance organisée du système monétaireinternational.

Lanécessitéd’uneplusgrandecohérencedespolitiquescommercialesetdespolitiquesdechangeaétéreconnuedès le début dans les règles du GATT (voir la sectionE.3(c)).LeFMIetleGATTontétécrééspourrépondreaumanque de coordination des politiques économiques

pendantlaGrandedépressionéconomique–cesnouvellesinstitutionsvisaientàtraiter lapolitiquecommercialeet lapolitique de change comme une question d’intérêtcommun,grâceàl’introductiondedisciplinesvisantàéviterles dévaluations compétitives, à maintenir la stabilité destaux de change, à atténuer les crises de la balance despaiements et à lutter contre le protectionnisme. Dès ledépart, les systèmes monétaire et commercialinternationaux étaient liés par un ensemble de règlescohérentesvisantà l’ouvertureprogressivedeséchangesetdespaiements.LesdispositionsduGATTrelativesà lacohérence prenaient en considération deux éléments:l’attachementdelacommunautécommercialeàlastabilitédes taux de change; et la nécessité pour cettecommunauté de s’assurer que le système commercial nesoitpasentravépar l’utilisationanarchiquederestrictionsde change ou de taux de change multiples. Le cadreinstitutionnel repose toujours principalement sur lacohérence–etnonsurleconflit–entrelesdeuxsystèmes.

Dans la Déclaration ministérielle de 1994 sur lacontributiondel’OMCàuneplusgrandecohérencedansl’élaboration des politiques économiques au niveaumondial, les ministres des Membres de l’OMC ontreconnu, par ailleurs, que «des problèmes qui ont leurorigine dans d’autres domaines que le commerce nepeuvent pas être résolus par des mesures prisesseulement dans le domaine du commerce». En d’autrestermes, il serait excessif d’attendre du systèmecommercial qu’il assure ou contribue à assurer desconditions monétaires et macroéconomiques stables etcoopératives. Ilexisteuncertainnombred’institutionsetdemécanismespolitiquesayant vocationàsurveiller lestaux de change et réduire les déséquilibres mondiaux(par exemple le G‑20 et le processus d’évaluationmutuelleduFMI).Laquestiondesavoirsi lesconditionsseront réunies pour instaurer au niveau international unsystème de taux de change plus coopératif ou pluscontraignant reste ouverte. Certains auteurs (Mundell,1961; Williamson, 2009) estiment que la coopérationinternationaleestplusétroitedansleszonesmonétairesoptimales et/ou lorsque les monnaies régionales ont unpoids et un statut comparables. À l’heure actuelle, lecommerce international et les marchés financiers sontdominéspar le dollarEUet par l’eurobienplus quepartouteautremonnaie(Auboin,2012).

EncadréD.7: La cohérence dans l’élaboration des politiques au niveau mondial

AprèslafindusystèmedeBrettonWoodsreposantsurdestauxdechangefixesmaisajustables,lesministresduGATT ont indiqué en 1973, dans la déclaration d’ouverture du Tokyo Round: «La politique de libération deséchangesmondiauxnepeutêtrepoursuivieavecsuccèsàdéfautd’effortsparallèlesvisantàlamisesurpiedd’unsystèmemonétairequimette l’économiemondialeà l’abridessecoussesetdesdéséquilibres telsqu’ilssesontmanifestéscesdernierstemps.Lesministresneperdrontpasdevuequeleseffortsquivontêtreentreprisdansledomaineducommerceimpliquentlapoursuitedeseffortspourmaintenirdesconditionsordonnéesetpourétablirunsystèmemonétairedurableetéquitable.»

Cesmotsont trouvéunéchodans laDéclarationministériellede1994sur lacontributionde l’OMCàuneplusgrande cohérence dans l’élaboration des politiques économiques au niveau mondial: «Une coopération réussiedansundomainedelapolitiqueéconomiquecontribueauxprogrèsdanslesautres.Uneplusgrandestabilitédestauxdechange,grâceàdavantaged’ordredanslesconditionséconomiquesetfinancièresfondamentales,devraitcontribuer à l’expansion du commerce, à la croissance et au développement durables et à la correction desdéséquilibresextérieurs.»

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TableauD.4:Répartition des opérations de change par monnaie, 2001-2010 (partsenpourcentdestransactionsmoyennesquotidiennesenavrildansles20monnaieslesplusutilisées)Monnaie 2001 2004 2007 2010

DollarEU 89,9 88,0 85,6 84,9

Euro 37,9 37,4 37,0 39,1

Yenjaponais 23,5 20,8 17,2 19,0

Livresterling 13,0 16,5 14,9 12,9

Dollaraustralien 4,3 6,0 6,6 7,6

Francsuisse 6,0 6,0 6,8 6,4

Dollarcanadien 4,5 4,2 4,3 5,3

DollardeHongKong 2,2 1,8 2,7 2,4

Couronnesuédoise 2,5 2,2 2,7 2,2

Dollarnéo‑zélandais 0,6 1,1 1,9 1,6

Woncoréen 0,8 1,1 1,2 1,5

DollardeSingapour 1,1 0,9 1,2 1,4

Couronnenorvégienne 1,5 1,4 2,1 1,3

Pesomexicain 0,8 1,1 1,3 1,3

Roupieindienne 0,2 0,3 0,7 0,9

Roublerusse 0,3 0,6 0,7 0,9

Renmibichinois 0,0 0,1 0,5 0,9

Zlotypolonais 0,5 0,4 0,8 0,8

Livreturque 0,0 0,1 0,2 0,7

Randsud‑africain 0,9 0,7 0,9 0,7

Source:BRI,TriennalCentalBankSurvey,2010..

Note:Lasommedespartsenpourcentagedesdifférentesmonnaiesestégaleà200%carilyadeuxmonnaiesdanschaquetransaction.

L’essor prudent du renminbi chinois (RMB) commemonnaie d’échange accroît la probabilité de voir lamonnaiechinoisejouerunrôleimportantdanslesystèmemonétaire internationaldedemain.Récemment, laChinea décidé de promouvoir progressivement l’usageinternationalduRMB,enparticulierdanslestransactionscommercialesinternationales.Dansunecertainemesure,si les partenaires commerciaux sont disposés à adopterle RMB, cela peut signifier qu’ils préfèrent réduire leurdépendance à l’égard du dollar EU et de l’euro dans lecadredusystèmemonétairemondialouqu’ilsyvoient lapossibilitédefairebaisser lescoûtsdetransactiondanslecommercebilatéral.Toutefois,commecelaest indiquédanslasectionB.2(a), ilyaencoreunegrandedisparitéentrel’importancedelaChinedanslesfluxcommerciauxmondiaux (environ 11% des importations) et la part duRMB dans le règlement des opérations commerciales(environ1%).

Pour être adoptée au niveau international, une monnaiedoit avoir un marché large, liquide et mondial, même sielle n’est utilisée que pour le commerce (les opérateurscommerciaux internationaux demandent régulièrementune couverture contre le risque de change, ce quiimplique le développement des marchés de produitsdérivés).En2010,selon laBRI, ledollarEUreprésentait85% des opérations de change, suivi par l’euro, qui enreprésentait40%.LeRMBnereprésentaitque0,9%desopérationsdechangeauniveaumondialen2010(voirletableau D.4; BRI, 2010). Toutefois, il ne fait guère dedoutequ’àmoyenou long terme leRMBdeviendra l’unedesprincipalesmonnaiesdumonde.Lalevéeprogressivedes restrictions à l’utilisation du RMB dans d’autres

opérations – en particulier l’investissement entrant etsortantetlacollecteinternationaledefonds–favoriseraaussisoninternationalisation.

4. Conclusions

L’avenirducommercemondialdépendra,dansune largemesure, du contexte socioéconomique aux niveauxnational, régionaletmondial.Cettesectionaanalyséendétail les défis environnementaux, sociaux etmacroéconomiques qui pourraient apparaître dansl’avenir.Lanaturedecesdéfisdiffèreconsidérablementdanschacundecestroisdomainesetleurrelationaveclesystème commercial multilatéral n’a pas évolué de lamême façon au cours du temps. Pourtant, tous ontoccupéuneplaceprioritairedansl’agendadesdécideurspolitiques de nombreux pays. Il se peut que la manièredontlepublicperçoitlarelationentrelecommerceetlestrois préoccupations précitées devienne un facteur depressions protectionnistes. Il est donc évident que lesdécisions qui seront prises dans ces trois domaines serépercuterontdansl’avenirsurlesfluxcommerciaux,soitdirectement, soit par leur effet sur les décisions enmatièredepolitiquecommerciale.

Dans un environnement mondial en mutation rapide, ilsera indispensable de veiller à ce que les politiquesadoptées dans les domaines socioéconomiques, commelemarchédutravail, l’environnementetlafinance,soientbien coordonnées avec les politiques commerciales.L’ouverture, par exemple, peut apporter des avantagesplus importants aux économies caractérisées par un

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cadretrèsfavorableauxentreprisesetpardespolitiquesd’éducation et de formation bien conçues. Les individuss’adaptent plus facilement aux modifications desconditionsdeconcurrencedans leséconomiesouvertesdotéesdesystèmesdeprotectionsocialeappropriés.Siellessontbienconçues,lespolitiquesenvironnementalespeuvent accroître l’efficacité économique et écologiquemais, dans le cas contraire, elles peuvent lui faireobstacle. Les économies ouvertes sont florissanteslorsque la réglementation financière garantit la stabilitédes marchés financiers tout en facilitant l’accès auxsources de financement, y compris le financement ducommerce,enparticulierpourlesPME.

Dans de nombreux domaines, l’alignement souhaitabledes politiques peut être réalisé grâce à la coopérationentrelesministèrescompétentsauniveaunational.Mais,danscertainsdomaines,uneplusgrandecoopérationauniveaumondialpeutêtrenécessaire.Dansledomainedel’environnement, par exemple, des efforts collectifsaboutissant à une approche concertée des problèmesenvironnementauxmondiauxpeuventlimiterlerisquequeles politiques environnementales créent des distorsionsdeséchanges.

L’interconnexion des politiques commerciales, despolitiquesrelativesaumarchédutravailetdespolitiquesmacroéconomiques était déjà dans l’esprit desnégociateursàl’époqueoùlestextesjuridiquesoriginelsdu GATT ont été élaborés.57 De fait, la nécessité d’uneplusgrandecohérenceentrelespolitiquescommercialesetlespolitiquesdechangeaétéexplicitementreconnuedans les textes juridiques du GATT. Les préoccupationsactuelles concernant l’emploi, les inégalités, la stabilitémacroéconomique et la protection de l’environnementpeuvent donner à cette interconnexion une nouvellepertinence.

Les perturbations économiques de ces dernières annéesont en outre créé une situation qui peut renforcer lesappels auprotectionnisme.Cela souligne l’importancedurôledesuivietdesurveillancedel’OMCainsiquesaplacedans le cadre institutionnel de gouvernance mondiale,commeonleverraplusendétaildanslasectionE.

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Notes1 VoirJansenetVonUexkull(2010)pouruneanalysedes

effetsducommercesurl’emploidanslespaysàfaiblerevenuetàrevenuintermédiairedurantlaGranderécession.

2 Lorsqueleprésentrapportaétérédigé,labasededonnéesWorldTopIncomescontenaitdesrenseignementssurlapartderevenudes1%depersonnesayantlesplushautsrevenusdans27pays,pourlaplupartmembresdel’OCDE.L’AfriqueduSud,laChineetl’IndeétaitlesseulspaysBRICSreprésentés.LesrenseignementsconcernantlaChineetl’IndeapparaissentsurlafigureD.2.EnAfriqueduSud,lapartdes1%depersonnesayantlesplushautsrevenusestpasséede9,9%en1990à16,6%en2010.

3 CalculsdesauteurssurlabasedesIndicateursdedéveloppementdanslemondedelaBanquemondiale.

4 Voir,parexemple,MilbergetWinkler(2011).

5 Autoret al.(2012),parexemple,constatentuneaugmentationdurecoursàl’assuranceinvaliditéenréactionàl’accroissementdesimportationsenprovenancedeChine.

6 VoirGoldbergetPavcnik(2007)etPavcnik(2011),quidonnentunaperçudelalittératuresurcesujet.

7 L’existenced’unavantagesalarialliéàl’exportationpeutdépendreduniveaudequalificationdestravailleurs.Kelinet al.(2010),parexemple,constatentquelestravailleurspeuqualifiésdusecteurmanufacturierenAllemagnesontmoinspayésdanslesentreprisesexportatrices,alorsquelestravailleursqualifiéslesontplus.

8 Différentsélémentsdelamondialisationpeuventaussiinteragiràtraversdesmécanismesd’économiepolitique.Peters(2012),parexemple,estimequel’augmentationdespossibilitésd’investissementàl’étrangeretdedélocalisationdelaproductionaréduitlelobbyingdesentreprisesaméricainesquisouhaitaientfaciliterl’immigration.

9 VoirlacitationenexerguedansBacchettaetJansen(2003).

10 VoirOMC(2009)et,enparticulier,l’ajustementauxréformescommercialesdansBacchettaetJansen(2003).

11 Seloncettehypothèseditedes«salaireséquitables»,lestravailleurscomptenttoucherdessalairesplusélevésdanslesentrepriseséconomiquementprospères.

12 Cesfrictionsseproduisentquandlarecherched’unemploioularecherched’employésontuncoût.

13 D’aprèslabasededonnéesOCDE‑OMCsurlecommerceenvaleurajoutée(TIVA);voir«http://stats.oecd.org/Index.aspx?lang=fr&SubSessionId=f8620c9f‑e8c6‑4eeb‑9031‑58b1df865285&themetreeid=12”.

14 VoirlesaperçusdonnésdansFrancoiset al.(2011)etDavidsonetMatusz(2010).

15 Lespersonnesquiperdentleuremploipendantunepérioded’ajustementrisquentdesouffriràcourtterme(chômage)etéventuellementàmoyenetlongtermes(baissedesalaire).Voir,parexemple,lestravauxdeKletzer(2000;2001)etEbensteinet al.(2009).

16 Hasanet al.(2012)utilisentdesdonnéesauniveaudesÉtatsetdessecteursconcernantl’Inde.Ilsnetrouventaucunepreuved’augmentationduchômageàlasuitedesréformescommerciales.LeuranalyseauniveaudesÉtatsrévèlequelechômageurbainbaisseavecl’ouverturedeséchangesdanslesÉtatsoùlemarchédutravailestflexibleetoùl’emploiestproportionnellementplusélevédanslessecteursexportateursnets.

17 L’idéequel’oppositionàl’ouvertureestdéterminéeparlesecteurd’emploidécouledecequ’onappellele«modèleàfacteursspécifiques».LemodèledeHeckscher‑Ohlinpréditquelesfacteursrelativementpeuabondantsdansunpayssontperdantsdanslecommerceetrisquentdoncdes’opposeràl’ouverture.Latailledel’entreprisejoueunrôledansles«nouveauxnouveaux»modèlesducommerce,dontl’unedesspécificitésestquelesfacteursemployésdanslesentreprisesrelativementpetitesrisquentplusd’yperdreavecl’ouverturedeséchanges.

18 MaydaetRodrik(2005)utilisentlesrenseignementsfournisparleProgrammeinternationald’enquêtessociales(ISSP),quiportesurplusde20000personnesdans23pays.

19 Selond’autresdonnéesd’enquêtes,lespersonnespeuventaussiêtrepréoccupéesparleseffetsdelamondialisationsurl’emploiàl’échelledupays.AndersonetGascon(2007),parexemple,indiquentque75%despersonnesayantréponduàuneenquêteauxÉtats‑Unisontditque«l’externalisationfaitdutortauxtravailleursaméricains».Uneautreenquêtemontrequ’environlamoitiédelapopulationd’AmériqueduNordetd’Europepenseque«plusdelibre‑échange»entraîneplusdedestructiond’emploisquedecréationd’emplois(GermanMarshallFund,2007).

20 Voirlesdonnéesdel’EurobaromètreanalyséesdansBacchettaetJansen(2011).

21 Calculsdesauteurssurlabased’unensemblepluslargedepaysaumoyend’unebasededonnéesPEW(ResearchGlobalAttitudesProject).

22 VoirBertolaet al.(2006)pouruneanalyseapprofondiedurôledesinégalitésdanslescadresmacroéconomiques.

23 Grigg(1994),citéparFieler(2011).

24 Celapourraitchanger,carlaproductionchinoisedeproduitsmanufacturéshautdegammeestbienengagée.

25 ComptetenudesperturbationsquionteulieusurlesmarchésfinancierspendantetaprèslaGranderécession,denombreuxprojetsderechercherécentsontattirél’attentionsurlerôledesinégalitésdansunmondeoùlesmarchésfinancierssontimparfaits.Onaainsiaffirméquelesinégalitéspouvaientagircommeamplificateurdeschocsglobauxliésaucommerce(PothieretPuy,2012).KumhofetRanciere(2010)montrentquecesinégalitéspeuventmêmeconstituerleprincipaldéclencheurdesgrandescrisesfinancières.

26 Danslemêmeordred’idées,Haltiwanger(2011)soulignel’importancedubonfonctionnementdesmarchésdecréditpourpermettreunajustementharmonieuxàlaréformeducommerce.

27 Lin(2010)etPisanoetShih(2012)nesontquedeuxexemplesparmilestrèsnombreusesétudesrécentessurlerôledesacteursdessecteurspublicetprivédansladéterminationdestrajectoiresdecroissance.AlorsqueLin(2010)sepenchesurlesdifficultésdespaysendéveloppement,PisanoetShih(2012)analysentlesdifficultésdupointdevued’unpaysindustrialisé.Bourguignonet al.(2006)examinentsilespolitiquesinternationalesenmatièred’aide,lecommerceoulacirculationdesfacteurspeuventavoiruneffetsurlarépartitioninternationaledesrevenus.Ilsconstatentquel’ouverturedeséchangesdanslespaysàrevenuélevépeutcontribueràaméliorerlarépartitiondesrevenusauniveaumondial.

28 CasacubertaetGandelman(2010)etMuendler(2010)montrentquel’ouverturedeséchangesenUruguayetauBrésiladétruitplusd’emploisqu’ellen’enacréé.Les

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

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travailleurslicenciésn’ontpasétéabsorbésparlessecteurslespluscompétitifsmaissontallésdansdessecteursnonmarchandsousontsortisdel’emploiformel.

29 VoirGoosetManning(2007)etAutoret al.(2006)ausujetdelapolarisationdel’emploi.

30 VoiraussiMitraetRanjan(2011),Paciet al. (2009)etJansenetvonUexkull(2010)surlerôledelaprotectionsocialedansleséconomiesouvertes.

31 LerapportBrundtlanddéfinitledéveloppementdurablecommeunprogrèscapablede«répondreauxbesoinsduprésentsanscompromettrelapossibilitépourlesgénérationsàvenirdesatisfairelesleurs»(Commissionmondialepourl’environnementetledéveloppement,1987).

32 Principe12delaConférencedesNationsUniessurl’environnementetledéveloppement(1992).

33 Préambuledel’AccorddeMarrakechinstituantl’Organisationmondialeducommerce.Adresseconsultée:www.wto.org.

34 LesdonnéessurlesémissionsproviennentduCentrecommunderecherchedelaCommissioneuropéenne(2011).Onnedisposepasencorededonnéesplusrécentessurlesémissionsauniveaumondial.

35 LesmesuresdelabiodiversitéproviennentdelaBanquemondiale(2012c).

36 L’indicateurAdjusted Net Saving,développéparlaBanquemondiale,indiqueletauxd’épargnevéritabled’uneéconomieunefoisprisencomptelesinvestissementsdanslecapitalhumain,l’épuisementdesressourcesnaturellesetlesdommagescausésparlapollution.L’Environmental Performance Index,élaboréparlesuniversitésdeYaleetColumbiaauxÉtats‑Unis,estunindicecompositequicouvre22variables,ycomprislamortalitéinfantile,lesémissionsdeSO2parhabitant,laréglementationconcernantlespesticides,ladéforestationetlesémissionsdeCO2parhabitant(YaleCenterforEnvironmentalLawandPolicyetCenterforInternationalEarthScienceInformationNetwork,2012).L’indicateurEcological Footprint,développéparleGlobal Footprint Network,mesureleratioentrelesbesoinsenterreseteneauetlesressourcesdisponiblespourmaintenirleniveaudevied’unpays.Enfin,lesindicesEnvironmental Impact,développésparBradshawet al.(2010),mesurentl’impactenvironnementalproportionneletabsoluparrapportauxressourcesdisponiblesdechaquepays(etdumonde),entermesdepertedesforêtsnaturelles,conversiondel’habitatnaturel,capturesmarines,utilisationd’engrais,pollutiondel’eau,espècesmenacéesetémissionsdecarbone.Pourfaciliterl’interprétation,lesmesuresontétéajustéescommesuit:‑EnvironmentalImpact+200.

37 LesprincipauxémetteursdeCO2en2008étaientlespayssuivants:Chine,États‑Unis,FédérationdeRussie,Indonésie,Inde,Japon,RépubliquedémocratiqueduCongo,Allemagne,Brésil,Canada,Royaume‑Uni,RépubliquedeCorée,Mexique,Italie,Australie,France,Royaumed’Arabiesaoudite,IranetAfriqueduSud.

38 LesprincipauxémetteursdeSO2en2008étaientlespayssuivants:Chine,États‑Unis,Inde,FédérationdeRussie,Australie,Kazakhstan,Indonésie,Japon,AfriqueduSud,Canada,Royaumed’Arabiesaoudite,Brésil,Mexique,Chili,Turquie,TaipeichinoisetPérou.

39 LesprincipauxémetteursdeNOxen2008étaientlespayssuivants:Chine,États‑Unis,Inde,FédérationdeRussie,Républiquecentrafricaine,BrésiletSoudan.

40 En2007,dernièreannéepourlaquelledesdonnéessontdisponibles.

41 D’aprèsCristeaet al.(2011),letransportaériendemarchandisesgénèrede50à200foisplusd’émissionsparkilogrammedemarchandisesetparkilomètrequeletransportmaritime.

42 L’hypothèsedeladotationenfacteursdeproductionreposeschématiquementsurlesfaitsstyliséssuivants:lespaysdéveloppésdisposentgénéralementdebeaucoupplusdecapitalquelespaysendéveloppement,etl’intensitédepollutiond’unsecteuréconomiquevagénéralementdepairavecl’intensitédecapital.

43 Larelocalisationdelaproductionpolluantepeutentraînerledéplacementdesindustriespolluantesdespaysoùlapolitiqueenvironnementaleeststricteverslespaysoùelleestsouple,oul’accroissementdelaproduction(etdesexportationsnettes)deproduitsàforteintensitédepollutiondanscesdernierspays.

44 Suivantl’hypothèsedurefugepourpollueurs,pluslerevenuparhabitantd’unpaysestélevé,plussapolitiqueenvironnementaleeststricte.VoirCopelandet al.(2003).

45 Onpeutdéfinirapproximativementlaméthodeou«technique»deproductioncommelapollutionparunitédeproduction.

46 Parexemple,McAusland(2004)utiliseunmodèlecommerciald’équilibrepartielpourillustrerl’»effetCalifornie»,parlequellesentreprisesnationalesvoientleurprofitaugmenterdufaitd’uneprescriptionimposantl’utilisationd’intrantspluspropres.Mêmesilaprescriptionplusstrictenes’appliquepasàl’étranger,lesentreprisesétrangèresontintérêtàs’yconformer.Commelaproductionestsujetteàdesrendementscroissantsetquelademandeestfortedanslepaysquialaprescriptionplusstricte,ilestmoinscoûteuxpourlesentreprisesétrangèresdeseconformeràcetteprescriptionetd’utiliserdesintrantspluspropres.Cependant,l’utilisationdecesintrantsaccroîtlescoûtsdeproductiondesentreprisesétrangèresplusqueceuxdesentreprisesnationalesetdéplacelademandemondialeverslesentreprisesnationales.

47 Ilaétésuggéréquelafuitedecarbonepeutseproduireaussiparla«voiedescombustiblesfossiles».Eneffet,labaissedesprixmondiauxdescombustiblesfossiles(dueàlabaissedelademandedecombustiblesfossilesdanslespayscontraints)peutprovoqueruneaugmentationdelademanded’énergieetdesémissionsdanslespaysnoncontraints(Morgensternet al.,2007).

48 Lesétudesexprimentsouventlafuitedecarboneenpourcentagedel’augmentationdesémissionsdeCO2danslespaysnoncontraintsetdelaréductiondesémissionsdanslespayscontraints.Laplupartdesestimationsdelafuitedecarbonesesituententre5%et20%(Elliottet al.,2010).

49 Laformelapluscourantedesystèmed’échangededroitsd’émissionestlesystème«deplafonnementetd’échange»,danslecadreduqueluneautoritécentralefixelalimiteglobaledesémissionsdecarboneetattribueensuitedesquotasd’émissionoupermisdepollueràconcurrencedeceplafond.Lespermissontattribuésauxentitésdontlesactivitéscontribuentauxémissions,conformémentàdesrèglesetconditionsspécifiques,etilspeuventêtreéchangésentrelesparticipants.Lesquotasd’émissionpeuventêtrevendusauxenchèresoudistribuésgratuitementauxbénéficiaires.VoirSerreset al.(2010).

II – Facteurs détermInant l’avenIr du commerce mondIal

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50 Lessystèmesdetarifd’achatgarantisoffrentunprixgarantiouuneprime(parrapportauprixdumarchédel’électricité)pourchaqueunitéd’électricitéinjectéedansleréseauetproduiteaumoyend’énergierenouvelable.Danslessystèmesdequotas,lespouvoirspublicsimposentgénéralementàuneentreprisedeservicespublicsouàungrouped’entreprisesl’obligationdefournirunepartminimaled’énergierenouvelabledéterminéeàl’avanceparrapportàleurpuissanceinstalléeouàleurproductiond’électricité.Lessystèmesdequotassontaussiappelésnormedeportefeuillerenouvelable,normed’électricitérenouvelable,obligationd’énergierenouvelable,oucibled’énergierenouvelable.Deprécédentesaffairesderèglementdesdifférendsmontrentquelesrèglesdel’OMClaissentauxpaysunemargedemanœuvreleurpermettantd’adopterunlargeéventaildepolitiquespouratteindreleursobjectifsenvironnementauxlégitimes.Danslemêmetemps,cettemargedemanœuvreestassujettieàdesconditionsspécifiquesvisantàfaireensortequelesmesuresnesoientpasappliquéesdemanièrearbitraireetnesoientpasdesrestrictionsdéguiséesaucommerceinternational.Parexemple,l’introductiond’uneprescriptionrelativeàlateneurenélémentsd’originenationaledanslesystèmedetarifd’achatgarantiaétéjugéincompatibleaveclesobligationsdesMembresdel’OMCautitredel’AccordsurlesMICdanslesrécentesaffairesCanada–Énergierenouvelable/Programmedetarifsderachatgarantis(WT/DS412/AB/R;WT/DS426/AB/R),Canada–Certainesmesuresaffectantlesecteurdelaproductiond’énergierenouvelable–Canada–Mesuresrelativesauprogrammedetarifsderachatgarantis–AB‑2013‑1–Rapportsdel’Organed’appel,6mai2013).

51 Unfinancementàcourttermeestnécessairepourlaplupartdestransactionscommercialesinternationalescarilexisteundécalagetemporelentrelaproductiondesmarchandisesetleurexpéditionparl’exportateur,d’unepart,etleurréceptionparl’importateur,d’autrepart.Engénéral,lesexportateursexigentlepaiementauplustardaumomentdel’expédition(etauplustôtlorsdelacommande),tandisquelesimportateurssontcenséspayerauplustôtaumomentdelaréceptiondelamarchandise.Cedécalagejustifiegénéralementl’existenced’uncréditoud’unegarantiedepaiement.Lecréditpeutêtreaccordésoitdirectemententrelesentreprises–créditfournisseuroucréditacheteur–,soitpardesintermédiairesbancaires,quipeuventproposeràl’exportateurouàl’importateurd’assumeràleurplaceunepartiedurisqueliéaupaiement(ainsiquecertainsautresrisquesliésauxtransactionscommercialesinternationales)moyennantrémunération.Parexemple,avecunelettredecrédit,labanquedel’acheteurdonneauvendeurlagarantiequ’ilserapayémêmesil’acheteurnepaiepasaufinal.Lerisqued’undéfautdepaiementparl’acheteurestainsitransféréduvendeuràl’émetteurdelalettredecrédit.

52 Parexemple,l’enquêteréaliséeen2009parleFMIetlaBAFT,pourlapériodeallantdutroisièmetrimestrede2008aupremiertrimestrede2009,avaitrévéléquelesfluxdefinancementducommerce–garantiounon–àdestinationdespaysendéveloppementavaientdiminuéplusquelesfluxcommerciauxen2008,englissementannuel.

53 Dansle«FinancialStabilityReview»dejuin2012,laBanquecentraleeuropéenne(BCE)craintqueleprocessusderedimensionnementn’influenégativementsurl’offredecréditsàl’économieréelledelazoneeuro.SelonlaBCE,cettepréoccupationconcernepluslazoneeuroquelesautresgrandeséconomies,enraisondurôleprédominantdesbanquesdanslefinancementdel’économie.

54 DanssonRapportannuel2010,laBRIestimeque,danslesdeuxannéesécouléesentreledébutdelacrisefinancièreetlapublicationdesonrapport,ladépréciationd’actifsacauséauxbanquesinternationalesdespertescumuléesd’environ1300milliardsdedollarsEU,quiontentraînéunerecapitalisationtotalede1200milliardsdedollarsEU.Depuislors,laBRInepubliepluscechiffre,maisilestprobablequ’ilaitaugmenté.

55 OntrouverasurlesiteWebduFMI(www.imf.org)plusdedétailssursesestimationsnormativesdestauxdechanged’équilibre.Lanoteméthodologiquede2012intitulée«ExternalBalanceAssessment(EBA):TechnicalBackgroundofthePilotMethodology»estparticulièrementintéressante.

56 Voir,enparticulier,leséminaireorganiséparleGroupedetravailducommerce,deladetteetdesfinances.Ontrouveraàl’adressesuivante:http://www.wto.org/french/news_f/sppl_f/sppl222_f.htmlesexposésquiyontétéprésentés.

57 Surcettequestion,voiraussilasectionD.7dansOMC(2007).