Critique Danse - Raphael Petitprez - 2014

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CRITIQUE DANSE Il y a trois formes de critique : la danse, le jeu et l’art. Non, la pensée, non, l’intelligence, non, le savoir... fonctionnent comme langage (i. e. téléo- théologique). Il faudra ici ne pas s’agiter comme un danseur ou ne pas parier comme un joueur ou ne pas peindre la girafe comme un artiste sait si bien faire. Il sera plutôt question de se saisir de ce qui permet dans la danse de se décoller de son corps, dans le jeu de son économie (c’est-à-dire du rapport que l’on entretient avec le monde, avec R A P H A Ë L P E T I T P R E Z 1 / 7

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Il y a trois formes de critique : la danse, le jeu et l’art.

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  • CRITIQUE DANSE

    Il y a trois formes de critique : la danse, le jeu et lart.

    Non, la pense, non, lintelligence, non, le savoir... fonctionnent comme langage (i. e. tlo-thologique).

    Il faudra ici ne pas sagiter comme un danseur ou ne pas parier comme un joueur ou ne pas peindre la girafe comme un artiste sait si bien faire.Il sera plutt question de se saisir de ce qui permet dans la danse de se dcoller de son corps, dans le jeu de son conomie (cest--dire du rapport que lon entretient avec le monde, avec

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  • autrui) et dans lart de son existence, entirement.

    De la critique comme dun dcollement donc. Dune mise distance des moyens habituellement pris pour arriver nos fins. Dessayer dy loger ternellement dans ses moyens-l, sans aboutir. Dentrer dans un processus symbolique permanent o lalination (car quand il est question de symbolique ou de smantique, il est bien question dalination) serait prise en charge de lintrieur et non subie, cest--dire non dlivre par une instance extrieure, cest--dire de manire hrtico-paenne.Une vison de lactivit humaine non-expansionniste, en quelque sorte, et pourtant la

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  • recherche constamment de nouvelles contres, sans portant sy arrimer. Se limiter parcourir cet intrieur infini, habiter indfiniment ce terrain imaginaire. Et ce sera ici-mme que les choses nouvelles passeront, graviteront. Notre seul action se dfinit par la ngative : ne pas rellement sen saisir, voil ! Il sagira daborder le regard des choses sur nous et non de nous sur les choses.Prenons la conception contemporaine du ready-made : un nimporte qui et un nimporte quoi associs une extension de lego (artistique ou non finalement) sur les choses par auto-performativit (par effet de langage pour le dire plus simplement ou encore par crasement

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  • conceptuel). Un autre conception du ready-made est possible, et tout aussi riche, si ce nest plus (du fait quelle nattribut aucunement une auto-suffisance, une toute puissance lindividu qui ici ressemble plutt une ego-grgarit) qui irait des choses, de leur regard quelles posent, nous.

    Prtons-nous une exprience : allons dans un muse, oui je sais, la proposition est indcente, nimporte lequel, encore pire ! Imaginons toutes ces toiles, l ! ou tous ces objets les plus divers agencs si rgulirement dans ces espaces o nous dfilons... qui regarde qui ? Toutes ces choses, l, ne sont-elles pas semblable des milliers dilletons que le monde lui-mme

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  • retourne contre nous, pour nous observer, nous pier ?Descendons dans la rue, allons dans un jardin, finissons dans un dsert ou dans une prison, sur une montagne ou dans un supermarch... ne sont-ce pas, ici aussi, les choses mmes qui nous regardent, qui simmiscent en nous ?Peut-tre est-ce bien plutt ce regard trop puissant, cette violence trop direct que ltre humain sest attel endiguer, filtrer, plus que, lui-mme, construire un regard, une vision du monde. La spcificit humaine serait sa sensibilit face tout regard lanc son encontre, et son ingniosit quil mit en uvre pour retarder, diffrer, rflchir ce regard persistant du monde

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  • dans lespoir de neutraliser leffet quil peut avoir sur lui.Pour autant, ltre humain aime prtendre avoir, sinon une, des visions du monde. Et juste titre, lhistoire de lhumanit serait la juxtaposition, la (ds)articulation des visions du mondes dominantes jurant souvent les unes par rapport aux autres dans un enchanement nallant pas toujours de soi.Mais, ce que nous disons ici, cest que le monde jette un regard sur lhomme, le possde.Ce sont les choses qui ont une vision de lhomme, qui le sondent, qui le traversent plutt que linverse. LHistoire de lart, par exemple, serait bien plus lhistoire du regard du monde sur

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  • lhomme que celle des diffrentes visions du monde quaurait eu ce dernier.

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