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Le Maroc s’ouvre

au XXIe siècle

N° 154 - mai 2010trimestrielnuméro double - 30 €ISSN 0153-6184www.iau-idf.fr

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L’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région d’Île-de-France est une fondation nationale reconnue d’utilitépublique par le décret du 2 août 1960.Directeur général : M. François DUGENY

OrganisationLe conseil d’administration de l’Institut, composé de vingt-sixmembres, est présidé par le président du conseil régional d’Île-de-France, M. Jean-Paul HUCHON.

Le conseil d’administration comprend:- treize membres du conseil régional d’Île-de-France pour la durée

de leur mandat dans ce conseil, ou leurs suppléants respectifsmembres de ce conseil ;

- le président du conseil économique et social de la région Île-de-France ou son représentant, désigné parmi les vice-présidents de ce conseil ;

- deux membres du conseil économique et social de la région Île-de-France, désignés par lui, pour la durée de leur mandat dans ce conseil, ou leurs suppléants respectifs membres de ce conseil, désignés en même temps et dans les mêmesconditions ;

- quatre représentants de l’État, dont le préfet de la région Île-de-France représentant le ministre de l’Intérieur, le directeurrégional de l’Insee représentant le ministre du Budget, le représentant régional de l’Équipement d’Île-de-France,représentant le ministre chargé de l’Urbanisme et un représentant du ministre des Transports ;

- les représentants des membres fondateurs : le gouverneur de la Banque de France, le directeur interrégional de la Caisse des dépôts et consignations, le président du directoire du Créditfoncier de France et la présidente du directoire du Crédit de l’équipement des PME;

- le président de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris.

MissionsOrganisme d’études du conseil régional d’Île-de-France, l’IAU îdFapporte en priorité son appui technique aux collectivités localesd’Île-de-France.

Il réunit un large éventail de compétences : aménagement urbain et rural, environnement, transports, logement et mode de vie,économie et développement local, équipements et foncier, santé.

Ses diagnostics et ses propositions permettent ainsi de préparerles choix des élus régionaux et locaux avant de les traduire en termes de projets.

L’IAU îdF agit en partenariat avec d’autres opérateurs français et étrangers à travers son système d’information géographique et sa médiathèque en réseau.

Il exporte son savoir-faire à travers des contrats directs et des accords de coopération technique.

IAU île-de-FrancePUBLICATION CRÉÉE EN 1964

Directeur de la publicationFrançois DUGENY

Directrice de la communication Corinne GUILLEMOT (01 77 49 76 16) [email protected]

Responsable des éditionsFrédéric THEULÉ (01 77 49 78 83) [email protected]

Rédactrice en chefSophie MARIOTTE (01 77 49 75 28) [email protected]

CoordinateursVictor SAID (01 77 49 76 32) [email protected] ZEIGER (01 77 49 78 51) [email protected]ëlle ZUNINO (01 77 49 79 08) [email protected]

Secrétaire de rédactionAgnès FERNANDEZ

PresseCatherine BRAMAT (01 77 49 79 05) [email protected]

FabricationSylvie COULOMB (01 77 49 79 43) [email protected]

Maquette, illustrationsAgnès CHARLES (01 77 49 79 46) [email protected]

CartographieSylvie CASTANO (01 77 49 78 72) [email protected] TILLOY (01 77 49 75 11) [email protected]

Biographies et bibliographiesChristine ALMANZOR (01 77 49 79 20) [email protected]

Médiathèque – photothèqueClaire GALOPIN (01 77 49 75 34) [email protected]élie LACOUCHIE (01 77 49 75 18) [email protected]

ImpressionPoint 44

CouvertureOlivier CRANSAC (01 77 49 75 16) [email protected] : © Agostino Pacciani / www.agostino-reportages.com

Commission paritaire n° 811 AD ISSN 0153-6184

© IAU île-de-FranceTous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés. Les copies, reproductions, citationsintégrales ou partielles, pour utilisation autre que strictement privée et individuelle, sont illicites sansautorisation formelle de l’auteur ou de l’éditeur. La contrefaçon sera sanctionnée par les articles 425 etsuivants du code pénal (loi du 11-3-1957, art. 40 et 41).Dépôt légal : 2e trimestre 2010

Diffusion, vente et abonnement :Olivier LANGE (01 77 49 79 38) [email protected]

France ÉtrangerLe numéro : 18 € 20 €Le numéro double : 30 € 32 €Abonnement pour 4 numéros : 72 € 84 €(Étudiants, photocopie carte de l’année en cours, tarif 2009) : 50 €

Sur place : Librairie ÎLE-DE-FRANCE, accueil IAU - 15, rue Falguière, Paris 15e (01 77 49 77 40)

Par correspondance :INSTITUT D’AMÉNAGEMENT ET D’URBANISME DE LA RÉGION D’ÎLE-DE-FRANCE15, rue Falguière - 75740 Paris Cedex 15Abonnement et vente au numéro : http://www.iau-idf.fr

Bulletin d’abonnement annuelSouhaite s’abonner pour un an (3 numéros + 1 numéro double)

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Étudiant : 50 € (photocopie de la carte de l’année en cours)

Commande d’anciens numérosFrance : 18 € – n° d. : 30 € Étranger : 20 € – n° d. : 32 €

N° 153 N° 152 N° 151

N° 150 (n° double) N° 149 N° 148

France : 36 € Étranger : 38 €

Crédits photographiquesp. 1 : Jean-Luc Comier/le bar Floréal photographie/Région ÎdFp. 2 : service de presse de l’Ambassade de France au Marocp. 4 : Christian Lauté

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Île-de-France - Maroc : développer un partenariat fructueux

La coopération décentralisée est une dimension majeure de l’action internationale de la région Île-de-France.

Les nombreux partenariats établis dans des domaines aussi variés que la culture, l’éducation et la formation,l’environnement ou la santé, l’aménagement

et les transports, le développement économique, mobilisent ainsi les moyens humains et financiers des collectivités. Ils visent le renforcement des capacités d’action de l’ensemble des partenaires, la réalisation de projets porteurs et la mise en synergie des acteurs sociaux et économiques au niveau national ou métropolitain.

Depuis plusieurs années, la région Île-de-France conduit des actions en direction du Royaume du Maroc. Elles s’adressent notamment aux jeunesgrâce, par exemple, aux bourses d’études permettant aux étudiantsmarocains de poursuivre un cursus de master dans un établissementd’enseignement supérieur en Île-de-France.

La région Île-de-France a toujours à cœur de développer les échanges de savoirs et de compétences pour soutenir le développement, en mobilisantson expérience, ses réseaux et son savoir-faire. Ces échanges permettent aussi d’apprendre de la part de pays qui, comme le Maroc, font preuve de dynamisme et de créativité, et utilisent la tradition comme socle de la modernité.Au Maroc, de longue date, l’IAU île-de-France a su apporter sa pierre à cet édifice.

L’IAU île-de-France a accentué sa mobilisation au service d’un urbanismedurable en signant à Rio avec ONU Habitat un partenariat pour soutenir la campagne mondiale pour le développement urbain durable. Au travers de cet engagement, l’Île-de-France entend valoriser le rôle des acteurs et des réseaux professionnels au service d’un développement responsable,comme c’est le cas au Maroc où un Collège des architectes urbanistes a été récemment créé.

C’est cette action soutenue et pérenne de l’IAU île-de-France et de ses partenaires que le présent numéro des Cahiers entend retracer. Il servira, je le souhaite, de référence à tous ceux qui s’intéressent aux défiset au renouveau des politiques urbaines et de logement au Maroc et partout ailleurs dans le monde.

Jean-Paul HuchonPrésident du conseil régional d’Île-de-FrancePrésident de l’IAU île-de-France

Éditorial

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Coopération franco-marocaine : imaginons ensemble l’urbanisme de demain

La publication de ce Cahiers spécial de l’IAU île-de-Franceconsacré au Maroc est une excellente initiative qui intervient à un moment important de l’histoire des villes au marocaines. En effet, la population urbaine vient de dépasser celle qui vità la campagne et les autorités marocaines sont doncengagées dans la construction rapide de logements

pour répondre aux besoins croissants.Il faut rappeler par ailleurs que le Maroc a su créer dès le début du XXe siècleune dynamique architecturale et urbaine innovante et imaginative qui ne s’est jamais démentie et qui a répondu aux nécessités de sa modernisation et de son essor.Dans ce double contexte, le Maroc est également attentif aux expériencesd’urbanisme que d’autres pays ont conduites, pour s’assurer en particulierque les citoyens seront effectivement au cœur de la cité et que les extensions urbaines ne deviendront pas des poches d’exclusion.Les relations établies entre l’IAU île-de-France et ses partenaires marocainsprennent ainsi tout leur sens. Articuler transports publics et privés pour favoriser la mobilité, construire des logements résidentiels et sociauxdans les mêmes zones pour assurer de la mixité urbaine, penser les espacesverts et les aires de jeux et de sport pour la jeunesse, imaginer les emploisau cœur de la cité pour éviter les déplacements trop longs, tels sont les défis qui se posent aux autorités marocaines. La coopérationentre l’IAU île-de-France et ses partenaires marocains, les réflexionspartagées entre professionnels, sont des réponses adaptées à ce contexte de projection et de production urbaine intensive.Bien sûr, c’est aux acteurs marocains qu’il appartient d’imaginer et de construire leurs espaces à vivre de demain. Mais devant le risqued’uniformisation et de solutions toutes faites, donc inadéquates, le partenariat et le dialogue entre la France et le Maroc dans ces domainess’inscrivent dans notre longue histoire commune. Comme par le passé, il pourra contribuer à l’invention de solutions proprement marocaines,préservant l’âme des cités de ce pays tout en assurant un cadre de vieagréable pour les futures générations.En outre, à l’heure où le Maroc, sous l’impulsion de son Souverain, Sa Majesté le Roi Mohammed VI, s’est engagé dans une vaste et profonde réforme de sa gouvernance territoriale comme du champ social,les relations entre collectivités locales françaises et marocaines, qui sont très vivaces, constituent un autre atout. En effet, la formation des cadres des collectivités locales marocaines et des institutions qui leur sont rattachées devient une priorité. La coopération décentraliséefranco-marocaine a, par conséquent, un nouveau champ d’application dans l’appui à ce vaste mouvement de réformes et dans le renforcement des compétences gestionnaires des villes marocaines.Je salue donc l’initiative de l’IAU île-de-France qui permet d’avoir une visiondes défis posés au Maroc et des apports possibles de l’expertise françaisepour contribuer à répondre, dans un esprit de coopération et de partage, à la définition des solutions durables pour les villes marocaines de demain.

Bruno JoubertAmbassadeur de France au Maroc

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Préface

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IAU île-de-France - Maroc : les enjeux de la métropolisation

L’IAU île-de-France mobilise compétences et ressources pour transmettre son expérience et ses savoir-faire dans le cadre de partenariats multiples, mais aussi pour apprendre et comprendre les évolutions du monde qui nous entoure, identifier les bonnes pratiques, assurer sa place dans le concert des grands bureaux d’expertise

nationaux et internationaux. Dans cette mobilisation, les partenariats nouésavec le Maroc tiennent une place particulière, du fait de leur ancienneté, de leur intensité, de leur durabilité.

Cette continuité a couvert des situations bien différentes, le Maroc et l’Île-de-France ayant connu des évolutions profondes de leurs contextesinstitutionnels, économiques, sociaux, environnementaux. Aujourd’hui, le Maroc développe une stratégie de mise à niveau généralisée de ses infrastructures et de ses services urbains. L’enjeu est triple : assurerle développement humain en luttant contre la pauvreté, organiser une gouvernance multi-acteurs pour articuler contraintes publiques et recouvrement des coûts, et assurer la coordination des projets de développement territorial dans le cadre de la décentralisation. Ce moment nous a semblé opportun pour porter un regard sur les évolutions qui sont en cours aux plans national et régional, sur leurs articulations avec les grandes tendances à l’œuvre au niveauinternational. C’est aussi l’occasion de développer dans ce numéro des Cahiers de l’IAU île-de-France ce qui a constitué la matière autour de laquelle se sont noués les partenariats actifs entre notre institut et l’ensemble de nos interlocuteurs marocains.

En donnant la parole à ces partenaires, à des experts, à ceux de l’institutqui se sont mobilisés auprès des institutions, des villes et des territoires du Maroc, ce numéro des Cahiers a certes pour ambition de retracerplusieurs dizaines d’années de coopération fructueuse entre notre institutet le Maroc, mais aussi et surtout de donner à comprendre et à voir les enjeux auxquels les métropoles marocaines, comme nombre d’autresmétropoles du monde, sont confrontées : nécessité d’accueillir rapidementdes populations de plus en plus nombreuses engendrant une urbanisationaccélérée, développement de nouveaux moyens de transport, réalisation denouveaux programmes d’équipements, prise en compte des problématiquesenvironnementales, notamment celles liées aux risques. Autant de sujetsauxquels les villes européennes ont dû répondre lorsqu’il s’est agid’adapter les villes traditionnelles aux besoins générés par l’émergence de sociétés nouvelles.

François DugenyDirecteur général de l’IAU île-de-France

Avant-propos

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PrologueLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 154 - mai 2010

Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

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Aspirer à la modernité en s’attachant à une forte identité propre est une traditionbien marocaine.À travers son histoire et sa situation géopolitique, le Maroc a su s’adapter à l’évolu-tion du contexte régional et international pour se positionner sur l’échiquier mon-dial en jouant souvent un rôle d’avant garde.Le pays se transforme en même temps avec un mouvement perpétuel de passagede la ruralité à l’urbanité. Si ce phénomène a démarré au VIIIe siècle avec la créationde la ville (médina) de Fès, il connaît depuis la deuxième moitié du siècle dernierune accélération. La vie urbaine n’est donc pas récente dans un Maroc qui a vu sacapitale déménager au gré des civilisations entre Fès, Marrakech, Mekhnès et Rabat.Cette diffusion de la culture urbaine à travers le temps et l’espace a doté le paysd’une armature urbaine variée capable de structurer le vaste territoire national.Dans ce contexte, les villes marocaines se sont développées rapidement, par desextensions difficilement maîtrisables. Désormais, pour faire face aux enjeux du nou-veau siècle, l’essor du pays se joue essentiellement par la métropolisation de sesgrandes villes. La mondialisation, la concurrence internationale, la crise énergé-tique, le changement climatique, la maîtrise du développement urbain dans unevision de durabilité sont aujourd’hui autant d’enjeux auquel le pays doit répondre.La volonté politique exprimée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI place l’Hommeet son épanouissement au premier rang des objectifs nationaux. L’habitat digneprôné par Sa Majesté se traduit par la politique nationale des Villes sans bidonvilleset par le développement massif de l’habitat social, l’amélioration des conditions devie de la population la plus vulnérable trouve son écho à travers l’initiative nationalede développement humain et le développement durable s’invite dans les réformesen cours. Le Maroc se transforme rapidement pour répondre aux nouveaux besoinsde sa population et se prépare dans tous les domaines pour se confronter aux défisdu XXIe siècle.Ce numéro des Cahiers consacré au Maroc se veut une contribution à la foisdémonstrative des expériences et analytique des dynamiques de transformation etdes réformes qui sont à l’œuvre pour moderniser le pays.Pour se préparer à pénétrer le nouveau siècle avec les atouts d’un pays ancré soli-dement dans ses valeurs et son territoire mais aussi ouvert pleinement à la mondia-lisation, cette contribution cherche à clarifier la complexité des mécanismes et laportée des réformes récentes. Ceci, grâce à des contributions que les hauts respon-sables marocains ont bien voulu accorder ainsi que celles des acteurs de la sociétécivile et de chercheurs passionnés. En outre, la riche expérience partagée entrel’IAU îdF et les agences urbaines ainsi que les directions de l’aménagement du ter-ritoire et de l’urbanisme au Maroc met en lumière et jalonne le travail d’explorationdes solutions adaptées aux différentes problématiques en commun entre la Franceet le Maroc.Dans sa première partie, ce numéro des Cahiers retrace l’évolution urbaine depuisle début du XXe siècle à nos jours et démontre l’aspiration et la préparation à lamétropolisation des grandes villes marocaines. La deuxième partie jette en perspec-tive des regards croisés sur le Maroc de demain en regroupant les contributions ensix thématiques transversales. La troisième partie développe des exemples de lapanoplie des actions de coopération de l’IAU îdF depuis presque trente ans avecles différents partenaires marocains.Nous espérons que cette publication sera un jalon supplémentaire pour avancerensemble et prolonger les relations de coopération entre l’IAU îdF et ses parte-naires marocains.

Victor SaidIAU île-de-France

Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

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Éditorial : Île-de-France - Maroc : développer un partenariat fructueuxJean-Paul Huchon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

Préface : Coopération franco-marocaine : imaginons ensemble l’urbanisme de demainBruno Joubert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2

Avant-propos : IAU île-de-France - Maroc : les enjeux de la métropolisationFrançois Dugeny . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

Prologue : Le Maroc s’ouvre au XXIe siècleVictor Said . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

Le Maroc d’aujourd’hui : dynamisme et ouverturePhilippe Louchart, Jean-François Saigault . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

L’évolution urbaine du Maroc : d’un siècle à l’autreLE DÉVELOPPEMENT URBAIN DU XXe SIÈCLE

De la médina à la « ville européenne» au Maroc . . . 15Jean-François Troin

L’explosion urbaine de la seconde moitié du XXe siècleRachid Ouazzani . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

Retour à la planification urbaine au MarocAbdelhai Bousfiha . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

À LA RECHERCHE DE LA MÉTROPOLISATION

Une nouvelle approche de la planification stratégiqueFrançois Dugeny, Victor Said . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

Casablanca : laboratoire de l'évolution urbainePauline Zeiger, Gwenaëlle Zunino . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

Marrakech : la métropolisation d’une cité royaleVictor Said . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

Rabat-Salé, ville capitaleMohamed Aouzaï, Jean-Pierre Palisse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39

Le Maroc en perspective : regards croisésLES POLITIQUES URBAINES À L’ŒUVRE

Villes sans bidonvilles, une priorité nationaleInterview de Ahmed Taoufiq Hejira . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

Les villes nouvelles marocainesAbderrahmane Chorfi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

Réintégration des médinas dans la dynamique des villesAsmae Sedjari . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54

QUAND L’ÉCONOMIE FAÇONNE LE TERRITOIRE

Les enjeux territoriaux de l’économie marocaineAbdelaziz Adidi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59

L’âme des villes, vecteur du développement touristique du littoralInterview de André Azoulay . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

Une armature commerciale en pleine évolutionKawtar Tazi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66

Retour à la Méditerranée : Tanger Med en pointeJean-François Saigault, Pauline Zeiger, Gwenaëlle Zunino . . . 69

VERS UNE MOBILITÉ DURABLE

Articulation urbanisme-transports dans le Grand RabatMohamed Aouzaï . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72

Rabat-Salé : le tramway pilote du MarocLoubna Boutaleb . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74

Trame urbaine de Casablanca et mobilité durablePierre Mayet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76

Mobilité et urbanité : les défis du PDU de CasablancaPaul-Richard Marsal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78

Le Maroc face au défi logistiqueLydia Mykolenko . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80

L’ENVIRONNEMENT : L’ENJEU DE L’AMÉNAGEMENT DE DEMAIN

Les villes marocaines face au changement climatiqueAnthony Gad Bigio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84

Une réglementation parasismique pour le MarocHayat Sabri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88

Les défis de l’eau : le bassin du SoussChristian Thibault . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89

Des plans verts pour les villes marocainesNelly Barbieri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91

Développement et gouvernance des services publics urbainsClaude de Miras . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94

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Sommaire

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VERS UNE APPROCHE GLOBALE DE LA QUALITÉ DE VIE

La qualité urbaine face aux enjeux de la ville de demainAllal Sakrouhi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97

La qualité architecturale, une tradition qui se perpétueOmar Farkhani . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100

La place des quartiers Art déco dans les villes d’aujourd’huiAbderrahim Kassou . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104

Le patrimoine au Maroc : l’enjeu identitaire à travers l’histoireSalima Naji . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107

ADAPTATION DES OUTILS JURIDIQUES ET INSTITUTIONNELS

Évolutions institutionnelles, décentralisation et jeu d’acteursMinistère de l’Intérieur du Maroc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111

Aménagement du territoire : du stratégique à l’opérationnelAbdelouahed Fikrat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115

Le développement durable dans la réforme de l’urbanismeHafida Aarab . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118

Les statuts complexes d’un foncier rareAzzeddine Hafif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120

30 ans de coopérationavec le MarocDES ACTIONS PARTENARIALES ADAPTÉES AUX TERRITOIRES

La vallée du Bouregreg : plaidoyer pour un développement durableJean-Louis Pagès . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127

Plan de référence pour l’aménagement de la vallée du Bouregreg . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129

Salé : redynamiser la médina en la sauvegardantAnne-Marie Roméra, Jean-Pierre Palisse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130

Salé : intégrer l’habitat irrégulier dans une vision d’agglomérationÉtienne Berthon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133

Grand Casablanca : le Sdau en appui au projet métropolitainVictor Said . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136

Quelle stratégie d’aménagement pour le littoral de Casablanca?Gwenaëlle Zunino . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140

Casablanca : intégration du grand projet urbain d’AnfaPierre Mayet, Victor Said, Bertrand Warnier . . . . . . . . . . . . . . . . . 142

Satama : référentiel pour la métropole d’AgadirAbdelillah Laslami, Victor Said . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145

Requalification et renouvellement urbain du centre d’AgadirGérard Abadia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149

Le parc de Souss-Massa, territoire d’exception à l’équilibre fragileChristian Thibault . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152

Agadir : rétrospective sur le Sdau et les cités nouvellesNelly Barbieri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155

Fès : articuler la médina avec son environnementAnne-Marie Roméra, Victor Said, Christian Thibault . . . . . . . . . 157

OBSERVER, ANALYSER ET DÉCIDER : LES OUTILS ADAPTÉS

Un centre de documentation pour la direction de l’UrbanismeLinda Gallet, Micette Hercelin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162

Des observatoires urbains pour comprendre et agirAgnès Charousset . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164

Les SIG au service de l’urbanisme et de l’aménagement au MarocMichel Hénin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166

Le système d’information géographique, un outil de planification et d’évaluationSophie Foulard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168

Tableaux de bord et gestion des documentsd’urbanismeLaurie Cransac, Nicolas Laruelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169

RessourcesBiographies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173

Sommaire

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Le Maroc a précocement engagé une poli-tique de modernisation, dans tous lesdomaines, en optant pour une ouverture

vers l’extérieur, une insertion dans l’économiemondiale et une accélération des réformes cesdix dernières années.

Les ambitions du Maroc dans la course mondialeAfin de se positionner sur la scène internatio-nale, de s’intégrer dans l’économie mondiali-sée et d’accroître sa compétitivité, le Royaumea fait des choix stratégiques d’ouverture del’économie, de libéralisation des échanges etd’intégration régionale.La volonté de renforcer les relations bilatéraleset multilatérales s’est traduite par la multiplica-tion d’accords de libre-échange, tant avec lespays voisins qu’avec des pays lointains repré-sentants de fortes opportunités (États-Unis,ALE(1), Turquie), notamment en ratifiant lesaccords du GATT(2) en 1994. Ainsi, le Maroc aintégré le processus d’Agadir (Tunisie, Égypte etJordanie) et la Grande zone arabe de libre-échange (18 pays arabes du Maghreb, d’Afriqueet du Moyen-Orient).Un volet important de cette stratégie d’intégra-tion régionale est la constitution de liens privi-légiés avec l’Union européenne (UE). Le Marocs’est toujours distingué par sa vision et sa forcede proposition au sein de la politique euro-péenne de voisinage (PEV) comme du Proces-sus de Barcelone (Union pour la Méditerra-née). Compte tenu du rôle qu’il joue non

seulement au Maghreb et en Afrique, mais aussidans toute la région méditerranéenne, le parte-nariat avec le Maroc a une valeur fondamentalepour l’UE. Dans ce sens, le Maroc a signé unaccord d’association avec l’UE, entré en vigueuren 2000, et a obtenu en octobre 2008, le trèsconvoité « statut avancé». Le Maroc est le pre-mier pays à bénéficier de ce statut qui constitueune reconnaissance des réformes politiques etéconomiques engagées par le Royaume, etdresse une feuille de route avec un ensemblede propositions dans les champs politique,humain et économique. En matière écono-mique et sectorielle, celles-ci visent à l’harmo-nisation législative et réglementaire et à l’ap-profondissement des relations commerciales àtravers un accord de libre-échange couvrantde nouveaux domaines (marchés publics,droits de la propriété intellectuelle, mouve-ments des capitaux, concurrence, développe-ment durable, etc.). Enfin, le Maroc est le pre-mier bénéficiaire des fonds d’aide européenneprévus pour la période 2007-2010 dans le cadrede la PEV.

Le Royaume a pour ambition d’assurer sa stabi-lité économique et financière, et d’améliorer leclimat d’affaires ; il a, pour cela, entamé de nom-breuses réformes qui se poursuivront au cours

Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

Le Maroc d’aujourd’hui :dynamisme et ouverture

Le Maroc a mis en place de nombreuses stratégiesnationales visant à renforcer son développement économique et humain, ainsi que sonpositionnement international.

Philippe LouchartJean-François Saigault

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Les grandes tendances actuelleslaissent entrevoir que le « systèmemonde » va accélérer la mise en relation des différentes parties du globe et s’appuyer sur une nouvellerépartition des richesses, avec le risqued’une marginalisation de quelquesespaces géographiques. Face à cette concurrence, le Maroc opère degrands changements, au prix d’effortssignificatifs, en définissant de nouvellesstratégies de modernisation et dedéveloppement humain.

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Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

(1) Association européenne de libre-échange comprenantl’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse.(2) General Agreement on Tariffs and Trade. Ce texte a étésuivi, en 1995, par la création de l’Organisation mondiale ducommerce (OMC).

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des prochaines années. Par ailleurs, sa volontéd’atteindre les standards internationaux et derenforcer sa compétitivité s’est traduite par unambitieux programme d’investissements por-tant notamment sur l’énergie, les infrastructuresde transport, les équipements, particulièrementl’assainissement, et l’accès à l’eau.

La stratégie nationale de positionnementet de modernisationLes transformations imposées par le processusde mondialisation ont donc nécessité d’impor-tantes réformes structurelles, sociales et institu-tionnelles, visant à la modernisation du pays.De nombreuses actions ont été menées afind’établir un état de droit comme socle du déve-loppement du Royaume, et de corriger les dis-parités sociales et régionales (Initiative natio-nale pour le développement humain, INDH).Des réformes structurelles massives ont étémises en œuvre afin de renforcer la compétiti-vité des entreprises et de libéraliser l’écono-mie. Sur ce dernier point, les réformes ont étéparticulièrement marquées : privatisation desentreprises publiques et décentralisation ; pro-motion des investissements nationaux et inter-nationaux ; réforme du secteur financier et dela fiscalité ; libéralisation du contrôle deschanges, du commerce extérieur et des prix ;abaissement des barrières douanières ; encou-ragement de la concurrence et libéralisationde secteurs-clé, tels que les télécommunica-tions, le transport routier de marchandises etl’électricité.La définition de projets économiques « por-teurs» et les choix politiques ont permis de des-siner les grands objectifs de marche duRoyaume. Des actions nationales et sectoriellessont venues appuyer cette stratégie : la Vision2020, le plan Azur et le plan Biladi pour le tou-risme ; le plan Rawaj pour le commerce et leplan Maroc vert pour l’agriculture. Dans l’indus-trie, le plan Émergence définit les priorités éco-nomiques dans les domaines de l’offshoring,de l’automobile, de l’aéronautique, de l’électro-nique, du textile et du cuir, de l’agroalimentaire,de la transformation de produits de la mer et del’artisanat. Il a été suivi récemment par le planEnvol, qui recommande l’orientation vers denouvelles filières comme les biotechnologies,les nanotechnologies, la recherche et dévelop-pement.Le Maroc s’est également engagé dans une poli-tique d’aménagement de pôles de compétiti-vité structurés autour de projets de coopéra-tion technologique. Il s’agit d’une volontéstratégique visant à fortifier chaque territoire àpartir de réseaux d’acteurs mobilisés autourd’objectifs de compétitivité et d’attractivitécommuns.

Enfin, des initiatives dans les domaines de lalogistique, des transports terrestres et portuairesnotamment, vont accentuer le positionnementdu Maroc à l’international : la réalisation d’unréseau autoroutier performant, et comprenantl’autoroute transmaghrébine, permettra derelier les grandes agglomérations marocaines.La création de Tanger Med 1 et 2, ports de nou-velle génération, ainsi que la réalisation d’untroisième port de standard international dans larégion de l’Oriental, Nador West Med, contri-bueront au rééquilibrage national.

Une mutation multifacette de la société marocaineLe développement du pays et son urbanisationont été accompagnés de mutations profondesde la société et des modes de vie de la popula-tion. Ces évolutions sont notamment allées depair avec une scolarisation massive et prolon-gée des nouvelles générations, en particulierdes filles, le recul régulier de l’âge du mariage,l’usage croissant de moyens contraceptifs etl’exercice de plus en plus fréquent d’une acti-vité professionnelle en dehors du foyer pourles femmes.La diffusion des valeurs modernes dans lasociété marocaine via l’école publique ou l’ac-cès massif aux médias audiovisuels, surtout enville, est indéniable. L’évolution du droit maro-cain témoigne par ailleurs d’un effort politiqueconstant pour faciliter ces transitions. Laréforme récente du code de la famille, adop-tée en 2004, consacre des droits et des obliga-tions fondés non seulement sur le principed’égalité entre l’homme et la femme, mais éga-lement et essentiellement sur la volonté degarantir les droits de l’enfant et de préserver lacohésion de la famille. Cette réforme fait duMaroc l’un des pays les plus progressistes de larégion et ceci, même si les mentalités évoluentplus lentement que le droit.

Une urbanisation galopante à maîtriser d’urgenceLe territoire marocain a connu une urbanisa-tion massive depuis la deuxième moitié duXXe siècle, en particulier le long du littoral. Lemilieu urbain accueille aujourd’hui 56 % de lapopulation du Maroc, contre 29 % en 1960. Enmoins de 50 ans, la population s’est accrue deprès de 20 millions d’habitants, dont environ70 % (14 millions) se sont installés en ville. Si lapopulation du pays a été multipliée par 2,7durant cette période pour atteindre 31 millionsd’habitants en 2009, celle des villes a été multi-pliée par 5,1, contre 1,7 dans les zones rurales.Le nombre et la taille des villes marocainesn’ont cessé de progresser depuis 1960 : ondénombrait 350 villes en 2004, dont 54 comp-

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«D’après un classement établi sur lespublications scientifiques acceptées dansles revues internationales entre 2004et 2008, dans 21 disciplines, par ThomsonReuters, une douzaine de pays africains,disposent de capacités scientifiquessignificatives. Parmi les pays francophones,le Maroc se distingue en arrivant deuxièmepour les mathématiques. »

Source : L'Afrique se réveille. Les Echos, 29 avril 2010.

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La scolarisation massive et prolongée des nouvellesgénérations permet la diffusion de valeurs modernes.

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Le Maroc d’aujourd’hui : dynamisme et ouvertureLes Cahiers de l’IAU îdF

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Découpage administratif selon le code réglementaire du Royaume du Maroc

Découpage administratif du Maroc en 2009

Source de données : Ministère de l’Intérieur du Maroc, 2009Cartographie : Direction de l’Aménagement du TerritoireCarte fournie par l’administration marocaine

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tent aujourd’hui plus de 50000 habitants.Cette urbanisation massive, notamment à lapériphérie des grandes villes, a été, d’une part,largement spontanée, avec le développementde l’habitat non réglementaire et, d’autre part,facilitée par la multiplication des dérogationsaccordées. Les programmes récents deconstruction de logements sociaux ou de villesnouvelles ont également renforcé la tendanceà l’urbanisation du pays. Néanmoins, l’accom-pagnement de cet important phénomène s’estfait sans vision globale inscrite dans le temps.Il en résulte une faible mixité sociale et fonc-tionnelle dans ces espaces périphériques, cou-plée à une insuffisance d’équipements et deservices, publics ou privés.À l’horizon 2030, les simulations réalisées par le Haut-commissariat au Plan (HCP) condui-sent à une stabilité en volume de la popu-lation rurale (aux alentours de 13 millions d’habitants) et à une hausse continue de la population urbaine (+ 7 millions d’habitants aminima). Cette évolution suppose le renforce-ment et la multiplication des polarités urbainesen milieu rural, et la structuration des espacesmétropolitains à l’échelle des régions dans unevision de long terme. Faute de quoi, la pressionconstante de la demande continuera d’entrete-nir les multiples formes de spéculation autourdu foncier urbain – facilitée par l’absence d’undroit de préemption –, avec le risque d’accen-tuer la dualisation de la société marocaine etd’entraver son développement équilibré à longterme.Pour limiter l’exode rural qui en résulterait et lapression déjà forte sur les villes existantes, ledéveloppement des bourgs paraît un enjeu fortpour fixer une population de moins en moinsagricole, mais qui continuera à vivre en milieurural. Ceci, au même titre que la préservationet la reconquête des milieux naturels dégradés,une gestion plus efficace et plus équitable desressources en eau et une réflexion sur la voca-tion des terres à l’échelle du Maroc dans sonensemble, et dans chaque région.La structuration des tissus urbains et ruraux àl’échelle des régions métropolitaines constituel’autre face de cet enjeu ; il s’agit de penser en même temps et dans la durée, le déve-loppement économique, la consommation/préservation du capital naturel ainsi que ledéveloppement humain, et ce, à la bonneéchelle.

Des classements mitigés au niveau mondialEn dépit de toutes ces avancées, le Maroc faitaujourd’hui face à de multiples enjeux et défis,notamment en matière de développementhumain. Le dernier « Rapport mondial sur le

développement humain », paru en octo-bre 2009, témoigne de la persistance d’un déca-lage entre le développement économique et ledéveloppement social du Maroc : certains indi-cateurs sociaux tels que l’indice de dévelop-pement humain (IDH) sont inférieurs à sonpositionnement économique, et d’autres sontnettement au-dessus (malnutrition, espérancede vie). L’insuffisance de la croissance écono-mique du Maroc explique pour partie ce déca-lage, mais pour partie seulement.

Des politiques nationales et sectoriellesfavorables au développement humainLes travaux menés par le HCP intitulés « Pros-pective Maroc 2030 » indiquent que le scéna-rio de l’efficience économique prioritaire quiconduirait à une croissance annuelle du PIBde 6 % l’an ne constitue pas une option viableà long terme sur le plan social ou écologique.L’avenir souhaité, celui de l’émergence, conduità une croissance un peu plus modérée du PIB(5,5 % l’an), mais s’accompagne d’une forteréduction du chômage et de la pauvreté. Cescénario passe notamment par une ouverturemaîtrisée et progressive de l’économie maro-caine à la mondialisation, une diversificationdes partenaires extérieurs, une réforme pro-fonde de l’éducation et de la formation, ainsiqu’un meilleur ciblage et un partage plus équi-table des charges du développement socialentre les différents acteurs. Il permettrait auMaroc de se rapprocher, à l’horizon 2030, del’actuel PIB par tête des pays aujourd’hui émer-gents.

Le choix du développement humain pour construire l’avenirLe Maroc a clairement pris conscience que ledéveloppement du capital humain est un enjeumajeur pour lui permettre d’avancer dans lavoie du développement économique et dura-ble. Sa Majesté le Roi Mohammed VI soutientdepuis plusieurs années une vision à forteorientation sociale, à l’origine de nombreusespolitiques nationales récentes (la Charte natio-nale pour l’éducation et la formation, la straté-gie d’alphabétisation, l’Initiative nationale pourle développement humain, le programme Villessans bidonvilles, etc.) ou de projets d’envergure(Tanger Med, plan Azur, etc.). Les déficits enmatière de développement humain sont ainsiclairement identifiés et reconnus, et leur résorp-tion assimilée à un investissement consenti parla nation.

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Le Maroc dans le mondeLe Maroc figure à la 118e place mondialeen termes de revenu par habitant alorsqu’il est relégué au 130e rang pour l’indicede développement humain (IDH) et même au 150e rang pour le seulindicateur d’éducation. À l’inverse, d’autres indicateurs classent le Maroc à un niveau parfois bien supérieur à son développement économique (entre le 62e et le 98e rang), notammentl’espérance de vie, la malnutritioninfantile, l’indice de pauvreté humaine oul’indice sexospécifique du développementhumain – qui mesure la place des femmesdans la société.

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Investissements directs étrangers 0,4 2,46(en milliards de dollars) (2008)

Espérance de vie à la naissance 67 ans 71 ans

Taux d’alphabétisation des adultes (% de la population 47,1 55,6de plus de 15 ans)

Taux de mortalité maternelle (pour 100000 naissances 230 240vivantes) (2005)

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L’évolution urbainedu Maroc : d’un siècle à l’autre

Mettre en perspective la ville d’aujourd’hui au regard de l’évolution urbaine depuis le début du XXe siècle, c’est comprendre les transformations propres à chaquepériode pour anticiper les possibilités d’adaptation aux exigences de la vie urbaine du XXIe siècle.Analyser les caractéristiques des villes européennes,juxtaposées aux médinas, et les interactions mouvantes,c’est mettre en lumière la recherche de modernité, en dialogue avec l’identité et le riche patrimoine urbain,architectural et culturel.Explosion urbaine de la deuxième moitié du siècle dernier,prolifération des bidonvilles, transformation et densificationdes médinas : autant de phénomènes que les autoritésmarocaines ont essayé de maîtriser à travers des politiques et des structures publiques adéquates.Ainsi, au début des années 1980, un retour à la planification urbaine a été opéré, donnant lieu à une nouvelle génération de documents réglementaires.Aujourd’hui, le positionnement international, le développement humain et économique et la recherche de l’image des grandes villes marocaines s’inscriventparfaitement dans leur aspiration à la métropolisation.

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De la médina à la « ville européenne» au Maroc

L’explosion urbaine de la seconde moitié du XXe siècle

Retour à la planification urbaine au Maroc

Le développementurbain du XXe siècle

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«Ville nouvelle », « ville européenne », « villeoccidentale», «ville coloniale», la termino-logie utilisée pour désigner les nouveaux

quartiers édifiés sous le Protectorat, installé auMaroc à partir de 1912, est quelque peu floue.La réalité de ces ensembles bâtis est pourtantbien réelle : de vastes quartiers d’immeubles,de villas, d’édifices publics se dressent de Tan-ger à Agadir et de Rabat à la frontière algé-rienne, remarquables par leur architecture,leurs dimensions et leurs formes métissées. Unmoment rejeté par les Marocains commetémoin inacceptable de la période du Protecto-rat(2), ce bâti est aujourd’hui mieux perçu etmieux intégré au patrimoine national. Certainsimmeubles sont, depuis peu, protégés et fontpartie intégrante d’un héritage progressivementaccepté. Les pressions spéculatives sont fortes,leur entretien de ce bâti pose néanmoins pro-blème et interroge sur la sauvegarde de cepatrimoine architectural.

Médina et ville nouvelle européenne : un doublet urbain en oppositionIl faut dire que la différence entre ville arabe etville occidentale, qui était manifeste au débutdu XXe siècle, n’est plus aujourd’hui la seulecomposante de la ville marocaine. La ville ex-coloniale est aujourd’hui noyée dans unemasse urbaine étendue et complexe qui l’en-serre et la digère presque.En effet, forte d’une longue histoire, la villemarocaine contemporaine accumule desstrates successives d’urbanisation et présente,

de nos jours, une étonnante diversité. Dans laplupart des grandes villes, se trouvent ainsi juxtaposés à un noyau historique appelémédina(3) une ville ex-européenne bâtie lors duProtectorat, des quartiers d’immeubles et de vil-las récents post-Indépendance, des cités delogements sociaux de diverses époques, deszones d’autoconstruction (urbanisation nonréglementaire) envahissantes et des bidonvillessans cesse renouvelés.Cependant, ce qui frappe avant tout au Maroc,par comparaison avec d’autres pays maghré-bins et surtout avec l’Algérie voisine, c’est l’im-portance des tissus de médinas que les Euro-péens tinrent à l’écart de leurs projets deconstructions. En effet, alors qu’Alger, Constan-tine et Tunis connurent des modifications d’en-vergure qui portèrent atteinte à leur intégrité, lesmédinas marocaines furent relativement épar-gnées par le Protectorat. Des mesures de protec-tion, voulues par Lyautey(4), vont leur être appli-quées dès 1913 par souci de conservation dupatrimoine bâti et de séparation entre la «vieilleville » et la «ville nouvelle ».Curieusement, lors de l’Indépendance (1956),les médinas seront à nouveau perçues par lesresponsables politiques du pays « comme les

L’évolution urbaine du Maroc : d’un siècle à l’autre

Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

À Rabat, comme dans de nombreusesvilles marocaines, la dichotomie entre médina et ville européenne est encore visible dans le tissuurbain.

Jean-François Troin(1)

Université de Tours

Dans la première moitié du XXe siècle,ont été créées au Maroc des villesnouvelles juxtaposées aux médinas,pour loger la population européenne et respecter patrimoine et traditionslocales. Elles incarnaient un nouvelaménagement esthétique et fonctionnel, basé sur des plansd’urbanisme aux conceptions les plusmodernes. Comment leurs rapportsont-ils évolué au fil du temps et des usages ? Quel est leur avenirface à la rareté du foncier ?

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Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

Le développement urbain du XXe siècle

De la médina à la « villeeuropéenne» au Maroc

(1) Jean-François Troin est géographe et professeur hono-raire à l’université de Tours.(2) Certains ensembles, comme le théâtre municipal de Casa-blanca, ont même été détruits après l’Indépendance et, plusrécemment, le marché couvert de Marrakech a disparu sanssusciter beaucoup de réactions.(3) Médina signifie ville en arabe.(4) Voir sa biographie dans ce numéro des Cahiers, p.172.

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symboles du sous-développement, de l’insalu-brité, de l’archaïsme, voire de l’anarchieurbaine. Leur historicité étant totalement niée,elles constitueront des obstacles gênants à lamise en œuvre des politiques ambitieusesd’aménagement urbain» [P. SIGNOLES, 2006]. Lapériode coloniale aurait-elle constitué pour cestémoins historiques de l’urbanisme tradition-nel une sorte de parenthèse ? Toujours est-ilque, figées dans leurs volumes spatiaux et leursbâtis, elles connaîtront de 1912 à 1956 une fortedégradation et seront alors concurrencées,pour l’accueil des migrants ruraux, par un nou-veau type d’espace urbain : les bidonvilles.Il est essentiel d’avoir à l’esprit cet antagonismeentre la ville historique, la médina, perçue parles Européens comme un héritage obligé dontils se méfieront parfois, et la ville dite « nou-velle », édifiée à l’écart, exemple de moder-nisme et image de réussite.

Une ville pour Européens, séparée, aérée, aux équipements spécifiquesLa volonté de séparer spatialement la ville nou-velle de la médina préexistante est clairementaffirmée au Maroc. Si la médina est encoreenserrée de remparts, les nouvelles construc-tions s’implantent par-delà un boulevard à dis-tance des murailles (à Rabat par exemple). Si latopographie est accidentée (ravins, versantsabrupts), la ville nouvelle s’installe sur unespace plan (Meknès, Fès) en ménageant unintervalle avec la médina. À Marrakech, le quar-tier européen du Guéliz s’implantera avec uncertain recul par rapport aux portes de lamédina. Casablanca fait office d’exception : les

constructions européennes enserrent lamédina pour des raisons historiques. En effet, ledébarquement français de 1907, précédant decinq ans l’établissement officiel du Protectorat,a privilégié l’établissement d’un port modernequi se situe au pied de la ville ancienne et quise prolonge tout naturellement par desconstructions nouvelles jouxtant les vieux quar-tiers marocains.Ainsi, pendant deux à trois décennies, dans laplupart des grandes villes, un espace tampon,parfois une forme de no man’s land, parsemémalgré tout de casernes, baraquements, campsmilitaires, au mieux bordé par des espacesverts, servira de relais entre ville ancienne etville nouvelle. Il s’agit, officiellement, de trou-ver des sites spacieux où la ville pourra « s’ins-taller » dans le respect des habitats et traditionsdes populations locales ; des mesures de pro-tection des monuments anciens (mosquées,portes, médersas, fontaines, remparts) serontpar ailleurs édictées. En réalité, ce « chacunchez soi » est sécuritaire, avec une volonté decoupure, un désir de ne pas mélanger ancienset nouveaux citadins ; c’est aussi le prétexted’une recherche de surfaces étendues et librespour étaler les nouvelles constructions sanscontrainte.De fait, les urbanistes concevront des ensem-bles d’immeubles ou de villas aérés séparés parde larges voiries, des plans géométriques à l’op-posé du lacis de ruelles de la médina, desespaces verts pour oxygéner ces nouveaux tis-sus urbains. La ville se distend, s’étire, la circu-lation y est aisée : elle se veut en tous pointstotalement différente de la ville historique.Elle est par ailleurs destinée à satisfaire desbesoins typiquement occidentaux et s’équipepour cela. On y trouve en abondance casernes,édifices de commandement administratif,immeubles élevés avec appartements degrande superficie, villas avec jardins bien dessi-nés, équipements commerciaux pour résidentseuropéens comme le marché couvert, lesgrands magasins sous arcades, les galeries com-merciales, les agences bancaires au décor soi-gné, et des églises, voire des cathédrales àRabat ou Casablanca. On y crée des lieux théâ-traux : esplanades pour défilés, parcs urbains,parcs pour expositions, avenues plantées et cor-niches flattant la perspective. Besoins fonction-nels, volonté esthétique, dimensionnementsgénéreux s’entremêlent pour créer un nouvelaménagement, un décor à la fois de comman-dement et rassurant pour les Européens instal-lés ex nihilo en terre étrangère. Le Maroc duNord, occupé par l’Espagne, présente quelquesdifférences dans l’agencement des villes euro-péennes. La proximité des habitats marocainset européens est ici bien plus grande : les quar-

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Le développement urbain du XXe siècle

De la médina à la « ville européenne» au Maroc

L’évolution urbaine du Maroc : d’un siècle à l’autre

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À Meknès, la topographie accidentée autour de la médina a conduit la ville nouvelle à s’installer sur un espace plan, de l’autre côté de la coupure verte.

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tiers des deux communautés se touchent, voires’interpénètrent par le biais de grandes placesde liaison entre médina et quartier nouveau(ceci est très visible dans la disposition urbanis-tique à Tétouan, Larache, Chefchaouen), imagesymbolique d’une abolition des distancessociales. Mieux, les Espagnols parent les entréesde médinas de portes monumentales commepour affirmer une sorte de reconnaissance desespaces historiques (une continuité d’El Anda-lous ?). Cette forme de rapprochement est àopposer à la distanciation prônée par le Pro-tectorat français dans les villes qu’il développeplus au sud.

Un développement anarchique puis régulé par les plans d’urbanismeL’afflux de population européenne est rapide etconsidérable. À Casablanca, les Européens, quiétaient un millier en 1907, sont 20000 en 1912,31000 en 1914 pour culminer à 150000 en 1956au moment de l’Indépendance [D. NOIN, 1971].Aussi, dans un premier temps, les constructionsse feront dans le désordre, sans plan ; la spécu-lation foncière sera maximale, notamment àCasablanca, véritable Far West du Protectorat. ÀRabat, capitale officielle ayant remplacé Fès, lecontrôle sera plus sévère et la volonté de créerun ensemble urbain ordonné, majestueux,comme il sied à la ville du pouvoir, sera plusmanifeste. Les témoins architecturaux de l’his-toire marocaine comme le Chellah, la Tour Has-san et la porte de Bab Rouah seront intégrés à la ville nouvelle. On a pu parler d’un «urba-nisme concerté » pour la capitale politique,opposé à une « urbanisation spéculative d’af-fairistes» à Casablanca, la capitale économique[J. DETHIER, 1970].On assistera aussi à la création de villes nouvelles ex nihilo, comme Port-Lyautey(aujourd’hui Kénitra) autour d’un port créé detoutes pièces à l’embouchure de l’oued Sebou,dès 1914, au nord de Rabat, ou encore Fédala(aujourd’hui Mohammedia), port annexe deCasablanca. Une ville minière avec des quar-tiers hiérarchisés selon les niveaux sociopro-fessionnels sera également fabriquée pouraccompagner l’exploitation phosphatière àKhouribga. Une ville «militaire» sera implantéeà Kasba Tadla. La volonté constructrice et lesouci de créer un nouveau réseau de villes sontévidents. L’accent sera mis sur le corridor atlan-tique, en opposition avec les villes tradition-nelles de l’intérieur, développant ainsi un axelittoral qui est aujourd’hui encore un élémentgéographique et économique de déséquilibredans le fonctionnement de l’espace marocain.Avec l’arrivée d’Henri Prost(5), architecte urba-niste appelé par Lyautey en 1913, des principes,règles et dispositions législatives seront adoptés

et permettront à la fois de disposer de terrainsofficiels pris sur les terres de fondations pieuses(habous) ou étatiques (magkzen) et de contrô-ler plus rigoureusement l’expansion urbaine.De nombreux plans d’aménagement des villesseront réalisés, appliquant les conceptions lesplus modernes de l’urbanisme. Le Maroc seraainsi un véritable terrain d’expertise disposantd’outils urbanistiques qui n’existent pas encoreen France à cette époque.

Expériences architecturales, liberté d’expression et importants moyens disponiblesTerrain d’essai législatif pour l’urbanisme, leMaroc du Protectorat le sera également pourla création architecturale. Une très grandeliberté sera laissée aux hommes de l’art. À Casa-blanca, par exemple, « le pluralisme desapproches caractérise la production architectu-rale : références à l’Art nouveau ou au néo-classicisme dans les années 1910, puis auxthèmes Art déco dans la décennie suivante » [P. SIGNOLES, 2006]. Mais les productions archi-tecturales métissées (styles néo-mauresque ounéo-marocain), si caractéristiques des édificespublics, voisineront avec des réalisations detype franchement moderne comme le rappel-lent Jean-Louis Cohen et Monique Eleb [1998] :«Aux types d’habitat courant des années 1920,tels que le petit immeuble de ville et la villa,s’ajoutent les immeubles de luxe équipés àgrands appartements, les habitations à bon mar-

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En 1934, dans la ville de garnisonKasba-Tadla, sont juxtaposées la trame urbaine sinueuse typiquedes médinas et la trame urbainerégulière des quartiers européens.

(5) Voir sa biographie dans ce numéro des Cahiers, p.172.

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ché et les cités patronales destinés aux Maro-cains. La course vers la grande hauteur, carac-téristique des immeubles de bureaux, affecteaussi l’habitation».Toute une série de courants architecturauxpourront ainsi s’appliquer au bâti, donnant une étonnante et foisonnante variété deconstructions : styles Art déco, arabo-européen,influences californiennes et scandinaves mani-festes dans la réalisation de villas cossues. Jean-Louis Cohen et Monique Eleb [op. cit.] ont uti-lisé le terme de «Babel africaine» pour désignerCasablanca. Une très grande liberté sembleavoir régné dans l’entre-deux-guerres dans lescabinets d’architectes, autorisant des audaces,parfois des productions mimétiques ou des pastiches, parfois des adaptations et métissagesd’une grande inventivité. Le parc d’immeublesde Casablanca en témoigne encore aujour-d’hui, offrant un échantillon étendu de bâtisdiversifiés. Ajoutons à cela la qualité desconstructions, les compétences des entreprisesaujourd’hui reconnues, les moyens financiersimportants mis à disposition, tous éléments quel’on n’aurait pas trouvés à l’époque en métro-pole. Profitant de cette chance, les concepteursont pu ainsi laisser libre cours à leur esprit créa-tif. À Casablanca, la place Administrative, l’hôteldes Postes, le palais de justice, l’hôtel de villeet même la cathédrale du Sacré Cœur témoi-gnent de ce mariage, que l’on peut estimerréussi, entre art hispano-mauresque et construc-tion moderne.

Un intérêt tardif pour l’habitat populairemarocainEn dehors de la réalisation du quartier desHabous à Casablanca(6), amorce d’une « nou-velle médina» conçue selon un modèle «cultu-raliste »(7), quartier alliant thèmes traditionnelsde l’habitat local et conceptions d’habitat et decirculation « à l’européenne », peu de projetsfurent dévolus à l’habitat des Marocains. Il y eutbien quelques « cités ouvrières » (Cosumar,Socica à Casablanca, cité OCP à Khouribga)liées au patronat industriel, mais ces réalisa-tions restèrent limitées en nombre et dans l’es-pace. Le concept intéressant de « nouvellemédina » ne fut guère reproduit à travers leMaroc. À Casablanca, il fut en réalité dévolu àune classe que l’on peut qualifier de«moyenne-inférieure» (artisans, commerçants,petits fonctionnaires) et non aux populationspauvres, les plus mal logées et pourtant trèsnombreuses.On devra attendre 1944 pour qu’un plan d’amé-nagement de Casablanca, demeuré fort discret,

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Le développement urbain du XXe siècle

De la médina à la « ville européenne» au Maroc

L’évolution urbaine du Maroc : d’un siècle à l’autre

Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

Aménagement et extension de la ville de Casablanca - 1913

Académie d’architecture/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du XXe siècle

Aménagement de la ville de Marrakech - 1914-1924

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(6) Le quartier des Habous concerne 5000 habitants.(7) Ce modèle visait à attirer une nouvelle classe socialemarocaine en progression.

Henri Prost a appliqué des principes d’urbanisme innovants dans les plans d’aménagementdes villes de Casablanca, Marrakech, Fès et Rabat. Il distingue la ville traditionnelle, la ville européenne, les villas et les secteurs industriels.

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le plan Courtois, prévoie de l’habitat sur degrandes surfaces pour la population maro-caine. Cette préoccupation deviendra majeureavec l’arrivée d’un autre grand urbaniste,Michel Écochard(8) en 1946.Il faut dire que la situation est devenue explo-sive : l’exode rural bat son plein, la crise écono-mique produit au Maroc des effets désastreuxdepuis 1931, la guerre mondiale affecte le paysà partir de 1940. Médinas et, de plus en plus,bidonvilles absorbent une population crois-sante qui s’entasse dans des conditions d’insa-lubrité indignes, tandis que les lotissementsclandestins fleurissent. Sous-emploi et chômagese développent de façon inquiétante et lapopulation européenne bien logée ressent unemenace d’encerclement. Écochard, qui a tra-vaillé au Moyen-Orient, va s’attaquer frontale-ment au problème du logement des plus dému-nis. Dans les grandes villes, il lance « l’habitat duplus grand nombre », ce qui manifeste claire-ment un changement d’orientation.Comme le relate avec précision Jean Dethier[1970], Écochard donne priorité au quantitatif,crée des cités satellites en périphérie urbaine,des unités d’habitation denses, des trames d’ha-bitat évolutif. Le modèle « progressiste » a prisle relais, le logement populaire est enfin pris encompte dans des programmes de constructionassez uniformes, spatialement isolés. La Charted’Athènes est appliquée rigoureusement et setraduit par une sectorisation affirmée de l’es-pace urbain. C’est un urbanisme autoritaire,mais nécessaire. Malheureusement, il ne pro-duira qu’une faible proportion de logementsau regard des besoins immenses du pays. Lesprincipes d’urbanisme et d’aménagementd’Écochard, remercié en 1953, perdureront uncertain temps sous le Maroc indépendant.

Le devenir de la ville ex-coloniale après l’IndépendanceLa libération de milliers d’appartements aprèsle départ des Européens – relativement étalédans le temps –, la disponibilité de centaines devillas vont provoquer un afflux de populationnationale vers cet habitat dont elle avait étéécartée. Fonctionnaires (dont le nombre s’ac-croît rapidement du fait du départ des cadresfrançais), commerçants, propriétaires terriens,cadres militaires rechercheront tout particuliè-rement ces quartiers et s’y installeront progres-sivement.Dans un premier temps, on se contentera detransformer le bâti : dans les immeubles, on fer-mera les balcons et patios, on récupérera lesterrasses, on modifiera la distribution despièces ; dans les villas, on verra apparaître des

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Aménagement de la ville de Fès - 1915-1917

Académie d’architecture/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du XXe siècle

Aménagement de la ville de Rabat - 1916-1951

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(8) Voir sa biographie dans ce numéro des Cahiers, p.172.

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surélévations, des clôtures de jardins par murs,des extensions de la surface bâtie, des transfor-mations de garages en logements pour domes-tiques. On insèrera des mosquées dans les îlotsex-européens. Des familles plus grandes, desmodes de vie différents, des usages et traditionsbasés sur l’intimité du foyer expliquent cestransformations. Paradoxalement, on conser-vera les noms symboliques des quartiers rési-dentiels, comme Bellevue, Val Fleury, Belvédère,Polo, Bel Air, Touraine, réalisant ainsi une sorted’affichage de la promotion sociale qui s’estaccomplie avec ce transfert d’habitat vers la« ville nouvelle », ce terme continuant à êtreemployé par les Marocains bien après l’Indé-pendance.Dans un second temps, à partir des années1970, un bouleversement beaucoup plus impor-tant va affecter la ville ex-européenne. La cen-tralité des quartiers, la qualité du bâti (malgrédes dégradations liées à un entretien insuffi-sant), le manque de logements en périphérie,la proximité des équipements, mais aussi uneimage redorée de la ville ex-européenne vontprovoquer une forte spéculation foncière etimmobilière. On assistera alors à la démolitionsystématique de nombreuses villas remplacéespar des immeubles (quartier Agdal à Rabat ouMaârif à Casablanca), à la surélévation brutaledu bâti dans le centre-ville (Fès) ou à des modi-fications de façades. Des immeubles de verre etd’acier surgiront pour abriter des fonctions ter-tiaires en plein développement (sièges sociaux,banques), d’anciens hôtels seront remaniés, lesdernières friches ou terrains vagues du tissuurbain seront remplis par de nouveaux immeu-bles à l’architecture provocante.

Ainsi, ces quartiers vont-ils rapidement chan-ger d’échelle, passant de noyau central pourrésidents européens aux fonctions de centresdirectionnels régionaux, voire nationaux (etmême internationaux pour Casablanca). Ilssont, dans le même temps, plébiscités commelieux favoris de loisirs, de promenades, de sor-ties familiales, de fréquentation des cafés et res-taurants par une population qui n’y réside sou-vent pas. Ce sont des lieux-vitrines, des espacesde démonstration, de rencontres pour jeunes – célibataires ou en couple – car ces îlotsurbains sont ouverts, relativement permissifs etévocateurs d’un certain au-delà, une Europeexotique pourrait-on dire.

Une patrimonialisation encore incertaineEn ce début du XXIe siècle, se pose le problèmede la conservation, de la sauvegarde et de l’in-tégration au patrimoine national de cet héri-tage bâti qui a vieilli, dont l’entretien est devenucoûteux et qui a longtemps évoqué la forte pré-sence étrangère. Nous avons évoqué les démo-litions survenues, dans un premier temps, deconstructions emblématiques. Il semble qu’unintérêt nouveau pour ce legs architectural eturbanistique se manifeste chez les jeunes géné-rations. Les classements d’immeubles sont plusnombreux, les projets de démolition suscitentde plus en plus de manifestations et de protes-tations, des associations prônant la sauvegardesont créées. Des banques, des sociétés ou com-pagnies prennent conscience de l’image«noble» que peut donner leur installation dansdes immeubles à l’architecture historique etenvisagent leur restauration plutôt que leur des-truction, pour laquelle il n’y aurait eu guèred’hésitation il y a encore quelques années.

Les perceptions évoluent, les mesures de pro-tection sont plus nombreuses. On ne peutcependant pas dire que la totalité de la sauve-garde soit assurée. Pression supplémentaire, latension spéculative sur le foncier et l’immobi-lier dans ces quartiers devenus hypercentraux,recherchés pour les fonctions du tertiaire dedirection, est très présente. Il faudra un réel courage aux administrateurs et aménageursurbains pour continuer à maintenir cet héritage et s’opposer à sa disparition, mêmepartielle.

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Le développement urbain du XXe siècle

De la médina à la « ville européenne» au Maroc

L’évolution urbaine du Maroc : d’un siècle à l’autre

Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

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• NOIN Daniel, « Les grandes villesd’Afrique et de Madagascar.Casablanca ». Notes et étudesdocumentaires, n° 3797-3798, Ladocumentation française, Paris, 1971.

• SIGNOLES Pierre, « La ville maghrébine»,chapitre III, dans TROIN Jean-François (dir.), Le Grand Maghreb,Armand Colin, coll. « U », Paris, 2006.

• TROIN Jean-François et SIGNOLES Pierre, « Do new towns exist in Maghrebcountries (Morocco, Algeria, Tunisia) ? »,volume III, New Towns Symposium,Jubail, 1988, The Royal Commission forJubail and Yanbu et Arab UrbanDevelopment Institute (AUDI), Riyad,1993, pp. 1-20.

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Aujourd’hui, la conservation du patrimoine peut être

problématique. Certains choisissentde conserver l’esthétique du bâti,

mais de modifier sa volumétrie.Exemple de façadisme

à Casablanca.

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L’explosion urbaine au Maroc, au coursde la deuxième moitié du siècle der-nier est le résultat de la convergence

de plusieurs facteurs. Le taux de natalité dansles années 1960, 1980, voire 1990, est resté assezélevé. Par ailleurs, la longue période de séche-resse et l’appel de main-d’œuvre non qualifiéepour le développement industriel d’enverguredans les grandes villes, particulièrement à Casa-blanca, ont accéléré la dynamique migratoiredes campagnes vers les villes. S’est ajoutée àtous ces phénomènes l’évolution sociétalenaturelle qui s’est traduite par l’aspiration dela population à une vie économiquement plusconfortable et à un meilleur accès aux servicesde santé, d’éducation et de loisirs. Cette aspira-tion ne trouvait son écho qu’en ville, lesespaces ruraux à cette époque étant enclavéset les équipements de première nécessité fai-sant grand défaut.Cette situation a obligé les autorités à étendreles périmètres urbains des villes existantes et àpromouvoir de nombreux centres ruraux encentres urbains, sans que ces actions ne s’ac-compagnent d’un développement planifié entermes d’infrastructure et d’équipement.

L’explosion urbaine et ses conséquencesLe premier recensement de 1960 estimait letaux d’urbanisation de la population maro-caine à environ 29 %; en 2004, il était de 55 %.Sur cette période, la population urbaine apresque quintuplé, passant de 3,4 millions à16,5 millions d’habitants.

En 1960, le Maroc comptait 112 villes, dont 11 de plus de 50 000 habitants. En 2004, plus de350 villes étaient recensées, dont 54 de plus de50 000 habitants. Cette catégorie de villes, quireprésente 15 % de l’ensemble des localitésurbaines, abrite près de 80 % de la populationurbaine. Aussi, l’armature urbaine atlantiqueregroupe 14 villes dont Casablanca avec ses4 millions d’habitants, 3 villes de plus de 500000habitants – Rabat, Salé et Tanger – et 9 villesd’un peu plus de 100000 habitants.

La prolifération des bidonvilles en statut d’« habitat clandestin »À partir de l’Indépendance, en 1956, la surden-sification des médinas, mais surtout la multipli-cation des bidonvilles et leur éloignement desagglomérations au fur et à mesure des exten-sions des périmètres urbains, ont rendu l’accèsaux services de base difficile ou impossible àbon nombre de citoyens. Les bidonvilles ontcontinué à proliférer avec leur statut d’« habitatclandestin», privant leurs habitants de tout droitd’accès aux services urbains de base.Malgré les efforts accomplis au lendemain del’Indépendance, cette forme d’habitat n’a puêtre endiguée. Bien au contraire, les années1970 ont vu apparaître, sous l’effet d’une crois-sance démographique forte, une autre vagued’urbanisation, incontrôlée celle-là, poussant lequart de la population urbaine à vivre dans des

L’évolution urbaine du Maroc : d’un siècle à l’autre

Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

L’explosion urbaine de la seconde moitié du XXe siècle

À Fès, toutes les variables du bâtisont exploitées pour faire face à la pénurie de logements liée à l’explosion urbaine.

Rachid Ouazzani(1)

Collège des architectesurbanistes du Maroc

Sécheresse et industrialisation sont des facteurs majeurs de l’explosionurbaine au Maroc. Cette situationaccélère la transformation d’un pays à dominante agricole vers une urbanitédifficilement maîtrisable. L’arsenald’outils et d’organismes n’arrive pas à répondre à la problématique de l’habitat, notamment face à la prolifération des bidonvilles. Le dilemme entre une politique de rattrapage et celle d’une anticipationreste d’actualité.

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Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

Le développement urbain du XXe siècle

(1) Rachid Ouazzani est architecte urbaniste et président duCollège des architectes urbanistes du Maroc.

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bidonvilles. Informelle, dynamique et ignorantles normes de salubrité, cette forme urbainerépondait à l’urgence et à l’immédiateté propre à la survie. En moins d’un demi-siècle, l’espace urbain marocain a connu deprofondes mutations, dont l’un des stigmatesles plus criants est l’étendue de ces poches depauvreté qui ponctuent le paysage des périphé-ries des villes.

L’urbanisation stimule la modernisation,mais soulève de grands défisLa dynamique urbaine de cette période auMaroc commence ainsi à poser des questionsde fond en termes d’aménagement du terri-toire, d’organisation des activités productiveset de compétitivité. Ces questions sont d’autantplus cruciales que l’émergence de grands pôlesurbains constitue, dans le contexte de la mon-dialisation, un critère déterminant d’attracti-vité.L’urbanisation est, en outre, un vecteur puissantde transformation sociale et de développementhumain de la population. En effet, en s’urbani-sant, la société marocaine s’est ouverte à denouvelles valeurs et à de multiples mutations.Parmi les grandes mutations sociospatiales quele territoire national a connues au cours descinquante dernières années, l’urbanisation aété indiscutablement l’une des plus mar-quantes. Si ce changement a créé des potentia-lités considérables pour la stimulation de l’éco-nomie, l’équipement et la modernisation dupays, il a également soulevé de nombreux défisnouveaux : l’équipement en infrastructures, laproduction de logements en quantité suffi-

sante, la mise à disposition d’équipements etservices dont les populations et les entreprisesont besoin, la lutte contre les formes d’exclu-sion sociale, ainsi que le contrôle, l’organisa-tion et la maîtrise de l’extension des agglomé-rations.

La problématique cruciale du logementDepuis l’Indépendance, le traitement de laquestion de l’habitat par les pouvoirs publics aconnu quatre phases principales :- la décennie 1960, durant laquelle le milieu

rural a bénéficié d’une relative priorité éta-tique, avec le lancement des grandes opéra-tions de réforme agraire, la promulgation ducode d’investissement agricole en tant quecadre juridique d’intervention et la mobilisa-tion de ressources hydrauliques, minières eténergétiques. Durant ces années, l’urbanisa-tion s’est accélérée, et les bidonvilles et l’ha-bitat non réglementaire se sont développéspour concerner en 1972, près du quart de lapopulation ;

- la décennie 1970, au cours de laquelle lespouvoirs publics ont été amenés à créer desorganismes spécialisés, notamment les éta-blissements régionaux d’aménagement et deconstruction (Erac), chargés de la promotionimmobilière, pour le compte et sous tutellede l’État. Les opérations spécifiques d’amélio-ration des conditions de vie dans les zones àurbanisation dégradée par la restructurationdes bidonvilles, la création de lotissementssur trames d’accueil et trames sanitaires amé-liorées, et l’équipement minimum en eau etélectricité n’ont eu qu’un effet limité, en rai-

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Le développement urbain du XXe siècle

L’explosion urbaine de la seconde moitié du XXe siècle

L’évolution urbaine du Maroc : d’un siècle à l’autre

Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

À Marrakech, comme dans d’autres médinas

du Maroc, des demeures sur cour sont réaménagées pour loger

plusieurs familles. V. S

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son des faibles performances de ces orga-nismes et de la nature sommaire de leur inter-vention ;

- la décennie 1980 a vu l’émergence d’uneréelle prise de conscience de la questionurbaine et de ses incidences socio-écono-miques à travers ses manifestations les plusapparentes : les bidonvilles et l’habitat nonréglementaire. En rupture avec le passé, unevéritable stratégie a été adoptée, avec unevision nouvelle considérant les bidonvilles etl’habitat non réglementaire comme des caté-gories formelles intégrables au tissu urbain, àtravers des programmes de développementurbain. Cofinancés par l’État et la Banquemondiale, ces programmes ont concerné lesgrands bidonvilles de Rabat, Casablanca, Mek-nès et Kénitra. Les insuffisances d’ordre orga-nisationnel, les contraintes de financementet les difficultés de mobilisation d’une réservefoncière appropriée ont eu raison de cettestratégie et l’ont menée à l’échec. Dans ladeuxième moitié de la décennie, de nou-veaux organismes ont vu le jour : l’Agencenationale de lutte contre l’habitat insalubre(ANHI), la société nationale d’équipement etde construction (Snec) et Attacharouk. Lesobjectifs de résorption de l’habitat insalubrepar des opérations d’aménagement fonciersont restés néanmoins en deçà des attentes ;

- depuis la décennie 1990, les interventions despouvoirs publics s’orientent vers une poli-tique conventionnelle, associant l’État, lesorganismes sous tutelle, les populations et lespromoteurs du secteur privé, en vue d’accélé-rer le rythme de production de logement,moyennant des mesures d’accompagnementdans les domaines financier, fiscal et régle-mentaire.

Une politique de rattrapage sans vision prospective globaleLe bilan des principales étapes qui ont marquél’intervention publique sur la question du loge-ment au Maroc montre que, durant ces cin-quante dernières années, des constantes ontprévalu :• L’offre de logement n’a jamais rattrapé lademande, ni quantitativement ni qualitative-ment. Ceci s’est traduit par le développementde phénomènes urbains aigus, dont l’habitatclandestin et non réglementaire. Les bidonvillesen sont les expressions les plus fortes.• L’intervention des pouvoirs publics a manquéde vision globale inscrite dans le temps. Elleest restée « obnubilée » par la résorption desdéficits cumulés à cause du décalage structurelentre l’offre et la demande, tout en étant pri-sonnière de l’ampleur et de la complexité duproblème. Différentes expériences, parfois alter-

natives et réussies, ont été successivementmenées. Néanmoins, faute d’une véritable éva-luation et d’un retour sur expérience, une poli-tique cohérente de l’habitat n’a pu être miseen œuvre.• L’État, en matière de logement social, a « jon-glé » entre le rôle d’opérateur direct et celui derégulateur d’acteurs privés plus efficients quelui. La résurgence de la question du logementcomme préoccupation centrale de l’équilibresocial et sécuritaire a conduit les pouvoirspublics à revenir sur leur stratégie de désenga-gement et à renouer avec un rôle de produc-teur direct de logements sociaux.• Par ailleurs, l’État n’a jamais engagé de poli-tique volontariste dans le secteur locatif. L’ac-cession à la propriété a été érigée en voiepresque exclusive d’accès au logement, ce quia bloqué toute solution d’offre dans le locatif.De ce fait, le secteur locatif s’est souvent heurtéà une législation inopérante sur les loyers, à deslitiges judiciaires prolongés et à une hausse desloyers disproportionnée eu égard à la rareté del’offre.

La problématique de la planificationurbaineÀ partir de 1981, suite aux événements sur-venus à Casablanca et dans la région du Rif(Tétouan), les considérations de salubrité et desécurité publiques entraînent des changementsdans la politique urbaine en général, et danscelle adoptée à Casablanca en particulier, pré-lude à une extension à d’autres cités. Une orga-nisation selon de nouveaux découpages admi-nistratifs est mise en place. Casablanca esttransformée en wilaya(2), subdivisée en plu-sieurs préfectures.

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Depuis les années 1950, face à la pénurie de logements, les bidonvilles se sont multipliés à la périphérie des villes, comme ici à Bachkou, Casablanca.

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(2) La wilaya est une division administrative qui correspondglobalement à la région.

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Les documents d’urbanisme, outil sécuritaire pour la gestion urbaineEn 1984, un schéma directeur d’aménagementurbain (Sdau) de la wilaya du Grand Casa-blanca est élaboré. C’est le premier d’une géné-ration de documents(3) qui planifient les exten-sions urbaines des principales agglomérationsmarocaines selon des standards d’équipementet d’infrastructure dépassant la capacité d’in-vestissement du pays. Ce document, qui pro-pose la création d’une agence urbaine et d’uneagence foncière pour assurer la mise en œuvreet la gestion de cette planification, a permis dedoter Casablanca de la seule agence urbainedu Maroc. En 1985, la direction de l’Urbanismeet celle de l’Aménagement du territoire sontrattachées au ministère de l’Intérieur. Aussi Fès,Marrakech, Meknès et Agadir connaissent desdécoupages administratifs analogues à celuide Casablanca et sont dotées, au fur et àmesure, de Sdau et de plans d’aménagement.Bien qu’en matière de gestion urbaine, la créa-tion d’agences urbaines ait pu être considéréecomme un empiètement sur les prérogativesdes présidents de communes, il est décidé degénéraliser ce système et d’assurer la couver-ture de l’ensemble du territoire national par lamise en place de ces nouvelles structures.

Une nouvelle politique de l’urbanismeLa politique d’urbanisme marocaine se dis-tingue par deux faits majeurs. Tout d’abord, surle plan juridique, les lois adoptées jusqu’alorsen matière d’urbanisme avaient une approcheréglementaire assez rigide face aux besoins deréactivité de la ville pour répondre aux exi-gences du développement économique et auxévolutions institutionnelles et sociales. Ensuite,sur le plan urbanistique, la ville marocaine sedistingue par un certain gigantisme, par unespace périurbain relativement dense et trèsfortement occupé par l’habitat, par des équipe-ments et services collectifs insuffisants et peuefficients, ainsi que par un tissu économiquerelativement faible.

Ces caractéristiques sont la résultante d’unepolitique où les autorités publiques, essentielle-ment préoccupées par le fonctionnement decertaines utilités premières (eau, électricité), sesont limitées à parer à l’urgence.Une telle posture ne répond pas aux exigencesde la ville, qui présente un corps social com-plexe à plusieurs titres : d’abord, par la diversitédes origines de ses habitants ; ensuite, par l’am-pleur des aspirations communes de ces der-niers à l’habiter ensemble, à avoir l’accès àl’éducation, à la santé, aux loisirs et à l’urba-nité. Enfin, par les implications de l’exercice dela citoyenneté, incluant la concertation entretous les partenaires concernés par la cité, oùs’expriment leurs problèmes et leurs attenteset se jouent leurs destins.

L’indispensable partenariat de l’État avec les collectivités locales et le privéLa généralisation des documents d’urbanismeet la maîtrise de l’urbanisation, par le biaisnotamment d’un contrôle rigoureux de l’exten-sion de l’habitat clandestin, redeviennentaujourd’hui les priorités de la politiquepublique dans le domaine de l’urbanisme. Àce sujet, l’État agit à deux niveaux : il durcit lessanctions à l’encontre des personnes et des res-ponsables publics qui enfreindraient les règlesrelatives à l’urbanisme et à l’occupation dessols, et il lance un nouveau programme, le pro-gramme Villes sans bidonvilles. Dans cette pers-pective, le partenariat est considéré commeindispensable avec les mairies, les wilayas, laCaisse de dépôt et de gestion, ainsi qu’avec lespromoteurs et acteurs privés.Ce changement dans la politique urbaine del’État aura, sans doute, des implications impor-tantes sur la gestion des villes, notamment ensuscitant une plus grande participation desacteurs locaux, à condition que la dimensionhumaine soit présente dans l’esprit des gestion-naires de la cité.

Le foncier, clef de voûte de l’aménagementLa question du foncier est au centre de la pro-blématique urbaine au Maroc. Le foncierurbain est un attribut de pouvoir et de notabi-lité, une ressource souvent prisée, mais étantdétourné de ses fonctions ordinaires par la spé-culation, il est difficile à mobiliser. De fait, ondéplore souvent, dans la majorité des villes,l’abandon de projets d’investissement écono-mique, de logement ou d’aménagement(4).

(3) Les Sdau de Rabat, Fès, Meknès et Marrakech sont confiésau cabinet Pinseau, les villes méditerranéennes du Nord aubureau d’études Dar Al Handasah.(4) Voir dans ce numéro des Cahiers, HAFIF Azzeddine, «Lesstatuts complexes d’un foncier rare», p.120.

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Le développement urbain du XXe siècle

L’explosion urbaine de la seconde moitié du XXe siècle

L’évolution urbaine du Maroc : d’un siècle à l’autre

Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

À Agadir, comme dans les autresgrandes villes, des opérations de logement social sont réaliséespour reloger les habitants des bidonvilles et améliorer leurs conditions de vie.

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Les tentatives successives de maîtriseurbaine, caractérisant la seconde moitiédu XXe siècle au Maroc, n’ont pu contenir

l’ampleur de l’explosion des villes. La confu-sion entre la politique quantitative du loge-ment, notamment social, et la vision d’une pla-nification urbaine déclinée de l’échellenationale à l’échelle locale a largement per-turbé la mise en place d’une politique globaleet prospective de l’aménagement et de l’urba-nisme dans le pays.Malgré les effets positifs de l’alternance poli-tique qu’a connu le Maroc, le transfert des por-tefeuilles de l’aménagement du territoire, del’urbanisme et de l’habitat d’un ministère à l’au-tre n’a pas contribué à accélérer les efforts del’État pour répondre efficacement à ces problé-matiques. Elles sont, aujourd’hui, au cœur desdébats publics grâce au grand chantier del’aménagement du territoire et à celui du codede l’urbanisme.

Une urbanisation forcée, née d’un contexte de forte croissanceDepuis son indépendance, le Maroc connaîtune croissance rapide de sa population. Elleest passée de 11 620 000 habitants en 1960, à29 891 700 selon le dernier recensement de2004. Elle a, ainsi, plus que doublé en un tiers desiècle, alors même qu’il avait fallu près desoixante ans (1900-1960) pour passer de 5 à11,6 millions d’habitants. Cette forte croissances’est accompagnée d’une urbanisation mar-quée, favorisée par l’augmentation de la popu-

lation, l’exode rural et le passage de certaineslocalités du statut rural au statut urbain. Tousces phénomènes ont contribué aux extensionset à l’étalement, dépassant les limites urbainesdans des conditions auxquelles les aggloméra-tions n’étaient pas préparées.Le Maroc ne constitue pas une exception quantà cette tendance universelle de croissanceurbaine(2). Aujourd’hui, son taux d’urbanisationconnaît une progression accélérée : 29 % en1960, 43 % en 1982, 51,4 % en 1994 et 55 % en2004, propension qui se traduit par la multipli-cation des villes. En 1994, le Maroc comptait318 villes. Le nombre des grandes villes estpassé de 14 en 1994 à 21 en 2004. Celui desvilles moyennes a doublé, passant de 13 à 26, etcelui des villes de petite taille est passé de 185à 229. En partant de ces chiffres, on peut d’oreset déjà affirmer que le défi urbain est une desgrandes questions de la période contempo-raine, aussi bien pour les pays développés quepour les pays en développement. Suite à cetaccroissement accéléré, les agglomérationsurbaines ont connu des extensions importanteset souvent désordonnées. Elles se sont dévelop-pées à un rythme dépassant les possibilités de

L’évolution urbaine du Maroc : d’un siècle à l’autre

Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

Retour à la planification urbaineau Maroc

Une nouvelle génération de documents d’urbanisme organisel’armature urbaine. Ils prévoientnotamment des parcs urbains et de grandes avenues, comme ici à Mohammedia.

Abdelhai Bousfiha(1)

Architecte

Après l’Indépendance en 1956, les planssuccessifs, de Prost à Écochard, ont étédépassés par la croissance urbainegalopante. Les nouveaux documents de planification élaborés au début des années 1980 ont été suivis par plusieurs tentatives de réformes,notamment dans le cadre d’une démarchede rattrapage. Les derniers en date ont-ils suffisamment mûri pour intégrerles enjeux du développement durable et assurer la cohérence entre les différentes échelles ?

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Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

Le développement urbain du XXe siècle

(1) Abdelhai Bousfiha est architecte DPLG, ancien directeurde l’Urbanisme et de l’Architecture et ancien secrétaire géné-ral du Conseil national de l’habitat.(2) Voir dans ce numéro des Cahiers, OUAZZANI Rachid, «L’ex-plosion urbaine de la seconde moitié du XXe siècle », p 21.Certaines informations présentées par Abdelai BOUSFIHA danscet article recoupent celles de Rachid OUAZZANI, bien qu’ellesaient une finalité thématique différente.

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contrôle, de moyens financiers d’encadrementet de gestion. À l’origine d’un fort déficit enmatière d’équipements et de logements, cephénomène a ainsi engendré d’importants dys-fonctionnements liés aux problèmes de plani-fication à différents niveaux : économique,social, culturel, technique et financier.

La première génération des documentsd’urbanisme après l’IndépendanceLe Maroc a poursuivi la gestion urbaine desgrandes agglomérations après l’Indépendanceen se basant sur la planification des plansProst(3) et de ses successeurs. Les extensionsréglementaires ont été réalisées par des opéra-tions de lotissement et de morcellement, essen-tiellement pour créer des logements, en respec-tant globalement l’armature du réseauprincipal de voirie.Après l’expérience des années 1970, force a étéde constater que les méthodes d’urbanisationutilisées ne se basaient pas sur une politiquede développement urbain bien définie. Ellesvisaient plus à atténuer la crise du logementqu’à intégrer les dimensions de la planificationurbaine et de la qualité architecturale. Sur cettebase, il a été nécessaire pour les autoritéspubliques de revoir la politique suiviejusqu’alors en matière de développementurbain. Cela s’est traduit sur le plan institution-nel par la création du ministère de l’Habitat etde l’Urbanisme. Ce ministère a, notamment,rendu possible l’élaboration de documentsd’urbanisme élargissant la couverture du terri-toire national et touchant différentes échelles :schémas directeurs d’aménagement urbainpour les grandes agglomérations, plans d’amé-nagement pour les communes urbaines et

plans de développement pour les communesrurales.Le retour à la planification urbaine après l’Indé-pendance s’est effectué par vagues successives.La première génération de documents d’urba-nisme avait comme préoccupations principalesla salubrité et la sécurité publiques. Une nou-velle génération de documents d’urbanisme etde structures d’aménagement a vu le jour audébut des années 1980. La planification urbainede cette époque, sous la tutelle du ministère del’Intérieur, se contentait de définir le droit dessols par des zonages fonctionnels et par larépartition des grandes infrastructures et équi-pements, selon des normes dépassant souventla capacité des investissements publics. Euégard à sa rigidité, cette première générationde documents n’a pu assurer la gestion équili-brée et harmonieuse des agglomérations faceà une croissance et un étalement urbainsincontrôlables. Elle a ainsi subi la dynamiqued’autoconstruction des bidonvilles et de l’habi-tat insalubre.

La multiplication des structures de mise en œuvre et de formationDepuis les années 1980, la nouvelle politique aintégré dans ses préoccupations la probléma-tique de l’urbanisme opérationnel en confiantla mise en œuvre des projets à des structuresnouvellement mises en place, telles que les Erac(4), l’Anhi(5), la Snec(6), l’agence Ryad et la société étatique Attacharouk, qui ontaujourd’hui fusionné pour créer le holdingd’aménagement Al Omrane, le Fond social del’habitat et les agences urbaines. Cette nouvellepolitique a également apporté un cadre à laformation, par la création de l’École nationaled’architecture, de l’Institut national d’aména-gement et d’urbanisme (Inau), du Centred’études et de recherche en aménagement eten urbanisme (Cerau) et des instituts de for-mation des adjoints techniques.Pendant cette période, l’État n’a cessé d’encou-rager l’autoconstruction par l’encadrement deses programmes et par la mise en place d’unepolitique foncière permettant de mobiliser lemaximum de terrains à l’intérieur des périmè-tres urbains.

Les lois spécifiques régissantl’urbanismeCe n’est qu’en 1992 que le Gouvernement avoté deux lois relatives à l’urbanisme, aux lotis-

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Retour à la planification urbaine au Maroc

L’évolution urbaine du Maroc : d’un siècle à l’autre

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(3) Voir dans ce numéro des Cahiers, TROIN Jean-François,«De la médina à la ‘ ville européenne ’ au Maroc», p 15.(4) Établissements régionaux d’aménagement et de con-struction.(5) Agence nationale de lutte contre l’habitat insalubre.(6) Société nationale d’équipement et de construction.

Schéma directeur d’aménagement de l’aire urbaine d’Al Hoceima1985-2005 – Dar Al - Handasah

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sements, morcellements et groupes d’habita-tions, afin d’adapter l’arsenal juridique à l’évo-lution et aux problèmes de l’urbanisation. Cesdeux lois sont intervenues dans un contexteparticulier, marqué par l’extension des bidon-villes et des quartiers non réglementaires quicaractérisaient alors les zones périphériques,ainsi que par l’émergence de nouvelles entitésurbaines issues du découpage territorial.Sur le plan institutionnel, l’État a fourni ungrand effort en offrant de nombreux outils spé-cialisés de gestion et de développement urbainau service des collectivités locales, notammentpar la création d’agences urbaines, d’inspec-tions régionales de l’urbanisme, ainsi que d’éta-blissements régionaux d’aménagement et deconstruction. Les programmes d’études ont étémultipliés, notamment ceux relatifs à la réali-sation de programmes d’habitat, à l’élaborationdes documents d’urbanisme, aux projets d’ag-glomérations et de territoires, et à la promotionde la qualité architecturale et du paysageurbain.Conscient de la contribution du secteur de l’ur-banisme et de l’habitat à l’évolution des éta-blissements humains, l’État a opté pour unemeilleure articulation des politiques menéesen matière d’urbanisme et d’aménagement duterritoire. Ainsi, en 1998, l’urbanisme, l’habitat,l’environnement et l’aménagement du territoireont été regroupés en un seul et même départe-ment, traduisant ainsi une volonté de visionintégrée des secteurs de l’urbanisme.

Des débats sur l’aménagement du territoire et le code de l’urbanismeSous le haut patronage de Sa Majesté le RoiMohammed VI, le Maroc a engagé en 2000 undébat national sur l’aménagement du territoirequi a mené à l’adoption du schéma nationald’aménagement du territoire (Snat). Ce docu-ment vise à fournir un cadre de cohérence et àautoriser l’action régionale via les schémasrégionaux. Un Conseil national d’aménagementdu territoire a été mis en place en ce sens. Eneffet, nous savons aujourd’hui qu’un développe-ment harmonieux et équilibré des villes et descampagnes nécessite une restructuration del’armature urbaine tendant à atténuer les dispa-rités régionales.Un autre débat, et non des moindres, a mobilisétous les acteurs du développement pour l’éla-boration du code de l’urbanisme. Il s’est avéré,à la lumière des changements intervenus tant àl’échelle nationale qu’à travers le monde, quel’urbanisme doit être appréhendé, avant tout, àtravers ses aspects économiques, financiers etsurtout sociaux. Les règles de l’urbanismedevraient émaner, non seulement du droit etdes procédures administratives, mais égalementdes mécanismes qui commandent le proces-sus des changements intervenus dans lasociété. Le message adressé par Sa Majesté leRoi Mohammed VI aux participants à la ren-contre nationale du lancement du grand chan-tier du code de l’urbanisme remet à l’ordre dujour la nécessité d’adopter une nouvelle archi-tecture juridique : « Pour conforter les effortsentrepris par notre Gouvernement, il devient

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Plan directeur de Marrakech, 1990-2010 – Cabinet Michel Pinseau

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nécessaire de procéder à la révision et à lamodernisation du dispositif de l’urbanisme envigueur dans notre pays, qui a certes connuquelques réformes ces dernières décennies,mais celles-ci sont restées plutôt limitées, sansparler de certains textes juridiques qui remon-tent au début du siècle passé».Le nouveau projet de code ne porte pas uni-quement sur l’élagage des aspects désuets etsur la révision des dispositions peu ou maladaptées à la réalité, mais s’inscrit égalementdans la continuité des grands chantiers deréformes dans lesquelles s’est engagé le Maroc.Ces dernières permettront notamment l’institu-tion du Conseil supérieur de l’aménagementdu territoire et l’adoption d’une charte et duSnat, le renforcement de la décentralisation etde la déconcentration administrative et la pro-mulgation d’une nouvelle charte communale.Elles envisagent également une conception del’unité de la ville comme choix politique et ins-titutionnel central dans le système de mise àniveau des villes. Elles mèneront à une gestiondéconcentrée de l’investissement et au renfor-cement de l’offre de logements sociaux enfaveur des catégories à revenu limité. Enfin, ellespermettront la mise en œuvre de vastes pro-grammes, notamment ceux inscrits dans lecadre de l’Initiative nationale pour le dévelop-

pement humain (INDH), dont les composantesreposent sur la qualité de vie des citoyens.

Vers une planification urbaine dans un cadre de développement durableTous ces processus de refonte des systèmes juri-diques, réglementaires, institutionnels, foncierset financiers, ont permis au Maroc de lancer degrands chantiers avec tous les partenairespublics et privés (programme Villes sans bidon-villes, planification de projets urbains intégrés,villes nouvelles, mise à niveau des quartiers,aménagement, rénovation, restauration etrequalification urbaine).Sur le plan de la mise en œuvre de la politiquepublique dans les secteurs de l’habitat, de l’ur-banisme et de l’aménagement de l’espace, lacréation du holding d’aménagement AlOmrane (2004) avec ses filiales régionales(2007) hisse cette structure au premier rang desentreprises publiques nationales. En tantqu’opérateur public performant, il est considérécomme capable de relever le défi de la mise àniveau des villes et de la promotion de l’habi-tat social. Il applique le principe du partenariatpublic-privé, en association avec les collectivi-tés locales, dans un cadre conventionnel.Aujourd’hui, dans la mouvance du débat natio-nal sur l’aménagement du territoire, une nou-velle génération de documents de planificationurbaine est en cours d’élaboration. En 2006, lawilaya du Grand Casablanca, précurseurcomme de coutume, est la première à lancerl’élaboration d’un plan de développement stra-tégique et sa traduction spatiale et réglemen-taire par un schéma directeur d’aménagementurbain (Sdau) sous la houlette de l’Agenceurbaine de Casablanca. Ce Sdau est actuelle-ment en cours de déclinaison à l’échelle localedes communes par des plans d’aménagement.Cette nouvelle génération de documents deplanification urbaine se base sur les principesdu développement durable, en cherchant unéquilibre entre ses trois piliers (social, écono-mique et environnemental), en élaborant unevision globale à long terme, ainsi qu’en définis-sant les outils et les moyens de mise en œuvre.La démarche participative d’élaboration decette nouvelle planification urbaine associe enamont et tout au long des travaux, les élus, lesdécideurs et acteurs locaux, mais également lasociété civile.Le Maroc accorde aujourd’hui une importanceparticulière à la protection de l’environnement.D’ores et déjà, les concepts de développementdurable, d’efficacité énergétique, d’innovationtechnique, économique, environnementale, cul-turelle et sociale, constituent les principes debase de la nouvelle planification des villes duRoyaume.

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Le développement urbain du XXe siècle

Retour à la planification urbaine au Maroc

L’évolution urbaine du Maroc : d’un siècle à l’autre

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Schéma directeur d’aménagement urbain de Tetouan 1981-2001

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Une nouvelle approche de la planification stratégique

Casablanca : laboratoire de l'évolution urbaine

Marrakech : la métropolisation d’une cité royale

Rabat-Salé, ville capitale

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Àl’aube du XXIe siècle, le Maroc s’interro-geait sur les modalités à mettre enœuvre pour renouveler les plans d’ur-

banisme de ses villes les plus importantes. Cesplans, datant pour l’essentiel des années 1980,arrivaient à échéance et, selon les dispositionslégislatives et réglementaires en vigueur, deve-naient progressivement caducs, laissant un videjuridique pour l’application du droit des sols.C’est dans ce contexte qu’après avoir travaillédepuis trente ans aux côtés des autorités maro-caines et de différentes agences d’urbanismedes grandes villes marocaines, l’IAU île-de-France a été mobilisé pour contribuer à renou-veler l’approche planificatrice de la capitaleéconomique du Royaume. Cet exercice, menéen étroite relation avec l’Agence urbaine deCasablanca et les autorités responsables du ter-ritoire du Grand Casablanca à ses différenteséchelles, a constitué un véritable laboratoirepour jeter les bases d’une approche renouveléede la planification au Maroc.

Le contexte de l’aménagement et du développement de la métropoleLes grandes métropoles marocaines dispo-saient toutes de schémas directeurs traçant lesgrands axes de leur développement urbainpour les vingt-cinq années suivant leur appro-bation, et de plans d’aménagement donnantune définition détaillée de l’usage et des droitsdes sols.À Casablanca, le schéma directeur élaboré parle cabinet Pinseau approuvé en 1984 avait en

2004 atteint ses limites, l’étalement urbain entache d’huile dans les zones préservées n’étantpas maîtrisé, pendant qu’une partie des urbani-sations prévues à Zenata sous forme d’une véri-table ville nouvelle dans le prolongement estde l’agglomération ne trouvait pas de réeldébut de réalisation. De plus, en l’absence demaîtrise du foncier, les plans d’aménagementne pouvaient garantir la préservation desemplacements nécessaires à la réalisation deséquipements publics, qu’il s’agisse d’équipe-ments de proximité ou des infrastructuresnécessaires au bon fonctionnement des quar-tiers (moins de 20 % des équipements prévusétaient réalisés).De ce fait, le marché immobilier a créé des dis-parités importantes entre centre et périphérie etentre quartiers, dans un contexte de très fortepression urbaine ouvrant la voie à un systèmede fonctionnement dérogatoire sans visibilitéd’ensemble. De nombreux programmes dits« d’investissement » concernant chacun unnombre significatif de logements réputés« sociaux» ont ainsi vu le jour en frange de lazone agglomérée, sans aucun équipement d’in-fra ou de superstructure.

Des conditions favorables pour une bonne synergie entre acteursLe premier facteur de synergie tient à la gouver-nance, du fait de la délimitation d’un territoireunique de la wilaya et de la région du GrandCasablanca, avec la mise en place progressivedes instances territoriales régionales, parallèle-

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Une nouvelle approche de la planification stratégique

Retransmission de la présentationdu schéma directeur du GrandCasablanca à Sa Majesté le RoiMohammed VI au journal télévisé du 22 octobre 2008.

François DugenyVictor Said

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La mise en œuvre de la régionalisation,l’unicité de la ville et la prise en considération de la durabilité du développement ont nécessité unenouvelle approche de la planification du Grand Casablanca. À l’occasion de la révision du schéma directeur, avec l’appui de l’IAU île-de-France,l’Agence urbaine a su créer un espacede concertation et de constructionpartagée, favorisant une approchecroisée.

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ment à celle qui va assurer l’unité de la ville autravers de la constitution du conseil de la villede Casablanca et de l’élection de son président(le «maire» de Casablanca).Dès lors, l’ensemble des décideurs a souhaitémener une réflexion commune en vue de fairecesser un développement de plus en plus anar-chique, pour trouver les voies et moyens destructurer et d’équiper les quartiers spontanés,et surtout pour partager une vision stratégiqueet transversale du devenir de la métropole aumoment où des approches sectorielles dans lesdomaines économique et touristique se fai-saient jour. Il s’agissait enfin d’engager une véri-table démarche de développement durable etd’amélioration du cadre de vie.

Le Sdau, support de la démarchestratégique(1)

La prise de conscience des enjeux d’un déve-loppement durable assurant un juste équilibreentre les préoccupations d’ordre économique,environnemental et d’équité sociale, ainsi que l’arrivée à échéance des documents deplanification, ont naturellement cristallisé cesdémarches sur la mise en œuvre d’un nouveauschéma directeur pour le Grand Casablanca.C’est le sens du projet qui a été mené de 2005à 2007 par l’Agence urbaine de Casablanca,appuyée par l’Iaurif.Plutôt qu’une classique approche sectorielle,ce projet a donc pris en considération uneapproche systémique croisant les différentschamps de l’aménagement, de l’urbanisme, dudéveloppement économique, de la démogra-phie, du logement, des transports, de l’environ-nement… et ce, aux différentes échelles territo-riales. Un soin particulier a donc été apporté àévaluer les interactions entre ces champs, afinde disposer des éléments sur lesquels asseoirune réelle stratégie pour la métropole. En prio-rité, il s’est agi de définir la place de la métro-pole au niveau national et international, de laconforter en tant que premier pôle écono-mique du Maroc, locomotive du développe-ment régional et national, mais aussi de faireen sorte qu’elle relève les défis auxquels elle estconfrontée.La difficulté de la démarche résidait dans lanécessité d’aller au-delà de l’incantation oud’un exercice de planification ne prenant pasen considération les moyens de sa mise enœuvre. C’est ce qui a mobilisé les acteursautour de projets identifiés comme prioritaires,susceptibles de concrétiser les stratégies arrê-tées dans les différents domaines, permettantde doter Casablanca d’équipements structu-rants majeurs, d’organiser les transports et lesespaces dédiés aux activités tertiaires de hautniveau, d’accueillir la croissance démogra-

phique et d’améliorer l’image de la ville pourmieux asseoir son identité.Le temps où le développement métropolitainpouvait être efficacement encadré par la seuleplanification, du fait de l’unicité de la chaîned’acteurs et de la longueur des cycles écono-miques, est en effet révolu. La mondialisation etla multiplication des niveaux de décisions, ainsique le rôle du secteur privé, imposent de nou-veaux modes de faire s’appuyant sur uneapproche stratégique partagée.Cette approche s’articule autour d’un certainnombre de principes majeurs : dépasser la pla-nification sectorielle, ne plus appréhender ledéveloppement urbain par la seule gestion dudroit des sols et des équipements, intégrer lesmoyens de mise en œuvre et l’identificationdes acteurs concernés en élaborant avec eux lastratégie permettant de réaliser les projets, s’ap-puyer sur une large concertation, en ruptureavec les pratiques antérieures, prendre encompte les évolutions engagées et futures. L’ap-plication de ces principes implique une sou-plesse permettant d’accueillir évolutions et ini-tiatives nouvelles (tout en préservant lecaractère prescriptif des dispositions majeures :patrimoine, risques, etc.), ce qui nécessite unimportant travail de suivi-évaluation.Cette démarche pose la question de la cohé-rence à trois niveaux : entre échelles de terri-toires et entre territoires différents, entre enjeux,objectifs, projets et actions, et enfin entreacteurs aux différentes échelles.

La nécessaire prise en compte de la mise en œuvreComme dans toute métropole, le débat sur laplace des prescriptions dans la démarche stra-tégique s’est posé, concluant à la limitation descontraintes réglementaires les plus fortes auxseuls espaces concernés par des enjeux depatrimoine (au sens large : espaces agricolesde grande valeur, forêts, sites et espaces naturelsou urbains de qualité, gisements de matériaux,espaces adaptés à certaines fonctions tech-niques, etc.), d’équipements à réaliser (assiettefoncière) et de risques naturels ou industriels(enjeu de sécurité et de santé publiques). Enrevanche, une plus grande souplesse doit êtrerecherchée pour les autres espaces, où le déve-loppement relèvera de l’élaboration concertéeet de la contractualisation.Ainsi, c’est un véritable projet d’agglomération(2)

qui doit être élaboré, dégageant les axes straté-

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(1) Voir dans ce numéro des Cahiers, SAIDVictor «Grand Casa-blanca : le Sdau en appui au projet métropolitain», p.136.(2) Comme l’a fait la métropole de Lyon en engageant ladémarche Millénaire 3, qui s’appuyait sur cinq axes straté-giques très consensuels, et qui a permis de mettre en placeun «conseil de développement ».

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De nombreux programmes de logements sociaux ont vu le jouren frange de la zone agglomérée.

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giques du développement métropolitain, se tra-duisant par un plan d’actions prioritaires, par ladélimitation des secteurs à très fortes potentia-lités de développement ou de redéveloppe-ment, et par la promotion de véritables dé -marches contractuelles.Celles-ci s’inscrivent dans une charte liant lesacteurs et nécessitent une mobilisation autourd’un ou plusieurs acteurs principaux capa-ble(s) de créer une dynamique durable.Au Maroc, l’État jouant un rôle central dans laplanification et dans l’aménagement du terri-toire, c’est à son niveau que l’initiative a jailli etque le processus a été porté, mais c’est auniveau métropolitain que l’essentiel du projet aété construit, avec la participation de chacundes acteurs de l’aménagement et du dévelop-pement de ce territoire.

La mise en place d’un espace de négociation et de constructionpartagéeLes pays anglo-saxons connaissent une tradi-tion de négociation entre les différents acteursde l’aménagement, amenant un consensus quiveut trouver un équilibre entre intérêt généralet intérêts particuliers. L’exemple de ces paysest difficilement transposable en France ou auMaroc, pays où la gestion du droit des sols s’appuie sur des documents d’urbanisme neprésentant pas de marges de négociation(« j’autorise/j’interdis»), avec un recours de plusen plus fréquent à l’arbitrage du juge.Le régime dérogatoire récemment mis en placeau Maroc aurait pu laisser penser qu’une tellemarge de négociation était ouverte. Néan-moins, faute de critères clairs quant à son appli-cation, en particulier sur la définition des pro-jets d’investissement, il s’agissait plus d’unebrèche ouverte dans le dispositif réglementaireque d’un espace de négociation sur des pro-jets qui présentent, certes, un intérêt pour la col-lectivité publique, mais ne peuvent être réali-sés dans n’importe quelles conditions.Il appartenait donc aux tenants de l’aménage-ment régional de trouver les relais nécessairespour qu’un esprit de consensus et de négocia-tion puisse se développer. Pour l’Etat, maîtred’ouvrage, ces relais étaient à trouver en décloi-sonnant au sein de ses propres services, en serapprochant de collectivités agissant de plusen plus comme des développeurs de leur terri-toire, et de représentants de la société civile.

Un dispositif adapté et innovant pour le MarocL’ensemble de la démarche a été mené par uncomité stratégique de pilotage réunissant leprésident de la région du Grand Casablanca,le maire de la ville de Casablanca, le gouver-

neur directeur de l’Agence urbaine de Casa-blanca, ainsi que les gouverneurs des préfec-tures et provinces de la région du Grand Casa-blanca. Ce comité, placé sous l’autorité du walidu Grand Casablanca, regroupait aussi desreprésentants du secrétaire général du minis-tère de l’Intérieur et de celui des Collectivitéslocales, et du ministère de l’Habitat et de l’Urba-nisme.Un comité d’animation technique, placé sousl’autorité du gouverneur directeur de l’Agenceurbaine de Casablanca (d’abord Mme FouziaImansar, puis M. Allal Sekhroui) a regroupé lesdirections des services techniques directementconcernés par l’élaboration du schéma direc-teur au niveau de l’Agence urbaine, de lawilaya, de la ville, des préfectures et des pro-vinces.L’équipe d’experts de l’IAU île-de-France s’estmise aux côtés de celle de l’Agence urbaine, auservice de ce dispositif. Elle a apporté son expé-rience, son savoir-faire et un appui technique etméthodologique.Le dispositif a été complété par la mise enplace d’ateliers thématiques (démographie,habitat et cadre de vie ; développement écono-mique, touristique et équipements structurants ;environnement, écologie, paysages et infrastruc-tures des réseaux divers ; mobilité et infrastruc-tures de transport ; urbanisme et aménagementterritorial ; approche réglementaire et juridique;système d’information géographique et expres-sion cartographique) et d’ateliers territoriaux,véritables chevilles ouvrières de l’élaborationdu schéma directeur.Ces ateliers ont veillé à la bonne participationdes partenaires techniques et professionnels,techniques, financiers ou institutionnels : Ordredes architectes, Comité régional du tourisme,Caisse des dépôts et de gestion, université, ges-tionnaires de réseaux, représentants du mondeéconomique, Centre régional de l’investisse-ment, etc.

Relever les défis et créer les conditions du succèsL’ensemble de la démarche a permis de releverles défis qui se posent à la capitale écono-mique du Royaume. En agissant comme unlaboratoire des stratégies métropolitaines, elle amis en place les conditions visant à permettred’atténuer les fractures et les disparités territo-riales, économiques et sociales, pour un amé-nagement et un développement durables aubénéfice des populations actuelles et futures.

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À la recherche de la métropolisation

Une nouvelle approche de la planification stratégique

L’évolution urbaine du Maroc : d’un siècle à l’autre

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Diffusion d’une démarche adaptéeaux métropoles marocainesÀ la demande des agences urbaines de Oujda et de Marrakech(1), l’IAU île-de-France a transposé et adapté,dans le cadre de la coopération, cette nouvelle approche de planificationstratégique aux contextes spécifiques de chacune de ces deux régions. Ceci a permis à ces agences de lancer le chantier d’élaboration des nouveauxschémas directeurs en appliquant les principes innovants de cette démarche.

(1) Voir dans ce numéro des Cahiers, SAID Victor, « Marrakech, la métropolisation d’une cité royale »,p. 37.

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La mise en place d’instancesterritoriales régionales est un facteur clé de la synergie entre les acteurs.

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Àtravers son histoire, Casablanca a tou-jours été une ville à part, symbole del’ouverture du Maroc sur le monde, de

modernité et d’innovation urbaine. Aujourd’hui,elle veut se positionner sur la scène internatio-nale comme une ville du XXIe siècle. Commentdévelopper la ville en respectant la traditiontout en s’inscrivant dans la modernité ?Après une rétrospective sur l’innovation dansla planification urbaine, cet article s’intéresseà l’image de métropole que Casablanca veutse donner. Pour cela, des entretiens ont été réa-lisés avec les architectes Rachid Andaloussi,Yves Lion, Philippe Madec, Christian de Port-zamparc et l’équipe chargée du projet AnfaPlace à l’agence Foster + Partners.

L’innovation liée à la planification urbaineDepuis le début du XXe siècle, l’ambition deCasablanca d’être une ville internationale estinscrite dans les différents documents d’urba-nisme. Toutes les démarches de planificationon voulu doter la ville des attributs de la moder-nité, adaptés à chaque époque.

Le plan Prost projette la destinée de la capitale économique du RoyaumeEn 1912, à la mise en place du Protectorat, lavolonté de Lyautey(1) d’impulser le développe-ment de la ville marque le début de l’organisa-tion de l’espace urbain de Casablanca. Le planProst(2) constitue la première démarche de pla-nification de la ville. Ses objectifs sont de créer

une ville nouvelle autour du port, lieu fédéra-teur, selon un plan radioconcentrique.Le plan Prost fera date dans l’histoire de l’ur-banisme car il offre d’importantes innovations :la prise en compte de l’automobile dans unsystème hiérarchisé de voirie, le principe dezonage, et le désir de qualité et d’unité architec-turale à travers des servitudes architecturaleset des prescriptions urbanistiques. En plus ildestine le littoral et ses plages aux loisirs et àl’activité balnéaire. Afin d’ancrer la ville dans la modernité, ce planpropose également deux grands projets : laconstruction d’une nouvelle médina, lesHabous, et la réalisation d’un parc central, prin-cipal espace vert de Casablanca. Le plan Prostdonne ainsi un nouveau visage à Casablanca,notamment par un cœur de ville d’architectureArt déco.

Le plan Écochard et le souci de l’équité socialeÀ la veille de l’Indépendance, la structuredémographique de Casablanca se transforme.Le mouvement vers le littoral s’accélère et laville absorbe le tiers de la population urbainedu pays. La première ville du Royaume draineles principales énergies du pays et s’est consi-dérablement étendue.Par sa forte vision humaniste et pour s’adapterau nouveau contexte de la ville, Écochard(3)

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Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

Casablanca : laboratoire de l’évolution urbaine

Le changement d’image de Casablanca passe notammentpar la définition d’une nouvellesilhouette urbaine.

Pauline ZeigerGwenaëlle Zunino

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Casablanca est un haut lieud’innovations urbaines depuis plusd’un siècle. De nombreuses théoriesavant-gardistes lui ont forgé ce caractère unique. Elle s’est toujoursdistinguée par son ouverture au monde. Aujourd’hui, elle souhaitechanger d’image pour entrer dans la modernité : elle opte pour un positionnement international fort.Cinq architectes donnent des clés pour comprendre comment développerla ville du XXIe siècle en respectant sa tradition.

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Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

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(1) Voir sa biographie dans ce numéro des Cahiers, p.172.(2) Idem.(3) Idem.

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marque une rupture dans l’urbanisme de Casa-blanca. Il repense la ville et sa région sur lesbases de l’équilibre démographique et de ladéconcentration industrielle. La crise du loge-ment et l’organisation du développementindustriel sont les principaux enjeux de l’ag-glomération. L’aménagement de la périphériedevient incontournable. Face à la pénurie delogements, Écochard innove en définissant unecellule-type pour les logements(4) et offre la pre-mière réponse pour un logement social demasse.Afin d’organiser la ville en mutation, Écochardprône un urbanisme linéaire qui affirme uneréorganisation du territoire vers l’est jusqu’àMohammedia, car l’extension radioconcen-trique de la ville a atteint la ligne de crête. C’estune véritable rupture au niveau des ambitions,de la doctrine et des techniques d’aménage-ment. Le littoral devient le fil conducteur dudéveloppement économique et urbain de laville : les activités balnéaires à l’ouest et l’indus-trie à l’est transforment Casablanca en une«cité linéaire littorale »(5).

Le Sdau(6) de 1984 restructure la ville et sa périphérieAu début des années 1980, Casablanca concen-tre 50 % de l’activité économique marocaineet 2,3 millions d’habitants.La démarche proposée par Pinseau a pourambition de coordonner la progression de l’ur-banisation et des équipements publics, et demaîtriser les terrains à urbaniser. Pour cela, ilpréconise l’élaboration d’un schéma directeursur un périmètre englobant Mohammedia etles communes périphériques ainsi que la créa-tion de l’agence urbaine de Casablanca etd’une agence foncière. Pour renforcer l’identitéde Casablanca, de grands projets urbains sontproposés : l’aménagement de la Corniche, laréhabilitation et la mise en valeur de la médinaet des Habous, l’aménagement de la ville euro-péenne, la réalisation de la Grande MosquéeHassan II, de l’avenue Royale et de la place desNations Unies. L’approche de Pinseau est inno-vante, car elle tient compte de la nécessité detransformer un paysage urbain éclaté en inté-grant au mieux les quartiers périphériques etleur population.

Le nouveau Sdau du Grand Casablancaprojette la ville durableAu début du XXIe siècle, l’ambition de Casa-blanca est de devenir une grande métropoleinternationale durable pour tous. Le Sdau duGrand Casablanca, présenté à Sa Majesté le RoiMohammed VI en 2008, affirme ce positionne-ment international tout en proposant une arma-ture urbaine régionale polycentrique, organi-

sant un réseau de pôles périphériques renfor-cés autour de Casablanca et de Mohammedia.Il propose une mise à niveau générale de Casablanca et une prise en compte globale dulittoral afin de promouvoir un aménagementcohérent(7).Pour permettre à Casablanca de rester le sym-bole de l’ouverture du Maroc sur le monde, lastratégie du Sdau repose sur l’offre métropoli-taine intégrant les dimensions de la ville dura-ble. Il crée une offre foncière nouvelle pour yaccueillir de l’activité et de l’habitat et inscritdans le territoire de nouveaux équipementsstructurants. Cela se traduit à la fois par de larestructuration de friches, de l’extensionurbaine et par l’urbanisation de terrains gagnéssur l’océan. Au niveau régional, le Sdau proposeplusieurs grands projets urbains mixtes etdenses, tels que Zenata, Errahma, le grand pro-jet de Lahraouyine et une ville verte à Bous-koura. À Casablanca, on distingue trois sitesmajeurs de grands projets urbains : Anfa 03-21,le grand projet de Sidi Moumen et le grand pro-jet du front de mer intégrant une série de pro-jets. Ainsi, le Sdau esquisse la nouvelle imagede la métropole de demain.

Quelle innovation pour la métropole du XXIe siècle ?Pour devenir une métropole mondiale, harmo-nieuse et durable, Casablanca doit développercertains attributs de la modernité. Plusieursdéfis s’imposent à elle : comment penser lesgrands projets dans la ville ? Comment offrirune ville pour tous ? Comment répondre auxbesoins des Casablancais tout en améliorant lacompétitivité de la ville ?Afin de renforcer son attractivité, elle fait lechoix d’un positionnement économique eturbain fort : elle développe principalement sesactivités tertiaires, haut de gamme, de loisirs etde commerce moderne correspondant auxstandards internationaux.La métropole change de visage et incarne lamodernité avec une nouvelle silhouetteurbaine et une redécouverte de son littoral. Cesmutations se traduisent par la création de nou-veaux quartiers tels que la Marina, Anfa 03-21sur le site de l’ancien aérodrome et les quar-tiers durables de Sindibad ; par des équipe-ments structurants comme le théâtre CasArts, etle centre commercial de Morocco Mall ; et par

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(4) Cette trame a été baptisée de fait « la trame Écochard».(5) La « cité linéaire littorale » reprend les principes de la«ville linéaire industrielle » développée par Le Corbusier en1945.(6) Sdau : schéma directeur d’aménagement urbain.(7) Voir dans ce numéro des Cahiers, SAIDVictor «Grand Casa-blanca : le Sdau en appui au projet métropolitain», p. 136 etZUNINO Gwenaëlle, «Quelle stratégie d’aménagement pour lelittoral de Casablanca?», p.140.

Les grands projets à CasablancaPar sa taille et son ambition, le projeturbain Anfa 03-21, situé sur l’ancienaérodrome au cœur de la ville(1), a un rôle primordial dans le positionnementstratégique de Casablanca. Conçu par les architectes Reichen et Robert, il crée une nouvelle centralité intégranthabitat, grands équipements, parc urbainet pôle tertiaire.Le grand projet de Sidi Moumen a pour ambition de renouveler et de requalifier un quartier existant autourd’une amélioration de l’offre d’habitat, de grands équipements et d’une meilleureattractivité économique, tout en respectantla mixité sociale. Ce grand projet urbain du front de mer de Casablanca correspondà une série d’opérations, notamment sur le littoral ouest de la ville. De nombreux projets sont en cours de réalisation : le centre commercialMorocco Mall (Design Internationalarchitects) ; le quartier des temps durablesde Sindibad (Philippe Madec architecte) ;le projet d’Anfa Place (Foster + Partnerarchitects et Sens Archi) ; la Marina deCasablanca (Ateliers Lion, Imadeddine et Mountassir architectes urbanistes) et la nouvelle gare de Casa Port (Groupe 3Architectes). À ceci s’ajoutent des secteursà l’étude comme la presqu’île d’El Hank ;la Nouvelle Corniche ; l’aménagement despremiers bassins du port pour qu’ilsfassent partie intégrante de la ville et lamise en valeur de la façade maritime d’AïnSebaa.Le projet du théâtre CasArts (Christian de Portzamparc et Rachid Andaloussiarchitectes) vient également illustrer la nouvelle ambition de Casablanca à travers la réalisation d’un grandéquipement majeur de rayonnement local,national et international.

(1) Voir dans ce numéro des Cahiers, MAYET Pierre,SAID Victor et WARNIER Bertrand, « Casablanca :intégration du grand projet urbain d’Anfa », p. 142.

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des développements balnéaires comme AnfaPlace. Ces grands projets offrent de nombreuxpôles dédiés aux services et au commerce, ilsconstituent de nouvelles centralités urbaines.Cependant, une programmation à visée essen-tiellement internationale, destinée aux entre-prises et aux ménages à hauts revenus, est ris-quée car elle n’est pas destinée à tous lesCasablancais. De plus, la prolifération des cen-tres commerciaux impactera l’animationurbaine et le commerce de proximité. Enfin, ilest nécessaire que ces projets soient desservispar les transports en commun et que leur acha-landage soit réfléchi(8).La stratégie du nouveau Sdau de conforterCasablanca comme pôle tertiaire internationalse traduit d’une part par le renforcement decette vocation en cœur de ville à travers les pro-jets de la Marina, de Casa City Center et de lanouvelle gare de Casa Port ; d’autre part, par laréalisation d’Anfa 03-21, qui constituera un nou-veau pôle tertiaire au sein d’une future centra-lité urbaine.

Quelle silhouette urbaine veut-on créer ?Casablanca souhaite perpétuer son image deville à l’architecture audacieuse(9). Pour cela, lanouvelle silhouette urbaine reflète l’innovationarchitecturale, la verticalité, le développementdurable et l’urbanisme international.La recherche de la métropolisation pose laquestion de la ville que Casablanca souhaitedevenir. Ainsi, en cohérence avec le Sdau, la« ville blanche » désire se doter de grands équi-pements de rayonnement régional, national,voire international. C’est pourquoi elle a lancé

plusieurs projets qui viendront ponctuer l’es-pace urbain. Par leur architecture et leur carac-tère novateur, ils deviendront des symbolespour un quartier et pour la ville. C’est le cas duthéâtre CasArts ou du centre commercialMorocco Mall.Comme dans toutes les métropoles du monde,il existe une volonté de construire des tours,véritables symboles pour une ville, pour sonéconomie comme pour son image. Ainsi, àCasablanca, la verticalité se renforce. D’unepart, elle passe par une densification en hau-teur du tissu urbain, à l’image des immeublesdu centre-ville, d’Anfa 03-21 ou de la Marina.D’autre part, les projets de tours se multiplientet forment des repères urbains. Le Sdau duGrand Casablanca a déterminé des sites poten-tiels pour ces tours et a préconisé des principesde composition urbaine, de densité, d’environ-nement et de vie sociale. Cette tendance à laverticalité contribue à façonner la nouvellesilhouette urbaine qui, dans la lignée de laGrande Mosquée et des Twin Towers, permet-tra à Casablanca de devenir internationalementreconnaissable.Casablanca s’inscrit également dans un déve-loppement durable à vocation internationale.Ainsi, le projet de quartiers durables de Sindi-bad a évolué vers davantage de mixité desfonctions, intégrant une dimension culturelle

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(8) Voir dans ce numéro des Cahiers, TAZI Kawtar, «Une arma-ture commerciale en pleine évolution», p.66.(9) Par son patrimoine Art Déco, son architecture modernedes années 1950, les Twin Towers et la Grande Mosquée Hassan II, Casablanca s’est toujours distinguée par une archi-tecture innovante.

Les grands projets du centre-ville de Casablanca

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et environnementale aux espaces publics etaux bâtiments. Par leur trame urbaine et leurvocabulaire architectural, les projets de laMarina et d’Anfa Place reflètent l’image d’unemétropole mondiale. Enfin, le projet d’Anfa 03-21 affirme la position économique de Casa-blanca et se veut le symbole de la ville tertiaireet durable intégrée à la ville existante.À travers tous ces projets, Casablanca affirmeson ambition de changement. Pour donner uneimage cohérente et améliorer la visibilité de lamétropole, ils doivent être pensés en complé-mentarité. Cependant, la succession de projets,qui pensent un lieu et une facette, peut nuire àla cohérence de l’évolution de la ville. C’estpourquoi il est primordial que cette volonté dechangement d’image soit adaptée : tout projets’inscrit dans un site, dans une ville existanteet s’imprègne d’une tradition et d’un savoir-faire.

S’inscrire dans une trame urbaine et respecter l’identité des lieuxCertains grands projets prennent en considéra-tion la trame urbaine et l’identité des lieux quiles entourent. Pour Anfa 03-21, le site a été res-pecté. L’histoire du lieu est préservée par l’axede l’ancienne piste, la topographie a permis decréer des ambiances urbaines variées. Le projetconçoit un tissu urbain en continuité avec lesquartiers environnants, mais propose une archi-tecture contemporaine en rupture avec lesquartiers résidentiels de Hay Hassani.Situé sur la place emblématique de la villeeuropéenne et à proximité de la médina, le pro-jet CasArts s’intègre à la ville existante en réin-terprétant l’organisation classique des bâti-ments à ordonnancement, tout en s’inspirantde la forme de la médina ; le théâtre vient« cadrer » la place. Les quartiers durables deSindibad mettent en valeur l’identité du sitepar la réalisation d’un musée archéologique etd’un parc urbain, préconisés dans le Sdau et leschéma stratégique de référence du littoral. Ilest important que ce projet prenne en consi-dération l’identité du lieu, au relief particulier etau pied d’une falaise. Enfin, il reprend le prin-cipe des quartiers du centre-ville et se base surl’existant pour déterminer les dimensionne-ment des îlots. À sa manière, le projet de laMarina s’inscrit dans la ville existante. Pour cemorceau de ville ex nihilo, la trame urbaine estprolongée et les ouvertures vers l’océan – endépit du relief – sont respectées.Les projets situés sur le littoral constituerontune nouvelle vitrine urbaine, reflet de la métro-pole du XXIe siècle. Ainsi, le littoral incarne lenouveau visage de la ville. Pourtant, ce qui faitson attrait et sa qualité urbaine est menacé. Lesite n’est pas pris en compte à sa juste valeur.

L’accès des Casablancais à l’océan, la conti-nuité des promenades, la préservation desespaces naturels et des espèces subissent laprogression de l’urbain.

Réinterpréter la tradition architecturale et culturelleCasablanca a une tradition architecturale etculturelle imprégnée de métissage. Dans cettelignée, Christian de Portzamparc a voulu créerle CasArts comme une médina culturelle. Laréinterprétation de la ville arabe traditionnellese retrouve dans l’organisation du programme,selon un système libre reprenant les ruelles desmédinas, et dans le village des artistes, pensécomme des maisons traditionnelles à patios.De nombreux projets, dont les quartiers dura-bles de Sindibad et le CasArts, réinterprètent levocabulaire architectural traditionnel. Ils pro-posent une « architecture blanche », un systèmetraditionnel de ventilation naturelle et s’inspi-rent des motifs des moucharabiehs ou des zel-liges pour les claustras en façades. On constatedonc que certains grands projets s’inscriventdans une double démarche: ils reprennent cer-taines caractéristiques urbaines et architectu-rales emblématiques de Casablanca et duMaroc et développent une facette de sa moder-nité. Ils allient ainsi tradition et modernité pourfaçonner la ville de demain.D’autres projets sont résolument entrés dans leXXIe siècle et se détachent des formes urbaineset architecturales qui les entourent. Ainsi, AnfaPlace et Morocco Mall apparaissent comme denouveaux espaces en rupture avec leur envi-ronnement, consécration du futurisme et de lamodernité mondiale.

Casablanca s’affirme comme une métropoledu XXIe siècle. Or, celle-ci se doit d’être une villedurable. Cela signifie qu’elle doit être compéti-tive au niveau international, mais aussi une villepour tous, où le social et le local ont leur place.Enfin, l’environnement et la nature en ville sontdes éléments incontournables de l’aménage-ment de demain, surtout du potentiel excep-tionnel de son littoral. Casablanca amorce sonchangement d’image par la réalisation de nom-breux grands projets. Même s’ils offrent unvisage résolument contemporain et internatio-nal, ils doivent néanmoins respecter les habi-tants et la ville dans laquelle ils s’inscrivent. Ilest nécessaire, notamment pour les projets àl’étude, de s’interroger sur leurs ambitions: vont-ils dans le sens d’une ville pour tous?

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Les grands projets du littoralformeront la nouvelle vitrine deCasablanca. Ils portent des enjeuxforts d’une ville attractive où l’accèsà l’océan est primordial.

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Dans un contexte de globalisation et decompétition mondiale entre les villes,Marrakech s’est distinguée pendant les

deux dernières décennies, par une forte crois-sance démographique et économique liéeprincipalement au développement touristique.

Une métropole victime de son succèsCette croissance rapide s’est traduite par undéveloppement urbain qui a dépassé large-ment le périmètre de la ville. Des unités touris-tiques(1) ont fleuri tous azimuts, souvent pardérogation, dans un rayon de dix à vingt kilo-mètres autour du centre-ville. Cette situationdéstabilise la campagne et l’activité agricole,qui constitue la ressource de la populationrurale grâce à la plaine de Doukkala et à l’Atlas,réservoir d’eau de la région.Marrakech focalise sur son image touristiquegrâce à une offre variée (climatique, culturelle,historique et identitaire). Elle est devenue uneréférence pour l’investissement immobilier, quicontribue aujourd’hui, avec le tourisme, à 80 %du développement économique de la région.Cette impulsion est également le résultat del’amélioration des infrastructures(2) et de la réa-lisation de grands équipements(3) qui renfor-cent l’intégration de la ville aux circuits touris-tiques du pays.Depuis 2008, les effets de la crise économiquemondiale se font ressentir. Après plusieursannées de forte croissance, des baisses(4) impor-tantes sont enregistrées traduisant la fin logiqued’un cycle de croissance exceptionnelle.

Le succès économique a rendu Marrakechattractif pour l’exode rural, car l’espace péri-phérique reste à prédominance rurale(5). Lesbidonvilles et l’habitat non réglementaire pro-lifèrent dans l’espace urbain et périurbain.Cette situation est aggravée par les difficultésde promotion de programmes publics d’habi-tat, notamment en milieu rural. Ceci, malgré ledéveloppement de la ville nouvelle de Taman-sourt qui intègre des opérations d’habitatsocial. Enfin, cette urbanisation rapide non maî-trisée alimente la spéculation foncière, dégradeles paysages urbains et le milieu naturel,aggrave les fractures sociales et territoriales etporte atteinte à l’environnement.

La crise : une opportunité pour une évaluation globaleÀ l’aube du XXIe siècle, l’avenir de Marrakech etde son arrière-pays est en jeu. La forte crois-sance urbaine impose des interrogations fonda-mentales sur la diversification du modèle éco-

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Marrakech : la métropolisationd’une cité royale

Marrakech se dote d’équipementsmétropolitains, comme ici le palaisdes Congrès, et organise de l’événementiel à l’échelleinternationale.

Victor SaidIAU île-de-France

De la capitale du Royaume à la métropole touristique, Marrakech a débordé sa médina pour empiéter sur la palmeraie et l’espace agricole.Impulsée par le boom touristique etimmobilier, cette évolution mal maîtriséea engendré des déséquilibres sociétal,économique et environnemental,notamment avec l’arrière-pays. Pour retrouver un développementdurable, une vision globaled’aménagement stratégique de l’airemétropolitaine s’avère indispensable.

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(1) Résidences spécialisées pour l’accueil du troisième âge,programmes touristiques et résidentiels complètement fer-més autour d’un golf, de spas ou d’activités thématiques.(2) L’aéroport est connecté à 40 destinations mondiales. L’au-toroute la relie à Casablanca en 2 heures, et bientôt à Agadir.(3) Stade de 60 000 places, nouvelle gare ferroviaire, com-plexe hospitalier universitaire, etc.(4) La baisse des arrivées de touristes en 2008 est de l’ordrede - 10 % par rapport à 2007. En 2009, la baisse du nombre denuitées est à - 12 % et celles de recettes des hôtels à - 20 %.(5) Le taux moyen annuel d’accroissement de Marrakechest resté supérieur à 5 % durant plusieurs décennies, tandisque la majorité des communes rurales situées autour enre-gistre des taux faibles, parfois négatifs.

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nomique, la rentabilité des investissements touristiques(6), l’exploitation des ressourceshydriques et énergétiques, l’accueil des fluxmigratoires (notamment en termes d’offred’emplois, d’habitat et de mixité sociale), l’ac-tivité en milieu rural et la valorisation du patri-moine et des traditions ancestrales.L’accalmie de la frénésie de l’immobilier touris-tique est une aubaine pour permettre aux déci-deurs de remettre à plat un système qui aatteint ses limites. Cette situation est à la sourcedu déséquilibre à la fois sociétal, territorial etenvironnemental, de la région de Marrakech.

Des défis majeurs à relever face aux enjeux d’équilibre de la métropoleAu niveau social, l’enjeu majeur est de concilierune politique de développement de l’industrietouristique avec une forte identité locale et destraditions ancestrales. Certes, le pays est réputépour sa tolérance et sa capacité d’adaptation àl’évolution mondialisée. Néanmoins, un déca-lage persiste entre les flots de touristes et leshabitants d’une vieille cité et d’une couronnerurale attachés à leur mode de vie. De plus, unautre décalage existe entre la ville-centre et sonactivité touristique à grande échelle (festivals,rallyes, congrès internationaux, etc.) et unarrière-pays basé sur l’économie rurale, sous-équipé et enclavé.L’exploitation rationalisée des ressources naturelles et la sauvegarde de l’environnementconstituent également des défis majeurs.Concernant l’eau, l’équilibre à maintenir entreles différents usages est un enjeu vital devenuencore plus crucial du fait de la pénurie liée auréchauffement climatique, aux périodes desécheresse à répétition, à la surexploitation et àla pollution des nappes phréatiques. La sauve-garde et la mise en valeur de la palmeraie deMarrakech, symbole identitaire ancestral etpoumon vert indispensable, représentent unautre enjeu majeur de l’équilibre écologiqueet de la valorisation du paysage aussi bienurbain que naturel.Par ailleurs, le développement de la zone d’agri-culture vivrière au nord de l’agglomérationimplique la protection de l’oued qui l’alimente.Ceci permettra aussi de maintenir l’activitédans l’espace rural et d’entretenir son paysage.

Dans ce sens, la protection des riches terresagricoles de la pression urbaine, la diversifica-tion et la modernisation de l’activité rurale, ainsique le désenclavement et l’équipement de l’ar-rière-pays sont également des défis majeurs.Les actions dans ce domaine pourraient ren-trer dans le cadre de l’INDH(7).Le patrimoine historique bâti et immatériel deMarrakech représente l’identité et reflète la cul-ture marocaine. Sa sauvegarde et valorisationsont des enjeux importants, non seulementpour les visiteurs mais aussi pour les citoyens.En matière de développement urbain, malgréles apparences d’une ville homogène, il existe,hormis dans la médina, des déséquilibres entermes d’utilisation du sol, de densité, de formeurbaine et de hauteur des bâtiments, entre lesdifférents quartiers. L’enjeu consiste à harmoni-ser l’ensemble, dans une vision d’intensifica-tion et de valorisation urbaine en corrélationavec les transports et les équipements de proxi-mité. L’objectif étant d’améliorer le cadre bâti,le paysage urbain et la qualité de vie des habi-tants, en limitant les nuisances et la pollutiondues à la congestion de la circulation.Enfin, les déplacements et le stationnement liésaux circuits touristiques autour de la médinadevraient également faire l’objet d’une atten-tion particulière afin d’offrir des espacespublics de qualité suffisamment dimensionnés.

Vers une vision de développementstratégique à l’échelle métropolitaineL’étalement urbain, ainsi que les décalages etles déséquilibres entre Marrakech et son envi-ronnement, exigent l’élaboration d’une visionstratégique du développement dépassant leslimites de la ville et intégrant les communesrurales.L’IAU îdF a été sollicité en 2009 par l’Agenceurbaine de Marrakech (AUM), dans le cadred’une convention de coopération, pour évaluerles approches d’élaboration des schémas direc-teurs. Des missions d’expertise ont abouti àdéfinir une démarche de vision globale pourun développement stratégique qui sera traduitspatialement et réglementairement par unschéma directeur d’aménagement urbain àl’échelle de l’aire métropolitaine de Marrakech.Les limites territoriales ont été arrêtées en fonc-tion de l’attraction et de l’aire d’influence de lacapitale régionale. Récemment, l’AUM a lancécette démarche, avec sa déclinaison en pland’aménagement à l’échelle de la ville. Elledevrait aboutir en 2011.

(6) La capacité d’accueil touristique a triplé en dix ans. Elleest aujourd’hui d’environ 40000 lits et devrait doubler d’ici2013. Marrakech compte actuellement 23 golfs en fonction-nement, en chantier ou en cours d’étude.(7) Initiative nationale pour le développement humain.

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Marrakech : la métropolisation d’une cité royale

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Naissance et destinée de MarrakechAu XIe siècle, les Almoravides choisissent la plaine de Doukkala pour s’implanter et asseoir leur pouvoir. Après avoir franchil’Atlas, ils repèrent un emplacement neutreentre les zones d’influence des tribus pour installer un camp. C’est ainsi que naîtMarrakech sous le règne de Youssef BenTachefine. Dès 1106, Ali Ben Tachefine,imprégné par la civilisation andalouse,embellit la ville par des monuments etpalais. Il fait creuser des khettaras (drainssouterrains) pour l’approvisionnement en eau. La création de la palmeraie date probablement de cette époque. Les premières murailles sont tracées en 1126 par des savants de Cordoue afin de faire face à la révolte des BerbèresAlmohades. En 1147, Marrakech tombeaux mains des Almohades qui « purifient » la médina en détruisant palais etmosquées. Aussitôt, la grande mosquéeKoutoubia est construite sur l’esplanadedu palais en rétablissant l’orientation vers la qibla(1). À cette époque, Marrakechconnaît son apogée de capitaleéconomique et culturelle de l’Occidentmusulman. Elle est le haut lieu d’unmétissage religieux et culturel. Yakoub elMansour double la ville en construisant la kasbah, cité autonome du pouvoir qui sera réinvestie par les dynastiesjusqu’aujourd’hui. À l’arrivée des Mérinidesen 1269, la capitale est transférée à Fès et Marrakech décline. Ce n’est qu’auXVIe siècle que les Saadiens la choisissentcomme capitale et la font renaître de ses ruines en 1510. De cette époque, il ne reste de la grande mosquée que le nom de la place Jama’Al Fna. Vers 1564, la ville est dotée de somptueuxmonuments, dont la medersa Ben Youssef.Au XVIIe siècle, le sultan alaouite MoulayIsmaïl déménage la capitale à Meknès.

(1) Qibla signifie l’orientation vers La Mecque enarabe.

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Réhabilitation du patrimoine en centre culturel.

La medersa Ben Youssef.

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Jusqu’au début de ce millénaire, Rabat sem-blait s’être assoupie dans son rôle de villeroyale à l’ombre de Casablanca. En réalité,

le souffle de l’économie mondialisée et de sesinvestisseurs l’a convertie à l’urbanisme de pro-jet, lui ouvrant de nouvelles perspectives dedéveloppement économique et urbain. Seposent alors plusieurs questions. Faut-il privilé-gier la dynamique des projets urbains ou larecherche d’un écosystème métropolitain dura-ble ? Comment organiser la gouvernance ? Lacroissance économique est-elle la conditionde la qualité métropolitaine? Comment prépa-rer la métropole aux évolutions climatiques eténergétiques?

De la ville corsaire à la capitale du RoyaumeDès la préhistoire, l’embouchure du Bouregregsur l’Atlantique attire l’installation humaine.800 ans avant J.-C., l’ouverture sur l’océanconduit les Phéniciens à y ouvrir un comptoir.500 ans plus tard, les Romains en font une ville,Sala Colonia, avec son forum, ses temples et sesthermes, visibles sur le site du Chellah. À partirde 670, la conquête arabe conduit au dévelop-pement de Salé sur la rive droite du Bouregreg,et à la création d’un ribat (monastère citadelle)sur la rive gauche. Le début du premier millé-naire, sous les Almoravides, puis les Almohades,voit la domination de Salé, mais aussi laconstruction de la kasbah des Oudaïas et dela monumentale mosquée de la Tour Hassan àRabat. Du XIIIe au XVe siècle, Salé, deuxième capi-

tale mérénide, est le premier comptoir commer-cial de la côte atlantique. L’émigration desMaures andalous modifie cet équilibre condui-sant au développement de Rabat sur les ruinesdu ribat. En 1755, le pont qui relie les deux villesest démoli par le tremblement de terre quidétruit Lisbonne. À la fin du XVIIIe siècle, Rabat-Salé regroupe 30 000 habitants et devient lesiège du Sultan du Maroc. La ville poursuit sondéveloppement, atteignant 50000 habitants en1912, lors du traité du Protectorat et de l’instal-lation de Lyautey(2) comme résident général. Lacréation de Casablanca et de son port, quidraine les échanges commerciaux, conduit àspécialiser Rabat dans son rôle de capitale duMaroc et de ville administrative. Dès lors, uneville nouvelle sur le modèle européen va sedévelopper principalement sur la rive gaucheentourant la médina de Rabat, laissant lamédina de Salé à son isolement. Après unephase d’urbanisation désordonnée dans lequartier de l’Océan, Prost(3) organise l’aménage-ment du centre-ville, entre le Palais et lamédina, et vers le sud en direction de Temara.En 1956, à la fin du Protectorat, la population del’agglomération de Rabat-Salé atteint 225 000habitants, cinq fois celle de 1912. Depuis lors,cette croissance n’a pas cessé : 600 000 habi-tants en 1971, près d’un million en 1982 et1,8 million d’habitants en 2004 pour les troispréfectures composant la métropole.

L’évolution urbaine du Maroc : d’un siècle à l’autre

Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

Rabat-Salé, ville capitale

L’image de Rabat-Salé, ville capitale, évolue grâce à de nombreux projetsd’aménagement, notamment celui des rives du Bouregreg.

Mohamed Aouzaï(1)

GouverneurDirecteur de l’Agence

urbaine de CasablancaJean-Pierre Palisse

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Fortes d’un passé très riche et d’un environnement naturelexceptionnel, les villes de Rabat et Salé ont un destin lié, malgré leurs différences, notamment dans la forme urbaine. Pour resterattractive et rendre cohérents les projets urbains avec la stratégiemétropolitaine, cette agglomérationdoit aujourd’hui mettre en place des politiques foncière, de transport et de protection de l’environnement.

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Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

À la recherche de la métropolisation

(1) Ancien directeur de l’Agence urbaine de Rabat-Salé.(2) Voir sa biographie dans ce numéro des Cahiers, p.172.(3) Idem.

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Les visages de la ville

Rabat, ville capitaleDeuxième agglomération du Maroc par sapopulation, Rabat-Salé est avant tout la villecapitale, ce qui lui confère des privilègesurbains grâce à la bienveillance du Palais et dugouvernement marocain. La faiblesse du sec-teur productif de Rabat s’explique en partie parla concurrence de Casablanca, plus ouverte aumonde grâce à son port et son aéroport, maisaussi par un choix politique de spécialisationde la ville dans ses fonctions résidentielles,administratives et tertiaires. Aujourd’hui, Rabat-Salé souhaite cultiver d’autres champs écono-miques en s’appuyant sur une population rela-tivement qualifiée, sur la proximité desdécideurs, et sur un cadre urbain attractif et unpatrimoine architectural remarquable.

Un site remarquable et structurantL’histoire montre le rôle majeur du Bouregregdans l’identité de la ville. Le fleuve a généré sanaissance et son développement, il a aussiguidé son urbanisation. Pour assurer sa défenseet se protéger des risques d’inondation, la villea occupé les sites les plus élevés sur chacunedes rives. Vue du ciel, elle forme une « tacheurbaine » symétrique de part et d’autre de lavallée qui, jusqu’à ces derniers temps, restaitpresque vierge d’urbanisation. Cette nappebâtie est calée à l’ouest par les falaisesrocheuses de l’Atlantique et à l’est par les forêtsde Mamora et de Temara. Le face-à-face desdeux médinas constitue un paysage unique. Latopographie tourmentée créée par les affluentsde l’oued contribue aussi à la qualité urbainede la ville par la diversité des tissus et des mor-phologies urbaines qu’elle induit, et par lespoints de vue et les paysages inattendus qu’elledessine.

Rabat-Salé, une métropole déséquilibréeLa symétrie des deux villes n’est qu’apparente,elles s’opposent par leur histoire et leur socio-logie. La rive droite est plus populaire et plusmodeste(4). Les ryads(5) de la médina de Salé ontvu partir les familles les plus aisées qui leur ontpréféré les villas modernes des nouveaux quar-

tiers de la rive gauche. Alors que de vastes quar-tiers d’habitat informel se développaient dansla périphérie de Salé, c’est sur la rive gauchequ’a été installée la ville européenne et qu’ontété développés, après le Protectorat, les nou-veaux quartiers tertiaires (Agdal, Hay Ryad), lesquartiers résidentiels des cadres de l’adminis-tration marocaine, mais aussi l’université et tousles grands équipements métropolitains, à l’ex-ception de l’aéroport.

Diversité urbaineLa ville s’est développée par extensions succes-sives, constituant un pavage d’ensemblesurbains caractéristiques de leur époque et deleur processus de construction. La kasbah etles médinas de Rabat et de Salé présentent untissu bas et dense, percé de cours intérieureset pénétré d’étroites ruelles, typiques des villesarabes traditionnelles. Au contraire, les quar-tiers modernes se composent d’un maillageviaire généreux, souvent planté, bordé par desvillas ou des immeubles de quatre ou cinqétages en alignement. Plus récemment, d’im-portantes opérations d’aménagement urbainont été lancées dans le cadre de partenariatspublic-privé sur des espaces restés naturels enraison de leur situation. L’opération résiden-tielle de la Cité royale, réalisée sur des terrainsofferts par le Roi, constitue un nouveau quartierdesservi par la rocade urbaine n° 3. Dans la val-lée du Bouregreg, au pied de Salé et face à lakasbah des Oudaïas et à la Tour Hassan, unevaste opération d’aménagement touristique etrésidentiel est lancée, première phase d’un pro-jet de 6000 hectares, dont 15 % constructibles.Pour répondre aux besoins d’habitat de lapopulation peu solvable, la ville s’est dévelop-pée spontanément en dehors du cadre légal.Des bidonvilles solidifiés ou des constructionsen dur forment, souvent à partir de douars(6),

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Rabat-Salé, ville capitale

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L’agglomération de Rabat-Salé est structurée autour d’un siteremarquable à préserver : le fleuve Bouregreg.

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1902

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1970

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Schémas d’extension urbainedepuis 1902 de Rabat à l’ouest et Salé à l’est.Schémas extraits de : « Aménagement des berges duBouregreg », Y. El Kasmi - S. Lammrabti - École natio-nale d’architecture - Royaume du Maroc

(4) Le taux d’activité (43 % à Rabat et 37 % à Salé) et le tauxde chômage (10,3 % et 12,5 %) sont des indicateurs du désé -quilibre socio-économique entre les deux rives (chiffres2004).(5) Maison arabe fermée généralement sur l’extérieur, quis’organise autour d’un patio central verdoyant et souventdoté d’une fontaine. Ryad ou riad signifie jardin au paradis enarabe.(6) Douar signifie hameau en arabe.

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de vastes quartiers bas, très denses et sous-équi-pés en infrastructures. En général, ces quartiersse sont implantés dans des sites délaissés parles autorités et les aménageurs, souvent des ter-rains instables ou pollués. Pour répondre à cesbesoins, des opérations de lotissement ont étélancées par des opérateurs publics sur des ter-rains domaniaux, mais leur coût reste élevé etleur localisation éloignée des lieux d’emplois.

Croissance et mutation urbaineSelon les projections démographiques del’Agence urbaine de Rabat-Salé (AURS), l’ag-glomération pourrait atteindre trois millionsd’habitants à l’horizon 2020. La transformationrapide de la ville va donc se poursuivre dans lesprochaines années. Cependant, la croissanceurbaine pourrait prendre des formes assez dif-férentes. Jusqu’à présent, l’urbanisation s’estfaite en tache d’huile, s’étalant au nord et ausud dans un couloir limité par la mer et lesforêts. Ce couloir étant aujourd’hui presquetotalement urbanisé, la ville doit trouver de nou-veaux espaces ou modes de développement.Cherchera-t-elle plus loin dans sa périphérie de nouveaux sites d’urbanisation ou s’enga-gera-t-elle dans une densification intensive de l’agglomération?

Les déplacementsL’agglomération urbaine s’étend sur vingt kilo-mètres environ, en incluant Temara et Boukna-del. Les emplois et services étant polarisés surRabat, sur quelques centres secondairescomme Agdal ou Hay Ryad, et sur des zonesd’activités périphériques, la problématique desdéplacements est une question vitale pour lamétropole. Le Bouregreg est une coupure dontla traversée reste difficile, malgré la créationsuccessive de trois ponts : Hassan, Al Fida etMohamed V. Bien reliée aux autres villes du Royaume par voie ferrée ou par autoroute, l’agglomération de Rabat-Salé souffre, enrevanche, de la faiblesse de son réseau de trans-port interne. Le réseau de voirie comporte denombreux goulots d’étranglement, notammentdans les liaisons est-ouest. Dans l’attente del’achèvement du contournement autoroutier,il doit supporter à la fois le trafic interne à l’agglomération et le trafic de transit sur un desprincipaux axes d’échanges terrestres maro-cains. Les transports en commun, insuffisantset mal organisés, ne peuvent pas faire face àl’augmentation des besoins et des distances dedéplacement liés à l’extension de la métropole.L’accroissement du parc automobile aggravela situation et les investissements récents,comme la rocade n° 3, n’ont pas suffi à enrayerl’aggravation de la congestion du réseau.

Planification et stratégie de développement de Rabat-Salé

Le Sdau de 1995Le schéma directeur de Rabat-Salé a été éla-boré au début des années 1990 et approuvé en1995. Ses objectifs principaux restent d’actua-lité :- freiner la spéculation foncière et favoriser la

construction de logements ;- défendre les sites et les paysages, et protéger

les ressources en eau ;- améliorer la circulation et les transports.Le parti d’aménagement visait un développe-ment linéaire parallèle à la côte jusqu’à deuxvilles nouvelles (Bouknadel au nord et Bouz-nika au sud) et repérait plusieurs secteursd’aménagement (à Salé, Al Boustane, Akrach,Temara et Skhirat). Il indiquait une volonté fortede protection des espaces ouverts de la valléedu Bouregreg, de la ceinture verte, desdomaines forestiers, de la zone côtière et desgrands sites historiques. En outre, il prévoyaitl’aménagement urbain de la corniche de Rabatet de l’avenue de la Victoire, la création d’unparc industriel près de l’aéroport, l’achèvementde la rocade routière interne et la créationd’une rocade externe. Ce schéma directeur aété relativement bien respecté dans sa fonctionde maîtrise du développement spatial de l’ag-glomération, mais tous ses projets n’ont pu êtreréalisés. Il n’a pas suffi à structurer l’aggloméra-tion et à restaurer ses équilibres. Ses projectionsavaient un peu surestimé la croissance démo-graphique de l’agglomération. Quinze ans plustard, il pourrait donc toujours offrir un cadre àla mesure des besoins de développement.Cependant, il n’avait pas anticipé les mutationséconomiques en cours et, face à la croissancedémographique, la nécessité de renforcer et dediversifier des activités capables de créer desemplois et de fournir des ressources durables àla ville.

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La ville de Rabat offre une diversitéde tissus urbains de kasbah, de médina et de ville contemporaine.

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Le Sdau de l’agglomération de Rabat-Salé de 1995

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Le projet urbain de Rabat-SaléUn projet urbain pour l’agglomération de Rabata été présenté par l’AURS en 2004. Il établissaitun cadre d’actions urbaines prioritaires per-mettant de renforcer l’attractivité de la ville,d’élever la qualité urbaine et d’attirer l’investis-sement. Il comportait cinq champs d’actionsmajeurs :- l’habitat, avec l’urbanisation du plateau

d’Akrach, d’Al Boustane, d’Aïn Aouda et lesvilles nouvelles de Sidi Bouknadel et de SidiYahya Zaers ;

- la requalification et la restructurationurbaine : résorption des bidonvilles et restruc-turation des quartiers d’habitat non réglemen-taire, réhabilitation des médinas, renforce-ment ou création de centralités ;

- le développement économique : création depôles touristiques à Sidi Bouknadel, Skhiratet sur la corniche de Rabat, aménagement dupôle touristique et de loisirs du Bouregreg,redynamisation et création de parcs indus-triels ;

- la réalisation d’infrastructures métropoli-taines : création d’une ligne de tramway, d’unevoie de contournement autoroutière, de sta-tions de traitement des eaux usées, créationd’une décharge intercommunale, délocalisa-tion des marchés de gros et des abattoirs ;

- la valorisation de l’image urbaine : plan vert,aménagement des entrées de ville, requalifica-tion des espaces verts et des places publiques,valorisation touristique.

Des projets qui avancent…La réalisation de plusieurs actions du projeturbain a modifié la physionomie de Rabat-Salé.Les travaux du tramway et la réalisation du pontMoulay El Hassan sont bien avancés, pour unemise en service fin 2010. Les aménagements

du quartier touristique et résidentiel de Bab alBahr sortent de terre à l’embouchure du Bouregreg. Ce programme immobilier de500000 m2 inclut une cité des arts et de l’artisa-nat, un quartier d’affaires et une marina. Cesprojets contribueront à mieux relier les deuxrives du fleuve et feront participer Salé à la nou-velle dynamique métropolitaine et à l’attracti-vité internationale de Rabat. Par ailleurs, la villenouvelle de Tamesna (destinée à accueillir70 000 logements dont 30 000 logementssociaux pour une population de 347000 habi-tants), ainsi que l’opération Sidi Larbi à AïnAouda reçoivent leurs premiers habitants. Lestravaux du périphérique de Rabat – qui assu-rera le raccordement des autoroutes A1, A2 etA3 et desservira Tamesna et Sidi Larbi – sontengagés, sa mise en service étant prévue pourfin 2012. Par ailleurs, l’AURS a lancé une étudepour la sauvegarde et la mise en valeur desespaces verts, des ceintures vertes et des grandsespaces naturels.

… et d’autres qui rencontrent des difficultésDeux grandes opérations prévues par le projeturbain n’ont pu être lancées à ce jour pour desraisons différentes. Suite à la crise de 2008 etaux difficultés financières qu’elle a entraînées,le projet d’aménagement touristique de la cor-niche de Rabat, partiellement concurrent decelui du Bouregreg, est en difficulté de finance-ment. D’ailleurs, celui du Bouregreg est égale-ment aujourd’hui en difficulté, bien que lesétudes se poursuivent. Il en est de même desprojets de pôles touristiques de Skhirat et deBouknadel, qui attendent des jours meilleurs.En matière d’habitat, l’aménagement urbain duplateau d’Akrach, au sud de Rabat, qui offre undes principaux potentiels de développementde la ville en pouvant accueillir 200000 habi-tants dans un environnement de qualité, n’a puêtre lancé faute de maîtrise foncière du site.L’aménagement du quartier d’Al Boustane, quiaccueillera 65000 habitants dans le prolonge-ment du pôle urbain de Hay Ryad, devrait êtrelancé à plus court terme ; il fait l’objet d’uneapproche environnementale expérimentale. Parailleurs, le projet de création d’une station d’as-sainissement et la délocalisation des abattoirsont des difficultés à être lancés.

Schéma directeur et projet urbain : un infléchissement du parti d’aménagementLe projet urbain n’avait pas vocation à se subs-tituer au schéma directeur, mais à relayer samise en œuvre. Pourtant, il a constitué un inflé-chissement stratégique par rapport au schémadirecteur sur au moins deux points. D’une part,il a ouvert la porte à une urbanisation de la val-lée du Bouregreg, ce qui va modifier profondé-

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Rabat-Salé, ville capitale

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Projet urbain pour l’agglomération de Rabat et sa périphérie

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ment son paysage – un des atouts majeurs del’agglomération –, et engager un processus d’ur-banisation dans un site jusque-là préservé enraison de son intérêt environnemental, maisaussi des risques auxquels il peut être soumisen cas d’accident climatique ou sismique. L’ap-plication du principe de précaution, quiconduisait à laisser cette vallée à l’état naturel,ayant été jugé excessif, son aménagement devraêtre mené avec la plus grande vigilance. D’au-tre part, avec la création de la ville nouvelle deTamesna, le projet urbain s’est écarté du partid’aménagement linéaire du schéma de 1995en ouvrant un important secteur d’urbanisa-tion nouvelle à l’est, à proximité du contourne-ment autoroutier en cours de construction. Isolée de l’agglomération dont elle est dépen-dante pour l’emploi et les services métropoli-tains, Tamesna n’est pas desservie par les trans-ports en commun et ne le sera que trèsdifficilement par un moyen lourd. Le pari estd’y attirer des activités industrielles créatricesd’emplois, mais sa dépendance au bassin d’em-ploi de Rabat restera très forte.

Une stratégie métropolitaine à clarifierEn proposant des actions ciblées et concrètes,le projet urbain a constitué une avancée vers laréalisation des objectifs du schéma directeur.Cependant, faute de priorités et d’un plan definancement solide, il a laissé de fortes incerti-tudes quant à ses échéances de réalisation. Leschéma directeur de 1995 a trop vieilli pourpouvoir encore proposer le cadre stratégiqueévitant une juxtaposition de projets choisis «àla carte » par les investisseurs. Cette carencestratégique risque d’avoir des conséquencesnéfastes sur la cohérence, la qualité et la dura-bilité du développement de la métropole. Lespouvoirs publics ne peuvent imposer aux inves-tisseurs une prise en charge complète des amé-nagements urbains d’intérêt général indispen-sables à un développement durable. Ceux dontla rentabilité ne peut être attendue qu’à longterme restent donc à l’état de projets, faute definancement. Par ailleurs, pour permettre àRabat-Salé de garantir un aménagement cohé-rent et durable, trois axes de politiques urbainescomplémentaires devraient être redéfinis :- une politique foncière pour assurer, au-delà

des seules opportunités de terrains, la relancede la construction de logements à desniveaux de prix acceptables ;

- une politique de déplacements pour mettreen place un réseau de transports cohérentavec le développement urbain, afin de favori-ser un transfert des pratiques vers des modesde déplacement plus durables ;

- une politique de valorisation et de gestion desespaces ouverts pour assurer la pérennité de

la trame verte, de la ceinture verte et desforêts, enrayer efficacement l’étalementurbain et sauvegarder durablement les res-sources naturelles.

Rabat-Salé a montré sa capacité à prendre uneplace significative dans la mégapole mondiali-sée qui, de Kénitra à El Jadida, en passant parCasablanca, se constitue sur la façade atlan-tique du Maroc. L’expérience de la premièredécennie du XXIe siècle montre qu’un urba-nisme de projets volontariste peut être unmoteur puissant de son développement, en atti-rant des moyens financiers substantiels que nepeuvent apporter les seuls acteurs publics. Enmême temps, elle montre la fragilité de cettedémarche, soumise à la conjoncture financièreinternationale et aux exigences de rentabilité àcourt ou moyen terme. L’objectif du dévelop-pement économique ne doit pas faire oublierles autres défis sociaux et environnementauxauxquels la métropole doit faire face. Les diffi-cultés conjoncturelles appellent à repenser et àrelancer la planification stratégique métropo-litaine, pour que le développement porté parles grands projets profite davantage à l’ensem-ble de l’agglomération et soit l’occasion de corriger ses faiblesses et disparités en matièred’habitat, de cadre de vie et de qualité environ-nementale, de transport et donc d’accès à l’em-ploi. Rabat-Salé renforcera ainsi son attractivitéet la crédibilité de ses projets urbains.

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Le grand projet d’aménagement du Bouregreg : positionnement de la marina dans la perspectivedes emblématiques tour Hassan et du mausolée Mohammed V.

Le développement économique doit aller de pair avec une amélioration du cadre de viepour rendre l’agglomérationcompétitive et attractive.

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Le Maroc en perspective :regards croisés

Le Maroc se transforme et s’adapte dans tous les domainesaux exigences du XXIe siècle. Six thématiques majeures sont traitées ici sous forme de regards croisés.Dresser un bilan de la mise en œuvre des politiquesurbaines en cours, c’est mettre en lumière les réponses aux objectifs fixés, notamment en matière de logements.Corréler le développement économique et l’aménagementterritorial, c’est à la fois faire le choix d’un rééquilibragenational, et, au niveau local, tenter de concilier les nouvelles pratiques commerciales avec le commercetraditionnel de proximité.S’inscrire dans une démarche de développement durableexige des actions à plusieurs niveaux : développer une mobilité durable et organiser la logistique en enjeu national.L’environnement, le changement climatique, les risquesmajeurs, l’équilibre entre espaces bâtis et ouverts,l’exploitation rationnelle des ressources, notamment l’eau,constituent également des préoccupations majeures à prendre en compte dans l’aménagement de demain.Une vision globale de la qualité de vie vient compléter cetteapproche intégrée : elle place l’humain au cœur de la démarche. L’avenir, c’est aussi moderniser et préserverle patrimoine et la qualité architecturale légendaire du pays.Enfin, affronter les défis du nouveau siècle consiste aussi à adapter les outils juridiques et institutionnels associés au mouvement de réformes pouraccompagner la dynamique en marche.

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Villes sans bidonvilles, une priorité nationale

Les villes nouvelles marocaines

Réintégration des médinas dans la dynamique des villes

Les politiques urbainesà l’œuvre

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Les Cahiers – Quel était le constat qui a conduit à la politique Villes sans bidonvilles ?Monsieur Ahmed Taoufiq Hejira – Le Maroca cumulé ces dernières décennies de nom-breuses expériences dans le domaine de l’ha-bitat social. Cependant, le secteur reste caracté-risé par une demande élevée en logements,alimentée par une forte pression démogra-phique et par une urbanisation accélérée, aveccomme corollaire le développement de l’habi-tat insalubre sous toutes ses formes.Les bidonvilles regroupent des ménages dansdes abris sommaires réalisés avec des maté-riaux de récupération, sur des terrains dépour-vus d’infrastructures de base (assainissement,eau potable, électri-cité…).Les quartiers d’habi-tat non réglemen-taire sont construitssans autorisation surdes terrains morce-lés, sans plan d’en-semble et sans infra-structures de base préalables.Les tissus ou bâtiments anciens ont connu uneimportante densification qui a souvent entraînédes situations d’insalubrité avec des logementsmenaçant ruine.Enfin, des poches d’insalubrité sont dissémi-nées dans le tissu urbain, dans des construc-tions non destinées initialement à l’habitation(garages, arrière-boutiques, caves, baraques surles terrasses des immeubles…).Ainsi, et conformément aux Hautes DirectivesRoyales, notamment celles du discours d’octo-bre 2003 visant la promotion de l’habitat socialet la résorption de l’habitat insalubre, le Gouver-nement a arrêté une nouvelle stratégie de pré-vention et de résorption de l’habitat insalubresous toutes ses formes. La résorption des bidon-villes, devenue priorité nationale, fait l’objet duprogramme Villes sans bidonvilles (PVSB).

L. C. – Quels sont les objectifs, les moyens et les modalités de la mise en œuvre du PVSB ?A. T. H. – Face à l’ampleur de la lutte contrel’habitat insalubre, la priorité a été accordée àla résorption des bidonvilles qui constituent,de nos jours, des lieux d’exclusion et de pau-vreté.Le Gouvernement, à travers le ministère de l’Ha-bitat, de l’Urbanisme et de l’Aménagement de

l’espace (MHUAE), s’est fixé comme objectifpour 2012 d’éradiquer la totalité des bidonvillesou du moins d’en faire un phénomène rési-duel. Ainsi, le programme VSB concerne prèsde 316 000 ménages dans 83 villes et centresurbains.De même, les actions de prévention des pro-grammes d’habitat social, la vigilance des pou-voirs publics locaux et la sensibilisation despopulations cible devront empêcher touteextension ou formation de nouveaux bidon-villes.Pour atteindre ces résultats, le MHUAE mobilisedes moyens financiers à travers notamment lefonds de solidarité de l’habitat (FSH) et faitappel tant aux opérateurs publics (Al Omrane)

qu’aux collectivitéslocales et au sec-teur privé. Descontrats Villes sansbidonvilles, liant leMHUAE, les autori-tés provinciales etles collectivitéslocales, décrivent

les objectifs du programme, les rôles et la res-ponsabilité de chacun.La mobilisation du foncier public pour larésorption des bidonvilles et la réalisation del’habitat social constitue une action majeurede ce programme.Par ailleurs, la réalisation des objectifs nepourra se faire sans un engagement effectif etdurable de toutes les instances gouvernemen-tales concernées.

L. C. – Quelles ont été les différentesétapes de mise en œuvre et quelles sontles éventuelles difficultés rencontrées ?A. T. H. – Le PVSB, lancé en juillet 2004, adébuté par l’établissement des orientations stra-tégiques et la signature des premiers contrats-ville. En 2005, l’élaboration des programmeslocaux a permis de disposer d’une vision etd’une maîtrise de l’exécution, ainsi que d’affi-ner la programmation par ville.Par la suite, et pour chaque ville programmée,les représentations provinciales du MHUAE ontconstitué un plan d’exécution détaillé pour éta-blir et/ou mettre en œuvre les clauses ducontrat-ville. Cela implique : l’institution et lesprérogatives du comité provincial d’identifica-tion et de mise en œuvre (CPIMO), la mise àjour des données sur les bidonvilles (effectifs,caractéristiques socio-économiques…), le

Ahmed Taoufiq Hejira, Ministrede l’Habitat de l’Urbanisme et de l’Aménagement de l’espaceest titulaire d’un doctorat en urbanisme de l’université de Montréal (1983) et d’une licence en scienceséconomiques de la faculté de droit de Rabat (1980).Recruté au ministère del’Habitat en 1983, il a occupéle poste de directeur des étudeset de la communication au seinde l’Agence nationale de luttecontre l’habitat insalubre, avant d’être nommé inspecteurrégional de l’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme, del’Habitat et de l’Environnementde la région de Fès-Boulemane,de 2000 à 2002. Il a ensuiteété nommé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, ministredélégué auprès du PremierMinistre chargé de l’Habitat et de l’Urbanismede 2002 à 2007.En 2007, Ahmed Taoufiq Hejiraa été nommé par Sa Majesté le Roi ministre de l’Habitat, de l’Urbanisme et del’Aménagement de l’espace.Il a été décoré en 2007 par Sa Majesté le Roi du Wissam du Trône de l’ordre de Chevalier.

Villes sans bidonvilles, une priorité nationale

Interview

Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

Les politiques urbaines à l’œuvre

Le Maroc en perspective : regards croisés

Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

» L’habitat social reste caractérisé par une demande élevée, alimentée

par une forte pression démographique et une urbanisation accélérée,

avec comme corollaire le développementde l’habitat insalubre. «

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choix des types d’intervention et le montagetechnico-financier, l’identification et l’acquisi-tion des assiettes foncières, la mise en placedes unités de gestion du programme, la propo-sition du schéma d’organisation de résorptiondes bidonvilles et l’établissement du planningd’exécution et du plan de financement du pro-gramme. Par ailleurs, des instances territoriali-sées pour la mise en œuvre et le suivi ont étéconstituées. Par la suite, les contrats-ville et lesconventions de financement et de réalisationont permis de délimiter, de formaliser et decoordonner les missions de chacun des interve-nants et ont fait l’objet de concertation avecl’opérateur public (AlOmrane), les inspec-tions régionales et cer-tains services centrauxdu MHUAE, les minis-tères de l’Intérieur etde l’Économie et desFinances. Le suivi etl’évaluation quantitatifset qualitatifs du pro-gramme sont assuréspar les différentes ins-tances concernées au niveau local, le MHUAEau niveau central et les bailleurs de fonds inter-nationaux. Ce suivi, basé sur différents indica-teurs, devra permettre de définir les options etles mesures susceptibles d’améliorer les condi-tions de sa poursuite.En effet, ce programme connaît quelquescontraintes dans certaines villes, notamment ladiscordance entre le rythme de transfert et dedémolition et le niveau des réalisations, l’actua-lisation des listes des bénéficiaires, la difficultéd’adoption du principe de la maîtrise d’ou-vrage sociale par certains opérateurs locaux,la réticence au principe de transfert dans leszones d’aménagement progressif, le manque

de contrôle, le refus duprincipe de transfert, lademande de gratuité et lademande de diminutiondes contributions desbénéficiaires.

L. C. – En amont de la démarche, y a-t-il eu des enquêtes sociologiquespréliminaires auprès des ménagesconcernés ?A. T. H. – Depuis la fin des années 1990, leMHUAE intègre la dimension sociale dans lesprojets de développement urbain en généralet dans les projets de résorption de l’habitatinsalubre en particulier. Plusieurs évaluationset bilans critiques de ces projets déjà réalisésont été entrepris afin de mesurer leurs impactsquantitatifs, qualitatifs et sociaux.

Ainsi, plusieurs ateliers ont été organisés depuis1999 pour débattre des effets sociaux de cesprojets et de la meilleure manière de les pren-dre en compte tout au long du processus derésorption de l’habitat insalubre.Cette approche, intitulée « accompagnementsocial des projets » (ASP), est intégrée dans lePVSB ; les collectivités locales, les représenta-tions régionales du MHUAE et l’opérateurpublic, en l’occurrence Al Omrane, sont chargésde sa mise en œuvre. Les mesures garantissantla maîtrise sociale des opérations VSB portentessentiellement sur la formation des responsa-bles et cadres du MHUAE et de ses partenaires,

notamment les collectivi-tés locales et la sociétécivile.Par ailleurs, le MHUAE alancé des projets pilotespour élaborer une straté-gie globale mettant enexergue les savoirs locaux.Cette expérience a été ini-tiée dans le cadre desétudes de faisabilitésociale lancées en 2002 à

Marrakech, Agadir et Rabat. Elles avaient pourobjectif de définir les conditions de mise enœuvre de la maîtrise d’œuvre sociale (MOS),d’identifier – en concertation avec les popula-tions des bidonvilles pilotes – les différents scé-narios de résorption adaptés à leurs moyens etde choisir celui ayant obtenu un consensus.

L. C. – Quels types d’interventions sont proposés dans le PVSB ?A. T. H. – Dès la programmation globale, lesmodes d’intervention sont définis en fonctiondes données locales disponibles et des étudesen amont précisant les actualisations et lesmodifications nécessaires. Les interventions ontainsi pris des formes différentes, à savoir lesrecasements, les relogements et les restructura-tions.Le recasement permet aux ménages des petitsbidonvilles et de ceux ne pouvant être intégrésau tissu urbain, l’accès à la propriété de lots

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Les politiques urbaines à l’œuvre

Villes sans bidonvilles, une priorité nationale

Le Maroc en perspective : regards croisés

Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

» La résorption des bidonvilles,devenue priorité nationale, fait l’objet du programme Villes sans bidonvilles […]

Objectif pour 2012 : éradiquer la totalité des bidonvilles. […]

La moitié est aujourd’hui réalisée. «

» La mobilisation du foncier public pour la résorption des bidonvilles

et la réalisation de l’habitat socialconstitue une action majeure. «

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d’habitat social à valoriser en auto-construc-tion assistée, dans le cadre de lotissements àéquipement préalable ou progressif. Le recase-ment sur une zone d’aménagement progressif(Zap) permet d’accélérer les actions de résorp-tion des bidonvilles et de les adapter aux capa-cités financières desménages cibles. L’Étatassure la propriété duterrain, l’évacuationdes eaux usées, l’éclai-rage public et l’ali-mentation en eaupotable par bornes-fontaines. Au fur et à mesure de la valorisation,ces travaux devront être complétés directementpar les collectivités locales, par l’intermédiaired’associations de quartier ou par l’opérateur.Les opérations de restructuration ont pourobjectif de doter les grands et moyens bidon-villes pouvant être intégrés au tissu urbain enéquipement d’infrastructures de base et derégulariser leur situation urbanistique et fon-cière. Sur le plan du financement, le branche-ment aux réseaux d’eau potable et d’électricitésont à la charge des bénéficiaires. L’aidepublique est destinée à l’équipement en voirieet en assainissement.Le relogement, privilégié dans les principalesagglomérations urbaines (Casablanca, Moham-media, Rabat, Témara…), est envisagé essen-tiellement avec la participation des promoteursprivés dans le cadre d’appels à manifestationd’intérêt.

L. C. – Le recasement est-il effectué sur site ou hors site ?A. T. H. – Le recasement dépend du contextelocal (disponibilité foncière, existence d’équi-pements, comportement du marché local), dela volonté des habitants de se déplacer et desconditions de leur intégration future à la ville.L’un des objectifs des études de définition et

de faisabilité est de s’assurer de l’existence deces conditions avant de programmer ce typed’intervention.Le recasement sur site impose de trouver unterrain d’accueil (opération tiroir) permettantde libérer l’emprise du bidonville afin de le lotir

et de l’équiper. Elleoblige également àrecaser sur d’autres ter-rains une partie desménages qui ne pour-ront trouver place dansle recasement sur site.Selon les possibilités

financières des ménages et les capacités d’in-tervention des partenaires locaux, le recase-ment pourra être réalisé sur un site entièrementéquipé ou en état de futur équipement (exem-ple des Zap).

L. C. – Lors des relogements hors site,comment la proximité du bassin d’emploia-t-elle été prise en compte dans le choixdu nouveau site ? Des politiques de transport adaptées ont-elles été misesen place ?A. T. H. – L’implantation des bidonvilles est sou-vent étroitement liée aux pôles d’activité éco-nomique des villes. L’existence d’emplois deproximité constitue à ce titre une informationimportante à prendre en compte lors de ladécision d’intervention préconisée : maintiensur place ou déplacement du bidonville. Aussi,les interventions dans les bidonvilles sont étroi-tement dépendantes des conditions socio-éco-nomiques des habitants, très variables selon lescontextes. La prise en compte de cette dimen-sion suppose de mieux cibler les caractéris-tiques des bénéficiaires, spécialement entermes d’emplois, et ce pour permettre à lapopulation de bénéficier d’un logement aussiproche que possible de son lieu de travail. Cettesituation ne peut se concrétiser que lorsque

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» Le MHUAE intègre la dimensionsociale dans les projets

de développement urbain en général et dans les projets de résorption

de l’habitat insalubre en particulier. «

Les programmes de recasementpermettent aux ménages des bidonvilles l’accès à la propriété de lots d’habitat social à valoriseren auto-construction assistée.V.

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deux conditions sont remplies : un foncier dis-ponible à proximité du lieu de travail et unepopulation disposant dans sa majorité d’unemploi. Dans le cas contraire, c’est-à-dire desemplois dispersés, le site d’accueil est souventimplanté dans des zones desservies en trans-ports ou, le cas échéant, des efforts sont fournispour régler les problèmes de transport etd’équipements de proximité.Par ailleurs, le ministère a entrepris des actionsd’accompagnement, avec notamment la miseen place d’activités commerciales à exploiterpar la population sur site et le développementd’activités génératrices de revenus en faveur de la population« bidonvilloise » surles sites d’accueil, enpartenariat avec les associations demicrocrédit. Le déve-loppement localdépend de plusieursdimensions : le fon-cier, le contexte urbanistique, immobilier, lespossibilités en matière d’équipements, d’infra-structures de base, d’activités, de transport, etc.La faisabilité de toute opération doit notam-ment prendre en compte l’existence d’équipe-ments, de réseaux de communication, de trans-port, les caractéristiques et les possibilités dumarché local.

L. C. – Y a-t-il des coûts et des aidesadaptés au pouvoir d’achat du publicvisé ?A. T. H. – Concernant le recasement, il a étéestimé que, y compris les charges foncières, lecoût du lot équipé préalablement ne doit pasdépasser 50000 dirhams pour les lots monofa-miliaux et 60000 dirhams pour les lots bifami-

liaux, et celui du lot dans le cadre de la Zapne doit pas dépasser 35000 dirhams. Les aidespubliques accordées dans ce type d’interven-tion sont d’un montant de 25000 dirhams pourles lots monofamiliaux et 20000 dirhams pourles lots bifamiliaux, tant pour les lots équipésque pour les Zap.Concernant la restructuration, l’adductiond’eau potable et l’électrification sont à lacharge des bénéficiaires. L’aide publique estdestinée à l’équipement en voirie et assainis-sement, pour un montant global maximal de20 000 dirhams par logement, mobilisésconjointement par l’Etat et la collectivité locale.

Concernant le reloge-ment, les aides de l’État(FSH) représentent letiers de la valeur immo-bilière totale (VIT), soitun maximum de 40000dirhams par logement.Par ailleurs, dans lecadre de la politique

de promotion du logement social et afin defaciliter aux ménages à revenus modestes et/ounon réguliers l’accès à la propriété, les pouvoirspublics ont mis en place le Fogarim: un fondsde garantie qui leur permettra de bénéficier deprêts bancaires pour l’acquisition ou laconstruction de leur logement.

L. C. – Aujourd’hui, quel est le niveau de réalisation par rapport aux objectifs ?A. T. H. – Cinq ans après le lancement du pro-gramme, la moitié des villes concernées, soit40, sont déclarées aujourd’hui « sans bidon-villes ». Le nombre d’habitants bénéficiairesremonte à 750000. Les baraques démolies ourestructurées sont de l’ordre de 149300. Actuel-lement, 17 943 unités sont prêtes à accueillird’autres ménages dont les baraques serontdémolies et 40218 unités sont en cours de réa-lisation.

L. C. – Quelles sont les possibilitésd’évolution et d’adaptation de cette politique?A. T. H. – Le programme Villes sans bidonvillesayant acquis suffisamment de maturité etdevant relever des défis sur des territoires d’unecomplexité croissante, surtout dans les grandesagglomérations, ne cesse d’adopter de nou-velles démarches dites de réajustement. C’estainsi qu’à Casablanca, qui concentre au niveaunational une part importante des ménages« bidonvillois », l’unité de programmation estdevenue la préfecture et la société IdmajSakane, spécialisée dans la résorption desbidonvilles de la région, a été créée.

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Les politiques urbaines à l’œuvre

Villes sans bidonvilles, une priorité nationale

Le Maroc en perspective : regards croisés

Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

» Le site d’accueil est souvent implanté dans des zones desservies en transports

pour permettre à la population de bénéficier d’un logement

aussi proche que possible de son lieu de travail. «

À Casablanca, une société spécialisée

dans la résorption des bidonvilles a été créée. S.

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Les villes nouvelles marocaines interpel-lent. Elles suscitent, selon les interlocu-teurs, respect et admiration, interroga-

tions et scepticisme. À ce stade de leur mise enœuvre, il est utile de mettre en perspective lapolitique urbaine dont elles témoignent et dedresser un premier bilan.

Vocation et objectif des villes nouvellesLes villes nouvelles marocaines n’ont pas pourobjectif de réorganiser ou de conquérir ni demettre en valeur de nouvelles parties du terri-toire national. Rappelons, par exemple, que lacréation d’Essaouira au milieu du XVIIIe sièclepar le souverain alaouite Sidi Mohamed Benab-dallah a rééquilibré le fonctionnement du paysau profit de la région de Marrakech. Rappelonségalement que d’«anciennes» villes nouvellesde la première partie du XXe siècle, telles queKhouribga, Youssoufia ou Jerada, ont été édi-fiées en appui à la mise en valeur de nouveauxterritoires par l’exploitation minière. Chacunedes villes de cette nouvelle génération estsituée au sein d’une des grandes aires métropo-litaines du pays. Elles doivent être considéréescomme des points de concentration et des ten-tatives d’organisation d’une urbanisation débor-dante s’invitant sur des aires urbaines de plusen plus vastes, parfois dans des zones sensibleset souvent en dehors de toute réglementation.

La politique des villes nouvelles, élaborée ausein du ministère de l’Habitat, de l’Urbanismeet de l’Aménagement de l’espace, a été mise

en place dans un contexte particulier. Chaqueannée, les villes marocaines doivent accueillirenviron 130000 nouveaux ménages auxquels ilfaut proposer une offre adaptée. À cela, s’ajouteun déficit estimé à environ un million de loge-ments. 50 % des ménages urbains marocainsont un revenu mensuel inférieur ou égal à5000 dirhams et peuvent acquérir au mieux unlogement d’un montant de 240 000 dirhams(35 % de leur revenu consacré au rembourse-ment, emprunt sur vingt ans à un taux de 6 %).Le prix du sol urbain aménagé est extrême-ment élevé dans les grandes villes du pays et laspéculation foncière est toujours à l’œuvre.Enfin, l’épuisement du foncier public, domaineprivé de l’État, dans ou à la limite des agglomé-rations importantes, est un fait avéré.Ces faits conjugués indiquent qu’une seulesolution permet encore de trouver, dans lesgrandes métropoles du pays, des réponses aulogement des ménages dont les revenus men-suels sont inférieurs à 5000 dirhams: opérer surdes terrains à bas coût, du foncier public, desuperficie suffisamment importante pour fairebaisser les prix, rapportés au mètre carré, deséquipements hors site et primaires. Les opéra-tions pour l’habitat se trouvent donc souventdans l’obligation de quitter l’enceinte des citéset de se poser sur des aires importantes d’envi-ron 1 000 hectares. La décision de créer desvilles nouvelles est née de cette impérieuse

Les villes nouvelles marocaines

Tamesna, ville nouvelle en cours de réalisation, a pour objectif de créer une villedans toutes ses dimensions :logements, emplois, loisirs et transports.

Abderrahmane Chorfi(1)

Ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme

et de l’Aménagement de l’espace

La croissance démographique urbainea créé une urgence de loger qu’il estde plus en plus difficile de satisfaire,pour les populations à faibles et moyens revenus, au sein des villessituées dans les grandes airesmétropolitaines du pays. Des villesnouvelles sont donc construites avecpour enjeu de répondre à la demandede logements et d’intégrer lesdimensions de l’emploi, de la mobilité,du lien social et de l’environnement en vue d’en faire des villes durables.

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Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

Les politiques urbaines à l’œuvre

Le Maroc en perspective : regards croisés

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La réalisation des villes nouvelles en marcheTamansourt, ville nouvelle située dans la première couronne de Marrakech,a fêté le cinquième anniversaire du lancement de sa réalisation par Sa Majesté le Roi Mohammed VI en janvier 2010. À Tamesna, dans la banlieue de Rabat, les travaux sont engagés depuis trois ans.Deux autres villes nouvelles sont à l’étude :Chrafate et Lakhyayta, dans les environsrespectifs de Tanger et de Casablanca.

(1) Abderrahmane Chorfi est directeur général de l’Urba-nisme.

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urgence de « loger ». Cette politique, lancée etréalisée par le ministère et le groupe AlOmrane, a été mise en place par touches suc-cessives. Quelques jalons peuvent être évoqués.

La complexité de montage et l’adaptation permanenteLa décision de créer des villes a toujours étéprise avec l’accord actif de l’autorité locale etdes élus. Walis et gouverneurs jouent un rôledéterminant dans la mobilisation des assiettesfoncières et dans la médiation entre l’opéra-teur et les services déconcentrés de l’État. Lesagences urbaines, sans jamais se départir deleur rôle de planificateur urbain garant deséquilibres du territoire, accompagnent positi-vement la création des villes. Elles s’impliquentaussi bien dans l’établissement des documentsréglementaires – plan d’aménagement soumisà l’ensemble des acteurs avant leur adoption – que dans l’instruction des dossiers en autori-sation de construire.Très rapidement, la taille et la complexité des opérations dont il faut assurer la maîtrise – mobilisation du foncier, études de faisabilité,établissement des plans d’urbanisme, étudestechniques, montages financiers, appels d’offres et réalisation des infrastructures, y com-pris hors site, des plantations et d’opérations de logements – va conduire l’opérateur AlOmrane, dont le conseil de surveillance est pré-sidé par le Premier Ministre, à créer des filialesspécialisées dédiées chacune à la réalisationd’une ville.Dans la conception des villes nouvelles, uneattention particulière est accordée à la nature,et à la taille et au nombre des équipementssociaux à programmer. L’ensemble des besoins,du voisinage à la ville, est pris en considération.Les emplacements sont prévus et les assiettesfoncières réservées. La nécessité de réaliser lespremiers équipements avant l’arrivée des habi-tants est vite comprise. Des partenariats s’éla-borent avec certains départements ministérielset l’opérateur réalise parfois, sur le budget pro-pre de l’opération, les services qu’il juge indis-pensables à l’accueil des futurs résidents.

D’une ville à l’autre, l’implication d’Al Omranedans la réalisation des logements est différente.Alors qu’à Tamansourt, l’opérateur s’impliquesubstantiellement en assurant la constructiondes nombreuses opérations, à Tamesna, il agitcomme aménageur et confie l’essentiel de laréalisation à des promoteurs privés, nationauxou internationaux, dans le cadre d’un cahierdes charges. Cette démarche est aujourd’hui ré-examinée, la maîtrise des espaces essentiels dela ville nécessitant peut-être une plus forteimplication d’Al Omrane dans la réalisation desecteurs ou de lieux urbains particuliers.Les questions de mobilité et de transports col-lectifs, notamment en direction de la « villemère», s’imposent dès le début des opérations.Les sites choisis pour les villes nouvelles actuel-lement à l’étude ou en cours de réalisation sontsitués à proximité du réseau autoroutier natio-nal. Les filiales d’Al Omrane prennent encharge, seules ou en partenariat avec le minis-tère de l’Équipement, les nombreux travaux surles voies d’accès : élargissement de la voirie, re-dimensionnement des ponts, éclairage public,etc. Au cours des prochains mois, Tamesna serareliée à Rabat par une nouvelle liaison directe,plus courte. Un service d’autobus et de grandstaxis a été mis en place à Tamansourt et desdiscussions sont en cours à Tamesna.Toutes les villes nouvelles marocaines pré-voient dans leurs objectifs la création d’em-plois, notamment à travers la programmationde zones d’activités. Tamansourt a déjà pro-grammé et commencé à réaliser une extensionde 737 hectares destinée quasi exclusivement à promouvoir des activités industrielles, d’off -shoring et de tourisme. Il reste probablement àdéfinir pour chaque site, dès le début desétudes, une norme «emplois créés/actifs poten-tiels », à travailler sur des mesures d’incitationsusceptibles d’attirer des entreprises sur dessites en cours de valorisation, et à organiser le marketing.Les questions de durabilité urbaine se sontimposées à la réflexion au cours des dernièresannées. Les villes nouvelles marocaines ont faitle choix de densités relativement fortes corres-pondant aux nouveaux modèles issus desréflexions actuelles sur le plan international.Outre l’intérêt accordé sur tous les sites à lavégétalisation, les villes nouvelles de Chrafate etde Lakhyayta étudient actuellement des formesd’urbanisation peu consommatrices d’énergie.Lakhyayta envisage même la réalisation d’équi-pements producteurs d’énergie renouvelableà l’échelle de la ville. D’autres initiatives sontprises, notamment à Tamesna, pour réaliser desconstructions respectant les normes HQE.Tamansourt compte aujourd’hui 14 000 habi-tants, 26000 si l’on considère la zone périphé-

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Les politiques urbaines à l’œuvre

Les villes nouvelles marocaines

Le Maroc en perspective : regards croisés

Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

La ville nouvelle de Tamansourtaccueillera, en plus des logements,des activités d’offshoringet de tourisme.

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rique. Les questions relatives au fonctionne-ment de l’ensemble se sont vite imposées. Lafiliale Al Omrane a pris en charge, pour cinqans et jusqu’à l’échéance de 2012 dans le cadred’une convention signée avec la collectivitélocale, de nombreuses fonctions relatives à lagestion de l’aire urbaine : éclairage public,ramassage des ordures ménagères, entretiendes parcs et plantations… Tamesna, qui a éga-lement reçu ses premiers habitants, a établirécemment une convention de gestion parta-gée, signée par toutes les parties, impliquant àcôté de l’opérateur l’État et la commune, et indi-quant avec précision l’implication des uns etdes autres : information des habitants, sécurité,éclairage public, transport urbain, entretien desaires de jeu, des espaces verts, de la voirie…Une loi encadrant la création des villes nou-velles a été élaborée dans le cadre du nouveauCode de l’urbanisme. Le texte, validé avecquelques réserves en conseil de Gouverne-ment, est actuellement ajusté avant d’être sou-mis à nouveau à la procédure d’adoption. Ilprévoit notamment la création des villes nou-velles par décret et la mise en place, sous l’au-torité du Premier Ministre d’un comité intermi-nistériel des villes nouvelles chargé de donnerun avis sur les nouveaux projets, mais égale-ment de mobiliser l’attention de l’ensemble desdépartements ministériels et de s’assurer deleur participation aux réalisations qui leurincombent.

Une ville nouvelle, c’est un avenir qui s’esquissePour les résidents de ces villes, c’est l’espoird’une vie meilleure. La recherche de la qualitédoit être au cœur du projet d’une cité qui seconçoit et s’édifie volontairement. Mais quellessont les attentes des futurs résidents ? Sécurité,

tranquillité, proximité des équipements, ser-vices et lieux de travail, environnement socialadéquat, espaces publics facilitant le vivreensemble, qualité architecturale – y comprisadaptabilité des logements à l’évolution desmodes de vie –, baisse des coûts et des tarifs,émergence d’une histoire, d’un imaginaire,d’une identité collective ? Au stade actuel deréalisation de cette nouvelle génération devilles, de nombreuses questions sont posées etdes solutions recherchées. Seul le tamis dutemps – le temps long pour une cité – permet-tra d’évaluer la pertinence décisionnelle.Nous l’avons vu, une politique des villes nou-velles s’élabore dans l’action, par ajustementssuccessifs. L’alternative à cette démarche – quiconsiste à construire un dispositif préalable àl’action, complet, explicitant un modèle et s’ap-puyant pour sa mise en œuvre sur des instru-ments légaux, institutionnels, financiers, fiscauxétablis – n’avait aucune chance de voir le jouret condamnait à l’inaction.La population urbaine du pays est passée de3,4 millions d’habitants en 1960 à 16,5 millionsen 2004, soit une multiplication par cinq en unpeu plus de quarante ans. La pression démo-graphique sur les villes marocaines va se pour-suivre au même rythme et le recours à de trèsgrandes opérations en dehors des tissus existants va nécessairement – ce n’est pas unsouhait – perdurer au cours des prochainesannées. Il nous faut donc être très attentif aux expé-riences en cours, aux réussites comme aux dif-ficultés et aux échecs. Il faut éviter les juge-ments à l’emporte-pièce et recourir, autant quepossible, aux apports des professionnels de l’ur-banisme et à celui des spécialistes des sciencessociales, la satisfaction des hommes et desgroupes sociaux étant au cœur des projets.

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La ville nouvelle de Lakhyayta, en cours de conception, intègre les préoccupations de qualitéenvironnementale et de réductionde la consommation d’énergie.Al

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Les médinas ont subi à travers l’histoireune série de mutations économiques etsociales, aussi bien intra-muros qu’extra-

muros. Ces dernières se sont illustrées par undéveloppement urbain hétérogène et par lamultiplication des centres. Les médinas ontperdu leur rôle de centralité dans la ville. Ellessont devenues les lieux où se conjuguent lesdifférentes problématiques : flux migratoires,densification, pauvreté, dégradation du cadrebâti et de l’environnement. Néanmoins, ellespossèdent un important potentiel de dévelop-pement, grâce à leur patrimoine et aux valeursidentitaires et culturelles qu’elles portent dansun contexte de mondialisation accrue.

La richesse patrimoniale du MarocLe Maroc, pays de traditions ancestrales, dis-pose d’un patrimoine architectural et urbainriche et diversifié, d’une grande valeur : plus detrente médinas plusieurs fois centenaires, unevingtaine de centre-ville datant du début duXXe siècle, des milliers de villages pittoresquesen plus des ksour et des kasbahs s’étendant surprès de deux mille kilomètres carrés. Tous cesespaces témoignent de ces valeurs à travers unpatrimoine qui est le fruit du métissage de nom-breuses civilisations.La richesse, l’étendue et la diversité de ce patri-moine lui confèrent une dimension qui adépassé les frontières nationales pour en faireun patrimoine historique de valeur universelle.Cela s’est traduit par le classement de villes etde monuments historiques, tels que les médi-

nas de Fès, Marrakech, Meknès, Tétouan,Essaouira, la kasbah d’Aït Ben Haddou, la citéportugaise de Mazagan (El Jadida), le sitearchéologique de Volubilis, sur la liste du patri-moine mondial de l’humanité. Enfin, la placeJama’ Al Fna a été proclamée premier patri-moine oral et immatériel de l’humanité, ainsique le moussem de Tan-Tan.Ce patrimoine, d’une grande qualité architectu-rale et urbaine, abrite une population estiméeà cinq millions d’habitants. Il compterait plusde 200000 édifices, dont 180000 demeures et20000 équipements sociaux, éducatifs et cultu-rels. Son importance est autant culturelle quesociale et économique. Son rôle potentiel dansle logement, le tourisme et l’artisanat est pri-mordial à l’échelle nationale.Toutefois, sous les effets conjugués du temps etde l’usage, ce précieux patrimoine historiqueconnaît, dans certains cas, un processus dedégradation affectant aussi bien ses bases struc-turelles que son cadre architectural et portantatteinte aux valeurs patrimoniales.Revitaliser ce patrimoine et l’intégrer dans lecontexte urbain général constituent le fonde-ment des objectifs recherchés par le ministèrede l’Habitat, de l’Urbanisme et de l’Aménage-ment de l’espace (MHUAE). La mise en valeuret la gestion de ce patrimoine pour une sauve-garde de ses composantes économique, socialeet culturelle, a nécessité le développement de

Réintégration des médinas dans la dynamique des villes

Grâce à leurs valeurs identitaires et culturelles et à leur patrimoine,les médinas, comme la kasbah des Oudayas à Rabat, réintègrerontla dynamique urbaine.

Asmae Sedjari(1)

Direction de l’Architecture

Les tissus urbains traditionnelsmarocains sont aujourd’hui menacéspar les exigences des nouveaux modesde vie. Les médinas, les ksouret les kasbahs, qui font partie du patrimoine culturel et identitaire du Maroc, assument encore de nombreuses fonctions urbaines.Afin de préserver cette richesse, l’État a mis en place des politiques de sauvegarde adaptées et évolutivespermettant de redonner aux médinasleur place dans la ville.

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(1) Chef du service du Patrimoine architectural à la directionde l’Architecture.

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nouvelles approches qui portent sur les straté-gies d’action sur les plans institutionnel, finan-cier, technique et humain. Cette démarche per-met d’assurer une exploitation rationnelle etoptimale des moyens existants d’une part, et dedéfinir les mesures d’accompagnement néces-saires, d’autre part.

De multiples tentatives pour réhabiliter les médinasCet état de fait a donné naissance, au début desannées 1980, à une première démarche de reva-lorisation de ces tissus, à travers ce qui a étéappelé « la première génération des étudesarchitecturales ». Ces études ont couvert lesmédinas de Meknès, Chefchaouen et Tarou-dant. Leur objectif était d’analyser le tissu« médinien » en tant que patrimoine architec-tural et urbanistique : développement histo-rique, évolution urbaine, analyse architecturaleportant sur l’habitat, les équipements et le com-merce. Elles permettaient également de déve-lopper les facteurs architecturaux de la médinaen s’appuyant sur des données socio-écono-miques et démographiques. Ainsi, les recom-mandations sur le plan architectural sebasaient sur les analyses effectuées au niveaude la médina.Ces études ont ensuite évolué pour aboutir àune deuxième génération d’études architectu-rales et de plans de sauvegarde. Ceux-ci fixentles grandes orientations de réaménagementurbain des tissus anciens et définissent desactions à mener et leur hiérarchisation dans letemps et dans l’espace en se basant sur desétudes sectorielles approfondies sur le terrain.Cette nouvelle démarche s’est traduite par laproduction de plusieurs documents. Toutd’abord, un document graphique, le plan desauvegarde, et son règlement, ont été réalisés. Ilsont été accompagnés d’un cahier de prescrip-tions architecturales (CPA). Il est le résultat del’analyse des dispositifs architecturaux et archi-tectoniques qui, dans leurs répétitions, donnentlieu à des ambiances architecturales spécifiantchaque tissu urbain ancien. Enfin, une liste desprojets intégrés d’importance stratégique a étémise en place. Ils sont en effet susceptibles deredonner à ces médinas la place et le rayonne-ment dont elles jouissaient auparavant.Cette deuxième génération de documents acouvert, dans un premier temps, les médinasde Bejjaad et Azemmour, pour s’étendre ensuiteaux médinas de Safi, Essaouira, Marrakech,Sefrou, El Bhalil et El Menzel.

Un cadre juridique spécifiqueMalgré la pertinence du contenu de ces étudeset les efforts fournis tant par les services cen-traux et locaux que par la société civile, la ques-

tion de l’absence d’une base juridique restaitposée avec acuité. En effet, elle empêchait lecaractère obligatoire de ces études et les fai-sait considérer seulement comme des étudesde référence.Face à ce constat, une nouvelle approche a étédéveloppée parallèlement à la mise en placed’un cadre juridique spécifique à ces plans desauvegarde et de réhabilitation. Une troisièmegénération de ces études a donc été initiée eta donné lieu aux plans d’aménagement. Ceux-ci permettaient de bénéficier d’une opposabi-lité aux tiers, telle que reconnue par la loi d’ur-banisme en vigueur. Ceci s’est fait par le biaisd’une refonte des termes de référence, enétroite concertation avec les acteurs centrauxet locaux, publics et privés, qui ont acquis unenotoriété et une expérience significative dansle domaine de la sauvegarde et de la réhabili-tation du patrimoine architectural national.Cette troisième génération d’études architectu-rales et de plans d’aménagement et de sauve-garde concerne les médinas d’Assilah, deRabat, de Taza, de Tanger, de Tétouan, de Tarou-dant, de Larache, de Ksar El Kebir, de Chef-chaouen, d’Oujda et la kasbah de Debdou.D’autres plans d’aménagement et de sauve-garde sont actuellement lancés et suivis direc-tement par les agences urbaines concernées. Ils’agit des médinas de Beni Mellal, Demnate, Safiet Ksar Aït Ben Haddou.

Des chartes incitativesÀ partir de 2008, de nouveaux outils d’interven-tion dans ces tissus ont été développés dansun esprit de concertation et en partenariat avecles collectivités locales. Ils ont mené à l’élabo-ration de plusieurs chartes architecturales, urba-nistiques et paysagères. Ces chartes définissentune philosophie commune sur une matièrespécifique et n’impliquent aucune obligationjuridique. Ce sont des outils incitatifs et d’aideà la décision, mis à la disposition de l’ensembledes acteurs. Ces chartes ont une portée straté-gique et un caractère opérationnel. Elles ontégalement valeur de conseil et restent soumisesà la réglementation en vigueur.Actuellement, 51 chartes sont engagées à dif-férentes phases et concernent notamment les

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La rencontre internationale de Fès en 2003(1)

Lors de la rencontre internationale de Fès,organisée par l’Unesco en 2003, les réflexions ont porté sur la perception et le rôle du patrimoine, notamment des médinas, dans les politiques dedéveloppement et de planification urbaine.Les débats se sont articulés autour de trois axes :- institutionnel et politique, qui représente

la « condition sine qua non » de toute stratégie urbaine portant sur la sauvegarde de la ville historique ;

- social, qui doit être pris en compte dans la définition des politiques urbainesafin de répondre aux besoins de la population concernée ;et la mobiliser dans la mise en œuvre ;

- économique, afin de définir les choix etarbitrages pour une meilleure utilisationdes ressources publiques et privéesdisponibles.

L’importance de la dimension technique, qui est commune et transversale aux troisdimensions précitées, a été égalementévoquée. Elle concerne les outils,notamment les structures de gestion et l’élaboration du plan de sauvegarde, en intégrant les dimensions institutionnelle,sociale et économique.La rencontre a permis de dresser une sériede recommandations adressées à tous les acteurs concernés et à toutes les échelles, locale, nationale et internationale.

(1) Bureau de l’Unesco à Rabat, rapport « Patrimoineet développement durable dans les villes historiquesdu Maghreb contemporain, l’enjeux, diagnostics etrecommandations », Rencontres internationales de Fès, 2003.

L’étude du patrimoine architecturaldes Ksour et de leur évolution aucontact d’autres modèles permet demieux les mettre en valeur, commeici dans la région de Marrakech.

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médinas ou entités suivantes : Chefchaouen,Mdiq, Fnidek, médina de Safi, Zagora, Ouazzane,Marrakech, médina de Taza, la vallée d’OuedBoufekren et médina de Meknès.

Des actions en faveur des ksouret kasbahsDans sa démarche d’étude des architectures etdes tissus urbains spécifiques, le ministèreentreprend également un programme d’étudesdes architectures des régions présahariennesdans le but de réhabiliter et de revitaliser lesksour et kasbahs.L’approche préconisée pour ces études vise laconnaissance de ce patrimoine architecturalet urbain et de son évolution au contact de

modèles et influences divers. L’objet de cesétudes ne se limite pas à une reconnaissance età un inventaire du patrimoine à sauvegarder,mais consiste également à élaborer des recom-mandations susceptibles de permettre l’impli-cation et l’intégration du patrimoine architectu-ral dans la société contemporaine.Ces études visent l’identification d’un certainnombre de projets opérationnels pour unemeilleure réhabilitation. Cette dernière ne doitpas se limiter uniquement à la sauvegarde del’existant, mais a pour but la revitalisation et larevalorisation des architectures des ksour etkasbahs en proposant des adaptations qui s’im-posent aux constructions nouvelles.Les objectifs fondamentaux de ces études etprogrammes sont de plusieurs natures. Ils visentà constituer un inventaire de l’ensemble desksour. Cet inventaire constituera une sommede connaissances majeures analysant et défi-nissant ainsi l’aspect architectural des différentsouvrages recensés. Il permettra de recenserl’état et la valeur architecturale des construc-tions, afin de l’investir dans le processus devalorisation de la production actuelle, et dedégager des propositions s’inscrivant dans unevision globale de développement, sur une baseculturelle et environnementale à caractère opé-rationnel. Enfin, il s’agira de proposer le plande sauvegarde comme document de référencepour toutes les interventions futures dans lesksour.Actuellement, des études architecturales desksour et kasbahs sont en cours de finalisationet couvrent la région du Tafilalet, d’Ouarzazateet de l’oasis de Figuig.

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Les politiques urbaines à l’œuvre

Réintégration des médinas dans la dynamique des villes

Le Maroc en perspective : regards croisés

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Depuis les années 1980, de nombreuses démarches

de réhabiliation des médinas ont été mises en place.

Pour devenir opérationnelles, elle se sont inscrites dans

un cadre juridique spécifique.

Les plans de réhabilitation et de sauvegarde des médinas

se multiplient à travers tout le Maroc.

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Une stratégie de développement des villes historiquesEn 2009, le MHUAE, avec l’appui de la Banquemondiale, a élaboré une stratégie de dévelop-pement des villes historiques, en collaborationavec l’ensemble des partenaires. La poursuitedes objectifs spécifiques selon les contraintes etle potentiel de chaque médina et la promotiond’une culture de valorisation du cadre bâti etdes infrastructures ont été reconnus comme lesprincipaux objectifs qualitatifs.Au niveau du financement de la démarche, ledéveloppement des investissements publicspour protéger un «bien public national » et lesinitiatives pour encourager les investissementsdu secteur privé ont été privilégiés.Sur le plan opérationnel, et grâce au finance-ment mis en place par le MHUAE, la participa-tion du holding d’aménagement Al Omraneaux chantiers de réhabilitation et de revitalisa-tion des tissus historiques s’est faite à traversplusieurs programmes. Il intervient aussi biendans des opérations spécifiques devant assu-rer la préservation ou la réhabilitation desconstructions ayant un caractère historique,telles que les médinas, les ksour et les kasbahs,que dans l’amélioration des conditions d’habi-tabilité des ménages concernés par desconstructions menaçant ruine et ce, en orien-tant son action vers la réhabilitation et la miseà niveau urbaine et architecturale.

Enfin, les médinas, qui sont à l’origine des villesimpériales et des grandes métropoles d’au-jourd’hui au Maroc, continuent de jouer leurrôle moteur dans la dynamique de transitionde la ruralité à l’urbanité du pays. Néanmoins,leur adaptation aux exigences des nouveauxmodes de vie demeure une des probléma-

tiques majeures à résoudre ainsi que celle deleur articulation avec leur environnement(2).Cependant, la conscience nationale de l’impor-tance du maintien de leur cadre patrimonialet identitaire, tout en vitalisant leur tissu éco-nomique et social, est un atout et un gage deréussite pour redonner à la médina toute saplace dans la ville de demain.

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(2) Voir dans ce numéro des Cahiers, ROMERA Anne-Marie,SAID Victor et THIBAULT Christian, « Fès : articuler la médinaavec son environnement », p. 157 et TROIN Jean-François, «De la médina à la ‘ ville européenne’ au Maroc»,p.15.

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L’intégration des médinas dans le tissu urbain passe par un travail sur les liaisons,comme ici entre la médina deMarrakech et la ville « européenne ».

L’intégration du patrimoinearchitectural dans la société

contemporaine est un enjeu majeur de la démarche du ministère.

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Les enjeux territoriaux de l’économie marocaine

L’âme des villes, vecteur du développement touristique

du littoral

Une armature commerciale en pleine évolution

Retour à la Méditerranée : Tanger Med en pointe

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Les disparités régionales au Maroc trou-vent leur explication à la fois dans lecaractère contrasté et fracturé du terri-

toire marocain, mais aussi dans l’héritage de lapériode du Protectorat qui a réorganisé le ter-ritoire en définissant un «Maroc utile » dont lesefforts d’équipement et de développement sesont démultipliés, et, par conséquent, un«Maroc inutile», l’arrière-pays plutôt rural. Aprèsl’Indépendance, l’échec de certains choix depolitiques publiques et l’absence d’une réellecoordination entre les différents intervenantsviendront consacrer, voire accentuer, ces iné-galités territoriales.

Transition économique et transformationterritorialeAujourd’hui, le Maroc se trouve à la croisée deschemins, dans la mesure où la mondialisationet la globalisation des échanges exigent unemise à niveau de son territoire en renforçant lacompétitivité de ses villes et de ses régions. Lepays traverse aujourd’hui une transition danstous les secteurs : démographique, social, poli-tique et économique.Le Maroc a choisi depuis longtemps le principede la libre entreprise. Après avoir signé une séried’accords de libre-échange avec l’Union euro-péenne, les États-Unis d’Amérique, la Turquie,l’Egypte et la Jordanie, le Maroc est en train denégocier un statut dépassant l’association avecl’Union européenne.Ces tendances lourdes sont à la fois descontraintes, des risques réels, des défis, mais

aussi des opportunités dont le Maroc peut tirerun grand profit. L’ouverture aux flux de capi-taux et aux investissements directs étrangersexigent que soient réunies les conditions decompétitivité, et donc d’attractivité de son sys-tème productif et de son territoire. Compétitivitéet attractivité ne peuvent être atteintes que parla mise en œuvre d’une politique stratégiqued’équipement et de mise à niveau du territoirenational, d’une part, et par la mise en placed’un nouveau modèle de gouvernance territo-riale, d’autre part.Aujourd’hui, pour faire face aux défis de lamondialisation, le Maroc ressemble à un grandchantier ouvert où de nombreux équipementsstructurants voient le jour. Ces méga-projets nemanqueront pas de transformer le visage dupays et de reconfigurer son territoire à toutesles échelles : nationale, régionale, urbaine etintra-urbaine, et de modifier les rapports entrele Maroc et les pays voisins, entre le littoral et le continent, ainsi que les rapports ville/campagne. Le Maroc vit aujourd’hui une vérita-ble transition territoriale.

Projets structurants et rééquilibrage du territoire nationalAprès l’Indépendance, le Maroc s’est retrouvéavec une tendance à la littoralisation et à unsystème urbain macrocéphalique. Plusieursdécennies après, le pays n’a pas réussi à inver-ser les tendances et à mieux répartir sesrichesses en rompant avec le modèle territo-rial imposé par la géographie physique et légué

Le Maroc change de visage grâce à de nombreux projetsd’équipements structurants. La future ligne à grande vitesse entre Tanger et Marrakech est emblématique de cette stratégie.

Abdelaziz AdidiProfesseur et directeur

de l’Institut nationald’aménagement

et d’urbanisme

L’ouverture du Maroc à la mondialisationexige une mise à niveau d’envergure de son territoire. La polarisation, qui a marqué la structure économiquehéritée du passé, s’estompe au profitd’un développement harmonieux basé sur une meilleure répartition des infrastructures et des grands projets.Les nouvelles interactions entre les développements économique et urbain impactent l’attractivité et façonnent l’organisation spatiale et fonctionnelle des villes.

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Les enjeux territoriaux de l’économie marocaine

Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

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par une vision dépassée de l’aménagement ter-ritorial à l’échelle de tout le pays.Néanmoins, depuis le début du XXIe siècle, leMaroc a choisi de s’engager dans une politiquevolontariste d’équipement du territoire. L’ob-jectif étant d’intensifier l’intégration du paysaux flux économiques et humains, régionaux etmondiaux, et d’arrimer ses infrastructures auxmeilleurs standards de qualité et de perfor-mance. De tels projets transforment l’écono-mie marocaine et accroissent son potentiel decroissance, son attractivité et sa capacité à créerdu bien-être pour l’ensemble des citoyens etdu pays.Le financement a été assuré plus facilementgrâce à une meilleure perception de l’écono-mie par les bailleurs de fonds internationaux.Le fonds Hassan II a également servi de levierstratégique pour le budget public.Ces projets d’infrastructures devront permettred’effacer le déséquilibre entre les territoires etde renforcer la compétitivité du pays.

Réseau routier et autoroutierL’expansion du réseau autoroutier est au centrede l’entreprise de développement. Le pays estrapidement parvenu à quadrupler le rythmedes réalisations. En conséquence, les volumesd’investissement ont changé de dimension. Leréseau autoroutier national relie aujourd’huiplusieurs grandes régions du Royaume. En2015, il permettra de relier toutes les villes deplus de 400000 habitants : il s’agit là d’un levierfort pour la compétitivité logistique du Maroc etpour son développement économique etsocial. La rocade méditerranéenne entre Tan-ger et Saïdia, à l’échelle internationale, et lesfutures routes rurales, à l’échelle locale, parti-ciperont largement au maillage du territoire.

Infrastructures portuairesFort de ses deux façades maritimes d’environ3500 km, le Maroc devait se doter d’une ambi-

tion portuaire forte. Le grand projet portuaire,concernant plusieurs sites, est un levier de com-pétitivité et un instrument structurant du déve-loppement territorial. Il devient aujourd’huipossible grâce à un investissement importantet à une réforme portuaire prometteuse. Lecomplexe portuaire Tanger Med(1) est le fruitd’une ambition fondée sur la foi en la vocationmaritime et méditerranéenne du Maroc. Paral-lèlement, d’autres projets portuaires se pour-suivent, comme le renforcement du port deMohammedia, la poursuite des travaux deconstruction des ports de M’diq, Boujdour,Larache, Mehdia et le chantier d’un port de plai-sance et de pêche à Nador (Marchica).

AéroportsLe Maroc a mis en œuvre, dès 2004, une poli-tique de libéralisation du secteur du transportaérien et d’ouverture cadrée du ciel marocain.La fin de l’année 2006 a été marquée par laconclusion de l’accord Open Sky avec l’Unioneuropéenne, qui constitue une première pourun pays non-membre. La nouvelle politique atrès vite porté ses fruits : ruée d’opérateurs,explosion de l’offre, extension du marché etbaisse des tarifs. D’autre part, la capacité desaéroports marocains a nettement augmenté endix ans et cette tendance se poursuit.

Chemins de ferPlusieurs projets d’envergure permettront dedévelopper le réseau ferré national, notammentune liaison dans la région de l’Oriental entreTaourirt et Nador et la desserte de Tanger Med.Le Maroc accèdera également aux transportsde masse à grande vitesse grâce à la réalisationd’une ligne grande vitesse (LGV) entre Tanger,Casablanca et Marrakech.

TélécommunicationsÀ la fin des années quatre-vingt-dix, le Maroc aconnu un essor sans précédent des télécom-munications et des technologies de l’informa-tion. Il a mis en place un processus de libérali-sation et d’équipement structurel qui acomplètement transformé les réseaux, amélioréles performances, étendu l’accès, et induit unevaleur ajoutée importante pour l’économienationale. Il a, en effet, connu un développe-ment fulgurant de la téléphonie fixe et mobile,ainsi que d’Internet, accompagné d’une diver-sification de l’offre et d’une amélioration de laqualité de service. Grâce aux performances dece secteur, l’offshoring s’est rapidement déve-loppé, notamment les centres d’appel.

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Quand l’économie façonne le territoire

Les enjeux territoriaux de l’économie marocaine

Le Maroc en perspective : regards croisés

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Le développement des nouvellestechnologies de l’information et de communication a transforméle paysage urbain. Ici, les parabolesfleurissent les toits du bâti de lamédina de Rabat.

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(1) Voir dans ce numéro des Cahiers, SAIGAULT Jean-François,ZEIGER Pauline, ZUNINO Gwenaëlle, «Retour à la Méditerranée:Tanger Med en pointe», p.69.

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L’introduction des nouvelles technologies del’information et de la communication a boule-versé les rapports à l’espace. De nombreusesactivités économiques, y compris informelles,ont vu le jour. Un espace économique virtuels’est mis en place. Les impacts en termes deraccourcissement des distances, de localisationdes activités, de déplacements et de trajetsdomicile-travail ne manquent pas de modifierles liens entre activité et espace urbain.

Plates-formes industriellesLe développement des infrastructures indus-trielles et technologiques d’accueil est, quant àlui, nodal. Dans ce secteur, un nombre impor-tant de projets a vu le jour entre 1999 et 2008,sur plus de 1000 hectares. Cette stratégie, orien-tée vers la compétitivité du territoire marocainpour l’investissement, a été suivie par la miseen œuvre d’une nouvelle génération de plates-formes d’infrastructures industrielles et techno-logiques d’accueil intégrées.

Énergies renouvelablesLe Maroc est dépendant sur le plan énergé-tique, alors qu’il dispose de gisements éolienset solaires inépuisables. Afin de réduire sadépendance énergétique, il s’est engagé dansune stratégie de production d’énergies renou-velables à grande échelle. Ainsi s’est poursui-vie la réalisation de parcs éoliens et de cen-trales thermiques et électro-hydrauliques, tellela centrale fonctionnant à la fois au gaz naturelet à l’énergie solaire à Beni Mathar.Plus important encore, le Maroc a dévoilé fin2009 un ambitieux projet de production élec-trique d’origine solaire d’une capacité de 2 000mégawatts. Achevé en 2020, il sera installé surcinq sites, permettra une économie annuelled’1 million de tonnes de pétrole et évitera auMaroc l’émission de 3,7 millions de tonnes deCO2 par an. À terme, sa production représen-tera 42 % des besoins électriques du Maroc.En plus de ces méga-projets, qui ne manque-ront pas d’avoir un impact direct sur l’emploi etles conditions de vie des populations, d’autresprojets d’équipements structurants à caractèrerégional et local sont en cours. Toutefois, il estimportant de rappeler que l’écart de dévelop-pement et d’équipement entre les régions duMaroc, ainsi que le clivage ville/campagnedemeurent frappants. L’effort d’équipement etde mise à niveau du territoire doit donc sepoursuivre.Le schéma national d’aménagement du terri-toire reconnaît la ville comme moteur de déve-loppement économique. La stratégie de déve-loppement national se décline donc au niveaulocal.

Évolution de l’économie urbaine et mutation des villesAuparavant, la croissance urbaine était mal per-çue. Aujourd’hui, la ville est considérée commeun espace de création de richesses et unmoteur de changement social. Ainsi, la gestiondes villes ne se réduit plus aux seules questionsde services urbains et de logement, mais elleest aussi le cadre de partenariats et de syner-gies. L’urbanisation nécessite donc des modesde gestion rénovés. Les collectivités locales sontappelées à élargir leurs compétences pourdevenir des animateurs économiques, des ges-tionnaires qui travaillent avec le secteur privé.Elles sont amenées à se prononcer plus fré-quemment sur des projets économiques ousociaux de plus en plus complexes.La ville est dorénavant perçue comme le véri-table levier du développement et de la moder-nisation du pays. Casablanca n’est plus appré-hendé comme le géant à maîtriser, maiscomme la métropole économique capable deconcurrencer les grandes villes méditerra-néennes en attirant des investisseurs potentiels.Ceux-ci sont de plus en plus exigeants et sélec-tifs. Casablanca est perçue comme la véritableporte d’entrée du Maroc à la mondialisation.La stratégie consiste à renforcer sa capacité,son attractivité et sa compétitivité, sans négli-ger l’équipement et la mise à niveau du restedu pays. Les grandes métropoles du pays semétamorphosent grâce à des projets urbanis-tiques structurants. L’économie urbaine et lapratique de la ville par ses habitants en serontinfluencées.

L’aménagement de la vallée de BouregregCe projet majeur a pour but de placer l’agglo-mération de Rabat-Salé au standard desgrandes capitales en la conciliant avec sonenvironnement fluvial et maritime. Il s’agit prin-cipalement de faire de ce fleuve l’articulationorganique entre les deux villes de Rabat et de

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Le parc éolien de Tanger participe activement à la stratégiede développement des énergiesrenouvelables au Maroc.

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Salé, pour le passage d’une rive à l’autre et leslieux publics à exploiter en commun. Ce projetdéveloppera de nouvelles fonctions écono-miques dans la capitale, principalement le tou-risme et les services supérieurs.

Le projet d’AnfaPour insuffler une nouvelle dynamique écono-mique et sociale à Casablanca, il a été décidéde créer un véritable pôle urbain sur le site del’ancien aéroport d’Anfa. C’est la plus grandeopération de renouvellement urbain au Maroc.D’une superficie d’environ 350 hectares, cenouveau pôle devrait privilégier les espacesverts et respecter un équilibre entre les zonesd’affaires et d’habitat.

Les villes nouvellesLa création de villes nouvelles et l’ouverturede nouvelles zones à l’urbanisation sont l’unedes actions majeures de la politique urbainede l’État. Deux villes nouvelles sont en chan-tier : Tamansourt dans la périphérie de Marra-kech (1 200 hectares, 300 000 habitants) etTamesna dans la périphérie de Rabat (840 hec-tares, 250000 habitants). D’autres, à proximitéde pôles urbains majeurs, sont à l’étude :Lakhyayta dans la région de Casablanca (1500hectares) ; Chrafate dans la région de Tanger(1050 hectares). Parallèlement à cette politiquedes villes nouvelles, des programmes ambitieuxde lutte contre l’habitat insalubre, de produc-tion de logements sociaux et de mise à niveauurbaine profitent principalement aux villespetites et moyennes.

Le plan AzurStratégie d’aménagement touristique lancéepar le Maroc pour attirer 10 millions de tou-ristes à l’horizon 2010, le plan Azur prévoit la

réalisation de six stations balnéaires : Mediterra-nia Saïdia à proximité d’Oujda, Mazagan BeachResort au sud d’El Jadida, Port Lixus dans larégion de Larache, Mogador Essaouira, ArganaBay près de Taghazout et Plage blanche à 40kilomètres de Guelmim.Il ressort de ce panorama que les villes maro-caines s’ouvrent progressivement aux fluxfinanciers étrangers, en modernisant leursstructures d’accueil et en diversifiant leurs fonc-tions. Néanmoins, l’économie marocaine et leterritoire national fonctionnent à deux vitesses.Parallèlement à l’effort considérable de moder-nisation et d’insertion des grandes métropolesmarocaines sur la scène internationale, le poidsde l’économie informelle, et par conséquentde l’occupation spontanée de l’espace, marquefortement le paysage urbain des grandes villes.Le chômage structurel a fait exploser ces der-nières années le marché de l’emploi clandes-tin, composé essentiellement de petits métiers.Ce phénomène s’est développé en profitant dela banalisation des technologies de l’informa-tion et de communication (Internet et télépho-nie mobile). La contrebande, le commerceinformel et les activités de réparation liées àces nouvelles technologies sont florissants dansde nombreuses villes marocaines. Ainsi, cetteéconomie moderne et hautement capitalis-tique se conjugue avec une «nouvelle écono-mie informelle », qui joue le rôle de soupapepour le marché de l’emploi.

Vers un nouvel ordre territorialperformant, équilibré et durableLes chantiers de la décennie deux-mille tradui-sent une volonté de fonder durablement ledéveloppement du pays sur les infrastructures,en tentant de défier les contraintes physiques etde rompre avec l’ordre territorial du passé. Ceschantiers présentent notamment trois grandstraits distinctifs. D’abord, le volontarisme a faitde cette décennie une période de changementd’échelles en matière d’infrastructures ; ensuite,les grands projets ont permis l’émergence d’unnouveau mode de management ; enfin, ils ontvisé un équilibre entre les exigences de la com-pétitivité et celles de l’intégration sociale et ter-ritoriale.Aujourd’hui, les résultats attestent de la perti-nence de ces choix et augurent d’une nouvelleétape dans la consolidation et le développe-ment du pays et de ses territoires. Les infrastruc-tures sont un levier de développement et derépartition équitable des richesses entre lesrégions, entre ville et campagne et au sein desvilles, ce n’est plus à démontrer. Néanmoins, lechemin demeure encore long et l’engagementdoit être continu pour atteindre le développe-ment global et durable du pays.

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Quand l’économie façonne le territoire

Les enjeux territoriaux de l’économie marocaine

Le Maroc en perspective : regards croisés

Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

Projets d’aménagement touristiques

Royaume du Maroc, ministère de l’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Environnement, Direction de l’aménagement du territoire.

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Les Cahiers – Monsieur le conseiller,pourriez-vous développer les grandsprincipes de valorisation du littoralmarocain ?André Azoulay – Il faut partir d’un premierpostulat : le Maroc est un pays ouvert sur la meravec 3000 kilomètres de côte sur l’Atlantique etplusieurs centaines sur la Méditerranée, ce quireprésente à la fois un atout exceptionnel etune très lourde responsabilité. Je crois que leMaroc, si nous regardons ses actions pour assu-mer ce double attribut, et notamment ce qui aété fait sur le littoral marin méditerranéen, estplutôt un bon élève. Depuis le milieu desannées quatre-vingt, il y a une accélération dudéveloppement touristique sur l’ensemble duMaroc, avec une visibilité stratégique sur le longterme, une cohérence des projets et une défini-tion rigoureuse des objectifs fixés. Ce dévelop-pement se fait avec les garde-fous nécessairespour résoudre cette équation, à savoir avancersans pour autant compromettre l’écologie denotre patrimoine marin, et sans perdre l’âmedes villes côtières historiques, qui pourraientsouffrir du legs de l’histoire sur nos rivages. Ils’agit d’un pari difficile, réussi à différentsdegrés selon les projets. Je crois cependant que,globalement, nous avons pu, au cours des der-nières années, apporter la bonne réponse àcette double exigence : créer de la richesse surnos rivages tout en préservant le patrimoine,les acquis historiques, les équilibres urbains etla facture architecturale.

L. C. – Le plan Azur a défini plusieurs sitesde développement touristique balnéaire,mais nous constatons que l’avancée de ces projets n’est pas uniforme. Quel est votre sentiment concernant sa mise en œuvre et quel est son degréde réalisation?A. A. – Le plan Azur a permis de planifier dansle temps le développement du littoral demanière cohérente dans ses équilibres et com-plémentaire dans la définition de chacun deses projets. Nous avons à la fois une approchestratégique, qualitative et quantitative. Je croisque les acquis, à mi-étape, sont substantiels. Il ya eu un encadrement sur le plan du développe-ment de l’espace, et une spécialisation dans leprofil de chacune des stations. Sans le planAzur, nous aurions pu assister à une sorted’anarchie, avec des stations visant les mêmesmarchés en offrant des produits similaires, cequi aurait compromis la faisabilité économique

de l’ensemble. Bien sûr, il existe des décalagesdans le degré d’avancement des différentes sta-tions balnéaires, souvent dus à la conjoncture.Je ne crois pas qu’il faille lire comme undogme les calendriers fixés sur le long terme. Ils’agit d’un plan prévu aujourd’hui sur dix ans,demain peut-être sur vingt ou trente ; ce quim’importe, c’est que nous ne perdions pas lesens du projet.

L. C. – Le tourisme international pouvantêtre menacé par une conjonctureéconomique ou politique difficile, existe-t-il une vision de complémentaritéen termes de produits et d’accueil pourassurer un équilibre entre un tourismeinternational et un tourisme national ?A. A. – Nous sommes dans une économieouverte et nous sommes conscients des risquesque nous prenons quand nous développonsl’industrie touristique en en faisant une prio-rité nationale. Nous savons qu’elle dépendd’aléas conjoncturels ; il faut donc que noustrouvions la bonne formule qui permette de lesmaîtriser autant que possible. Le Maroc est unpays dont la première qualité est sa richessehistorique et humaine, sa diversité culturelle, etun projet de société riche par sa profondeur etson identité. Les touristes étrangers sont atta-chés à cette diversité. Il serait donc aberrant denous priver de ce métissage et de ce levier d’ou-verture de nos espaces touristiques.

L. C. – Quelles sont les mesuresd’accompagnement en termesd’équipement, d’artisanat, et surtout, de développement culturel et artistique,en corrélation avec ce que vous appelezl’âme du pays ?A. A. – De ce point de vue, je crois que l’exem-ple d’Essaouira-Mogador est absolumentunique. Essaouira a une très longue histoire :elle était d’abord le comptoir phénicien le plusavancé sur l’Atlantique, et a ensuite connu desheures de gloire aux XVIIIe et XIXe siècles. Elle futle principal port de la côte occidentale afri-caine, et, de fait, presque la capitale du Marocdans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Mais laville a connu ensuite un déclin qui s’est accen-tué, notamment entre les années soixante etquatre-vingt-dix, et cette belle histoire a faillibasculer dans la nostalgie et la « référence» his-torique. Certains d’entre nous, originaires de laville, ont pensé qu’il fallait redonner toutes seschances à Essaouira.

André Azoulay est conseiller de Sa Majesté le Roi du Marocdepuis 1991, d’abord auprès de feu Sa Majesté le RoiHassan II, puis de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Il avaitprécédemment occupéd’importantes fonctions au seinde la direction générale du groupe Paribas à Paris (de 1968 à 1990).Auprès du Souverain, il a notamment contribué au programme de réformeséconomiques et financières du Maroc et participé au suividu processus de paix au Moyen-Orient.Membre du Groupe de hautniveau des Nations-Unies pour l’Alliance des civilisations,André Azoulay est président de la fondationeuroméditerranéenne AnnaLindh depuis 2008. Il estégalement membre du comitéstratégique du Conseil culturelde l’union pour la Méditerranéeet président délégué de la Fondation des trois cultureset des trois religions à Séville.Par ailleurs, André Azoulay est commandeur de l’ordre du Trône (Maroc) etcommandeur de l’ordre de la Légion d’honneur (France).

L’âme des villes, vecteur dudéveloppement touristique du littoral

Interview

Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

Quand l’économie façonne le territoire

Le Maroc en perspective : regards croisés

Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

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En 1991, j’ai créé l’Association pour la promo-tion et la sauvegarde d’Essaouira-Mogador, etnous nous sommes fixé, à ce moment-là, un cer-tain nombre de postulats autour desquels arti-culer les stratégies de renaissance de la ville.Le premier était celui du développement dura-ble. Nous ne voulions plus être exposés auxmêmes risques que lors des décennies dudéclin de la ville. La situation dans les annéessoixante-dix était tellement dramatique queGeorges Lapassade, très grand philosophe etsociologue français, amoureux de la cité, avaitécrit à l’entrée de la ville : « Essaouira, ville àvendre». Nous avons décidé d’agir avec ce quenous contrôlions, dans une vision de durabi-lité. L’Histoire est glorieuse etriche, et chaque vieille pierreà Essaouira a une grandeépopée à nous conter. Nousavons donc voulu protéger lepatrimoine et ses valeurs, eten faire un vecteur de déve-loppement. Ces valeurs sont celles dont abesoin le monde d’aujourd’hui : altérité ettémoignage au-delà de tous les possibles,quand il s’agit de faire se rencontrer et s’épa-nouir ensemble toutes les religions, les civilisa-tions, les histoires et les identités. La cultured’Essaouira incarne la force de cette diversité,en y ajoutant le patrimoine oral et ses acquis.Aujourd’hui, ce n’est pas un luxe d’avoir unespace envoyant à chacun d’entre nous lessignaux de la rencontre plutôt que du rejet, dela synthèse plutôt que de la fracture, et de l’al-térité plutôt que de la confrontation. C’est celal’identité d’Essaouira.

Le second postulat reposait sur l’idée que laculture n’est pas simplement un momentd’émotion partagé autour d’une œuvre plas-tique, d’une création musicale ou d’un trèsbeau film. À Essaouira, nous avons aussi consi-déré la culture comme un vecteur de créationde richesses. Il a ainsi été décidé de donnerpriorité à la musique par la création d’un festi-val de musiques gnawa, jazz et musiques dumonde. À l’époque, les gens étaient plutôt scep-tiques sur la possibilité de faire jouer les Gna-was, anciens esclaves, avec les plus grandsmusiciens de jazz dans le cadre d’un festival. Lepari a été pris. Le succès de ce festival a été telque les gens ont assimilé Essaouira aux Gna-

was. Même si cela estquelque peu démesuré, ils’agit d’un levier exception-nel.Nous avons ensuite créé lePrintemps musical des ali-zés, festival de musique de

chambre et d’art lyrique. Ce festival est devenul’un des plus grands rendez-vous pour tous lesmélomanes du bassin méditerranéen. Nousorganisons maintenant sept grands festivals demusique par an, parmi lesquels le festival desAndalousies atlantiques. C’est le seul espaceoù se produisent sur la même scène des poèteset des musiciens juifs et musulmans qui repren-nent les œuvres de leurs aînés écrites ensem-ble. Nous avons notamment le Matrouz, quiveut dire broderie, avec un grand nombre depoèmes et de chants comprenant un vers enarabe et un vers en hébreu. Cela est très raredans le contexte géopolitique actuel.

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Quand l’économie façonne le territoire

L’âme des villes, vecteur du développement touristique du littoral

Le Maroc en perspective : regards croisés

Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

» Considérer la culture comme un vecteur

de création de richesses. «

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Le festival des Gnawas, attirant des milliers de visiteurs

à Essaouira, illustre que la culturepeut être un vecteur de développement.

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L. C. – Comment peut-on accueillir tant de visiteurs sans nuire à la qualité et à la tranquillité des lieux ?A. A. – Lorsque nous avons lancé cette straté-gie, il y avait six ou sept hôtels à Essaouira ; il yen a aujourd’hui 227. Cependant, la ville n’arien perdu de son cachet, de son esprit, de sonâme. Je crois que nous avons été bien inspirésen faisant de la culture et du patrimoine unvecteur de développement de qualité. Tout acommencé en 1992, lorsque Sa Majesté lePrince héritier est venu à Essaouira pour célé-brer le quarantième anniversaire de la Palmed’or du film Othello, qu’Orson Welles avaittourné à Essaouira. Je ne me souviens pas d’unévénement qui ait eu une retombée de cetteampleur, notamment dans la presse internatio-nale. Ce fut une manifestation magnifique, etpresque vingt ans après, nous continuons danscette voie. Sa Majesté le Roi, dans le plan Azur,a également choisi Essaouira-Mogador pour unmagnifique projet que nous prenons soin d’in-tégrer dans le paysage.

L. C. – Vous avez évoqué dans vos écritsl’histoire de la planification de la ville.Pourriez-vous développer la genèse du développement urbain d’Essaouira-Mogador?A. A. – Il s’agit d’un point important que nousn’avons pas le droit d’ignorer. Le Roi, dans ladeuxième moitié du XVIIIe siècle, a mis en placeune charte urbaine, dessinant la médina et défi-nissant les couleurs, les hauteurs, la logique decirculation de la ville, rappelant d’ailleurs beau-

coup celle de New York. Nous nous sommesinscrits dans la lignée de cet héritage et de cetterichesse.

L. C. – Ne pensez-vous pas que tous ces succès, ainsi que le développementde l’aéroport et de l’autoroute, attirentbeaucoup plus de visiteurs que la cité ne peut effectivement en accueillir ?A. A. – Non, l’une des fragilités de la ville étaitson enclavement. Nous sommes donc lucides,nous ne pouvons pas à la fois vouloir aller del’avant et rester une presqu’île inaccessible.L’ouverture de l’aéroport il y a quelques annéesne constitue ni un luxe ni un risque. Il s’agitd’un atout, d’une performance et d’une victoire.Par ailleurs, Marrakech sera bientôt à une heured’Essaouira par la liaison autoroutière, valori-sant la complémentarité de développementdes deux villes : Essaouira représente l’espacebalnéaire de Marrakech, et Marrakech le conti-nent pour Essaouira. Je crois qu’il s’agit vrai-ment d’un atout et non pas d’un risque.

Propos recueillis par Victor Said

et Pauline Zeiger

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Malgré l’affluence des festivals,Essaouira n’a rien perdu de son cachet ni de son âme.

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Pays de tradition commerçante, le Maroca toujours défendu et encouragé l’initia-tive privée. Il est resté ouvert à toute

forme de commerce et de distribution capabled’enrichir l’offre commerciale, de dynamiser lemarché et de répondre à l’évolution desbesoins et des attentes des consommateurs.

Les nouvelles formes de consommationinfluent sur l’armature commercialeDurant la dernière décennie, sous les effetsconjugués de l’élévation du niveau de vie et dela mutation des comportements d’achat, le pay-sage urbain, notamment dans les grandes villes,a connu l’émergence du commerce en réseauavec l’implantation de grandes surfaces alimen-taires ou spécialisées et le développement desfranchises. Depuis le milieu des années 1990,le rythme moyen annuel de croissance desréseaux commerciaux – que ce soit de fran-chises ou de grandes et moyennes surfaces –avoisine les 20 %(2).Ce développement de nouveaux modèles decommerce, soutenu par l’engouement desconsommateurs pour la multiplicité de choix etla qualité des produits et services, a eu plusieurseffets sur le commerce dans les agglomérationsurbaines, qui n’ont pas que des aspects négatifs.Le rythme de croissance du commerce enréseau a eu un impact positif sur le développe-ment d’un nouveau commerce de proximitéplus moderne, sur l’embellissement des villes etle renforcement de l’infrastructure commer-ciale. Ainsi, de nouvelles artères commerciales

se développent dans les grandes villes(3) et les kissariats traditionnelles cèdent la place à descentres commerciaux de nouvelle générationalliant divertissement, distraction et confortd’achat(4).Toutefois, à l’image de ce qu’ont connu d’autrespays dans lesquels le commerce indépendantétait bien représenté, la grande distribution, encréant de nouveaux pôles d’attractivité com-merciale, commence à impacter négativementle commerce traditionnel. Cette tendance estd’autant plus préoccupante que les grands dela distribution alimentaire intègrent dans leurbusiness model le développement d’autresformes de commerces, comme les surfaces spécialisées, les galeries et les centres commer-ciaux limitrophes(5), augmentant ainsi leurattractivité aux dépens des commerces traditionnels.Par ailleurs, les nouvelles formes de consom-mation et de distribution ne sont pas les seules

Une armature commercialeen pleine évolution

Le commerce traditionnel participe à l’animation urbaine des centres-ville.

Kawtar Tazi(1)

Ministère du Commerce,de l’Industrie et des

Nouvelles Technologies

Le commerce marocain est en pleineévolution. La multiplication des centrescommerciaux transforme les pratiquesquotidiennes. Les conséquences sur le fonctionnement et l’organisation de la ville sont multiples : mobilité,stationnement, équilibre fragile entreanimation urbaine du commercetraditionnel et nouvelles centralités des grandes surfaces. Comment le Maroc, notamment à travers le planRawaj, élabore la planification de cette mutation commerciale et urbaine ?

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Quand l’économie façonne le territoire

Le Maroc en perspective : regards croisés

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(1) Kawtar Tazi est chef de la division des Études et des inter-ventions commerciales.(2) Les GMS (hypermarchés et supermarchés opérant enréseau) ont vu leur nombre passer de 10 en 2002, à 96 en2009. Le commerce en réseau compte actuellement plus de404 enseignes, alors qu’elles ne dépassaient pas 93 en 2002.(3) Par exemple : avenue Fal Ould Oumeir à Rabat ; boule-vard Al Massira Al Khadra, boulevard d’Anfa, rue Ain Har-rouda à Casablanca ; et boulevard Mohammed V à Marra-kech.(4) Par exemple : Mega Mall à Rabat ; Morroco Mall, O’Gal-lery, Ghandi Mall à Casablanca ; Marrakech Plazza, etc.(5) La superficie occupée par l’immobilier commercial denouvelle génération est estimée actuellement à plus de16 hectares. Plus de 67 hectares supplémentaires sont en pro-jet à l’horizon 2010.

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à façonner le commerce dans les villes maro-caines, l’extension et le renouvellement urbainy contribuent. Cela donne lieu à une densifica-tion de la population, élargissant ainsi l’aire dechalandise et augmentant la clientèle de cetype de commerce.Ces mutations n’ont pas été accompagnéesd’une politique d’urbanisme commercial per-mettant d’assurer un développement harmo-nieux des différentes composantes du secteurdu commerce et de la distribution. La planifica-tion et l’affectation des espaces dédiés à cesactivités, à différentes échelles – l’aggloméra-tion, la ville, le quartier ou l’îlot –, n’obéissent àaucune règle ou critère prédéfinis, à l’excep-tion des plans d’urbanisme qui fixent la desti-nation générale des sols et la déterminationdes zones commerciales. En effet, ces docu-ments ne portent aucune indication sur lanature des commerces ni sur les critères devantorienter les implantations commerciales. Demême, dans ces plans, les espaces réservés aucommerce, qui doivent obéir à des logiques deproximité et d’accessibilité, ne sont pas toujoursaffectés avec les dimensions spatiales requiseset ne prennent pas toujours en considérationl’évolution des flux de déplacements, créantainsi des problèmes de circulation et de sta-tionnement dans les axes commerciaux degrand achalandage.Ceci induit également des phénomènescomme le squat des espaces publics (places,rues, trottoirs) par du commerce dit « ambu-lant », ou l’existence de locaux de commerce non exploités à cause de la cherté de l’immo-bilier commercial ou de l’inexistence d’unedemande de consommation nécessaire audéveloppement de l’activité, etc.

Comment concilier le commercetraditionnel et moderne dans l’espaceurbain ?Pour pallier ces insuffisances, les départementsministériels chargés du commerce et de l’ur-banisme envisagent, dans le cadre de la miseen œuvre du plan Rawaj Vision 2020, de mettreen place une nouvelle stratégie d’urbanismecommercial permettant d’assurer un équilibredynamique entre les différentes formes de com-merce et au niveau des différents bassins devie. Il s’agit d’intégrer des critères socio-écono-miques d’implantation commerciale dans lesdifférents documents d’urbanisme.À cet effet, les deux ministères ont lancé uneétude pour la définition d’un référentiel per-mettant d’appréhender l’offre commerciale enmesure de répondre aux besoins des consom-mateurs, en tenant compte de leur diversitésocio-économique et de la vocation des diffé-rents quartiers et artères de la ville. Ce référen-

tiel constituera un outil d’aide à la décision misà la disposition des opérateurs et des acteursconcernés, dans le but d’assurer une meilleureplanification et organisation des espaces com-merciaux et de garantir aux différents bassinsde vie une offre commerciale adaptée à leursbesoins. De plus, des règlements définiront lesorientations et les choix stratégiques pour laplanification et l’organisation des activités decommerce dans le cadre des documents d’ur-banisme et ce, dans l’objectif de veiller à unemeilleure intégration de ces espaces dans leurenvironnement urbain et de les inscrire dansune vision de développement durable.En parallèle, des schémas régionaux de déve-loppement du commerce et de la distribution(SRDCD) sont en cours de réalisation dans cer-taines régions du Royaume. Ces schémasconstitueront également des outils d’aide à ladécision pour tous les acteurs et identifierontdes projets commerciaux structurants et priori-taires pour la région, ainsi qu’une meilleure pla-nification de l’évolution de toutes les compo-santes du tissu commercial.

Comment préserver le commercetraditionnel de proximité ?La planification de l’implantation commercialereste insuffisante, d’autant que les impacts de samise en œuvre ne seront visibles qu’à moyen etlong termes. Aussi, le plan Rawaj prévoit d’au-tres mécanismes pour préserver le commercede proximité et l’encourager à se moderniser.Ces mécanismes visent à améliorer la compé-

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îdF Cohabitation du commerce

de proximité et du commerceambulant dans une galeriecommerçante.

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titivité du commerçant à travers l’adoption d’unsystème de labellisation permettant d’attesterde la qualité des services et des produits. Celapermet de mettre en valeur les atouts du com-merce individuel et de l’initier à plus de pro-fessionnalisme par l’approche qualité. De plus,la mise en réseau et la création de centralesd’achat permettront d’augmenter la rentabilitééconomique et financière du commerce deproximité à travers la mutualisation des effortset du savoir-faire.En outre, un accompagnement spécifique estprévu pour soutenir les petites et moyennesentreprises disposant d’un « concept maro-cain » et souhaitant développer leurs réseauxcommerciaux aux niveaux local, national ouinternational. Ceci, dans l’objectif de favoriserl’émergence d’opérateurs leaders nationaux.En effet, le développement de concepts maro-cains est un levier important de modernisationdu paysage commercial urbain et de maintiendu commerce de proximité.En adoptant une démarche plus intégrée, leministère de l’Industrie, du Commerce et desNouvelles Technologies incite et accompagneles acteurs locaux, à travers le plan Rawaj, dansles projets visant la réhabilitation d’espacescommerciaux urbains. Ces projets doivent s’ins-crire dans le cadre d’une politique d’aména-gement urbain homogène et équilibrée. Cettepolitique prend en compte l’environnement etla vocation future de la réhabilitation et privilé-gie la rénovation du bâti et des infrastructuresde base, la piétonisation des rues et ruellescommerciales, la création d’esplanades, de pro-menades, de parkings et, bien évidemment, lamodernisation des locaux de commerce.Enfin, il convient de préciser que la mise enœuvre de toutes ces actions de planificationou d’accompagnement des commerces deproximité nécessite l’adhésion de tous lesacteurs au niveau de la ville, qu’ils soientacteurs de l’intérêt collectif ou opérateurs decommerce.

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Vers un schéma de développement de l’activité commerciale de l’agglomération de Fès : une mission de préfiguration de l’IAU îdFÀ Fès, les souks, mais surtout la médina, sont les lieux historiques et majeurs de la fonction commerciale. Durant le Protectorat, des formes plus modernes de commerce se sont développées dans les principaux axes de la « ville nouvelle ». Plus récemment, des grandes surfaces, telles Marjane ou Metro, se sont installées, le plussouvent en périphérie de la ville. Fès n’en est qu’au démarrage de ce processus, comparé à d’autres villesmarocaines comme Casablanca, Rabat, Tanger ou Marrakech, mais il est certain que cette tendance va s’amplifierdans les années à venir. Parallèlement, le commerce informel est présent partout dans la ville, traduisant les difficultés économiques et le chômage qui touchent une partie importante de la population.

Quelle stratégie adopter par rapport au développement du grand commerce dans les années à venir ? Comment mieux prendre en compte le développement durable dans une ambition d’expansion? Comment valoriser le potentiel unique que représente la médina de Fès, tout en lui conservant son authenticité ?Comment redynamiser les axes commerciaux en perte de vitesse de la ville nouvelle ? Comment développer une offre de services adaptée aux besoins des différentes catégories de populationsprésentes et à venir ? Comment arriver à mieux faire cohabiter activités commerciales, artisanales, fonctions résidentielles et déplacements ? Comment maîtriser le commerce informel ?

Avec le lancement du grand programme national d’actions pour le développement et la modernisation du secteurdu commerce, le plan Rawaj, et les réflexions en cours sur l’aménagement de la ville de Fès (révision du pland’aménagement, élaboration du plan de déplacements urbains, etc.), l’Agence urbaine et de sauvegarde de Fès a souhaité engager une réflexion sur le devenir des activités commerciales, artisanales et de services, à Fès et dans son agglomération.Répondant à l’invitation de l’Agence, l’IAU îdF a effectué une mission en novembre 2009 qui a permis de cernerles problématiques locales et d’avoir un premier contact avec les acteurs et les administrations concernés par ces problématiques.À l’issue de cette mission, l’IAU îdF propose d’accompagner l’Agence urbaine dans l’élaboration d’un schéma de développement des activités commerciales, artisanales et de services. Ce document, dont la vocation premièreest de déterminer l’organisation spatiale de ces activités, à moyen terme et à l’échelle de l’agglomération, servira aussi de cadre de référence pour guider l’action publique dans ses interventions sur ces activités et leur environnement. Cette démarche nécessitera en préalable la mise en place d’un observatoire des activitéscommerciales, artisanales et de services qui capitalisera, organisera et actualisera la connaissance sur l’offre en commerces, artisanat et services, sur les grands projets d’équipements commerciaux en cours de réalisation et projetés, sur la demande des ménages et son évolution, et sur les projets d’aménagement ayant un impact sur l’activité commerciale.Ce travail se fera dans un cadre partenarial qui associera les acteurs intervenant dans ce domaine : directionrégionale du Commerce et de l’Industrie, ville, chambre de commerce et d’industrie, Centre régionald’investissement, etc. L’Agence assurera la mise en cohérence et la traduction des orientations du schéma dans les documentsd’urbanisme locaux.

Carole Delaporte-BollérotIAU île-de-France

Les structures du commerce moderne transforment profondément le paysage urbain.

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Commerce traditionnel et activités de servicemoderne se côtoient dans les médinas.

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Longtemps assoupis et légués à leur his-toire mouvementée, Tanger et sa régionse mettent en marche, grâce à une poli-

tique volontariste nationale, pour entrer réso-lument dans la mondialisation du XXIe siècle.Cette impulsion dynamise l’ouverture du Marocsur la Méditerranée.

Une nouvelle stratégie d’équilibreéconomique et territorialLa volonté royale de rééquilibrer le territoiremarocain en développant les provinces duNord s’inscrit dans la stratégie de positionne-ment du Maroc sur l’échiquier économiquemondial. Cette vision se met en œuvre par lelancement de plusieurs projets majeurs d’infra-structures et d’équipements d’envergure. Legrand projet de complexe portuaire TangerMed est le fer de lance de cette politique.Ainsi, après avoir fortement développé le litto-ral atlantique avec le port de Casablanca, leMaroc s’oriente vers la Méditerranée, carrefourd’enjeux économiques et géostratégiques mon-diaux, afin de créer une impulsion nouvelle auNord. Cette démarche s’inscrit donc dans unevolonté de renforcement de l’espace méditer-ranéen, avec les pays des deux rives, et notam-ment avec l’Union européenne. Tanger Medparticipera, avec le projet portuaire de NadorWest Med, à impulser un nouvel élan écono-mique et territoriale. Ce rayonnement attendu,qui s’inscrit dans la dynamique des échangesmondiaux, est accompagné d’une politique demise à niveau globale de la région du Nord qui

passe notamment par son intégration dans unréseau complet d’infrastructures nationales etinternationales voué à se développer.Tanger deviendra à terme une nouvelle centra-lité nationale, moteur du développement éco-nomique, social et urbain de toute une région.

Tanger Med dans la course mondiale des ports méditerranéensUn tiers du commerce mondial transite enMéditerranée et l’offre portuaire s’y accroît prin-cipalement sur les rives sud. Cette tendancecontribue à contrebalancer la prédominancedes ports de l’Europe du Nord dans la dessertede l’hinterland(1) européen et modifie les stra-tégies maritimes nationales. Celle du Marocprend un nouvel essor à travers le grand projetde Tanger Med.L’ambition de Tanger Med est de devenir unedes plus grandes plates-formes de transborde-ment du monde, mais aussi un grand port d’hin-terland. Sa situation exceptionnelle permet auMaroc de bénéficier de l’explosion du trans-port conteneurisé, qui a reconfiguré l’armaturedu système portuaire mondial. En effet, l’organi-sation logistique moderne nécessitant l’utilisa-tion de grands hubs(2), ceux-ci se multiplient ausud de la Méditerranée.

Retour à la Méditerranée :Tanger Med en pointe

Le complexe portuaire de TangerMed permet de développer toute la région du Nord et participe au rééquilibrage du territoire.

Jean-François SaigaultPauline Zeiger

Gwenaëlle ZuninoIAU île-de-France

Le Maroc du XXe siècle s’est développésur sa façade atlantique. Aujourd’hui, le pays rééquilibre le développement de son territoire et s’ouvre sur la Méditerranée. Des projetsportuaires et économiques d’enverguremondiale se concrétisent, commeTanger Med et bientôt Nador West Med.Cette démarche permet de renforcer la position stratégique du Maroc, d’organiser son territoire et d’impulser une dynamique régionale.

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(1) Dans le domaine du transport maritime, l’hinterland estl’arrière-pays continental d’un port, que ce dernier approvi-sionne et dont il tire les marchandises qu’il expédie.(2) Les hubs sont des zones de concentration et d’éclate-ment des conteneurs à l’échelle d’un pays, voire d’un conti-nent.

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La situation exceptionnelle de Tanger MedTanger Med est situé entre Tanger et Tétouan, auniveau du détroit de Gibraltar, en face du portd’Algésiras. Il est sur une des voies maritimes lesplus fréquentées au monde, au carrefour desroutes de commerce de quatre continents. Iljouit d’une position stratégique exceptionnellepour capter une partie du trafic mondial demarchandises. Le projet est donc conçucomme une «cité portuaire», porte d’entrée duMaroc pour les activités portuaires, logistiqueset industrielles.

Un projet qui s’inscrit dans une démarche globaleLe projet de Tanger Med représente une oppor-tunité majeure pour le Maroc et lui permet des’inscrire dans une démarche globale, associantà un important développement économiqueles problématiques d’aménagement du terri-toire et d’environnement.

Infrastructures et industrie : supports du développement de la régionDès le départ, le développement territorial estun enjeu majeur pour Tanger Med. L’État en afait une priorité nationale et a investi près dedeux milliards d’euros pour les infrastructuresd’appui permettant de relier le port au terri-toire. Cela se traduit par l’intégration du portaux réseaux routiers vers Casablanca, Rabat,Marrakech et Agadir, ainsi que Fès et Meknès,d’une part ; vers l’Algérie via Nador et Oujdapar la future rocade méditerranéenne, d’autrepart. Le réseau ferroviaire sera égalementétendu, notamment par une ligne à grandevitesse. Enfin, Tanger Med intégrera le réseautranseuropéen de transport.Afin d’initier un développement régional delong terme, ce nouveau pôle s’articule autourd’une plate-forme portuaire et logistique, etd’une plate-forme industrielle. Pour attirer lesentreprises, plusieurs structures visant à favori-ser leur implantation ont été mises en place: uncentre tertiaire intermodal, une zone francheindustrielle et une autre logistique. Tanger Medest un véritable tremplin pour l’emploi local. Àterme, il permettra la création de 28 500

emplois, qui s’ajouteront aux 120000 emploisliés aux zones franches.

Prise en compte des dimensionsenvironnementale et socialeUne étude d’impact environnemental a été réa-lisée en amont du projet afin de l’inscrire dansune démarche de développement durable. Ellea étudié les conséquences possibles de l’en-semble portuaire sur une zone littorale fragile.La plate-forme portuaire a été conçue pourlimiter son déploiement sur le littoral (sept kilo-mètres) et les tracés routiers et ferroviaires ontété implantés loin du littoral. Un plan de gestionenvironnemental, mis en place dès 2006, portesur la sécurisation du domaine forestier et laprévention des incendies, la lutte contre l’éro-sion et la diversification des pratiques agropas-torales. Enfin, un plan de restauration paysagerde l’ensemble du site permet de mettre envaleur le patrimoine floristique et de « renatu-rer » le site.Par ailleurs, l’Agence spéciale Tanger Méditerra-née (TMSA) finance et réalise, en collaborationavec la Région, des programmes de dévelop-pement socio-économique pour la populationlocale. À travers la Fondation Tanger Med pourle développement humain, elle soutient desactions locales portant sur la santé, l’éducationet la formation professionnelle.

Un système de gouvernance et des outils adaptésLe complexe portuaire de Tanger Med néces-site un investissement global d’environ troismilliards d’euros, réparti à parts quasi égalesentre les secteurs public et privé. Les activitésportuaires sont orchestrées par des opérateursmondiaux qui investissent dans les superstruc-tures et les équipements portuaires, dans lecadre de concessions à durée déterminée.Afin d’aménager et de gérer Tanger Med, laTMSA a été créée par l’État en 2003, avec l’ap-pui de la Fondation Hassan II. Sa première mis-sion est d’assurer l’autorité portuaire, ladeuxième est d’aménager, de gérer et de com-mercialiser les zones d’activités. Elle est actricedans l’aménagement du territoire autour duprojet, par la concrétisation d’un schémad’aménagement complémentaire aux docu-ments d’urbanisme réglementaires.

Tanger Med est un complexe portuaire, logis-tique et industriel de renommée mondiale. Ilconstitue une formidable opportunité de déve-loppement économique pour le Maroc, avecdes retombées sur l’ensemble de la région duNord. Cette cité portuaire constitue une nou-velle centralité et rééquilibre substantiellementle territorial national.

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Retour à la Méditerranée : Tanger Med en pointe

Le Maroc en perspective : regards croisés

Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

Un port nouvelle générationLe port en eaux profondes de Tanger Med 1,en fonctionnement depuis 2008 et d’une superficie de 80 hectares, a une capacité de trois millions d’EVP(1)

et est constitué de deux terminaux d’un linéaire de 1800 mètres, avec des tirants d’eau de 16 et 18 mètres.Il est équipé de 50 portiques à roue et de 16 portiques à quai, ce qui permet detraiter en même temps 4 porte-conteneursgéants. De plus, Tanger Med 2, en cours de réalisation, portera la capacité totale du complexe portuaire à 8 millions d’EVP.Tanger Med a fait le choix d‘une offrediversifiée, composée d’un terminalpassager et roulier – conçu pour traiter7 millions de passagers et 700000 camionspar an, qui permet de compléter l’offrelogistique par la traversée du détroit – ; d’un terminal hydrocarbure ; et d’un terminal vrac et divers. À terme, le complexe portuaire aura une superficiede 1000 hectares, avec 8 kilomètres de quais et 8 kilomètres de digues.

(1) Équivalent vingt-pieds : unité de mesure standardd’un conteneur permettant d’élaborer desstatistiques.

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Tanger Med est situé sur une des voies maritimes

les plus fréquentées au monde. Il est la porte d’entrée au Maroc

des activités portuaires, logistiques et industrielles.

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Articulation urbanisme-transports dans le Grand Rabat

Rabat-Salé : le tramway pilote du Maroc

Trame urbaine de Casablancaet mobilité durable

Mobilité et urbanité : les défis du PDU de Casablanca

Le Maroc face au défi logistique

Vers une mobilitédurable

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La conurbation de Rabat-Salé-Témara(RST) se trouve sur un important carre-four du transit national. C’est un passage

obligé pour la majorité du trafic nord-sud et est-ouest. Son réseau de voirie est relié au réseaunational par les autoroutes de Casablanca etde Tanger via Kénitra-Larache, ainsi que parl’autoroute de Mekhnès-Fès et la route desZaërs. La route côtière mène vers les mêmesdirections. Cette ossature principale est dotéed’une rocade urbaine qui part de l’autoroute ettraverse ou contourne les villes de Témara,Rabat et Salé, puis rejoint à nouveau les auto-routes de Fès et de Tanger. La toile de fond estcomplétée par quelques artères principalesreliant la commune de Hassain à Salé, les com-munes de Youssoufia, Agdal-Riad, et Yacoub ElMansour à Rabat, puis Témara.

Des flux qui convergent vers le cœur de l’agglomérationLa dynamique urbaine demeure très localiséesur Rabat, sans pour autant répondre aux aspi-rations et aux attentes des acteurs et descitoyens en matière de structuration de l’es-pace et de création d’emplois. Le développe-ment urbain est généralement pensé et réaliséindépendamment des grandes infrastructuresroutières et de transports en commun. Lesdéplacements d’un point à un autre de laconurbation se font par des passages quasi obli-gés (les carrefours du Kamra, Ibn Sina, AssouakSalam, Losko et les deux ponts à l’entrée deSalé). De même, l’articulation et la liaison entre

les différents quartiers longeant le littoral et lesnouveaux pôles de services et d’emplois (HayRiad, Agdal…) font nettement défaut.

L’exigence d’adaptation des transports à la dynamique urbaineLes problématiques d’articulation entre urba-nisme et transports sont multiples. L’avènementde la périurbanisation et l’apparition de nou-veaux enjeux dans la périphérie ont transforméles rapports au sein de la conurbation RST.La nouvelle organisation des espaces de pro-duction, la délocalisation des activités indus-trielles et l’apparition d’activités de services ontconduit à de nouvelles pratiques du territoire,parfois en contradiction avec les objectifs d’undéveloppement urbain durable.L’étalement peu homogène de l’urbanisationsur le territoire a entraîné une perte de cohé-rence au niveau des infrastructures de liaison etdes synergies et complémentarités programma-tiques. La constitution de pôles hétérogènesinadaptés à la mobilité collective nécessitedonc des points de connexion majeurs duréseau de transports urbains. Dès lors, la requa-lification des axes de transports en communen site propre comme armature du développe-ment de l’agglomération devient nécessaire.Elle constituera une structure autour delaquelle s’implanteront les grands équipe-ments, les nouveaux pôles d’emplois et lespôles urbains structurants. Elle permettra de

Articulation urbanisme-transportsdans le Grand Rabat

Le futur tramway permettra de relierles pôles majeurs de Rabat et Saléet renforcera l’armature urbaineexistante.

Mohamed Aouzaï(1)

GouverneurDirecteur de l’Agence

urbaine de Casablanca

L’agglomération de Rabat-Salé-Témaramet en place une politique de transporten cohérence avec son développementurbain et économique. Elle comporte plusieurs objectifs : relier les pôles existants à conforteravec les pôles urbains à créer, planifierles infrastructures routières et le réseaude transports en commun en fonctiondes projets urbains, et améliorer la qualité urbaine autour des axes de transport et des gares.

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(1) Ancien directeur de l’Agence urbaine de Rabat-Salé.

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réduire la sous-densification et la grande dis-persion des sites tertiaires qui entravent la per-formance des futures lignes fortes de transportsen commun.Une enquête sur les flux origine/destination adémontré que la majorité des déplacements sefait à l’intérieur de chacune des trois villes. ÀTémara, Salé et Rabat, ils sont respectivementde 58 %, 60 % et 91 %. On constate égalementque la principale destination dans l’aggloméra-tion est le centre de Rabat : 30 % des trajets deTémara et 35 % de ceux de Salé se font à desti-nation d’Agdal Hay Ryad et de l’arrondisse-ment de Hassan. À Rabat, 40 % des déplace-ments se font vers le centre-ville et 24 % vers lazone industrielle de Youssoufia.

Le lancement d’un plan de déplacementsurbainsAfin de planifier l’évolution du système detransports dans son ensemble et de l’articuleravec le développement urbain et économiquede l’agglomération, les autorités locales ontlancé une étude pour la réalisation d’un plande déplacements urbains (PDU). Il vise à redi-riger les flux de circulation entre les villes entenant compte des nouveaux pôles de déve-loppement. Il doit permettre de remédier auxproblèmes de circulation et de stationnementà l’intérieur des villes. Le PDU doit égalementapporter des solutions aux déplacements despiétons et réorganiser l’armature des transportsen commun grâce à une meilleure implanta-tion des gares routières et des relais.La volonté est d’instaurer une politique de déplacements équitable offrant une complémentarité entre les différents modes de transport. Une stratégie d’«urbanisme de cor-ridors » peut être développée, présentant unestructure urbaine dense le long des lignes fortesde transports et des centres d’échangesmajeurs. L’articulation des tramways, des bus etdes trains permettrait de limiter la congestionde la circulation et l’étalement urbain.

Le renforcement des transports en communLes objectifs de ce PDU se traduisent déjà parde nombreux projets. Ainsi, les transports encommun seront renforcés par les deux pre-mières lignes du tramway(2) de l’agglomérationde RST, actuellement en travaux pour une miseen service fin 2010. Un nouveau pont, Moulay ElHassan, est également en cours de réalisation ;franchissant le Bouregreg, il est destiné àaccueillir, en plus du tramway, des modes doux(vélos, piétons).Un nouveau service de transport public collec-tif a été mis en place. Début 2009, la wilaya,avec l’accord des communes, a délégué la ges-

tion du réseau de bus dans les préfectures deRabat, Salé et Skhirat-Témara à un groupementd’opérateurs franco-marocains. L’objectif est de proposer une offre complémentaire à celledu tramway et d’améliorer les conditions detransport. Cette démarche se traduit par la miseen place d’un réseau cohérent composé de40 lignes, d’une organisation du réseau struc-turée autour de 6 lignes de bus à haut niveaude service, par l’aménagement de sites propreset par le renouvellement du matériel.

La mobilité, vecteur et catalyseur de développementLa desserte du sud-ouest et de l’est de la conur-bation est un enjeu majeur. Elle permettrad’améliorer l’équilibre population-emploi,notamment par la liaison avec la zone de logis-tique identifiée dans le Sofa(3) entre Tamesna,Aïn Attig, la zone industrielle de Témara et latechnopolis de Salé.Ainsi, une rocade autoroutière de 37 kilomè-tres contournera l’agglomération de RST et des-servira le sud-ouest de la conurbation. Elleoffrira d’importantes potentialités de dévelop-pement. Cette offre autoroutière devra s’accom-pagner d’une viabilisation de la desserte entransports en commun.La restructuration du réseau ferré constitue unaxe majeur de la politique de transport deRabat-Salé. Elle s’intègre dans la stratégie natio-nale et bénéficiera de la future ligne à grandevitesse (LGV) entre Tanger et Casablanca. Desétudes sur le tracé et sur une gare pouvantaccueillir les TGV sont en cours.À l’échelle de l’agglomération, la politique detransports en commun lourds comprend plu-sieurs projets d’envergure : un réseau expressrégional sera mis en place, deux gares serontcréées, trois rénovées ou restructurées, et le ser-vice urbain sera renforcé. Le doublement desvoies et la création de nouvelles gares entreRabat et Salé sont aussi envisagés. Enfin, desaménagements urbains autour des gares et desvoies ferrées sont étudiés afin de réduire lescoupures urbaines.

L’agglomération de Rabat-Salé-Témara a mis enplace une politique de transport en adéqua-tion avec ses ambitions de développementurbain et économique. Ce choix lui permetd’anticiper les problèmes de circulation et decongestion, de modifier les pratiques des habi-tants vis-à-vis de la voiture et ainsi, de devenirune métropole plus durable.

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Quelques données de base• Part modale des transports en commun :

de l’ordre de 15 %, dont 12 % pour les bus et 3 % pour les grandstaxis.

• Taux de motorisation des ménages :37 %.

• Période de pointe : entre 7 h et 9 h le matin. Dans cette plage horaire,74 % des déplacements ont un motifdomicile-travail.

• Multimodalité : le nombre de voyageursdescendant des trains et prenant les transports en commun est très faible,de l’ordre de 10 % à 15 %.

• Marche à pied : 66 % des déplacements.

La modernisation de la gare de Rabat s’inscrit dans la politiquede transport de l’agglomération, en accord avec ses ambitions de développement urbain et économique.

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(2) Voir dans ce numéro des Cahiers, BOUTALEB Loubna, « Rabat-Salé : le tramway pilote du Maroc », p.74.(3) Schéma d’organisation fonctionnelle et d’aménagement.

Le chantier du tramway avance pour assurer l’intermodalité avec la gare centrale de Rabat.

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Depuis 2007, l’agglomération de Rabat-Salé s’est lancée dans la réalisation du premier tramway moderne du

Royaume, en phase avec la volonté du pays des’inscrire dans un processus de développementet de mobilité durables. Ce nouveau mode detransport structurant reliera les deux rives dufleuve Bouregreg; il sera mis en service fin 2010.

Le contexte de mise en œuvre du projetLa région de Rabat-Salé-Zemmour-Zaër est par-ticulièrement urbanisée, avec plus de 2,5 mil-lions d’habitants, pour une densité moyennede 207 hab/km2. Les deux villes de Rabat et Salé concentrent respectivement 26 % et 35 %de sa population. La principale vocation deRabat, capitale du Royaume, est sa fonctionadministrative, qui contribue activement à sonrayonnement. L’enseignement universitaire, larecherche, les centres hospitaliers, les activitéscommerciales, touristiques et de loisirs connais-sent un véritable essor. La ville de Salé a unefonction plutôt industrielle et résidentielle pourune majorité de personnes travaillant à Rabat.Ces deux villes sont unies par le même destinéconomique, mais séparées par un obstaclegéographique difficilement franchissable, l’es-tuaire du fleuve Bouregreg.L’ampleur du développement urbain de l’ag-glomération de Rabat-Salé depuis dix ans s’esttraduit par une pression accrue sur les trans-ports. La situation devient inquiétante : densifi-cation et congestion de la circulation, perte departs de marché par les transports en commun.

Une congestion importante du trafic est obser-vée, particulièrement sur les ponts de franchis-sement du fleuve Bouregreg, véritables pointsnoirs routiers. La circulation est devenue pro-blématique pour les citoyens et freine le déve-loppement économique de la région.Pour répondre à ces enjeux, les travaux de réalisation du tramway et du nouveau pont Moulay El Hassan qui lui est dédié ont été lan-cés en décembre 2007 par Sa Majesté le RoiMohammed VI. Cette démarche s’inscrit dansle projet d’aménagement de la vallée du Bou-regreg, composante indissociable du granddessein visant à hisser la capitale et l’ensem-ble de l’agglomération au niveau des métro-poles internationales.

Une organisation institutionnelle et opérationnelle dédiéeEn 2006, les communes de Rabat et de Salé ontmandaté l’Agence pour l’aménagement de lavallée du Bouregreg afin de démarrer la réalisa-tion du projet. En 2009, une société anonyme, laSociété du tramway de Rabat-Salé (STRS) a étécréée avec pour objectif d’assurer une bonnegouvernance du projet, de mieux gérer sonfinancement et de faire intervenir les pouvoirspublics compétents dans le transport urbain.La STRS est chargée de la conception, de la réa-lisation, du financement et de l’exploitation,

Rabat-Salé : le tramway pilote du Maroc

La pression accrue sur les transportssera allégée par l’arrivée du tramwayrenforçant les liens entre Rabat et Salé.

Loubna Boutaleb(1)

Société du tramway de Rabat-Salé

La région capitale, fortement urbaniséeet en développement croissant, subit une crise des transports qui impacte la mobilité de ses habitants.À l’occasion du lancement du projetstructurant de l’aménagement de la vallée du Bouregreg, la mise en place du premier réseau de tramwaydu Royaume s’est imposée. L’objectif est double : assurer une mobilité durable entre les deux rivesde Rabat et Salé, et accompagner le projet par une valorisation urbaine.

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(1) Loubna Boutaleb est directrice générale déléguée de laSociété du tramway de Rabat-Salé, filiale de l’Agence pourl’aménagement de la vallée du Bouregreg.

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directe ou indirecte, du tramway, à court termesur le territoire des communes de Rabat et Saléet à long terme sur le territoire des autres com-munes de l’agglomération.Plus de la moitié de l’investissement de la pre-mière tranche a été financée grâce aux fondspropres de l’Agence pour l’aménagement dela vallée du Bouregreg. Des bailleurs de fondsinternationaux, dont l’Agence française dedéveloppement, la Banque européenne d’in-vestissement et le gouvernement français ontégalement participé au financement.

Un maillage de cinq lignes à long termeLe premier réseau de tramway, constitué dedeux lignes d’une longueur de près de 20 kilo-mètres et de 31 stations, sera réalisé afin derelier les villes, desservir les principaux équipe-ments structurants et les quartiers de Rabat etSalé. Il correspond aux besoins de déplace-ments les plus importants et dessert les secteursles plus densément peuplés.La ligne 1, dite ligne structurante du réseau,relie les pôles émetteurs/attracteurs majeurs del’agglomération. La ligne 2 répond à la fortedemande de traversée du Bouregreg (en dou-blant le service offert par la ligne 1) et dessertaussi les quartiers denses.Le tramway, qui entrera en service à l’échelleintercommunale en 2010, couvrira à moyen etlong terme les territoires d’autres communesde l’agglomération et comptera cinq lignes. Unepremière extension du réseau, côté Rabat, estprogrammée à l’échéance 2012.Le centre de maintenance et d’exploitation duréseau est situé au terminus de la ligne 1 à Saléet s’étend sur 7,5 hectares.

Des objectifs ambitieux pour une meilleure mobilitéL’objectif premier du tramway est de servir lesusagers : réduire les temps de transport et amé-liorer le confort et la régularité du service.La fréquentation du tramway de Rabat-Salé estestimée à environ 60 millions de voyageurs paran, dès sa mise en service ; les véhicules ont étédimensionnés en fonction de ces prévisions.Le tramway est le seul transport en communadapté pour répondre aux problèmes actuelsde saturation du trafic routier de Rabat-Salé. Ilpermet d’accroître la capacité de transport,d’améliorer la fréquence de desserte, la rapi-dité et la régularité des déplacements.Le tracé du réseau a été étudié de manière àdesservir les grands équipements de l’agglomé-ration tels que les hôpitaux, les facultés, les cen-tres commerciaux, les pôles administratifs, ainsique les gares ferroviaires et routières. Au final,environ 110 sites majeurs seront desservis.Il est prévu que 80 % des futurs utilisateurs

soient les usagers actuels des bus, des taxis oules personnes qui pratiquent la marche à pied.Un important report modal des usagers de lavoiture particulière est attendu. Pour cela, troisparkings relais seront réalisés, au terminus,offrant des services intégrés de stationnementet de déplacement.Cette dynamique autour du projet structurantdu tramway s’est accompagnée d’une réflexiondes institutions publiques sur l’intermodalitédes moyens de transport. Elle a donné nais-sance à une restructuration des réseaux de buset de voirie à l’échelle de l’agglomération. Onobserve d’ores et déjà une requalification decertaines avenues autour du tracé afin deréorienter les véhicules vers les grands axes etde soulager les centres-ville.

Une valorisation urbaine en marchePar sa configuration, le réseau du tramway par-ticipera à la restructuration des deux villes,notamment en protégeant les zones centralesde plus en plus polluées par la circulation auto-mobile. Ce projet s’accompagne d’une revalo-risation des quartiers traversés qui ont le plussouffert pendant la période des travaux, maisqui bénéficieront d’un réaménagement urbain.Ainsi, plusieurs avenues ou places importantesdes deux villes seront réaménagées afin de lesdésengorger. Le meilleur exemple est la transfor-mation de la place Al Joulane à Rabat, désor-mais espace d’échanges entre les deux lignes.Libérée d’une trop forte pression automobile,elle privilégiera les piétons et le tramway, dansune ambiance « rafraîchie » par des espacesdégagés et plantés.Une dynamique d’attractivité et de valorisationfoncière est donc enclenchée le long du tracé,notamment avec le développement de projetsmultifonctionnels à proximité. Par ailleurs,toutes les améliorations urbaines, en termes demobilité, de qualité de vie ou de revalorisationdes quartiers, profiteront à l’activité touristiquede l’agglomération, déjà en plein essor.

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Autour du tracé du tramway, certaines avenues seront requalifiéesafin de soulager les centres-ville.Place Al Joulane, face à la cathédralede Rabat.

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Le tramway : investissement et qualité de service• L’investissement de la première tranche

du tramway est de 3,8 milliards de dirhams.

• Prêt d’aide lié au financement du matériel roulant auprès du fournisseur Alstom.

• D’une longueur de 65 mètres, le tramwayest constitué de rames doublescouplées, ayant une capacité de transport de 560 passagers par véhicule.

• Fréquentation prévue :180000 voyageurs par jour dès sa mise en service.

• La fréquence de desserte est de huitminutes et quatre minutes pour la traversée du fleuve Bouregreg.

• Sa vitesse commerciale moyenne est de 20 km/h.

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Les urbanistes du XXe siècle ont dessiné laville de leurs rêves… et ont donné nais-sance à Casablanca. L’image que reflète

le cœur de Casablanca, celle de la ville blancheavec ses avenues et boulevards ornés de magni-fiques plantations d’alignement, incarne l’héri-tage et le patrimoine de la métropole en deve-nir, composante essentielle de son identité etde son attractivité.

La qualité de la trame urbaine contribue à l’image de CasablancaDes efforts de gestion sont menés pour assurerla maintenance et le développement de cepatrimoine. Les projets d’urbanisme déclinentla valeur de cette trame urbaine en associantles fonctions et la multiplicité des usages :espaces publics et voirie dotée de plantationsd’alignement, grands parcs urbains et espacesverts de parcours. Certaines réalisationsrécentes ou en cours risquent cependant decompromettre la qualité urbaine d’ensembleofferte par cette trame. Ainsi, la réalisation detrémies(2) et de passages dénivelés sur certainsgrands carrefours urbains pour répondre à l’ex-clusive priorité accordée à l’automobile vientpénaliser l’aisance et la qualité des modes dedéplacement doux, notamment pour les pié-tons. Elle dégrade aussi l’attractivité commer-ciale et les vitrines des magasins.Il est donc nécessaire de hiérarchiser les prio-rités à accorder à la multiplicité des usages éco-nomiques et sociaux de la trame de voirie. Ils’agit de relativiser l’unique usage de la circula-

tion automobile (et du stationnement), et derépondre plus attentivement à la mobilitédouce, notamment la marche, ainsi qu’aux dif-férentes activités dépendantes de l’accessibi-lité et de l’animation urbaine de la rue.

La perspective des transports en communLes transports urbains de Casablanca ne sontpas aujourd’hui à la hauteur des réalités et desambitions métropolitaines. Certes, des lignes debus sillonnent l’agglomération, mais elles sontloin de constituer un réseau cohérent. Lesconditions contractuelles de la constructiond’un tel réseau commencent à être explorées,selon des modalités modernes de type déléga-tion de service public. Sur cette base, un pre-mier réseau partiel a été mis en place – leréseau M’dina bus, avec la participation de laRATP. Un service ferroviaire de transportsurbains, appelé Bidaoui, a par ailleurs été réa-lisé par l’Office national des chemins de fer(ONCF).Ces initiatives récentes, stimulées par le plande déplacements urbains (PDU), restent encoreen deçà d’une prise de position irréfutable enfaveur d’un dispositif de transports urbainsadapté à l’échelle d’une grande métropole.Néanmoins, les travaux de mise en œuvre dutramway ont démarré sous l’impulsion de l’au-torité organisatrice Casatransport, récemment

Trame urbaine de Casablancaet mobilité durable

La trame urbaine est un atoutmajeur de Casablanca. Elle doitpermettre le développement des transports et de l’agglomérationtout en préservant sa qualité.

Pierre Mayet(1)

Président d’URBA 2000

La beauté des grands boulevards plantésfait la réputation de la trame urbaine de Casablanca. L’enjeu consiste à perpétuer cette image de qualité en assurant le développement urbain et des transports, ainsi que le partage de la voirie entre les différents modes de déplacement. L’auteur développe les caractéristiques de la mobilitédurable et décline, dans la lignée du plan de déplacements urbains, les mesures à prendre pour une meilleure qualité de vie.

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(1) Ancien directeur de l’Aménagement foncier et de l’Urba-nisme, ministère de l’Équipement et du Logement en France.(2) La trémie désigne un tunnel court permettant à une voiede circulation de passer en dessous d’une autre.

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créée pour sa réalisation et son exploitation. Lamise en service de la première tranche est pré-vue fin 2012.Par ailleurs, une décision de première impor-tance stratégique a été prise récemment : la réa-lisation du nouveau lien ferroviaire traversant lecentre actuel (desservi en impasse par la garede Casa-Port), le nouveau centre urbain dugrand projet d’Anfa et la ligne actuelle au sudde l’agglomération. Ainsi, en 2014, date de miseen service, cette ligne ferroviaire pourrait être lacolonne vertébrale des transports collectifsurbains lourds à l’échelle de toute la métropole,par la mise en place d’un puissant service deréseau express métropolitain. Le PDU s’appuiesur cette colonne vertébrale, autour de laquelles’organiseront les autres lignes de transports ensite propre, notamment un réseau de tramwaysou de bus à haut niveau de service. La réalisa-tion à l’échéance assignée par la plus hauteautorité publique est un gage décisif de crédi-bilité pour l’ambition de Casablanca.

Une adaptation du renouvellementurbain à la trame urbaine préexistanteLes réalisations récentes de quartiers d’habitatsocial répondant aux politiques publiques demodernisation et de développement urbain(Villes sans bidonvilles et Initiative nationalepour le développement humain) correspon-dent bien aux qualités de densité moyenne etde mixité d’activités et d’habitat. Elles permet-tent une vie sociale de proximité «acceptable»en palliant à des carences en équipements.Cette densité moyenne, obtenue grâce à desformes correspondant assez bien aux modesde vie marocains, devrait permettre de limiterl’étalement urbain qui détruit de précieuxespaces agricoles et établit le monopole del’automobile pour le déplacement (enjeudéterminant de la lutte contre l’effet de serre etcoût inaccessible pour l’usager). Plus générale-ment, le tissu urbain des zones centrales deCasablanca comporte de nombreux secteursen friche ou mal occupés, propices au renou-vellement urbain. Ses possibilités de développe-ment peuvent bénéficier à toutes les fonctionsurbaines : résidentielles, commerciales, activi-tés de service, équipements publics et sociaux.Cependant, la trame urbaine est déjà consti-tuée et ne peut guère être développée, saufdans les emprises des grands projets urbains. Leconcept du tout-automobile n’est plus possibleaujourd’hui, l’espace public est à partager avecles transports collectifs et les modes doux.

Une vision de la mobilité urbaine durableDans un objectif de durabilité, la mobilitéurbaine d’aujourd’hui et de demain se cons -truit autour de trois caractéristiques :

1• Le déplacement automobile individuel s’op-pose au modèle de la ville durable. Il ne peutprétendre à de nouveaux investissements ni àl’occupation de nouveaux espaces urbains.2• Le transport collectif doit répondre auxbesoins de déplacements de masse sur des dis-tances d’échelle métropolitaine. Il soulève desenjeux de gouvernance moderne des trans-ports urbains et d’investissements sur de nou-velles infrastructures spécialisées.3• La mobilité douce et durable doit être forte-ment développée, notamment pour les échan-ges de proximité, mais elle est aujourd’hui négli-gée dans les préoccupations de gestion. Ellecomprend la marche à pied, qui doit être effec-tuée dans les meilleures conditions, le vélo, etles engins de motorisation électrique légère, àmême de répondre à l’autonomie des dépla-cements individuels avec un faible coût et unfaible impact environnemental.Une des clefs de la cohérence opérationnellede cette nouvelle mobilité sera l’intermodalitépermettant d’établir les continuités entre les échanges de proximité et les échangesd’échelle métropolitaine. L’information multi-modale jouera une rôle essentiel car elle offrede nouveaux services de mobilités diversifiés.Les pôles d’échanges intermodaux s’organise-ront à partir et autour des gares, qui devien-dront des lieux majeurs de la centralité.La grande majorité de la mobilité de la villedurable de demain s’effectuera dans l’espacepublic de voirie d’aujourd’hui. La compatibi-lité des différents usages sera l’enjeu majeur : lapremière condition est d’exclure les déplace-ments rapides, qui créent des risques pour lesautres usages. Les politiques de transports dedemain permettront l’accès d’un plus grandnombre de citoyens à des modes de déplace-ment moins coûteux et moins dommageablesà la qualité de vie.Le projet de vie urbaine du futur peut être unprojet de développement humain bénéfique àtous. La ville durable ne pourra naître que si onsait en faire un projet « désirable », un projetpour tous.

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Le partage de la trame urbaineentre les différents modes de déplacement, notamment doux,est le gage d’une mobilité durable.

Les avenues et boulevards plantés,emblématiques de la trame urbainede Casablanca, sont à préserver.

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Le plan de déplacements urbains (PDU)du Grand Casablanca a été engagé enfévrier 2004 dans le contexte d’un rôle

accru donné aux collectivités, notamment à laRégion, par la charte régionale de 2003. Lerecensement général de la population, leschéma d’organisation fonctionnelle et d’amé-nagement de l’aire métropolitaine centraleCasablanca-Rabat (Sofa) et l’élaboration dunouveau schéma directeur d’aménagementurbain du Grand Casablanca (Sdau) étaient,par ailleurs, engagés.En 2004, le ministère de l’Intérieur procédaitégalement à la fermeture de la Régie autonomedes transports de Casablanca (RATC) et prépa-rait le lancement d’un appel d’offres pour délé-guer la gestion des transports collectifs.L’urgence d’améliorer le système de transportétait motivée par des éléments contextuels :- un fort développement urbain en périphérie

pour résorber l’habitat insalubre ;- une motorisation en forte progression ;- une insuffisance des infrastructures et des

moyens de transports collectifs qui n’ont pasrépondu au développement de la Région.

De fait, la Région cherchait à lier sa vision poli-tique du développement urbain au développe-ment du système de transport.

La saturation du réseau primaireLes voies primaires supportent des volumesjournaliers élevés (130 000 véhicules/jour) etsont saturées aux périodes de pointe. Cela s’ex-plique notamment par l’absence de rocades et

la rare utilisation de l’autoroute interurbaine,trop éloignée et à péage.Le réseau principal a de nombreux points deconflits (plus de 100 carrefours critiques) oùl’état des équipements d’exploitation est défi-cient. En outre, l’offre de stationnement sur voi-rie est de 41 places/hectare, niveau plus élevéque dans les métropoles européennes (25places/hectare à Paris ou à Barcelone).

Des perspectives de développementprises en compte dans le PDULe PDU a élaboré des perspectives de dévelop-pement urbain pour 2009 et 2019, en cohérenceavec le Sdau(2). Les grandes tendances démon-trent un étalement urbain vers la seconde cou-ronne de la Région et la mise en œuvre de pro-jets spécifiques, tels le pôle urbain deNouaceur, celui d’Anfa et la ville nouvelle deZenata, qui devraient absorber une part impor-tante de la croissance des ménages et desemplois dans l’agglomération. Ces tendancessont cohérentes avec celles retenues par le nou-veau Sdau.La croissance démographique retenue, encohérence avec le nouveau Sdau, conduirait àune population de 4,9 millions d’habitants en2024, en augmentation d’environ 1,5 million parrapport au dernier recensement de 2004.

Mobilité et urbanité : les défis du PDU de Casablanca

La région du Grand Casablanca liesa vision du développement urbainau système de transport. La première ligne de tramway en témoigne.

Paul-Richard Marsal(1)

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Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

Vers une mobilité durable

L’élaboration du plan de déplacementsurbains du Grand Casablanca a été concomitante au lancement du chantier du nouveau schéma directeurd’aménagement urbain. Cela a permis de conjuguer la volonté de mise en place d’une mobilité durableet l’intégration des enjeux d’urbanisme et d’environnement. Les transportscollectifs sont mis à l’honneur et les premières actions sont en cours de réalisation, notamment la ligne de tramway.

Le Maroc en perspective : regards croisés

Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

Les caractéristiques de la mobilité à Casablanca(1)

• Taux de mobilité moyen en 2004 :2,9 déplacements/jour/personne.• Croissance de la mobilité entre 1975et 2004 : 79 %. Ce taux s’explique par une participation accrue des citadinesaux activités (84 % en 2004, contre 46 %en 1975).• Mode de déplacement dominant : la marche à pied. Cette particularité est liée à une offre de transport réduite et à faible capacité.• Variation de l’utilisation des modes detransport motorisé (1975-2004) :- deux roues : 4 % des déplacements

(13 % en 1975) ;- transports collectifs urbains : 13 %

des déplacements (18 % en 1975) ;- voitures particulières : 14,5 %

des déplacements (17 % en 1975) ;- taxis : 15 % des déplacements contre

1 % en 1975. Cette progression est liéeà la desserte insuffisante des extensionsd’urbanisation par les transportspublics.

(1) Ces résultats sont issus de la collecte dedonnées réalisée pour le PDU.

(1) Paul-Richard Marsal est économiste et gérant de PRMconsultant.(2) Cette démarche s’est achevée en 2007.

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Des scénarios et des orientations baséssur les perspectives de développementQuatre scénarios ont été étudiés, à l’aide d’unmodèle de planification des transports, sur labase des hypothèses de développementurbains préparées dans le cadre du PDU etcohérentes avec les perspectives du Sdau. C’estle scénario volontariste en matière de transportcollectif qui a été retenu par les autorités, sur labase d’une analyse multicritères. Plusieursgrandes orientations en découlent à moyenterme. L’usage des modes de transport sera pro-fondément modifié, en s’appuyant sur un déve-loppement sensible des transports collectifs etune prise en compte accrue des modes doux(en particulier de la marche). Le parc automo-bile sera sensiblement amélioré afin de modé-rer les émissions de polluants, et la sécurité desdéplacements urbains sera accrue.

La part belle aux transports collectifsCes orientations tiennent compte de l’absenced’investissements importants dans le secteurdes déplacements urbains depuis le schémadirecteur de transport de Casablanca en 1976.Elles s’inscrivent dans une démarche pragma-tique de réhabilitation qui innove avec la miseen œuvre de modes de transports collectifs degrande capacité.Pour atteindre l’objectif d’un usage accru destransports en commun, une modélisation de lademande et de l’offre a été effectuée pour l’ho-rizon 2020. Elle a permis de dresser la structuredes principaux projets de développement destransports collectifs en site propre.

La structure du réseau à termeLe développement du réseau de voirie primaireest consécutivement limité à des aménage-ments de capacité pour les principales péné-trantes en périphérie (prolongement de l’auto-route urbaine en direction du sud-ouest, voiestructurante de 50 mètres au sud et rocade sud-ouest) et au franchissement de carrefoursimportants en créant des passages dénivelés.Ces orientations générales à court terme ontété traduites dans deux études de référence. Lapremière, sur la restructuration des transportscollectifs, a eu pour objectif l’améliorationimmédiate de l’exploitation du réseau en cor-rigeant les principaux défauts et en adoptantdifférents principes : non-concurrence entre lesopérateurs, couverture des lignes en périphé-rie et desserte optimale. Pour atteindre cesobjectifs et améliorer la vitesse commerciale, ila été recommandé de mettre en place 17 kilo-mètres de couloirs réservés au seul usage desautobus.La seconde, sur le plan de circulation, a pro-posé des mesures immédiates pour améliorer

la situation. Les textes réglementaires serontrepris pour être adaptés au contexte : définitionde zones de trafic rapide ou de stationnement,modération du trafic des camions, règlementsur le contrôle technique des véhicules, etc. Desrecommandations ont été faites en matière deconstruction de passages piétons sur les carre-fours et sur les voies à aménager, et en matièred’aménagement de couloirs de bus et de carre-fours jugés critiques. Cette étude vise égalementà améliorer l’accessibilité des grands généra-teurs de trafic (port de Casablanca et gare rou-tière Ouled Ziane), ainsi que la sécurité. Elledéfinit enfin un plan d’exploitation de la voi-rie primaire dans l’arrondissement de SidiBelyout.

Les actions déjà mises en œuvreLes prestations se sont achevées en 2009, à leurréception définitive. L’autorité organisatrice destransports dans la Région a été créée et passemaintenant à la phase opérationnelle. Les pro-positions à court terme issues du PDU ont étéfinancées dans le cadre du programme de miseà niveau des infrastructures de Casablanca(2,6 milliards de dirhams). Enfin, la premièreligne de tramway préconisée a fait l’objetd’études d’avant-projet en 2008 et d’exécutionen 2009, les travaux devant être engagés en2010 pour une mise en service en 2012. Dans lecadre des études d’exécution en cours, un soinparticulier est porté à l’insertion de la lignedans le tissu urbain et à la rénovation desabords du corridor desservi par ce tramway.

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Une croissance démesurée du parcautomobile de CasablancaLe recensement de 2004 montre que le parc automobile exploité de Casablanca comptait 335000 véhicules(+ 273 % par rapport à 1975) et que l’équipement des ménages est lié au type d’habitat (corrélé au niveau derevenus). Il varie entre 1,4 voiture/ménagepour la catégorie d’habitat « luxe », à 0,14 voiture/ménage pour les catégoriesd’habitat « nouvelle médina », « précaire » ou « informel ».Le parc de transports publics présentaitmoins de 1000 autobus de 90 places,exploités par 16 concessionnaires ; 7630 taxis urbains ; 5238 taxis régionaux.La « valeur sociale » des coûts des déplacements effectués montre la variation des coûts en dirham/passager/km de 1 (autobus urbain) à 12 (voitureparticulière).

Réseau de transport à l’horizon 2030 : cohérence du Sdau et du PDU

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L’ouverture du Maroc sur les grands fluxd’échanges internationaux de mar-chandises, son positionnement dans

l’économie mondialisée et la croissance conti-nue de la demande de transport, aussi bienpour les flux internationaux et nationaux quepour la distribution régionale et locale, placentle Royaume face à un défi d’une ampleur nou-velle. Conscient de l’atout que représente laproximité de l’Europe, du rôle déterminant dela logistique en tant que facteur de compétiti-vité nationale, mais aussi des faiblesses struc-turelles du secteur du transport de marchan-dises et de la logistique, le pays a engagéplusieurs réformes et entrepris des investisse-ments importants dans les domaines portuaire,autoroutier et ferroviaire.

Les ports, entre concurrence et complémentaritéAvec ses deux façades maritimes, le Marocaffirme une présence croissante sur la cartemondiale des grandes places portuaires. Unepolitique portuaire ambitieuse est menéedepuis quelques années. Elle porte tant sur lesports traitant des trafics de vrac que, plusrécemment, sur ceux traitant les trafics conte-neurisés. La construction d’un nouveau termi-nal à Jorf Lasfar, le plus grand port minéralierd’Afrique, ou la réalisation, engagée en 2001,du nouveau port en eaux profondes TangerMed(1), situé à 40 kilomètres à l’est de la ville entémoignent.L’avantage concurrentiel des ports relevant

aujourd’hui de plus en plus de la performancedes corridors de transport qui les desservent, leport de Tanger Med bénéficiera d’une dessertemultimodale de son hinterland(2). Le maillaged’un réseau d’autoroutes vers Casablanca etvers Tétouan est en cours de construction et leport sera surtout desservi par le réseau ferrénational. Ce projet portuaire, qui accueilledepuis 2007 les navires-mères de Maersk etdepuis fin 2008 les super porte-conteneurs deCMA CGM, s’accompagne de la création dequatre zones d’activités intégrées. La premièreest, par ailleurs, une zone franche logistique de130 hectares adossée au port et dédiée auxactivités logistiques.Tanger Med a été créé dans une perspectived’aménagement du territoire pour être unlevier de développement économique, notam-ment pour dynamiser les régions nord du pays.Cependant, sur ce secteur très concurrentiel dutrafic de conteneurs, le port de Casablancadevrait faire face et être plutôt complémentaire.Casablanca est le premier port du Maroc. Sontrafic total s’est établi à 24 millions de tonnes en2008 (26,3 MT en 2007) et son trafic de conte-neurs à près de 800000 équivalent vingt pieds(3)

(EVP) en 2008. Il s’agit là d’atouts incontourna-bles. C’est, en effet, dans les régions métropoli-

Le Maroc face au défi logistique

Le port de Casablanca : véritable porte d’entrée du monde dans la ville, il est un enjeu majeur du développement et de l’attractivitéde la métropole économique.

Lydia MykolenkoIAU île-de-France

Depuis plusieurs années, le Maroc a lancé des réformes et des investissements qui visent à renforcer la compétitivité de son secteur logistique et de son positionnement portuaire.Pour accompagner ces mutations, il faudra prendre en compte leur impact urbain tant à l’échellenationale que locale.

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Le Maroc en perspective : regards croisés

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(1) Le nouveau port pourrait, à l’horizon 2015, traiter 8 mil-lions d’équivalent vingt pieds.(2) L’hinterland, dans le domaine du transport maritime, estl’arrière-pays continental d’un port que ce dernier approvi-sionne ou dont il tire les marchandises qu’il expédie.(3) Unité de mesure standard d’un conteneur permettantd’élaborer des statistiques.

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taines où s’implantent les activités à forte valeurajoutée et les fonctions de commandement,que se localisent les principaux nœuds desréseaux internationaux de marchandises et lesservices qui les accompagnent. Les enjeux liésau port de Casablanca sont donc stratégiques.Sa modernisation fait l’objet d’un plan à courtterme (2010-2012), portant notamment surl’amélioration des accès portuaires et sur l’aug-mentation de sa capacité. Il est également aucentre d’un plan à moyen terme (2013-2015),portant en particulier sur le développement de l’activité conteneurs. Tanger Med a toutefoisété conçu pour les navires porte-conteneursnouvelle génération, ce qui n’est pas le cas duport historique de Casablanca. Ce dernier estconfronté à deux problèmes : celui de sonadaptation à la montée en puissance de laconteneurisation à grande échelle et celui deson fonctionnement en milieu urbain. Tout l’en-jeu consiste à faire coexister à Casablanca lesdéplacements liés au transport de fret et ceuxliés aux déplacements des personnes, et derésoudre la question difficile de l’aménage-ment de son territoire métropolitain en valori-sant l’atout exceptionnel que constitue son portmaritime, porte d’entrée du monde dans laville.

Des plates-formes multimodales pour l’hinterlandIncontestablement, les ports maritimes sontdevenus les principales portes d’entrée et desortie des marchandises ; leur rôle dans la struc-turation des flux terrestres est désormais déter-minant. De fait, l’optimisation de l’articulationdes différents types de flux – depuis les grandsflux internationaux et nationaux structurés parles grandes plates-formes multimodales jusqu’àla desserte des cœurs d’agglomération – etcelle des interfaces entre les modes sont inhé-rentes à l’amélioration de l’organisation dutransport de marchandises.S’agissant des grands flux internationaux, l’en-jeu principal se situe dans le développementsouhaité des échanges économiques entre leMaroc et l’Union européenne (UE). La partici-pation du Maroc en 2009 aux Journées du réseau transeuropéen de transport(4) (RTE-T)témoigne de l’importance de cet enjeu. Parmiles sujets évoqués pour l’extension du RTE-Tau voisinage de l’UE, figurent deux projets : laliaison fixe entre le Maroc et l’Espagne parGibraltar, déjà présentée à la Commission européenne en juin 2007 et l’axe ferroviaireAlgésiras-Tanger-Casablanca-Agadir. Ces projetsauront des conséquences importantes sur leséchanges entre le Maroc et l’Europe et donne-ront toute sa pertinence à la desserte ferroviairedu port de Tanger Med. Dans ce contexte, il

s’agira pour le Maroc de renforcer dans lesannées à venir le recours à ce mode de trans-port massifié. Cela permettra d’éviter que leréseau routier n’atteigne un niveau de conges-tion et de saturation au niveau de la dessertedes ports et des agglomérations urbaines, maiségalement de prévenir des dysfonctionnementsdans les chaînes logistiques, tout comme desimpacts environnementaux inacceptables.Certes, l’émergence de nouveaux schémas d’or-ganisation des flux s’appuiera sur des transportsrapides, souples et efficaces, et renforcera iné-vitablement la pertinence du mode routier.Celui-ci est déjà le mode de transport large-ment dominant (les trois quarts des flux demarchandises, hors phosphates, sont transpor-tés par ce mode), bien que les entreprises maro-caines soient encore loin des standards defonctionnement internationaux(5). Néanmoins,le mode ferroviaire est encore fortement utilisépour le transport de marchandises qui repré-sente 75 % de l’activité de l’Office national deschemins de fer (ONCF) ; 50 % du chiffre d’af-faires étant constitué par le transport des phos-phates, 25 % par l’activité fret (céréales, char-

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Les grands corridors de fret

(4) Compte-tenue de la croissance du trafic entre les Étatsmembres, l’Union européenne a adopté dès 1990 un premierplan d’actions, qui englobe tous les modes de transport, surles réseaux transeuropéens de transport (RTE-T). Une révi-sion du RTE-T a été effectuée en 2004 et a abouti à une listede trente axes et projets prioritaires. Les Journées mention-nées ci-dessus procèdent de ces discussions en vue de lafuture révision, prévue en 2014.(5) Conscient de cet enjeu, le Maroc a entrepris en mars 2003une réforme en faveur de la libéralisation des transports rou-tiers de marchandises et s’est doté d’un nouveau cadre légis-latif. Ceci devrait inciter les entreprises à s’aligner progressi-vement sur les pratiques de la concurrence.

ONCF, Iaurif, édition 2006 réactualisé par l’IAU îdF, 2010

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bon, bois, matériaux de construction,engrais…) et 25 % par l’activité voyageurs. Cettesituation est une grande chance pour le Marocqui doit tout faire pour la maintenir.Les difficultés que rencontrent les économiesdéveloppées qui ont misé sur le tout-routier aucours des trente dernières années pour favori-ser le report d’une partie des flux de marchan-dises sur le mode ferroviaire, prouvent à quelpoint la préservation de l’existant est essen-tielle. Les autorités marocaines l’ont bien inté-gré et ont inauguré en juillet 2008 la plate-formeferroviaire Casablanca-Mita(6), première dugenre. D’autres suivront à Fès, Marrakech et Tan-ger en vue de la constitution d’un réseau deplates-formes multimodales rail-route.

Une nécessaire articulation des fluxCe réseau devra reposer sur la mise en œuvrede liaisons ferroviaires massifiées au départ desgrands ports maritimes de Casablanca, Moham-media, Jorf Lasfar, Safi et Tanger Med, permet-tant l’acheminement et l’évacuation des mar-chandises. S’agissant des conteneurs, le réseauferroviaire devra permettre de connecter leszones logistiques prévues à proximité immé-diate des ports de Tanger Med et de Casablanca(ce qui est déjà le cas avec la plate-forme Casa-blanca-Mita) et avec les grandes plates-formesrégionales dont la vocation est la desserte dubassin de consommation et de productionindustrielle des grandes agglomérations dupays.Mieux articuler les flux passe donc par la créa-tion de quelques grandes plates-formes logis-tiques qui, à partir des ports maritimes, oriente-ront et structureront d’autant plus les flux demarchandises qu’elles seront multimodales.Ces grandes plates-formes dédiées aux fluxinternationaux et nationaux doivent êtreconnectées aux plates-formes de distribution,situées idéalement en périphérie immédiatedes agglomérations. La demande pour de telssites, qui peuvent intégrer une fonction destockage plus ou moins importante, se dévelop-pera fortement dans les années à venir, àmesure de l’externalisation de cette fonctionpar les chargeurs. Leur localisation doit êtreorientée par les schémas d’aménagement afinde ne pas laisser les multiples acteurs – char-geurs, transporteurs, organisateurs du transport,distributeurs – les mettre en œuvre en fonctionde leur seule logique.Seule une implantation raisonnée en fonctiond’une articulation optimale et hiérarchisée desflux et des plates-formes minimisera les effetsnégatifs en termes de congestion et de nui-sances environnementales qui pourraient résul-ter d’accès routiers insuffisamment dimension-nés ou de mauvaises connexions au réseau de

voirie à grande capacité (autoroutes ou routesnationales), ainsi que les nuisances sur le voisi-nage.

Inventer une logistique urbaine moderneet exemplaireSi la distribution urbaine est encore majoritai-rement assurée par les souks et les petits com-merces, la grande distribution se développeprogressivement(7) en captant une part de plusen plus importante de la consommation. Cetteévolution s’appuie sur une nouvelle organisa-tion des flux logistiques avec, notamment, lepassage des marchandises par des plates-formes d’échange.Or, les grandes agglomérations marocaines nedisposent pas aujourd’hui de tels sites – qui nesont pas des lieux d’entreposage, mais des lieuxde passage entre un transport de masse et desvéhicules de livraison de taille plus réduite –spécialement conçus pour accueillir ces activi-tés. Bien plus, compte tenu de la rapidité desmutations urbaines en cours, l’action des pou-voirs publics est indispensable pour en favori-ser l’implantation au plus près des zones à des-servir. En effet, la pression foncière croissanteinduira l’éviction des fonctions logistiques loindes cœurs d’agglomération. Elles s’implante-ront en fonction des opportunités qui se pré-senteront, sur des sites peu ou pas adaptés,entraînant une augmentation des trajets. Le« dernier kilomètre », celui de la livraison descommerces et des marchés, s’allongera sur plu-sieurs kilomètres, voire sur plusieurs dizainesde kilomètres, entraînant congestion, pollutionet coût supplémentaire de transport.Pourtant, il est intéressant de noter qu’il existeencore aujourd’hui, dans le cœur des villes, denombreux espaces de stockage. Pour vétustesqu’ils soient souvent, ces espaces dont la logis-tique urbaine a besoin (qui sont des petitsespaces, de quelques hectares au maximum)sont particulièrement stratégiques et doiventêtre préservés. Leur mutation en véritablesplates-formes logistiques urbaines, c’est-à-direse caractérisant par une utilisation du sol com-patible avec les densités urbaines, s’insérant demanière harmonieuse dans le tissu urbain etmutualisant les flux pour le dernier kilomètre,est à inventer. C’est en effet au prix d’une solu-tion immobilière et organisationnelle inno-vante qu’ils pourront contribuer au développe-ment d’une distribution moderne au servicede l’attractivité des centres urbains.

(6) Casablanca Mita est le premier «port sec» sous douanedu Maroc. Situé à 6 kilomètres du port, il se compose d’unchantier multimodal de 8 hectares et d’une zone logistiquede 32 hectares.(7) Voir dans ce numéro des Cahiers, TAZI Kawtar, « Une arma-ture commerciale en pleine évolution », p.66.

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Vers une mobilité durable

Le Maroc face au défi logistique

Le Maroc en perspective : regards croisés

Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

Une réflexion organisationnelleinnovante doit être menée,notamment sur « le dernierkilomètre » de livraison, pour contribuer au développementd’une distribution moderne au service de l’attractivité des centres urbains.

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Les villes marocaines face au changement climatique

Une réglementation parasismique pour le Maroc

Les défis de l’eau : le bassin du Souss

Des plans verts pour les villes marocaines

Développement et gouvernance des services publics urbains

L’environnement :l’enjeu de l’aménagementde demain

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Le changement climatique en cours, ainsique son accélération dramatique due àl’intensité croissante des émissions de

gaz à effet de serre (GES), est désormais incon-testable. L’envergure de ce changement, dontles impacts se manifestent déjà de multiplesmanières à travers le globe, dépendra essentiel-lement dans l’avenir de la capacité de limiterces émissions. Le degré de concentration desGES dans l’atmosphère provoque, en effet, uneaugmentation sensible de la températureambiante. Selon les scientifiques, si cette aug-mentation se limite à deux degrés, il sera possi-ble de limiter les dégâts et d’adapter la vie dela planète à ce nouveau régime climatique. Au-delà de ce seuil, les conséquences seront trèssévères voire, pour certaines régions du monde,catastrophiques.

Les prévisions du changement climatiqueau MarocDe par sa position géographique, le Maroc faittrès certainement partie des régions qui serontles plus affectées par le changement clima-tique. Les modèles de circulation globale etrégionale, ainsi que des travaux détaillés deMétéo Maroc, l’agence nationale de météorolo-gie, en collaboration avec la Banque mondiale,confirment que le pays devra faire face à uneforte baisse de la pluviométrie et à une hausseimportante de la température ambiante dansles décennies à venir. Ces données, dans leursestimations actuelles, sont consignées dans laseconde communication nationale du Maroc à

l’Agence des Nations-unies chargée du chan-gement climatique, préparée par le secrétariatd’État à l’Eau et l’Environnement avec l’appuidu Programme des Nations unies pour le déve-loppement (PNUD) avant la conférence deCopenhague de décembre 2009(2).Selon ces travaux, d’ici 2030, le Maroc ferait faceà une diminution de 8 % à 14 % de sa pluviomé-trie et à une augmentation d’au moins 1,6 °C desa température ambiante moyenne. Ces chan-gements auront des conséquences importantessur les écosystèmes, sur les activités produc-tives, sur la population, ainsi que sur les établis-sements humains, urbains et ruraux du pays.La variabilité régionale de ces transformationsest assez large, en fonction des différentes zonesclimatiques du Maroc. Cependant, les opéra-tions de « descente d’échelle », c’est-à-dire derapprochement des données globales avec lesconditions climatiques particulières d’un sitespécifique conduites par Météo Maroc, permet-tent de préfigurer d’une façon approximativele climat à venir dans les différentes zones dupays, y compris dans les villes. Il apparaît queles zones côtières marocaines seront affectéespar l’augmentation du niveau de la mer, esti-mée entre dix et vingt centimètres à l’horizon2030, ainsi que par l’intensification de l’érosion

Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

L’environnement : l’enjeu de l’aménagement de demain

Les villes marocaines face au changement climatique

Les séismes, comme ici en 2004à Al Hoceima, endommagentfortement l’espace urbain et nécessitent des mesures de prévention.

Anthony Gad Bigio(1)

Banque mondiale

Le changement climatique et les émissions de gaz à effet de serreauront de plus en plus d’impacts sur le territoire, notamment sur les villeset le littoral marocains. C’est pourquoi il est indispensable d’anticiper au mieuxles conséquences et d’identifier les mesures d’adaptation nécessaires.Le défi est donc de concevoir, dès aujourd’hui, une urbanisationadaptée au climat et aux modes de viedes usagers.

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(1) Anthony Gad Bigio est spécialiste principal en urbanismeà la Banque mondiale.(2) Secrétariat d’État à l’Eau et l’Environnement, Secondecommunication nationale du Maroc sur les changements cli-matiques, Convention-cadre des Nations unies sur les chan-gements climatiques, Rabat, 2009.

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côtière et des effets de houle. Les phénomènesmaritimes se manifestent déjà de manièreimportante et préoccupante sur plusieurs par-ties du littoral.

Des impacts qui menacent les villesmarocainesToutes les villes marocaines risquent d’être tou-chées par les impacts du changement clima-tique, mais à différents degrés selon leur zoneclimatique d’appartenance, leur position géo-graphique, leur taille et leur morphologieurbaine. Certaines vulnérabilités sont, cepen-dant, communes à la plupart des villes et ris-quent de se manifester fortement au cours desprochaines décennies.

Les inondations urbainesDans un contexte de diminution de la pluvio-métrie totale annuelle, le changement clima-tique induit une concentration de la distribu-tion temporelle de la pluviométrie. Desépisodes extrêmes de pluies torrentiellesconcentrées dans un temps très limité sont deplus en plus fréquents, avec le risque de dépas-ser la capacité des systèmes de drainageurbain. La pression de l’urbanisation ainsi quela présence d’habitat informel limitent actuel-lement la capacité de préserver, à l’intérieur desvilles, des espaces libres de construction pourabsorber une partie de la pluviométrie excé-dentaire en cas d’orages prolongés. Les inon-dations de novembre 2008 dans plusieurs villesmarocaines ont augmenté la visibilité de cerisque urbain majeur.

Une température ambiante plus élevéeL’augmentation de la température ambiantesera plus importante encore dans les agglomé-rations urbaines qui sont normalement affec-tées par un « îlot de chaleur », c’est-à-dire parun différentiel de température entre la ville etson espace rural avoisinant. Celui-ci est dû àl’importance des surfaces minéraliséesurbaines et à la rétention de chaleur par lesbâtiments. L’augmentation de température res-sentie en plein été dans certaines villes maro-caines, comme Tanger et Ourzazate, pourraainsi atteindre 4 °C ou 5 °C. En outre, les vaguesde chaleur saisonnières pourront se produireplus fréquemment et la pollution atmosphé-rique de l’air empirera.

Des ressources en eau en diminutionLa baisse de la pluviométrie attendue au niveaunational se répercutera sur le débit des bassinsversants qui alimentent les villes, soit directe-ment, soit par le biais d’un réservoir importantou d’un barrage. La rareté relative de la res-source en eau augmentera la nécessité d’arbi-

trages entre usages ruraux et usages urbains.Cela se traduira par une pression pour une uti-lisation plus rationnelle de la ressource et parla réduction des gaspillages et des pertes surles réseaux. La baisse des nappes réduira ledébit des forages et des puits et accroîtra lerisque d’infiltration d’eau saumâtre à proximitéde la mer.

Les vulnérabilités du littoralLes villes côtières subiront les impacts de l’élé-vation du niveau de la mer, de l’érosion côtièreet des effets de houle sur les infrastructures por-tuaires, les plates-formes logistiques, lesdéfenses côtières, les espaces naturels tels queplages ou zones vertes, et les écosystèmes desestuaires fluviaux. Ces impacts sont souventintensifiés par les effets des houles maritimes.Ce fut le cas lors des inondations de Moham-media en 2003 : l’évacuation dans la mer degros volumes d’eau pluviale transportés par lesystème de drainage et l’arrivée de vagues vio-lentes empêcha l’évacuation rapide. L’érosioncôtière, déjà marquée dans plusieurs zonesurbaines et notamment à Casablanca – causéepar le prélèvement de sable maritime ou parles courants – sera sans doute intensifiée parl’élévation du niveau de la mer.Un premier travail sur ce sujet a été finalisé en2007 dans le cadre d’un projet financé par lePNUD sur les impacts possibles de l’élévationdu niveau de la mer sur la ville de Tanger et surle littoral côtier de Saïdia(3). Il répondait à uneinquiétude croissante quant à la vulnérabilitédes villes et des zones côtières marocaines quiconnaissent actuellement d’importants inves-tissements touristiques. Depuis 2009, une nou-velle étude régionale de la Banque mondiale(4)

couvre la zone métropolitaine de Casablanca,ainsi que la vallée du Bouregreg entre Rabat etSalé. Elle a pour objectifs de prévoir les impacts

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L’élévation du niveau de la merintensifie le phénomène d’érosioncôtière.

(3) SNOUSSI M., M’HAMMEDI N., BOUTAYEB, KHATTABI A., BOUMEAZA

T. et OUCHANI T., « Évaluation de l’impact et de l’adaptationdes zones côtières marocaines face aux changements cli-matiques», Matee/Unep, 2007.(4) Vulnérabilité et adaptation des villes d’Afrique du Nordau changement climatique et aux désastres naturels, étuderégionale de la Banque mondiale couvrant le Maroc, la Tunisie et l’Egypte, menée par un groupement composé del’IAU îdF, Egis-BCEOM international et BRGM, Paris, 2009.

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du changement climatique et les risques dedésastres naturels à l’horizon 2030, et d’identi-fier les mesures d’adaptation nécessaires. Lesecrétariat d’État à l’Eau et l’Environnement,chargé des études sur le changement clima-tique, souhaite d’ailleurs poursuivre cetteréflexion avec des études similaires sur Tanger,Mohammedia, Agadir et Nador.Dans le contexte des villes marocaines, il estimportant de souligner le lien entre la vulnéra-bilité urbaine et la présence d’habitat informel.Les bidonvilles sont souvent construits dansdes ravines ou sur des pentes accentuées, doncsur des sites plus vulnérables que d’autres auxinondations et aux glissements de terrains. Lesquartiers lotis irrégulièrement, malgré la qua-lité souvent correcte des constructions, sontdépourvus de réseaux, et notamment de sys-tèmes de drainage, ce qui les rend plus vulné-rables aux inondations urbaines.

L’adaptation des villes marocaines au changement climatiqueL’identification des mesures d’adaptation auxvulnérabilités susmentionnées passe par uneanalyse basée sur des projections les plus fia-bles possibles concernant l’importance futuredes impacts du changement climatique pourchacun des sites. Les études prospectives sur leclimat souffrent d’une grande incertitude liée,d’une part, à la difficulté d’obtenir pour un sitespécifique des données fiables venant desmodèles de circulation globale ou régionaleet, d’autre part, aux évolutions possibles du cli-mat selon le niveau d’émissions de GES à venir.Néanmoins, certaines mesures peuvent êtreconsidérées comme appropriées et nécessairesmalgré l’incertitude actuelle des projections.Le renforcement des systèmes de drainageurbain en fait certainement partie, vu la ten-dance confirmée à l’augmentation de la fré-quence et de l’intensité des précipitationsextrêmes. La mise en place d’un « urbanismeprécautionnaire» qui tiendrait bien compte desrisques naturels et des vulnérabilités clima-tiques des sites à urbaniser paraît égalementessentielle. La résorption de l’habitat insalubre,qui a déjà des motivations sociales et urbaines

évidentes, est devenue plus urgente dans cecontexte de risques accrus. Les villes maritimesdevront être en mesure de prévoir et de réaliserla surélévation des structures portuaires et desdéfenses maritimes, ainsi que la protection desressources naturelles et des zones humides, pre-mière barrière de défense des zones habitéescontre les nouvelles menaces. La mise en placeou le renforcement de systèmes d’alerte, d’infor-mation et de préparation de la population rési-dente, et d’intervention d’urgence en cas decrise sont aussi essentiels pour réduire la vulné-rabilité urbaine.

Les émissions urbaines de gaz à effet de serre et leur atténuationLes villes consomment en moyenne jusqu’à70 % de l’énergie d’un pays et produisent laplus grande partie de son PIB. À défaut de don-nées spécifiques concernant le Maroc à cetégard, on peut supposer qu’indirectement lesvilles marocaines contribuent à la majorité desémissions de GES liées à la production d’éner-gie par des sources non-renouvelables. Toute-fois, le Maroc a lancé ces dernières années desinvestissements importants dans la générationéolienne et solaire d’électricité, ce qui contri-bue à réduire le volume total des émissions,ainsi que la facture pétrolière nationale.Pour atteindre ces deux objectifs stratégiquesd’importances globale et nationale, il est néces-saire de se tourner également vers les « gise-ments » urbains d’efficacité énergétique, dansles domaines de la production industrielle, dela mobilité, de la distribution d’eau potable etdu traitement des eaux usées, de la gestion desdéchets et du bâtiment. Chacun de ces sec-teurs, dans son fonctionnement actuel, offredes opportunités importantes pour l’introduc-tion et l’utilisation d’énergies renouvelables etpour une plus grande efficacité énergétique.Le ministère de l’Énergie et des Mines œuvre,avec les autres ministères concernés, pour l’éta-blissement de programmes innovants, notam-ment par le biais du Centre pour le développe-ment d’énergies renouvelables (CDER). Lamajorité de ces programmes touche à l’espaceurbain, et le ministère de l’Habitat, de l’Urba-nisme et de l’Aménagement de l’espace tra-vaille à la mise en place d’incitations appro-priées dans les domaines de l’urbanisme et dela construction. Le holding Al Omrane, principalgroupe public d’aménagement urbain et deréalisation de programmes publics d’habitatsocial, œuvre également pour l’introductiond’approches innovantes dans ses projets. Il estimportant de rappeler le travail du Fondsd’équipement communal (Fec) qui gère, surune base internationale, la commercialisationdes «crédits carbones» marocains issus de pro-

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L’environnement : l’enjeu de l’aménagement de demain

Les villes marocaines face au changement climatique

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À Agadir, des quartiers d’habitat informel

construits dans des ravines ou sur de fortes pentes,

sont plus exposés aux inondationset aux glissements de terrain.

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jets d’utilisation des énergies renouvelables etd’efficacité énergétique dans tous les secteursde l’économie.

L’urbanisation à l’horizon 2030 : un défi et une opportunitéSelon l’étude prospective « Maroc 2030 » duHaut-commissariat au Plan (HCP), le payscomptera alors dix millions de citoyens urbainsde plus (66 % de la population). L’ensemble dela croissance démographique nationale à l’ho-rizon 2030 sera donc concentré dans les villes.Ceci représente un défi supplémentaire, maisaussi une opportunité quant à la relation desvilles à l’égard du changement climatique.Tout d’abord, il sera important de préfigurer lalocalisation de cette croissance urbaine. Si laconsolidation de la dorsale atlantique urbaine,d’El Jadida au sud jusqu’à Kénitra au nord enpassant par Casablanca et Rabat-Salé, paraît unacquis, tout comme la croissance urbaine dupôle urbain de Tanger-Tétouan, plusieurs scé-narios sont possibles pour les capitales régio-nales et les villes moyennes de l’intérieur. Lavulnérabilité de ces centres urbains dépendantnotamment de leur localisation géographique,elle mérite d’être mesurée comme un des fac-teurs favorisant le développement de certainesvilles plutôt que d’autres. En outre, les prévi-sions d’urbanisation du HCP devront probable-ment être revues à la hausse en raison de l’ac-célération du dépeuplement rural due auximpacts futurs du changement climatique.

Concevoir une urbanisation mieux adaptée au climatPour traduire le défi de cette productionurbaine pour dix millions de Marocains urbainssupplémentaires d’ici 2030 en opportunité, deschangements profonds devront s’opérer dans lamanière de concevoir la ville et de la réaliser àtoutes ses échelles de la part des autorités res-ponsables de l’aménagement du territoire etde la planification, des promoteurs immobi-liers, des architectes et des usagers.En premier lieu, la localisation des villes nou-velles et des extensions urbaines devra davan-tage tenir compte des contraintes climatiqueset des vulnérabilités de chaque site. Si d’autresconsidérations d’ordre foncier, de planificationrégionale et d’accès aux infrastructures princi-pales interviendront forcément dans ces choix,il sera désormais essentiel de garantir que lesinvestissements de long terme seront réalisésdans des localités moins affectées par lesimpacts du changement climatique.En second lieu, des choix de morphologieurbaine appropriée devront être faits à chaquefois qu’un plan d’aménagement ou de lotisse-ment sera conçu et approuvé. Les tissus urbains

denses et compacts offrent généralement plusde qualités urbaines et sont bien moinsconsommateurs d’énergie que les quartiers«modernes», composés d’immeubles isolés deplus grand volume. Ces derniers induisent lasuprématie de la circulation véhiculaire et sontplus exposés à l’ensoleillement direct.Traditionnellement, au Maroc, le bien-être et leconfort intérieur des habitations étaient obte-nus grâce à une conception architecturale età un usage de matériaux adaptés au climat, etnon par climatisation artificielle. Si l’objectif deprotéger les constructions d’un climat plusagressif, tout en minimisant la consommationd’énergie électrique, devient une source d’ins-piration pour les concepteurs, apparaîtra unenouvelle génération d’architecture bioclima-tique, insérée dans des éco-quartiers adaptésau contexte culturel et social marocain.Finalement, la modernisation des infrastruc-tures urbaines, et leur extension qui accompa-gnera la croissance des villes, devront prendreen compte les soucis de l’efficacité énergétiquepour contribuer à la création de villes durables.Ces mêmes préoccupations devront se traduirepar des choix appropriés de matériaux deconstruction, par la généralisation de l’isolationthermique et par l’utilisation systématiqued’énergies renouvelables et de systèmes d’effi-cacité énergétique dans la construction.

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Schéma directeur d’aménagement de l’aire urbaine de Nador

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Les villes côtières comme Nadordéveloppées autour d’une sebkha(lagune) sont les plus exposées aux phénomènes du changementclimatique.

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L’impact des séismes sur les constructionsLes dégâts liés aux séismes affectant le secteurde la construction dépassent 50 % des pertestotales. La sismicité au Maroc est considéréecomme «modérée à faible», malgré des séismestrès destructeurs, comme celui d’Agadir en1960, de magnitude 5,8. Il a causé plus de 12000morts et détruit 70 % des constructions, cau-sant 290 millions de dollars de dégâts.Plus récemment, le séisme d’Al Hoceima, sur-venu en février 2004, a montré qu’en milieuurbain, seules les constructions non réaliséessuivant les règles de l’art n’ont pas résisté auxsecousses. La médiocrité et la fragilité desconstructions traditionnelles en milieu ruralont engendré d’énormes pertes humaines etmatérielles. Les dégâts ont été très lourds entermes de coûts de reconstruction pour la pro-vince d’Al Hoceima.

La réglementation parasismique : un précieux moyen de prévention ?On ne peut pas éviter l’exposition au risque deséisme, mais on doit essayer de l’anticiper etde s’y préparer. Ainsi, à chaque tremblement deterre, la réglementation parasismique est enri-chie et modifiée. Cette dernière, basée sur legénie parasismique, permet d’évaluer les forcessismiques latérales à prendre en compte dansle dimensionnement des bâtiments.Au Maroc, cette réglementation n’a pris nais-sance qu’après 1960 : le premier règlementparasismique (RPS), qui couvrait uniquementla région d’Agadir, s’intitulait « normes Agadir1960 ». Depuis, plusieurs projets de RPS cou-

vrant le territoire national ont été rédigés, maisn’ont pu être approuvés pour des raisons tech-niques ou réglementaires.En 2000, le projet de règlement RPS 2000 appli-cable aux bâtiments a été commandé par ledépartement de l’Habitat. Négocié avec lesexperts nationaux et internationaux, il a été pré-senté à la communauté scientifique et tech-nique nationale, ainsi qu’aux professionnels dela construction et de l’habitat. En 2002, le RPS2000 instituant le Comité national du génieparasismique (CNGP) a été rendu obligatoirepar le décret n° 2-02-177 du 9 hija 1422(22 février 2002). Ce document fixe les règlesde calcul et de dimensionnement des struc-tures pour renforcer la tenue des bâtiments auxsecousses sismiques. Il édicte également desdispositions techniques de génie civil et deconception architecturale permettant aux bâti-ments de résister à toutes les intensités desecousses. Il s’applique aux constructions nou-velles et aux bâtiments subissant des modifica-tions importantes, telles que des changementsd’usage, des transformations pour des raisonsde sécurité publique ou d’extension.Le domaine d’application du RPS 2000 couvreles structures en béton armé et en acier. Il répar-tit le Maroc en trois zones sismiques homo-gènes présentant le même niveau de risque. Lesbâtiments sont classés suivant leur importance,et les sols en fonction de leur nature.Sept ans après son entrée en vigueur, le RPS2000 est en cours de révision par le ministèrede l’Habitat, de l’Urbanisme et de l’Aménage-ment de l’espace, en partenariat avec l’univer-sité Mohammed V Agdal de Rabat.Suite à une enquête menée auprès des utilisa-teurs (bureaux d’études, de contrôle, archi-tectes, promoteurs, entreprises, laboratoires), leprojet de RPS 2000 révisé a été élaboré pourfaciliter son utilisation grâce à deux cartes sis-miques (accélération et vitesse du séisme), àde nouvelles données, à l’affinage du zonagesismique par site, et à l’amélioration du classe-ment des constructions.

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Une réglementation parasismiquepour le Maroc

À l’échelle internationale, les séismes font partie de la problématique générale des catastrophes naturelles les plus graves. Elles voient leur fréquence et leur intensité s’accroître avec le changement climatique. Afin de prévenir les conséquences majeures des séismes sur les espaces urbains et les populations,le Maroc a mis en place une réglementation parasismique évolutive.

Hayat Sabri(1)

Ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme

et de l’Aménagement de l’espace

Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

L’environnement : l’enjeu de l’aménagement de demain

Le Maroc en perspective : regards croisés

Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

(1) Directrice adjointe à la direction technique de l’Habitat.

Le séisme d’Al Hoceima a montré que, en milieu urbain,

seules les constructions n’ayant pas respecté les normesn’ont pas résisté aux secousses.

Le règlement parasismique permetdonc de réduire considérablement

les pertes dues aux séismes. © T

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Le bassin du Souss-Massa couvre unesuperficie de 28000 km2, réunissant qua-tre bassins versants principaux classés

par ordre d’importance : l’oued Souss, l’ouedMassa, les oueds côtiers Tamraght et Tamri, etla plaine de Tiznit-Sidi Ifni. Entre l’océan Atlan-tique et les montagnes du Haut Atlas et del’Anti-Atlas qui l’isolent du Sahara, ce bassin estcomposé d’un quart de zones de plaines et detrois quarts de zones montagneuses. Cetterégion se singularise par une formation végé-tale naturelle spécifique: l’arganeraie, dominéepar un arbre endémique(1) du Sud-Ouest maro-cain, l’arganier. La capitale régionale du GrandAgadir est implantée juste au nord de l’embou-chure de l’oued Souss. La population du GrandAgadir a été multipliée par 2,6 entre 1982et 2004, pour atteindre 678600 habitants(2).

Une ressource limitéeMalgré des précipitations faibles, le bassin duSouss est alimenté en eau grâce aux hautesmontagnes adjacentes. C’est le plus importantréservoir phréatique du Maroc, ce qui en a faitune des régions les plus fertiles du pays. Cetteressource a favorisé la prospérité d’Agadir, toutautant que sa position de carrefour maritimeet terrestre. Mais ce bassin est aujourd’hui sou-mis à des pressions conjuguées – sécheresse etaugmentation des prélèvements d’eau – ren-dant la situation critique.Compte tenu de la rareté des eaux superfi-cielles, le développement repose sur l’exploita-tion des eaux souterraines qui représentent

plus des trois quarts des volumes utilisés. Leniveau de la nappe du Souss baisse depuis lesannées 1970 à cause de sa surexploitation etde sa réalimentation aléatoire. Les prélève-ments d’eau souterraine ont été multipliés parplus de trois en trente ans, alors que le climats’asséchait. Sur cette période, des rabattementsde nappe de 10 mètres ont été courammentobservés, allant jusqu’à 65 mètres dans certainssecteurs(3). La réduction de la nappe entraînedes pertes de terres agricoles, et accroît le stresshydrique des couverts végétaux, notamment del’arganeraie. L’agriculture traditionnelle en zonebour(4) des piémonts et de la montagne pâtit dela sécheresse, ce qui pousse la population àl’exode rural.La construction de grands barrages-réservoirs,comme le barrage Youssef Ben Tachfine, per-met une certaine régulation entre les annéeshumides et les années sèches. Ces barrages derétention des eaux superficielles jouent un rôleimportant dans l’alimentation en eau potabledes villes et villages, dans le développementrural, ainsi que dans l’écrêtement des crues. Ilspermettent d’irriguer environ 34 000 hectareset d’apporter une recharge artificielle à lanappe du Souss. Ils sont complétés par de petitsbarrages et des lacs collinaires.

Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

L’environnement : l’enjeu de l’aménagement de demain

Les défis de l’eau : le bassin du Souss

L’embouchure de l’oued Souss a été récemment réhabilitée grâce à la mise en service de la stationd’épuration d’Agadir.

Christian ThibaultIAU île-de-France

Le Maroc a connu, depuis 1980, des périodes de sécheresse pouvantatteindre cinq années consécutives. La situation de la région du Souss est emblématique des défis à relever. La consommation d’eau accompagnantla croissance a considérablementaugmenté, et les prélèvements dépassentlargement la capacité naturelle de renouvellement. Les perspectives de développement sont conditionnéespar un partage et une gestion plus rationnelle de la ressource.

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(1) Espèce dont la répartition est circonscrite à un lieu. 80 %de l’arganeraie se trouve dans le Souss.(2) Soit un taux d’accroissement annuel de 4,5 %.(3) Cette baisse de niveau est estimée à 0,5 à 2 mètres par anen moyenne.(4) Au Maroc, le terme désigne une zone de culture sèche.

L’agriculture et le tourisme : deux secteurs majeurs de l’économierégionaleLes productions agricoles se répartissent envaleur comme suit : 34 % de maraîchage,28 % d’élevage, 25 % d’agrumes et 10 % de céréales. La superficie irriguées’étend sur plus de 134000 hectares. Elle est consacrée au maraîchage des primeurs et aux agrumes, qui représentent respectivement 70 % et50 % de la production et des exportationsmarocaines. L’industrie est dominée par le secteur agroalimentaire qui disposed’un fort potentiel de développement. Par ailleurs, Agadir pèse considérablementdans le tourisme international au Maroc :première ville touristique du pays, elle représente plus de 30 % de la capacitéd’hébergement. L’arrière-pays recèle un fortpotentiel de développement du tourismerural et de l’écotourisme.

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Le dessalement de l’eau de mer, devenu techniquement abordable, pourra réduire cer-taines tensions d’approvisionnement, mais nedédouane pas d’une recherche permanented’économies d’eau et du maintien des res-sources en eau douce, cruciales pour un amé-nagement équilibré du territoire.

Une gestion à rationaliserLes activités économiques locales sont tribu-taires des ressources naturelles difficilementrenouvelables que sont l’eau et l’arganier. L’aug-mentation des prélèvements d’eau est due audéveloppement de l’agriculture irriguée(5) et audéveloppement urbain et touristique.Le développement durable de la région duSouss-Massa est conditionné par une gestionrationnelle de l’offre et de la demande en eau.Cette gestion concerne tous les territoires(urbains/ruraux, plaine/montagne) qui doiventêtre solidaires, et mobilise de très nombreuxacteurs. Les défis de l’eau rejoignent ceux del’aménagement du territoire, ce qui a notam-ment motivé l’élaboration du schéma d’amé-nagement de l’aire métropolitaine d’Agadir(Satama)(6). En effet, les enjeux et les champsd’intervention sont multiples : favoriser l’infil-tration et freiner le ruissellement, éviter l’enva-sement des barrages, économiser l’eau, préser-ver sa qualité, concilier les usages, desserviréquitablement les populations en eau potableet assainissement.La durabilité de l’exploitation de la ressource,dans un contexte naturel défavorable, dépendà la fois de son renouvellement et de sa mobi-lisation (construction de nouveaux barrages,

ré-alimentation des nappes), de sa rationalisa-tion et de son économie (réduction de laconsommation). Différents scénarios à l’hori-zon 2020 ont été étudiés dans le cadre du plandirecteur d’aménagement intégré des res-sources en eau. Dans tous les cas, la demandeen eau ne pourra être satisfaite que par la pour-suite d’une surexploitation des nappes et pardes restrictions en période de sécheresse. Lescénario le moins pessimiste réclame la mobi-lisation maximale des eaux de surface en mul-tipliant les barrages et en réutilisant des eauxusées pour l’arrosage non agricole, ainsi que leplafonnement des prélèvements.

Des actions à tous les niveauxLes activités, particulièrement agricoles et tou-ristiques, doivent réduire leurs prélèvements etleurs rejets polluants. Les produits agricolesactuels exportent l’eau d’une région où elle estrare. Des évolutions sont nécessaires afin del’économiser par la généralisation de la micro-irrigation, voire par la reconversion vers desproductions moins gourmandes en eau. Lefonctionnement des complexes touristiquessont également interpellés (xeriscaping(7) desespaces extérieurs, gestion des piscines et desterrains de golf).Le défi le plus difficile à relever est d’enrayer latendance générale à la dégradation des sols etdu couvert végétal afin de favoriser le renouvel-lement de la ressource. Les aménagements desbassins versants et les modes de gestion de l’es-pace propres à réduire les vitesses d’écoule-ment des eaux pluviales et l’érosion des solssont à généraliser. Depuis 1998, la mise en placede la réserve de biosphère de l’Arganeraie parl’Unesco est un atout à valoriser pour concilierdéveloppement rural et maîtrise des pressionsanthropiques.Il faut également veiller à la préservation du litmajeur des oueds, qui sont des surfaces privilé-giées d’infiltration des eaux. L’accroissementde la sécheresse fait perdre la mémoire du litdes oueds. Conjuguée à la pression urbaine,elle conduit à des occupations urbaines ina-daptées qui font obstacle à l’écoulement natu-rel des eaux et augmente les risques de perteshumaines et de dégâts matériels.

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Les défis de l’eau : le bassin du Souss

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Références bibliographiques

• Site Internet de l’Agence du bassinhydraulique du Souss-Massa (ABHSM) :www.abhsm.ma

• Site Internet du secrétariat d’État chargéde l’Eau et de l’Environnement duRoyaume du Maroc : www.water.gov.ma

Les bassins versants de Souss-Massa

(5) L’agriculture irriguée consomme près de 95 % des res-sources en eau mobilisées sur le bassin.(6) Voir dans ce numéro des Cahiers, LASLAMI Abdelillah, SAID

Victor, « Satama : référentiel pour la métropole d’Agadir »,p 145. Lire également « Agadir, une vision territoriale inté-grée», Les Cahiers n° 152, Composer avec l’environnement,octobre 2009.(7) Technique de jardinage nécessitant peu d’eau et peud’entretien.

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Un contexte climatique semi-arideLes précipitations sont très irrégulières à la fois pendant l’année et d’une annéesur l’autre. Les régimes hydrologiques sont caractérisés par l’alternance de périodes de sécheresse et de fortepluviométrie, voire d’inondations. Les précipitations sont, par ailleurs,inégalement réparties entre les régions, la moyenne annuelle dépassant1000 millimètres dans les zonesmontagneuses du Nord ou se limitant à 300 millimètres dans le Sud, comme dans le Souss-Massa.

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Le barrage Youssef Ben Tachfine sur l’oued Massa permet de retenir les eaux superficielles, encomplément des eaux souterraines.

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La demande de la direction de l’Urba-nisme était fondée sur plusieursconstats : une carence généralisée des

villes en espaces verts, leurs difficultés à encréer de nouveaux ou à maintenir ceux quiexistent, et les besoins de la population. Ce diag-nostic soulignait également la complexité dela préservation des terrains non bâtis dans l’es-pace périurbain des villes. En effet, le rythmesoutenu de la croissance urbaine et les exten-sions d’urbanisation irrégulières, malgré l’effortd’élaboration de plans d’urbanisme, tendent àconsommer les terrains non bâtis. Le diagnosticprécisait enfin que, jusqu’alors, les espaces vertsexistants n’avaient pas fait l’objet d’études par-ticulières.L’expérience de l’Iaurif dans l’élaboration desplans verts en France était un atout majeur. Leplan vert de la région Île-de-France, ainsi qued’autres plans à des échelles communales etintercommunales, ont fait l’objet de présenta-tions et d’échanges techniques lors de la pre-mière mission. Cette dernière a abouti à l’élabo-ration d’une proposition pour l’établissementdes termes de référence des études prioritairesà lancer. Elle a pris en compte le contexte maro-cain en termes d’espaces géographiques et demoyens réglementaires, fonciers et financiers.

En effet, des études préalables à la réalisationde plans verts doivent être effectuées pour four-nir des outils de connaissance et de réflexionaux collectivités et aux techniciens en chargede la mise en place de l’élaboration de ces

plans verts. Elles constituent un document deréférence appelé à s’enrichir progressivementen établissant une typologie d’espaces vertsexistants, ainsi que des normes et des recom-mandations qualitatives adaptées au contextemarocain pour la création de nouveauxespaces verts. Cette démarche a mené à l’élabo-ration de recommandations concernant la réa-lisation de plans verts.

La typologie des espaces verts existantsAinsi, la typologie des espaces verts se déduitde relevés et d’états descriptifs des espaces exis-tants, reconnus ou de fait, renseignant sur leurlocalisation, leurs caractéristiques physiques etpaysagères, leur fréquentation et leurs usages,ainsi que leur situation administrative et finan-cière. En l’occurrence, ces relevés seraient réa-lisés sur plusieurs communes, dans des agglo-mérations différentes, représentatives de ladiversité géographique du Maroc et à desstades de développement et d’urbanisationplus ou moins avancés. Ces états seraient complétés par des informations relatives auxaspirations de la population – notamment desjeunes – recueillies dans les quartiers.Deux grandes catégories d’espaces seraientainsi analysées. La première concerne lesespaces verts urbains ouverts au public et lesespaces d’accompagnement d’équipements,

Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

L’environnement : l’enjeu de l’aménagement de demain

Des plans verts pour les villes marocaines

Les espaces verts permettentd’assurer un équilibre avec les espaces bâtis dans le tissu urbain et répondent à des besoins vitaux de vie socialeet de santé publique.

Nelly Barbieri(1)

Architecte urbaniste

La direction de l’Urbanisme du Maroc a sollicité l’appui technique de l’Iaurifpour la définition du concept de « plans verts » et pour le lancement des études afin d’établir des référenceset des normes propres au contextemarocain. Quatre missions(2)

ont été effectuées sur ce thème dans le cadre de la coopération franco-marocaine, avec le concours du service de coopération de l’ambassade de France au Maroc.

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(1) Ancienne chargée d’études à l’IAU îdF.(2) Ces missions ont été réalisées par Nelly Barbieri ennovembre 2000, en octobre 2001 et en mai 2002, et parCorinne Legenne en octobre 2003.

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notamment routiers, qui se présentent commedes îlots non construits imbriqués dans le tissuurbain, et qui pourraient jouer un rôle primor-dial comme équipements de loisirs. La secondecomprend les espaces verts et naturels péri -urbains multifonctionnels dont le rôle écolo-gique et de protection des ressources naturellesou contre les risques serait important à préciser.Il peut s’agir d’espaces verts de fait et non offi-ciels.Pour les espaces périurbains, leur connaissancepasse par une cartographie spécifique de l’oc-cupation des sols, complétée par d’autres don-nées d’environnement sur les sols, l’hydrologie,etc. La typologie résultante pourrait combinerl’occupation du sol et l’intérêt variable qu’ilsprésentent au regard de la protection de l’envi-ronnement ou de leur valeur économique. Ellenourrirait la réflexion des collectivités dans lechoix de ceux qui seraient à aménager pourles loisirs et la détente des habitants.La typologie déduite de ces relevés seraconfrontée aux indications en matière d’es-paces verts figurant dans les documents d’urba-nisme. Les données relatives aux coûts de créa-tion et aux coûts d’entretien seront ensuitereliées avec leur conception, leur fonction etleur fréquentation.Cette approche permettra d’orienter la concep-tion des espaces verts à créer, afin de la rendrecohérente avec les usages attendus et de limi-ter les coûts de gestion souvent très élevés. Ladisposition des surfaces minérales et végétalesdoit rendre l’entretien facile, sans diminuer laqualité des usages, et doit donner la primautéà l’espace végétal.

Les normes et les recommandationsqualitatives pour la création des espaces vertsUne fois le référentiel et la typologie desespaces verts constitués, il s’agira d’en tirer desconclusions en termes de politique d’espacesverts à généraliser à l’échelle nationale, poli-tique qui devrait s’inscrire dans un cadre pluslarge d’actions pour la nature et l’environne-ment. Cette politique comporterait des objec-tifs et des normes globales concernant essen-tiellement les espaces verts urbains etpériurbains. Devront également y être traités lesmoyens de sa mise en œuvre, en termes derègles d’urbanisme et de politique foncière.À la suite de ces travaux préliminaires, un guided’élaboration de plans verts sera réalisé. Il seradestiné à servir d’instrument technique d’ap-plication de la politique des espaces verts. Surla base d’un premier projet de guide, un planvert expérimental serait à réaliser afin de vali-der la démarche avant de la diffuser au niveaunational.

La deuxième mission a servi à examiner le pro-jet de termes de référence préparé par la direc-tion de l’Urbanisme pour réaliser le guide d’éla-boration des plans verts. Le programme de cetteétude comprenait également la réalisation d’unplan vert expérimental sur la ville de Safi. Lechoix s’est porté sur cette ville en raison desgraves risques naturels et industriels auxquelselle a été confrontée. Ils obligeaient à une réha-bilitation du site, à laquelle l’aménagementd’espaces verts devrait contribuer. Les termesde référence de l’étude à engager ont été pré-cisés et l’intérêt de Safi comme site pour l’étudeexpérimentale d’un plan vert a été confirmé.À la suite de la deuxième mission, l’étude duguide d’élaboration des plans verts comportantle plan vert expérimental de Safi a été confiée,par la direction de l’Urbanisme, à un groupe-ment d’architectes. Parallèlement, l’agenceurbaine de Kenitra-Sidi Kacem se proposait deréaliser l’étude du plan vert de sa ville.Ainsi l’examen du Rapport d’établissement dela démarche, première phase de l’étude faitepar les architectes chargés du guide et celui duplan de travail de l’agence de Kenitra, a permisde souligner les points importants de ladémarche à suivre.Le choix des villes pilotes est un enjeu majeur.Il devra représenter la diversité des villes duMaroc, du point de vue géographique – villecôtière, montagnarde, saharienne – et du pointde vue urbanistique, en prenant en compte lesdifférents stades de développement et les diffé-rents tissus urbains : médina, quartiers euro-péens et post-Indépendance, franges péri-urbaines.

Considérer la ville dans son ensembleTous les espaces existants devront être analy-sés. Il faudra également tenir compte desespaces situés en couronne périurbaine – utili-sés de fait par les jeunes pour les jeux de bal-lon –, qui présentent des opportunités pour defuturs espaces verts de loisirs.L’importance du référentiel des espaces verts aété rappelée. Il devra présenter, décrire et ana-lyser tous les espaces verts, les jardins remar-quables comme les jardins historiques, maisaussi les jardins plus modestes des périodescontemporaines et les espaces non aménagésqui servent actuellement d’espaces de jeux etde détente. En plus de leur description spatiale,leurs équipements devront être mentionnés,ainsi que les modalités de leur fréquentationet leurs usages.Dans un contexte de carence, les plantationsde l’espace public (rues et places) devront éga-lement être relevées. Elles assurent une pré-sence végétale dans la ville où elles apportentombre et fraîcheur et peuvent être, selon leur

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Des plans verts pour les villes marocaines

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Une politique nationale d’espacesverts permettrait de donner un cadre aux actions en faveur de la nature et de l’environnement.

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configuration, des espaces de détente enpériode chaude.Ces espaces reliés en réseau par des voiriesplantées d’alignements d’arbres constitueront,par leur complémentarité, un véritable plan vertd’agglomération. De cette façon, les carencesen espace vert d’un quartier pourront être com-pensées par d’autres à proximité dont l’acces-sibilité sera facilitée par le réseau vert ainsiconstitué.

Le niveau de dégradation des espaces vertsexistants sera abordé. Cette détérioration peutprovenir d’une défaillance dans la gestion, maisaussi de la conception des espaces dont lescoûts d’entretien sont élevés lorsque les amé-nagements ne sont pas en adéquation avec lafréquentation prévisible.La localisation des espaces verts est importantepour mettre en évidence l’inégalité de la des-serte par rapport aux densités de population.L’exemple de Rabat montre que les espacesverts se trouvent dans un environnementurbain de densité moyenne et rarement à proxi-mité des zones d’habitat populaire à forte den-sité.

Les opportunités foncières sont à préserver pour la créationd’espaces vertsLa problématique majeure pour créer de nou-veaux espaces verts est celle du foncier dispo-nible et de son coût. Parmi les terrains disponi-bles figurent les carrières, mais d’autresopportunités sont envisageables. Par exemple,les emprises d’équipements publics, notam-ment d’équipements scolaires, offrent des pos-sibilités pour qu’une partie des terrains soit

aménagée en espaces verts afin d’être ouvertsau public en fin de journée et pendant les finsde semaine, dans le cadre d’une convention.Ces études de terrain d’espaces verts ou ouvertsexistants utilisés par les habitants pour leurdétente sont indispensables pour construire latypologie de référence. Même si le nombre devilles étudiées est limité, il est fondamental derecueillir les données sur tous les espaces etnon pas sur un échantillon de cas jugés à priorisignifiants, et de faire apparaître la situation glo-bale dans sa réalité en plus des caractéristiquesde chacun des espaces.Les autres missions ont servi à poursuivre ladémarche et à apporter un regard extérieur surl’avancement des travaux du projet pilote deSafi et sur l’évolution des travaux de l’agenceurbaine de Kenitra.

Aujourd’hui, la problématique des plans vertsau Maroc est complètement intégrée dans lesréflexions et les démarches des décideurs etdes acteurs de l’aménagement et de l’urba-nisme. Cette question est d’ailleurs évoquéeclairement dans les nouveaux textes des pro-jets de réforme actuellement en cours dans cedomaine. Elle est abordée non seulement pourassurer l’équilibre et l’harmonie entre lesespaces bâtis et les espaces végétaux dans letissu urbain, mais surtout en termes de besoinvital pour la vie sociale et la santé publique,dans une vision de développement durable.Enfin, il est à signaler que la tradition maro-caine de création d’espace végétalisé au cœurdes maisons traditionnelles trouvera sûrementson écho dans l’espace public avec l’évolutiondu mode d’habitat et la modernisation du pays.

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Les espaces verts et les jnanates (jardins) sur les collines autour de la médinade Fès sont des atouts majeurspour assurer un équilibre et un contraste avec la densité des espaces bâtis. Ils dégagent de grands horizonsdepuis et vers la médina et font partie de la trame verte.

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L’urbanisation rapide(2) du Maroc prendmajoritairement la forme d’une exten-sion périurbaine des différents types

d’habitat, du haut standing international à l’ha-bitat social, avec des poches persistantes debidonvilles en cours de traitement(3).La référence aux Objectifs du millénaire et audéveloppement durable et humain a mis aujour la nécessité de retisser le maillage de l’ac-tion publique urbaine au Maroc. Engagé dansune dynamique de transition économiquerapide, le Royaume a entrepris ou étendudepuis quelques années la mise à niveau secto-rielle et territoriale des infrastructures des ser-vices en réseaux : électricité, eau potable, assai-nissement, transports, mais aussi salubritépublique, embellissement urbain, etc. Unevolonté politique, appuyée par Sa Majesté leRoi Mohammed VI, est à l’origine de l’exten-sion de ces biens communs, qui sont la clé pouraborder un développement urbain durable.Deux exemples illustrent particulièrement cettestratégie nationale.

Le plan national d’assainissementLe rattrapage des retards considérables enmatière d’assainissement et de dépollutionindustrielle a imposé le soutien de l’État. Danscette perspective, la commission interministé-rielle de l’Eau (CIE) avait recommandé, en2002, la mise en œuvre d’un programme natio-nal d’assainissement (PNA) et d’épuration deseaux usées. L’objectif de ce PNA est de permet-tre, à l’horizon 2020, l’accès de 80 % de la popu-

lation urbaine à un réseau d’assainissementassurant un taux d’épuration de 60 %. Le renfor-cement et la réhabilitation des réseaux exis-tants constituent un objectif connexe.Ce plan constitue un cadre permettant des sub-ventions importantes de l’investissement. Il illus-tre le réengagement de l’État comme concep-teur et assembleur des composantes d’unestratégie d’assainissement. L’Office national del’eau potable (Onep) assurera 80 % des projetset 50 % des investissements(4) du PNA. Celui-cidevrait générer une ressource fiscale de380 millions de dirhams et induire la créationde 10000 emplois dans le secteur du BTP dans260 villes(5). Une taxe d’assainissement sera

Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

L’environnement : l’enjeu de l’aménagement de demain

Développement et gouvernancedes services publics urbains

Les services urbains sont un enjeumajeur pour la population et l’environnement. Dans ce sens,un programme nationald’assainissement et d’épuration des eaux usées a été mis en place.

Claude de Miras(1)

Institut de recherche pour le développement

Pour accompagner une urbanisationactive, le Maroc développe une stratégiede mise à niveau généralisée desinfrastructures et des services urbains.Dans cette démarche, l’enjeu est triple :assurer le développement humain en luttant contre la pauvreté, organiser une gouvernance multi-acteurs pour articuler contraintes publiques et recouvrement des coûts, et assurer la coordination des projets de développement territorial dans le cadre de la décentralisation.

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(1) Économiste, directeur de recherche de l’Institut derecherche pour le développement. Affecté auprès de la direc-tion générale des Collectivités locales/direction de la Plani-fication de l’équipement du ministère de l’Intérieur, Hay RiadRabat.(2) La population marocaine croît de 1,48 % par an. Le tauxd’urbanisation est évalué en 2008 à 56 % et évolue à la hausseen moyenne de 1,8 % par an (estimation 2005-2010). Les deuxtiers de la population urbaine marocaine sont concentrésdans les villes de plus de 100000 habitants.(3) Le programme Villes sans bidonvilles (2004-2010), en rela-tion avec l’INDH, concerne 83 villes, 1 000 bidonvilles et280000 ménages pour un investissement total de 21,4 mil-liards de dirhams. Les ressources proviennent du fondspublic de solidarité habitat (financé entre autres par unetaxe prélevée sur les ventes de ciment) et de contributionsde bailleurs ou donateurs étrangers. Les bénéficiaires sontmis à contribution.(4) Les investissements du PNA s’élèvent à 43 milliards dedirhams sur la période 2006-2020.(5) Le PNA ne concernait pas les villes en régime de conces-sion avec des opérateurs privés, mais ce principe sembles’assouplir.

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demandée aux usagers en vertu du principedu recouvrement des coûts. Le bouclage défini-tif du financement est à l’étude.

L’Initiative nationale pour le développement humain (INDH) et le projet INDH-Inmae de la LydecLa Lyonnaise des eaux de Casablanca (Lydec)a mis en place en 2005 le département Inmae(6),dédié à l’application de l’INDH(7) à l’échelle duGrand Casablanca en matière d’accès aux ser-vices essentiels. Ce département travaille à larestructuration in situ des quartiers précairesciblés par l’INDH, en donnant accès auxréseaux à 85000 foyers. 69 % de l’investissementconcerne l’assainissement. Les ressourcesmobilisées proviennent du contrat de gestiondélégué (19 %), des bénéficiaires (12 %), despartenaires (11 %), des subventions et dons(7 %) et des communes (2 %). Ce montagefinancier laisse voir un besoin de financementà hauteur de 49 % du coût du projet.Au-delà des objectifs quantitatifs, le projetINDH-Inmae est caractérisé par la spécificitéde sa gouvernance et de son financement.D’une part, en mettant en avant les enjeuxsociaux stratégiques, le projet recherche, avecles administrations publiques et les instancespolitiques territoriales, les solutions les plus effi-caces. Ainsi, la gouvernance pro-active – ausens de coordination d’acteurs interdépen-dants – devient pour l’opérateur une activitéaussi stratégique que la construction techniquedes réseaux. D’autre part, le financement estdynamique ; le projet a débuté sans disposerde la totalité des fonds. L’adhésion des autoritéset de donateurs constitue une des conditionsde mobilisation de nouvelles sources de finan-cement. Sur ces principes, le bouclage finan-cier sera assuré à l’échéance du projet, mais ily a sans doute des enseignements réplicables àtirer de cette expérience unique por poor dontle financement – en régime de concession –est principalement de la responsabilité del’opérateur privé.L’INDH confirme ainsi le rôle d’interface del’État et de ses relais institutionnels. Elle attesteque la pleine efficacité des partenariats public-privé (PPP) suppose un engagement de l’ac-tion publique pour assurer le fonctionnementdes administrations concernées, ceci afin delimiter les coûts des transactions de type insti-tutionnel. Cette stratégie nationale de mise àniveau urbaine multisectorielle et multi-acteursvise la lutte contre la pauvreté, la stabilitésociale et l’attractivité internationale. Elle doitaffronter trois défis majeurs : la coordinationdes projets de développement territoriaux, leurgouvernance et leur financement.Coordination et gouvernance : la probléma-

tique de la coordination intra et inter-territo-riale devient centrale. Si la région et l’autoritédes walis sont le lieu stratégique de cette fonc-tion, le renforcement des capacités techniqueset institutionnelles de ce management régio-nal est au centre du projet de régionalisation encours de réflexion. Cependant, le rôle de l’auto-rité déconcentrée de l’État, dans le contexte deconstruction de la décentralisation, impliquequ’elle combine accompagnement, autonomi-sation et construction des compétences tech-niques des collectivités locales. Celles-ci ont,en vertu des chartes communales de 2002 etde 2008, la responsabilité des services publicslocaux. Après la question de l’électricité et del’eau potable, le Maroc s’attache aujourd’hui àtraiter celle des déchets solides et de l’assainis-sement. Les transports publics urbains, pluscomposites par la présence d’un secteur infor-mel important, évoluent de façon moinslinéaire, même si des infrastructures de tram-way se mettent en place. La préoccupationd’hygiène et de salubrité publiques émergeégalement, en réponse à des niveaux de vie enhausse et à une exigence touristique forte. L’ar-ticulation entre le privé et le public reste unedimension de l’extension de ces servicespublics locaux. Le questionnement a évolué :comment combiner régulation et efficacitééconomique et sociale ? Avec ses capacitéstechniques et commerciales, le secteur privédoit aller vers des PPP permettant de mettre enphase les conditions contractuelles et les choixstratégiques nationaux (décentralisation et sou-veraineté nationale).Financement : au-delà de la mobilisation del’aide au développement, les capacités natio-nales de financement s’apprécient en fonctiondes perspectives de croissance macro-écono-mique qui agissent sur le recouvrement descoûts auprès des clients et sur les recettespubliques.

En conclusion, la dynamique d’émergence duMaroc n’est plus seulement une conséquencede ses choix de croissance ouverte : elle peutaussi être un puissant facteur d’évolution encontribuant aux transformations structurellesde développement. Cette combinaison entrestabilité sociale et institutionnelle, et dyna-misme, favorisé par l’ouverture à l’internatio-nal et la hausse des revenus, font l’identité duMaroc en reflétant une évolution progressivedu contrat social.

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Références bibliographiques

• « Projet INDH-INMAE, 2009. Étatd’avancement des opérations », wilayadu Grand Casablanca, Lydec, Inmae,direction INDH-Inmae, version du30 juin 2009.

• MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR, MINISTÈRE DE

L’HABITAT, DE L’URBANISME ET DE

L’AMÉNAGEMENT DE L’ESPACE, « Cadred’orientation pour une stratégienationale de développement urbain»,forum national du développementurbain, Skhirat, 22 et 23 janvier 2009.

• BaNQUE MONDIALE, « Revue stratégique duprogramme national d’assainissement»,Banque mondiale, Bureau régionalMoyen-Orient et Afrique du nord,partenariat Banque mondiale/KFW,mai 2008.

• BaNQUE MONDIALE, « Royaume du Maroc :Mécanismes et flux de financement dusecteur de l’eau», Banque mondiale,bureau régional Moyen-Orient et Afriquedu nord, groupe développementdurable, avril 2008.

• DE MIRAS Claude, « Initiative nationalepour le développement humain etéconomie solidaire au Maroc. Pour unaccès élargi à l’eau et àl’assainissement», revue Tiers Monden° 190, août 2007, pp. 357-378.

• DE MIRAS Claude et LE TELLIER Julien, avecla collaboration de SALOUI Abdelmalik,Gouvernance urbaine et accès à l’eaupotable au Maroc. Partenariat public-privéà Casablanca et Tanger-Tétouan,L’Harmattan, coll. « Villes et entreprises,Isted », 2005.

• DE MIRAS Claude, Intégration à la ville etservices urbains au Maroc, Institutnational d’aménagement etd’urbanisme, Institut de recherche pourle développement, novembre 2005.

(6) Inmae signifie développement en arabe.(7) Initiative nationale pour le développement humain.

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Les services urbains au Maroc, une tradition à perpétuer.

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La qualité urbaine face aux enjeux de la ville de demain

La qualité architecturale, une tradition qui se perpétue

La place des quartiers Art déco dans les villes d’aujourd’hui

Le patrimoine au Maroc : l’enjeu identitaire à travers l’histoire

Vers une approcheglobale de la qualité de vie

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La qualité urbaine représente un enjeustratégique pour le développementurbain durable car elle met l’accent sur

les durabilités économique, sociale, écologiqueet culturelle.La durabilité économique, perçue sous unangle urbain, est une quête assidue de crois-sance économique soutenue, pourvoyeused’emplois urbains et de richesses. Cependant,dans un contexte de rareté, cette quête vise lamise en place d’un système de production etde consommation économe, notamment entermes d’énergie et de ressources, aussi bienfinancières que naturelles. De même, en abor-dant la durabilité économique, on ne peutnégliger la question de la mise en œuvre detout projet urbain ni les retombées attenduessur le développement économique local.La durabilité sociale évoque surtout le niveaudes prestations et des services rendus aucitoyen. Elle soulève la question de l’accessibi-lité aux différents lieux de la ville, aux multi-ples services (éducation, santé, assainissement,etc.), au logement, notamment à l’accès à lapropriété et à toutes les composantes spatialesde la ville. Ceci sans ostracisme ni discrimina-tion pour ne pas exacerber les distances entrecouches sociales et donner l’impression quela ville est faite pour certains et non pour l’en-semble de la population.La durabilité spatiale passe par une réductiondes disparités entre les différentes parties de laville. Elle crée une cohésion urbaine par l’es-pace public, ouvert ou fermé, comme lieu d’ex-

pression, de communication et d’intégration.La durabilité écologique se traduit par l’apti-tude du sol à l’accueil des différentes occupa-tions et par la pression que la cité exerce sur lesressources naturelles et l’environnement demanière générale.La durabilité culturelle est engendrée par lavalorisation de la diversité culturelle, atout etrichesse des villes composites.Les villes marocaines sont conscientes quel’avenir se fera inévitablement dans un soucide qualité urbaine. Elles ont déjà investi lemonde de l’entreprise en terme de fonctionne-ment, chassant l’improvisation et imposant unevolonté de bien faire dans la maîtrise du temps,et une adéquation entre les ressources et lescoûts.Le pouvoir public reconnaît, pour sa part, l’uti-lité d’une politique urbaine bâtie sur la qualitédes lieux au service des « faiseurs» de ces lieux,à savoir de ceux qui les pratiquent quotidienne-ment, les usagers.

La qualité des espaces : des facteurs multiplesLa qualité des espaces dépend tout d’abordd’une organisation spatiale bien conçue etrépondant aux normes techniques. Elle relèveaussi d’un ensemble de facteurs qualitatifs telsque la proximité, la mixité des fonctions et lapluralité des usages. L’aménagement harmo-

Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

Vers une approche globale de la qualité de vie

La qualité urbaine face aux enjeux de la ville de demain

Le réaménagement de la cornichede Casablanca participe à l’amélioration de la qualitéurbaine de l’ensemble de la ville.

Allal Sakrouhi(1)

Wali, directeur général des collectivités localesMinistère de l’Intérieur

Enjeu majeur d’un aménagementéquilibré, la qualité urbaine implique une réflexion globale sur l’espace,l’écologie, la gouvernance et l’usager.Avec des ressources limitées, réaliser des espaces de qualité répondant aux besoins croissants et favorisant la cohésion sociale et spatiale relèveparfois de l’exploit. Pour améliorerl’appropriation de l’espace et l’attractivitédes villes, le Wali évoque différentesfacettes de la qualité urbaine à travers le concept de durabilité.

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(1) Ancien Gouverneur, directeur de l’Agence urbaine duGrand Casablanca.

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nieux des espaces à usage multiple permetd’assurer une cohésion spatiale et sociale, ainsiqu’une articulation cohérente des différentesparties de la ville, celles-ci étant complémen-taires et non compétitives.Elle résulte enfin d’une meilleure insertion del’espace dans le contexte urbain global. Cetespace peut être une rue, une place, un quartieroù la qualité est recherchée non seulementdans le domaine de l’urbanisme, mais égale-ment dans celui de l’architecture. Ceci afin de concilier le fonctionnel, l’esthétique et l’éco-logique.La qualité des espaces est parfois inhérente auxsites ou au bâti lui-même. Il suffit, pour ne pas laréinventer, de la mettre en valeur et de la « re-qualifier », autrement dit, de lui restituer sa qua-lité originale mise à mal faute d’entretien ouparce qu’on a voulu pousser, pour des raisonssouvent spéculatives, à la dégradation. Le casde l’architecture Art déco à Casablanca illus-tre bien cette situation qui interpelle la gouver-nance.

La qualité des acteurs de l’espace urbainEn arrière-plan des durabilités invoquées précé-demment, on trouve l’intérêt accordé par ledéveloppement urbain durable au facteurtemps, à la rationalisation de la ressourcepublique et à la performance de l’action per-çue comme nécessairement collective et inté-grant des politiques sectorielles. Autant d’objets qui forment ce qu’on appelle la gou-vernance urbaine.La qualité urbaine exige manifestement unebonne gouvernance urbaine, autrement dit unpersonnel politique et technique qualifié. Ceuxqui font l’espace urbain se doivent d’être ani-més et guidés par un souci de pertinence de ladécision, de performance et d’efficience del’action. Ils doivent s’inscrire résolument dans

une démarche de développement urbain dura-ble. C’est, sans doute, à ce titre que le pouvoirlocal essaie d’investir le champ de la planifica-tion stratégique en définissant une vision et desobjectifs clairs et partagés avec tous les acteurscouronnés par un projet urbain qui se traduitpar une stratégie d’actions. Pour garantir la qua-lité de ce projet, il est fait appel à des compé-tences nationales et internationales aussi bienpour l’élaboration (IAURIF pour le schémadirecteur d’aménagement urbain du GrandCasablanca), que pour la mise en œuvre desprojets d’envergure (des architectes et urba-nistes de renommée mondiale sont sollicitéspour dessiner, programmer et contribuer à laréalisation de ces projets(2)). Cette entreprise seveut aussi associative et participative, accordantun intérêt particulier à l’attitude du citoyen,considéré comme sujet et destinataire de touteaction urbaine de qualité.

La qualité des usagers de l’espaceurbainCet aspect met en avant le rapport du citoyenà l’espace urbain. La perception du lieu danslequel il évolue influence nettement le senti-ment d’appartenance au territoire. La qualitéurbaine s’analyse ici comme la capacité derépondre aux demandes variées de l’usager :qualité de transport, de circulation et, demanière générale, accès aux services. Ces cri-tères forment la base de la grille de lecture etde jugement de l’action publique. Un desapports indiscutables de l’INDH(3) est sans

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La qualité urbaine face aux enjeux de la ville de demain

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(2) Voir dans ce numéro des Cahiers, ZEIGER Pauline et ZUNINO

Gwenaëlle « Casablanca : laboratoire de l’évolution urbaine »p. 33.(3) Initiative nationale pour le développement humain. Voirdans ce numéro des Cahiers, LOUCHART Philippe et SAIGAULT

Jean-François, « Le Maroc d’aujourd’hui : dynamisme etouverture » p. 8.

La qualité urbaine s’apprécieégalement par la cohabitation des usages et l’appropriation de l’espace par les habitants. Lu

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doute le bouleversement qu’il a entraînéautour de la notion d’équipement public. En effet, l’introduction d’une nouvelle gammed’équipements de proximité appelle une relec-ture de la grille normative des équipementspublics : la proximité prime désormais sur lesparamètres approximatifs de superficie et denombre.Il faut souligner aussi le rapport du citoyen àl’espace public qu’il n’arrive pas à s’approprier.Il est significatif de constater que le mode d’ha-biter fait prévaloir le dedans sur le dehors, rap-pelant le modèle introverti des anciennes médi-nas dans la manière de construire, y comprisdans les agglomérations modernes. L’espaceprivatif est nettement supérieur à l’espacepublic, lieu de rejet au sens propre comme ausens figuré du terme.Cependant, en se promenant dans des quar-tiers d’habitat économique où la maison maro-caine est dominante, on est frappé par la qua-lité de vie dans le quartier ou le derb, unité devoisinage très appréciée au sein de laquelle setissent des liens solides avec l’espace vécu etoù se déroule une vie sociale, collective trèsforte. C’est cette culture du quartier que leshabitants des ensembles immobiliers essaientde réinventer.Mais de manière générale, hormis ces quelquescas d’appropriation de l’espace, on ne peutéchapper au constat selon lequel le citoyen secantonne à observer l’action publique, parfoisdans l’indifférence et dans la critique; le niveaud’exigence vis-à-vis de la qualité des servicespublics est croissant de la part des usagers.Cette insatisfaction est sans doute l’une deslimites de la qualité urbaine.

Les limites de la qualité urbaineLa qualité est par définition l’aptitude à répon-dre à des besoins exprimés ou implicites d’unefaçon satisfaisante. Or, l’action urbaine fait faceà l’accroissement de la pression des besoinssociaux dans un contexte d’insuffisance de res-sources. Elle ne cache pas non plus son incapa-cité à répondre aux demandes formulées par lecitoyen, très attentif à ce qui se passe dans lespays occidentaux et dans d’autres villes dupays, et qui devient de plus en plus exigeant.Une culture basée sur la qualité urbaine est entrain de se développer. Il n’en demeure pasmoins que l’amélioration qualitative desespaces urbains doit susciter, en retour, uneréactivité positive et un changement de com-portement du citoyen et l’inciter à une appro-priation de l’espace dans lequel il évolue.La qualité urbaine fait donc partie du domainedu possible et, compte-tenu de la charge et afinde juguler la tension entre ressources limitéeset besoins croissants, le pouvoir politique setrouve contraint de «prioriser» ses actions, opé-rant une différenciation entre les besoins et lesréponses.

In fine, le travail sur la qualité urbaine est fon-damental dans la perspective d’une meilleurecompétitivité des villes marocaines et ne peutse réaliser indépendamment de la durabilité.Il faut toutefois se garder de traiter la qualitéurbaine uniquement sous un aspect techniquesans considérer qu’elle est avant tout menta-lité, culture et socle de la cohésion sociale.

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La marina d’Agadir allieremarquablement fonctionnalité et lieu de promenade pour tous.V.

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L’histoire de l’architecture et de l’urba-nisme du XXe siècle au Maroc est d’unerichesse indéniable. Les différents mou-

vements qui se sont succédé représententautant d’étapes significatives dans la recherched’une écriture spatiale contemporaine maro-caine. Libérée des grandes idéologies, il esttemps que l’architecture actuelle se ressource,sans complexe, dans « la compétence d’édifier»des anciens, nourrie des savoirs d’aujourd’hui.

Un XXe siècle riche d’enseignementsPendant la période du Protectorat (1912-1956),une partie du patrimoine marocain a bénéfi-cié d’une grande attention des gouvernantsfrançais, mais dans des conditions qui conti-nuent à faire débat. Il a été reproché à l’autoritéde l’époque de « muséifier » ce patrimoine.Nonobstant ce débat, la création de villes nou-velles, destinées aux populations européennes,a offert aux architectes européens la possibi-lité de déployer la pleine mesure de leur talenten réinterprétant des formes architecturales eturbaines importées d’Europe à travers le filtred’«arabisances(1) ». Cela consistait à utiliser unvocabulaire architectonique et une modéna-ture puisés dans le patrimoine bâti historiquemarocain, dans une mise en scène urbaine etdans des formes architecturales européennes.À partir de l’Indépendance (1956), les archi-tectes marocains ont progressivement investile champ de la production architecturale eturbaine dans leur pays. Formés en Occident,particulièrement en France, les maîtres d’œu-

vre marocains portent alors les idées et lesthéories dont ils se sont imprégnés durant leurformation. Dans les faits, pendant les premièresdécennies de l’Indépendance, la productionarchitecturale marocaine, fortement imprégnéede «modernisme», s’inspire avec plus ou moinsde bonheur des œuvres de ses aînés modernespubliées dans les revues alors à la mode.La reconstruction d’Agadir(2) a représenté unparoxysme dans l’adoption de l’architecturemoderne au Maroc. Si l’urbanisme de la villereconstruite a été critiqué pour son fonction-nalisme inspiré de la Charte d’Athènes(3), l’œu-vre des architectes est aujourd’hui encoreencensée par la postérité. « […] Signe de saforce, cette architecture permet l’extravaganceet le génie. […] Jean-François Zevaco, irréduc-tible à tout modèle, […][et] profondémentlyrique, gère avec une agilité stupéfiante, qui asouvent choqué, la contradiction entre unemodernité rigoureuse et un besoin de chaleurtrès baroque. Moyen de cette recherche, unvocabulaire extrêmement volubile de formeschaque fois inventées, retravaillées, combinées

Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

Vers une approche globale de la qualité de vie

La qualité architecturale, une tradition qui se perpétue

La ré-interprétation des formesarchitecturales anciennes illustre le dialogue entre tradition et modernité.

Omar FarkhaniPrésident de l’Ordre

national des architectes

Villes impériales, richesse artisanale,villes nouvelles « européennes », le Maroca créé un lexique architectural quiconstitue un patrimoine et une traditionreconnus. Forte d’un métissage culturelfécond, l’architecture actuelle, sous influence internationale, s’interrogesur le maintien de son identité et sa contribution à la modernité.Comment répondre à l’exigence du développement, durable de surcroît,en faisant émerger des formes et une qualité spécifiques ?

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(1) BEGUIN François, Arabisances, Paris, Dunod, 1983.(2) Après le séisme de 1960.(3) La Charte d’Athènes, document majeur de l’urbanismecontemporain dans laquelle prédominent les thèses de LeCorbusier, a été collectivement rédigée en 1933. Certains deses articles formulent, sans doute, la thèse essentielle (quivalut au mouvement le nom de fonctionnalisme) relative aupartage de l'espace urbain (ou zoning), déjà conceptualisépar Tony Garnier, selon une distinction nette entre quatrefonctions fondamentales : habiter, travailler, se récréer, circuler.

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pour donner à chaque composition une forceexceptionnelle(4) ».Malheureusement,Agadir ne fut qu’une paren-thèse heureuse dans la production architectu-rale marocaine rendue possible par une situa-tion d’exception : la tragédie humaine eturbaine provoquée par le séisme déclenchaune dynamique de reconstruction soutenuepar une forte volonté politique, qui visait à sur-monter ce traumatisme national en offrant lemeilleur aux habitants d’Agadir.En 1986, feu S.M. Hassan II a prononcé un dis-cours devant le corps des architectes danslequel il rappellait l’importance sociale, cultu-relle et civilisationnelle de l’acte architectural.Le discours devait notamment inaugurer unerupture avec l’architecture moderne dans saversion internationale. Cependant, sa mauvaiseinterprétation entraîna d’autres excès, tout aussidommageables que ceux de l’architectureinternationale. Ce discours s’est traduit sur leterrain par une inflation de l’architecture pas-tiche où l’utilisation de la tuile verte et desouvertures en forme d’arcs tenait lieu d’archi-tecture marocaine «authentique», et cela pourtous les types de programmes.

Une architecture contemporaine qui se chercheAvec la création de l’École nationale d’architec-ture de Rabat en 1980 et l’augmentation relativedu nombre d’architectes marocains d’une part,et le développement des nouvelles technolo-gies de l’information d’autre part, l’exercice pro-fessionnel au Maroc, favorisé par la logique demarché, commence à gagner en maîtrise dupoint de vue de la technique architecturale(maîtrise des formes et des vocabulaires archi-tecturaux et urbains). Cependant, la quasi-inexistence de la production théorique dans lepays dans le champ de la pensée architectu-rale et urbanistique pénalise fortement la qua-lité symbolique et culturelle des projets mis enœuvre. La fin des idéologies mondiales domi-nantes a catalysé presque partout dans lemonde le mouvement postmoderne, qui s’estaussi propagé au Maroc dans les années 1980et 1990. «Puisant dans un répertoire de formestrès variées, historiques, exotiques, vernaculaireset festives(5) », le formalisme débridé du postmo-dernisme a trouvé une terre d’élection dans unpays « jeune » où les commanditaires sontfriands de spectaculaire et de coups d’éclats etoù l’insolite et l’inhabituel tiennent lieu debeau.La quasi-absence d’une pensée architecturaleet urbanistique construite localement laisse lesarchitectes marocains démunis face auxassauts médiatiques de « l’architecture specta-cle», et les livre en pâture aux goûts éclectiques

du grand public et aux lubies des grands maî-tres d’ouvrage publics ou semi-publics. Ces der-niers sont souvent plus soucieux d’afficher surleurs projets les griffes de stars mondiales del’architecture que de contribuer au développe-ment d’une architecture marocaine contempo-raine. L’absence d’une politique architecturalevolontariste ne favorise pas le changement decet état de fait : le nombre de livres d’architec-ture publiés ces dernières années au Maroc secompte sur les doigts d’une main(6) ! Pour la plu-part, les médias s’intéressent à l’architecturedans sa dimension économique et sociale. Ledébat sur l’urbain et surtout sur l’architectureest absent de la scène publique.Au Maroc, comme ailleurs, le «modernisme» etle « traditionalisme », avatars des pensées pro-gressistes et culturalistes(7), ont cela de communqu’ils réduisent l’architecture à un simple réper-toire de formes isolées de leur contexte histo-rique, géographique et culturel, dans lequel onpeut puiser à souhait selon le goût du jour. Dece point de vue, la nouvelle préoccupation dudéveloppement durable est une chance pourl’architecture marocaine. Sa mise en œuvre secaractérise, en effet, par une démarche plus quepar des formes, par des objectifs plus que pardes images. L’architecture durable n’est pas(encore ?) associée à des formes connotées.Elle puise autant dans les ressources et lesavoir-faire local que dans les sciences et les

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Un patrimoine de valeurMédina de Fès, médina de Marrakech,médina de Tétouan (ancienne Titawin),médina d’Essaouira (ancienne Mogador),ksar d’Aït-Ben-Haddou, site archéologiquede Volubilis, ville historique de Meknès,ville portugaise de Mazagan (El Jadida) :autant de richesses inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.Les artisans marocains détiennent un savoir-faire multiséculaire riche etvivant qui s’exporte partout dans le mondetout en s’épanouissant localement.Ci-dessous, la médina de Marrakech, dont l’ambiance est empreinte de l’artisanat local qui se perpétue.

Une traduction du vocabulaire de l’architecture arabisante dans le quartier Art déco de Casablanca.

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(4) NADAU Thierry, «La reconstruction d’Agadir ou le destin del’architecture moderne au Maroc», dans Architectures fran-çaises d’outre-mer, Liège, Mardaga, Institut français d’archi-tecture, 1992.(5) ASCHER François, Les nouveaux compromis urbains,Lexique de la ville plurielle, La Tour d’Aigues-L’Aube, 2008.(6) Citons, parmi ces livres, MIKOU Khalid, Riad, Modulor ettatami, Casablanca, Archimedia, 2003.(7) CHOAY Françoise, Urbanisme, utopies et réalités, Paris, Seuil,1965.

La medersa Ben Youssef à Marrakech.

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technologies les plus avancées. Elle metl’Homme et l’usager au centre de ses préoccu-pations(8).

Interroger l’histoire avec un œil neufAujourd’hui, il faut reposer la question de l’ar-chitecture et de l’urbain avec un œil neuf : lamédina, avec ses ruelles étroites ombragées etses fastueux espaces introvertis, publics et pri-vés, servait de réceptacle à une société maro-caine qui n’existe plus depuis longtemps. C’estun héritage qui doit être réinterprété à lalumière de nos besoins actuels, qui ne sont passeulement identitaires, loin s’en faut.Les architectes du Protectorat se sont emparésde ce patrimoine et l’ont interrogé au filtre deleurs propres valeurs architecturales. Ils en ontretenu la dimension paysagère, comme dans lequartier Habous à Casablanca. Ils lui ont aussiemprunté un art décoratif brillant, qu’onretrouve par exemple dans l’architecture Artdéco des nouvelles villes construites à cetteépoque et dont Casablanca est un fleuron mon-dial. Cette approche « romantique » et forma-liste des médinas a conduit à «préserver » lescentres historiques(9). Notons toutefois quemême les villes telles que Le Caire, avant touteintervention occidentale(10), ont été confrontéesaux mêmes problématiques d’adaptation desvilles traditionnelles aux besoins générés parl’émergence des nouvelles sociétés indus-trielles : urbanisation accélérée et nécessitéd’accueillir rapidement des populations deplus en plus nombreuses, développement denouveaux moyens de transport, réalisation denouveaux programmes d’équipements tels que

les gares ferroviaires ou les postes. Dans ce sens,ces villes nouvelles doivent être étudiées avecautant d’intérêt que les villes anciennes, maispour d’autres raisons. L’étude des médinas doitêtre motivée par la volonté de renouer avec la«compétence d’édifier(11) » à l’origine des «créa-tions» urbaines du passé. L’objectif de l’analysene devrait pas se cantonner à la description del’objet urbain daté en vue de sa restauration etde sa muséification comme patrimoine. Il fautreconstituer les processus vivants de savoir-faire(compétence d’édifier) des habitants qui, à tra-vers les siècles, ont bâti leurs espaces urbainsen les adaptant constamment à leurs besoinsen recourant aux technologies disponibles auxdifférentes époques.

La qualité des espaces urbains, pour un Maro-cain, est d’abord une qualité d’usage avantd’être une qualité d’image (dessin des façades,formes urbaines, etc.). Le confort de son espacede vie quotidien l’intéresse bien plus que lesprouesses architecturales formelles.Cela ne signifie évidemment pas que l’archi-tecture n’intéresse pas le citadin marocain ouqu’il considère qu’elle est secondaire par rap-port à ses autres besoins. Seulement, il ne s’enpréoccupe pas quand l’architecture est réduiteà un rôle de cache-misère (contorsions for-melles, modénature(12) « bavarde », façadesbariolées, etc.) ; quand ses gesticulations ontpour seul but de plaire aux maîtres d’ouvrageet aux «commissions d’esthétique» ; quand l’er-satz d’architecture veut occulter l’absence d’ar-chitecture (travail sur l’espace, la lumière,l’usage, le sens). Dans un pays tel que le Maroc,récemment urbanisé et caractérisé par unenombreuse population à faible pouvoird’achat, la question de la qualité urbaine etarchitecturale n’est sûrement pas simple àrésoudre. C’est probablement pour cela que,jusqu’à présent, la dimension quantitative a prisle pas sur le reste. Il s’agit d’abord pour les pou-voirs publics de répondre à des besoins consi-dérables en vue de loger dignement tous lesMarocains et d’en finir avec les formes d’habi-tat insalubre. Soutenue par une forte volontépolitique, portée par la plus haute autorité de

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La qualité architecturale, une tradition qui se perpétue

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Un exemple d’architectureinternationale traduisant

le mouvement post-moderne des années 1990.

Ici, le siège d’une banque à Casablanca. O.

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(8) LEVY Albert, «La ‘ville durable’. Paradoxes et limites d’unedoctrine d’urbanisme émergente», Esprit n° 360, décem-bre 2009.(9) TAYLOR Brian, « Discontinuité planifiée, villes colonialesmodernes au Maroc», dans Les cahiers de la recherche archi-tecturale n° 9,Paris, janvier 1982.(10) ARNAUD Jean-Luc, Le Caire, mise en place d’une villemoderne, 1867-1907, Arles, Actes Sud, 1998.(11) CHOAY Françoise, Pour une anthropologie de l’espace,Paris, Seuil, 2006.(12) Choix et caractère des profils et des proportions desmoulures et autres éléments en relief ou en creux qui ani-ment les différentes parties d’un bâtiment, notamment lesfaçades.

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l’État, une politique de l’habitat ambitieuse aété mise en place depuis une dizaine d’années,à travers notamment des incitations fiscales,foncières et réglementaires (dérogations). Ellea abouti à la structuration et au renforcementd’une promotion immobilière puissante, avecdes résultats quantitatifs appréciables. De largescouches de populations démunies ont pu enfinaccéder à la propriété de leur logement, dansdes conditions d’endettement raisonnables.Cette politique relativement efficace sur le planquantitatif (augmentation de la production delogements et baisse des coûts de production)a été moins heureuse sur le plan qualitatif.Compte tenu des fortes contraintes écono-miques et sociales, pouvait-il en être autre-ment? La question est posée et demande à êtredébattue. Une certaine qualité architecturalese retrouve dans les grands projets d’équipe-ments publics et dans les projets touristiquesbénéficiant de gros investissements. La com-mande de qualité architecturale par les maî-tres d’ouvrage se justifie dans le premier caspar un besoin de représentation du pouvoir surla scène publique et dans le second par les exi-gences élevées du touriste consommateur.Ces exemples montrent que la question de laqualité architecturale ne peut pas être appré-hendée uniquement sur le plan formel et artis-tique. La qualité architecturale et urbaine doitêtre resituée dans une problématique globalequi intègre d’autres facteurs, notamment socio-économiques. La production de la qualitéarchitecturale est une question d’utilitépublique et nécessite donc un maître d’ou-vrage qui se préoccupe de qualité. Ce n’est pas

un hasard si les projets d’architecture les plusintéressants sont issus de concours où les maî-tres d’œuvre en compétition bénéficient degrandes marges de liberté pour traduire avectalent les programmes que leur soumet le maî-tre d’ouvrage.

Le Maroc dispose aujourd’hui de nombreuxarchitectes talentueux et d’un véritable savoir-faire technique, artisanal en particulier. Celareprésente une matière première, un gisementà exploiter pour produire de la qualité urbaineet architecturale et renouer ainsi avec la grandetradition des bâtisseurs qui nous ont légué les médinas, les kasbahs et les ksour, dont nous nous enorgueillissons légitimementaujourd’hui. Pour cela, il faut que le Marocengage une politique architecturale et urbainevolontariste et ambitieuse qui se traduisenotamment par le développement de larecherche dans les écoles d’architecture etdans les universités, la démocratisation de l’ac-cès à la commande par la compétition baséesur le talent, la multiplication des prix d’archi-tecture et d’urbanisme et l’instauration d’undébat national sur l’architecture et l’urbanisme.Le soubassement de cette politique à venirexiste de manière explicite dans le discoursroyal de 1986 et dans le message adressé parS.M. le Roi Mohammed VI au corps des archi-tectes, en janvier 2006, à l’occasion de la com-mémoration du vingtième anniversaire du dis-cours de 1986.

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La médina de Marrakech, issue de la tradition des grands

bâtisseurs marocains, inspire encore aujourd’hui de nombreux architectes.

Medersa Ben Youssef.

Les Twin Towers de Casablanca illustrent le renouveau de l’architecture marocaine.

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Le Maroc a connu au XXe siècle des boule-versements sociaux, politiques et écono-miques formidables. La société féodale

des siècles précédents a dû s’ouvrir et s’estconfrontée à des phénomènes et enjeux nou-veaux.Dès le milieu du XIXe siècle, le Maroc suscitebeaucoup d’intérêt de la part des grandes puis-sances de l’époque. À partir de 1912, la pré-sence française développe de nouveaux cen-tres urbains à proximité des villes existantes.Les villes nouvelles de Fès et de Marrakechn’ont cependant, au moment de leur création,qu’un rôle de contrôle militaire des deuxanciennes capitales impériales. D’autres villesont des fonctions d’usage : exploitation duminerai comme Port Gentil ou relais de trans-mission de la production locale comme Agadir.Une des décisions majeures du maréchal Lyau-tey(2), premier résident général, est de transfé-rer la capitale de Fès à Rabat. Cette décision ades conséquences importantes sur le pays etprovoque une transformation majeure. Lyauteydécide également de créer une capitale éco-nomique en favorisant le développement deCasablanca. Petite ville de pêcheurs sur l’Atlan-tique, Casablanca devient très rapidement unegrande ville, concentrant les investissements entermes d’infrastructures économiques, particu-lièrement ciblés sur le complexe portuaire etindustriel. Au nord de Rabat est créée la villemilitaire de Port-Lyautey (actuellement Kéni-tra). Ainsi, le centre du Maroc est déplacé del’intérieur des terres vers la côte et favorise un

centralisme condamnant la multipolarité pré-dominante d’antan, autour de Fès et de Marra-kech essentiellement. Ainsi, «en moins de trenteans, le tracé des pistes séculaires de l’écono-mie marocaine a fait place à un réseau de voiesconvergentes vers un nouveau pôle unique(3) ».Dès 1914, une véritable ruée s’opère vers leMaroc, et notamment vers Casablanca. La popu-lation étrangère est estimée à 31000 personnes.De l’intérieur, affluent les bourgeois de Fès ainsique, les juifs et quelques musulmans des villescôtières (notamment d’Essaouira) attirés parl’essor du port. À cela s’ajoute un exode ruralde plus en plus important. La population s’ins-talle dans la médina au hasard des acquisitionsfoncières et dans les quartiers de Bab Marra-kech et Derb Ghallef. La médina se retrouveentourée d’un désordre de foundouks(4), de vil-las, d’immeubles, de souks, de campements…Casablanca est atteinte à cette époque d’unefrénésie de construction, aussi rapide qu’anar-chique. Les autres villes du Maroc, en particu-lier les villes côtières, connaissent égalementun accroissement urbain, mais de manièremoins spectaculaire.L’extension rapide et incontrôlée des villes

Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

Vers une approche globale de la qualité de vie

La place des quartiers Art décodans les villes d’aujourd’hui

Fleuron de l’architecture Art déco,l’immeuble Assayag (1930) de Marius Boyer est un élémentstructurant du patrimoinecasablancais.

Abderrahim KassouCasamémoire(1)

Au début du XXe siècle, de nouveauxcentres urbains se développent en extension des principales villesmarocaines. Ils sont le lieu d’une éclosion urbaine et architecturaleriche et variée. Le vocabulairearchitectural s’étend du style Art déco au néo-mauresque et à l’architecturemoderne des années 1950 et 1960.Comment ces ensembles patrimoniauxpeuvent-ils constituer un vecteur de développement pour les villesaujourd’hui ? L’exemple de Casablanca.

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(1) Casamémoire est une association de sauvegarde du patri-moine du XXe siècle au Maroc.(2) Voir sa biographie dans ce numéro des Cahiers, p.172.(3) ÉCOCHARD Michel, Casablanca, le roman d’une ville, Édi-tions de Paris, Paris, 1952.(4) Généralement situé près des entrées de médina, le foun-douk est le lieu d’étape des caravanes. Il joue le rôle de cen-tre d’échange commercial et d’hôtel, pouvant également ser-vir d’entrepôt et de lieu de transformation de marchandises.

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marocaines, et de Casablanca en particulier,nécessite la mise en place urgente d’une régle-mentation. Ainsi, en février 1914, Henri Prost(5),urbaniste, est nommé à la direction du Servicespécial d’architecture et des plans des villes.C’est la première administration dans l’histoirede l’urbanisme français et marocain.Un bureau central des plans des villes est alorscréé. Il a en charge l’étude technique des pro-jets d’aménagement et d’extension. Par ailleurs,un bureau du plan est, au niveau de chaquemunicipalité, chargé d’appliquer les directivesde ce bureau central. Enfin, un Service desbeaux-arts et des monuments historiques s’oc-cupe de la conservation et de la restaurationdes monuments existants, ainsi que de la créa-tion des ordonnances architecturales destinéesà certaines rues et places.Pour Casablanca, le plan Prost délimite quatrezones : la zone indigène, dont la constructionest limitée à deux étages ; la zone centrale,constituée d’habitations et de commerces ; leszones industrielles, réservées aux établisse-ments insalubres, incommodes ou dangereux ;et les zones de plaisance, pour les villas ou habi-tations particulières. Le tout maillé par un sys-tème de voies radiales convergeant vers le port.

Un contexte favorable à l’architecturemoderneDans ce contexte de frénésie constructive desannées 1920 et 1930, l’architecture qui se déve-loppe, riche et variée, n’a rien à envier auxdébats stylistiques qui parcourent l’Europe. Lesédifices, plus novateurs les uns que les autres,se multiplient. Les architectes, libres dans leursorientations, trouvent dans l’architecture tradi-tionnelle marocaine la correspondance avecle mouvement cubiste (toits-terrasses, volumesdépouillés) et dans l’artisanat local (zelliges,fers forgés), les éléments de décoration propresà l’architecture Art déco ou néo-mauresque. Àpartir des années 1930 et 1940, l’architectures’émancipe de plus en plus du décor et déve-loppe un vocabulaire fait d’horizontales, depleins et de vides. Le mouvement modernetrouve en Casablanca un terrain propice à sonexpression.Ainsi, les premiers bâtiments construits à partirdu début des années 1910, à l’intérieur ou àl’extérieur des murailles de la médina, restentsobres en façades extérieures. Puis, on voitapparaître des édifices que l’on pourrait classeren trois catégories. La première est un néo-classicisme plutôt chargé, aux décorations mul-tiples et très présentes. La deuxième peut êtreapparentée à de l’Art nouveau, similaire à ceque l’on pouvait trouver en Europe à la mêmeépoque. Certains édifices oscillent, d’ailleurs,sans complexe entre ces deux styles. Les ange-

lots et autres corbeilles de fruits côtoient surles façades pilastres et chapiteaux. La troisièmetendance essaie de puiser dans le répertoirearchitectural, décoratif et artisanal local (réelou mythique d’ailleurs) en y injectant des élé-ments dans des formes et des espacesmodernes. Ceci peut aller du pastiche pur etsimple à de véritables tentatives d’hybridationou d’adaptation plus ou moins heureuses.Il est à signaler que mosaïstes, ferronniers etautres ébénistes jouent alors un rôle fondamen-tal dans la création de l’identité propre à cettearchitecture casablancaise par rapport à ce quise fait en Europe. Le néo-mauresque ne fut pasla seule incarnation de l’apport de l’artisanat àl’architecture. Des éléments puisés dans lerépertoire traditionnel se retrouvent confron-tés à d’autres éléments modernes. «La rencon-tre des motifs des arts décoratifs marocains etdes configurations Art déco produira desdécors de façade originaux où les élémentsornés […], les frises ou panneaux bien délimi-tés agrémentent des façades blanches et nues.Ces motifs, dont la diffusion s’est accélérée sousl’impact de l’Exposition des arts décoratifs de1925, n’auront aucun mal à s’imposer au Maroc,où le jeu avec la géométrie et les inclusionsdécoratives sur de grandes surfaces nues sontconstitutifs de la tradition architecturale(6) ».Cette frénésie de la construction qui accom-pagne l’essor économique de la ville ne s’es-souffle qu’à la veille de la Seconde Guerremondiale et, dès le début des années 1920, ledéveloppement rapide de Casablanca faitqu’on la compare à une ville américaine.

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La médina est le lieu d’une grande activité, en continuité avec le centre-ville.Elle mérite, à ce titre, d’être protégée.

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(5) Voir sa biographie dans ce numéro des Cahiers, p.172.(6) COHEN Jean-Louis, ELEB Monique, Casablanca. Mythes etfigures d’une aventure urbaine, Paris, Hazan, 1998.

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Le réinvestissement des quartiers Art décoAu lendemain de l’Indépendance, les centres-ville hérités de la période du Protectorat conti-nuent à jouer un rôle central dans le fonction-nement des villes marocaines. Leur populationchange de manière progressive, la populationmarocaine remplaçant la population euro-péenne. À la fin des années 1960, le départ dela communauté marocaine israélite s’accélère.Le déclin des centres-ville ne commence réel-lement qu’à la fin des années 1970 et au débutdes années 1980, sous l’effet conjugué de plu-sieurs facteurs dont on peut citer la dégrada-tion des bâtiments ainsi que des espacesurbains par manque d’entretien, la naissanced’une nouvelle centralité qui a éloigné la classeriche de ces quartiers, les plans d’ajustementsstructurels successifs qui ont fait disparaître laclasse moyenne, etc.Le déclin des centres-ville ne s’accompagnepas d’un abandon des espaces. Ces quartierscontinuent à être très fréquentés, en particulieren journée, par des masses populaires qui sepromènent, font des achats ou cherchent desservices. L’ensemble des logements est égale-ment occupé par une population importante,certes pas toujours solvable, mais qui vit et faitvivre le centre. De plus, de nombreuses terrasseset caves sont également occupées par de l’ha-bitat insalubre. Par ailleurs, le centre-ville conti-nue, en particulier à Casablanca, à servir d’es-pace d’accueil pour les nouveaux arrivants, unetendance favorisée par la présence de nom-breux hôtels bon marché.

Le potentiel de l’ensemble patrimonial,vecteur de développementDurant les dix dernières années, les théma-tiques liées à la question du patrimoinemoderne, appelé communément et de manièreréductrice «patrimoine Art déco», ont dépasséle petit cercle des amateurs et des spécialistespour toucher au domaine public, et même arri-ver à jouir d’une certaine présence dans lesmédias, avec toutefois une réelle inégalité entreles villes. Ce qui est acquis à Casablanca ne l’estpas forcément à Meknès ou Marrakech pourdes bâtiments similaires. Ainsi, à Casablanca,après la démolition de plusieurs édifices impor-tants dans les années 1970 et 1980 (arènes,cinéma Vox, théâtre municipal…), la reconnais-sance locale et nationale de la valeur histo-rique des quartiers centraux semble acquise,sans pour autant empêcher les démolitions. Onparle actuellement de la nécessité d’élargir laprotection à l’ancienne médina d’une part, etde demander une inscription à la liste du patri-moine mondial d’autre part. Toutefois, il estimportant d’être vigilant à l’égard de certains

enjeux dont il faudrait être conscient. Toutd’abord, parler des quartiers Art déco est certesaccrocheur, mais il faut également prendre enconsidération la production moderne desannées 1950 et 1960, toute aussi intéressante.Ensuite, la médina qui, pendant des décenniesa été abandonnée et délaissée, voire mêmel’objet de projets de démolition, se retrouveactuellement au centre d’une volonté de sauve-garde. La tentation est grande de voir en lamédina un tissu historique arabo-andalou àl’image des médinas de Rabat ou de Tétouan.Ceci est historiquement une erreur. La médinade Casablanca date de la fin du XIXe siècle, c’estune médina moderne et cosmopolite qui fonc-tionne en continuité avec le centre-ville et pasen parallèle, comme à Fès ou Marrakech parexemple. Il est important de la préserver pourcela, car elle est unique.Le troisième élément est de considérer le cen-tre-ville comme un ensemble cohérent et unpaysage urbain formant un tout. Il ne s’agit pasde protéger les bâtiments un par un. Quelle quesoit la valeur architecturale des édifices, lavaleur du centre-ville de Casablanca vient deson étendue, de son homogénéité, de sa cohé-rence et de son paysage urbain. Et c’est celaqu’il s’agit de préserver. Enfin, toute préserva-tion d’un tissu historique passe d’abord par uneconnaissance, une accumulation de savoirs etune protection des sources.Le momentum historique est propice à uneréelle intégration intelligente des centres-villehérités de la période du Protectorat dans ledéveloppement urbain actuel. Ces centres-villeen général, et à Casablanca en particulier, ontlargement le potentiel pour devenir des vec-teurs de développement important. De par leursituation centrale, leur polyvalence, leur qua-lité patrimoniale et identitaire, la place qu’ilsoccupent dans la mémoire collective, ces quar-tiers peuvent constituer l’assise du renouveauurbain dont les villes marocaines ont grande-ment besoin. Ainsi, à Casablanca, le centre-villehistorique peut rapidement générer, par desaménagements appropriés, un développementéconomique important lié au tourisme culturelnotamment. Pour amorcer cette mise en valeur,un effort important devrait s’opérer au niveaude l’aménagement de l’espace public. Les amé-nagements destinés à favoriser le développe-ment touristique suivront.

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La place des quartiers Art déco dans les villes d’aujourd’hui

Le Maroc en perspective : regards croisés

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L’immeuble villas Paquet, construiten 1952, incarne l’architecturemoderne des années 1950, tout en respectant les principesinstaurés par Prost.

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La notion de patrimoine émerge depuispeu au Maroc. Le désir de mémoire estplus que jamais présent dans un pays qui

s’est ouvert à de grands chantiers. La diversitédes héritages apparaît soudain au grand jourpour toute une nation qui, enfin, se regarde.Cette prise de conscience fait suite à un cer-tain nombre d’actions de mécénat privé enversdes institutions culturelles ou éducatives. Eneffet, certains monuments comme la mosquéedes Almohades de Tinmel ou le quartier de Nej-jarine à Fès ont été restaurés grâce au mécé-nat. De petites associations se sont, en outre,constituées pour travailler sur des microprojetsdans le domaine de l’environnement, maisaussi de l’embellissement de quartiers histo-riques. Des fondations et des organisations nongouvernementales (ONG) s’activent égalementen faveur de la mise en valeur du patrimoine etde la sensibilisation du public. Par exemple,Casamémoire œuvre pour la « sauvegarded’une mémoire commune », celle d’un urba-nisme qui a fait date et qui fait la force de laville de Casablanca.Parallèlement, la possibilité pour les étrangersd’acquérir un bien immobilier alimente unespéculation sans précédent dans les villes his-toriques(2) du royaume (médinas de Marrakech,Essaouira, Fès ou Tanger notamment).Un renversement a ainsi eu lieu : le patrimoinehérité du Protectorat, rejeté dans les premièresdécennies de l’Indépendance, est aujourd’huiconsidéré comme une valeur du passé.

L’approche patrimoniale : conserver et agirLe Protectorat français a sauvegardé le patri-moine dans une vision pittoresque. La volontéconservatoire qui va très vite être promulguéepour les médinas est également issue d’uneconscience et d’une sensibilité appartenant àune époque fascinée par l’Histoire. Les Parolesd’action du maréchal Lyautey(3) retracent laposition de l’époque face aux chefs-d’œuvreen péril recensés, classés et souvent déclarésd’utilité publique pour leur éviter toute destruc-tion ou dépeçage. En avance sur son temps,cette vision intègre les notions qui ont coursalors en métropole, celle notamment du monu-ment historique, mais également celles desurbanistes d’avant-garde, qui n’hésitent pas àcréer, avant l’heure, des zones de protectionélargies(4).Un double mouvement se dessine alors : d’unepart, la volonté de créer des villes modernes et,d’autre part, le souci de ne pas toucher à uneentité historique ancienne. Les maîtres mots de

Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

Vers une approche globale de la qualité de vie

Le patrimoine au Maroc : l’enjeuidentitaire à travers l’histoire

Au pied de l’Atlas, la kasbah Amridilde Skoura est un très bel exempledu particularisme architectural en pisé.

Salima Naji(1)

Architecte et anthropologue

Le patrimoine marocain, dans la diversité de ses formes à travers les lieux et les époques,bénéficie d’une reconnaissancecroissante. Il endosse une fonctionimportante de représentation qui évolue sans cesse et pose question.Aujourd’hui, il renvoie à des identitéscomplexes qui se cherchent, entre tradition et progrès, histoire et modernité.

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(1) Salima Naji est architecte et docteur en anthropologie del’École des hautes études en sciences sociales.(2) FREY Jean-Pierre, préface à la réédition de Jean GALOTTI

(Albert Levy, 1926), Le Jardin et la maison arabes au Maroc,Actes Sud-Centre Jacques Berque,Arles-Rabat, 2008, pp.35-36.(3) LYAUTEY Louis-Hubert Gonzalve, Paroles d’action, Paris,Imprimerie nationale, réédition 1995.(4) En France, la ZPPAUP (zone de protection du patrimoinearchitectural, urbain et paysager) qui étend, à une entité pluslarge et moins systématique, la zone de 500 mètres de protec-tion autour du monument classé (protection des abords,puis des secteurs sauvegardés), datent respectivement desannées 1962, 1943 et 1983.

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l’action de l’époque se résument par deux infi-nitifs, conserver et agir : «Conserver qui, au senslittéral, s’oppose à détruire – et réagir à s’aban-donner(5) ». L’autorité en place met ainsi enœuvre toute une série de mesures, de services,et de missions pour empêcher les «désastres »ou autres « sacrilèges» qui auraient défiguré leMaroc des villes impériales. La même énergieest investie pour créer, à côté de ces secteurssauvegardés, des villes nouvelles dotées detoutes les qualités requises pour être des villesdignes de celles d’Europe. Il œuvre avec beau-coup de professionnalisme et imagine desdéveloppements harmonieux dont on jouitencore aujourd’hui, habilement dessinés enfonction de l’héritage historique et du poten-tiel du site. La zone indigène correspond à lavieille ville telle que les étrangers la découvri-rent, fascinés, au début du XXe siècle. Elle leurapparut comme une entité difficile à décou-per, impossible à «moderniser », à assainir et àrendre viable sans destruction.Cependant, le Maroc des campagnes, le mondeberbère, va représenter un conservatoire intactà préserver(6) ; c’est dans cet état d’esprit queseront très tôt créés les premiers parcs natio-naux (Toubkal en 1942).

Deux mondes se côtoient sans se mélangerCette vision réductrice d’un monde coupé endeux avec, d’un côté, la ville nouvelle et le «pro-grès », et de l’autre, la ville ancienne ou la cam-pagne, considérées comme l’héritage de l’his-toire, va à son tour devenir une idée portée parla génération de l’Indépendance.La « catégorie » du monument historique, pla-quée sur des médinas à préserver, et celle deconservatoire, appliquée sur les oasis ou lesmontagnes réduites au statut de parc nationalvouées au tourisme, ont un impact très négatifsur ces sites. À l’Indépendance, le Marocain seprécipite à l’extérieur de la médina vers la ville«européenne» où, naguère, il lui était difficiled’habiter. Et dans le monde rural, on continue

à vouloir effacer ce qui peut apparaître commeindigne : les vénérables mosquées aux formesmodestes, construites en terre ou en pierre, sontsystématiquement rasées pour être remplacéespar des blockhaus prétentieux en béton peint età hauts minarets, mais qui illustrent mieux, pourceux qui les édifient, l’image qu’ils voudraientrenvoyer d’eux-mêmes. Ainsi, aujourd’hui, lorsde pratiques conservatoires, les donneurs d’or-dre peuvent se heurter à une incompréhensionde la population locale expliquant qu’elle neveut pas vivre dans des espaces connotés« anciens », parce que réalisés avec les maté-riaux traditionnels actuellement rejetés. L’aspi-ration à une modernité par ses artefacts estainsi revendiquée au point que de nombreusesarchitectoniques locales sont actuellementdétruites ou en passe de disparaître.

Au nom d’Islah, des rénovationsinadaptéesOn emploie actuellement, pour la conservationd’un bâtiment, deux mots très indicatifs de laperception patrimoniale locale. Le mot arabeislah porte en lui l’idée de réparation, maisaussi de réforme ou de renouvellement, l’idéede mise aux normes (d’un texte comme d’unbâtiment). Lorsqu’un bâtiment est devenu tropancien, qu’il menace de s’effondrer, on préfèrelui substituer un nouvel édifice, neuf, en maté-riaux modernes et effacer du même coup cetteruine qui fait honte aux décideurs comme auxhabitants. Le respect de l’identité locale est sou-vent nié au profit de matériaux et de formesexogènes favorisant un effacement desmémoires et la mutilation des qualités patrimo-niales, historiques et paysagères de certainsensembles historiques. L’apposition d’un crépide paille et de terre pour recouvrir un bâtimenten ciment artificiellement installé dans unvieux village ou un ksar(7) de plusieurs sièclesest la seule réponse qui est souvent proposée,exposant une incapacité à apprécier un patri-moine historique.Le second terme de plus en plus employé pourla sauvegarde des bâtiments est tarmim, motdont la connotation technique est proche dece qui s’appelle en Occident « restauration »mais sans y adjoindre un respect scrupuleuxdes techniques locales. Ce mot est moins nobleque le précédent. Il devient cependant courant,alors même qu’aucun travail de sensibilisationet d’éducation du regard n’a été conjointemententrepris.

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Vers une approche globale de la qualité de vie

Le patrimoine au Maroc : l’enjeu identitaire à travers l’histoire

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Restauration dans les règles de l’artde l’Agadir d’Aguellouy, Amtoudi :les doyens du village appuient des artisans plus jeunes pour retrouver les formes originellesdu grenier collectif.

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Au cœur de l’Anti-Atlas, sur une piste conduisant dans une vallée enclavée des Ait Abdellah, deux immeublessur des structures en béton armérivalisent de hauteur.

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(5) LYAUTEY Louis-Hubert Gonzalve, «Ouverture du Congrèsdes hautes études marocaines », Rabat le 26 mai 1921», dansParoles d’action, Paris, Imprimerie nationale, 1995.(6) Voir NAJI Salima, Greniers collectifs de l’Atlas, patrimoinesdu Sud marocain, Edisud/La Croisée des Chemins, Aix-en-Provence/Casablanca, 2006.(7) Un ksar signifie un château.

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Parce qu’on apprécie l’aspect achevé d’un bâti-ment et que les ruines dérangent, on n’hésitepas à les faire abattre au nom de la sécuritéd’un lieu public (borjs(8) de la ville anciennede Tiznit, remparts de Marrakech). On lescamoufle derrière de hauts murs, ou on lesreconstruit sans tenir compte ni du matériauni des formes originelles (remparts de Rabat,Chaouen). Tout signe de dégradation est vécucomme négatif. Ceci favorise aussi une accélé-ration de programmes censés sauvegarder dessites et qui, dans leur mise en œuvre, en hâtentla destruction(9). Par exemple, la plupart desmosquées du Sud ont été détruites sur la based’une mise en « hygiène des lieux de culte »(ministère des Habous, dotations de 2008).Tous ces exemples permettent de montrerqu’au Maroc, il est certes question de patri-moine – compris comme objets bâtis venus dupassé –, mais que les réponses ne sont souventpas adéquates en termes de mise en œuvre.D’abord, parce que cette « honte » des formes etdes matériaux traditionnels tient la terre cruecomme principale responsable des maux patri-moniaux et parce que cette honte du matériaucache aussi une honte de ses origines.À tout ceci, s’ajoutent des carences dans lecode de l’urbanisme (2007): tout architecte quia actuellement recours aux procédés tradition-nels et qui subirait un effondrement desconstructions placées sous sa responsabilité,est passible de prison (drames de Kénitra, Casa-blanca et Tanger pour l’année 2008) et de laperte de son agrément. Le nouveau code netient pas compte des procédés traditionnels,pourtant multiséculaires, et exige un chaînagede béton dans toutes les constructions en pisé.Comme cela n’est pas précisé, on croit quecette garantie doit être exercée sur les bâti-ments anciens auxquels on impose ce traite-ment qui, à terme, s’avère évidemment destruc-teur. Les bureaux de contrôle deviennent deplus en plus réticents à cautionner les construc-tions traditionnelles. Ils n’hésitent pas à imposer– même pour des bâtiments à restaurer – unearmature en béton… cachée dans la structureancienne.

S’approprier et s’identifier au patrimoineUne prise de conscience récente, liée souventà la fierté de sa région et à une quête identi-taire renouvelée, se manifeste néanmoins deplus en plus un peu partout dans le Royaumeet initie de vrais changements. Peu à peu, lagrandeur du patrimoine marocain apparaît auxjeunes générations qui, progressivement, se l’ap-proprient. Il commence ainsi à être convena-blement intégré, sans être considéré commeobjet de rebut ou entaché d’archaïsme. Ondécouvre, au hasard d’une émission de télévi-

sion, l’importance des greniers collectifs, l’in-térêt du patrimoine sacré qui juxtapose parfoisune succession de religions, la richesse du patri-moine du Sud marocain jusque-là négligé, etd’autres traditions toujours vivaces. Les languesvernaculaires sont également remises à l’honneur avec notamment, sous l’impulsionde S.M. Mohammed VI, la charte d’Ajdir (2000).Celle-ci reconnaît la composante amazighedans le contexte pluriculturel marocain, dansses dimensions de langue, de culture et d’his-toire. Elle permet notamment la création del’Institut royal de la culture amazighe et la réuti-lisation de la langue vernaculaire dans sonalphabet originel dans les cercles officiels. En2001, l’Unesco consacrait la place Jemâa El-Fna«patrimoine oral et immatériel de l’humanité »(l’ancienne médina de Marrakech avait étéclassée patrimoine universel en 1995), rendantsoudain visible la richesse des conteurs et destraditions si naturellement ancrés dans le quo-tidien.Entre ces différents héritages, du patrimoinebâti jusqu’aux notions plus immatérielles, pre-nant également en compte le patrimoine duProtectorat, une représentation tend à se mani-fester. La situation de crise que vit aujourd’huile monde rural marocain, et celui du Sud enparticulier, impose, dans l’urgence, des actionsgouvernées par des exigences contradictoires.La folklorisation de la culture dite locale et lamodernité vidée de son sens menacent des artsde vivre déjà fragilisés par une uniformisationgalopante. Gageons cependant que, dans lesannées à venir, la prise de conscience de cetensemble d’enjeux permettra de sauvegarder lepatrimoine marocain dans toutes ses compo-santes.

(8) Borj signifie tour en arabe.(9) Ksour du Tafilalet sont actuellement restaurés avec deschaînages de ciment cachés dans un pisé séculaire ouvert etabîmé : Goulmima, Ksar Chorfa, etc.

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Au pied de la muraille de Tiznit, le cimetière de Sidi-Boujebarpréserve la vieille ville de la densification sauvage.Sa

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Évolutions institutionnelles,décentralisation et jeu d’acteurs

Aménagement du territoire : du stratégique à l’opérationnel

Le développement durable dans la réforme de l’urbanisme

Les statuts complexes d’un foncier rare

Adaptation des outils juridiques et institutionnels

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L’arsenal juridique mis en place dès 1914a connu une évolution continue à tra-vers les différentes époques traversées.

L’objectif visé par cette adaptation des loisconsiste à répondre au défi de la maîtrise dudéveloppement urbain croissant.

Évolution de la législation régissantl’urbanismeLe Maroc a été parmi les premiers pays aumonde à se doter d’un système de planifica-tion urbaine réglementé. Le dahir(1) du 16 avril1914, instituant les plans d’aménagement etrégissant les extensions des villes a permis àl’administration de l’époque de se munir demoyens de contrôle et de maîtrise de l’urbani-sation.L’esprit du législateur était focalisé sur la créa-tion de villes nouvelles et l’aménagement decelles existantes : une dizaine de villes nou-velles ont été créées entre 1915 et 1925. La pro-mulgation du dahir du 12 novembre 1917 futégalement une étape importante, par le pou-voir donné au chef des services municipauxde créer une association syndicale de proprié-taires urbains. Malgré la législation en vigueur,de vastes quartiers d’habitat insalubre (bidon-villes, morcellements et lotissements clandes-tins, et surdensification des médinas) ont étéconstruits en infraction pour plusieurs raisons :concentration d’activités économiques dansles villes, croissance démographique et exoderural accentué par les conséquences de la criseéconomique mondiale des années 1930.

La création de lotissements a été réglementéepour la première fois par le dahir du 14 juin1933, qui a institué une autorisation de lotir déli-vrée par des autorités différentes selon la loca-lisation. Ainsi, les lotissements localisés à l’inté-rieur du périmètre municipal des villes étaientsous l’autorité du chef des services municipauxtandis que ceux situés dans les banlieues desvilles relevaient de la compétence des autoritéslocales de contrôle, après avis conforme duchef des services municipaux. Les autres lotis-sements dépendaient des autorités locales decontrôle.Le dahir du 30 juillet 1952 a élargi le champd’application du plan d’aménagement aux cen-tres des communes rurales, aux zones de ban-lieue, aux zones périphériques des villes éri-gées en municipalités et des centres délimités,et aux groupements d’urbanisme.Quant aux lotissements, limités uniquement àl’habitat en 1933, ils ont été, par les dispositionsdu dahir de 1953, étendus aux lotissements àusage industriel et commercial. Ce dahir a éga-lement permis à l’État de contrôler les morcel-lements et lotissements anarchiques.Au lendemain de l’Indépendance, le législateur,soucieux du phénomène d’urbanisation enmilieu rural, a édicté une réglementation spéci-fique régissant le développement des agglomé-rations rurales en instituant le plan de dévelop-pement (dahir du 25 juin 1960). Ce dernier esthomologué par le gouverneur après approba-

Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

Adaptation des outils juridiques et institutionnels

Évolutions institutionnelles,décentralisation et jeu d’acteurs

L’Agence urbaine de Casablanca,première structure déconcentrée de l’État, mise en place dans le nouveau dispositif au service de l’urbanisme.

Ministère de l’Intérieurdu Maroc

Direction générale des collectivités locales

Depuis le début du siècle dernier, la réglementation sur l’urbanisme n’a cessé de s’adapter : évolution des espaces ruraux, création denouvelles villes du Protectorat et habitatirrégulier. Dysfonctionnements et chevauchements des compétences ont dilué les responsabilités. Aujourd’hui, pour mieux encadrer le développement des territoires et limiter les dérogations, une décentralisation progressive et une clarification des rôles sont à l’œuvre.

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(1) Loi promulguée par le Sultan ou par le Roi.

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tion du ministre de l’Intérieur qui délègue sespouvoirs au wali.Aujourd’hui, l’urbanisme est régi, outre par ledahir de 1960 précité, principalement par la loin° 12-90 relative à l’urbanisme (17 juin 1992), laloi n° 25-90 relative aux lotissements, groupesd’habitations et morcellements (17 juin 1992)et le dahir portant loi instituant les agencesurbaines (10 septembre 1993). D’importantesinnovations ont été introduites dans les lois de1992, notamment en matière d’élaboration desdocuments d’urbanisme et de leur opposabi-lité, de gestion urbaine, de contrôle et derépression des infractions.

Évolution, décentralisation, urbanismeAprès l’Indépendance, il est apparu indispen-sable d’engager une réforme de l’administra-tion centrale et locale, afin de rompre avec l’hé-ritage du Protectorat. C’est dans ce sens que lanouvelle institution communale est née : en1960, la charte communale a confié aux éluslocaux des prérogatives relativement étendues.Elles restaient, tout de même, soumises à unetutelle complexe de l’administration territoriale(bicéphalisme communal). Cette charte n’ainvesti la commune d’aucune responsabilitédirecte dans le domaine de l’urbanisme: l’auto-rité déconcentrée était le maillon incontour-nable de la gestion des affaires locales.La charte communale de 1976 a instauré unenouvelle répartition des pouvoirs, notammentdans le domaine de l’urbanisme, entre le prési-dent du conseil communal et l’autorité locale.Le président du conseil communal est désor-mais investi d’un pouvoir exclusif de policeadministrative et de délivrance des permis,autorisations, attestations d’urbanisme. Il a éga-lement la compétence des prises d’arrêtés de

mise à l’étude des plans d’aménagement, dereconnaissance des voies, routes, chemins ourues et d’alignements (création des voies, etc.).Il est responsable de la police de l’hygiène, dela salubrité et de la commodité, ainsi que ducontrôle des infractions en matière d’urba-nisme. Par ailleurs, le conseil communal estconsulté, à l’instar du public, lors de l’instruc-tion des documents d’urbanisme.La charte communale de 1976 a donc doté lacommune d’outils juridiques et institutionnelslui permettant de mieux gérer les affaireslocales, notamment celles liées à l’urbanisme.Cependant, la promulgation du dahir du 10 sep-tembre 1993 instituant les agences urbaines asoumis la délivrance des autorisations d’urba-nisme à un avis conforme de l’agence urbaine:le président du conseil communal, habilité àdélivrer lesdites autorisations, ne peut en aucuncas passer outre cet avis.

La loi n° 78-00 portant sur la charte commu-nale, telle qu’elle a été modifiée et complétéepar la loi n° 01-03 et la loi n° 17-08 (3 octobre2002), a introduit le concept d’« unité de laville» et a, de ce fait, précisé les attributions desconseils communaux et d’arrondissements enmatière d’urbanisme, de même que celles deleurs présidents respectifs.Ainsi, le conseil communal examine et adopteles règlements communaux de construction. Ilveille également au respect des options et desprescriptions des schémas directeurs d’aména-gement urbain, des plans d’aménagement etde développement et de tout autre documentd’aménagement du territoire et d’urbanisme,dans les limites du ressort territorial de la com-mune. Il donne son avis sur lesdits documents.Le président du conseil communal délivre lesautorisations d’urbanisme et veille à l’applica-tion des lois et règlements d’urbanisme, ainsiqu’au respect des prescriptions des documentsd’urbanisme et d’aménagement du territoire.Quant au conseil d’arrondissement, il estconsulté sur l’établissement, la révision ou lamodification des documents d’urbanisme,lorsque ceux-ci concernent son territoire. Ilexerce un pouvoir de police administrative etdélivre des autorisations d’urbanisme. Le prési-dent du conseil d’arrondissement est compé-tent pour accorder les autorisations deconstruire pour les bâtiments dont la hauteurne dépasse pas onze mètres et les permis d’ha-biter dans les zones couvertes par un docu-ment d’urbanisme en vigueur.

Les dysfonctionnements constatésMalgré l’arsenal juridique régissant l’urba-nisme, la pratique a démontré l’existence dedysfonctionnements. Il existe un retard impor-

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Évolutions institutionnelles, décentralisation et jeu d’acteurs

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La municipalité de l’arrondissementde Sidi Belyout à Casablanca.Le président du conseil communaldélivre les autorisationsd’urbanisme et veille à l’applicationdes lois et règlements d’urbanisme.

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tant dans l’élaboration et la révision des docu-ments d’urbanisme, d’où un recours, devenusystématique, à la dérogation. Malheureuse-ment, dans certains cas, ce système dérogatoirene profite ni au paysage urbanistique ni à lacollectivité.La réalisation des équipements publics projetéspar les plans d’aménagement est encore faible.En outre, la procédure relative à l’instructiondes dossiers de demandes d’autorisation (mor-cellement, lotissement et construction) estcontraignante et lourde.L’absence de règlements généraux de construc-tion est à déplorer, ainsi que celle de réglemen-tation organisant les conditions d’instructionet de délivrance des permis d’habiter et descertificats de conformité.Par ailleurs, la multiplicité des intervenants enmatière de contrôle et de répression des infra-ctions dilue la responsabilité.On constate également que des communesrurales ne sont pas encore érigées en centresdélimités du fait de la lenteur de la procédure,les privant ainsi de ressources financièresconséquentes issues de la fiscalité locale.Enfin, l’habitat insalubre a proliféré sous toutesses formes.Parallèlement à ces dysfonctionnements, onconstate l’existence de régimes fonciers com-plexes(2), qui rendent la mobilisation de terrainsurbanisables difficile, voire impossible, et entra-vent la constitution de réserves foncières.L’absence de réglementation régissant le finan-cement de l’urbanisation rend l’ouverture denouvelles zones problématique.Telles sont les principales étapes, en matièred’urbanisme, des évolutions institutionnelles etde la décentralisation au Maroc depuis 1914.

Quelles solutions aux dysfonctionnements ?Pour que les communes participent effective-ment au développement territorial, le législa-teur les a dotées de nouveaux outils de parte-nariat en modifiant et complétant la chartecommunale.

L’intercommunalitéLe groupement d’agglomération, créé à l’initia-tive de communes mitoyennes situées sur unespace territorial continu dont la populationest supérieure à 200000 habitants, s’est consti-tué pour la réalisation et la gestion de servicesd’intérêt commun. Assimilable à une intercom-munalité, il est notamment compétent enmatière de planification urbaine (élaborationet suivi du schéma directeur du groupement).Il est également habilité à créer et à gérer deséquipements, des zones d’activités, ainsi quedes opérations d’aménagement.

Les sociétés de développement localPar ailleurs, les collectivités locales et leursgroupements peuvent procéder à la créationou à la prise de participation dans des sociétésdénommées « sociétés de développementlocal », en association avec une ou plusieurspersonnes morales de droit public ou privé. Cesstructures correspondent aux sociétés d’éco-nomie mixte françaises.

Le code de l’urbanismeLe code de l’urbanisme, encore en projet,apporte des innovations portant notammentsur la maîtrise du processus d’urbanisation, lalutte contre la prolifération des constructionsnon réglementaires et la responsabilisation desprofessionnels concernés. Toutefois, tel qu’il estconçu avec ses 500 articles, il aura des difficul-tés à être promulgué rapidement selon certainspraticiens.

Une approche pragmatique par « petites touches »Une approche plus pragmatique a été adoptée,au profit de petites lois ciblées. Le projet de loirelatif au contrôle et à la répression des infra-ctions en matière d’urbanisme est un exemple.En effet, le dispositif législatif en vigueur a mon-tré des limites : manque d’uniformité des procé-dures de contrôle qui varient selon le statut duterritoire et la nature des projets, responsabilitédiluée du fait du grand nombre d’administra-tions habilitées à contrôler et lacunes juri-diques en matière de démolition.Le projet de loi sur le contrôle propose de com-bler ces lacunes de plusieurs manières :- en distinguant le contrôle administratif du

contrôle judiciaire ;- en unifiant les procédures par la suppression

du dépôt de plainte du président du conseilcommunal auprès du procureur compétent ;

- en criminalisant le non-respect des ordresd’interruption des travaux et de tout acte irré-gulier pouvant se traduire par des morcelle-ments illégaux ;

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(2) Voir dans ce numéro des Cahiers, HAFIF Azzeddine «Desstatuts complexes d’un foncier rare», p.120.

La protection et la mise en valeurdes sites sensibles sont des préoccupations à intégrer dans les nouvellesréformes.

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- en engageant des poursuites à l’encontre desprofessionnels ayant commis une faute pro-fessionnelle ou ayant participé à la commis-sion d’une infraction en matière d’urbanisme;

- en instaurant la réalisation d’un cahier dechantier pour le suivi et le contrôle.

L’innovation dans le financement de l’urbanisationUn autre projet de loi sur le financement del’urbanisation est en cours d’élaboration. Il sti-pule l’instauration d’un système de reverse-ment d’une quote-part par les propriétaires surle produit de la valorisation foncière engen-drée par l’ouverture d’une zone à l’urbanisa-tion ou le changement de zonage au profit descommunes concernées. L’objectif est de per-mettre à ces dernières de faire face à leurs obli-gations et aux charges nées de ces nouvellessituations.Pour remédier aux dysfonctionnements enmatière d’urbanisme, plusieurs autres mesuresdevront être prises à travers la refonte des circu-laires. Il est nécessaire d’inciter les départe-ments ministériels concernés à proscrire toutacte de renoncer (mainlevée) aux terrainsréservés aux équipements publics projetés parles plans d’aménagement, afin d’acquérir lesterrains en question et de réaliser les équipe-ments correspondants.Il faudra, par ailleurs, préciser les conditions dedérogation et définir l’éligibilité des projets d’in-vestissement à l’instruction (projets créateursd’emplois permanents), et la non-attribution encas d’atteinte aux équipements publics. Il fau-dra prévoir également une procédure de retraitde l’accord de principe dérogatoire en cas denon-respect des conditions d’octroi de la déro-gation.

Les circuits et procédures d’instruction desdemandes d’autorisation de construire, de lotir,de créer des groupes d’habitations et de morce-ler doivent être simplifiées. Enfin, il est néces-saire de réduire les délais d’instruction et d’ap-probation des plans d’aménagement, afind’éviter le recours systématique au dispositifdérogatoire.Outre les actions de rattrapage initiées par leGouvernement (programme national Villessans bidonvilles, mise à niveau urbaine, etc.),les actions présentées, prises ou à prendre,visent au développement des villes et des cam-pagnes marocaines, dans le cadre d’une urba-nisation harmonieuse prenant en considéra-tion tous les aspects économiques, sociaux,environnementaux.De ce fait, il est aujourd’hui impératif d’adopterune vision commune à l’ensemble des acteurslocaux pour l’élaboration d’un projet de terri-toire susceptible de répondre aux différentsenjeux du développement local.Cette vision doit ensuite être traduite spatiale-ment par les documents d’urbanisme (schémadirecteur d’aménagement urbain, plan d’amé-nagement et plan de développement des agglo-mérations rurales), et mise en œuvre par lesdécideurs et gestionnaires locaux.

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Évolutions institutionnelles, décentralisation et jeu d’acteurs

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Des opérations de projets intégréssont en cours de réalisation,

ici à Agadir. V. S

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Le processus de renouvellement de lapolitique d’aménagement du territoireau Maroc, engagé par le département en

charge de l’aménagement du territoire en 1998,a permis de s’adapter aux évolutions et ten-dances territoriales et d’être à l’écoute desacteurs et des territoires, marquant ainsi laphase de conception de la vision stratégiquede l’aménagement du territoire.

Genèse d’une démarche globale

Élaboration innovante d’une vision stratégiquede développement des territoiresPlusieurs actions ont concouru à l’élaborationd’une vision stratégique. Le débat national surl’aménagement du territoire (DNAT) fut unedémarche ascendante, du local au régional,puis au national. Il a permis à tout un chacunde contribuer à une réflexion collective etconcertée qui s’est traduite par la charte natio-nale et le schéma national d’aménagement duterritoire (Snat). La charte est la synthèse dudébat citoyen et d’un consensus. Elle exposeles enjeux territoriaux et arrête les principes debase et les orientations sur lesquels doit repo-ser l’aménagement du territoire.Le Snat est un cadre d’orientations stratégiquesdans lequel l’État affiche sa politique globaled’aménagement et de développement du terri-toire.Plusieurs principes ont été pris en compte lorsde la définition de la vision stratégique :- le principe de citoyenneté. Le paradigme

de l’aménagement est l’unité nationale. Auniveau territorial, cela signifie avant tout l’éga-lité de traitement des citoyens, en tout lieu ;

- le principe d’efficacité. Il se traduit spatiale-ment dans une dimension nationale et locale.Tout d’abord, l’efficacité territoriale des ser-vices publics et des réseaux nationaux detransport, de communication, de transfertd’énergie et, à l’échelle locale, l’efficacité éco-nomique des territoires urbains et ruraux ;

- le principe de durabilité. Principe universelen tout lieu pour le développement écono-mique et social.

Ces principes sont les fondamentaux du Snat.En effet, l’aménagement du territoire consiste àconcilier et à articuler ces principes sur le ter-rain selon la règle : «à chaque territoire, selonses besoins sociaux – de chaque territoire,selon ses capacités économiques ». C’est enquelque sorte la devise du Snat.Aujourd’hui, le contexte a évolué, notammentdu fait de l’émergence de nouvelles probléma-tiques à très forts enjeux socio-économiques(le développement humain, la questionurbaine, le développement du monde rural,etc.), qui mobilisent différents acteurs. De plus,les enjeux économiques liés à l’ouverture desmarchés marocains et aux engagements delibre-échange exigent une mise à niveau et desqualifications dans tous les secteurs. Par ail-leurs, on observe des ruptures territoriales dansdes zones en marge du développement etl’émergence de nouvelles dynamiques d’ac-teurs (partenariats public/privé, participations

Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

Adaptation des outils juridiques et institutionnels

Aménagement du territoire : du stratégique à l’opérationnel

Le site exceptionnel de la vallée du Bouregreg fait l’objet d’un grandprojet stratégique d’aménagementdu territoire à l’échelle de l’agglomération de Rabat-Salé.

Abdelouahed FikratDirecteur national

de l’Aménagement du territoire

La politique d’aménagement du territoire au Maroc a été traduite par le schéma national d’aménagementdu territoire, décliné à travers des stratégies différentes selon les territoires. Un suivi et une évaluationont été mis en place pour mieuxadapter cette vision stratégique à l’opérationnel et permettre la réalisation des projets. La gouvernance et la cohérenceterritoriale demeurent des défis à relever.

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d’ONG). Enfin, des opérateurs économiques sepositionnent sur des créneaux de développe-ment territorial et l’État s’engage dans de vastesréformes pour l’amélioration des conditions decompétitivité et de performance de l’économienationale et des modes de gouvernance.Ce nouveau contexte impose à la politiqued’aménagement du territoire de se positionnerpar rapport aux besoins spécifiques d’aide audéveloppement et d’aide à la décision à traversdeux missions : la réflexion stratégique et« l’opérationnalisation» au service du dévelop-pement local.

Nouvelle démarche : « un territoire, une stratégie, un contrat »Pour répondre efficacement aux exigences dela nouvelle conjoncture nationale et interna-tionale et réaliser les projets ciblés dans le Snat,la direction de l’Aménagement du territoire,appuyée par les pouvoirs publics, s’est réorga-nisée pour accompagner les chantiers deréformes institutionnelles et organisationnellesque connaît le pays.

En ce sens, une réflexion stratégique a étémenée afin de construire la vision d’avenir. Lesobjectifs visaient à garantir la cohérence del’action publique, alimenter le dispositif déci-sionnel sur les grands projets structurants, veil-ler à la compétitivité internationale et élaborerdes orientations territoriales stratégiques.Dans le même temps, la mise en œuvre s’esttraduite par des actions de proximité et desappuis aux projets de territoires. Cettedémarche générique sur le plan méthodolo-gique s’est adaptée aux différentes échelles ter-ritoriales et aux types d’acteurs.Enfin, des missions d’observation, de veille, desuivi et d’évaluation ont été mises en place.Ainsi, la politique d’aménagement du territoirea impulsé la réalisation d’un référentiel d’orien-tations du Snat, de stratégies nationales de déve-loppement territorial et de développementrural, et de schémas régionaux d’aménagementdu territoire (Srat) en partenariat avec lesconseils régionaux et le ministère de l’Intérieur.Elle a favorisé l’adoption de nouvelles démar-ches territoriales, mobilisatrices d’acteurs et definancements (démarche projet de territoire etactions de proximité). Un savoir-faire a ainsi étédéveloppé sur les métiers de l’aménagementdu territoire (diagnostic stratégique, prospec-tive territoriale et dispositifs d’évaluation), ainsique sur le système d’informations territoriales(SIT) et la consolidation des bases de donnéesspécifiques à la migration interne.En stratégie de développement et d’aménage-ment, le degré de couverture territoriale consti-tue un indicateur majeur. Il permet de mesurerl’état de réalisation des objectifs du Snat. À cetitre, les stratégies suivantes ont été adoptées :- la généralisation de la couverture du territoire

national par les Srat ;- le développement des aires métropolitaines

ciblées par le Snat, à savoir les aires métropo-litaines de l’axe central de Casablanca-Rabat(Sofa(1)), du bipôle Fès-Meknès et du bipôleTanger-Tétouan ;

- les espaces sensibles : la montagne, les oasis,le littoral ;

- le développement rural soutenu pour sa miseen œuvre par le levier financier (le fonds dedéveloppement rural), en partenariat avec lesacteurs locaux ;

- des actions de proximité et de mise en œuvred’une démarche de planification participa-tive, qui vise le renforcement des capacitésdes acteurs locaux (agendas 21 locaux, pro-jets de territoires).

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Adaptation des outils juridiques et institutionnels

Aménagement du territoire : du stratégique à l’opérationnel

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(1) Schéma d’organisation fonctionnelle et d’aménagement.Dire

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Du stratégique à l’opérationnel

Le projet de territoire : d’une orientation du Snat à sa mise en œuvreLe développement des territoires repose sur la capacité des acteurs territoriaux à impulser et à porter des dynamiques de développementdans la durée. La démarche « projets de territoires » initiée par le département de l’Aménagement du territoire dans quatre régions (Gharb-Chrarda-Beni Hssen, Chaouia-Ouardigha, Doukkala-Abda, Taza-Al Hoceima-Taounate) a débouché sur l’identification d’unensemble de projets en mesure de créer unedynamique de développement durable. Cetteapproche s’inscrit dans le cadre de l’appui audéveloppement local et à la promotion du par-tenariat par la mobilisation et l’accompagne-ment des acteurs locaux.Les objectifs sont de concrétiser et de permet-tre l’appropriation des outils de la démarcheterritoriale de développement ; de mobiliser lesacteurs pour la réalisation partagée des objec-tifs et du contenu des projets de territoire iden-tifiés ; de développer la démarche contractuelledans la mise en œuvre des projets. Il s’agit éga-lement d’impulser et d’accompagner lesacteurs locaux dans le montage des projets dedéveloppement et d’ancrer la culture de l’ap-proche participative dans l’élaboration des pro-jets de territoire, actuellement en phase de réa-lisation avec l’appui financier du fonds dedéveloppement rural.

Le projet de lutte contre la désertification et la pauvreté par la sauvegarde et la valorisation des oasisLe projet de lutte contre la désertification est unprogramme d’actions découlant de la stratégienationale sur le développement et l’aménage-ment des oasis, orientation retenue par le Snat.Il fédère aujourd’hui plusieurs partenairesnationaux et internationaux. Il s’articule autourdes axes suivants : l’optimisation de la gestiondes ressources en eau ; l’organisation et l’enca-drement des populations; la promotion des cul-tures adaptées et à haute valeur ajoutée ; l’amé-lioration des structures foncières. La mise enplace de mécanismes d’intégration des poli-tiques et des programmes d’intervention, et demécanismes réglementaires et financiers, estégalement prévue pour promouvoir les projetsde développement adaptés à ces espaces.Le projet vise à consolider, voire à créer, uneplate-forme locale de développement durableregroupant, à travers le bassin identifié, tous lesacteurs du développement autour d’une« démarche de pays ». Les principales orienta-tions stratégiques du projet résident en uneapproche territoriale à trois portes d’entrée :

- une vision de développement territorial fon-dée sur une analyse systémique élargie à l’en-semble de l’écosystème oasien du Tafilalet(oasis, steppes, dunes et forêts). Celle-ci intè-gre les aspects économiques, sociaux, cultu-rels et environnementaux ;

- une démarche communale « du bas vers lehaut », qui vise à accompagner l’élaboration etla mise en œuvre des plans communaux dedéveloppement, tout en utilisant les donnéeset éclairages issus des analyses systémiques.Elle alimente la construction de la vision dedéveloppement territorial ;

- la recherche d’intercommunalité, qui permet-tra de construire des plans territoriaux cohé-rents entre les communes, intégrant les fonc-tions écologique, économique, sociale etculturelle des écosystèmes oasiens.

Le programme Oasis concerne, dans une pre-mière phase, le bassin de Tafilalet.

Des acquis grâce aux différentes démarchesL’impact de ces démarches demeure limité,mais le processus de construction de la poli-tique de développement territorial aura permisd’instaurer de nouvelles pratiques de concerta-tion et de participation, et de diffuser une cul-ture d’aménagement du territoire et de sesenjeux. Il aura surtout contribué à intégrer laprise en compte de la dimension territorialedans la conception et le montage des diffé-rentes stratégies d’intervention et des projetsde développement.Cependant, des mesures d’ordre institutionneldoivent être prises, relevant particulièrementde la bonne gouvernance territoriale et desmodes opératoires. Il s’agit de chantiers lancésdernièrement par le Maroc et qui portent sur :- la régionalisation élargie avec toutes ses impli-

cations en termes de déconcentration et dedécentralisation ;

- une pratique normative de la contractualisa-tion État/région pour plus de convergence etd’intégration ;

- des compétences et missions clarifiées ;- un positionnement institutionnel fort de la

structure en charge de l’aménagement du ter-ritoire.

La cohérence territoriale : un nouveau défi à releverLe partage d’une vision territorialisée du déve-loppement par la prise en compte des exi-gences de la démarche et de la cohérence ter-ritoriale est un processus de longue haleine. Ilnécessite une volonté politique traduite par desréformes d’ordre institutionnel et réglemen-taire, et par des leviers financiers pour l’aména-gement du territoire, ce qui représente un granddéfi à relever.

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La problématique de l’eau est un élément essentiel de la politique stratégique de l’aménagement du territoire.Ici, le barrage et le lac de Tahanaourtdans la région de Marrakech.

Intégration parfaite des villages de l’Atlas dans le paysage de la région de Marrakech.

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La fréquence des catastrophes naturellesliées aux changements climatiques,conjuguée à la hausse des prix du

pétrole, et les impacts négatifs de ces facteurssur le développement du Maroc, ont interpelléle Gouvernement. Ainsi, il a décidé de fédérerles efforts et d’optimiser les actions, tantpubliques que privées, dans un cadre de déve-loppement durable et intégré sur le plan écono-mique, écologique et social.

Une nouvelle approche énergétique de l’urbanismeLe Maroc est tributaire des importations de pro-duits pétroliers pour son approvisionnementénergétique à hauteur de 95 %. Il doit donc pri-vilégier les énergies renouvelables et maîtrisersa consommation. Cela se traduit par desréformes réglementaires et opérationnelles.

Renouvellement global de l’arsenalréglementaire

Les préoccupations environnementales dans le code de l’urbanismeUn nouveau dispositif de maîtrise du proces-sus de l’urbanisation, dit code de l’urbanisme,sera mis en place. Il prévoit des dispositionstelles que l’obligation des études d’impact surl’environnement pour les villes nouvelles, l’inté-gration des plans verts comme outils de plani-fication, et la prise en considération de l’envi-ronnement dans l’élaboration des documentsd’urbanisme.

Le code de l’urbanisme, novateur et évolutif,pose les jalons d’un urbanisme adapté auxdéfis de la ville marocaine, qui se veut attractive,compétitive et durable, afin de drainer de l’in-vestissement, de créer de la richesse, de préser-ver les ressources naturelles, ainsi que de confir-mer l’identité patrimoniale et culturelle. Il s’agitde s’inscrire dans un cadre mondialisé et dura-ble, et de renforcer la démocratie locale et lagouvernance environnementale. Pour atteindreces objectifs, le nouveau dispositif s’accom-pagne d’une variété de documents d’urba-nisme et d’instruments d’aménagement urbain.Ce code propose un document stratégique : leschéma directeur d’agglomération (SDA), sup-port d’une contractualisation des actions pro-grammées en concertation avec les partenairesconcernés, fixant les orientations stratégiques ettenant compte de celles liées à l’aménagementdu territoire.Au niveau des règles générales d’utilisation dusol, il propose notamment un plan d’aménage-ment et un plan de sauvegarde et de mise envaleur. Le premier évite le recours au zonagefigé dont a souffert la ville marocaine depuisdes années et qui a laissé le champ libre auxpratiques dérogatoires qui ont nuit à la gestionurbaine en rejetant les bases d’une planifica-tion urbaine durable. Il définit les secteurs àpartir de leur densité globale, de leur coeffi-cient d’occupation du sol et de leur vocation,en intégrant la dimension environnementale.

Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

Adaptation des outils juridiques et institutionnels

Le développement durable dans la réforme de l’urbanisme

Application de méthodesécologiques pour la création d’espaces verts en milieu urbain à Agadir.

Hafida Aarab(1)

Ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme

et de l’Aménagement de l’espace

Conformément aux Hautes InstructionsRoyales, le Maroc a confirmé sonadhésion aux principes internationauxde préservation de l’environnement et son choix d’intégrer la gouvernanceenvironnementale, notamment à traversla mise en œuvre de la stratégieénergétique nationale et de la chartenationale de l’environnement et du développement durable en cours d’élaboration.

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« […] Il faudra prévoir, parmi les nouvellespriorités, l’adoption d’une nouvellepolitique agricole, énergétique et hydraulique, ainsi que l’élaboration d’un plan pour le développement territorialurbain et rural. »

Extrait du discours de Sa Majesté le Roi Mohammed VI

à l’ouverture de la 8e législature (12 octobre 2007).

(1) Directrice de la direction technique de l’Habitat.

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Le plan de sauvegarde et de mise en valeurindique les mesures de protection et de valori-sation à mener dans les secteurs à valeur patri-moniale ou écologique, ainsi que leurs possibi-lités de développement et d’aménagement.Le nouveau code propose également des sec-teurs de projets définis par le plan d’aménage-ment pour porter des opérations de rénovation,de reconversion, de requalification, etc. Ces sec-teurs peuvent englober des zones sous surveil-lance architecturale, et des zones d’interven-tion sur l’habitat insalubre ou menaçant ruine.Les aspects sociaux, écologiques et écono-miques de ces zones sont pris en compte.Concernant l’aménagement foncier, un nouvelinstrument opérationnel a été créé : le secteurd’aménagement concerté. Il associe le secteurprivé, les propriétaires fonciers et les opérateursd’aménagement et de construction, pour garan-tir la répartition équitable des plus-values et descoûts liés à l’urbanisation. Enfin, ce code a ins-titué les opérations de remembrement urbainqui consistent à regrouper des parcelles en vued’une nouvelle répartition foncière permettantune utilisation optimale des terrains.

Des études d’impact préalables pour renforcer l’efficacité énergétiqueLes villes nouvelles et les zones d’urbanisationnouvelles sont traitées actuellement commedes opérations de lotissement. Aussi a-t-il étédécidé de les doter d’un cadre juridique offrantles outils nécessaires à leur réalisation et inté-grant les principes du développement durable.Le projet de loi visant à renforcer l’efficacitéénergétique dans les secteurs-clés de l’écono-mie nationale et dans les villes nouvelles ren-dra obligatoire la réalisation d’études d’impacténergétique. L’objectif consiste à évaluer lesconsommations énergétiques prévisionnelleset les potentiels d’efficacité énergétique enidentifiant les ressources énergétiques locales,notamment renouvelables.

La durabilité dans les constructionsUn code de la construction, en projet, complètele code de l’urbanisme. Son objectif est demoderniser et de favoriser la construction dura-ble. En effet, la situation actuelle, quasi anar-chique, met en jeu la responsabilité de l’inter-venant, la sécurité de l’usager, la qualité et ladurabilité de la construction. Ce code permet-tra d’identifier tous les intervenants dans l’actede construire, de définir clairement leurs rôleset d’offrir un système adapté d’assurance et degarantie. Il visera à améliorer les référentiels uti-lisés en matière de normalisation et de certifi-cation en analysant les dispositifs d’autres pays.Il pourra intégrer les avancées sociales, écono-miques, énergétiques ou écologiques des maté-

riaux et des procédés de construction. Enfin,il proposera un système de contrôle inté-gré (intervenants, matériaux, procédés),ainsi que des sanctions.

Inscrire l’efficacité énergétique dans le secteur du bâtimentLa consommation énergétique du secteurdu bâtiment représente environ 36 % dela consommation du pays, dont 29 % dansle résidentiel et 7 % dans le tertiaire. Cetteconsommation est appelée à augmenterau regard de l’impératif de production deplus de 200000 logements par an, et de l’aug-mentation des besoins en matière de conforténergétique que les changements climatiquesa accentué. Ainsi, une stratégie énergétiquenationale a été mise en place avec pour objec-tif la réduction globale de la consommationd’énergie d’au moins 15 % à l’horizon 2020.Pour s’inscrire dans cette stratégie, le ministèrea initié des études d’impact environnemental eténergétique pour les villes nouvelles deLakhyayta (près de Casablanca) et de Chrafate(près de Tanger). Enfin, il a intégré ces mêmespréoccupations dans les cahiers des chargesdu nouveau dispositif d’habitat social pour lapériode 2010-2020 et introduit progressivementdes techniques et des normes d’efficacité éner-gétique dans les programmes d’aménagementurbain et d’habitat.Maîtriser le développement urbain, concilierune gestion rationnelle des ressources natu-relles avec un développement créateur d’em-plois, assurer des conditions de vie dignes, pré-server l’environnement, et assurer une plusgrande égalité des chances, tels sont les défis àrelever par ces actions qui s’inscrivent dans lecadre de la réforme en cours de l’habitat, del’urbanisme et du développement territorial.

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Charte nationale de l’environnement et plan climatPlusieurs démarches ont été mises en œuvre afin d’intégrer le développementdurable et l’environnement dans l’aménagement. Ainsi, une charte de l’environnement et du développementdurable, un plan climat et des plansterritoriaux de lutte contre le réchauffementclimatique sont en cours d’élaboration.

Des stratégies de développementterritorial durableAu niveau national, six stratégies dedéveloppement territorial ont été lancées.Chacune s’attelle à des enjeux majeurs du territoire marocain : les problématiquesnationales, telles que le développementrural ou le renouvellement urbain ; ou les espaces sensibles comme les oasis etles massifs montagneux ou les ksouret les kasbahs.Chaque stratégie prône l’intégration sociale,la solidarité territoriale, la préservation des équilibres naturels, la prise en comptedes impacts du changement climatique et la promotion d’une économie régionalecompétitive. Ces stratégies s’accompagnentd’une variété d’outils opérationnels adaptésaux thématiques et aux échelles.Plusieurs projets pilotes ont démarré : la maîtrise du développement urbain à El Jadida et Settat, et le renouvellementurbain sur le secteur de Jnanate à Fès.

L’interpénétration du bâti et des espaces verts est une qualitéqui contribue à la durabilité du développement urbain au bénéfice de tous les habitants. Ici, un espace public de la municipalité de Oujda.V.

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Jardin andalou, Kasbah des Oudayas, Rabat.

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La présente contribution offre un éclai-rage sur la complexité des différents sta-tuts fonciers, les contraintes liées à la

mobilisation foncière, leur impact sur le déve-loppement urbain(2) et évoque les projets deréforme.

Une complexité issue de la multiplicitédes statuts fonciersLe système se caractérise par l’existence de sixstatuts fonciers : le melk, le collectif, le guich, lehabous, le domaine privé de l’État et le secteurde la réforme agraire.• Les terrains privés, propriétés de personnesphysiques ou morales de droit privé, sont le plussouvent non immatriculés et donc régis par ledroit musulman (le melk), le plus importantquantitativement (trois quarts de la surface agri-cole utile). «Si les transactions sont juridique-ment libres sur les terres melks, elles sont enfait fortement ralenties par les caractéristiquesdu régime successoral de droit musulman: unetrès grande partie des propriétés sont dans l’in-division entre cohéritiers. Même si le droit pré-voit des sorties d’indivision, leurs mises enœuvre sont complexe et passent par un accordou un dédommagement des cohéritiers quibloquent ou ralentissent les transactions(3) ».• Les terres collectives, essentiellement rurales,appartiennent en pleine propriété à des collec-tivités ethniques, et sont gérées par les chefs defamille sous la tutelle du ministre de l’Intérieur.Elles sont imprescriptibles, insaisissables et ina-liénables,saufacquisition amiableou par expro-

priation par l’État ou les établissements publics.• Le guich désigne les terrains concédés auxsoldats recrutés par le Makhzen dans certainestribus. La nue propriété est gardée par l’État quicède l’usufruit.• Les terres habous relèvent d’un acte juridiquepar lequel une personne met son bien à la dis-position d’une œuvre caritative ou sociale àperpétuité. On distingue les habous publics(habous kobra et habous soghra), gérés par des nadirs relevant du ministère des Habous etdes Affaires islamiques, et les habous privés(habous de famille ou de zaouia). Les proprié-tés habous sont imprescriptibles, insaisissableset inaliénables, sauf expropriation pour caused’utilité publique.• Les terrains appartenant à l’État se composentdu domaine public et privé de l’État, dudomaine militaire, du domaine forestier et desterres récupérées.• Les terrains appartenant aux collectivitéslocales sont constitués des domaines des com-munes, préfectures, provinces et régions.

Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

Adaptation des outils juridiques et institutionnels

Les statuts complexes d’un foncier rare

La maîtrise du foncier est un enjeumajeur de l’aménagement.

Azzeddine Hafif(1)

Agence urbaine de Casablanca

L’urbanisation croissante au Marocsoumet le sol urbain à la pressiond’une demande accrue. Le constat est dressé de l’urgente nécessité de refondre le système foncier. Une situation que les politiquespubliques essaient de dépasser,convaincues que la maîtrise foncièreest une condition indispensable à une urbanisation maîtrisée.

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(1) Responsable de la direction foncière et de l’aménage-ment urbain.(2) 55,1 % de la population vivait en milieu urbain en 2004,contre 51,4 % en 1994. Le rythme de l’urbanisation va conti-nuer à augmenter en dépit de la baisse du taux de crois-sance démographique, ce qui maintient la pression sur lefoncier.(3) BOUDERBALA Najib, « La modernisation et la gestion du foncier au Maroc», dans La modernisation des agriculturesméditerranéennes à la mémoire de Pierre Coulomb, Mont-pellier, Jouve AM, CIEHAM-IAMM, 1997, p.158.

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Un système foncier qui entrave la mobilisation du sol urbain

Les contraintes d’ordre juridiqueLe système foncier actuel est très complexe. Ilest régi par deux régimes juridiques différents.Un régime traditionnel, issu du droit musulmanet coutumier, qui fonde le droit de propriété surla possession paisible, à titre de propriétaire, etnon interrompue pendant dix ans(4). Les immeu-bles soumis à ce régime se caractérisent parl’indivision de la propriété, issue de transmis-sion successorale, et l’absence de publicité.Ceci complique la circulation des biens et l’in-vestissement, eu égard à l’insécurité des tran-sactions – le droit prétendu subsistant jusqu’àpreuve du contraire – et à la difficulté d’accèsau crédit faute de garantie certaine. Instauré en1913, un régime moderne s’inspirant de la loiaustralienne, l’Act Torrens(5), consiste à inscriresur les livres fonciers un immeuble délimitéjuridiquement et physiquement. L’immatricula-tion, aboutissement du processus, crée un titrefoncier définitif et inattaquable. Ce régime offrel’avantage de la publicité des droits immobi-liers, de la force probante des inscriptions, et dela purge des droits des tiers. Aussi favorise-t-illa mobilisation de la propriété foncière, grâce àune transmission plus sûre, ainsi que des créditsbancaires. Mais l’immatriculation est complexe,coûteuse et lente(6).

Les freins socioculturelsL’offre de terrains à valoriser est freinée par laperception de la propriété foncière comme unplacement sûr dont la valeur ne ferait qu’aug-menter. La vente n’intervient qu’en cas denécessité impérieuse. Cette rétention est par-fois involontaire, comme dans le cas de diffé-rends entre héritiers ou de difficultés de sortied’indivision entre copropriétaires. Ces terrainssont propices aux morcellements irréguliers etaux lotissements « clandestins » qui pullulenten zones périurbaines et rurales.

Les entraves administrativesLe foncier est dénoncé comme handicap rédhi-bitoire à l’investissement. À la complexité desstatuts s’ajoute la lourdeur des procéduresadministratives liées à l’investissement.Suite à la Lettre royale de 2002 sur la gestiondéconcentrée de l’investissement, des mesuresont été prises pour simplifier les procédures,telles le renforcement des pouvoirs des walisde région, avec la délégation des compétencesministérielles en matière d’autorisations liéesà l’acte d’investir ; la transformation de cer-taines commissions nationales en commissionsrégionales ; et la création des centres régionauxd’investissement (CRI).

Mais ces améliorations, limitées aux autorisa-tions de construire, ne traitent pas la globalitédes procédures administratives liées aux inves-tissements. Ainsi, la procédure d’apurement dufoncier, qui fait alterner des procédures tech-niques et juridico-administratives intermina-bles, n’a pas été réformée. Même dans la situa-tion favorable d’une assiette foncière réputéeassainie, il faut accomplir une série dedémarches : acquisition du terrain, enregistre-ment des actes d’acquisition, immatriculationdes terrains au nom des opérateurs, établisse-ment des dossiers techniques cadastraux, etc.La situation paraît d’autant plus complexequ’elle manque de transparence. L’informationproduite par une multitude d’acteurs, corollairede la diversité des statuts juridiques fonciers,est peu structurée, manque de cohérence, etn’est pas à jour. L’investisseur en quête de dispo-nibilités foncières est désorienté : les CRI nesont utiles que sur des aspects de procédure etles agences urbaines ne peuvent l’aiguiller quesur les documents d’urbanisme. Toutes cescontraintes risquent d’inhiber les effortsdéployés pour promouvoir l’investissement, decréer une situation de rareté et de conduire audéveloppement de marchés parallèles.

Un foncier urbain de plus en plus rareLa rareté du foncier urbain est principalementattribuée à deux phénomènes.

L’amenuisement de la réserve publiqueAu lendemain de l’Indépendance, l’État, héri-tier d’un important patrimoine foncier dans laplupart des grandes villes, a pu réaliser des opé-rations d’envergure. Par crainte de s’enliser dans

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La forme du parcellaire traduit des fonciers de types différents.Exemple de Casablanca.

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(4) Quarante ans lorsque la possession est invoquée à l’en-contre des parents, d’alliés ou de copropriétaires.(5) Cette loi a été adoptée par le parlement australien en1858. Voir DECROUX Paul, Droit foncier marocain, Rabat, LaPorte, 1977, p.55.(6) Voir dans ce numéro des Cahiers, BOUDERBALA Najib op cit,p.161. L’auteur souligne que : « Il a fallu quatre-vingt ans pourimmatriculer moins de 200000 propriétés sur un total qu’onpeut estimer à plus de deux millions».IA

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les méandres de l’expropriation, les adminis-trations et les établissements publics ont privi-légié les terrains domaniaux dans des villescomme Casablanca, Fès, Marrakech, Meknès,où la demande sociale se faisait particulière-ment sentir. À Casablanca, l’extension s’estessentiellement réalisée sur le foncier rapide-ment mobilisable (85 % des constructions del’agglomération en 1982) acquis au début desannées 1950 par Michel Écochard(7). Cepen-dant, cette manne s’épuise. Elle est constituéegénéralement de terres situées en périphérierurale, hors périmètres d’aménagement arrêtéspar les documents d’urbanisme, ce qui engen-dre un étalement urbain dicté par l’opportu-nisme foncier.L’amenuisement du foncier public livre la villeà l’initiative privée qui décide du temps de misesur le marché d’un terrain et, dans une certainemesure, de sa valeur vénale. C’est une explica-tion de la flambée des prix(8) dans les grandesvilles, qui n’a été ralentie qu’avec la crise éco-nomique mondiale.Pourtant, les terrains ne manquent pas dansl’absolu. Le nouveau schéma directeur d’amé-nagement urbain (Sdau) de Casablanca aouvert 25 000 hectares à l’urbanisation. Mais,dans le contexte juridique actuel, ceci ne pro-fite qu’aux propriétaires dont la valeur des ter-rains augmente. La rétention des terrains dansle Casablanca intra-muros entraîne un renché-rissement des prix, aggravant ainsi la ségréga-tion sociale en rejetant les ménages à faiblesrevenus en périphérie. In fine, la ségrégationspatiale progresse, malgré des documents d’ur-banisme qui s’efforcent de rétablir les équili-bres entre les différents espaces de la ville.

Le dilemme des marchés parallèlesCes marchés, qui prolifèrent dans les margesurbaines où le foncier est cédé à bas prix, pro-duisent des situations paradoxales : les quar-tiers auxquels ils ont donné naissance se trou-vent bloqués, à leur tour, par le facteur foncier.Chassés par le marché foncier et sans crédibi-lité auprès des institutions bancaires, lesménages à revenu bas ou sans revenu fixe trou-vent refuge dans les périphéries des grandesagglomérations, lieux de prédilection de l’ha-bitat dit «clandestin». La régularisation urbainecomporte des opérations de restructuration etde résorption de l’habitat insalubre visant àintégrer ces tissus dans le périmètre d’aména-gement des documents d’urbanisme. Mais ellebute sur le foncier car ces quartiers sont réali-sés principalement sur des terrains privés.

Une réforme qui se fait attendreL’affirmation que la maîtrise urbaine passe for-cément par la maîtrise foncière revient comme

un leitmotiv. Cette question revêt toute sonimportance dans les grandes villes, notammentà Casablanca, eu égard aux nombreux défisque la métropole économique doit relever.Le sol urbain a un intérêt stratégique quirequiert une action volontariste, énergique etinnovante des pouvoirs publics. Si des réformessont en cours, d’autres restent à inventer.

Le nouveau projet de loi foncière, prémisse d’une véritable évolution ?Le système mis en place dès les années 1910n’a jamais été revisité en profondeur. Laréforme conduite par le département de l’Agri-culture peine à voir le jour (la première tenta-tive remonte à 1994), alors qu’elle est un préa-lable nécessaire à la réforme globale de laquestion foncière.Reconnaissant la lourdeur du système, le projetde loi n° 14.07 modifie le dahir(9) du 12 août1913 relatif à l’immatriculation en imposant auxpropriétaires, dans des zones délimitées, d’im-matriculer leurs biens immobiliers dans lecadre de procédures gratuites et en ramenantle délai des inscriptions à trois mois, avec uneamende progressive en cas de retard. Enfin, ceprojet de loi rend obligatoire l’authentificationdes actes devant notaire ou adoul(10), afin desécuriser les opérations foncières, et sanctionneles oppositions et prénotations abusives.Malgré les apports de ce texte, on est encoreloin d’une refonte du système foncier articuléeavec la loi sur l’Urbanisme – dont le toilettagetarde à entrer en vigueur – et la fiscalité, troissecteurs clés qui aujourd’hui s’ignorent.

Contribution au financement de l’urbanisationpar les plus-values foncièresUn projet de code de l’urbanisme innove entraitant la question foncière sous l’angle de l’ur-banisme. Il ne s’agit pas de se substituer auxdispositions de la loi sur l’Immatriculation fon-cière, mais d’en fixer les principes de base.Les objectifs sont de mieux distribuer les plus-values foncières, notamment pour la prise encharge du coût de l’urbanisation, de dissocierles autorisations administratives du statut depropriété et d’établir des outils d’orientationfoncière. Il s’agit également de réserver du fon-cier pour les équipements publics dans les lotis-sements, de réguler le marché foncier et d’en-

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Adaptation des outils juridiques et institutionnels

Les statuts complexes d’un foncier rare

Le Maroc en perspective : regards croisés

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Des réserves foncières pour les équipements publics sont prévues dans les plansd’aménagement (en jaune hachurésur cet extrait du pland’aménagement de Mohammedia).

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(7) KAIOUA Abdelkader, Casablanca, l’industrie et la ville,Mohammedia, imprimerie Fedala, 1996, p.476.Voir égalementla biographie de Michel Ecochard dans ce numéro desCahiers, p.172 .(8) Le prix du mètre carré dans le « triangle d’or » à Casa-blanca dépasse les 70000 dirhams. Dans des quartiers péri-centraux, il excède les 10000 dirhams.(9) Loi promulguée par le Sultan ou par le Roi.(10) Auxiliaires des juges, ils sont 5000 au Maroc et sont com-pétents pour de nombreux actes légaux.

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cadrer l’expropriation et la préemption.Partant de ces principes, le projet de code sug-gère de dissocier l’immatriculation foncière desautorisations de lotir, et de prévoir différenteszones d’aménagement foncier réservées dansle plan d’aménagement et des zones de projet,notamment celles faisant l’objet de modalitésparticulières (aménagement concerté ou négo-cié, rénovation et renouvellement urbain, etc.).Il propose d’instaurer une contribution gratuitedu lotisseur aux réservations foncières desti-nées aux équipements collectifs et de créer desagences foncières régionales dotées de moyensjuridiques (droit d’expropriation et droit depréemption) et financiers adéquats pourreconstituer des réserves foncières.

Les chantiers prioritaires à engagerUne urbanisation contrôlée implique unedémarche innovante, anticipatrice et intégra-tive des différentes entités publiques. Les chan-tiers à engager dans cette perspective doiventprivilégier :

La reconstitution de la réserve foncièreCette action devrait être effectuée par la col-lectivité publique pour pouvoir anticiper lesacquisitions dans les nouvelles zones d’urba-nisation, à des prix raisonnables correspondantà la valeur des terrains avant ou à la date d’ap-probation des plans d’aménagement(11).

La création d’une agence foncière régionale et d’un observatoire foncierL’agence foncière régionale proposée par leprojet de code de l’urbanisme doit être dotéede ressources financières conséquentes et sonaction doit être encadrée par des règles rela-tives aux zones d’aménagement différé (ZAD),et au droit de préemption et d’expropriationpréservant les droits des propriétaires. Elle doitpouvoir intervenir sur le marché comme unpromoteur privé pour ne pas voir son actioncontrariée par des commissions d’expertise etse voir obligée de recourir à la procédure d’ex-propriation. L’agence foncière régionale doitréguler le marché foncier car la réserve de ter-rains permet de peser sur les prix en mettant lesterrains sur le marché au moment opportun.Un observatoire foncier est nécessaire commeoutil d’aide à la maîtrise des acquisitions fon-cières et à la promotion de l’investissement.

Le réaménagement de la fiscalité foncièreLa rétention est une réalité contre laquelle lafiscalité foncière est presque inopérante. Enzone urbaine, la taxe sur les terrains non bâtis(TNB) essaie difficilement de jouer ce rôle. Lefoncier en zone périurbaine voit sa valeur aug-menter, mais il est à l’abri de la fiscalité qui le

considère comme zone agricole. Enfin, la TNBn’intègre pas non plus la valorisation des lotis-sements qui restent longtemps sans construc-tion du fait de la spéculation.

Le financement de l’urbanisationC’est un enjeu majeur révélé par la mise enœuvre des documents d’urbanisme. Il se heurteau problème du financement des équipementshors site et des superstructures dans les zonesouvertes à l’urbanisation, et sans lesquels l’offrede terrains urbains restera théorique.La ville prend du temps à se réaliser, elle seconstruit au gré d‘une juxtaposition de lotisse-ments. L’investissement hors site, généralementtrès onéreux, dépasse les capacités des collec-tivités locales, même les plus riches. La ques-tion de l’urbanisation dévoile également la fai-blesse des financements publics. Il incombedonc au législateur d’imaginer les mécanismesappropriés de mobilisation du sol urbain parvoie d’acquisition des terrains ouverts à l’urba-nisation et de financement de leur équipement,notamment par le développement de partena-riats public-privé et privé-privé ; sans oublier lafiscalité qui doit inciter à la valorisation, dissua-der la rétention et la spéculation foncière, etpourvoir les ressources financières nécessairesà l’effort d’urbanisation.

(11) AUBY Jean-Bernard et PÉRINET-MARQUET Hugues, Droit del’urbanisme et de la construction, Paris, Montchrestien, 1998,p.293.

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Les agences foncières régionalespermettront une meilleureconnaissance du foncier et faciliteront la mise en œuvre de la planification.

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30 ans de coopérationavec le Maroc

L’éventail des actions de coopération menées par l’IAU îdFdepuis 30 ans avec les différents partenaires marocainsillustre les apports mutuels riches et fructueux.Ces travaux démontrent l’adaptabilité du Maroc à l’innovation dans les approches intégrées et soulignentl’évolution des pratiques de planification stratégique et de traitement de problématiques spécifiques. Ainsi, des solutions originales et adaptées ont étéapportées à des thèmes qui sont toujours d’actualité,qu’elles soient urbaines ou environnementales, liées notamment aux médinas, à l’habitat irrégulier ou au parcs naturels.Des visions prospectives pour anticiper les besoinscroissants ont été définies, notamment à Agadir avec le Satama ou à Casablanca avec le plan de développement stratégique et sa traduction spatiale et réglementaire dans le nouveau Sdau.L’IAU îdF a également participé avec ses partenaires à l’élaboration d’une variété d’outils, notamment de nouvelle technologie. Le développement et la montée en puissance de façon adaptée, des systèmes d’informationgéographique, des tableux de bord et des observatoires ont largement contribué à l’amélioration des performancesde l’analyse des phénomènes urbains au service des décideurs.Enfin, la création du centre de ressources multimédia de la Direction de l’urbanisme a permis de faciliter la visibilité et l’accessibilité aux informations. Dépassant l’échelle nationale via internet et l’adhésion aux réseaux européens de centre de ressources, elle a ouvert de nouvelles perspectives.

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La vallée du Bouregreg : plaidoyer pour un développement durable

Plan de référence pour l’aménagement de la vallée du Bouregreg

Salé : redynamiser la médina en la sauvegardant

Salé : intégrer l’habitat irrégulier dans une vision d’agglomération

Casablanca

Grand Casablanca : le Sdau en appui au projet métropolitain

Quelle stratégie d’aménagement pour le littoral de Casablanca?

Casablanca : intégration du grand projet urbain d’Anfa

Agadir

Satama : référentiel pour la métropole d’Agadir

Requalification et renouvellement urbain du centre d’Agadir

Le parc de Souss-Massa, territoire d’exception à l’équilibre fragile

Agadir : rétrospective sur le Sdau et les cités nouvelles

Fès

Fès : articuler la médina avec son environnement

Des actionspartenariales adaptéesaux territoires

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La ville se transforme en permanence. Auxurbanistes et aux élus de faire en sorteque ce soit toujours en s’améliorant. Pour

être « durables », les transformations nedevraient pas être partout les mêmes et le bâtine devrait pas être systématiquement privilé-gié. Les agglomérations sont confrontées à cesévolutions en continu, soit en leur cœur, soit àleurs limites. C’est le cas de l’agglomération deRabat-Salé sur le site naturel exceptionnel queconstitue la vallée du Bouregreg.

Un site exceptionnel à dominantenaturelle soumis à de fortes pressionsd’urbanisationLe site physique du Bouregreg entre Rabat etSalé comprend une large vallée réputée inon-dable et occupée majoritairement par de l’agri-culture et des zones humides bordées de pla-tiers à son embouchure, tous ces milieux étantdes sanctuaires de faune et de flore. Le Boure-greg serpente dans la vallée pour se jeter dans l’océan et subir l’influence des marées.Jusqu’au milieu du XXe siècle, la vallée du Bou-regreg séparait la médina de Salé sur la rivedroite de celle de Rabat, avec la presqu’île for-tifiée des Oudaïas, sur la rive gauche.Aujourd’hui, compte tenu de l’extension consi-dérable de l’urbanisation, cette vallée se situe,telle une médiatrice, au milieu de la grandeagglomération urbaine de Rabat-Salé. Cetteagglomération bénéficie ainsi d’un large pande nature – une chance dont très peu de métro-poles peuvent s’enorgueillir –, exceptionnel

mais fragile, puisqu’elle subit de fortes pressionsd’urbanisation. Les projets de constructionsitués dans la vallée du Bouregreg constituentun défi majeur. Comment valoriser les rôles éco-logiques et paysagers majeurs de la vallée ?Cela impose de la considérer comme unauthentique espace de nature en ville, et noncomme un «espace vert urbain». La sacralisa-tion de ce site emblématique n’étant pas sou-haitable ni tenable, comment conjuguer préser-vation environnementale du site et nécessitéde développement ?

La « vraie nature » au cœur d’une agglomération, une gageure ?Pourquoi est-il souvent plus difficile de préser-ver un grand espace ouvert en cœur d’agglomé-ration que de réaliser des espaces verts aprèsurbanisation ? La nature en ville n’aurait-elledroit de cité que domestiquée? À quelles diffi-cultés sont confrontés aménageurs et éluslorsqu’ils prônent un développement durable?Plutôt que de décrire le projet, il nous sembleplus intéressant d’évoquer les questions quiméritent une réponse adaptée au site.

Les normes, atouts ou handicaps ?Il est souvent rassurant d’avoir recours à desnormes pour mesurer des quantités. Elles sontdes moyens de comparaison fondamentaux.Elles ne devraient toutefois pas dispenser d’uneapproche qualitative adaptée au contexte. En

La vallée du Bouregreg : plaidoyerpour un développement durable

L’embouchure de la vallée du Bouregreg est un site naturelexceptionnel, que l’urbanisationcontraint peu à peu.

Jean-Louis Pagès(1)

Architecte urbaniste

La durabilité d’un développement se juge par son contenu, mais aussi par sa mise en œuvre et la gestion deses transformations. Les agglomérationssont confrontées à des évolutionspermanentes ; c’est le cas de Rabat-Salésur le site exceptionnel du Bouregreg.Comment faire accepter undéveloppement à dominante naturelle en cœur de ville ? Quelles sont les originalités du projet pour assurer sa réalisation et sa gestion de manièredurable ?

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(1) Ancien chargé d’études à l’IAU îdF.

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effet, une agglomération comme Rabat-Salépeut sembler, au vu de ces normes, satisfaisanteen termes d’espaces verts. Une urbanisationpeu dense de la vallée pourrait même confor-ter, voire améliorer ces normes. Son maintien«à dominante naturelle » ne peut se justifier àtravers des chiffres qui ne tiendraient compte nide sa rareté ni de ses utilités écologiques et pay-sagères.

L’écologie urbaine peut-elle s’appliquer à Rabat-Salé ?La dimension écologique devient plus quejamais évidente à prendre en compte au niveaude la planète, mais elle reste très difficile à faireadmettre au niveau d’une agglomération. Cou-pure à l’urbanisation, couloir biologique, dépol-lution naturelle, effets sur le microclimat, autantd’arguments qui ont du mal à résister face aucoût du terrain urbain potentiellementconstructible. Il est temps de ne plus opposerterritoire urbain et naturel, et d’admettre leurinterpénétration. La vallée du Bouregreg parti-cipe à la dépollution naturelle du fleuve. Ellefait partie de la trame verte de l’agglomération(coupure à l’urbanisation, ceinture verte) etabrite une faune et une flore importantes.

Peut-on prévenir les risques par des moyens techniques ?La vallée du Bouregreg est inondable. Certainsde ses versants sont peu stables et sujets à desglissements de terrain. Plutôt que d’y construire,le plus sage ne serait-il pas d’y développer desactivités de plein air, d’y conserver de l’agricul-ture, et de maintenir les zones humides qui sontde véritables sanctuaires écologiques pour lafaune et la flore ?

Le patrimoine paysager est-il aujourd’huivraiment reconnu ?La notion de patrimoine paysager, où le naturelet le bâti se mettent en valeur mutuellement, esttrop souvent jugée subjective. Cependant, lapresqu’île des Oudaïas, la médina de Rabat, lemausolée Mohammed V, les fortifications et lamédina de Salé, le site de Chellah, font de l’em-bouchure du Bouregreg un site d’une dimen-sion paysagère exceptionnelle grâce au trèslarge panorama offert de part et d’autre du litdu fleuve resté naturel.

Un terrain conservé non bâti est-il nécessairement sous-utilisé ?Maintenir peu ou non bâtis des espaces dont leprix du terrain pourrait être élevé peut paraî-tre absurde du point de vue économique. C’estd’ailleurs le principal obstacle au maintien dezones non bâties en milieu urbain. Là encore,les normes ne jouent pas en faveur des espaces

ouverts à cause du manque à gagner immédiat.Mais le temps et la durabilité sont-ils vraimentpris en compte? La valorisation aux limites nepourrait-elle être mieux envisagée et compen-ser la non-constructibilité proposée ? C’estautour des grands espaces ouverts urbains quel’on trouve les valorisations du bâti les plusimportantes (Central Park à New York). Les pla-teaux bordant la vallée bénéficiant de panora-mas sur le paysage sont des sites qui pourraientgrandement en profiter et compenser lemanque à gagner en fond de vallée. Enrevanche, la possibilité de développer des acti-vités de plein air au cœur d’une agglomérationau fond de la vallée est une opportunité rare.Les identités et les originalités du site sont-ellesperçues comme des valeurs fondamentales ?Elles ont pour socle un contexte physique plusou moins prégnant, une localisation qui leurconfère des conditions climatiques et une floreet une faune correspondantes. À cela s’ajoute,au cours de l’histoire et de l’occupation du site,des caractéristiques identitaires qui se concré-tisent par des usages du sol originaux, qu’il soitnaturel, agricole ou bâti. Il faut savoir reconnaî-tre celles qui méritent d’être pérennisées.L’identité et l’originalité du site sont en majeurepartie dues au contraste entre cette valléeencore naturelle et agricole, et les deux citésde Rabat et de Salé qui se font face, séparéespar ce grand espace.

Aujourd’hui plus que jamais, le développementdurable doit s’imposer dans l’aménagement.Dans cette optique, les rôles, à la fois écono-miques, sociaux et environnementaux, de lavallée du Bouregreg au cœur de l’aggloméra-tion ne sont pas contestables : un rôle écono-mique très valorisant pour ses rives et pour l’en-semble de l’agglomération ; un rôle social degrand espace ouvert offert à tous ; un rôle envi-ronnemental pour ses valeurs écologiques,patrimoniales et paysagères.De plus, pour affirmer une attitude respec-tueuse de l’identité et de l’originalité du site,l’aménagement à dominante naturelle de lavallée s’impose. Rabat-Salé deviendra ainsi unedes capitales au monde où la nature fait « jeuégal » avec le bâti.Enfin, profitons de l’expérience des occasionsratées en imaginant Paris et la ceinture desanciennes « fortifs» en grand espace naturel, lespyramides d’Egypte dominant une bande dedelta vierge de toute construction, le Nahr Bey-routh en jardin d’orangers jusqu’à la mer !La nature doit devenir l’alliée du développe-ment urbain et pas systématiquement sonréceptacle.

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L’embouchure du Bouregreg offre un paysage de valeur grâce aupanorama du fleuve resté naturel.IA

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L’Agence urbaine de Rabat-Salé (AURS),consciente des enjeux majeurs queconstitue l’aménagement de la vallée

du Bouregreg, a sollicité l’appui technique del’Iaurif en 1997.

Gérer les transformations dans le tempsLe site de la vallée étant convoité pour réaliserde nombreux projets, il faut trouver les moyensde gérer au cours du temps cette dynamique.Un schéma d’urbanisme classique n’offrait pasune réponse adéquate, car trop rigide pours’adapter à l’évolution permanente.Pour répondre de manière efficace, il a étédécidé d’élaborer un plan de référence pourl’aménagement de la vallée du Bouregreg, sousla forme d’une charte qui sera mise en œuvrepar une structure d’aménagement dédiée. Cechoix fait suite aux conclusions d’une premièremission d’expertise réalisée dans le cadre dela coopération franco-marocaine.Ce plan de référence peut se décliner en partiede façon réglementaire, mais il est surtout unvéritable guide pour l’aménageur. Il proposedes actions dans les domaines du développe-ment, de l’environnement et du patrimoine.Il a été élaboré à partir d’une démarche deconcertation innovante pilotée par l’AURS.

Cette démarche a associé les autorités locales,les élus, les différents départements ministé-riels, les organismes publics et des associations(une première au Maroc à cette époque).

Des principes incontournables dictés par le site naturel et patrimonialCe plan de référence a pour objectif de gérerles transformations du site dans l’espace etdans le temps, dans un esprit d’arbitrage et decomplémentarité entre protection et mise envaleur des espaces naturels et du patrimoinebâti, et satisfaction des besoins de développe-ment urbain de l’agglomération. Pour la réalisa-tion des projets, des principes d’aménagementincontournables ont été débattus avec lesacteurs, en amont de toute proposition. Citons,parmi ces principes : les vocations du site com-mandent en permanence son aménagement ;la richesse patrimoniale mérite d’être mise envaleur (site de Chellah, mausolée Moham-med V, sites naturels…) ; le développement estconçu pour le bénéfice de toutes les catégo-ries d’habitants ; le développement durable doitnotamment préserver les écosystèmes et pren-dre en considération les risques majeurs.Les propositions d’aménagement se sontappuyées sur ces principes incontournables.Elles ont été définies en fonction des vocationsdes quatre séquences qui composent le site dela vallée du Bouregreg : l’embouchure, la zoneintermédiaire dite de liaison, le grand site deChellah et la plaine agricole.Enfin, parmi ces recommandations essentielles,figure la mise en place d’une structure ad hocdédiée à l’aménagement de la vallée du Boure-greg, disposant des compétences décision-nelles, techniques, financières, commercialeset opérationnelles, pour assurer la cohérenceglobale du projet et sa mise en œuvre progres-sive dans le temps et dans l’espace. Aujourd’hui,l’Agence d’aménagement de la vallée du Bou-regreg joue pleinement ce rôle indispensablepour assurer la réussite de ce chantier majeurde la capitale du Royaume.

Plan de référence pour l’aménagementde la vallée du Bouregreg

Le site exceptionnel de la vallée du Bouregreg entre Rabat et Salé est resté, grâce au risque d’inondation, dans son état naturel, à l’abri de la pression urbaine.Depuis la construction du barrage, la convoitise de la promotion immobilière s’estfaite sentir, incitant les autorités à intervenir. Elles ont lancé une démarche globaled’aménagement de la vallée, afin de garantir un développement respectueux des valeurs paysagères et patrimoniales identitaires.

Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

Des actions partenariales adaptées aux territoires

30 ans de coopérationavec le Maroc

Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - avril 2010

Le plan de référence de la vallée du Bouregreg a pour objectif

de permettre la gestion les transformations du site

dans l’espace et dans le temps. Iaur

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Aborder une médina comme celle deSalé, haut-lieu de l’histoire marocaineet fleuron de l’agglomération rbatie(2),

inspire naturellement une attitude de respectet de modestie. Même si les medersas(3) et lesbelles demeures ont beaucoup perdu de leurlustre d’antan, elles restent des points d’ancrageet des repères pour la population. Comme toujours, le regard de l’autre fait prendre cons-cience de sa propre richesse, alors que la pra-tique quotidienne n’appelle plus à l’émerveille-ment. C’est sur cet avantage que s’est construitle sens de l’intervention de l’Iaurif.Identifier le rôle de cette médina au sein d’uneagglomération en expansion, cadrer l’impor-tance de cet ensemble comme élément fort dupaysage urbain, miser sur une évolutivité pro-gressive en fonction des mutations spontanées,s’appuyer sur les initiatives locales pour rehaus-ser l’éclat tout en préservant la vitalité… telssont les axes qui ont guidé l’étude.

La singularité d’une médinaS’étendant sur une centaine d’hectares etregroupant environ 80000 habitants, la médinade Salé pourrait n’être aujourd’hui qu’un quar-tier parmi d’autres dans la vaste métropolecapitale marocaine de Rabat-Salé. Pourtant, sasituation, son patrimoine architectural et urbainet son ancrage historique en font un lieumajeur et structurant de la ville.La médina occupe un site exceptionnel qui luipermet d’être la figure emblématique de laville, en miroir à celle de Rabat. En bordure de

l’embouchure du Bouregreg, elle fait face à lakasbah des Oudaïas et à la muraille de lamédina de Rabat. Le vis-à-vis de ces deux médi-nas, la fausse symétrie de leurs silhouettesépousant le relief et ponctuées de minarets, deleurs remparts ocre et de leurs maisonsblanches, constituent un paysage unique. Lescimetières marins offrent une image symbo-lique universelle. La médina de Salé a étédurant des siècles, grâce à son port, le débou-ché commercial du Royaume. La prospérité dela ville a permis la construction de bâtimentsprestigieux, medersas, Grande Mosquée, Écolede médecine.Restée à l’écart des influences européennes, lamédina de Salé demeure l’un des grands quar-tiers vivants de l’agglomération. Á l’abri des cir-cuits touristiques, elle a gardé son âme et sesfonctions traditionnelles. Désertée par la popu-lation la plus riche, elle reste un quartier attrac-tif et populaire. Souvent qualifiée de ville-dor-toir, elle est avant tout un lieu résidentiel offrantune assez grande diversité d’habitat, adapté auclimat et au mode de vie marocain, proche ducentre principal de Rabat auquel elle sera, fin2010, reliée par le tramway(4).

Salé : redynamiser la médina en la sauvegardant

Moderniser et adapter la médina de Salé pour répondre aux attentes contemporaines : un défi non seulement techniquemais aussi social et culturel.

Anne-Marie RoméraJean-Pierre Palisse

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Mettre sur un même plan l’interventionsur la médina et l'urgence de traiterl'expansion de l'habitat informel(1)

dans sa périphérie, témoigne de la clairvoyance de l’Agence urbainede Rabat-Salé qui a sollicité la coopération de l’Iaurif. Attendre, c'était peut-être condamnerirrémédiablement le témoignage de l'histoire et la spécificité d'un éco-quartier avant la lettre.

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Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

Des actions partenariales adaptées aux territoires

30 ans de coopérationavec le Maroc

Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

«Seule la médina existe… Elle est une mémoire riche que je traîne avec moi sans pouvoir l’épuiser. »

Tahar Ben Jelloun, écrivain et poète

(1) Voir dans ce numéro des Cahiers, BERTHON Étienne, «Salé :intégrer l’habitat irrégulier dans une vision d’agglomération»,p.133.(2) Agglomération de Rabat-Salé.(3) Medersa est un terme arabe désignant une école ou uneuniversité dépendant de l’autorité religieuse dans les paysmusulmans.(4)Voir dans ce numéro des Cahiers, AOUZAÏ Mohamed, «Arti-culation urbanisme-transport à Rabat-Salé-Témara», p.72.

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Cette fonction résidentielle va de pair avec lafonction de services aux habitants assurée parles administrations, les équipements et les pro-fessions libérales. Son rôle commercial estimportant, notamment par la qualité de sesmarchés alimentaires et de son artisanat(nattes, poteries). Il faut souligner aussi la fonc-tion religieuse de la médina où la Grande Mosquée, les multiples édifices et les écolescoraniques attirent de nombreux fidèles etconcourent à sa vitalité.Ainsi, en restant un peu en marge du proces-sus de mondialisation de la métropole deRabat-Salé, la médina a préservé un ensemblede valeurs culturelles et urbaines ancrées dansses traditions et son patrimoine. Grâce à sasituation en cœur d’agglomération, elle offreun potentiel de rayonnement bien au-delà deses murailles.En ce début du XXIe siècle, les défis énergétiqueset climatiques amènent les urbanistes à recher-cher des conceptions urbaines mieux adaptéesà la ville et, souvent, à retrouver les valeurs del’habitat vernaculaire. On peut alors se deman-der s’il n’est pas temps de réhabiliter le modèlede la médina. N’est-il pas un bon exemple del’urbanisme bioclimatique et des quartiers sansvoiture recherchés par les démarches d’éco-quartier ? De même que les centres historiquesdes villes européennes retrouvent l’attractivitéque l’automobile leur avait fait perdre, lamédina de Salé ne peut-elle offrir demain uneréponse intéressante aux enjeux urbains de lamétropole?La médina de Salé présente les caractéristiquesde la ville arabe traditionnelle : une trame fon-cière serrée à dimensions variées, un réseau devoies étroites hiérarchisées formant des îlotsdesservis par des impasses, un bâti dense ethomogène formé de maisons sur cour offrantun minimum d’ouverture vers l’espace public,des bâtiments et équipements publics de proxi-mité nombreux et de grande qualité architectu-rale, et une limite nettement définie par l’enceinte fortifiée. Bien que sa construction sesoit déroulée depuis l’époque almohade(XIIe siècle), l’ensemble conserve une unité etune cohérence dans lesquelles on discernecependant la diversité des quartiers selon leurépoque de construction.Malheureusement, ce bâti et ce tissu de qualitésont aujourd’hui négligés et menacés dans lamesure où ils sont le produit d’une société etd’une économie qui ont profondément évolué.Les nouveaux comportements et besoins, ainsique les nouvelles techniques, s’insèrent diffici-lement, entraînant un rejet ou une dégradationde cette forme urbaine. L’enjeu actuel est demoderniser et d’adapter l’urbanisme et l’archi-tecture de la médina pour répondre aux

attentes contemporaines en respectant sesvaleurs. La réponse à ce défi ne peut être seu-lement technique, elle est aussi culturelle,sociale et économique. C’est le sens de ladémarche proposée par l’Iaurif.

Une revalorisation progressive au gré des mutations spontanéesFort des constats dressés sur les qualités et lavitalité de la médina, le travail a consisté à envi-sager comment préserver ces atouts. La straté-gie conseillée visait à inscrire cette préserva-tion dans la durée, au bénéfice des Slaouis(5)

en premier lieu, tout en gardant les équilibresau sein de l’agglomération. L’objectif était nonseulement de restaurer le patrimoine monu-mental ou paysager, mais aussi de permettre àla population résidente et active de croire enson avenir et d’y trouver un cadre compatibleavec une vie décente et une activité écono-mique viable. Il s’agissait de revitaliser pourenrayer une spirale de paupérisation, tout enévitant les méfaits d’une valorisation excessiveet non maîtrisée.Le premier principe fixé était de s’appuyer surles dynamiques d’évolution existant sur le sitepour requalifier le tissu urbain en maintenantau maximum la structure traditionnelle. Iln’était pas question d’empêcher les mutationsni les innovations dans les domaines immobi-lier, commercial ou culturel, mais de les orien-ter ou même de les considérer au fur et àmesure de leur apparition comme des opportu-nités de transformation en douceur de l’espaceurbain.L’enjeu de mixité de population invitait toute-fois à mettre en place des actions de sensibili-sation, ainsi qu’un système d’incitations (prêtsou avantages fiscaux) en direction des proprié-taires, en contrepartie de loyers raisonnablesaprès travaux.Un deuxième principe consistait à réaffirmer lerôle de pôle central de la médina vis-à-vis desquartiers environnants en renforçant ses fonc-tions commerciales, culturelles, de for-mation et de services. Ainsi, laréhabilitation des com-merces pouvait bénéficierd’un système d’avantagesanalogue à celui des loge-ments. En revanche, uneréflexion devait s’engagersur l’évolution des activi-tés dans un tissu urbaincontraignant pour mutuali-ser certains services(stockage, modes de livraison,etc.) tout en modernisant leurs

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Le patrimoinearchitectural

de la ville arabe traditionnelle est à valoriser.(5) Les habitants de la ville de Salé.

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La médina de Salé présente les caractéristiques de la ville arabetraditionnelle.

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pratiques. Afin de réintroduire des équipementset des services indispensables, était préconiséeune valorisation systématique des éléments depatrimoine qui favorise avant tout une réutilisa-tion répondant aux besoins actuels de la popu-lation (dispensaires, bureaux de poste, annexesd’administration…). Cette démarche visait àcontenir les développements touristiques pourqu’ils ne priment pas sur les pratiques quoti-diennes, même s’il était dit que les ensemblesles plus remarquables pouvaient accueillirquelques fonctions prestigieuses (musée,bibliothèques…).L’intervention sur l’espace public, déterminantepour déclencher un processus de revalorisa-tion, faisait l’objet de recommandations spéci-fiques à deux échelles. Pour les espaces à l’in-térieur des remparts, outre l’améliorationglobale de leur état et du mobilier urbain, lareconquête de parcelles laissées en déshé-rence pour gagner de nouveaux lieux était sur-tout préconisée. Pour les espaces entourant lesportes d’entrée, le traitement devait tenircompte de leur rôle d’accueil et de relais. Enparallèle, un schéma de déplacement et de cir-culation était conseillé pour prévenir des dys-fonctionnements liés à une attractivité renouve-lée de la médina. L’organisation d’accès limitésà la sécurité et à l’entretien, la circulation péri-

phérique et le stationnement aux entrées de lamédina, l’offre de transports en commun lareliant aux autres quartiers, étaient pointéscomme projets à développer.

Une gouvernance de projet à construireAfin d’assurer une cohérence globale à ce longprocessus, l’implication de tous les acteurs del’aménagement était requise. Il était par consé-quent indispensable de mettre en place uncadre de coordination. Des orientations sur lelong terme et des engagements assortis de pha-sages devaient être fixés, de même que l’arti-culation entre les divers projets et réalisations àvenir. Pour y parvenir, une démarche en troisvolets était proposée.Contrairement aux procédures habituelles quivoient se succéder réflexion stratégique, plani-fication, puis aménagement, il était suggéré demener de front l’élaboration d’une charte dela médina, la mise au point d’un plan d’aména-gement détaillé et une intervention sur un sec-teur pilote. L’objectif était à la fois d’enclencherrapidement des travaux pour témoigner duvolontarisme des autorités, d’enrayer le déclinde cet ensemble patrimonial et de donner unsignal positif aux artisans et commerçants, et,dans le même temps, de sensibiliser l’ensem-ble des acteurs susceptibles de s’impliquerpour susciter des partenariats.Ainsi, la charte devait définir les objectifs com-muns et préciser les engagements de chacunsur les actions à entreprendre. En informant surla politique globale de revalorisation envisa-gée, elle donnait une image plus positive etdynamique de la médina.Le plan d’aménagement détaillé devait êtreconçu comme un document opposable auxtiers, fixant le cadre réglementaire de la réhabi-litation de la médina, avec des contraintesmodulées selon la sensibilité du site urbain.L’intervention sur un secteur pilote devait por-ter sur un quartier témoin judicieusementchoisi pour son potentiel social, économique etpatrimonial. En concentrant les actions sur l’ha-bitat, la restauration et la réaffectation demonuments, l’organisation de l’activité écono-mique, la requalification de l’espace public,etc., il s’agissait de « donner à voir » en effec-tuant un travail pédagogique auprès des habi-tants. L’expérimentation devait aussi permettrede tester et d’ajuster les méthodes et outils àmettre en œuvre avant d’élargir le processus àl’ensemble des quartiers.Bien qu’un peu complexe, ce dispositif devaitoffrir l’avantage de s’appuyer sur une expé-rience concrète et quotidienne pour mettre aupoint des objectifs réalistes à plus long terme.

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Des actions partenariales adaptées aux territoires

Salé : redynamiser la médina en la sauvegardant

30 ans de coopérationavec le Maroc

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La médina de Salé, grand quartier vivant

de l’agglomération, a gardé son âmeet ses fonctions traditionnelles. J.-

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La charte de la médina, en proposant une revalorisation globale, permettrait d’en donner une image plus positive et dynamique.

L’Iaurif a également étudié la réhabilitation de la kasbah des Oudayas.

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En face de la médina de Rabat, sur la rivenord de l’estuaire du Bouregreg, se situela médina de Salé, la rivale, longtemps

prospère, comptoir carthaginois puis romain,principal port marocain jusqu’au XVIIIe siècle(1),avec ses puissantes murailles et son port forti-fié d’où partaient les pirates barbaresques. Salé,assoupie au XIXe siècle, oubliée par le Protecto-rat au profit de Rabat, la nouvelle capitale.Alors que Rabat se développait depuis le débutdu XXe siècle, sous l’impulsion de Lyautey et deProst(2), avec un urbanisme assez fortement pla-nifié et contrôlé, l’essor de Salé hors de sesmurailles n’a véritablement eu lieu qu’à partirdes années 1960.

La nécessité d’un important rattrapageurbainDans un contexte de forte croissance démogra-phique, alors que l’offre foncière et de loge-ments bon marché était très insuffisante dansl’agglomération, l’urbanisation à Salé s’est opé-rée très largement en marge des documents deplanification spatiale, sous forme de plusieurscentaines d’hectares de quartiers d’habitat irré-gulier et de quelques grands bidonvilles (abri-tant environ 50000 habitants sur 50 hectares audébut des années 1990(3)).La population de la préfecture de Salé est ainsipassée de 80 000 habitants en 1960 à 300 000en 1982 et à 630000 en 1994 (42 % de l’ensem-ble de la wilaya de Rabat-Salé), dont plus de60 % (environ 400 000 habitants) résidait sur600 hectares d’habitat irrégulier. Salé abritait

alors le quart des ménages marocains logés enquartiers d’habitat irrégulier, avec une densitéde 132 ménages par hectare, quatre fois lamoyenne nationale.Ces chiffres montrent l’importance du travailde rattrapage urbain à effectuer à Salé en1996(4), lorsque l’Iaurif effectua sa première mis-sion d’appui à l’Agence urbaine de Rabat-Salé(AURS). À l’époque, l’extension spatiale desquartiers d’habitat irrégulier commençait à êtremaîtrisée, notamment grâce à une meilleureefficacité des politiques de contrôle(5) et aucaractère dissuasif de démolitions effectuéespour préserver des emprises réservées pour lavoirie dans les plans d’aménagement. L’exten-sion spatiale des quartiers d’habitat irrégulierétait, par ailleurs, en partie bloquée par desréserves constituées pour de grandes opéra-tions publiques (Mouhit, Sidi Abdellah). Enfin,le développement d’une offre publique, notam-

Salé : intégrer l’habitat irrégulierdans une vision d’agglomération

La réponse non planifiée à une fortepression démographique et urbaine.

Étienne BerthonIAU île-de-France

L’urbanisation à Salé s’est développée à partir des années 1960, essentiellement en marge de la planification réglementaire, sous forme de grands quartiers d’habitatirrégulier. L’action de requalification et d’équipement de ces quartiers doit s’inscrire dans un projet global de structuration d’une ville pérenne qui comptera demain un milliond’habitants.

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Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

Des actions partenariales adaptées aux territoires

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Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

(1) Rabat est connu au XVIIe siècle en Europe sous le nom deSalé-le-Neuf.(2) Voir dans ce numéro des Cahiers, TROIN Jean-François«De la médina à la ‘ ville européenne ’ au Maroc», p.15.(3) Sur les mécanismes de constitution de ces quartiers, onpeut consulter l’article d’ ABOUHANI Abdelghani : « Réseauxnotabilitaires et promotion foncière clandestine, le cas deTabriquet nord à Salé », Annuaire de l’Afrique du Nord,tome XXV, CNRS, 1986.(4) Deux autres missions suivront, en 1997 et 1998. Une qua-trième mission, en 2002, portera sur Rabat et une probléma-tique spécifique : la gestion des risques dans trois quartiersd’habitat irrégulier implantés en bordure de versants trèspentus dominant la vallée du Bouregreg.(5) Efficacité notamment rendue possible grâce à la cartogra-phie réalisée pour les documents d’urbanisme, facilitant laconnaissance du terrain.

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ment Errahma II sur 100 hectares et Sala AlJadida sur 180 hectares(6), réduisait la pres-sion sur ces quartiers. Une politique de« recasement » des bidonvilles était aussiengagée.La mission permit d’avoir une vision globaledes évolutions en cours et montra la néces-sité d’intégrer les interventions sur les quar-tiers d’habitat irrégulier dans une approcheplus large sur ce «Grand Salé» qui se consti-tuait, de la vallée du Bouregreg à la coupureverte prévue sur la commune rurale deBouknadel(7), et aurait demain un milliond’habitants.

Une vision d’agglomération pour définir les priorités d’actionsPour améliorer les conditions d’habitat de lapopulation et mieux encadrer le développe-ment urbain, des efforts importants commen-çaient à être effectués. La publication dedocuments d’urbanisme locaux régularisait,de fait, l’existence des quartiers d’habitat irré-gulier(8). Mais ils étaient très ambitieux enmatière de voirie, d’assainissement, denormes et de réserves pour équipements,alors que manquaient les moyens financierset les outils fonciers et opérationnels adap-tés.Un découpage administratif morcellé (leGrand Salé s’étend sur deux préfectures et

plusieurs communes) et l’échelle très détail-lée des documents d’urbanisme rendaientdifficile une vision globale de l’espaceurbain en devenir et empêchaient unebonne mobilisation des acteurs.Afin de repérer les grands enjeux et de défi-nir les priorités, la réflexion sur les actions àmener dans les quartiers d’habitat irrégulierapparaissait indissociable d’une réflexionplus large sur la trame urbaine majeure àfaire émerger sur le Grand Salé : voirie princi-pale et grands espaces publics, centralités,grands équipements, infrastructures de trans-ports en commun, trame verte…Sur Salé, il fallait gérer l’urgence au niveaudes quartiers d’habitat irréguliers et, pourcela, trouver les moyens d’une meilleureécoute des attentes et des besoins de lapopulation; mais il fallait aussi créer la struc-ture d’une ville qui allait se pérenniser etdonc recadrer les politiques urbaines dans

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Des actions partenariales adaptées aux territoires

Salé : intégrer l’habitat irrégulier dans une vision d’agglomération

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L’habitat irrégulier au MarocDès le début des années 1970, l’habitatirrégulier prend un rôle majeur dans les processus d’urbanisation des grandes villesmarocaines. Alors que le rythme moyen de la croissance urbaine est de 4 %, l’habitatirrégulier se développe au rythme de 10 %.

Les explications sont multiples :• une forte croissance démographique ;• une offre foncière réglementaire qui ne permet

qu’une production de logements trèsinsuffisante et surtout orientée vers les tranches supérieures des classesmoyennes, une absence de programmes et de systèmes de financement adaptés aux catégories à faible et moyen revenus ;

• des loyers trop élevés relativement aux coûtsde construction, ce qui incite à vouloir devenir propriétaire, désir très ancré dans la population ;

• le retard dans l’établissement des documentsd’urbanisme réglementaire qui auraient permisd’ouvrir de nouveaux espaces à l’urbanisation ;

• la lourdeur des réglementations, des démarches, du régime fiscal permettant de lotir et de construire officiellement ;

• un manque de moyens techniques et financiersdes communes chargées d’encadrer le développement urbain.

Un type d’urbanisation qui prend ses racinesdans les modes d’habiter traditionnelsLes caractéristiques des quartiers d’habitatirrégulier, qui s’organisent de façon quasiorganique autour d’une trame de voirie très étroite, sont bien connues ainsi que les problèmes qu’ils posent : maillage de voirietrès insuffisant et non hiérarchisé, absence au départ des réseaux et des équipements qu’il est difficile et coûteux de réaliser aprèscoup, surdensité, problèmes d’hygiène, qualité médiocre des constructions…Mais l’habitat irrégulier, outre le fait qu’il répondà une nécessité sociale fondamentale face à la faiblesse de l’offre du marché réglementépublic ou privé et qu’il s’accompagne de moyensde financement souples et bien adaptés, n’est pas dénué de certaines qualités car il est issu du savoir-faire et des modèlessocio-culturels profonds portés par la population : bonne adaptation au contextebioclimatique, respect des valeurs urbaines, des modes d’habiter traditionnels auxquels estattachée la population. Il permet une évolutivitédes tissus qui est, dans certaines limites de densité, intéressante. Le système constructifutilisé, structure poteaux-poutres et remplissagede parpaings ou de briques creuses, assure unefiabilité généralement correcte des constructionset une certaine unité du paysage urbain.Sans sous-estimer les graves problèmes qu’il pose, il y a des leçons à tirer de la cohérence d’organisation et d’intégrationdes contraintes économiques qui explique le dynamisme de ce mode d’habitat populaire ;d’autant qu’un minimum de planification etd’encadrement réglementaire pourrait le rendreacceptable. Les quartiers d’habitat irrégulier ne sont d’ailleurs pas des ghettos marginalisés. À Salé, ils abritent, en partie, une population de fonctionnaires, de militaires ou d’artisans,relativement solvable.

Une première vue d’ensemble sur le Grand Salé

(6) Cette opération, aussi dénommée la Cité royale car lesite a été offert par le Roi Hassan II, accueille aujourd’huiprès de 200000 habitants.(7) Soit une bande littorale d’environ 8 kilomètres delong et de 3,5 kilomètres de profondeur.(8) L’habitat irrégulier y fait habituellement l’objet d’unzonage spécifique (SK14e). Pour les principaux quartiers,un plan de restructuration très détaillé (1/1 000), établien relation avec les «amicales» constituées dans les quar-tiers (environ 70 regroupées en quatre confédérationspour faciliter les contacts avec les autorités), est joint auplan d’aménagement communal.

Cette synthèse, réalisée par l’Iaurif en 1996, montre de façon indicative les zones urbaines de l’époque ainsi que les tracés de voirie prévus dans les plans d’aménagement ou de restructuration.

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une vision d’agglomération ambitieuse. Comptetenu de l’importance des défis et du caractèrelimité des moyens, l’action de la collectivitédevait se centrer particulièrement sur la réalisa-tion ou la préservation foncière des compo-sants de cette trame urbaine majeure, sur lesgrands éléments structurants, sur les espacesde grands enjeux. C’est-à-dire notamment leszones de centralité prévues ou possibles, lesgares et leurs abords où il faut rechercher lacréation d’espaces publics majeurs, la mixitédes fonctions et une forte densité d’occupationdu sol ; mais aussi les grands axes structurantset les terrains qui les bordent, les principalesréserves foncières pour équipements ou trameverte, certains points liés au site(9) et les espacesnaturels qui limitent l’urbanisation(10).

Une démarche de planification spatialeet stratégique à engagerIl a donc été proposé que l’AURS engage, avecle soutien de l’Iaurif, une démarche de planifi-cation spatiale et stratégique à une échelleintermédiaire entre le schéma directeur deRabat-Salé approuvé en 1991 (1/50000) et lesdocuments d’urbanisme communaux (généra-lement au 1/2 000). Élaborée en partenariatavec les différents acteurs de l’aménagement,elle viserait à proposer un schéma global d’or-ganisation du Grand Salé et une stratégie poursa mise en œuvre. C’est-à-dire afficher un projetd’ensemble, mobilisateur et lisible sur ce terri-toire, puis définir, à partir d’une programmationconcertée, des objectifs de restructuration, dedéveloppement et d’équipement à court etmoyen terme. Au-delà d’un document d’orien-tations spatiales et stratégiques, il s’agissait doncaussi de se doter d’un outil de communication,de concertation et de mobilisation.

Un début de sensibilisation des acteursLa troisième mission de l’Iaurif (novem-bre 1998) a permis de préciser les objectifs et lecontenu des études à mener et d’organiser des

réunions avec les acteurs institutionnels(notamment municipalités et grands orga-nismes publics d’aménagement) pour les infor-mer et les sensibiliser à la démarche proposée.Celle-ci a été très bien accueillie, chacun res-sentant le besoin de pouvoir inscrire son actiondans un cadre plus lisible et cohérent.

(9) Notamment les axes offrant des perspectives lointaines,par exemple sur l’océan.(10) Vallée du Bouregreg au sud-ouest, coulée verte sur Bouk-nadel au nord-est, mais également tout l’espace littoral où lemaintien des espaces naturels en bord de mer et l’aménage-ment d’un front urbain de qualité sur la corniche sont desenjeux importants.

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Vue aérienne, quartier de la Dayat,secteur oued Eddahab.

Dix ans après, un programme ambitieux de mise à niveau de SaléAu Maroc, face à l’importance de la crise urbaine, à un système de gestion municipale trop atomisé, à un changement fréquent des découpages administratifs perturbant encore davantage cette gestion, la charte communale de 2002 a cherché à définir un cadre qui permette de mieux prendre en compte « l’unité de la ville(1) ». Les communes des grandes villes ont été regroupées, avec un conseil communal unique et des conseils d’arrondissements (cinq à Salé) pour gérer les affaires de proximité pour le compte et sous le contrôle du conseil communal.La commune urbaine de Salé (CUS) a ainsi pu engager un ambitieux programme (2005-2009) de mise à niveau(2), visantprioritairement à redynamiser la base socio-économique de la ville et à requalifier et renouveler le tissu urbain existant. Il s’agissaitaussi de mettre à niveau les infrastructures de base et d’assurer la capacité de la ville de Salé à répondre aux besoins des citoyenset à renforcer la cohérence sociale. Un budget de 1,5 milliard de dirhams (150 M€), dont un tiers à la charge de la CUS, fut alloué àce projet(3).

(1) Casablanca, Rabat, Salé, Tanger et Marrakech. La charte communale a été complétée en février 2009.(2) Appuyé par le discours du Roi de mai 2005 sur l’Initiative nationale pour le développement humain.(3) Autres partenaires : direction générale des collectivités locales (17 %), Fonds d’équipement communal (23 %) et divers pour 27 % (conseil préfectoral de Salé,région Rabat-Salé-Zemmour-Zaers, holding Al Omrane). Source : www.villedesale.ma

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Au premier rang démographique et éco-nomique des villes marocaines, Casa-blanca est le point de convergence et

le lieu d’échange des flux nationaux et inter-nationaux. Malgré la politique volontariste derééquilibrage du territoire national par le déve-loppement des régions du Nord, Casablancareste le centre de commandement de l’écono-mie marocaine.

Des enjeux majeurs impliquant de grands défisLe Grand Casablanca demeure le fer de lancede la stratégie nationale visant à moderniser lepays, à attirer des investissements, à rehausserdurablement le niveau et la qualité de vie, touten tenant compte de l’environnement et desaléas énergétiques et climatiques.La confrontation à la mondialisation a desretombées positives – implantation d’activitésde haute technologie (aéronautique, automo-bile) ou de services (offshoring, tertiaire) –, etdes effets négatifs – la concurrence internatio-nale des pays émergents, notamment pour letextile. Casablanca doit améliorer son urbanitépour valoriser son image et accroître son attrac-tivité métropolitaine, tout en répondant auxbesoins de ses habitants.

Décalage entre dynamique économiqueet développement humain et urbainL’appel de main-d’œuvre non qualifiée impulsépar la dynamique industrielle et les périodesde sécheresse a encouragé l’exode rural(1),

aggravant les problématiques de développe-ment humain(2). Ceci s’est traduit par un étale-ment urbain non maîtrisé – développement del’habitat insalubre et d’unités de productionclandestines – dans les espaces naturels et agri-coles périurbains. Cette situation a engendrédes conflits d’usage des territoires, la détério-ration et la régression de la couverture végé-tale, l’imperméabilisation des sols (risquesd’inondation(3)), la pollution de la nappe phréa-tique, et des coûts exorbitants de raccordementaux réseaux, y compris de transport. Deuxautres conséquences sont liées au manqued’un réseau de transport performant et au fai-ble pouvoir d’achat des salariés : la proliféra-tion des bidonvilles à proximité d’activités nonréglementaires, et l’utilisation massive des taxis.Ce mode de déplacement coûteux en énergieest néfaste pour l’environnement et pose unproblème de sécurité routière.Ces facteurs, combinés à un découpage deCasablanca en plusieurs municipalités avant laloi sur l’unité de la ville, ont laissé des traces

Grand Casablanca : le Sdau en appui au projet métropolitain

La région du Grand Casablancalocomotive de la stratégie nationalede modernisation, s’est dotée d’unoutil de planification métropolitaine.

Victor SaidIAU île-de-France

Depuis le début du XXe siècle, les pouvoirs publics considèrentCasablanca comme la locomotiveéconomique nationale, le centred’innovation symbolisant l’ouverturesur le monde. Aujourd’hui, la ville et sa région subissent une forte pressionurbaine, exacerbant la problématiquedu développement humain. Avec lamondialisation, de nouveaux défis sont à relever. Comment permettre au Sdau d’être l’outil de la mise en œuvre d’une vision stratégique du développement durable ?

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(1) La population du Grand Casablanca s’accroît de 50000habitants par an depuis 1994. Le poids démographique de larégion dans l’ensemble du Maroc reste stable (12 %).(2) L’analphabétisme concerne un quart de la population etun tiers des femmes ; la participation des femmes à l’activitééconomique représente moins du tiers des actifs ; lesménages vivant dans l’habitat précaire représentent 16 % ;28 % des ménages (212000),sont logés dans de l’habitat insa-lubre (bidonvilles : 11 %). Aujourd’hui, plus de 34 000ménages sont concernés par l’Initiative nationale pour ledéveloppement humain.(3) Les problèmes climatiques (inondations en particulier)touchent environ 15 % du parc de la région.

Situation Projections2004 2030

Habitants (million) 3,6 5,1Ménages (mille) 775 1 400Actifs (million) 1,3 2,2Emplois (million) 1,0 2,0Véhicules particuliers(mille) 330 1400Consommation d’eau par an (million de m3) 180 305Déchets ménagerspar an (mille tonnes) 1200 2100Zones d’activités économique (ha) 4600 9300Bureau (million de m2) 10 22Zones résidentielles (ha) 15000 28000

L’évolution de certains indicateurs à l’horizon 2030

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affectant le cadre de vie des habitants et l’at-tractivité de la capitale économique.

Le plan de développement stratégique et le Sdau au même diapasonAfin de maîtriser la gestion urbaine et de faireface à la multiplication de projets dérogatoiressans vision stratégique d’ensemble, l’Agenceurbaine de Casablanca (AUC) a décidé, en2004, d’élaborer un nouveau schéma directeurd’aménagement urbain, en partenariat avecl’Iaurif(4).La coïncidence entre la volonté des autoritésrégionales de mettre en place un plan de déve-loppement stratégique et celle du ministère del’Intérieur, via l’AUC, d’élaborer un nouveauSdau a été l’occasion idéale de rassembler tousles acteurs locaux et nationaux autour d’unedémarche unique visant à réaliser le projetmétropolitain. Une vision globale à long termepouvait enfin être définie et se traduire spatia-lement et réglementairement.

Un diagnostic partagé dégageant sept défis majeursSept enjeux majeurs, affinés et partagés après laconcertation, ont été recensés :- asseoir un modèle de développement écono-

mique durable. Au-delà d’une décennie, lesdélocalisations vers les pays à faible coût etl’ouverture des marchés internationaux met-tront les produits marocains en concurrence.Par ailleurs, le faible coût implique de faiblesrevenus, donc un marché intérieur peu déve-loppé et une dynamique de résignation. L’option stratégique consiste à créer unedynamique de progrès, avec des activitésnécessitant des qualifications élevées mobili-sant le potentiel humain, et des normes res-pectant les standards internationaux, y com-pris en termes d’environnement et d’éthique;

- améliorer l’attractivité urbaine. Un grand effortest nécessaire pour réduire les nuisances liéesaux transports, et la pollution industrielle, pourmieux gérer les déchets, et pour améliorer laqualité de l’eau… Tout aussi important seral’effort à consentir pour la qualité urbaine etle patrimoine : réussir les grands projetsurbains d’Anfa, de Zenata, et de la façademaritime de Casablanca ;

- construire massivement des logements. Sousle triple effet de la croissance démogra-phique, de la réduction de la taille moyennedes ménages(5) et de la résorption des déficits,ce sont 25000 logements par an qu’il va falloirproduire d’ici 2030 ;

- doubler l’offre d’emplois. La volonté de résor-ber le chômage actuel est aussi importanteque celle d’offrir des emplois aux nouveauxactifs(6). À court et moyen termes, le plan Émer-

gence mise sur le développement de secteursporteurs, dont l’offshoring, l’aéronautique etl’automobile, la distribution, le tourisme… Àmoyen et long termes, c’est un véritable«modèle économique durable» qu’il faudraitconstruire, fondé sur une mixité indus-trie/tertiaire et sur le développement combinédes exportations et du marché intérieur ;

- développer en urgence les transports collec-tifs. Le parc automobile pourrait doubler enmoins de 15 ans et entraîner l’asphyxie de lamétropole. Il est très urgent de développer l’of-fre de transports collectifs, qui n’assurentaujourd’hui que 30 % des déplacements ;

- organiser le transport des marchandises et lalogistique. La croissance des échanges inter-nationaux et internes du trafic conteneurs vaaggraver les dysfonctionnements dans letransport et l’entreposage des marchandises.Il conviendrait de mettre en place des plates-formes logistiques de fret dans le cadre d’unschéma régional cohérent, et de résoudre laproblématique de la traversée de Casablancapar les poids lourds(7) entre le port et le réseauautoroutier ;

- ouvrir plusieurs milliers d’hectares à l’urba-nisation. Les documents de planification envigueur ayant atteint leurs limites, il faudraassurer, sur une durée de 25 ans, la possibilitéd’extension urbaine(8). De plus, la construc-tion de logements pour les populations à basrevenus exigera un important investissementpublic.

Pour relever ces défis, des moyens globaux sontnécessaires : les investissements publics (mieuxplanifier, mieux programmer), l’action foncière(acquisition de terrains publics et lutte contrela spéculation), l’ingénierie publique (notam-ment dans les transports, le développementurbain et l’observation urbaine), l’efficienceadministrative (délais de réponse aux usagers),et la réglementation (notamment sur le foncier,l’environnement et le patrimoine).

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(4) Voir dans ce numéro des Cahiers, DUGENY François et SAID

Victor, « Une nouvelle approche de la planification straté-gique», p.30.(5) On estime que plus de 500000 ménages supplémentairesseront comptabilisés en 25 ans.(6) Le nombre d’actifs (aujourd’hui 1,3 million dont 281000chômeurs) devrait s’accroître d’au moins 35 000 per-sonnes/an, bien plus si le taux d’activité féminin progresse.(7) Le transport est assuré à 75 % par des camions (25 % parle fer), avec des points critiques de trafic, notamment surl’autoroute urbaine et sur les franchissements de la voie fer-rée entre le port et l’autoroute.(8) Le rythme de la croissance urbaine dans le Grand Casa-blanca est de l’ordre de 700 à 1000 hectares par an.(9) Schéma national d’aménagement du territoire, et sa décli-naison dans le schéma d’organisation fonctionnelle.(10) Marina, Nouvelle Corniche, site d’Anfa, quartier SidiMoumen, etc.

Une approche territoriale des enjeuxPlusieurs territoires se distinguent par les enjeux spécifiques qu’ils portent :- l’aire métropolitaine centrale. Elle

regroupe les grandes villes atlantiquesdéfinie dans le Snat(9), comme devantêtre la locomotive économique et culturelle de tout le Maroc. L’enjeu est d’organiser les synergies et lescomplémentarités interrégionales afinde rivaliser avec les grandes métropolesmondiales ;

- le littoral. Il revêt une importancecapitale pour l’attractivité de la métropole, son image internationale,le tourisme et l’environnement ;

- les villes de Casablanca et de Mohammedia. Les principaux enjeuxportent sur la réussite des grandsprojets urbains(10), sur la valorisation du patrimoine, le traitement des tissusurbains dégradés, et le transport,notamment collectif ;

- les franges des agglomérations.Casablanca et Mohammedia se développent en tache d’huile,produisant des tissus urbains médiocresoccupant souvent des terrainsinondables ou des terres agricoles et naturelles de grande valeur. Cela nécessite de ménager des coupuresvertes ;

- la jonction Casablanca-Mohammedia.Sur le territoire de Zenata, l’habitatdevra être séparé des industries par des espaces tampons et des coupuresvertes. Les axes de transport de transitet de marchandises devront êtrepréservés du trafic local. La façademaritime devra offrir des espaces de loisirs et de détente ;

- les pôles périphériques « à l’étroit » de Mediouna et de Tit Mellil exigent une restructuration permettant des extensions urbaines de qualité. Il faudrait leur attribuer des vocationsspécifiques complémentaires ;

- les territoires « sous pression ».L’urbanisation linéaire le long d’uncertain nombre d’axes routiers peutproduire des villes sans identité et sans qualité. Il convient de ménagerdes coupures et de prévenir le risqued’inondation, notamment dans les plissures du terrain ;

- les territoires à dominante rurale etnaturelle. Certaines communes ruralescommencent à subir le développementurbain, notamment Oulad Saleh, ainsique les oueds du Maleh et de Nfifikh, et la forêt de Bouskoura, poumon vertde la région. Il convient de proposer des noyaux cohérents et des espacesd’activités, tout en préservant lesespaces naturels et agricoles de qualité ;

- les ensembles d’espaces ouverts. Les forêts, les oueds, les meilleuresterres agricoles, les terres inondables,sont le support d’une trame verterégionale, apportant l’équilibre à l’aménagement urbain.

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Une vision stratégique pour un développement durable

Une trame régionale des espaces ouverts : toile de fond pour les scénariosSur la base des hypothèses de croissance, troisscénarios ont été soumis au débat.Le premier, Cap à l’est, basé sur une optionindustrielle, prévoit un développement urbainlinéaire, le long du littoral, en particulier versl’est(11). Cette option permettrait de minimiserles coûts des grandes infrastructures(12).Le deuxième scénario, Cap à l’ouest, privilégieun développement urbain vers l’ouest et le sud-ouest, en s’appuyant sur la dynamique tertiaireet technopolitaine. Le grand projet prévu sur lesite de l’aérodrome d’Anfa impulserait ce déve-loppement.Le troisième scénario, Cap vers les pôles exté-rieurs, propose de développer les pôles péri-phériques. C’est un scénario d’équilibre entreles fonctions industrielle et tertiaire, entre desterritoires qui peuvent tous avoir des chancesde se développer. Ce schéma polycentriqueimposerait une politique publique volontariste.La volonté de protéger de l’urbanisation lesespaces formant une « trame régionale d’es-paces ouverts » fait partie des options incon-tournables communes aux trois scénarios :forêts, lits des oueds, espaces naturels côtiers,zones inondables, meilleures terres agricoles,gisements de matériaux, ainsi que les coupuresvertes, tampons entre zones industrielles et rési-dentielles.

Le plan de développement stratégiqueLes orientations fondamentales d’aménage-ment, à l’origine du plan de développementstratégique et du nouveau Sdau, ont été opéréesaprès les arbitrages, au plus haut niveau, desoptions et des scénarios présentés(13).Le choix s’est porté sur une synthèse des troisscénarios. À court et moyen termes, le dévelop-pement industriel va continuer à se déployer ;à moyen et long termes, ce sera plutôt le déve-loppement tertiaire et celui des services ; enfinles pôles périphériques seront renforcés. L’amé-nagement territorial sera ainsi équilibré.

Une stratégie intégrée pour le projet métropolitainLa stratégie de développement du Grand Casa-blanca doit se déployer simultanément sur lestrois axes du développement durable (écono-mique, social et environnemental). Cette straté-gie s’appuie, en amont, sur une vision globalede ce qui est souhaitable pour le Grand Casa-blanca à l’horizon 2030. Elle se concrétise, enaval, par un plan d’actions immédiates, définiesdans une charte de développement. La stratégiede mise en œuvre passera par des mesureslégales et fiscales, le tout prenant appui sur uneffort d’équipement et de cohérence de l’amé-nagement de la métropole.La stratégie économique consiste à être en pre-mière ligne sur les objectifs nationaux ; fairevaloir les atouts de Casablanca ; améliorer l’of-fre urbaine (qualité du réseau routier et destransports, des zones et des services logistiques,etc.) ; améliorer l’offre touristique (grands équi-pements culturels et de loisirs, patrimoine bâtiet littoral, terminal croisières, offre de shopping,information et marketing) ; corriger les fai-blesses, notamment la disponibilité du foncier,la performance de l’administration, le cadre devie (congestion, pollution), l’environnementsocial (résorption des bidonvilles, etc).La stratégie sociale doit répondre aux pro-blèmes de qualité du cadre de vie et des inéga-lités sociales, notamment la condition desfemmes au regard du travail et de l’éducation.Les objectifs sont les suivants : lutter contre lechômage et l’analphabétisme; généraliser l’en-seignement primaire et élémentaire, améliorerl’offre d’équipements scolaires ; tripler les effec-tifs de l’enseignement supérieur et profession-nel ; résorber l’habitat précaire ; produire800 000 logements en 25 ans ; assurer les ser-

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Grand Casablanca : le Sdau en appui au projet métropolitain

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(11) Il se situe dans la continuité de ce qu’avaient prévu leplan Écochard des années 1950 et le Sdau de 1985.(12) Utilisation du couloir ferré et routier existant, et assainis-sement en bord de mer.(13) Par exemple, le transfert de l’exportation des phosphatesdu port de Casablanca vers celui de Jorf Lasfar, les grandsprojet tels que Sidi Moumen, la définition des réseaux detransports en commun, etc.

Trois scénarios de développement

Cap à l’est

Cap à l’ouest

Cap sur les pôles périphériques

Enjeux de la trame des espaces ouverts

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vices urbains ; permettre une mobilité accruepar le développement des transports collectifs ;assurer l’accès aux soins de santé, aux loisirs,aux sports et à la culture pour tous.La stratégie environnementale consiste àréduire la pollution de l’air par des règlementsapplicables à l’industrie ; à établir un contrôledu parc automobile et à développer les trans-ports collectifs ; à prévenir les risques sanitaireset réduire la pollution des sols, des nappesphréatiques, des milieux marins et des plages,par le traitement préalable des eaux uséesdomestiques et industrielles et par un traite-ment plus efficient des déchets ; à prévenir lesrisques naturels et industriels ; à démultiplierles espaces verts et à préserver les milieux natu-rels, notamment la forêt, le littoral, les oueds.

Les choix stratégiques du Sdau : écho du projet métropolitainLe projet de Sdau du Grand Casablanca modi-fie fortement l’orientation du développementurbain qui avait prévalu jusqu’ici, à travers septchoix stratégiques visant à le hisser au rang desgrandes métropoles mondiales :- l’organisation de l’armature urbaine régionale

par un système polycentrique de pôles péri-phériques renforcés autour de la capitale éco-nomique, en assurant la mobilité par unréseau maillé, notamment en transports encommun;

- le report de la croissance urbaine vers lespôles périphériques, grâce à l’ouverture denouvelles zones urbanisables, permettant lamise à niveau de la ville de Casablanca ;

- le remplacement progressif de l’activité indus-trielle polluante de Casablanca par des activi-tés non-nuisantes. Les industries lourdes irontnotamment s’installer dans les nouveauxparcs du pôle industrialo-portuaire de Moham-media et l’axe de Mohammedia-Nouaceur ;

- le renforcement des fonctions tertiaires,notamment sur l’axe vers l’aéroport et grâceau grand projet d’Anfa, tout en préservant lecœur tertiaire historique et la création de nou-velles centralités, notamment à Zenata ;

- la mise en place d’une politique sociale derééquilibrage à l’est par la restructuration del’habitat, la requalification de la façade mari-time, le renouvellement du tissu d’activités etde l’environnement ;

- la mise en place d’un réseau de transporturbain de masse, constitué notamment d’unRER et d’un réseau de tramways. Avec l’arri-vée du TGV, la métropole bénéficiera d’unréseau à vocation internationale, nationale,régionale et urbaine ;

- l’adoption d’une trame régionale d’espacesouverts non urbanisables.

Les premières actions et les mesures réglementairesSeule une action volontaire et suivie dans letemps permettra la mise en œuvre du projetmétropolitain à travers le Sdau. Plusieursactions sont prioritaires : le lotissement et l’équi-pement de plus de 1 000 hectares par an ; larésorption de l’habitat précaire au rythme de1 000 hectares par an ; la réalisation des troisgrandes opérations phares (Anfa, Zenata, SidiMoumen); le dédoublement de la ligne de che-min de fer séparant ainsi le trafic urbain du tra-fic national et marchandises ; la réalisation despremières lignes de tramway, des premiersparcs d’activités et zones logistiques de fret deniveau international.Au niveau législatif et réglementaire, lesmesures principales portent sur le foncier. Lalégislation doit s’enrichir d’outils efficaces per-mettant d’éviter les blocages dus à la haussedes prix. La préemption et ses conditions finan-cières sont concernées. Il est nécessaire, par ail-leurs, de créer une agence foncière régionalecompétente pour la préemption, l’achat et l’ex-propriation par délégation de l’État et des col-lectivités locales. Elle devrait disposer d’unfonds de roulement important. Ceci afin de ren-dre plus difficile l’obtention de dérogations auxdocuments d’urbanisme approuvés.

Enfin, la démarche participative associant élus,décideurs publics et privés, ainsi que la sociétécivile, a assuré une large adhésion au projetmétropolitain. Grâce à ces acteurs, la durabilitédu développement trouvera un écho favorablepar une mise en œuvre respectueuse de lacohérence spatiale et de l’harmonie urbaine.

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Des objectifs ambitieux pour une grande métropoleLes grands objectifs, qui ont fait largement consensus, se résument aux points suivants :• le Grand Casablanca, fidèle

à sa vocation, doit assumer son rôle de locomotive économique et de premier foyer d’innovation et de modernité du Maroc ;

• le projet stratégique doit viser à renforcer l’attractivité du GrandCasablanca, sa compétitivité, et son positionnement en tant que grande métropole internationale ;

• le nouvel élan requis n’est passeulement économique, mais doit porter tout autant sur le progrès socialet la préservation de l’environnement. La conjugaison de ces trois dimensionsassurera la durabilité dudéveloppement ;

• le développement urbain joue un rôlecrucial, car il crée l’offre métropolitainepermettant d’accueillir, dans les conditions d’excellence requises, les fonctions et les activités souhaitées.

Plan de développement stratégique de la région du Grand Casablanca

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L’aménagement du littoral est fondamen-tal pour Casablanca, notamment parcequ’il participe au changement d’image

de la ville et parce que les trois enjeux du déve-loppement durable s’y conjuguent: l’économie,le social et l’environnement. Du point de vueenvironnemental, le littoral est le plus grandespace de respiration de la ville, il doit être pro-tégé et mis en valeur au profit de tous. Auniveau urbain, l’ouverture de la ville sur l’océanest devenue une évidence. Les projets dévelop-pés sur le littoral sont d’autant plus sensiblesqu’ils sont les lieux d’enjeux stratégiques forts.

Les défis de l’aménagement du littoral de CasablancaAfin de permettre la réalisation cohérente de lanouvelle façade maritime de Casablanca, plu-sieurs défis sont à relever.Le premier est celui de la cohabitation. De nom-breuses fonctions urbaines se côtoient et il estnécessaire de penser leur cohabitation afind’éviter les conflits. La complémentarité entreusage privé et public est un enjeu primordial.S’il est privatisé, le littoral, n’est valorisé quepour un nombre limité de personnes, or àl’échelle d’une agglomération de quatre mil-lions d’habitants, cette valorisation doit êtreofferte à tous, aussi bien en termes urbain quesocial. Par ailleurs, il est essentiel de préserverdes espaces naturels en ville. Or, ces espacesnon bâtis, particulièrement sur le littoral, sontconsidérés comme des potentiels de dévelop-pement, et sont très convoités par la promotion

immobilière. La protection de ces espaces derespiration exige une politique volontariste dela part des autorités publiques. Ce déficoncerne également le commerce. Commentmaintenir du commerce traditionnel face auxcentres commerciaux? Enfin, cela concerne lerespect du patrimoine non mis en valeuraujourd’hui face à la forte pression immobi-lière.Le deuxième défi est celui de la cohérence. Lesnombreux grands projets sur le littoral aurontun impact sur toute la ville. Deux centres com-merciaux sont en cours de réalisation(Morocco Mall et celui de la Marina), ainsiqu’un développement résidentiel et touristique(Anfa Place), et un véritable morceau de ville(la Marina). Certains programmes étant simi-laires, l’offre peut dépasser la demande et laqualité urbaine risque être délaissée sous l’ef-fet de la concurrence. Il est important d’assurerla complémentarité des projets et la cohérencede leur aménagement dans le temps et dansl’espace.Enfin, le troisième défi concerne les moyens àmettre en œuvre pour la réalisation de ces pro-jets. Il est nécessaire de dégager des moyensfinanciers et, du point de vue urbain, il est indis-pensable de mettre en application des règleset des principes d’aménagement, de contrôlerleur respect et d’accompagner les projets dupoint de vue social, surtout lorsque leur réalisa-tion implique de déloger des habitants.

Quelle stratégie d’aménagementpour le littoral de Casablanca?

Le littoral de Casablanca est le lieude toutes les convoitises. Il doit êtreaménagé en respectant ses valeurssociales, environnementales et paysagères.

Gwenaëlle ZuninoIAU île-de-France

Le littoral de Casablanca est un secteurà enjeux majeurs. Son aménagementcontribue au changement d’image de la ville et participe à son attractivité.Cependant, sa qualité et son équilibresont menacés par une forte pressionimmobilière et une privatisation accruepar les grands projets. En parallèle à la démarche du Sdau, l’Iaurif a élaboréun schéma de référence stratégiquepour l’aménagement harmonieux de ce littoral, en cohérence avec l’ensemble de la ville.

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Le schéma de référence stratégique du littoral de CasablancaEn parallèle à l’élaboration du nouveauschéma directeur d’aménagement et d’urba-nisme du Grand Casablanca (Sdau), un schémade référence stratégique et la définition descomposantes de deux plans d’aménagementsectoriels du littoral de Casablanca ont été réa-lisés en 2006 par l’Iaurif, répondant à lademande de l’Agence urbaine de Casablanca.Les objectifs étaient d’organiser un aménage-ment harmonieux du littoral dans un contextede forte pression foncière, et de définir desvocations par séquences pour préserver l’envi-ronnement, d’augmenter l’attractivité de la villeet de maintenir les activités liées au port.Du point de vue économique, le port de Casa-blanca implique toute une activité primordialepour l’économie de la ville. La réorganisationdu port permet de diminuer la circulation decamions en cœur de ville et de dégager deuxdarses au bénéfice de la ville. Cette nouvelleinterface entre la ville, le port et la nouvelle garede Casa-Port, va offrir plus d’urbanité à ce sec-teur.Le renforcement du rayonnement culturel etde l’attractivité touristique de Casablanca auxniveaux national et international passe par lamise en valeur de ses atouts. C’est-à-dire la loca-lisation de zones privilégiées pour le dévelop-pement d’activités touristiques sur le littoral, lamise en valeur patrimoniale de la médina etdu quartier Art Déco, la réalisation de grandséquipements tels que le grand théâtre, l’affir-mation de centralités tertiaires et commer-çantes comme le cœur de ville, le projet de laMarina et le nouveau morceau de ville sur lesite de l’ancien aérodrome d’Anfa. Les grandsprojets, en respectant un aménagement cohé-rent à l’échelle de la ville, participeront audynamisme économique du cœur de Casa-blanca.

Le littoral présente un fort enjeu social. L’amé-nagement des plages publiques et de leursaccès, les vues et perspectives vers l’océan, doi-vent être assurés. Une promenade publiquelarge et continue sera aménagée en bord demer et fera le lien entre les différentesséquences du littoral. Concernant le logement,certains habitants des bidonvilles, notammentsur la pointe d’El Hank, seront relogés à proxi-mité de leur lieu de résidence actuel dans desopérations pilotes de logements sociaux. Enoutre, une politique de réhabilitation du cen-tre-ville est nécessaire pour améliorer les condi-tions d’habitat des habitants.Du point de vue environnemental, la préserva-tion d’une coupure verte à l’ouest de la villeest indispensable à l’équilibre écologique detoute la région. De plus, des parcs et forêtsdevront être aménagés ou réaménagés, notam-ment sur le grand site de Sidi Abderrahman. Lamorphologie naturelle du littoral doit êtreconservée, les pointes rocheuses et les belvé-dères seront aménagés pour que le public pro-fite des vues sur l’océan et sur la ville.Pour mener à bien ce schéma stratégique, desmesures institutionnelles doivent accompagnerles actions, notamment dans les domainesadministratif, fiscal, législatif et réglementaire.

Le schéma de référence stratégique offre, encohérence avec le Sdau, une vision d’aménage-ment à long terme pour un développement har-monieux à l’échelle du littoral de Casablanca.Il préconise également un certain nombre deprincipes d’aménagement qui sont déclinésréglementairement dans les plans d’aménage-ment. Face aux opportunités de grands projetsimmobiliers, le potentiel naturel et les fonctionssociales du littoral ne doivent pas être sacrifiés,leur préservation est un atout majeur pour toutela métropole.

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Schéma de référence stratégique du littoral de CasablancaIAU île

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Anfa, l’ancien aérodrome de Casablancaprogressivement désaffecté de son rôleaéronautique, est devenu une belle

friche urbaine de 400 hectares située dans l’ar-rondissement de Hay Hassini, à moins de cinqkilomètres du centre-ville.

Une occasion unique, des approchesexceptionnelles et adaptéesLes urbanistes ont très vite considéré ce grandprojet urbain comme une opportunité enfaveur des ambitions de la grande métropoledu Maroc et de son attractivité internationale.La décision royale de transférer les activitésaéronautiques et militaires et de déclasser lesinstallations a permis d’affecter les terrains ainsilibérés au développement de la ville. Ils ont ététransférés à la Caisse des dépôts et de gestion,en vue de la réalisation de ce grand projeturbain.L’Agence urbaine de Casablanca et l’Iaurif, encharge de l’élaboration du schéma directeurd’aménagement et d’urbanisme (Sdau) deCasablanca et du plan d’aménagement de l’ar-rondissement de Hay Hassani, ont fait le choixd’appliquer la méthode d’expertise internatio-nale proposée par les Ateliers de Cergy-Pontoise sur un site à enjeux majeurs. Pilotéepar l’IAU îdF et gérée par le bureau d’étudesUrba 2000, une session d’expertise, baptisée lesAteliers d’Anfa Casablanca, s’est déroulée enjuillet 2006.À l’issue de cette session, trois équipes de pro-fessionnels pluridisciplinaires ont présenté des

propositions imaginatives devant un jury com-posé de représentants des autorités et institu-tions marocaines, ainsi que d’experts internatio-naux. Des préconisations importantes, inspiréesdes points de convergence entre les partici-pants et des meilleures idées, ont été retenuesdans un rapport de synthèse.Des préconisations portaient sur la définition etla programmation du grand projet urbain :- affecter une grande partie de l’espace libéré

à la création de grands parcs urbains, en fortdéficit à Casablanca ;

- créer des synergies entre les activités techno-politaines et l’université située à proximité ;

- réaliser une grande infrastructure ferroviaire,ouvrant la possibilité d’une ligne centrale detransport express régional et d’une grandegare multimodale, centralité nouvelle fonc-tionnant en dipôle avec la centralité actuelle ;

- aménager des continuités de la trame urbainede l’arrondissement de Hay Hassani,jusqu’alors interrompue du fait de l’enceintefermée de l’aérodrome, qui respectent etdéveloppent la remarquable qualité urbainede Casablanca (grandes avenues et boule-vards avec des plantations d’alignement) ;

- envisager une programmation d’ambitioninternationale valorisant le patrimoine excep-tionnel et inhabituel des grandes halles tech-niques.

Casablanca : intégration du grand projet urbain d’Anfa

Vue d’ensemble du site de l’ancienaérodrome d’Anfa, l’assiette de la nouvelle centralité du XXIe siècle de Casablanca.

Pierre Mayet(1)

Victor SaidBertrand Warnier

Le grand projet urbain d’Anfa a des ambitions tant à l’échelle localequ’au niveau international pour le rayonnement de Casablanca. Sa composition urbaine singulière doittrouver une cohérence et une identitépour donner une impulsion nouvelle à la métropole. Développer un pôle du XXIe siècle en synergie avec l’existantet mettre en valeur un site atypiquetant par son patrimoine que par son relief : tels sont les défisde la future centralité d’Anfa.

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(1) Article écrit à trois mains par Pierre Mayet, présidentd’Urba 2000, Victor Said de l’IAU îdF et Bertrand Warnier,architecte urbaniste, fondateur des Ateliers de maîtrise d’œu-vre urbaine de Cergy-Pontoise.

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La méthode, la gouvernance et la mise enœuvre ont également été proposées ; desdémarches et des outils opérationnels spéci-fiques ont pu être mis en place. Ainsi, un pha-sage sur vingt ans permettra d’adapter le calen-drier et la séquence d’ouverture de nouveauxchantiers aux dynamiques du marché et auxcapacités de réalisation des équipements. Unestructure ad hoc, équivalente aux établisse-ments publics d’aménagement (Epa)(2), a étémise en place : l’Agence d’urbanisation et dedéveloppement d’Anfa (Auda), filiale spéci-fique de la Caisse de dépôts et de gestion(CDG). Enfin, un concours international d’ur-banisme a été organisé afin de choisir l’équipeen charge du plan directeur du grand projet.

Une nouvelle centralité du XXIe siècle pour CasablancaÀ partir d’un cahier des charges inspiré par lerapport de synthèse de la session des Ateliers,le jury du concours international d’urbanismea retenu comme lauréat l’équipe Bernard Rei-chen et associés. L’avant-projet du plan direc-teur présenté répondait directement aux objec-tifs et au programme définis.Le projet comprend un grand parc central orga-nisé sur le tracé de l’ancienne piste de l’aéro-drome, déclinant ainsi l’idée d’une des équipesdes Ateliers, sous la forme du Jardin andalou.Deux gares multimodales – l’une étant différéedans la perspective du développement duréseau TGV marocain – assurent la liaison deslignes de tramway avec la grande ligne nou-velle préconisée pour un service de type RER.La morphologie urbaine correspond aux stan-dards internationaux : elle comprend deuxniveaux de référence – ville basse et villehaute – et deux tours à valeur de signal dans lepanorama urbain d’ensemble de l’aggloméra-tion. De nouveaux quartiers, parmi lesquelsune centralité d’affaires et de commerces d’at-tractivité internationale, sont prévus. Enfin,l’équipe a formulé des propositions de valorisa-tion du patrimoine immobilier préservé, dontles structures sont d’une qualité architecturalerare, en l’adaptant à de nouvelles activités.

Enjeux d’image de la métropole etarticulation avec les quartiers existantsLe plan directeur est contenu dans les limitesfoncières de l’aérodrome désaffecté. Un desenjeux majeurs était d’inclure ce projet essen-tiel dans la stratégie du Grand Casablanca etdans la géographie et l’urbanisme de l’arron-dissement de Hay Hassani, au sein duquel il est situé. Cet arrondissement de 300000 habi-tants est composé de quartiers récents, avecune importante proportion de logements« sociaux».

Ces quartiers, de qualité urbaine honorable etrelativement bien adaptés au mode d’habiter,manquent d’équipements publics de proxi-mité. Le voisinage d’un secteur de centralitéurbaine doté d’équipements nouveaux, d’unréseau moderne de transport (trois lignes detramway venant aussi desservir les quartiersexistants) et de grands parcs urbains, amélioredonc significativement l’offre de services etd’aménités aux populations. Elles bénéficierontégalement de la continuité de la trame urbainetraversante des nouveaux quartiers.De nouvelles propositions au plan d’aménage-ment de l’arrondissement de Hay Hassani ontété faites pour améliorer la qualité urbained’ensemble. La bonne insertion du grand pro-jet d’Anfa au sein de cet arrondissement et sonextension sur une partie du territoire de la com-mune de Dar Bouazza est l’une des priorités.L’établissement, voire le rétablissement, d’unetrame viaire cohérente développant les meil-leurs aspects de la remarquable trame urbainede la partie centrale de Casablanca, figuraitparmi les principaux objectifs. Certaines voiesà réaliser à travers la coupure s’imposaient logi-quement, comme la route des Préfectures ou leboulevard Omar el Khayyam. Deux nœudsessentiels de circulation ont été identifiés dansl’organisation générale de la trame urbaine :- le carrefour de l’avenue El Qods avec le bou-

levard d’El Jadida commande la desserte duquartier sud par la route de Bouskoura ;

- le carrefour complexe, en lisière du terrain del’aérodrome, où se croisent l’autoroute quivient de Rabat et la route nationale reliant lecentre-ville à l’aéroport Mohammed V.

Ce carrefour, désigné dans le projet comme lavéritable porte sud du grand projet urbain,appelle un aménagement de grande qualité.Cette dimension monumentale pourrait pren-dre la forme d’une large voie réalisée au seind’une palmeraie.Le tracé des lignes de tramway à créer, appe-lées à s’articuler à la gare multimodale duréseau express, a été un élément déterminant

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Le grand projet urbain d’Anfa :maintenir l’axe des pistes de l’aérodrome en les aménageant en grand jardin central et édifier deux tours « signal ».

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(2) Structures mises en place en France pour réaliser desprojets d’opérations d’intérêt national (OIN) d’aménagement.

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des choix d’em-prise et d’aménagementdes boulevards et avenues les plusadaptés à desservir les secteurs les plus densesdu tissu urbain.

La géographie élargie du site commandeson aménagementLe territoire de l’aérodrome est évidemmentun terrain plat, une plate-forme; mais ses abordssud et sud-ouest comportent des reliefs signifi-catifs : un belvédère dans le prolongement sudde la piste et deux collines un peu moinshautes. Ces ondulations donnent des vues surl’horizon marin et constituent autant de sitespotentiels pour un aménagement urbain et paysager de grande qualité. La terrasse haute,sur l’espace du site du grand projet urbain,appelle un aménagement valorisant sa fonc-tion de belvédère.À proximité immédiate du terrain de l’aéro-drome, un site singulier avec une belle falaise,en réalité front de taille d’anciennes exploita-tions de carrière, présente aujourd’hui un petitlac en contrebas «à fort intérêt écologique». Lelac, l’extension au niveau bas d’un parc urbain,et l’aménagement du quartier situé en haut dufront de taille sous la forme du balcon d’Anfapermettent d’apporter à ce quartier de loge-ments sociaux une position privilégiée, aussibien pour les vues qu’il prodiguera que pourles relations qu’il établira avec le grand projet.La géographie fait également apparaître depetits thalwegs(3), qui sont aménagés dans leprojet en «vallons frais », contribuant à la lisibi-lité des délimitations des quartiers. La vallée del’oued Bouskoura, qui traverse le site, estaujourd’hui soumise au risque d’inondation etdoit, à ce titre, être préservée d’une urbanisa-tion inconsidérée.

L’ambition d’une qualité d’urbanité pour Hay HassaniL’image urbaine de Casablanca allie la moder-nité, celle du début du XXe siècle qui lui a léguéla qualité remarquable de ses boulevards etavenues largement dimensionnés avec debeaux alignements de plantations, et l’identitélocale ponctuant le paysage urbain de pointssinguliers composés des minarets des mos-quées.Le tissu urbain offre une grande diversité decomposition et d’architecture, dans le respectde principes communs de gabarits relativementbas, dont la couleur blanche est emblématique.

Depuis le début du XXe siècle, avec ses secteurspatrimoniaux Art déco notamment, Casablancaest considérée comme un grand laboratoire del’architecture et de l’urbanisme.Le grand projet d’Anfa, son insertion et l’effet devalorisation qu’il apportera, sont conçus pourque cette tradition de laboratoire se poursuiveau XXIe siècle.La qualité d’urbanité est définie par une mixitéfonctionnelle ; la réalisation résidentielle se faitconjointement à celle des activités commer-ciales, artisanales et de service, situées en rez-de-chaussée. Cette approche bénéficiera tant àl’animation des rues qu’à la vie sociale. Lesquartiers préservés de villas présentent une pro-fusion végétale qui déborde les murs de clô-ture et agrémente les rues ou allées qui les des-servent.L’amélioration de la qualité des quartiers exis-tants est envisagée à travers le développementde centralités secondaires définies par une den-sification autour des nouvelles stations de tram-way. La réalisation de petits (ou très petits)squares avec quelques arbres et du mobilierpublic a également été préconisée.

Les quartiers d’extension : vues panoramiques sur l’océanLes composantes des plans d’aménagementdes quartiers d’extension (les secteurs de DarBouazza) s’efforcent d’offrir une trame urbaineverte qui mette en valeur les vues sur l’océan,sur le panorama urbain d’ensemble et sur desespaces aménagés pour créer des lieux déter-minants du paysage urbain. L’ambiance propo-sée est celle d’une morphologie urbaine singu-lière qui offre au plus grand nombre le luxe devues et de panoramas de qualité.Les ambitions de rayonnement et d’attractivitéinternationale du grand projet d’Anfa n’au-raient pas été à la hauteur du cadeau royaloffert à Casablanca, si elles n’avaient pas rejointl’ambition nationale de développementhumain(4), en bénéficiant également aux popu-lations des quartiers environnants.

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Des actions partenariales adaptées aux territoires

Casablanca : intégration du grand projet urbain d’Anfa

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(3) En géographie, le thalweg est une ligne joignant les pointsles plus bas du fond d’une vallée.(4) Grand programme social, l’Initiative nationale pour ledéveloppement humain (INDH) est déployée à travers toutle pays.B.

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Le grand projet d’Anfa constitueraune nouvelle centralité majeure,fonctionnant en dipôle avec le centre-ville.

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Le Maroc, pays émergent, est un partenaireprivilégié de l’Union européenne. Il est,de par sa situation géographique, un

espace d’échanges entre la rive nord de laMéditerranée et l’Afrique. La conjugaison del’élément géographique et de la volonté poli-tique a insufflé une croissance économiqueimportante, portée par les grandes infrastruc-tures dont la réalisation a été initiée par l’État.Ces grands projets publics stimulent l’écono-mie marocaine, dont l’essor reconfigure l’es-pace national. S’inscrivant dans l’économie glo-balisante, le Maroc se positionne sur un certainnombre de secteurs ayant connu une redistri-bution au niveau international.L’une des interprétations spatiales de ces muta-tions traduites par le schéma national d’aména-gement du territoire (Snat) est de faire desgrandes agglomérations marocaines des loco-motives de compétitivité. Parmi celles-ci, leGrand Agadir occupe une place importante,car il devrait devenir le deuxième pôle écono-mique après celui du Grand Casablanca.

Agadir et son aire métropolitaine : un destin forcéLa ville d’Agadir est la capitale de la régionSouss-Massa-Drâa, deuxième du Maroc enpoids démographique après le Grand Casa-blanca. Selon la volonté nationale, la ville a étéreconstruite après le terrible séisme de 1960.C’est la première ville nouvelle du Maroc indé-pendant. Dans sa partie reconstruite entre 1960et 1976, tous les principes de l’urbanisme et de

l’architecture moderne ont été appliqués dansle respect de la Charte d’Athènes.Cette ville balnéaire, prévue pour 50000 habi-tants, a connu à travers le temps un développe-ment tel qu’il était impossible de l’imaginer ou de le prévoir, même avec les précautionsd’usage dans le domaine de la planification.Ainsi, grâce à certains choix – politiques à tra-vers la Marche verte pour la reconquête duSahara ; économiques par le développementdu tourisme et de la pêche; ou par la réalisationd’infrastructures telles que des barrages, uncomplexe portuaire et un aéroport internatio-nal –, Agadir et son aire métropolitaine se sontvues propulsées au-devant des autres agglomé-rations de même taille ou plus grandes.

Un territoire à forte dynamique créant des dysfonctionnementsL’aire métropolitaine d’Agadir est caractériséepar un relief assez diversifié(3). Elle couvre envi-ron 1 083 000 hectares et est composée de 80communes(4). Les espaces ruraux et naturels

Satama : référentiel pour la métropole d’Agadir

Le Satama(2) : une planificationstratégique innovante à la hauteurdes ambitions d’une métropolemajeure au Maroc.

Abdelillah Laslami(1)

Directeur de l‘AUSF Victor Said

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Agadir et sa région connaissent un développement qui a dépassélargement la planification élaboréepour sa reconstruction suite au séismede 1960. Afin d’inscrire l’essor de la ville dans la stratégie nationaleet d’en faire la base solide d’undéveloppement économique et humaindurable, l’Agence urbaine d’Agadir a impulsé une démarche innovante et transversale d’aménagement et de planification urbaine globale, en partenariat avec l’Iaurif.

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(1) Directeur de l’Agence urbaine et de sauvegarde de Fès(AUSF), et ancien directeur de l’Agence urbaine d’Agadir.(2) Schéma d’aménagement territorial de l’aire métropoli-taine d’Agadir.(3) Le territoire peut être réparti en trois entités géogra-phiques principales : la zone montagneuse, constituée parune partie de l’anti-Atlas et le Haut Atlas occidental ; la zonedes plaines formée par les deux plaines du Souss et deMassa, et la zone littorale le long de l’océan Atlantique ets’étendant sur près de 240 kilomètres.(4) Les communes dont 16 urbaines sont réparties sur 2 pré-fectures : Agadir–Ida–Outanane et Inezgane–Aït Melloul ; et3 provinces : Chtouka–Ait Baha, Tiznit et Taroudant.

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représentent 98 % du territoire, les espacesurbains seulement 2 %. Elle regroupe plus d’unmillion d’habitants, dont 40 % d’urbains. C’estun territoire à forte dynamique démogra-phique, avec de grandes disparités et un impor-tant solde migratoire d’environ 60 %.L’économie du territoire est basée essentielle-ment sur trois secteurs porteurs : les services engénéral et le tourisme en particulier(5), l’agricul-ture et la pêche. L’agriculture est très dyna-mique, notamment dans les plaines du Souss etde Massa(6). Grâce à ses deux ports majeurs(Agadir et Sidi Ifni), la pêche est la locomotivede l’économie de la zone et emploie une main-d’œuvre importante. L’industrie est essentielle-ment agroalimentaire, liée à la pêche et à l’agri-culture.L’aire métropolitaine d’Agadir connaît donc un développement considérable à tous les

niveaux: accroissement démographique impor-tant, activité agricole intense, infrastructure tou-ristique en développement, industrie émer-gente, exploitation des ressources halieutiques,urbanisation galopante. Cependant, l’absencede planification globale a provoqué des dys-fonctionnements de l’armature urbaine, carac-térisés par des inégalités de répartition deséquipements, des infrastructures et desemplois. Toutes ces pressions urbaines subiespar le territoire, mais d’abord par ses habitants– souvent au détriment de la qualité de vie, dupotentiel naturel diversifié et de l’équilibre éco-logique – représentent aussi une menace pourl’environnement.Face à cette dynamique aux multiples acteurs,les actions peuvent être contradictoires et desconflits d’usages peuvent se manifester ; parconséquent une vision transversale et multisec-torielle s’impose. Devant la complexité de ceterritoire et afin d’asseoir une vision de déve-loppement durable, l’Agence urbaine d’Agadir(AUA) a jugé nécessaire, dès 1999, d’élaborerle schéma d’aménagement territorial de l’airemétropolitaine d’Agadir (Satama). Cette étude,menée dans un cadre partenarial avec l’Iaurif,vise la conciliation entre l’aménagement duterritoire et la planification urbaine, en se posi-tionnant à une échelle intermédiaire man-quante dans la hiérarchie des documents régle-mentaires de planification.

Des potentialités et des atouts à exploiter avec rationalitéLe territoire du Satama jouit d’une image posi-tive. Il dispose de potentialités importantes avecune dynamique socio-économique témoignantde l’esprit d’entreprise de ses habitants. Lapopulation jeune est une réserve de main-d’œuvre attractive. Elle bénéficie d’une offre deformation et d’établissements universitairesadaptés aux activités locales(7).La multiplicité et la diversité des secteurs éco-nomiques, notamment le tourisme(8), consti-tuent des atouts et des potentialités importantsà développer avec rationalité. Les richessesnaturelles, écologiques(9), culturelles et bâties,ainsi qu’un climat ensoleillé et doux en perma-

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Armature et centralités dans l’aire urbaine d’Agadir

(5) Agadir est la première station balnéaire du Maroc avecune capacité hôtelière de près de 22000 lits, soit 23 % des litsclassés du Royaume.(6) La superficie agricole utile sur l’ensemble du territoirerégional est de l’ordre de 434000 hectares, dont 21 % sontconsacrés à la culture irriguée.(7) L’université d’Agadir et l’Institut agronomique et vétéri-naire, l’Institut spécialisé de technologie des pêches mari-times et l’Institut de technologie hôtelière et touristique.(8) Le poids d’Agadir dans le tourisme international auMaroc est de 41 % (Marrakech : 21 %).(9) Voir dans ce numéro des Cahiers, THIBAULT Christian, « Leparc de Souss-Massa, territoire d’exception à l’équilibre fra-gile », p 152.

Le développement des infrastructures touristiques,

piliers de l’essor de la ville, a profondément modifié

la silhouette urbaine d’Agadir.

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nence permettent une diversification des acti-vités touristiques tout au long de l’année.La nécessité d’un développement durable etmaîtrisé mène à engager une réflexion appro-fondie sur la planification et la gestion ration-nelle de ce territoire.

Une volonté nationale de positionnement stratégique d’AgadirLe Snat a classé Agadir parmi les huit métro-poles majeures du pays ; elle fait partie des qua-tre grandes agglomérations littorales de larégion métropolitaine du Sud-Atlantique. À cetitre, Agadir constitue un espace de développe-ment privilégié et son territoire bénéficie d’uneattention particulière des pouvoirs publics quil’ont doté de nombreux équipements majeursayant joué un rôle structurant dans son essoréconomique. En matière de développementtouristique, le plan Azur a désigné deux sec-teurs : le Founty qui abritera, à terme, près de 80unités touristiques ; et, au nord d’Agadir, la sta-tion balnéaire en devenir de Taghazout dont lacapacité d’hébergement sera d’environ 20000lits et qui bénéficiera d’une liaison directe parvoie express à l’aéroport. Cette volontépublique est également illustrée par le choixd’Agadir d’expérimenter de plusieurs projetsnationaux pilotes(10).

Des objectifs sociaux, environnementaux et économiques clairement affichésLes grands objectifs du Satama visent en pre-mier lieu l’amélioration des conditions et ducadre de vie des habitants par la maîtrise del’aménagement. Suivant une logique de déve-loppement durable, ils se traduisent au pointde vue environnemental par la préservation del’équilibre écologique en rationalisant la ges-tion des ressources naturelles. Au niveau social,le Satama a l’ambition de reconquérir des sec-teurs en difficulté en s’appuyant sur la salubritéet la justice sociale, ainsi que sur la mise enplace d’une planification cohérente et d’unepolitique rationnelle de programmation de pro-jets d’équipements structurants et d’infrastruc-tures, qu’ils soient d’initiative publique ou pri-vée. Les liens de solidarité, d’échanges et decomplémentarité entre les différentes entitésspatiales et territoriales sont voués à être renfor-cés. Du point de vue économique, le Satamapropose le développement de nouvelles formesd’infrastructures touristiques, plus proches de lanature. Enfin, le Satama doit être, pour l’ensem-ble des acteurs de l’aménagement, un docu-ment cadre et de référence fixant les grandesorientations, à moyen et long terme, et garan-tissant la préservation des capacités d’investis-sement et du potentiel naturel du territoire.

Des actions face au défi du développement durableLe territoire doit relever plusieurs défis afin d’as-surer la pérennité de son développement,nécessairement durable et donc respectueuxde son environnement. Les actions à menerdevront permettre de conforter l’image posi-tive et le poids de la région en renforçant lesinfrastructures, en maîtrisant la croissancedémographique urbaine, en atténuant l’exoderural, et ce par une meilleure intégration socio-économique de la population et des territoires.Par ailleurs, certains choix stratégiques devrontêtre opérés pour une meilleure répartition del’usage des potentialités naturelles, dont l’eaureprésente l’élément majeur, notamment en rai-son du poids de l’agriculture irriguée dansl’économie locale(11).Le rééquilibrage entre les différentes entitésconstitutives du territoire, au niveau des ser-vices publics, des investissements et desgrandes opérations, permettra d’atténuer les dis-parités et les inégalités territoriales. Parmi lesrésultats escomptés, sont visées la restructura-tion de l’armature urbaine et la préservationdes espaces naturels par un contrôle de l’urba-nisation en tache d’huile.

Une démarche innovantePour l’Agence urbaine d’Agadir, dont le terri-toire d’intervention couvre 30000 km2, 173 com-munes et 5 provinces, la production de docu-ments d’urbanisme réglementaires a étéfastidieuse puisqu’il fallait combler leur quasi-absence. Il a alors fallu choisir les centres à cou-vrir par des plans d’aménagement, hormis ceuxdes grandes agglomérations.

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(10) Parmi ces projets, le «parcours de l’investisseur», la miseen place d’un SIG régional, la définition d’un agenda 21 local.(11) Voir dans ce numéro des Cahiers, THIBAULT Christian, « Lesdéfis de l’eau : le bassin du Souss », p.89.

L’objectif du Satama est de préserver de l’urbanisation les espaces naturels de grandequalité, notamment l’arganeraiedans la région d’Agadir.

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Face au manque de connaissance du territoireet de son fonctionnement, et aux limites desoutils conventionnels de planification spatiale,la réflexion s’est portée sur une nouvelledémarche permettant de construire une imagedynamique de ce territoire.Après avoir passé en revue tant le contenu quela démarche du schéma directeur d’aménage-ment et d’urbanisme (Sdau) et des autres outilsd’aménagement du territoire, la nécessité desortir des sentiers battus et de mettre en placeune démarche innovante adaptée aux attentesa été mise en exergue.Élaborée en collaboration entre l’AUA et l’Iau-rif cette démarche a été novatrice à plusieurstitres. Tout d’abord, la définition de l’aired’étude a fait fi des découpages administratifs,même si elle concernait à l’origine tout le ter-ritoire de l’agence urbaine. En effet, cette aired’étude a été définie sur la base de territoiresentretenant des relations fonctionnelles, inter-agissant à différents niveaux. Ensuite, l’analysedes données n’a pas été sectorielle mais trans-versale, afin de mettre en exergue l’interactiondes différentes composantes du territoire,qu’elles soient physiques, humaines ou écono-miques. Les problématiques ont ainsi pu êtreterritorialisées par une spatialisation des don-nées, grâce au système d’information géogra-phique (SIG) mis en place parallèlement auSatama. De plus, une approche participative aété mise en œuvre, en mobilisant tous lesacteurs aussi bien pour la collecte de l’infor-mation, que pour le partage de son analyse.Cette démarche a permis la constitution d’unebanque de données importante pour l’agenceurbaine et ses partenaires, l’usage pour la pre-mière fois d’images satellite et la mise en placedu premier noyau du SIG de l’AUA.Cette étude se compose de trois grandesphases : l’établissement d’un diagnostic territo-rial partagé ; la définition d’une vision straté-gique basée sur des scénarios de développe-ment; et l’arrêt des options fondamentales, ainsique des orientations de l’aménagement spatialaccompagnées d’un plan d’actions et demoyens de mise en œuvre.Le diagnostic territorial se décline en quatregrandes parties :- un cadrage général du territoire, effectué au

niveau de la région Souss-Massa-Drâa, ainsiqu’au niveau national ;

- les atouts et les opportunités ;- les dysfonctionnements et les risques ;- les enjeux majeurs et les défis à relever pour

assurer un développement durable du terri-toire.

Vers une dynamique de projetsLa démarche adoptée pour l’élaboration duSatama est enrichissante à plus d’un titre. Elle apermis de se désengager du carcan classiquedes démarches sectorielles qui, épousant leslimites administratives, ne reflètent pas toujoursla cohérence territoriale. En outre, cetteapproche s’est inscrite dans un esprit incitatif etnon coercitif, par opposition aux autres outilsde planification. Car le Satama se veut évolutif,souple et capable d’intégrer les évolutions duterritoire par des mécanismes de réajustement.L’étude a permis à tous les partenaires de par-tager une connaissance approfondie du terri-toire, et d’interagir en fonction de ses résultats.Si la démarche est intéressante, sa conduite etsa mise en œuvre n’ont cependant pas toujoursété aisées, notamment sur son volet participatifqui demandait de la persévérance et une veillecontinue. Les résultats de l’élaboration duSatama ont permis de mettre en exergue lestendances lourdes du territoire et de définir lesorientations stratégiques et les actions à moyenet long terme. Ces résultats ont été confirméspar les études et analyses ultérieures. Par exem-ple, au niveau démographique, le recensementgénéral de la population de 2004 a confirméles projections et les phénomènes relatifs audépeuplement de certains territoires au profitd’autres. Au niveau du développement de l’ac-tivité touristique, notamment sur le littoral sud,la ruée des promoteurs, notamment européens,se confirme.Avant-gardiste, le Satama s’inscrivait dans unelogique de développement durable, positionconfortée aujourd’hui par le lancement de laCharte nationale de l’environnement et dudéveloppement durable, notamment par rap-port à la problématique de la forêt de l’Arga-nier, dont la régénération et le rôle pour ledéveloppement humain des populations sus-citent désormais davantage d’intérêt.La maîtrise par les cadres de l’agence urbained’un savoir-faire acquis à travers la coopérationa permis d’élaborer cette étude sans omettrel’introduction de nouveaux outils : SIG, interpré-tation d’images satellite, élaboration de cartesd’occupation des sols, etc.Dans un autre registre, l’étude du Satama a per-mis de lancer un certain nombre de projets,dont l’agenda 21 d’Agadir, le schéma de déve-loppement de la région Souss-Massa-Drâa, leplan de déplacements urbains (PDU) du GrandAgadir, le nouveau Sdau, qui couvrira tout leterritoire du Grand Agadir et le bassin de Massaet enfin, tous les programmes de mise à niveauurbaine concernant les quartiers périphériquessous-équipés.

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L’arganeraie, une formation végétale unique,classée réserve de biosphère.

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L’évolution récente d’Agadir(2) a mis àl’épreuve les principes qui avaientguidé sa conception, essentiellement

tournée vers le tourisme. Elle est devenue uneville à part entière et n’est plus placée ausecond rang de la zone balnéaire. De fait, sapopulation connaît des besoins croissants enéquipements, services et espaces publics dequalité.La demande touristique a évolué, elle aussi, etpourrait ne plus se satisfaire d’un quartier hôte-lier coupé du reste de la ville. Le «produit tou-ristique» offert s’est également modifié puisquele cadre « exotique et naturel » proposé àl’époque tend à devenir plus urbain, sans tou-tefois offrir l’attrait d’une ville véritablementanimée, composée d’équipements culturels oude loisirs suffisants.

Une conception à adapter aux usagesd’aujourd’huiConçu de toutes pièces à la manière d’une villenouvelle, le centre-ville est aujourd’hui délaissétant par les touristes que par les Gadiris(3) qui letraversent ou ne s’y rendent que pour y travail-ler. Il y a une certaine contradiction entre laforme urbaine de centre-ville à l’européenneet sa fonction réelle qui n’en fait pas un lieud’animation ni de rencontre. L’objectif est d’in-verser la tendance pour faire accepter l’idéeque «ce qui sera bon pour le Gadiri, sera bonpour le touriste ».Cette évolution urbaine du centre crée des dys-fonctionnements qui doivent être pris en consi-

dération en préservant les atouts et les qualitésd’un espace urbain ayant le potentiel de deve-nir un centre-ville confirmé et étendu.Agadir est une ville morcelée. Sa rapide évolu-tion et sa conception basée sur une forte ségré-gation des fonctions ont fabriqué une ville écla-tée en quartiers mal reliés, qui souffre del’absence de centralité et de lieux de convivia-lité attractifs. Le secteur balnéaire et touristiqueavait été conçu, au départ, comme une entitéséparée de la ville et isolée des nuisances desactivités concentrées, à l’époque, dans le quar-tier industriel.Le centre-ville commercial et administratif estdevenu très excentré au regard du développe-ment urbain qui s’est orienté vers le sud et l’estde l’agglomération. Ses relations avec les autresquartiers manquent de lisibilité. Il en résulteune dévitalisation du centre actuel, qui se tra-duit par la déshérence de certains espaces etpar une perte d’attractivité des commerces,assez majoritairement tournés vers le tourisme.Les fonctions centrales s’amenuisent et com-mencent à quitter le centre, risquant ainsi d’ac-centuer cette dévitalisation ; des administra-tions à l’étroit sont relogées à l’extérieur de laville. Les gares routières et les stations de taxiscollectifs sont déplacées en raison de leurs nui-sances. L’absence d’équipements centraux

Requalification et renouvellementurbain du centre d’Agadir

Le réaménagement de qualité de l’espace public a permis de donner un nouveau visage de la corniche de la baie d’Agadir.

Gérard Abadia(1)

Architecte urbaniste

Agadir a été reconstruite, suite au séisme de 1960, selon les principesde l’époque. La forte ségrégation desfonctions avait distingué le centre-villedu secteur touristique. Néanmoins, la ville dispose d’atouts pour remédieraux dysfonctionnements aujourd’huiconstatés. L’Iaurif a proposé une méthodologie adaptée à chaqueéchelle, composée de trois axes :renforcer le rôle du centre-ville, recoudrele tissu urbain et valoriser l’espacepublic et le patrimoine.

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(1) Gérard Abadia est ancien chargé d’études à l’IAU îdF.(2) Lors de la reconstruction, le centre-ville était destiné à50000 habitants ; la ville abrite aujourd’hui plus de 350000habitants, soit 50 % de l’agglomération du Grand Agadir.(3) Habitants d’Agadir.

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contribue au manque d’attractivité du centre-ville, pour la population résidente autant quepour les touristes qui restent confinés dans lesecteur hôtelier. Ce manque est lié à l’absenced’équipements culturels et de loisirs, mais aussid’autres fonctions centrales telles qu’un centred’affaires, un palais des congrès ou un secteurcommercial autre que les bazars touristiques.L’espace public, sans continuité ni lisibilité, nepermet pas de structurer la ville. Les espacesverts publics sont confidentiels et leur accèsn’est pas facile. À l’exception de la vallée desOiseaux, de la marina et de la corniche réamé-nagées récemment, peu d’espaces incitent à lapromenade et aux loisirs. Ainsi, faute de signa-lisation et de liaisons, les espaces qui relient lacorniche au centre-ville, par exemple, sont peulisibles, malgré une fréquentation croissante.Enfin, les déplacements en transports en com-mun sont difficiles en raison de l’insuffisancede l’offre et de la localisation des pôles de trans-port, généralement excentrés. L’utilisation privi-légiée de la voiture particulière entraîne desembouteillages aux heures de pointe, malgréune voirie surdimensionnée.

Des potentialités existantes pour « recoudre » la villeLa ville d’Agadir dispose néanmoins de nom-breux atouts et qualités qui permettent d’envi-sager une perspective favorable au développe-ment et à la requalification de son espacecentral.Grâce à son climat, Agadir jouit d’un attrait tou-ristique international indéniable. L’activité deson aéroport permet d’imaginer un développe-ment diversifié. En plus de la création de nou-veaux sites balnéaires prévus au plan Azur, lepotentiel économique de la ville s’est déve-loppé. L’activité liée au port ou à l’agriculture

a entraîné l’essor de commerces et de services,constituant un véritable secteur tertiaire etdiversifiant les emplois. Cet appel de main-d’œuvre a entraîné une forte croissance démo-graphique, attirant une population qui s’est ins-tallée durablement. À ce solde migratoires’ajoute un important solde naturel, avec desconséquences en matière de logement, de ser-vices et de fonctionnement urbain.La ville bénéficie d’un paysage remarquable.Elle est située au pied d’un plateau sur lequelsubsistent les ruines de l’ancienne kasbah etest bordée par une plage de plusieurs kilomè-tres. Adossée aux retombées du Haut Atlas,s’ouvrant sur la plaine du Souss, elle est uneporte d’entrée vers le Sud marocain et sert debase de départ pour la découverte d’un arrière-pays d’une grande qualité paysagère(4).Le patrimoine architectural de l’école moderneest de grande qualité. La reconstruction de laville a mobilisé toutes les compétences tech-niques et administratives. Plusieurs architectesde renom, dont Le Corbusier, ont été invités àconcevoir ce qui devait devenir une opérationexemplaire d’urbanisme et d’architecture. Leplan d’aménagement reflète les idées del’époque, en particulier la conception desespaces publics, la séparation des fonctions etune trame viaire largement dimensionnée.La trame de voirie orthogonale a fait sespreuves par sa capacité à évoluer et à suppor-ter les mutations urbaines successives. Large-ment dimensionnée pour faciliter les circula-tions mécaniques, l’emprise de la voirie offreaux piétons de vastes trottoirs plantés.La ville recèle également un très grand poten-tiel d’espaces publics à valoriser. Leur mise enréseau favorisera les déplacements doux, ouen transports en commun, tout en reliant lesprincipaux centres d’intérêt de la ville avec lesquartiers environnants. Les espaces publicsmajeurs, et sans doute les plus fréquentés, sontceux des plages. La corniche piétonnière bor-dant la plage publique et, plus récemment, lamarina connaissent un succès considérable, enparticulier en fin de semaine.Les importantes réserves foncières situées encentre-ville constituent une opportunitémajeure pour sa requalification. Ces emprises,destinées à recevoir des équipements sportifs età isoler les touristes des nuisances de la ville,ont été assez peu utilisées. Néanmoins, un mailpiétonnier relie le centre-ville au secteur tou-ristique et intègre des équipements publics,dont un musée.

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L’architecture de l’école moderneinfluencée par Le CorbusierQuelques bâtiments méritent d’être cités :l’immeuble A de L. Riou et H. Tastemain, la cité administrative, le tribunal de ElieAzagury, la poste, l’école, la caserne des pompiers, les villas de Jean-FrançoisZevaco, les immeubles D, 01, 02, les villasen bande de Abdeslem Faraoui et Patrice de Mazières, le quartier industriel sud de Jean-Paul Ichter, le marché central et le marché de gros de Verdugo, et le nouveau Talbordj, à la volumétrie plus proche de l’architecture locale.

(4) Agadir est reliée à Marrakech, Taroudant, Tiznit, Ouarza-zate et à la ville côtière voisine d’Essaouira par la route del’Arganier.

Plan-guide de restructuration et de réorganisation de la centralitéd’Agadir

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Une approche déclinant l’aménagementà toutes les échellesAfin de concevoir des espaces publics cohé-rents, l’IAU îdF a proposé une méthodologieadaptée à toutes les échelles. Un document stra-tégique fixant les orientations d’aménagementsur le long terme a permis d’établir un plan-guide pour assurer la cohérence d’actions àcourt et moyen terme.À l’échelle de l’agglomération, le Grand Agadircomprend plusieurs centres qui auront chacunun rôle propre à jouer. L’approche des problé-matiques du centre au regard des autres quar-tiers suppose d’appréhender la ville dans sonensemble. Ces relations sont à penser en termesde déplacement et de complémentarité. Laquestion se trouve alors posée de la spécificitédu «centre reconstruit » et du rôle qu’il pourrajouer au-delà de sa fonction d’origine. Le renforcement du rôle du centre dans l’agglo-mération suppose d’y localiser des équipe-ments majeurs, des fonctions centrales et desactivités économiques de premier rang.Le centre reconstruit, par sa fonction actuelle etsa qualité urbaine et architecturale, présenteles qualités nécessaires pour être le fondementd’un centre-ville fort et lisible, capable de struc-turer l’agglomération d’Agadir. Dans cetteoptique, des principes d’aménagement, décli-nés par thématique, ainsi qu’un phasage desactions, sont présentés dans un plan-guide. Lessecteurs stratégiques y sont également détaillésdans des études spécifiques. Ce documentayant une visée de long terme, les actions y sontorganisées par ordre de priorité en fonction deleur importance stratégique.Plusieurs orientations ont été définies concer-nant le positionnement du centre-ville, lesespaces publics, les opportunités foncières, laconstructibilité et les déplacements. La mise enréseau de l’espace public de manière lisiblepour le piéton a été recommandée. Il doit êtreaménagé en intégrant les espaces verts, les jar-dins, les plantations d’alignement, les places,les parvis et les alignements commerciaux.Par ailleurs, les nombreuses opportunités fon-cières en centre-ville offrent de réelles potentia-lités d’aménagement. De fait, le développementdu centre peut s’accompagner d’une certainedensification si elle est encadrée pour préser-ver une volumétrie des bâtiments compatibleavec la qualité urbaine recherchée. Pour veil-ler au maintien des alignements, des hauteurset des emprises au sol, la constructibilité et lesrègles volumétriques ont été définies.Enfin, le plan de déplacements urbains (PDU)du Grand Agadir, lancé en 2007, vise à qualifierles différentes voies, notamment celles du cen-tre au regard de leur usage. L’objectif recher-ché repose sur la volonté de limiter l’espace de

la voiture au profit du piéton, des vélos et destransports en commun, et d’intégrer la problé-matique du stationnement.

Une conscience partagée à l’aube du cinquantenaire de la reconstructionAu mois de février 2010, les autorités d’Agadiront organisé une rencontre internationale pourle cinquantenaire de la reconstruction de laville. Deux thèmes majeurs y ont été débattus :la dynamique urbaine et le patrimoine urbainet architectural. Le premier a dressé le bilan del’absorption des noyaux périphériques nonréglementaires, qui s’est traduit par un espaceurbain éclaté et contrasté. Il a dessiné des perspectives en vue de l’élaboration d’un plancommunal de développement, traduit dans lesnouveaux documents d’urbanisme(5). La métho-dologie d’approche de la requalification ducentre-ville à toutes les échelles de l’agglomé-ration apporterait ici un cadre de référence etune vision globale de l’aménagement.La préservation et la protection de ce qui a faitl’identité et la qualité originale des paysagesurbains et architecturaux de la ville ont fait l’ob-jet du deuxième thème de la rencontre. Le défide requalification et de valorisation de cet héri-tage moderne doit passer par un engagementfort et des mesures adaptées. Le plan-guide,s’appuyant sur le potentiel et les atouts de laville, contribuera aux préconisations néces-saires à la mise en valeur de l’espace public etdes composantes patrimoniales du tissuurbain.

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(5) Schéma directeur d’aménagement urbain (Sdau) etplans d’aménagement.

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Le mail aménagé récemment pourrelier le centre-ville au secteurtouristique.

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La région d’Agadir est un carrefour bio-géographique remarquable entreinfluences atlantiques, sahariennes et

montagnardes du Grand Atlas et de l’Anti-Atlas.Elle est marquée par les bassins de deux grandsoueds : Souss et Massa. La zone littorale estcaractérisée par des espèces végétales macaro-nésiennes, spécifiques au Sud marocain et auxîles Canaries.

Un territoire unique, un réservoir de biodiversité majeurLe parc de Souss-Massa est situé juste au sud dela métropole d’Agadir. Il occupe une bandecôtière humide de 65 kilomètres de long et de5 kilomètres de large en moyenne, compriseentre les villes d’Agadir et de Tiznit, et englo-bant les embouchures des oueds Souss etMassa.Ce territoire porte des enjeux écologiquesexceptionnels. Le mélange des milieux d’eauxdouce et salée, le voisinage de milieux humideset semi-désertiques forment une mosaïqued’habitats naturels et un creuset de biodiver-sité. C’est une étape migratoire de premierordre. Il s’agit du dernier grand habitat naturelau monde de l’Ibis chauve, une espèce d’oi-seau en voie de disparition dont il ne reste plusque quelques centaines d’individus à l’état sau-vage. L’Ibis chauve niche dans les parois desfalaises, et se nourrit d’insectes dans les steppesvoisines. Outre l’ibis, le parc accueille plus de275 espèces d’oiseaux (Flamant rose, Spatuleblanche, avocette, cigogne, Sarcelle d’été, Fau-

con pèlerin, etc.) et une faune très diversifiée :46 espèces de mammifères, 40 espèces d’am-phibiens et de reptiles, 9 espèces de poissonsd’eau douce et des milliers d’espèces d’in-sectes. Des réintroductions d’espèces animalesdisparues ou en danger d’extinction au Marocont été réalisées (antilopes addax et oryx,Gazelle dama de Mhorr, Autruche à cou rouge,etc.) dans deux réserves animalières aména-gées dans le parc. Les plantes ne sont pas enreste avec la présence de 13 espèces endé-miques du Sud-Ouest marocain, dont deseuphorbes cactiformes.Le parc comprend sept villages, dont Sidi R’batqui possède une plage magnifique ou encoreTifnit, un village de pêcheurs. Les activités tradi-tionnelles sont l’agriculture et la pêche. Ce ter-ritoire présente aussi d’importants enjeux enterme d’aménagement du territoire, car c’estl’une des dernières portions de littoral naturelà proximité d’Agadir.

Un des sites protégés emblématiques du MarocLe parc national de Souss-Massa (PNSM) est undes sites naturels protégés les plus importantsdu Maroc, par sa nature exceptionnelle et par sasuperficie (33 800 hectares). Sa création pardécret en 1991 a été motivée en grande partiepar la présence de l’Ibis chauve, qui fait l’objetd’un programme de sauvegarde. En 1998, undécret complémentaire a précisé la réglemen-tation générale du parc, ainsi que l’organisa-tion de son aménagement et de sa gestion.

Le parc de Souss-Massa, territoired’exception à l’équilibre fragile

Le territoire du parc de Souss-Massa est organisé selon différentes vocations, dont des zones de conservation des ressources naturelles.

Christian ThibaultIAU île-de-France

Le parc naturel de Souss-Massa est un laboratoire du développementdurable. Son patrimoine est indéniablement d’intérêt national et même international. Son territoire est habité, fréquenté et situé à proximité de la métropole d’Agadir en expansion. D’autant plus fragile que sa superficie est réduite, il fait faceà de fortes pressions et à des conflitsd’usage auxquels le modèle français de parc naturel régional pourrait inspirerdes solutions.

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Les embouchures des oueds Souss et Massasont deux zones humides majeures, dont l’im-portance internationale est reconnue au titrede la convention de Ramsar(1) depuis 2005.Le parc de Souss-Massa est inclus dans laréserve de biosphère de l’Arganeraie, arbreendémique du Sud-Ouest marocain, dont ilcouvre les deux tiers de la superficie forestière.Cet arbre est une véritable curiosité botanique,qui dispose d’une remarquable capacité derésistance aux déficits hydriques ainsi qu’auxtempératures extrêmes. Son caractère unique,sa contribution à l’identité du territoire, sespotentialités naturelles et son rôle socio-éco-nomique ont conduit à inclure la forêt d’arga-niers (Arganeraie), dans le réseau mondial desréserves de biosphère de l’Unesco en 1998.Le parc s’est doté d’un plan d’aménagementet de gestion depuis 1995. On y distingue diffé-rentes zones qui reçoivent des objectifs de ges-tion précis en fonction de leur vocation. Sesmissions sont la conservation et le suivi scien-tifique de la faune et de la flore, la sensibilisa-tion et l’éducation à l’environnement, et de plusen plus le développement durable de la région.

Une nature fragile sous pression, un risque de banalisationL’aire métropolitaine d’Agadir connaît de fortespressions urbaines et humaines sous l’effet dela croissance démographique et économiqueconsidérable des agglomérations. Les conflitsd’usage qui en résultent, ainsi que la métropo-lisation de la région, ont motivé l’élaborationdu schéma d’aménagement territorial de l’airemétropolitaine d’Agadir (Satama), démarcheoriginale(2) de développement durable etconcerté de ce grand territoire (10 800 km2).Cette idée est née du besoin impérieux d’ap-préhender un territoire beaucoup plus largeque l’agglomération d’Agadir, et de développerles complémentarités ville-campagne et litto-ral-plaine-montagne. Il s’agit de rééquilibrer ledéveloppement territorial, de mieux répartir leshommes, les équipements et les activités, etd’éviter la congestion du littoral. Le parc deSouss-Massa est au cœur de cette probléma-tique.

Malgré sa protection juridique, le territoire duparc subit de fortes pressions anthropiques eturbanistiques. Les facteurs de dégradation sontmultiples : fréquentation incontrôlée, occupa-tion de grottes dans les falaises côtières, surpâ-turage, utilisation abusive des sols, surexploita-tion de fourrages naturels et de bois, ramassageexcessif de fruits de mer, projets de complexestouristiques qui convoitent les plages, modifi-cation du régime des oueds du fait de laconstruction de barrages en amont, etc. Des

efforts de réhabilitation écologique ont étéentrepris ces dernières années.

L’expérience française des parcs naturelsLa France a créé depuis 1967, à côté des parcsnaturels nationaux où les objectifs de conserva-tion de la nature sont prédominants, des parcsnaturels régionaux pour protéger et mettre envaleur de grands espaces ruraux habités. «Peutêtre classé parc naturel régional un territoire àdominante rurale dont les paysages, les milieuxnaturels et le patrimoine culturel sont degrande qualité, mais dont l’équilibre est fragile.Un parc naturel régional s’organise autour d’unprojet concerté de développement durable,fondé sur la protection et la valorisation de sonpatrimoine naturel et culturel(3) ».Même si la loi marocaine ne dispose pasaujourd’hui de dispositif équivalent, le parcnaturel de Souss-Massa pourrait s’en inspirerpour trouver un nouveau souffle. Les conditions

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L’emplacement du parc de Souss-Massa dans l’aire métropolitaine d’Agadir

(1) La convention sur les zones humides d’importance inter-nationale, appelée convention de Ramsar, est un traité inter-gouvernemental qui sert de cadre à l’action nationale et à lacoopération internationale pour la conservation et l’utilisa-tion rationnelle des zones humides et de leurs ressources. Letraité a été adopté dans la ville iranienne de Ramsar, en 1971,et est entré en vigueur en 1975.(2) Voir dans ce numéro des Cahiers, LASLAMI Abdelillah, SAID

Victor, « Satama : référentiel pour la métropole d’Agadir »,p. 145 et THIBAULT Christian, « Agadir, une vision territorialeintégrée », Les Cahiers n° 152, Composer avec l’environne-ment, octobre 2009.(3) Cette définition est issue du site des parcs naturels régio-naux : www.parcs-naturels-regionaux.tm.fr

L’Ibis chauve trouve dans le parc de Souss-Massa son dernier refugenaturel.

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d’élaboration concertée du projet de parc natu-rel régional et de gestion collégiale de sa miseen œuvre permettent de résoudre dans ladurée nombre de conflits d’usage, et de mobi-liser les acteurs autour des mêmes objectifs.En France, le projet de territoire «parc naturelrégional » repose sur une charte et sur un plan.La charte est élaborée dans le cadre de com-missions thématiques (par exemple : agricul-ture et sylviculture, patrimoine naturel, patri-moine culturel, développement local) outransversales (par exemple : paysage, aménage-ment du territoire, communication), sous la pré-sidence d’élus locaux associant l’ensemble desacteurs du territoire (administrations, orga-nismes socio-professionnels, scientifiques etuniversitaires, associations d’usagers, etc.). Leplan définit les vocations des différentes par-ties du territoire et les zones à protéger. Cesdocuments, charte et plan, font l’objet d’ajuste-ments successifs au fur et à mesure qu’ils sontsoumis aux différents niveaux de collectivités,de manière à faire consensus. L’adhésion auparc naturel régional engage les collectivitésconcernées à appliquer cette charte et ce plan.Le renouvellement du parc, désormais obliga-toire tous les douze ans, est soumis à obligationde résultat au travers d’une évaluation desactions accomplies et de la rédaction d’unenouvelle charte pour poursuivre ou réorienterl’action. Le programme d’actions est mis enœuvre de manière partenariale avec la dési-gnation de pilotes pour chaque action, qui peu-vent être le parc ou d’autres organismes. L’éla-boration du projet et son application sur leterrain font appel à la participation des habi-tants du territoire, ce qui constitue l’une desclés de la réussite et de la pérennité desactions. Un autre point fort est d’inciter les asso-ciations et usagers du territoire, dont les inté-rêts sont parfois contradictoires, à se structureren association des amis du parc. Les parcs natu-rels régionaux, aujourd’hui au nombre de 46sur le territoire français, ont constitué un réseauanimé par une fédération et conseillent d’au-tres territoires qui souhaiteraient bénéficier deleur expérience, même hors de France.

Le parc de Souss-Massa, moteur du développement localL’enjeu fondamental est de permettre l’éléva-tion du niveau de vie de la population localegrâce à des activités respectueuses de l’envi-ronnement, ce qui entre tout à fait dans la voca-tion des parcs naturels régionaux. Les expé-riences de protection de l’environnementnaturel qui n’associent pas suffisamment lespopulations sont mal vécues, encourent l’échecet sont très difficiles à rattraper par la suite. Leparc doit être considéré par ses habitants

comme un atout et non comme une contrainte.Le parc de Souss-Massa a bien intégré cetteobligation et a réorienté son action dans cesens. Le modèle des parcs naturels régionauxfrançais pourrait l’inspirer, pour consolider sesacquis, récents et fragiles par la mise en placed’une gouvernance territoriale élargie et pourprogresser dans le consensus de tous lesacteurs.Une des pistes bien identifiée est l’écotourisme,pour lequel le territoire recèle un fort poten-tiel : randonnée, observation des oiseaux… Leparc accueille depuis de nombreuses annéesdes ornithologues venus du monde entier,notamment pour observer l’Ibis chauve. Deuxcircuits écotouristiques sont déjà proposés : ladécouverte de la faune saharienne et l’observa-tion des oiseaux. Une convention de coopéra-tion a été signée entre le parc de Souss-Massaet le parc ornithologique du Teich (Aquitaine).Le développement de l’écotourisme permettrade proposer des produits touristiques différents,complémentaires au tourisme balnéaire. Ilpourra constituer un juste retour de la protec-tion du territoire si la population locale y estétroitement associée.Le parc se préoccupe aussi de la valorisation etde la gestion durable des richesses de l’océan.L’agriculture locale, dont les revenus ne cessentde baisser, est un autre secteur sur lequel baserle développement. Le contexte de territoire pro-tégé demande une évolution vers des systèmesde production respectueux de l’environne-ment, notamment biologiques. Au-delà desindispensables cultures vivrières, il faudraitdévelopper des cultures à haute valeur ajoutée(plantes aromatiques, médicinales ou cosmé-tiques). Un autre atout des parcs naturels régio-naux est d’apporter une «marque parc» d’ori-gine et de qualité aux productions locales.L’intéressement direct de la population, et toutparticulièrement des femmes rurales, à toutesces activités sera une condition essentielle dela réussite de ce nouveau développement, ainsique de la préservation de l’attractivité des pay-sages et des milieux naturels.

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Références bibliographiques

• Centre d’échange d’information sur la biodiversité du Maroc :http://ma.chmcbd.net/manag_cons/esp_prot/manag_cons/esp_prot/stat_nat/parc_nat/fol356194

• Fédération des parcs naturels régionaux :www.parcs-naturels-regionaux.tm.fr

• Rapport schéma d’aménagementterritorial de l’aire métropolitained’Agadir (Satama)

Les cinq missions principales des parcsnaturels régionaux- protéger le patrimoine, notamment par

une gestion adaptée des milieux naturelset des paysages ;

- contribuer à l’aménagement du territoire ;

- contribuer au développementéconomique, social, culturel, et à la qualité de la vie ;

- assurer l’accueil, l’éducation et l’information du public ;

- réaliser des actions expérimentales ou exemplaires dans les domaines citésci-dessus et contribuer à des programmes de recherche.

Source : code de l’environnement du 20 février 2010.

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Dans les années 1970, suite à une étuderéalisée par l’Iaurif sur le développe-ment touristique du littoral d’Agadir(2),

le Gouverneur a passé une nouvelle com-mande pour deux autres projets : le schémadirecteur de l’aire urbaine d’Agadir, destiné àguider la cohérence de la construction degrandes infrastructures en cours ou program-mées, et des plans détaillés pour l’aménage-ment de terrains à bâtir, capables de répondreaux besoins en logement de la population enpleine croissance, ce qui s’est traduit par le pro-jet de trois cités nouvelles.

Le premier schéma directeur de l’aire urbaine d’AgadirEn 1978, Agadir avait surmonté la catastrophedu tremblement de terre de 1960. Porte d’en-trée vers le sud du pays, la ville disposait defortes infrastructures : un port, un aéroport, unevoie nouvelle en direction de Marrakech. Sondéveloppement s’appuyait sur la diversité deson économie : pêche, production agricolevariée et industrie touristique en pleine crois-sance. Il s’accompagnait d’une arrivée massivede population, dont environ 40 % provenait del’exode rural.Le schéma directeur devait prendre en compteun contexte socio-économique relativementdifficile. Il se caractérisait notamment par unecroissance importante de la population (sanstenir compte de la politique menée sur l’ar-rière-pays) ; un déséquilibre marqué entre Agadir et sa périphérie ; un taux de chômage

supérieur à la moyenne nationale ; une détério-ration des conditions de logement et l’exis-tence de nombreux bidonvilles ; ainsi qu’unespéculation foncière profitant de la situationde pénurie.À l’échelle régionale, les objectifs d’aménage-ment consistaient à assurer une gestion équili-brée des ressources en eau pour maintenir laproduction agricole, une implantation des équi-pements publics en faveur des villes secon-daires et des centres ruraux, et des implanta-tions industrielles dans les centres secondaires.Pour l’aire urbaine, les objectifs étaient doubles.Assurer le développement économique en met-tant en place une métropole régionale et ainsiconfirmer le rôle d’Agadir comme «porte d’en-trée du Sud marocain» en préservant sa fonc-tion touristique. Le second était de permettrel’accueil d’une population de 664000 habitantsen 2010, en offrant logements, emplois et facili-tés de déplacement.Le schéma adopté propose une nouvelle orien-tation de développement fondée sur les infra-structures. Il s’appuie sur le maillage offert parles deux axes complémentaires que sont laroute littorale et la nouvelle route de Marra-kech. L’axe traditionnel de la RP 32 regroupeles fonctions administratives et de services descentres urbains, ainsi que les espaces à voca-tion touristique. L’essentiel des implantations

Agadir : rétrospective sur le Sdauet les cités nouvelles

Le schéma directeur a proposé la création de plusieurs citésnouvelles, inventant des formesurbaines innovantes et adaptées.

Nelly Barbieri(1)

Architecte urbaniste

L’aire urbaine d’Agadir s’est dotée en 1978 du premier schéma directeurd’aménagement urbain. Il a assuré la cohérence du développement et structuré l’armature urbaine.L’objectif était de créer des quartiersintenses, à la fois mixtes, animés etdenses. La trame foncière et l’observation des quartiershistoriques et spontanés ont servi de base pour la conception de trois cités nouvelles.

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(1) Ancienne chargée d’études à l’IAU îdF.(2) Cette étude a été réalisée par Gérald Hanning, architecteet urbaniste de l’Iaurif.

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industrielles se situe sur l’axe nouveau vers Mar-rakech, où la route sera doublée par le cheminde fer. Cette nouvelle orientation s’enracinedans la structure urbaine traditionnelle, la com-plétant et ménageant ses valeurs spécifiques.Elle permet de laisser «ouvertes» les évolutionsà plus long terme (urbanisation de l’aéroport,densification des villes existantes, nouvelleszones d’urbanisation), tout en maintenant devastes espaces ouverts.Selon la destination générale des sols, l’espaceurbain se structure en quatre unités aux voca-tions complémentaires, séparées par desespaces naturels et agricoles :- la ville d’Agadir, où les activités industrielles

liées au port sont renforcées et l’offre d’habi-tat diversifiée ;

- Inezgane, Dcheira, Tikiouine et la cité nouvellede Tassila, qui forment une nouvelle unitéurbaine articulée autour de la zone indus-trielle de Tassila ;

- Aït Melloul, qui assumera la double vocationde ville industrielle et de services pour l’agri-culture ;

- enfin Tamrit et la cité nouvelle de Tama ouEnza, qui offriront des services pour la popu-lation rurale et le tourisme local.

Les cités nouvelles d’AgadirL’objectif fixé par les autorités était deconstruire 50 000 logements sur les terrainsdont la ville disposait suite au tremblement deterre. Confrontée à une pénurie de terrains àbâtir et à la spéculation foncière, la ville ne pou-vait répondre à cette demande. Deux choixpréalables ont présidé aux projets : l’aménage-ment des structures urbaines sous forme de lotissements et le fractionnement du pro-gramme pour amorcer la mise en œuvre de lacroissance urbaine prévue au schéma direc-teur, facilitant ainsi la réalisation progressive duprogramme. Le choix du lotissement permet-tait de concentrer les investissements publicssur la structuration de l’espace urbain par lesinfrastructures et les équipements publics. Pourles logements, le choix consistait à s’appuyersur les capacités et le savoir-faire technique des habitants. La recherche des terrains futconduite selon une méthode multicritères pre-nant en compte les éléments naturels et la voi-rie. Le but était d’offrir un cadre de vie agréableaux habitants et de minimiser le coût des infra-structures. Trois sites furent retenus. Leur loca-lisation leur conférant une vocation et uncaractère originaux : Tama ou Enza, pôle locald’équipement et destination touristique pourles Marocains modestes ; Agadir Sud-Est, lieudes grands équipements ; et Tassila, site d’ac-cueil des habitants travaillant dans la zoneindustrielle.

Une nouvelle forme urbaine à inventer, ni médina, ni ville européenneLe projet s’est nourri de l’observation des quar-tiers spontanés en cours d’édification dans lesbourgades voisines. Il s’agissait de rechercherdes dispositions organiques semblables à cellesde ces quartiers. Pour le tracé des voies, la tramefoncière a été utilisée comme guide, sans inter-dire des avenues plus rectilignes pour les axesprincipaux.Il s’agissait de répondre aux demandes variéesde la population et de concevoir un supportphysique capable d’engendrer une «véritableville ». La diversité était recherchée à traversl’imbrication de l’habitat, des activités et deséquipements, en fonction de la typologie desvoies et des lots.Les maisons à cour intérieure dans un tissuurbain dense ont été le modèle d’habitationmajoritairement adopté. Cette typologie pos-sède des qualités climatiques ; adaptée aumode de vie marocain, ne nécessite pas delarges voies de desserte. Quinze types de lotsdifférant par leur affectation et leur taille, répon-dent à la variété des besoins : logement seul,logement et activités (artisanales, commer-ciales, de services), activités seules. Une hiérar-chie des voies a été définie, variant de voiesétroites ou d’impasses à dominante piétonnedesservant les maisons, à des artères automo-biles bordées de commerces et d’habitations.Des voies plus larges bordées d’immeubles col-lectifs ou d’activités aux entrées de ville per-mettent de traverser la cité. Les équipementssont localisés selon leur taille. Les petits équipe-ments de proximité sont insérés parmi les mai-sons, les équipements plus grands (écoles, dis-pensaires, etc.) sont en cœur d’îlot, limitant lecoût des réseaux, et les grands équipementssont en périphérie, faciles d’accès sans être éloi-gnés du centre. La proportion de l’espacepublic comportant places et jardins varie de25 % à 30 % de la superficie totale. La densitéobtenue, conjuguée aux tracés de voirie et desréseaux correspondant au relief naturel et per-mettant l’écoulement gravitaire des eaux, afavorisé la réduction des coûts d’infrastruc-tures. Elle a permis de rendre ces lots accessi-bles à une large couche de la population,répondant ainsi à la demande initiale.

Cette démarche, innovante dans les années1970, nous a légué une approche rationnellebasée d’une part, sur le site physique, grâce à latrame foncière (voir encadré) et d’autre part,sur l’analyse des modes de vie des habitants.Cette approche demeure toujours variable.

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La trame foncièreSur les sites, même vierges, il existe une multitude de traces (pistes, murets de pierres) qui, reliées par des lignesvirtuelles, dessinent un maillage : la tramefoncière. Cette trame, en correspondanceavec le relief, décrit la structure du site.Suivant étroitement le terrain naturel, elle sert de guide pour le tracé des rues, des collecteurs principaux et du parcellaire,ce qui permet d’éviter les mouvements de sol et les terrassements pour le passagedes voies et l’enfouissement profond des réseaux, réduisant ainsi les coûtsd’équipement des terrains.

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La ville de Fès devient une des grandesagglomérations du Royaume. Elle portele développement d’une vaste région de

l’intérieur du pays, agricole, adossée au MoyenAtlas. En son cœur, la médina, dont l’origineremonte au VIIIe siècle, a traversé le temps engardant heureusement sa vitalité. Une vitalitéqui fait peser aujourd’hui quelques menaces…

Une médina au cœur d’une agglomérationLes autorités publiques ont mis en place unambitieux programme de réhabilitation de lamédina, piloté par l’Ader(1). Il préserve les élé-ments architecturaux uniques et maintient lesqualités plus immatérielles que sont lesambiances urbaines, la convivialité des espacespublics…Néanmoins, les équilibres restent fragiles. Lacroissance de la population, la pression touris-tique, la cohabitation avec les activités tradi-tionnelles, présentent des risques de déstabili-sation.C’est la problématique qui a été soumise à l’Iau-rif par l’Agence urbaine et de sauvegarde deFès (AUSF) : comment gérer l’évolution de lamédina avec celle des quartiers spontanésaccolés à son enceinte ? Comment organisercette articulation en termes de mobilité et dedélocalisation des activités nuisantes ? Com-ment prévenir les atteintes environnementalesoccasionnées?La démarche proposée a consisté à compren-dre le fonctionnement de l’agglomération et

de ses différentes entités – médina, ville nou-velle, quartiers contemporains –, et les dyna-miques d’extensions. Une analyse des dysfonc-tionnements a été conduite en parallèle. Cestravaux ont débouché sur un constat de coor-dination nécessaire dans la mise en œuvre desactions pouvant se matérialiser sous la formed’une charte réunissant les principaux acteurs.

Des dysfonctionnements liés à une attractivité croissanteL’approche de l’articulation de la médina avecson environnement et ses quartiers périphé-riques est à appréhender à trois échelles(métropolitaine, de l’agglomération et de proxi-mité) et selon des thématiques croisées(échanges sociaux, culturels et économiques,transitions urbaines entre les différents tissus,etc.).Par son rayonnement historique et son poidséconomique, Fès est le premier foyer d’attrac-tion régional des flux migratoires. La crise dulogement a induit le développement de plu-sieurs poches d’habitat insalubre et non régle-mentaire sur le pourtour de la médina (quar-tiers Jnanates et Sahrij Gnaoua). Des ménagesmodestes s’y installent à proximité de leur lieud’emploi (artisanat ou activités informelles dela médina).Autrefois constitué de vergers, cet espace dété-riore l’esthétique urbaine légendaire de la

Fès : articuler la médina avec son environnement

Fès : une grande agglomération aux quartiers contrastés.

Anne-Marie RoméraVictor Said

Christian ThibaultIAU île-de-France

Ville impériale, capitale religieuse,culturelle et historique, Fès réunit tousles symboles de l’identité marocaine,notamment par sa médina classéepatrimoine mondial de l’Unesco. Le passage à l’échelle d’agglomérationsoulève des problèmes de mutationsdus à la modernisation, au brassagede populations nouvelles et aux effets de débordements difficiles à maîtriser.

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(1) Agence de dédensification et de réhabilitation de lamédina de Fès.

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médina et son occupation crée des problèmesspécifiques.Le projet de réhabilitation de la médina, engagépar les pouvoirs publics avec l’assistance d’or-ganismes internationaux, ne peut aboutir sansun aménagement préalable de son environne-ment.

Dédensification et transfert d’activités à l’origine des quartiers périphériquesLes extensions de la médina s’inscrivent dansdes parcours d’activités et résidentiels en sautsde puce qui, bien souvent, débutent dans lamédina intra-muros. La notion de proximité estdonc à prendre en compte pour tout projet detransfert un peu volontariste. Mais une dédensi-fication accentuée de la médina pourrait abou-tir à sa «muséification», alors qu’elle doit resterun lieu de vie, avec ses habitants et ses services.C’est pourquoi le problème doit être considérédans son ensemble, prenant en considérationles besoins et l’évolution nécessaire des activi-tés insérées dans le tissu urbain étroit de lamédina, et déployant une offre d’accueil orga-nisée et encadrée.C’est une démarche qui nécessite, aux côtésdes aménageurs, l’implication des acteurs éco-nomiques, au premier rang desquels les princi-paux intéressés, artisans et commerçants.

Des entités spatiales jouant des rôlesspécifiquesL’analyse spatiale a distingué deux entitésmajeures : l’environnement immédiat et celui,éloigné, de la médina. Le premier comprendplusieurs secteurs : la jonction entre la médinaet la ville nouvelle (boulevard Moulay Youssefet avenue Allal Fassi, route de Meknès) quireprésente une problématique majeure d’ac-cessibilité, de circulation et d’échanges ; lesextensions du tissu de la médina (SahrijGnaoua, Jnanates et les quartiers Nord) ; lesespaces naturels préservés autour de la médinaaccueillant les éléments patrimoniaux (BorjNord, Borj Sud, kasbah Cherarda, vestigesarchéologiques des Mérinides…) ; et les cime-tières qui jouent un rôle important dans lemaintien des espaces ouverts dégageant la vuesur la médina.

L’environnement éloigné se compose degrands paysages offrant des cônes de vueremarquables vers la médina et, à partir decelle-ci, vers les horizons paysagers et naturels.Chacun de ces secteurs se distingue par uneproblématique spécifique, des potentialités pro-pres, une vocation et un rôle distinct à jouer.L’équilibre et la complémentarité de cesespaces assureront un développement harmo-nieux et durable, à la fois de la médina et deson environnement proche et lointain. Ceci àcondition d’anticiper sur les évolutions à venir.

Les opportunités et les menaces des espacesextra-murosLes zones d’extension urbaine de la médinasont réparties en trois secteurs : Sahrij Gnaoua,Jnanates et les quartiers Nord.Sahrij Gnaoua, quartier en pleine restructura-tion, offre des potentialités d’absorption de ladédensification de la médina par l’accueil denouvelles populations et d’activités de proxi-mité ou artisanales non polluantes. Les effortspublics sont perceptibles sur le terrain. Ce sec-teur n’impose pas d’actions urgentes, mais plu-tôt un suivi permanent afin d’éviter le redéve-loppement de l’habitat non réglementaire.En continuité et en interpénétration avec lamédina, Jnanates se compose de plusieurs enti-tés ne présentant pas les mêmes symptômes.Le plus urgent est de traiter les risques d’effon-drement des constructions et les dégradationsenvironnementales. Le développement d’habi-tat à proximité des zones d’activités polluantesà l’est constitue également un risque majeurpour la population. De grands équipements quifont défaut au sein de la médina pourraientêtre implantés dans ces deux secteurs.Les quartiers Nord sont en relation étroite avecla médina. Si leur aménagement et leur déve-loppement ne semblent pas requérir d’inter-vention d’urgence, un suivi des évolutions, etnotamment de la densification, s’impose.Les espaces naturels préservés autour de lamédina accueillent les monuments historiquesprotégés par des servitudes. Ils offrent un pou-mon vert à la population locale. Leur préserva-tion et leur mise en valeur constituent une desactions prioritaires à inscrire dans la charte.Les cimetières, enfin, jouent un rôle de tamponentre la médina et les quartiers périphériques.Ce rôle d’espace ouvert, de coupure et de déga-gement vis-à-vis de la médina devrait êtreconfirmé et consolidé par des actions d’aména-gement et paysagères pour dégager des lieuxde promenade.

Le tourisme : une autre forme de débordementLa pression touristique fait peser des menacessur son produit d’appel puisqu’elle pousse à

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Un nombre élevé de bâtiments menaçantruinePar l’ancienneté et l’étendue de sa médinaet des quartiers informels périphériques,Fès est la ville marocaine la plus soumiseau risque d’effondrement du bâti.8000 bâtiments à risques, abritant environ 24000 ménages, ont été recensés.Ce risque est aggravé par une gestiondéfectueuse des eaux pluviales ou usées,qui peuvent affaiblir des fondations déjà insuffisantes. La difficulté est de fairerespecter les terrains impropres à la construction, ainsi que les normes deconstruction notamment anti-sismiques.L’Agence nationale de lutte contre l’habitatinsalubre (ANHI) et l’Ader ont développéleur expérience en termes de gestion des risques, de capacité de réponse avec des moyens limités, de participationde la population et de partage d’une culture du risque.

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Entre médinas et quartiers périphériques, des transitions à ménager.

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des implantations de projets importants sur lescollines environnant la médina. Or, ce qui faitune partie de l’attrait de cette médina, hormisses grandes qualités historiques et urbaines,tient aussi à son inscription dans le site. Lecontraste entre la densité des espaces bâtis etles perspectives des collines et des grands hori-zons est un atout majeur. Pour ne pas nuire irré-médiablement à cet atout inestimable, unschéma de protections et de secteurs autorisésà des installations bien intégrées s’imposerait.

Les échanges avec la médina cristallisentbeaucoup d’activités sur son pourtourLa ville traditionnelle est un foyer d’approvi-sionnement régulier pour les Fassis(2), que cesoit pour des produits alimentaires, pour descréations ou des réparations relevant de l’arti-sanat d’art ou de l’artisanat courant. La non-accessibilité automobile de la médina créeautour des portes une fixation de petits métierset d’activités liées aux arrivées de transport.C’est là que s’effectue le transbordement desmarchandises arrivées par camions et camion-nettes qui sont ensuite acheminées par cha-riots à bras, ânes ou mulets. Les encombre-ments qui en résultent sont une gêne. Uneréflexion sur l’organisation de ces pointsd’échanges serait nécessaire.

L’évolution de l’artisanat dans les murs et hors les mursLa dédensification de la médina est une ten-dance naturelle, qui a porté d’abord sur l’habi-tat, puis sur les activités. Certaines activités d’ar-tisanat quittent la médina pour aller s’installerassez loin. Ces transferts répondent aux impéra-tifs de réduction des nuisances (pollutions,santé publique) que causent ces activités. Ladélocalisation devrait s’accompagner des équi-pements nécessaires à la maîtrise des rejets chi-miques et à leur traitement.La déstabilisation du tissu artisanal de lamédina peut conduire à une récession, voire àdes disparitions. Une réflexion est à engager surla masse critique à maintenir sur place, sur lesévolutions à encourager pour un bon fonction-nement, sur les liens à reconsidérer au sein dutissu lui-même et avec les unités transférées, etsur la reprise des activités artisanales par lesjeunes.

Réinventer l’interaction entre la ville et son site naturelL’agglomération de Fès doit réinventer soninsertion et ses relations avec son site naturelpour maintenir – voire cultiver – son attracti-vité et pour offrir de bonnes conditions de vieà ses habitants.La métropolisation forge un destin commun

aux espaces qui ne peuvent plus être considé-rés séparément les uns des autres : le maintiend’espaces ouverts dépend de l’évolution desespaces bâtis, et réciproquement, tant entermes de consommation d’espace que de qua-lité des espaces. Quartiers périphériques, «nou-velle ville », médina sont en relation par leursfonctions sociales, économiques et urbanis-tiques. L’articulation de ces différentes entitésdemande à la fois une approche globale desgrands équilibres et de la répartition des voca-tions, et une approche fine des tissus urbainsconcernés.Fès bénéficie d’une véritable intelligence entrela ville et le site exceptionnel où elle s’est édi-fiée, marqué par sept oueds et sept collines. Ceréseau hydrographique naturel a été mis à pro-fit pour l’alimentation en eau et pour l’assainis-sement de la ville.

Des espaces exceptionnels, mais fragilesLes qualités du grand site de la médina de Fèsont perduré dans leurs grandes lignes jusqu’ànos jours, malgré les extensions urbaines.Cependant, il faut être très attentif à des dégra-dations qui seraient irréversibles. Les vues mul-tiples depuis et vers les collines sont très sensi-bles, et pourraient être facilement obérées pardes projets mal intégrés. Il est indispensable demaintenir et de valoriser de vastes espacesouverts de proximité – ce qui passe par unconfortement du projet de ceinture verte ins-tauré en 1991 –, et de développer des complé-mentarités entres les vocations des espacesbâtis et des espaces ouverts, dans un objectifglobal d’amélioration du fonctionnement del’agglomération fassie.

Un fort potentiel de trame verte et bleuejusqu’au cœur de la médinaDans la médina, à l’exception de deux parcs, lesespaces verts sont de petite taille, et liés à l’ha-bitat. Les anciens vergers-jardins (Jnanates(3))qui ceinturaient la ville traditionnelle pour-raient être partiellement reconstitués avec un

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(2) Les habitants ou les personnes originaires de Fès.(3) C’est aussi le nom du quartier spontané implanté sur lesterrains occupés jadis par les jardins.

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de répartition de l’eau très sophistiqués en fonction de la quantité disponible.

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enjeu culturel et identitaire : ces vergers abri-taient des variétés très anciennes d’arbres frui-tiers (abricotiers, pruniers, grenadiers, etc.)issues de Syrie via l’Andalousie.La trame bleue offre un potentiel important :de la mise en valeur du parcours des ouedsdans la médina à leurs entrées-sorties quiconstituent autant de portes naturelles à signa-ler.Pour la mise en œuvre de ces trames vertes etbleues, des aménagements simples et peu coû-teux seront souvent satisfaisants et en accordavec l’authenticité des lieux. Il s’agit de donnerla priorité aux espaces et aux liaisons entreeux, en apportant un minimum de nettoyage etde sécurisation.

Les enjeux environnementaux rejoignent ceuxde santé publiqueMême si la densification est aujourd’hui pré-sentée comme une condition de la ville dura-ble, elle accroît les possibilités d’exposition auxrisques et aux nuisances par la concentrationdes habitants et des activités. Certains servicesurbains sont difficiles à assurer, comme la col-lecte des déchets. C’est une explication de latendance des médinas à la dédensification, quiconduit à la dégradation et à la paupérisationdes quartiers anciens. Les préoccupations envi-ronnementales rejoignent les préoccupationséconomiques et sociales. Des enjeux de salu-brité et de santé publique liés à l’assainisse-ment et aux déchets, et des enjeux de pollutiondes sols et des eaux liés à l’artisanat, sont àprendre en compte. Cette gestion croisée detout cela est d’autant plus complexe en milieuconfiné et patrimonial : le défi est de réa-dapter l’intelligence ancienne aux exigencesmodernes.

Un risque d’inondation maîtrisableLa médina de Fès, traversée par sept oueds, n’ajamais connu d’inondation majeure. La créa-tion de barrages collinaires en amont de la villeapporte une certaine protection. On retrouveici l’importance de la remise en état du lit desoueds et de la suppression des goulets afin depréserver la circulation et l’écoulement deseaux.

On voit donc que les espaces ouverts internesou externes (espaces verts, agricoles, forestiers,naturels, en eau) jouent un rôle tampon trèsappréciable dans la réduction des nuisanceset des risques, à condition qu’ils soient en capa-cité de le faire, et que l’urbanisation soit adap-tée, quartier par quartier, au potentiel desespaces naturels.

Une charte partenariale pour une mise en œuvre opérationnelleL’objectif d’une charte entre les différents par-tenaires et intervenants, concernant aussi bienl’intra-muros que l’extra-muros de la médina,est de créer un consensus autour d’une visionintégrée d’un développement durable et d’unaménagement à long terme.

Cette vision devrait apporter des améliorationsaux conditions et au cadre de vie des habitants,assurer la fluidité des échanges entre la médinaet le reste de l’agglomération, participer au pro-cessus de dynamisation de la médina, faciliterson accessibilité et sa connexion avec l’espaceextra-muros, assurer les transitions entre les dif-férentes entités spatiales par une armatureurbaine restructurée et hiérarchisée.

La prise en compte de l’environnement, desrisques et des pollutions, constitue un enjeumajeur pour la protection et la mise en valeurdu patrimoine architectural et culturel de lamédina en améliorant son espace environnant.Enfin, la charte devrait appuyer les actions dedédensification de la médina par la concrétisa-tion des projets d’ouverture de nouvelles zonesd’urbanisation dans le cadre d’une vision glo-bale et intégrée de la métropole de Fès.

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Des actions partenariales adaptées aux territoires

Fès : articuler la médina avec son environnement

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Un site exceptionnel où la ville traditionnelle s’insère parfaitement dans le grand paysage.

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Un centre de documentation pour la direction de l’Urbanisme

Des observatoires urbains pour comprendre et agir

Les SIG au service de l’urbanisme et de l’aménagement au Maroc

Le système d’informationgéographique, un outil de planification

et d’évaluation

Tableaux de bord et gestion des documents d’urbanisme

Observer, analyser et décider : les outils adaptés

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La direction de l’Urbanisme(2) (DU) amené, depuis 2000, une réflexion sur lacréation d’un centre de documentation

multimédia. Les cadres de la DU, mais aussi lesprofessionnels de l’aménagement et de l’urba-nisme, étaient confrontés à de nouveauxbesoins liés à une volonté de planification plusharmonieuse et respectueuse des territoires, età l’essor d’un pays en pleine mutation accélé-rant sa modernisation. Ils réclamaient la mise àdisposition de fonds documentaires de réfé-rence, à partir desquels ils puissent non seule-ment comprendre l’évolution, mais aussi s’ins-pirer de pratiques novatrices.

Un partenariat fructueux dans le cadre de la coopérationL’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France (Iaurif) possède, depuis sa créationen 1960, une médiathèque, une photothèque etune cartothèque riches de plusieurs dizainesde milliers de références. Cette expérience aconduit la direction de l’Urbanisme du Marocà demander à l’Iaurif, dans le cadre de la coo-pération franco-marocaine, de l’appuyer dans lemontage de son centre de documentation mul-timédia. Plusieurs missions d’échanges tech-niques entre les deux organismes ont été réali-sées entre 2000 et 2004. Des actions deformation et des visites techniques en Franceont également été organisées pour familiariserles cadres marocains aux nouvelles techniquesde traitement, de conservation, de valorisationet de diffusion.

Le projet a démarré par la réalisation d’un pre-mier bilan de l’existant, tant sur le plan del’identification des fonds documentaires quedes moyens disponibles, afin de cibler les diffé-rentes tâches nécessaires au projet.

Des archives patrimoniales d’une grande valeurLa direction de l’Urbanisme est dépositaired’un important fonds d’archives, d’une valeurpatrimoniale inestimable, consacré à l’aména-gement pendant la période du Protectorat. Surchacune des agglomérations marocaines, untrès grand nombre de données sont disponi-bles : population, infrastructures, financeslocales, plans d’aménagement et nombreuxprojets d’architecture et d’urbanisme.En 2002, en partenariat avec l’Iaurif, la DU acommencé par explorer ce fonds cartogra-phique de très grande qualité, comptant desgrands noms de l’urbanisme (Écochard(3), etc.)et comprenant notamment des plans aquarel-lés ou coloriés au pastel. Un inventaire, un plande classement, des préconisations sur les condi-tions de conservation spécifiques, un travaild’indexation et de numérisation ont été propo-sés. La DU a procédé à des travaux d’aménage-ment des locaux pour mieux présenter et sécu-riser les documents les plus précieux.

Un centre de documentationpour la direction de l’Urbanisme

La mise à disposition d’un fonddocumentaire peut aider les professionnels de l’urbanismedans la compréhension de l’évolution des territoires et inspirer des pratiques novatrices.

Linda GalletMicette Hercelin(1)

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La direction de l’Urbanisme du Marocpossède un fonds documentaire,cartographique et photographique d’une très grande richesse. Au cours des années 2000, l’Iaurif a apporté son expertise pour le montage d’un centre de ressources multimédiaperformant. L’objectif était d’organiser et de hiérarchiser les informations pour favoriser leur visibilité et leur accessibilité, notamment auprès des chercheurs, tant à l’échellenationale qu’internationale, via Internet.

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(1) Responsable de la médiathèque de l’IAU îdF jusqu’en 2003.(2) La direction de l’Urbanisme est rattachée au ministèrechargé de l’Habitat, de l’Urbanisme et de l’Aménagement del’espace.(3) Voir sa biographie dans ce numéro des Cahiers, p.172.

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Un fonds de photos aériennes réaliséespériodiquement depuis les années 1950En outre, la DU possède un fonds très impor-tant de photographies aériennes des agglomé-rations marocaines réalisées régulièrementdepuis les années 1950. Des propositions ontété faites concernant les conditions de conser-vation des clichés, leur numérisation et le repé-rage facile des reportages.Les cadres et techniciens de la DU amenés àaller sur le terrain pour suivre des projets pren-nent des photos numériques, qu’il est néces-saire de mutualiser. Il a ainsi été proposé demettre en place une photothèque avec unenotice iconographique type. La constitutiond’une banque de données d’images numé-riques permettra à la DU non seulement de réa-liser en interne des économies d’échelle, maisaussi d’échanger ces données avec les parte-naires et les professionnels de l’aménagement.

La montée en puissance du centre multimédiaUn inventaire du fonds textuel de la biblio-thèque du centre de documentation a recenséla production interne de rapports, d’études del’administration ou de bureaux d’études, dedocuments d’urbanisme, de schémas direc-teurs, d’ouvrages et de collections de pério-diques. Un programme pluriannuel d’acquisi-tion par appel d’offres doit enrichir le cataloguede la bibliothèque de plusieurs centaines deréférences chaque année. L’Iaurif a égalementparticipé à la constitution du fonds documen-taire par l’envoi de documents.Le travail partenarial avec les professionnelsmarocains a fait évoluer la gestion documen-taire interne par des notices bibliographiques,un bulletin régulier des nouvelles acquisitions,ou encore l’édition d’un catalogue. Pour main-tenir un service bibliographique de qualité, laDU doit s’équiper d’un logiciel de rechercheadapté, pour échanger et être facilement iden-tifié comme centre de ressources par lesmoteurs de recherche d’Internet.Pour chaque type de document (iconogra-phique, cartographique et bibliographique), laméthode de traitement a été établie et unmodèle de notice défini, prenant en compteles éléments bibliographiques d’indexation et de gestion nécessaires au stockage, au prêt,etc. En complément, l’Iaurif a offert à la DU le thésaurus Urbamet(4), qui recèle environ5 000 termes, pour aider à l’indexation desdocuments (voir encadré).Les domaines liés à l’aménagement étant extrê-mement variés, la littérature sur tous ces sujetsétant aussi très abondante, il est illusoire de vou-loir constituer une bibliothèque physique quicouvre l’ensemble de la production.

La multiplication des sources liée à la montéeen puissance des réseaux numériques et d’In-ternet a orienté le projet. Dès sa genèse, le cen-tre multimédia de la DU a été envisagé commela pièce maîtresse d’un vaste réseau, favorisantà la fois l’émergence de partenariats locaux,nationaux (autres ministères, École nationaled’architecture, Institut national d’aménagementet d’urbanisme) permettant son inscriptiondans les réseaux internationaux.Plusieurs projets ont ainsi vu le jour : échangesde catalogues d’acquisition, partage des infor-mations et du travail documentaire entre lespartenaires, procédures communes pour lestraitements bibliographiques. Ainsi naissaientles prémisses du Réseau documentaire natio-nal marocain sur l’aménagement et l’urba-nisme.

Intégration du Maroc au réseau documentaire européenAvec la volonté de donner un écho internatio-nal à ce réseau, la DU a demandé en 2002, parl’intermédiaire de l’Iaurif, son adhésion à l’asso-ciation Urbamet. Grâce à sa participation auréseau européen Urbandata, Urbamet permetaussi de valoriser les travaux produits par leréseau marocain, puisque ces références biblio-graphiques sont désormais accessibles via lesite Internet Urbadoc. Il permet aux adhérentsd’interroger près d’un million de référencesissues des cinq banques de données euro-péennes.Si ces travaux restent à consolider, le réseaudocumentaire marocain est aujourd’hui uneréalité qui, pour prendre toute sa place dansles réseaux internationaux, doit encore déve-lopper et valoriser son offre documentaire. Lesoutils Internet, aujourd’hui accessibles à tous,doivent l’aider à mettre en valeur le travail demodernisation en cours au Maroc.

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Les réseaux documentairesL’IAU îdF a une longue expérience dans le domaine de la documentation et de l’organisation des centres de ressources multimédia. Dès 1972, il a été l’initiateur du réseau Urbamet,alimenté par des centres de documentationvolontaires spécialisés dans les thématiquesde l’aménagement et de l’urbanisme et répartis sur le territoire national. Il inventait, dans le même temps, le premierthésaurus spécifique sur l’aménagement(thésaurus Urbamet), qui reste encoreaujourd’hui la référence.Pour offrir un ensemble encore plus large et cohérent de références bibliographiques,naissait en 1995, sous l’impulsion del’Iaurif, l’association européenne Urbandata,qui rassemble, en plus d’Urbamet, le GreatLondon Authority, le réseau des écolesd’architectures italiennes, le Centro de información y documentación cientifica(Cindoc) en Espagne, rejoints plus tard par le Deutsches Institut für Urbanistik(Difu) et les réseaux documentaireshongrois et roumains.

(4) Liste de mots organisés selon une arborescence théma-tique. L’objectif est de rassembler les concepts afin de faci-liter la recherche par des mots-clé spécifiques ou, aucontraire, génériques.

La direction de l’Urbanisme possède un important fonds de photographies aériennes des agglomérations, très utiles pour l’aménagement et la planification.Ju

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La croissance démographique, l’exoderural, la mobilité, les marchés immobi-liers, les mutations économiques et la

dynamique urbaine interfèrent et agissent dans la planification urbaine. L’observation deces phénomènes est indispensable à l’élabora-tion d’une vision prospective des politiquespubliques. Les observatoires constituent égale-ment un outil d’évaluation pour l’ajustementde ces politiques.

La genèse, un besoin urgent et une exigence de qualitéLa croissance urbaine au Maroc depuis lesannées 1980 et la maîtrise de l’aménagementdu territoire nécessitent de connaître et decomprendre les mutations à l’œuvre, ainsi queles mécanismes qui les régissent. La mise enplace d’un système organisé et pérenne d’ob-servation s’est donc révélée indispensable.En 1996, dans le cadre de la coopérationfranco-marocaine, la direction de l’Urbanismedu Maroc, en collaboration avec l’Institut natio-nal d’aménagement et d’urbanisme (Inau) etson centre de recherche, a décidé de lancerdes ateliers pour consolider l’idée de la créa-tion d’un observatoire urbain, foncier et immo-bilier. L’échelle de l’agglomération de Rabat-Salé est retenue dans un premier temps.Dès le départ, la dimension partenariale entreles services de l’administration, les enseignantset les chercheurs a fondé la démarche de pro-jet. Celle-ci pouvait se résumer à une doubleexigence : répondre aux besoins des gestion-

naires de l’espace tout en garantissant la qua-lité scientifique de l’observation mise en place.

L’observatoire, un outil pour les acteursdu territoireLes ateliers mis en place entre l’administrationet les chercheurs ont permis d’établir les basesd’un cahier des charges dans lequel devaits’inscrire le montage de l’observatoire. Le bilandes observations existantes a révélé assez rapi-dement qu’il était difficile d’accéder aux don-nées et d’assurer un suivi pérenne des phéno-mènes observés, bien que celui-ci soit capitaldans la compréhension des évolutions des mar-chés et des développements territoriaux. Enfin,un temps d’échanges a été consacré à la ques-tion de la valorisation et de la diffusion de l’in-formation traitée : tableaux de bord, cartogra-phie, outils en ligne et bien sûr, systèmed’information géographique (SIG) ; ce dernierpoint faisant l’objet d’une mission de coopéra-tion ad hoc conduite en parallèle.Les travaux en atelier ont permis de clarifier etd’analyser les besoins en détail grâce aux audi-tions de tous les acteurs concernés, acteurs desterritoires et/ou fournisseurs de données. Cetteméthode a permis une meilleure connaissancedes mutations à l’œuvre, l’organisation dedébats fondés sur des informations partagées,et une élaboration plus rapide des documents

Des observatoires urbains pour comprendre et agir

Les observatoires sont des outilsd’évaluation permettant d’étudierl’évolution des territoires. Ils sont indispensables à la planification.

Agnès Charousset(1)

Urbaniste

Soumis à une forte croissance urbaine et à d’importantes mutations, le Marocdoit se doter d’outils d’observation et de prospective. L’observation des phénomènes urbains permet de comprendre l’évolution des territoires,de partager une vision commune et d’anticiper. Ainsi, l’accessibilité et la valorisation de l’information, dans une démarche nécessairement partenariale, constituent le socle d’une structure efficace d’aide à la décision amenée à se développer.

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(1) Agnès Charousset est ancienne chargée d’études à l’IAUîdF et actuellement directrice d’études à l’agence d’urba-nisme de Bordeaux.

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d’urbanisme liée notamment à une plus grandeefficacité sur les diagnostics. L’échelle de l’ob-servation reste celle de l’agglomération, tandisque les thèmes sont très vastes : en dehors desdéplacements et de l’environnement, tous lesindicateurs relatifs à la démographie, à l’habitat,à l’économie, aux équipements et au foncieront été listés. Ont alors été amorcés les débatssur les moyens humains, matériels, financiers,indispensables pour répondre aux objectifs. Ilsont fait ressortir les atouts complémentaires despartenaires – portage public, validité scienti-fique, besoins consolidés, etc. –, mais aussi lesdifficultés – souplesse institutionnelle limitéeen matière de partenariat avec le privé, moyensfinanciers modestes pour l’investissement dedépart, manque de compétences pointues enmatière d’observation pour l’exploitation sta-tistique, dispersion des données chez un grandnombre d’acteurs…Toutefois, ces ateliers ont répondu aux attentesen clarifiant le panorama et l’état des lieux, etont même surpris par les liens qu’ils ont impli-citement créés entre une communauté de per-sonnes portées par une ambition commune. Laréalisation du cahier des charges, accompa-gnée par l’Iaurif, a alors permis d’estimer lesmoyens nécessaires à la mise en place d’un teloutil partagé.Pour formaliser la démarche, la création d’unecellule chargée du montage de projets pilotesa été entérinée. Elle a identifié assez rapide-ment, au-delà des missions techniques, lanécessité de désigner un animateur pour assu-rer la qualité des échanges entre les partenaireset la cellule de projet. Le lancement institution-nel de l’observatoire a été acté lors d’un col-loque, sur la base des premiers résultats issusdes projets pilotes sur le territoire de Rabat-Salé.

La maturation des observatoires, entre ambitions et ajustementsLa coopération franco-marocaine s’est ainsiéchelonnée sur plusieurs années. Les travauxmenés entre spécialistes français et marocainsont facilité l’expertise et la conduite du projet.Les expériences tests démontrent qu’il étaitplus pertinent de créer deux observatoireslégers et efficaces plutôt qu’un seul, dont l’am-pleur des champs de travail et l’ambitionauraient pu nuire aux objectifs de résultat.Ainsien 1998, un observatoire foncier et un observa-toire des données urbaines ont vu le jour :petites équipes aux compétences ciblées, avecdes partenaires impliqués directement, pourdes objectifs et une motivation partagés et lacréation d’interfaces techniques entre ces struc-tures. Elles ont été créés sur la base de termesde références précis : modalités de fonctionne-ment, nomination d’un animateur, programme,

calendrier de travail, maîtrise déléguée éven-tuelle selon les difficultés d’accès à l’informa-tion, note de synthèse pour les décideurs… Laphase opérationnelle a ensuite été amorcée :un travail très rigoureux sur les données et lesindicateurs reposant sur la collecte et souventla saisie des informations, le géo-référencementet l’harmonisation : il s’agit du fondement et del’assise des deux observatoires.

Le bilan de dix ans d’observation : la mise en réseau nationaleFinalement, le territoire d’observation de l’ag-glomération de Rabat-Salé couvre 3 préfectureset 22 communes. Dans le cadre de la décentra-lisation, les différentes agglomérations se sontdotées des mêmes observatoires, avec le sou-tien technique et logistique des agencesurbaines.La question de la fiabilité des séries statistiquesest centrale dans les activités des observatoires ;elle prend beaucoup de temps, mais la produc-tion de tableaux de bord est régulière. Les résul-tats sont publiés chaque année et mis en lignesur le site du ministère chargé de l’Habitat, del’Urbanisme et de l’Aménagement de l’espace.Néanmoins, le choix des phénomènes obser-vés change souvent, au point de rendre laconsolidation des missions d’observation par-fois difficile. Les priorités évoluent en fonctiondes besoins. L’idée d’un lieu de débat est moinsvive et le problème du financement demeurerécurrent.En définitive, les observatoires sont des outilsd’aide à la décision. Ils facilitent les projectionset les diagnostics partagés et restent essentielspour ajuster, infléchir, voire coordonner les poli-tiques publiques. « Ils donnent de l’épaisseur àl’action publique», considère le ministère.

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Les prix du foncier à Casablanca en 2004

0 2 31 4 5 km

Prix fonciers (Dh / m2) > à 25 000

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12 000 à 20 000

8 000 à 12 000

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Médina et zone centrale de rénovation urbaine

SOFA – Ministère de l’Aménagement du Territoire - IAU îdF – AUC

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Depuis la fin des années 1990, au Maroccomme en France, les systèmes d’infor-mation géographique (SIG) ont pris

une place centrale au sein des organismespublics en charge de l’aménagement et dudéveloppement des territoires. Bénéficiantd’une expérience confirmée dans le domainedes SIG, l’Iaurif a accompagné la direction del’Aménagement du territoire et de l’Urbanismeet plusieurs agences urbaines du Maroc pour laprise en main de ces outils, contribuant ainsi àintroduire ou à conforter les « bonnes pra-tiques» en la matière. À cette occasion, ont étéabordées diverses facettes de l’utilisation desSIG dans les domaines de la planification et del’aménagement des territoires, aux échellesnationale, métropolitaine, régionale et locale.

La genèse d’un partenariat fructueuxUn séminaire SIG Maroc, organisé par l’Iaurifen partenariat avec l’Inau(1) en 1996, a permisaux responsables et techniciens marocains des’informer sur les projets locaux en cours ouen préparation, d’échanger leurs expérienceset de discuter de la disponibilité et de la fiabi-lité des données de base.Une bonne identification des besoins étaitindispensable pour «calibrer » des projets réa-listes et mobilisateurs, et pour que l’acquisitionou la collecte des données, la formation deshommes et la réorganisation des méthodes detravail constituent des étapes incontournables.Les premières missions menées par l’Iaurifauprès des agences et de la direction de l’Urba-

nisme dans le cadre de la coopération fran-çaise ont donc privilégié une approche métho-dologique basée sur des actions de sensibilisa-tion, de formation et de réflexion organi-sationnelle.

La transition entre DAO et SIGLes deux compétences majeures des agencesurbaines au Maroc sont la planification (élabo-ration des schémas directeurs d’aménagementurbain et des plans d’aménagement) et la ges-tion urbaine (instruction des autorisations deconstruire et délivrance des notes de rensei-gnement, l’équivalent des certificats d’urba-nisme en France). Pour mener à bien cestâches, les agences ont d’abord investi dans deslogiciels de dessin assisté par ordinateur(DAO). Elles ont, en parallèle, commandé à desgéomètres des « restitutions », plans topogra-phiques numériques à grande échelle (du1/500 au 1/2 000), pour les utiliser comme fondcartographique.Ce contexte, a priori favorable à l’introductiond’outils SIG (familiarisation à l’outil informa-tique, expérience des logiciels de dessin), avaitaussi des conséquences négatives liées aumanque de disponibilité des équipes accapa-rées par les tâches de production, et à leur dif-ficulté à faire cohabiter les approches DAO etSIG. Les restitutions étant inutilisables en l’étatavec des outils SIG (polygones mal fermés, orga-

Les SIG au service de l’urbanisme et de l’aménagement au Maroc

Les SIG permettent d’avoir une meilleure connaissance du territoire. Exemple : la densitédes alignements d’arbres à Casablanca.

Michel HéninIAU île-de-France

Les systèmes d’informationgéographique sont aujourd’hui des outils indispensables à la planification. Ils sont utilisés tout au long du processus d’élaborationdes documents d’urbanisme, depuis le diagnostic jusqu’à la phaseprospective. Ils nécessitent des transferts de données et suscitentdes partenariats multiples afin d’avoirune vision partagée du territoire.

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(1) Institut national d’aménagement et d’urbanisme (àRabat).

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nisation inadaptée des couches thématiques),l’Iaurif a proposé un cahier des charges pouradapter les marchés des restitutions auxcontraintes topologiques des SIG. L’Institut aégalement développé avec l’Agence urbainede Rabat-Salé une application d’automatisationde la production des notes de renseignement,exemple concret de synergie entre DAO et SIG !

L’importance du suivi périodique de l’occupation du solLes réflexions et les actions d’aménagement etde développement des territoires exigent uneconnaissance précise de l’utilisation des solset de leur évolution. Ces informations sont indis-pensables pour appréhender de manière spa-tiale la dynamique d’un territoire. Elles permet-tent de faire des constats et des bilans chiffrésà une date donnée, des analyses rétrospectiveset des prévisions, quantifiées et géoréférencées,afin de fixer des objectifs.L’Iaurif a plaidé auprès des agences urbainespour la mise en place d’inventaires périodiquesde l’occupation du sol, couvrant l’intégralité deleur territoire et dotés d’une nomenclature suf-fisamment détaillée (l’Iaurif a proposé diffé-rentes nomenclatures dérivées de la nomencla-ture européenne Corine Land Cover et adap-tées au contexte marocain).

Des expériences marocaines de montageet d’exploitation de SIGEn 2002, dans le cadre de la préparation duSatama(2), l’Agence urbaine d’Agadir a confiéau Centre royal de télédétection spatial (CRTS)la réalisation d’une carte de l’occupation dusol en 20 postes de l’aire métropolitaine d’Aga-dir (10830 km2), une première au Maroc sur unterritoire aussi vaste présentant des espacesnaturels et d’autres fortement urbanisés.En 2005, à l’occasion de l’élaboration du nou-veau Sdau du Grand Casablanca, avec l’appuitechnique de l’Iaurif, l’Agence urbaine de Casa-blanca a réalisé un inventaire de l’occupationdu sol du Grand Casablanca en 37 postes, qui adonné lieu à de multiples utilisations :- il a permis d’établir des cartes thématiques

variées (bidonvilles, espaces verts et ouverts,principales nuisances et pollutions indus-trielles, risques naturels et technologiques,typologie de l’habitat, hauteur de bâti, etc.).Ces cartes ont été très précieuses commeoutils de connaissance et de compréhensiondes phénomènes, et comme supports de com-munication pour partager un diagnostic terri-torial clairement illustré ;

- il a fourni un fonds de cartes riche et précispermettant l’élaboration des scénarios d’amé-nagement spatial pour la réalisation du plande développement stratégique et du Sdau ;

- il a pu être comparé à des inventaires précé-dents (9 postes, 1986, 1991 et 1999), ce qui apermis de préciser le rythme, la nature et lalocalisation de l’urbanisation depuis une ving-taine d’années.

Les SIG catalyseurs des partenariatsLes cartes thématiques du Satama et du Sdaude Casablanca ont été construites à partir del’inventaire de l’occupation du sol et de don-nées diverses reçues de partenaires : informa-tions socio-économiques (population, loge-ments, emplois, etc.), résultats de mesures(pluviométrie, trafics routiers), données spa-tiales abstraites issues de la connaissance duterrain (paysage, pratiques agricoles), ouencore données issues de travaux complexescroisant différents types de données (cartes desrisques).La production de ces cartes thématiques anécessité – ou a suscité – des partenariats mul-tiples, rendus possibles par le rôle fédérateurdes agences urbaines et pour lesquels l’Iaurif ajoué un rôle d’incitateur et de facilitateur. Cespartenariats ont permis de mobiliser des don-nées variées et des compétences complémen-taires. Ils ont aussi favorisé la diffusion descartes produites, et donc la connaissance croi-sée du territoire, auprès des élus, des décideurset du grand public.Les SIG apparaissent donc comme incontour-nables pour l’élaboration des documents deplanification stratégiques ou réglementaires.Outils efficaces pour la collecte, le traitement etl’analyse des données, ils permettent la réalisa-tion de nombreuses cartes qui décrivent les ter-ritoires ou déclinent les propositions d’actions.Ces cartes, représentations synthétiques desproblématiques territoriales, constituent de for-midables outils de communication qui contri-buent à une vision partagée des territoires etfacilitent les prises de décision.

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(2) Schéma d’aménagement territorial de l’aire métropoli-taine d’Agadir (2003), élaboré par l’Agence urbaine d’Agadir,en partenariat avec l’Iaurif.

Pour permettre de livrer la note de renseignement sur les droits et conditions de construire, le croisement du plan d’aménagement,du plan cadastral et de la vue aérienneest utlisé pour affiner la localisation.Ag

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Outil de connaissanceLe SIG permet d’enregistrer, d’analyser et de res-tituer cartographiquement des informationsspatiales. Il doit, pour fonctionner, être alimentéen données fondamentales : données cartogra-phiques en deux ou trois dimensions, écono-miques, socio-démographiques, comportemen-tales, temporelles, etc. Il offre alors la possibilitéde développer une approche géographique del’existant sur la base de données d’occupationdu sol, indispensables pour appréhender spatia-lement la dynamique d’un territoire.

Outil d’aide à la décisionIl permet de créer de nouvelles données parcroisement entre approches thématiques quan-titatives et approche territoriale.Les recensements ou les enquêtes démogra-phiques fournissent régulièrement des infor-mations sur la population, l’emploi et le loge-ment. En revanche, l’utilisation du sol estgénéralement mal connue et peu inventoriée.Par exemple, le nombre d’emplois disparus ouapparus au cours d’une période est souventchiffré, mais il est rarement possible de locali-ser et de quantifier les surfaces qui ont changéd’affectation ni de déterminer par quoi elles

ont été remplacées. La problématique est iden-tique pour les logements, les équipements, lesinfrastructures, etc. Ainsi, l’approche SIG permetde visualiser les enjeux des territoires par thé-matiques ou par thématiques croisées.

Outil de la prospectiveLe SIG permet de faciliter le débat contradic-toire par la production de cartes qui illustrentspatialement les enjeux et les objectifs de laplanification. Cette approche permet de quan-tifier et de localiser la répartition des différentesfonctions sur les territoires, selon le scénarioproposé.Un suivi de l’occupation du sol, avec inventairespériodiques, permet à la fois d’analyser lestransformations du territoire mais égalementde définir des pronostics localisés d’évolution.L’utilisation des outils analytiques du SIG rendpossible le phasage d’un projet à différentstermes. Le SIG contribue à tester, en fonctiondes projections de population et d’emplois àlong terme, les superficies de territoire consa-crées aux logements, aux activités, aux équipe-ments bâtis ou ouverts et aux infrastructures.

Outil de suivi et d’évaluationde la mise en œuvreLa mise à jour régulière des données géogra-phiques et thématiques du SIG permet d’éva-luer les choix effectués par le passé. On peutainsi mesurer régulièrement l’évolution de l’ur-banisation du territoire et faire des analysesrétrospectives quantifiées et géoréférencées.Sur la base de ces informations, il est alors pos-sible d’évaluer le niveau et la dynamique deréalisation des objectifs. On peut dès lors ajus-ter et réévaluer les moyens de mise en œuvrede la stratégie de planification et les adapter sinécessaire.

Outil de communicationLe SIG est de plus en plus utilisé à travers desapplications Internet partagées dont les avan-tages sont nombreux, notamment des donnéesà jour et des informations mutualisées. Cela per-met de partager de manière plus efficace etinteractive les données et les résultats d’ana-lyse avec les partenaires.

Le système d’information géographique,un outil de planification et d’évaluation

Les SIG permettent d’appréhender les enjeux du territoire par thématiques et de faciliter le choix des orientations d’aménagement. Ils sont à la fois des outils de connaissance, d’aide à la décision, de prospective,de suivi-évaluation et de communication du projet.

Sophie FoulardIAU île-de-France

Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

Les SIG au service de l’urbanisme et de l’aménagement au Maroc

Approche territoriale par thématiques croisées

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Au cours de la dernière décennie, lesagences urbaines des grandes airesmétropolitaines du Maroc ont accom-

pli un mouvement majeur vers la constitution,l’enrichissement et l’utilisation d’importantesbanques de données urbaines informatisées,dans un contexte rendu favorable par laconjonction de plusieurs facteurs. Tout d’abord,les principales agences urbaines, qui avaientaccumulé depuis leur création, entre 1984et 1995, une large connaissance quantitative etqualitative de leur territoire, arrivaient à matu-rité. Il s’agissait, dès lors, de valoriser leursconnaissances par un effort de structuration,de consolidation et de diffusion des données.

Les diagnostics territoriaux : une occasion de consolider et de partager la connaissanceLa réalisation d’importants diagnostics territo-riaux des aires métropolitaines, comme celuidu Schéma d’aménagement territorial de l’aireurbaine d’Agadir (Satama), avaient montré l’in-térêt, mais aussi parfois la difficulté, de mobili-ser certaines données, tant pour l’analyse d’unterritoire que pour le suivi des documents d’ur-banisme et d’aménagement. Le développementdes premiers outils informatiques de gestionadministrative avait, par ailleurs, sensibilisé lesservices informatiques des agences urbainesaux aspects concrets de la constitution, maisaussi de la gestion de bases de données. Enfin,l’équipement et la formation informatiques descadres des agences, l’acquisition de logiciels

de dessin et de cartographie pour les servicesd’études, et plus récemment la mise en placed’intranets, avaient préparé l’ensemble des per-sonnels des agences urbaines à l’utilisationquotidienne d’outils informatiques.L’Iaurif a largement accompagné cette muta-tion, notamment dans le cadre de la coopéra-tion franco-marocaine, en étant particulière-ment à l’écoute de la volonté des agencesurbaines de développer des banques de don-nées à la fois utiles, cohérentes et évolutives.L’objectif était d’offrir aux cadres et techniciensdes gains de temps et d’énergie tout autantqu’une amélioration de la qualité de leurs pres-tations. Il importait aussi d’assurer la cohérenceinterne entre les différents modules desbanques de données, ainsi qu’entre la banquede données et les outils et pratiques actuels etfuturs des agences urbaines. Il était également,indispensable d’envisager un phasage (modulepar module), une réversibilité du développe-ment et une adaptabilité aux futurs développe-ments des agences (exploitation des banquesde données urbaines au travers des systèmesd’information géographique).

Un exemple : la banque de donnéesurbaines à AgadirL’organisation générale de la future banque dedonnées urbaines, définie suite à des échangesentre l’Agence urbaine et l’Iaurif, devait êtreconstituée de trois grands ensembles :- le tableau de bord des documents d’urba-

nisme, élaboré à l’échelle géographique des

Tableaux de bord et gestion des documents d’urbanisme

Intégrer la connaissance du terraindans les tableaux de bord.Ici, le cadastre d’Adagir.

Laurie CransacNicolas LaruelleIAU île-de-France

La multiplication des agences urbainesdans les agglomérations marocaines a contribué à une meilleure maîtrise du territoire. Conjuguée au développement des outils informatiques, elle a permis la constitution de banques de donnéesurbaines variées. Il est aujourd’huinécessaire d’ordonner et de diffuser cette connaissance, en s’adaptant à un environnement en forte mutation,afin d’exploiter d’une façon optimale la richesse de ces informations.

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centres (échelle infra-communale). Ayantpour élément de base la procédure d’urba-nisme, il est composé de trois modules spéci-fiques : suivi administratif, état initial et pro-jeté, suivi de la mise en œuvre ;

- la note de présentation communale consti-tuant le module central du projet élaboré àl’échelle géographique de la commune ;

- un ensemble de modules thématiquesconçus, selon les cas, à l’échelle géographiquedes communes, des centres ou des lotisse-ments, permettant de développer certainsthèmes spécifiques comme l’habitat, le fon-cier ou les équipements.

Tous les modules de la banque de donnéesurbaines devaient être reliés. Il aurait été ten-tant de chercher à identifier précisément, dès ledébut du projet, les liens pertinents à établirentre les modules. Il s’est avéré préférable d’en-visager un développement progressif et réversi-ble de la banque de données urbaines (possi-bilité de faire machine arrière dans ledéveloppement d’un module qui ne répondraitpas tout à fait aux attentes ou aux pratiques del’agence).Un tel développement devrait se faire modulepar module, en précisant pour chacun de ceuxqui sont en cours de développement, les liensintéressants avec les modules existants. Lechoix a été fait de privilégier la réalisationrapide des modules les plus utiles, les plusfaciles et les plus illustratifs des principesméthodologiques élaborés lors de la mission.L’objectif était de mobiliser plus fortement etdurablement l’ensemble des personnes concer-nées.

Des enseignements mutuelsLe cœur de la mission auprès de l’Agenceurbaine d’Agadir (AUA) a été de définir, puisde tester collectivement sur les deux princi-paux modules (note de présentation commu-nale et tableau de bord des documents d’ur-banisme) le triple travail préalable nécessairepour tout nouveau module :- définir les objectifs, c’est-à-dire préciser les uti-

lisateurs directs et finaux, identifier les parte-naires internes et externes, et surtout justifierde l’utilité pratique (économie de moyens,amélioration des prestations) et de l’intérêtstratégique (image de l’agence vis-à-vis de sespartenaires et du public) du module ;

- clarifier les échelles de travail : commune, cen-tre (centre doté d’un document d’urbanismeou susceptible de l’être), agrégat de com-munes ou agrégat de centres (par territoire,par type…);

- caractériser toutes les variables envisagées,c’est-à-dire les définir, les nommer, en évaluerl’intérêt intrinsèque (la variable suffit-elle àdonner une information pertinente?) ou rela-tif (avec quelle autre variable doit-elle êtrecroisée pour donner une information perti-nente?), en préciser les conditions techniqueset financières d’obtention initiale et de miseà jour ultérieure, et identifier les personnes-clés dans le dispositif (par exemple le direc-teur d’un service extérieur producteur d’unedonnée particulièrement utile ou l’interlocu-teur unique pour la récupération des donnéesproduites par un autre service de l’AUA).

Mené avec l’AUA, ce travail de caractérisationdes variables envisagées a été riche d’enseigne-ments pour l’Iaurif, à un moment où l’afflux denouvelles données statistiques en Île-de-Francerendait particulièrement nécessaire un travailde qualification et de hiérachisation des varia-bles utilisées dans les différents outils.

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Les tableaux de bord permettentd’assurer un meilleur suivi des permis de construire.

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Ressources

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BiographiesLouis-Hubert LYAUTEY (1854-1934) est nommérésident général au Maroc en 1912. Souventinsaisissable, l’homme a plusieurs facettes : sol-dat, pacificateur, colonial, administrateur, pro-tecteur des arts, bâtisseur… C’est à ce derniertitre qu’il laissera une trace profonde dans lasociété et l’urbanisme marocain. Lyauteyapplique une doctrine urbaine tout à fait nova-trice à l’époque : il impose une séparation trèsnette entre la ville nouvelle européenne et lacité traditionnelle. Il veut moderniser la ville,tout en respectant les traditions existantes deshabitants des médinas.Lyautey fait appel à l’expérience de l’urbanisteHenri Prost, qui conçoit le plan d’urbanismede Casablanca en 1915, puis ceux des autresgrandes agglomération du pays : Rabat, Marra-kech, Fès et Meknès. À Casablanca, une partiedes murs de l’ancienne médina est détruitepour assurer le bon fonctionnement du port.On installe les activités de l’ancienne ville dansla partie européenne, qui va d’abord recher-cher la proximité du port et du centre desaffaires. L’administration française va favoriserune organisation urbaine qui va se structureren zoning avec deux centres névralgiques, lacréation du port et celle de la gare ferroviaire.De nouveaux quartiers apparaissent, commeAïn Chock, ou les Habous, un exemple d’adap-tation moderne des fonctions traditionnellesd’une médina.De Rabat, Lyautey fait une ville verdoyante. Plu-sieurs parcs s’insèrent dans le tissu urbain de laville moderne : le jardin d’Essais, le parc duTriangle de vue, ou encore le parc du Belvé-dère. De 1914 à 1947, la croissance de Rabatsera régie par le premier plan d’aménagementréalisé par Prost. Lyautey quitte le Maroc en 1925.

Henri PROST (1874-1959) est appelé par Lyauteypour établir les plans directeurs d’aménage-ment et d’extension des quatre villes impérialesdu Maroc, Fès, Meknès, Marrakech, Rabat, et deCasablanca. Il est nommé directeur du servicespécial d’Architecture et des Plans des villes enfévrier 1914. Le paysage est la donnée princi-pale du plan de ville. Les villes nouvelles sontconstruites à l’écart des villes traditionnelles,les quartiers sont séparés (habitat, administra-tion, économie…), des espaces verts sontcréés. À Casablanca, Prost crée le premier bou-levard périphérique et aménage les quartiersmodernes autour d’un point central, la futureplace Mohammed V.Henri Prost quitte le Maroc en 1923.

Michel ÉCOCHARD (1905-1985). Au lendemainde la seconde Guerre mondiale, il dirige le ser-vice d’urbanisme du Protectorat au Maroc. C’està lui qu’est confié le soin de concevoir un pland’aménagement du Grand Casablanca. Il s’ins-pire des principes de la Charte d’Athènes etpropose, en 1951, dans le rapport préliminairesur l’aménagement et l’extension de Casa-blanca, un plan d’extension linéaire le long dela côte qui reliera les deux pôles portuaires deCasablanca et de Mohammedia, bordé par lacréation de l’autoroute Casablanca-Rabat. Il réa-lise la percée de l’avenue des F.A.R., relançantle projet de quartier d’affaires proche du port,où se construisent « en peigne » de nouveauxbâtiments comme l’hôtel Marhaba d’ÉmileDuhon en 1956, longtemps repère dans le pay-sage de la ville.De 1946 à 1952, il mène la bataille contre lesbidonvilles et pour le logement social face auxintérêts du grand capital. Ses plans de zoningsont approuvés en 1952. Il est démis de ses fonctions en décembre 1952par le général Guillaume. Il a exercé une grandeinfluence sur la nouvelle génération d’archi-tectes qui sont entrés en scène à l’Indépen-dance et a décrit son expérience dans un livreCasablanca, le roman d’une ville. Les réglements de 1952 seront appliquésjusqu’en 1984, année de publication du nou-veau schéma directeur élaboré par le cabinetde Michel Pinseau.

Louis-Hubert Lyautey (1854-1934).© Roger-Viollet

Henri Prost (1874-1959).Académie d’architecture/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du XXe siècle

Michel Écochard (1905-1985).SIAF/Cité de l’architecture et dupatrimoine/Archives d’architecture du XXe siècle

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L’ÉVOLUTION URBAINE AU MAROC : D’UN SIÈCLE À L’AUTRE

CATIN Maurice ; CUENCA Christine ; KAMAL AbdelhakL’évolution de la structure et de la primatieurbaine au MarocRégion et développement, n ° 27, juil. 2008, pp. 215-224.

Le système urbain marocain a beaucoup évo-lué depuis une cinquantaine d’années. La pre-mière partie de cet article propose une analysedescriptive des trajectoires d’évolution de lapopulation urbaine sur la période 1950-2000.La seconde partie montre comment lesgrandes tendances qui caractérisent l’urbani-sation marocaine dépendent largement duniveau de développement économique, del’évolution des processus productifs et de lalocalisation des activités qui l’accompagnent.CA RB285 (2008:27)

COHEN Jean-Louis ; ELEB MoniqueCasablanca. Mythes et figures d’une aventureurbaineParis, Hazan, 2004.

Dans cet ouvrage abondamment illustré, lesauteurs retracent l’évolution de Casablanca de1900 à 1960, période qui a vu la renaissanced’un port et sa métamorphose en métropole.Pour produire ce volumineux ouvrage, lesauteurs se sont fondés sur une enquête de ter-rain, des entretiens, des recherches dans lesarchives, une enquête bibliographique, l’étudedes plans des bâtiments, l’examen des plans etdes documents d’urbanisme, et l’analyse ducontenu de discours étudiant notamment desbâtiments significatifs.IA 45692 ; CA C12516

DANSEREAU Francine (dir.) ; NAVEZ-BOUCHANINE

Françoise (dir.)Gestion du développement urbain et stratégiesrésidentielles des habitantsParis, L’Harmattan, 2002.

Cette publication rassemble les contributionsexposées lors d’un colloque tenu à Montréalen 1997 sur la notion de stratégie résidentielle.Cette notion a fait son apparition à la fin desannées 1970 dans les travaux sur les quartierspopulaires des villes du tiers-monde. Qu’en est-il vingt ans plus tard? Quel impact réel les stra-tégies résidentielles ont-elles eu sur la produc-tion et la gestion des tissus urbains? Le bilan deces recherches est exposé dans cet ouvrage col-lectif à travers quatorze articles : la ville frag-mentée et le cas marocain; la réhabilitation desmédinas marocaines ; la stabilité résidentielleau Maroc ; l’image de la ville nouvelle enEgypte ; l’accès à la propriété à Alger ; la poli-tique urbaine algérienne; les services urbains etl’exemple d’Oran ; la planification et la gestion

participative de l’habitat des pauvres en Boli-vie ; le mythe de la participation et Nueve deJulio (Argentine) ; l’autogestion communau-taire à Mexico; les stratégies communautaires àPort-au-Prince ; les évolutions et les enjeux desstratégies résidentielles en Guyane française ;les politiques urbaines à Bamako; les politiquesofficielles de relogement au Sahel.CA C11600 ; CDU 56624

SIGNOLES Pierre (dir.) ; EL KADI Galila (dir.) ; SIDI

BOUMEDINE Rachid (dir.) ; ARRIF Abdelmajid (collab.)L’urbain dans le monde arabe. Politiques,instruments et acteursParis, CNRS, 1999.

Les politiques d’habitat et d’aménagementurbain connaissent depuis une dizaine d’an-nées des transformations sensibles dont lescauses et les effets sont déjà repérables entermes d’organisation, de structuration et defonctionnement des agglomérations urbainesdes pays arabes. Ni inventaire ni analyse systé-matique de toutes les transformations qui affec-tent le champ de l’urbain, cet ouvrage proposeune série d’éclairages et d’interprétations quirenouvellent l’approche de la question urbaineet des enjeux que représentent les villes et l’ur-banisation dans les territoires, les économieset les sociétés, semblables par certains aspects,profondément différents par d’autres.IA 40583 ; CA C10523 ; MA-ENA

TROIN Jean-François (dir.)BISSON Jean ; BISSON Vincent ; BRÛLÉ Jean-Claude ;ESCALLIER Robert ; FONTAINE Jacques ; SIGNOLES PierreLe Grand Maghreb (Algérie, Libye, Maroc,Mauritanie, Tunisie). Mondialisation et construction des territoiresParis, Armand Colin, 2006.

Le chapitre 1 présente le Grand Maghreb d’unpoint de vue général et thématique, et appré-hende en priorité le milieu naturel et l’environ-nement. Le chapitre 2 analyse les populationset les changements sociétaux en cours. Le cha-pitre 3 montre que, tout au long des récentesdécennies, des mutations considérables ontaffecté les villes, – leur aménagement et les poli-tiques urbaines –, mais aussi les campagnes. Lechapitre 5 présente des portraits individualisésdes différents États-nations composant le GrandMaghreb. Les chapitres suivants proposent uneanalyse de la structuration des territoires : l’Algérie, la Tunisie, le Maroc, la Libye et la Mau-ritanie. Enfin, est abordée l’échelle régionalequi permet d’analyser les processus selon les-quels s’édifient localement les territoires, à lafois autour des métropoles – par affirmation dela littoralisation par intégration aux espacesnationaux –, ou dans des situations atypiques.CA C13123

BibliographieLes références bibliographiques sontissues de la base de données Urbamet. La cote permet de localiser le ou lescentres de documentation où consulterl’ouvrage.IA (IAU îdF) ; CDU (Centre dedocumentation sur l’Urbanisme/Meeddat) ; CA (Isted) ;MA (Réseau Maroc)Une bibliographie exhaustive est disponible sur le site Internet de l’IAU île-de-France.

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BOUMAZA Nadir (dir.)Villes réelles, villes projetées. Villes maghrébinesen fabricationParis, Maisonneuve & Larose, 2006.

Les contributions de 39 auteurs spécialistes desvilles maghrébines et de l’urbanisme sont pré-sentées dans cet ouvrage. Ils abordent la thé-matique de la fabrication urbaine, aussi biendu point de vue de la connaissance des pro-cessus de fabrication spontanée ou planifiée,que du point de vue de la construction de nou-velles méthodes d’action en urbanisme. Ilslivrent un ensemble de réflexions fondamen-tales à partir des principaux paradigmesurbains, comme ceux de l’évolution de longuedurée, des modèles de croissance, de la formeurbaine, des cultures, ou de la ville nouvelle.Les nombreux cas urbains présentés couvrentl’ensemble de la région et les principalesmétropoles urbaines. Ils représentent un étatdes villes au XXIe siècle.IA 47800 ; CDU 60556 ; CA C12916

SOUAFI Mohamed (préface)Maroc. Ministère de l’Aménagement du territoire, del’Urbanisme, de l’Habitat et de l’EnvironnementFenêtres sur le territoire marocainRabat, direction de l’Aménagement du territoire, 2002.

Cette étude contribue à localiser les atouts etles faiblesses de l’organisation du territoiremarocain et à soulever certaines interrogations.Elle peut aider à une meilleure prise de déci-sion ou à initier des réflexions qui permettrontd’améliorer l’approche et la conception decette organisation du territoire.IA 48731 ; MA-DU MDUAT1036

TROIN Jean-François (dir.)Maroc. Régions, pays, territoiresParis, Maisonneuve & Larose-Rabat, Tarik, 2002.

Basé sur des statistiques récentes, complété parde nombreuses cartes illustrant les thèmes pré-sentés, cet ouvrage se propose de montrer com-ment le Maroc fonctionne à travers ses espaces,ses hommes, son économie, ses aménage-ments. L’auteur propose une approche du paysà travers ses régions historiques, officielles etéconomiques : le corridor urbain du littoralmoyen atlantique, les espaces satellites de Casa-blanca (Chaouia et Doukkala), l’arrière-pays deRabat, Gharb et pays du Loukkos, la région deFès et celle de Meknès, le plateau des Phos-phates et Tadla, la région sud-atlantique desAbda, les pays prérifains, le Moyen Atlas, l’es-pace régional de Marrakech, la région de tran-sition sud-atlantique de Chiadma et Haha, lapéninsule de Tanger, le Rif oriental, le Souss-Massa, le Rif central et occidental, le Haut Atlas,le seuil oriental, les espaces steppiques de l’Est,

le revers de l’Atlas et les portes du désert, lesprovinces sahariennes.CA C12166

Royaume du MarocLa charte nationale de l’aménagement du territoireRabat, Okad, 2001.

Dans une première partie, cet ouvrage présenteles forces et faiblesses du territoire marocainet expose les défis du développement et del’aménagement du territoire (développementrural, marché de l’emploi, croissance urbaine,ressources hydriques, lutte contre la dégrada-tion des milieux naturels, insertion dans la mon-dialisation). La deuxième partie expose lesprincipes de base, les grands axes et les orien-tations spatiales de l’aménagement du terri-toire. La troisième partie décrit le cadre juri-dique, les structures et organismes impliquésdans l’aménagement du territoire, les instru-ments de l’aménagement du territoire et dudéveloppement durable, les modes d’action etles outils de mise en œuvre.CDU 62345

LE MAROC EN PERSPECTIVE : REGARDS CROISÉS

Maroc. Programme Villes sans bidonvilles. Rapportfinal. Analyse d’impact social et sur la pauvretéMaroc, Banque mondiale, 2006

Compte-rendu d’une étude portant sur l’effica-cité d’un programme destiné à la résorptiondes bidonvilles au Maroc, sur l’adéquation entrela formulation du programme et ses modalitésd’une part, et les besoins et demandes desménages bénéficiaires d’autre part, sur le carac-tère réaliste de la participation financière atten-due des habitants des bidonvilles, et sur lecaractère approprié des mécanismes d’accom-pagnement social et de participation de lapopulation. Une première partie présente lecontexte politique et les orientations généralesde la réforme du secteur de l’habitat, les carac-téristiques du programme Villes sans bidon-villes, son état d’exécution à la mi-2005, et lesréformes du financement de l’habitat. Laseconde partie expose et commente les résul-tats de l’analyse d’impact social et d’impact surla pauvreté du programme et de ses instru-ments financiers, en se fondant notamment surune enquête menée dans six bidonvilles situésà Agadir, Casablanca et Larache. Sont discutésles avantages probables et les impacts négatifsdu programme. Sont enfin formulées desrecommandations pour l’amélioration du pro-gramme.CA C12810

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Bibliographie

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HAUW DavidLes opérations de relogement en habitat collectifà Casablanca. De la vision des aménageurs aux pratiques des habitantsTours, mémoire de doctorat de Géographie, université FrançoisRabelais de Tours, 2004.

Après avoir retracé l’histoire de Casablanca àtravers les actions en faveur de l’habitat desclasses les plus démunies et à travers le déve-loppement toujours plus rapide des quartiersinsalubres dans la ville, ce mémoire développeles procédures des projets de relogementactuels, tout en s’interrogeant sur leur carac-tère social. Enfin, les pratiques des habitantssont examinées dans un environnement nou-veau : les complexes résidentiels.IA 45997

LAPEZE Jean (dir.)ALTUZARRA Amaia ; BENSAHEL Liliane ; COURLET ClaudeUnion européenne. Commission des CommunautéseuropéennesApport de l’approche territoriale à l’économie du développementParis, L’Harmattan, coll. « La librairie des humanités », 2007.

Présentées à Rabat dans le cadre de la finalisa-tion du programme Tempus Omar et servant àla mise en œuvre du master spécialisé Écono-mie des territoires auprès de l’universitéMohammed V, les contributions de cet ouvragetraitent de divers aspects de ce type de dévelop-pement : théories du développement écono-mique des territoires, ressources de ce dévelop-pement, interactions entre ressources donnéeset ressources construites, relations réciproquesentre culture industrielle et autres composantesde la société, impact de la structure sociale surles résultats économiques. Sont égalementabordés des thèmes comme l’innovation, lesterritoires intelligents, le développement endo-gène, les systèmes productifs locaux et la com-pétitivité (exemple du textile-habillement àCasablanca), la relation entre production debiens collectifs et innovation institutionnelle,la participation dans les projets de développe-ment, le tourisme et les ressources territoriali-sées, la décentralisation, son dispositif finan-cier.CDU 61448

Dynamiques territoriales : des potentialités au développement durableActes du colloque organisé par l’université PaulVerlaine de Metz, Cegum, FèsMetz, Mosella, tome XXX, n° 1-4, 2005.

Au cours de ce colloque, quatre thèmes ont étéprospectés.1• Problématique du développement durable. Réflexion géopolitique sur le développement

touristique durable dans les pays du Sud. Lecas de la mise en valeur des héritages naturelset construits dans la région de Fès (Maroc).Apport de l’analyse environnementale et socio-économique à la mise en œuvre d’une stratégiedu développement durable pour une régionforestière dans la région de Sidi Bettache, pro-vince de Benslimane. Aménagement durabledes territoires et réforme administrative enFrance.2• Potentialités, ressources, vulnérabilité. Évolution des formations forestières et pré-forestières dans le Moyen Atlas central au coursdes quarante dernières années (1962-2002). Lecas du causse de Sefrou et du Jbel Aoua sud.Évolution récente de l’occupation des sols etde la végétation dans le bassin Zraa-Tazouta(Moyen Atlas central). Impact socio-spatial duphénomène de désertification dans le Souss.Rôle ambivalent de la culture du cannabis dansla dégradation des forêts du Rif centro-occiden-tal. Le phénomène du pompage au Dadès: évo-lution et impacts territoriaux. Techniques etmodes d’approvisionnement en eau domes-tique dans la commune de Khmiss Nagga (pro-vince de Safi). Processus d’urbanisation etaccroissement des risques à Beni Mellal (Tadla-Azilal, Maroc) : apports des SIG et de la télédé-tection.3• Structures territoriales et stratégies de déve-loppement durable. La gestion participative de l’irrigation commestratégie de développement durable dans lescompagnes marocaines : le cas du projetmoyen Sebou et Inaouen. Politique étatique dulogement et développement urbain de Marra-kech. Le tissu associatif de Sefrou (Maroc) :acteur territorial, potentialités et limites.4• Patrimoine et tourisme durable. Patrimoine, territoires et développement dans leSud-Est marocain. Gestion des ressources et vul-nérabilités territoriales: l’exemple des territoirestouristiques de montagne. Les maisons d’hôtesà Fès : évolution et étude d’impact en médina.

CHANSON-JABEUR Chantal (dir.)Réseaux de transport et services urbains auMaghreb : une analyse comparative des rapportsentre logiques techniques, systèmes politiqueslocaux et dynamiques urbaine : les cas de lawilaya de Casablanca et du Grand TunisParis, PRUD, GEMDEV-ISTED, 2004.

L’étude a pour objectif d’identifier et de com-prendre les défaillances du transport collectifinstitutionnel, de repérer et d’analyser lesmodes alternatifs ou de substitution initiés oupratiqués par les citadins de ces villes. Les casde Casablanca, de Tunis, et, dans une moindremesure, d’Alger, sont ici analysés.CA C12259

Bibliographie

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MIRAS Claude de ; LE TELLIER Julien ; SALOUI Abdelmalik (collab.)Gouvernance urbaine et accès à l’eau potable auMaroc : partenariat public-privé à Casablanca etTanger-TétouanParis, L’Harmattan, 2005.

Ayant souligné que l’accès à l’eau potableurbaine est une problématique internationale,les auteurs brossent le tableau de la situationdes ressources (eaux de surface, eaux souter-raines, bilan hydrique) et de la disponibilité del’eau au Maroc (relations entre alimentation eneau et urbanisation, évolution institutionnelle etcadre juridique de la gestion de l’eau), puis pro-posent une présentation détaillée de la distribu-tion d’eau potable en délégation de servicepublic à Casablanca, puis à Tanger et Tétouan,en s’intéressant notamment, dans ce derniercas, à l’accès à l’eau potable des populationsdéfavorisées.CA C12535

MOULINE Saïd (dir.)Maroc. Ministère de l’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Environnement.Direction de l’architectureWorld Heritage in Morocco - Patrimonio mundialen Marruecos - Patrimoine mondial au MarocRabat, direction de l’Architecture, 2007.

Ce document présente le patrimoine architec-tural et urbain du Maroc : la médina de Fez, lamédina de Marrakech, Qsar Aït Ben Haddou, lamédina de Meknès, la médina de Tétouan, lesite archéologique de Volubilis, la médina d’Es-saouira, la place Jama’ Al Fna, la cité portugaisede Mazagan.CA C13226

Maroc. Ministère de l’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Environnement.Direction de l’architecturePlace Jama’ Al Fna. Patrimoine oral et immatérielde l’humanitéRabat, direction de l’Architecture, 2001.

La place Jama’ Al Fna est un chef d’œuvre dupatrimoine oral et immatériel de l’humanitéclassé par l’Unesco. Elle abrite une multituded’activités et d’attractions. Elle suscite desmythes et des secrets, provoque la fascinationou la séduction, le rejet ou l’effroi. Elle inspirede nombreux conteurs, poètes, voyageurs, écri-vains, photographes, etc. Cet ouvrage cherche àrecueillir un maximum de ces écrits.CA C13203

NAVEZ-BOUCHANINE FrançoiseLa médina au Maroc : élites et habitants. Des projets pour l’espace dans des tempsdifférentsAnnales de la recherche urbaine, n° 72, sept. 1996, pp. 15-22.

L’antinomie entre élites et habitants est à l’ori-gine de la disproportion entre les discours et lesactes de sauvegarde du patrimoine de lamédina de Fès au Maroc. Les premières vouentun culte nostalgique aux édifices les plus pres-tigieux en méconnaissant les usages des habi-tants, qui leur sont étrangers. Ces derniers trou-vent avant tout dans la médina un habitataccessible à soi et à tous. Les menaces d’aban-don matériel et de récupération touristique quipèsent sur le quartier poussent les habitants àfaire valoir leur mode de vie comme élémentincontournable du patrimoine urbain.CDU ; IA P.70

BELKZIZ Souad ; HICHAM Abdel-KarimMaroc. Ministère de l’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Environnement.Direction de l’architectureMédina de Marrakech : étude architecturale et plan de sauvegardeRabat, direction de l’Architecture, 2001.

Présentant une analyse et un diagnostic de lamédina, l’étude – fondée sur plusieurs autrespublications traitant des quartiers, des activitéséconomiques, de l’architecture – propose unplan de sauvegarde de ce patrimoine qui a étémarqué par de profonds changements et bou-leversements au cours du XXe siècle.MA-DU MDUA691

EL ASSAL Khalid ; EL BASRI Jawad ; MALTI HichamMédina d’Essaouira : études architecturales et plan de sauvegardeRabat, direction de l’Architecture, 1999.

Le Maroc a toujours accordé une attention par-ticulière à son patrimoine architectural, urbainet environnemental, en assurant la pérennitéde son héritage culturel et civilisationnel. Cetouvrage présente le projet de sauvegarde de lamédina d’Essaouira.CA C13204

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Bibliographie

Crédits photographiques p. 171S. Castano/IAU îdFB. EtteingerSalima NajiM.-A. Portier/IAU îdFV. Said/IAU îdFP. Zeiger/IAU îdFG. Zunino/IAU îdF

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Stratégies métropolitainesjuin 2009France : 18 €Étranger : 20 €

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