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L’agriculture d’entreprise – L’agriculture pratique 180 e année Numéro 227 Février 2017 Prix au numéro : 8 DOSSIER SEMAINE VERTE DE BERLIN Producteurs/consommateurs : qui décidera de l’avenir de l’agriculture allemande?

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  • L ’ a g r i c u l t u r e d ’ e n t r e p r i s e – L ’ a g r i c u l t u r e p r a t i q u e • 1 8 0 e a n n é e

    Numéro 227 Février 2017 Prix au numéro : 8 €

    DOSSIER SEMAINE VERTE DE BERLIN

    Producteurs/consommateurs :qui décidera de l’avenir de l’agriculture allemande?

  • É D I T O R I A L

    Forme juridique : association loi 1901 reconnue d’utilité publique • Directeur de la publication : Damien Bonduelle• Rédacteur en chef : Patrick Ferrère • Rédactrice en chef adjointe : Isabelle Delourme • Abonnements : Christelle Vasseur• Maquette, composition et photogravure : C.A.G., 169, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75011 Paris • Ont participéà ce numéro : H. Bosse-Platière, S. Brunel, M.-C. Damave, I. Delataille, I. Delourme, F. Detrey, M. Falque, C. Hernandez-Zakine,M.-L. Hustache, F. Mairesse, H. Pillaud, B. Peignot. • Liste des annonceurs : saf agr’iDées, Ecofolio. • Crédit photode couverture : © IGW 2017@Messe Berlin / Fotolia.com • Dépôt légal : à parution • Imprimerie : Apothem,47, rue Alexandre-Dumas, 59200 Tourcoing • Abon ne ment : 48 euros TTC • N° de Commission Paritaire de Presse :1218 G 83987 • La reproduction, même partielle, de tout matériel publié dans la revue, sous quelque procédéque ce soit, est strictement interdite • ISNN : 0339-4433 • Périodicité bimestrielle.

    3Agriculteurs de France - n° 227, janvier-février 2017

    Agriculteurs de France est une revue éditée par la Société des Agriculteurs deFrance : 8, rue d’Athènes, 75009 Paris. Tél. : 01 44 53 15 15. Fax : 01 44 53 15 25.E-mail : [email protected]. Internet : www.safagridees.com

    Damien BonduellePrésident de saf agr’iDées

    À l’occasion de sa prochaine assemblée générale organisée le 15 juin 2017 dans ses

    locaux historiques, récemment rénovés, saf agr’iDées fêtera son 150e anniversaire depuis

    sa création en 1867.

    Se voulant depuis son origine une plate-forme d’échanges et de rencontres, la Société

    des Agriculteurs de France (SAF) s’inscrivait déjà dans la diffusion du « Progrès » en

    agriculture et était à l’origine d’ailleurs de bon nombre d’organismes agricoles,

    comme l’a rappelé Pierre Le Roy dans son dernier ouvrage Histoire de l’agriculture fran-çaise de 1867 à nos jours, publié cette année par saf agr’iDées.

    Aux côtés d’experts, la conférence organisée l’après-midi du 15 juin se consacrera encore

    à cette préoccupation permanente, avec les questions suivantes : que signifie le progrès

    pour nos agricultures aujourd’hui ? En quoi a-t-il évolué ? Quels sont les critères socié-

    taux qui le conditionnent désormais ? Avec quels impacts sur nos différents métiers ?

    Ce rendez-vous sera aussi l’occasion de diffuser le livre 150 idées pour la réussite denos agricultures, rassemblant les propositions que nous avons reçues de la part d’unemultitude d’acteurs économiques, politiques et citoyens, lors de notre appel lancé fin

    2016. Un recueil unique et original d’idées innovantes pour nos secteurs, classées par

    thématiques du numérique en passant par les sciences et les politiques agricoles...

    Par ailleurs, après avoir organisé en janvier et février derniers deux passionnants débats

    sur les investisseurs étrangers en agriculture et l’agriculteur maillon fort de la bio -

    économie, saf agr’iDées poursuit ses travaux de réflexion à travers ses

    groupes de travail. Suite à la clôture du groupe de travail, une note sur

    les Partenariats Publics et Privés sera diffusée prochainement. Des

    réunions internes sont organisées sur les sujets d’actualité : la résilience

    dans les filières bio, la contractualisation, le statut de l’agriculteur, etc.

    Autant de futurs événements et publications orchestrés par l’équipe de collaborateurs

    du think tank qui s’est encore renforcée, ses administrateurs impliqués, et le réseau

    d’experts qui nous accompagnent régulièrement, permettant toujours de rassembler

    nos adhérents et de diffuser des idées innovantes...

    2017 sera assurément une année marquante pour notre think tank.

    Retrouvons-nous nombreux, adhérents et sympathisants actifs, au 8 rue d’Athènes,

    75009 Paris, le 15 juin prochain ! n

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    Questionner le « Progrès » au XXIe siècle

    2017 sera assurément une année marquantepour notre think tank

  • S O M M A I R E Numéro 227 – Février 2017 – 180e année

    À retourner sous enveloppe affranchie avec votre règlement à :

    saf agr’iDées – Service abonnement – 8, rue d’Athènes, 75009 ParisOUI, je m’abonne pour 1 AN au tarif de 48 euros

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    ÉDITORIAL

    DOSSIERp. 12 • Semaine verte de Berlin : producteurs/consommateurs :

    qui décidera de l’avenir de l’agriculture allemande ?

    p. 5 • Dominique Bussereau, présidentde l’Assemblée des Départementsde France

    p. 7 • GS1 France lanceune plateforme collaborativede traçabilité, avec Terrena,premier utilisateur

    p. 9 • Regards sur... l’exportationp. 10 • Stéphane Le Foll, bilan

    d’un quinquennat auministère de l’Agriculture

    p. 11 • La Pologne, deuxièmeexportateur européende viande bovine va-t-ellecontinuer sur sa lancée ?

    FORUM

    SAF AGR’IDÉES

    p. 3 • Questionner le « Progrès » au XXIe siècle

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    p. 18 • L’agriculteur, maillon fort de la bioéconomiep. 19 • Trois questions à... Jan Van Esch sur la bioéconomiep. 20 • Hervé Pillaud : « Essayons de rêver l’avenir »p. 22 • Le permis d’exploiter, une solution pour distinguer

    l’investissement de l’accaparement ?p. 24 • Le principe de non-régression saisi par le droit

    de l’environnement

    p. 29 • Saf-Club deChartres : visited’une ferme bioet d’une fermede référence Bayer

    p. 23

    p. 30 • Pour un nouveau pacte entre la France

    et ses agriculteurs

    CULTURE

    p. 29

    p. 5

    ENTREPRISE

  • FORUMTerritoires

    5Agriculteurs de France - n° 227, janvier-février 2017

    NOS QUESTIONS À...

    Dominique Bussereau, président de l’ADFActuel président de l’Assemblée des Départements de France (ADF), Dominique Bussereau, ancienministre, député et président du département de la Charente-Maritime a accepté de se prêter au jeu des questions-réponses sur les territoires ruraux.

    Propos recueillis par Isabelle Delourme

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    AGRICULTEURS DE FRANCE : « Quels sont pour vous les prin-cipaux enjeux d’aménagement du territoire liés aux territoiresruraux ? »DOMINIQUE BUSSEREAU : Les territoires ruraux, dans leur grandediversité, sont extrêmement importants pour le pays.Ils représentent plus de 70 % du territoire et 40 % de lapopulation française vit dans des communes rurales ou péri-urbaines ; ces territoires connaissent souvent une nouvellecroissance démographique qui illustre leur vitalité. Il faut doncrépondre aux besoins de la population et permettre à ces ter-ritoires de se développer en s’appuyant sur leurs atouts. Or, lesinégalités territoriales s’accroissent entre les territoires et cer-tains sont menacés de « décrochage ». On observe également que les services publics indispensables àla vie quotidienne ont tendance à se réorganiser au détrimentdes territoires ruraux (accès aux soins par exemple). Dans lesdomaines des infrastructures de téléphonie mobile et d’accès auhaut débit, les territoires ruraux souffrent d’un retard trop impor-tant qui entrave leur développement. C’est également le cas dansle domaine des transports. Ces enjeux sont d’autant plus impor-tants dans le contexte de la crise qui frappe l’agriculture françaisecomme l’a souvent évoqué Xavier Beulin dont je tiens à saluerla mémoire et l’engagement au sein de la FNSEA. Par ailleurs,notre pays vient de connaître de profonds bouleversements ins-titutionnels avec la création des très grandes Régions. Il est àcraindre que dans ce contexte, les territoires ruraux aient du malà se faire entendre.

    AGRICULTEURS DE FRANCE : « En quoi les départements sont-ils des acteurs essentiels pour les territoires ruraux ? »D. B. : Le département est la collectivité de la cohésion socialeet territoriale. C’est en effet souvent la seule collectivité enmesure de porter des politiques structurantes à grande échelle,tout en gardant la proximité indispensable avec les territoires.Par ailleurs, vu l’état des finances publiques, l’échelle dépar-tementale est souvent la bonne échelle pour mutualiser lesmoyens publics.Ainsi les départements agissent quotidiennement pour déve-lopper les territoires et répondre aux besoins des habitants : ilsgèrent les routes, les collèges, financent la solidarité sociale,soutiennent financièrement les agriculteurs, dans le cadre deconventions passées avec la région, financent les laboratoiresd’analyse. Ils développent le tourisme, apportent un soutien

    technique et financier souvent indispensable aux projets descollectivités locales, créent et gèrent les espaces naturels sen-sibles, développent la culture...Les départements élaborent depuis cette année avec l’État, lastratégie d’organisation des services au public. Ils sont égale-ment des acteurs essentiels pour permettre l’accès à la télé-phonie mobile et au très haut débit. ◗◗◗

    « Les départements agissent quotidiennement pour développerles territoires et répondreaux besoins des habitants »indique DominiqueBussereau, ancien ministre,député et président dudépartement dela Charente-Maritime, président de l’Assemblée des départements de France.

  • 6 Agriculteurs de France - n° 227, janvier-février 2017

    FORUMTerritoires

    « L’accessibilité numérique doit être réalisée. Un territoire n’a plus d’avenir sans être connecté au très haut débit » souligne Dominique Bussereau, président de l’ADF.

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    AGRICULTEURS DE FRANCE : « Pour les départements, quellessont les priorités pour permettre le développement des ter-ritoires ruraux ? »D. B. : Au niveau national, l’Assemblée des Départements deFrance (ADF) est favorable à une politique d’aménagement duterritoire volontariste : l’avenir de la ruralité doit être unepriorité notamment dans les domaines des transports, del’accès au haut débit, des services publics, ou dans celui dulogement pour revitaliser les centres bourgs par exemple.On ne peut se contenter de croire, que la croissance écono-mique des métropoles bénéficiera « par ruissellement » auxterritoires ruraux.Concernant les collectivités locales, je préconise un ren-forcement de la décentralisation qui donnera plus de sou-plesse, afin qu’elles puissent travailler de manière pluscoordonnée. Ainsi, les départements doivent pouvoir ampli-fier leurs politiques et il faut leur en donner les moyens : ilsdoivent, en cohérence avec les Régions, pouvoir soutenirl’économie locale qui a besoin de proximité et de réactivité.Ils doivent également pourvoir intervenir sans contrainte juri-dique pour soutenir les territoires dès lors qu’une crise climatique, sanitaire, économique frappe brutalement un territoire : sécheresse, inondations, épizootie animale, fermeture d’un site industriel, etc. Ils doivent pouvoir trèslargement aider les collectivités locales pour faciliter etaccélérer la réalisation de projets. Mais surtout, l’unedes premières priorités est l’accès universel au Très hautdébit mobile.

    AGRICULTEURS DE FRANCE : « L’acces si bi lité numérique (TrèsHaut Débit fixe et mobile) et le déploiement de ses usagesdans les territoires ruraux sont-ils réalisables ? » D. B. : La question n’est pas de savoir si cette accessibilité estréalisable ou pas. Elle doit être réalisée. Un territoire n’a plusd’avenir sans être connecté au très haut débit. Les départementsruraux et de montagne le savent. Ils ont été parmi les tout pre-miers pionniers de l’Internet en se portant dès 2004 auxavant-postes du déploiement des Réseaux d’Initiative Publique(RIP) de première génération pour apporter le Haut Débitdans les territoires laissés en jachère par les grands opérateursprivés qui n’y trouvaient pas une rentabilité suffisante. Depuis,ils ont l’obligation de passer à une vitesse supérieure. Dans tousles domaines d’activité et de loisirs, les usages du numériquesse sont répandus à grande vitesse. Cela a été notammentfulgurant dans le domaine des applications mobiles. Aujourd’hui tous les départements sont engagés dans un pro-jet de déploiement du THD fixe. Une petite dizaine est entréeen phase d’exploitation. La migration vers le Très Haut Débitdes zones peu denses, rurales et de montagne sous l’effet desinitiatives départementales et régionales débute donc. Elleva s’accélérer en 2017, 2018, 2019... avec l’arrivée de tous lesautres Réseaux d’Initiative Privés (RIP) THD dans leur phase demise en exploitation. Mais, les inégalités entre territoires urbains et ruraux sontencore criantes. Il est indispensable d’anticiper largement lesévolutions technologiques à venir en tenant compte parexemple de l’arrivée dans les cinq prochaines années de la 5G.À défaut, les territoires mal équipés resteraient en retard etseraient fortement pénalisés. n

  • FORUMTraçabilité

    Les informations de traçabilité des produits sontaujourd’hui morcelées dans autant de sys-tèmes d’information qu’il y a d’acteurs pour lescollecter. Il n’existe pas de langage partagé qui per-mette une traçabilité complète sur l’ensemble de lafilière agroalimentaire, de l’agriculteur jusqu’auxconsommateurs, et utilisable par tous les acteurs dela chaîne d’approvisionnement. La plateforme collaborative de traçabilité rend pos-sible la saisie, la visualisation et le partage d’infor-mations entre toutes les parties prenantes pour ser-vir les besoins d’optimisation des supply chain. Cenouvel outil permet également de valoriser la pro-duction des agriculteurs tout en rendant accessibleaux consommateurs une information précise, claireet détaillée sur l’origine des produits qu’ils consom-ment et la pratique de l’exploitant agricole.

    En s’appuyant sur cette plateforme, inédite dansl’écosystème agroalimentaire, Terrena a développéle portail Agri-Matrice dans le cadre de son pro-gramme Nouvelle Agriculture®, dont la finalité estprécisément d’objectiver les pratiques agricoles etindustrielles et de valoriser les pratiques vertueuses :bien-être animal, diminution des intrants nonrenouvelables, économies de CO2, économie terri-toriale… Terrena démontre ainsi qu’il est possibleaujourd’hui de cartographier et de retracer defaçon cohérente la généalogie des produits.À travers cet outil, c’est une véritable révolutionconceptuelle de la traçabilité qui s’amorce. La pla-teforme permet d’appréhender le produit dans toutes sescomposantes, c’est-à-dire à chaque événement clé de sonprocessus de fabrication. Pour être à même de fournir toutesces données sur le produit, la plateforme s’appuie sur le stan-

    dard GS1 de traçabilité par événement EPCIS (ElectronicProduct Code Information Service). Ce standard internationalpermet de tracer le cycle de vie complet d’un produit, du pro-ducteur au consommateur (« de la fourche à la fourchette »).

    7Agriculteurs de France - n° 227, janvier-février 2017

    GS1 France lance une plateformecollaborative de traçabilité, avec Terrena, premier utilisateurGS1 France, en collaboration avec le groupe coopératif agroalimentaire Terrena, développe un projetde « plateforme collaborative de traçabilité » qui s’appuie sur ses standards internationaux, afin depermettre à tous les acteurs de la chaîne agroalimentaire de partager, valoriser et exploiter leurs donnéesentre eux et jusqu’au consommateur final.

    François Deprey, président Exécutif, GS1 France (www.gs1.fr)

    « À travers cette plateforme collaborative, c’est une véritable révolution conceptuelle de la traçabilité qui s’amorce » souligne François Deprey, président exécutif de GS1 France.

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    Un outil innovantpour la filièreagroalimentaire

  • FORUMTraçabilité

    8 Agriculteurs de France - n° 227, janvier-février 2017

    ◗◗◗

    Donnéesde productionindustrielle

    PLATEFORME COLLABORATIVE DE TRAÇABILITÉ(3 Types de données* accessibles)

    Donnéeslogistiques

    Donnéeslogistiques

    Donnéescommerciales

    Donnéesagricoles

    Exploitant agricoleIntrants Fabriquant

    Donnéesconsommables

    Traçabilité amont agricole

    PLATEFORME COLLABORATIVE DE TRAÇABILITÉ(3 Types de données* accessibles)

    *DONNÉESPRIVÉES *DONNÉES

    PARTAGÉES

    *DONNÉESPUBLIQUES(OPEN DATA)

    Les informations relatives à chaque événement du cycle de viedu produit (production, transport, transformation, commer-cialisation, etc.) sont ainsi standardisées au sein de la plate-forme dans un format commun capable d’être enregistré et par-tagé d’un bout à l’autre de la chaîne logistique et faciliterl’interconnexion d’un maximum d’acteurs.Cette approche en « open data » doit permettre d’accélérer lavalorisation de l’agriculture, sans pour autant hypothéquer les

    intérêts propres à chacundes acteurs connectés àl’outil. Il ne s’agit pas dedévoiler l’ensemble des

    informations et des données échangées sur cette plateforme :l’idée étant de communiquer sur ce qui fait sens pour l’intérêtdu consommateur, et de conserver des données privées ou par-

    Un projet ouvert à tous les acteurs

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    tagées uniquement entre partenaires commerciaux autorisés.Enfin, le développement de cette plateforme, dont l’indus-trialisation s’opérera de façon progressive dans les mois àvenir, n’a de sens que si elle est ouverte à tous, fournisseurs,clients et concurrents. Cette ouverture est rendue possiblepar l’utilisation d’un langage commun, basé sur les standardsinterna tionaux GS1. Sur les bases de la démarche dans laquelle s’est engagéeTerrena pour valoriser les données de l’amont agricole, c’estun appel à participation qui est lancé : rejoignez-nous ! Nousarriverons à valoriser les bonnes pratiques agricoles et indus-trielles de la filière agroalimentaire, à renforcer le climat deconfiance avec les consommateurs, que si nous nous engageonsdans une démarche collective capable de dépasser nos fron-tières et s’ouvrir largement à l’international. n

    1. INTÉGRATION DES DONNÉES

    2. ACCÈS AUX DONNÉES D’UTILISATION

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  • Regard sur...

    Regards sur... l’exportationStéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt et Matthias Fekl,secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur, de la Promotion du tourisme et des Françaisde l’étranger, ont dévoilé mercredi 1er mars 2017 le projet de plan stratégique 2017-2021 pourle développement des exportations et l’internationalisation des filières agricoles et agroalimentaires, forêt-bois, et des produits bio-sourcés sur le Pavillon des Vins au Salon international de l’agriculture.L’objectif visé est de regagner des parts de marché en Europe et à l’international ; développer la présencede tous les secteurs et améliorer la balance commerciale de l’ensemble des filières à l’international ;augmenter le nombre d’entreprises positionnées à l’export ; favoriser l’investissement des entreprisesà l’international ; permettre l’accès des entreprises aux dispositifs d’accompagnement existantsaux niveaux national et communautaire.Par ailleurs, le plan vise à favoriser les démarches collectives à l’international et la mutualisationdes moyens publics ; mieux former et informer les entreprises et les acteurs publics afin de développerune culture de l’export ; ouvrir de nouveaux marchés et maintenir ces marchés ouverts notammenten défendant les intérêts français dans les négociations commerciales internationales sur les droitsde douane, et en négociant avec les pays tiers la suppression des barrières sanitaires et phytosanitairesexcessives au regard des normes internationales ; promouvoir l’offre française et l’attractivitéde la France et de ses produits, et faire de la diversité de cette offre, qui mêle innovation, traditionet excellence, une force à l’export.◗ http://agriculture.gouv.fr/plan-strategique-pour-le-developpement-des-exportations-et-linternationalisation-des-filieres.

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    Agriculteurs de France - n° 227, janvier-février 2017 9

    Page réalisée en partenariat avec la photothèque du ministère de l’Agriculture – http://photo.agriculture.gouv.fr

    Exportation de millecochons reproducteurs

    pour la Chine en provenance

    d’éleveurs de l’Ouestde la France et de

    la société NUCLEUS.Aéroport de

    Châlons-Vatry (51).

  • FORUMPolitique

    «Avec l’agroécologie, je pense que j’ai réussi à fairechanger un état d’esprit. J’espère qu’il sera irréver-sible » a résumé Stéphane Le Foll. Ardent défendeurd’un modèle de production axé sur la double performance éco-nomique et écologique, Stéphane Le Foll, en dépit de la résis-tance de certains acteurs chez les agriculteurs et les fournisseursd’intrants, s’est mobilisé pour engager un processus de pro-duction plus économe. Créateur des Certificats d’éco nomies deproduits phyto, des GIEE (Grou pements d’Intérêt Économiqueet Environ nemental), et des fermesDEPHY qui ras semblent près de 2 000fermes engagées dans une démarchevolontaire de réduction de l’usage desproduits phytosanitaires, Stéphane LeFoll s’est également félicité des changements à l’œuvre dansl’enseignement agricole.Ministre de l’Agriculture et de l’Agro ali men taire dans une éco-nomie de marché, Stéphane Le Foll s’est aussi trouvé confrontéà de graves crises agricoles d’origine régionale, nationale, euro-péenne ou mondiale. Quelle est dès lors la marge de manœuvred’un ministre lorsqu’en un an, le prix des céréales fixé à Chicagopasse de 300 €/t à 165 €/t, que le prix du lait français est

    orienté par les enchèresFonterra en Nouvelle-

    Zélande, ou que le marchéchinois se retourne ? « Dansun marché dérégulé, on ren-voie sur le ministre des res-ponsabilités qui ne sont pasles siennes » a-t-il fait remar-

    quer en ciblant la grande distri-bution, mais pas seulement. Sur

    le lait, Stéphane Le Foll

    a encore regretté de n’avoir pu convaincre plus tôt cinq-sixgrands pays producteurs de lait, dont l’Allemagne, de suivre sapolitique de réduction de la production, ce qui aurait pu éviterd’avoir encore aujourd’hui 300 000 tonnes de poudre de lait enstock, en dépit de la réduction d’1 Mt de lait. « Mais convaincre26 pays, cela prend du temps » a-t-il constaté.Ministre de l’Agroalimentaire, Stéphane Le Foll, a reconnu le pro-blème de baisse de la compétitivité du secteur agricole et agroa-limentaire dans l’Europe d’aujourd’hui. « Le pacte de responsa-

    bilité et de solidarité, est venu compléterle CICE (Crédit d’Impôt pour laCompétitivité et l’Emploi) pour sauverdes emplois et donner des capacitésd’investir aux entreprises » a-t-il néan-

    moins fait remarquer. Il a ainsi évalué à 2,3 milliards d’euros d’icila fin 2017 ces allégements du coût du travail et de la fiscalité desentreprises agricoles et agroalimentaires par rapport à 2012.Artisan de la mise en œuvre de la PAC, Stéphane Le Foll s’estaussi souvenu de la fracture du débat européen entre les payspartisans des élevages industriels (All, PB, DK, GB) qu’il nomme« la Banane Bleue » et la vingtaine de pays plus attachés à desélevages liés au territoire ou « Banane Verte ». « C’est cettemajorité qui a fonctionné car l’Allemagne ne voulait pas d’aidecouplée. Pour l’avenir, je pense que la stratégie de la « BananeVerte » est une bonne stratégie pour la France. Au moment oùla Grande-Bretagne sort de l’Union, elle permet de matériali-ser la politique européenne en liant la PAC (35 milliards d’eu-ros) à la politique de cohésion (25 milliards d’euros).Le ministre a aussi tenu à mettre en garde face aux dérives despartisans de la cause animale. Tout en soulignant la nécessitéde prendre en compte le bien-être animal au niveau de la pro-duction agricole et en particulier des abattoirs, il a insisté surl’importance d’avoir de la force et de la cohérence sur des sujetsémotionnels et philosophiques qui pourraient à terme impliquerla suppression des animaux domestiques.Au terme de cet échange, Stéphane Le Foll n’a pas affiché deregrets sur son ministère qui, a-t-il estimé, a nécessité de laprésence, de la réactivité, et beaucoup d’investissement.« J’ai mené une politique à laquelle je croyais, en axant surla dynamique collective et le partage dans les choix straté-giques et les investissements » a-t-il indiqué. Combiné avecle porte-parolat du gouvernement dont il a eu la charge dès2014, Stéphane Le Foll a avoué « cela n’a pas été facile. Ily a eu suffisamment de crises, beaucoup de choses à gérer,avec des agriculteurs en souffrance ». n

    10 Agriculteurs de France - n° 227, janvier-février 2017

    Promoteurde l’agroécologie

    Stéphane Le Foll, bilan d’un quinquennatau ministère de l’AgricultureMinistre en charge de l’Agriculture depuis 2012, Stéphane Le Foll a fait le « bilan » de son quinquennatle 13 février 2017 lors d’une rencontre organisée par l’AFJA (Association Française des Journalistes Agricoles) au ministère de l’Agriculture.

    Isabelle Delourme

    Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaireet de la Forêt.

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  • La Pologne, deuxième exportateureuropéen de viande bovine va-t-ellecontinuer sur sa lancée ?Pour examiner les perspectives de développement de la filière viande bovine polonaise à l’horizon 2020,l’Institut de l’Élevage et la Confédération nationale de l’élevage ont organisé un débat le 21 février 2017en s’appuyant sur la mission effectuée en Pologne et l’étude rédigée par Carole Monniot, Sébastien Bouys-sière, Philippe Chotteau, Gérard You et Margaux Daniel(1).

    Isabelle Delourme

    FORUMFilière viande

    Devenue 2e exportateur européen

    de viande bovine après son adhé-sion à l’UE en 2004, la Pologne

    s’est rapidement imposée à l’export,notamment vers l’Italie et la Grèce, deuxmarchés traditionnellement approvision-nés par la France et les Pays tiers, dont laTurquie. Pourtant cette dynamique polo-naise risque fort de s’atténuer prochai-nement, faute de veaux et de broutards.La filière viande bovine polonaise s’esten effet construite à partir de la restruc-turation de son troupeau laitier, avec lavente de vaches de réforme, de génisseset l’engraissement deveaux laitiers. Ceux-ciont permis le déve-loppement en unedizaine d’annéesd’une filière d’abattage et de transfor-mation qui s’est révélée très compétitive.Bénéficiant d’un coût de main-d’œuvrebas, d’aides européennes conjuguées ounon à des investissements étrangers, lesabattoirs polonais se sont modernisés etspécialisés et ont pu fournir une vianded’un bon rapport qualité/prix, à mêmede satisfaire des consommateurs italiensou grecs soucieux des prix. Mais depuis2015, la situation change. Le troupeau lai-tier s’est considérablement réduit, rédui-sant d’autant les naissances de veaux.Même si avec 2,1 millions de vaches en2015 la Pologne reste le 3e cheptel laitiereuropéen, après l’Allemagne et la France,elle a toutefois perdu 1,2 million de vacheslaitières en 17 ans, et n’a pas enregistréde net développement du troupeau allai-tant en parallèle(1). Carole Monniot etSébastien Bouyssière ont souligné que larestructuration du troupeau laitier devrait

    se poursuivre dans les prochaines années.Elle pourrait faire tomber le cheptel à1,9 million de têtes en 2020. D’autant queles exploitations laitières ont encore debelles marges de progrès, la moyenneétant à près de 6 000 L/VL en 2015, soit13 % en dessous de la moyenne euro-péenne. Pour approvisionner ses ateliersd’engraissement, la filière polonaise, his-toriquement fournisseur de petits veaux,risque fort de devoir en importer des paysvoisins, eux-mêmes touchés la baisse desnaissances. Les engraisseurs polonaispourraient alors choisir de s’approvision-

    ner en broutards fran-çais et irlandais.Consciente que le dif-férentiel de compétiti-vité prix va se réduire à

    l’avenir avec les autres États membresde l’UE, la filière polonaise a égalementengagé une politique d’amélioration de laqualité des viandes, au travers du labelQMP (Quality Meat Programm) et du pro-jet d’analyse prédictive de la qualité de la

    viande perçue par le consommateur sur lemodèle du système australien MSA (MeatStandard Australia). Pourtant, bien que saconsommation soit encouragée, la viandebovine polonaise reste toujours boudéepar le consommateur local, qui préfère trèsnettement le porc et de plus en plus lavolaille. La Pologne conservera donc unfort positionnement à l’export. n

    (1) Le cheptel est constitué à 93 % de vaches lai-tières. La production de viande est un coproduitde l’élevage laitier. En décembre 2015, la Polognecomptait 169 000 vaches nourrices, essentielle-ment croisées et seulement 50 000 vaches derace pure (limousine essentiellement).

    11Agriculteurs de France - n° 227, janvier-février 2017

    Une viandeplus tendre

    « Des aides couplées pour l’élevage »Pour la Pologne, les enjeux principaux en matière de politique agricole sont la modernisation de l’agricultureet le maintien de l’emploi agricole. Sur la période 2014 à 2020, elle recevra 23,8 milliards € d’aides directesdu premier pilier de la PAC (8 % du budget communautaire) et 8,6 milliards € pour l’aide au développe-ment rural (9 % du budget européen). La Pologne consacre 15 % de l’enveloppe du premier pilier aux aidescouplées, dans le but de soutenir le revenu des agriculteurs, de favoriser l’agriculteur « actif » et d’enrayerla baisse tendancielle du cheptel. Une aide de 70 € par vache est versée aux éleveurs qui possèdent plusde 3 vaches laitières, dans la limite de 30 vaches. Par ailleurs, pour soutenir l’engraissement, tous les mâlesde moins de 24 mois bénéficient d’une prime annuelle de 70 €/tête, dans la limite de 30 têtes.Le paiement à l’hectare est maintenu jusqu’en 2019. Il est fixé à 110 €/ha + 41 €/ha pour les 30 pre-miers hectares (un paiement redistributif qui concerne la très grande majorité des exploitations).Enfin, face à l’importance sociale et territoriale des très petites exploitations, la mise en place durégime spécial « petites exploitations » leur permet de bénéficier d’une aide directe allant jusqu’à1 250 €/exploitation sans justifications ni conditionnalité.Source : Économie de l’élevage. Filière viande bovine. Dossier Pologne n° 471, septembre 2016.

    Pour aller plus loin : « Pologne, le jeune bovin conquérant ». Économie de l’élevage n° 471, septembre 2016.

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    La Pologne devrait devenir déficitaire en petits veauxdès 2017, ce qui pourrait ouvrir des débouchésaux exportateurs de broutards français et irlandais.

  • Agriculteurs de France - n° 227, janvier-février 201712

    Tentée par une politique agricole de plus en plus

    environnementale pour satisfaire ses consomma-

    teurs, l’Allemagne doit aussi faire face à des agri-

    culteurs touchés par des crises qui ne leur per -

    mettent souvent plus de couvrir leurs coûts de

    production et qui quittent le métier, et à un agroa-

    limentaire qui entend poursuivre sur sa dyna-

    mique. Les appels à un autre modèle d’agriculture,

    plus durable, se font de plus en plus forts à l’ap-

    proche des prochaines élections fédérales et alors

    même que l’Unité européenne est fragilisée tout

    comme sa politique agricole commune.

    Construire un avenir p. 13Privilégier une agriculture de territoire, écologique et proche des citoyens p. 13Berlin accueille la 82e édition de la Semaine Verte Internationale p. 14Des consommateurs de moins en moins naïfs p. 14La ferme Brodowin : du bio version XXL p. 15Associés en coopérative dans le Brandenburg p. 15Succès de l’aquaponie à Berlin p. 16L’environnement une préoccupation forte du Brandenburg p. 16WWF propose de réorienter la Pac vers l’environnement p. 16Apprendre aux jeunes générations à être citoyen p. 17Le numérique et le big data au service de l’agriculture et de l’alimentation p. 17

    Dossier réalisé par Isabelle Delourme dans le cadre du programme « invités étrangers » organisé par le gouvernement fédéral allemand du 18 au 22 janvier 2017, avec la participation de Marie-Cécile Damave

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    SEMAINE VERTE DE BERLIN

    Producteurs/consommateurs : qui décidera de l’avenir de l’agriculture allemande ?

  • Agriculteurs de France - n° 227, janvier-février 2017 13

    ◗◗◗

    Semaine verte internationale

    Construire un avenirLors de l’inauguration de la 82e Semaine Verte de Berlin, les politiqueset représentants de la filière alimentaire allemande ont salué letravail des agriculteurs, mis en danger par des demandes socié-tales croissantes non payées en retour.

    Regard

    Privilégier une agriculture de territoire, écologique et proche des citoyensDifficultés économiques, coût du foncier, fusions dans l’agrochimie,réorientation de la PAC..., Benedict Haerlin, de la Fondation pourl’agriculture du futur, témoigne des facteurs à l’origine des grandsdébats sur le modèle agricole allemand.

    «

    Les agriculteurs dépendent des consom-mateurs, mais les consommateurs ontaussi besoin des services des agricul-

    teurs pour l’alimentation. » Lorsque MichaelMüller, maire de Berlin, s’est exprimé le 18 jan-vier 2017 dans le cadre de la soirée d’inaugu-ration de la 82e Semaine verte internationale,il a voulu faire passer ce message fort aux5 000 invités présents. « Il faut aussi savoirparler de prix équitable pour sauver les petitesexploitations agricoles. La qualité a un prix, ellene peut pas devenir de moins en moins chère. »Wolfgang Ingold, le représentant des industrielsde l’agroalimentaire allemand, a quant à luisouligné la mission essentielle de la filièreIAA : « veiller à ce que les populations puissents’approvisionner quotidiennement en respectantl’hygiène ». Après avoir mis en valeur la diver-sité des produits proposés (« Jamais dans nossociétés nous n’avons eu autant de choix ») etles préoccupations de la filière en matièresanitaire (« nous sommes concernés au pre-mier chef par les questions sanitaires »), il a sou-haité que s’arrête cette méfiance croissanteenvers l’agroalimentaire, alors même que lafilière emploie 2,6 millions de personnes enAllemagne, et qu’un Allemand sur huit voit sontravail en dépendre plus ou moins directe-ment. Tout comme les agriculteurs, les indus-triels de l’agroalimentaire, a-t-il expliqué, ontbesoin de prévisibilité et d’un engagementdans le temps qui leur permette de travaillerdans un cadre fiable pour l’avenir. « La PAC reste pour nous, agriculteurs, la che-ville ouvrière, la clé de voûte de notre avenir »a ensuite déclaré Joachim Rukwied, le prési-dent de la fédération des agriculteurs alle-mands (DBV). Partisan d’une PAC reposant jus-qu’en 2020 sur les deux piliers, il a souligné lebesoin de perspectives d’avenir sur les diffé-rents marchés agricoles et la difficulté pourl’agriculture de répondre à la demande socié-tale. « Avec une baisse de 53 % d’antibiotiquesen 3 ans, une meilleure efficacité de la fertili-sation, nous sommes sur la bonne voie, maisnous devons avoir un dialogue avec la société »a-t-il déclaré, avant d’ajouter : « Aller plus loinest possible, mais à condition que le consom-mateur paye pour ses demandes relatives à labiodiversité ou au climat ».

    Phil Hogan, le commissaire européen à l’agri-culture, est allé dans le même sens, quelquesminutes plus tard. « Les citoyens et les politiquesdoivent accepter le changement. Nous ne pou-vons pas demander plus aux agriculteurs, sinous ne leur donnons pas des aides pour aug-menter la qualité » a-t-il déclaré en tribune.La prochaine PAC tiendra peut-être compte detoutes ces déclarations. « Berlin est un endroitpour envoyer des signaux forts au monde » aestimé Christian Schmidt, le ministre allemandde l’Agriculture, évoquant également l’ouver-ture du Forum global pour l’agriculture et l’ali-mentation (GFFA) et de la Conférence desministres de l’agriculture du G20, à Berlinaussi, cette même semaine. Enfin, pragma-tisme oblige, le ministre a rappelé l’impor-tance des exportations agricoles pour l’Unioneuropéenne (70 milliards d’euros), malgrél’embargo russe, au sujet duquel il s’est déclaréprêt à dialoguer. De nombreux autres sujets ontsouligné le soutien du gouvernement pourson agriculture et son agroalimentaire (« des

    filières d’avenir »), tout comme l’entretien dupatrimoine naturel de la ruralité, à condition deprendre en compte la résilience de produc-teurs. « Les paysans sont là pour fournir des pro-duits, mais toute prestation de qualité a unprix » a ajouté le ministre, en faisant référenceà la crise laitière et en insistant pour s’intéres-ser davantage à la répartition du risque prixentre tous les maillons de la chaîne alimentaire.De la même manière, il a estimé qu’il « n’est paspossible d’avoir plus de bien-être animal à coûtzéro ». La création d’un label unique enAllemagne sur le bien-être animal est un pre-mier pas, mais il devra être prolongé par laprise de responsabilités sociales et sociétales,a conclu Christian Schmidt, avant de déclarerofficiellement ouverte la Semaine Verte 2017.n

    DOSSIER

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    Actuellement, la situation est difficilepour les agriculteurs allemands dansbeaucoup de secteurs. Ils ont connu

    une très grave crise dans le secteur laitier et lesestimations tablent sur 10 % d’arrêt d’acti-vité. Beaucoup d’agriculteurs ont également ététouchés par les restrictions à l’exportation versla Russie » fait remarquer Benedict Haerlin, dela Fondation pour l’agriculture du futur, uneorganisation active dans le débat public et quidéfend l’agriculture écologique comme

    modèle pour lesfutures politiquespubliques.Il explique quenombreux sontles agriculteurs à se plaindre d’un accès dif-ficile au foncier, en raison d’une inflationcroissante provoquée par les achats de

    5 000 invités à la cérémonied’inauguration de la Semaine Verte

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    Benedict Haerlin,Fondation pour

    l’agriculture du futur.

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    14 Agriculteurs de France - n° 227, janvier-février 2017

    grandes sociétés. En Allemagne, l’État necontrôle pas les cessions de parts de société et desterres peuvent alors facilement être acquises pard’autres sociétés, éventuellement étrangères. En find’année dernière, Benedict Haerlin rappelle quela population s’est émue qu’une ferme de45 000 ha, en difficultés financières, ait pu vendrefacilement ses terres à d’autres sociétés, dont4 500 ha à une entreprise domiciliée en Lituanie.Benedict Haerlin souligne également qu’enAllemagne beaucoup de gens ne sont pas enfaveur de l’agriculture intensive, ni de l’agrochimie.Les regroupements en cours entre Dow et DuPont,

    Monsanto et Bayer, Syngenta et ChemChina, nesont donc pas bien vus, dans la mesure où àterme ils contrôleront plus de 70 % de la com-mercialisation des semences dans le monde.Enfin, Benedict Haerlin constate qu’en Allemagne95 000 agriculteurs tirent leur revenu de l’agri-culture, mais que 200 000 dépendent d’autressources de revenu. Pour lui, la PAC doit désormaisaussi prendre en compte les aspects sociaux afinde préserver des agriculteurs dans les campagnes.Il suggère pour cela qu’ils participent davantage,avec les consommateurs à l’élaboration des poli-tiques qui les concernent. n

    Foire internationale

    Berlin accueille la 82e édition dela Semaine Verte Internationale Du 20 au 29 janvier 2017, l’agroalimentaire a tenu salon à Berlin.

    La grande foire annuelle de Berlin dédiée àl’alimentation a accueilli 400 000 visiteursvenus « voir et pour acheter » des produits

    issus de l’agriculture allemande mais aussi des cinqcontinents, preuve de la diversification de l’assiettealimentaire des Allemands. Le panier moyen de

    120 euros par personne a généré un chiffre d’af-faires d’environ 48 millions d’euros, élargi à150 millions d’euros, hébergement et couverturemédiatique inclus pour la ville de Berlin et sesenvirons.C’est aussi un événement politique qui a misl’agriculture sur le devant de la scène, avec lavenue de plus de 83 ministres. Ils ont pu assisterdu 19 au 21 janvier 2017 au Forum mondial pourl’alimentation et l’agriculture (GFFA-Global Forumfor Food and Agriculture) organisé par le minis-tère fédéral de l’Alimentation et de l’Agriculture surle thème « l’agriculture et l’eau – la clé pour nour-rir le monde ». Un thème qui a également été auprogramme le 22 janvier de la Conférence desministres de l’Agriculture du G20 (également àBerlin) qui ont établi un plan d’action concernantla gestion durable des ressources en eau.Tout au long de cette semaine, des conférencesont été organisées sur le thème du bien-êtreanimal, de la qualité et de la sécurité alimentaire,mais aussi sur les moyens de construire uneagriculture durable en lien avec un commerceéquitable. n

    Des consommateurs demoins en moins naïfsStéphanie Wetzel, est coor-donnatrice du projet “FoodClarity” dédié à la transparencedans l’alimentation. Le projet,initié par la Fédération natio-nale de seize organisations deconsommateurs, a permis lamise œuvre d’une plateformeinternet au service des consom-mateurs, soutenue et financéeà 100 % par le ministère fédé-ral de l’Agriculture et del’Alimentation.Depuis 2011, la plateformerecueille les plaintes desconsommateurs et met en évi-dence la non-conformité desproduits commercialisés enAllemagne avec ce qui est men-tionné ou même simplementsuggéré par l’étiquette. Le sitequi reçoit la visite de près de80 000 visiteurs par mois, enre-gistre environ treize plaintes deconsommateurs/semaine. « Lesconsommateurs sont de plus enplus motivés par la nourriture etles questions relatives à leursanté. S’ils achètent un produit,ils veulent que ce qui se trouveà l’intérieur de l’emballage soitexactement identique à ce quileur est proposé sur l’étiquette(image, dessin, mentions...) »précise-t-elle.

    Avec la Fondation pour l’agriculturedu futur, Benedict Haerlin défend une agriculture plus écologique.

    « Nous en avons assez ! »Rendez-vous annuel des opposants à l’agro-industrie, la manifestation du 23 janvier 2017, en plein cœurde Berlin a fait défiler pour sa 7e édition 130 tracteurs et près de 18 000 personnes. Le slogan « Nousen avons assez » (“Wir haben es satt” en allemand) a réuni des personnes soucieuses de défendre unenourriture saine, le bio, le bien-être animal, le commerce équitable, mais aussi les exploitations fami-liales agricoles. En cette période électorale, les demandes visaient à mettre au centre du contexte politique « une agri-culture paysanne et écologique ». Les manifestants ont ainsi réclamé entre autres : la suspension desversements de subventions aux groupes agroalimentaires et l’investissement de 500 millions d’euros paran dans l’agriculture écologique et paysanne, la mise en place de lois protégeant les animaux, le main-tien de la biodiversité, le refus de l’utilisation d’OGM, un étiquetage obligatoire plus précis sur la provenance et le mode d’élevage des animaux, une diminution des exportations et des régulations dumarché pour assurer un prix équitable aux producteurs.

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  • Agriculteurs de France - n° 227, janvier-février 2017

    Dédiée entièrement à la production,transformation de lait bio et depuispeu à la production légumière, la

    ferme de l’écovillage de Brodowin constituela « vitrine du bio allemand ». L’entreprise,ancienne ferme d’État, est passée sous le sta-tut coopératif, puis par celui de société. Elleest installée à 80 km au nord-est de Berlin,dans le Land de Brandenburg, tout près de laPologne. La ferme, sous certification Demeter,fonctionne en circuit fermé. Presque rienn’est acheté à l’extérieur ni pour l’alimenta-tion animale, ni pour les cultures destinées àl’alimentation humaine.110 personnes y travaillent pour s’occuperdes cultures, des troupeaux, de la transfor-mation fromagère, de la commercialisationde la production. 35 autres sont employéesà la livraison autour de Berlin dans les maga-sins spécialisés ou chez des particuliers.L’activité de la ferme est un vrai atout pourl’emploi dans cette région rurale.

    Agriculture bio ne veut pas dire agriculturenon productive. Les 220 vaches produisentchacune en moyenne 7 000 litres de lait (soit1,5 million de litres de lait/an au total), lesveaux sont sevrés puis en grande partie ven-dus. La transformation laitière et fromagères’est élargie avec l’installation d’un élevage de200 chèvres. Brodowin a également mis enplace une production d’œufs bio sur parcours,avec 200 poules installées dans un poulaillermobile. Une autre ferme de 500 ha située àproximité est destinée à des cultures de ventede céréales. 25 ha sont également consacrés àla production légumière (salades, céleri, choux,tomates...). La ferme a développé la livraisonde paniers de légumes auprès de 2 100 clientsréguliers chaque semaine.Malgré le chiffre d’affaires annuel de 10 mil-lions d’euros (3,5 M€ production laitière,3,5 M€ distribution, 3,5 M€ cultures) les margessont très faibles, explique Susanne Poinke, res-ponsable de la communication de la ferme.

    Cela est dû selon elle par un prix de la nour-riture peu élevé en Allemagne et une faibledifférence de prix entre les produits bio et lesproduits conventionnels (+15 % en légumespar exemple). La diversification de l’activité vase poursuivre. Un projet préparation de platscuisinés à partir des légumes produits sur laferme est en cours. Reste à construire l’atelierde cuisson. n

    Produire en bio

    La ferme Brodowin : du bio version XXL Avec ses 1 250 ha, la ferme bio de Brodowin n’affiche aucun complexe.

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    Àune cinquantaine de kilomètres aunord de Berlin, la coopérative agricolede Trampe-Breydin (Land de

    Brandenburg) a été reconstituée en partieaprès le processus de réunification entre lesdeux Allemagnes. Cette grande exploitationagricole, qui compte treize membres, exploiteactuellement 1 220 hectares et élève 400bovins nourris en grande partie avec la pro-duction de la ferme. Ici, les décisions sontprises collectivement, car les terres n’appar-tiennent pas à la coopérative, mais à sesmembres. Tout est vendu sur le marché alle-mand. La ferme a installé plusieurs panneauxphotovoltaïques sur ses toits et peut ainsi uti-liser l’électricité pour ses besoins mais aussi envendre, via un contrat de huit ans. L’activité dela coopérative est jugée rentable par HolgerLampe. Pour lui, pas question de réorienter la

    production vers le « bio ». « C’est difficile, celanécessite trois années de transition, des inves-tissements, et au final l’entreprise ne gagnepas plus d’argent » fait-il remarquer. S’il constateles effets du changement climatique (séche-

    resses, inondations), il a choiside ne plus s’assurer contre cesaléas en raison du coût élevé desassurances en Allemagne. Enrevanche, il sait que l’État duBrandenburg s’est engagé dansla protection de la nature et pro-

    pose un catalogue de mesures financièrespour les agriculteurs qui préservent la bio-sphère et notamment certaines espèces d’oi-seaux en laissant par exemple des prairiespermanentes. n

    Produire en conventionnel

    Associés en coopérative dans le BrandenburgAvec ses douze associés, Holger Lampe dirige une exploi-tation agricole en mode coopératif.

    400 000 visiteurs ont pu découvrir la diversité des produits allemands et étrangers.

    Le lait est commercialisé sous la certification Demeter.

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    Holger Lampe a choisi de ne pass’assurer contre les aléas climatiques.

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    16 Agriculteurs de France - n° 227, janvier-février 2017

    Mixte d’aquaculture et d’hydroponie, l’aqua-ponie consiste à cultiver sous serre demanière autonome des légumes (tomates,

    salades, herbes aromatiques...) ou des fruits ensymbiose avec un élevage de poissons (carpes), lesdéjections de ceux-ci servant de nutriments auxlégumes. Ce projet lancé à l’origine sous forme destart-up et par la voie du crowdfunding, a bénéfi-cié d’un vif intérêt des médias. Il est devenu réalitéen 2015 avec la construction à Berlin par ECFFarmsystems de deux serres entièrement équipéeset contrôlées par informatique pour l’élevage despoissons et la culture des végétaux. L’investissementglobal (serres et informatique) d’1,5 million d’eurosa été financé par des banques et investisseurs tra-ditionnels. « Ce système permet de produire entre 70

    et 90 % du volume obtenu avec une méthode clas-sique, soit environ 30 tonnes de poissons et 30 à 35tonnes de légumes par an. Les poissons sont vendusvia la grande distribution, les légumes sur place oudans des magasins » explique Marie Schönau (direc-trice adjointe d’ECF Farmsystems Berlin). La pro-duction aquacole est continue toute l’année, maissaisonnière pour les légumes. Compte tenu ducoût de construction des serres à Berlin, le retour surinvestissement est prévu sur dix ans, mais il peutn’être que de trois ans lorsque l’infrastructure estdéjà présente. ECF Farmsystems entend développerencore plus largement ce modèle. Plusieurs autresprojets calqués sur l’exemple berlinois sont d’oreset déjà à l’étude en Albanie, en Australie, en Suisse,à Bruxelles et même à Paris. n

    La durabilité de l’agriculture en Allemagne etdans l’Union européenne fait aussi partie descentres d’intérêt de l’Organisation mondiale de

    protection de la nature, explique ce responsable deWWF Allemagne. Et à un moment où l’Europes’apprête à discuter d’une nouvelle PAC, WWFestime qu’il faut orienter les fonds européens demanière différente. « Nous constatons que nousavons face à nous une sévère crise environnemen-tale et plusieurs crises agricoles » explique-t-il. Et dedresser le panorama : diminution de la biodiversité,conséquences de l’utilisation des phytosanitaireset des engrais sur la qualité de l’eau douce ousalée, émissions de CO2... « Dans le même temps, enAllemagne, de plus en plus d’agriculteurs quittentleur ferme, les revenus sont insuffisants pour couvrirles coûts de production, les prix des terres conti-nuent d’augmenter, les jeunes ne peuvent ni ache-ter, ni louer, les éleveurs de porcs très performantstechniquement ont des prix très bas par rapport àleur coût de production... » fait-il remarquer. La solution pour WWF Allemagne passe doncpar une réorientation des fonds européens, en lienavec les demandes des associations environne-

    mentales. « Nousvoulons discuterde la façon dont l’argent de l’UE est investi. ChezWWF, nous estimons qu’il faut utiliser cet argentpour supprimer la crise écologique, et mettre enplace un système dans lequel les agriculteursgagnent plus à partir du marché et soient moinstributaires de la PAC. Cela impliquerait de réorien-ter les fonds pour protéger davantage la biodiver-sité, les sols et réduire les émissions de gaz à effetde serre. Sans aller jusqu’à encourager les gens àdevenir vegan ou végétarien, nous estimons que laproduction intensive de viande n’est pas bonnepour l’environnement. Il faut diminuer la concen-tration des élevages et réduire notre empreinteécologique en important moins de soja, même sil’on sait que cela aura un impact économiquenégatif en Amérique Latine » suggère-t-il. n

    Produire dans la ville

    Succès de l’aquaponie à BerlinSoucieux de disposer d’une agriculture de qualité produite au plus près deslieux de consommation, une équipe de jeunes berlinois a entrepris dedévelopper à grande échelle un projet d’aquaponie.

    Nature

    WWF propose de réorienterla PAC vers l’environnement« WWF ne s’occupe pas que de la vie sauvage ! »souligne avec humour Matthias Meissner.

    L’environnement : une préoccupationforte du Brandenburg

    Situé à l’Est de l’Allemagne,le land de Brandenburg amis en place des politiquesde protection de l’environ-nement fortes.Comme l’explique Jens-UweSchade, du ministère du Dé -veloppement rural, de l’En vi -ronnement et de l’Agri culture,le Brandenburg est un État trèsvert qui compte 6 millions depersonnes et 3 millions d’ha.Les sols souvent sableux serépartissent pour moitié entrel’agriculture et la forêt. Près de5 400 fermes d’une surfacemoyenne de 243 ha essentiel-lement loués occupent 39 000emplois. 25 % d’entre elles ontdes activités en lien avec letourisme, la vente directe, laproduction d’énergie en plusde l’agriculture. 754 fermes biod’une moyenne de 200 ha sontinstallées sur 10 % des terresarables et sont souvent diri-gées par de jeunes agriculteurs.En cinq ans, leur nombre a dou-blé. Au-delà de l’engouementpour ce type de production,l’explication réside peut-êtreaussi dans le programme misen place par le ministère del’agriculture du Brandenburgpour l’installation en bio dejeunes agriculteurs. Grosemployeurs de main-d’œuvre,ces exploitations contribuentaussi à maintenir une popula-tion dans ces territoires de plusen plus délaissés par les jeunesgénérations.

    Jens-Uwe Schade, du ministère du Développementrural, de l’Environnement et de

    l’Agriculture du Brandenburg.

    Matthias Meissner estchargé des questions

    relatives à la politiqueagricole européenne

    et à l’alimentationpour WWF Allemagne.

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  • Agriculteurs de France - n° 227, janvier-février 2017

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    Je ne peux pas leur dire comment sera l’ave-nir. En revanche, je peux leur apprendre àêtre des citoyens et à agir en tant que tel.

    Aujourd’hui, de plus en plus de gens ont besoinde savoir ce qu’ils achètent. Les agriculteurs sontdes fournisseurs de vie et aussi des fournisseursde la société. Il faut donc produire plus et mieux.Les consommateurs savent que si vous produisezde la viande avec un soja qui n’est pas durable,cela aura un effet sur quelqu’un plus tard. Ceciimplique de penser le système alimentaire de

    manière circulaire. On estime à 30 % la nour-riture qui est gaspillée. Dans l’avenir, il va falloirnon seulement penser à la production maisaussi à son utilisation. Si l’on intégrait parexemple les externalités (N.D.L.R. positives ounégatives) dans le coût de production d’un pro-duit alimentaire, il serait alors possible de com-parer au supermarché les produits et de se rendrecompte qu’un produit qui semble peu cher, l’estfinalement. L’agriculture bio est-elle la solution ?Un économiste répondrait qu’il n’est pas possible

    de nourrir toute lapopulation de laplanète en bio.Mais en même

    temps lorsque l’on sait qu’un tiers de la nour-riture est perdu, cela change le point de vue.Je pense que les fermes bio peuvent être éco-nomiquement viables. La part de marché desproduits bio augmente régulièrement enAllemagne. Et il ne faut pas négliger le poidsde consommateurs qui peuvent changer leurcomportement en matière d’achats alimen-taires et passer de “je ne veux pas achetercela” à “je n’achèterai pas cela”. » n

    Point de vue

    Apprendre aux jeunes générations à être citoyenEn matière d’agriculture durable, Marcel Robischon, professeurd’agronomie à l’Université d’Humbolt reconnaît humblement le rôlede son enseignement auprès de ses étudiants.

    Farm&Food 4.0

    Le numérique et le big data au service de l’agriculture et de l’alimentationLe 23 janvier 2017, s’est tenue à Berlin, en marge de la Semaine VerteInternationale, la seconde édition de la conférence Farm&Food 4.0.

    Au regard de la production agricole, lesintervenants de la conférenceFarm&Food 4.0 ont montré que les

    technologies du numérique et du big data ontdes champs d’application de plus en plusdivers. Elles donnent naissance à de nouveauxacteurs et requièrent des financements privésimportants, pour à la fois renforcer la produc-tivité agricole et en réduisant les consommationsd’intrants. Comme l’a déclaré, Werner Schwarz,vice-président de l’organisation des agricul-teurs allemands (DBV), ces technologiesouvrent un champ d’opportunités pour les pro-ducteurs vers une agriculture de précision etfondée sur la connaissance, permettant notam-ment de répondre aux aléas climatiques deplus en plus difficiles à anticiper, d’améliorer lebien-être des animaux, et de mieux répondreaux exigences de transparence des consom-mateurs pour leur alimentation. Pour Mark von Pentz, représentant la sociétéJohn Deere, qui est l’une des sociétés proposantdes solutions technologiques les plus aboutiesaux agriculteurs, les technologies du “smartfarming” (agriculture intelligente) visent à aug-menter les rendements tout en réduisant lesconsommations d’intrants (engrais et phytosa-

    nitaires), épandus selon lui de manière trèsinefficace actuellement, une grande part n’at-teignant pas sa cible. Pour Mark von Pentz, lescritères de l’agriculture moderne sont passés de« plus gros, plus vite, plus fort » à « plus simple,plus intelligent, plus précis » grâce au phéno-mène de digitalisation.Les technologies utilisées dans la productionagricole se diversifient pour répondre à la néces-saire progression de la productivité. RonMeeusen, directeur général de Cultivian Sandbox(entreprise américaine de capital-risque) a mon-tré comment, en quelques années, nous sommespassés des seules techniques traditionnellesd’amélioration de plantes et de chimie de syn-thèse et organique à d’autres technologies de lagénétique dont celles des OGM et de la géno-mique, celles du microbiome, de la robotique, lestechnologies permettant des applications deprécision, ou encore les nanotechnologies.En aval, le numérique permet de tracer finementles produits agroalimentaires et de répondreprécisément aux demandes des consommateursaux régimes alimentaires divers et fluctuants,alors même que le commerce électronique sedéveloppe. Michael Horsch, fondateur et direc-teur général de la société de machinisme agricole

    qui porte son nom, a notamment estimé qu’ilétait primordial pour l’amont agricole de prendreau sérieux les évolutions des demandes desconsommateurs vers moins de produits carnés,des régimes végétariens, voire vegans. Il s’agit detendances lourdes, pas seulement en Californie,mais également en Allemagne, a-t-il précisé. Les outils du numérique permettent d’affiner latraçabilité des produits agroalimentaires, a rap-pelé Stephan Tromp, directeur général d’IFS(société produisant des logiciels de gestiond’entreprise), pour une meilleure gestion desrisques. L’enjeu est que les différentes partiesprenantes de la chaîne d’approvisionnementparlent le même langage. n

    Marie-Cécile Damave, responsable innovations et marchés

    DOSSIER

    Marcel Robischon,Université Humbolt(Berlin), Facultéd’agronomie.

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    Les technologies utilisées dans la production agricole se diversifient pour répondre à la nécessaire progression de la productivité.

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  • ENTREPRISEAgr’iDébat

    A u même titre que la robotique, lenumérique et la génomique, labioéconomie fait partie des tech-nologies qui vont s’imposer dans l’envi-ronnement des agriculteurs dans les dixprochaines années(1). Pour autant, si l’ob-jectif de création de valeur à partir desmatières premières renouvelables estclairement établi, les moyens pour y par -venir diffèrent selon les pays.Venus de Finlande, d’Allemagne, d’Italie,de Grande-Bretagne et des Pays-Bas, lesintervenants de l’agr’iDébat organisé le27 février 2017 dans le cadre du SalonInternational du Machinisme Agricoleont pu témoigner de cette situation et

    comparer avec les stratégies française eteuropéenne. Celle-ci a été proposée dès2012 par la Commission européennesous l’angle de la durabilité et s’intitule :« Innover pour une croissance durable :une bioéconomie pour l’Europe ». Depuis,plusieurs États membres ont aussi adoptéleurs propres programmes de bioécono-mie et d’économie circulaire. La France travaille depuis 2015 à l’éla-boration de sa stratégie nationale bio -

    économie. Fruit de la concertation entrepouvoirs publics, professionnels et sociétécivile, elle a été présentée officiellementen Conseil des ministres le 18 janvier2017. Elle « permet d’intégrer dans unemême perspective toutes les politiquespubliques s’intéressant à la biomasse :projet agroécologique, initiative “4 pourmille”, plan énergie méthanisation auto-nomie azote, loi relative à la transitionénergétique pour la croissance verte,Nouvelle France Industrielle. La prioritéporte à la fois sur une mobilisation accrueet durable de la biomasse, qui préserve lesécosystèmes producteurs de matière pre-mière (respect de la biodiversité, des pay-sages, du taux de matière organique dessols) et sur une optimisation de l’utilisa-tion de la biomasse ainsi produite pourgarantir la capacité à répondre à desbesoins alimentaires et non alimentaires ».Les Pays-Bas ont choisi de baser leurstratégie nationale sur la recherche departenariats. « Au-delà des politiques, cesont les acteurs économiques qui sont àmême de construire la bioéconomie » asouligné Jan Van Esch, conseiller duministère de l’agriculture néerlandais etégalement membre du comité perma-nent européen pour la recherche SCAR(voir interview ci-contre). En Finlande, lapriorité a été donnée à la gestion desforêts dans une démarche de durabilitésociale et écologique. En Italie la stra-tégie nationale pour la bioéconomie viseà améliorer la productivité et la durabi-lité de produits de toute la chaîne devaleur alimentaire mais aussi à réindus-trialiser des zones économiques ou agri-coles en déclin. En Grande-Bretagne, la

    stratégie nationale qui devrait êtrepubliée d’ici fin 2017 sera développéeconjointement entre le gouvernementet l’industrie. « Notre stratégie se doitd’être durable. Il s’agit d’avoir un équi-libre dans notre environnement et lesagriculteurs en sont les maillons clés » asouligné Paul Henderson, responsablede la stratégie pour la bioéconomie duRoyaume Uni. L’Allemagne a été pré-curseur en matière de bioéconomie dansl’UE. Elle réalise 18 % du chiffre d’af-faires bioéconomie de l’UE. « Nous avonsune stratégie nationale mais qui nerepose pas sur des lois et ne peut doncêtre imposée. Nous essayons toutefoisd’informer sur les produits biosourcéset d’aider ceux qui les produisent à lesvendre » a précisé le représentant duministère allemand. Les autorités européennes ont décidéd’enclencher la révision de la Stratégieeuropéenne pour intégrer ces stratégiesnationales, et en particulier les dimen-sions agricoles, sociétales et de forma-tion. Elle contribuera à apporter davan-tage de visibilité aux industriels etpeut-être aussi de stabilité, comme l’asouhaité Claude Roy, président du Clubdes bioéconomistes, afin de développerune nouvelle ingénierie financière auservice de la bioéconomie. n

    (1) Par bioéconomie, on entend la productionet la transformation des matières premièresrenouvelables pour une économie biosourcée.Dans nos secteurs, cela comprend l’agricul-ture, la forêt, la pêche, leurs industries detransformations alimentaires et non alimen-taires et de nombreux produits finis à usagealimentaire ou non.

    18 Agriculteurs de France - n° 227, janvier-février 2017

    L’agriculteur, maillon fort de la bioéconomieSaf agr’iDées a organisé le 27 février 2017un débat sur le thème « l’agriculteur,maillon fort de la bioéconomie » qui a per-mis de mettre en évidence, devant un publicnombreux, les interactions entre l’agri -culture et la bioéconomie en France et dansplusieurs pays d’Europe.

    Isabelle Delourme

    Une stratégie nationale française

    Pour aller plus loinRetrouvez les points clés de cette conférence ainsi qu’unesynthèse comparative des stratégies de la Commissioneuropéenne et de cinq États membres sur le site internetde saf agr’iDées : www.safagridees.com/publica-tion/points-cles-agridebat-lagriculteur-maillon-fort-de-la-bioeconomie-du-27022017.

    Les participants de l’agr’iDébat (de gauche à droite) : Satu-Marja Tenhiala (Finlande), Fabio Fava (Italie), Tilman Schachtsiek (Allemagne), Jan Van Esch, (Pays-Bas), Claude Roy,

    (France), Paul Henderson (Grande-Bretagne), Marie-Cécile Damave (Saf agr’iDées).

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  • FORUMInterview

    19Agriculteurs de France - n° 227, janvier-février 2017

    TROIS QUESTIONS À...

    Jan Van Esch sur la bioéconomieJan Van Esch a participé à l’agr’iDébat organisé par saf agr’iDées le 27 février 2017 sur le thème« l’agriculteur, maillon fort de la bioéconomie (voir page 18). Il a accepté de répondre à nos questions.

    Propos recueillis par Isabelle Delourme

    AGRICULTEURS DE FRANCE : Vous êtes coprésident du groupede travail bioéconomie de SCAR. Comment travaillez-vousà l’échelle des 28 États membres ? JAN VAN ESCH : Le comité consultatif sur l’agriculture et larecherche auprès de la Commission européenne (SCAR) a étécréé en 1974. Il joue un rôle important dans le couplage dela recherche et de l’innovation et dans l’élimination desobstacles à l’innovation. Il vise à faciliter la collaboration entreles secteurs public-public et public-privé dans l’innovationdans le domaine de la bioéconomie. Cela revêt une impor-tance particulière pour la nouvelle approche axée sur lacroissance du programme horizon 2020. Il y a un an, nousavons eu une discussion sur le savoir et la stratégie et pas seu-lement l’innovation ou la recherche, qui nous permis demettre en évidence que pour développer la bioéconomie, ilfallait introduire un mode de fonctionnement et de régula-tion différent. Il est important de relier la recherche à l’in-dustrie, à l’image par exemple de ce qui s’est fait en France,avec la bioraffinerie de Bazancourt-Pomacle, le complexeagro-industriel intégré à la sucrerie.

    AGRICULTEURS DE FRANCE : Comment peut s’articuler la stra-tégie pour la bioéconomie avec les autres stratégies euro-péennes ?J. V. E. : Il est très important d’obtenir une synergie entre labioéconomie et les autres stratégies européennes en matièred’agriculture, d’économie circulaire, d’innovation ou encored’alimentation. En interagissant, elles sont plus efficaces.C’est notamment le cas pour le secteur forestier car la bioé-conomie est une grande utilisatrice de biomasse. Par rapportà la Politique agricole commune (PAC), la bioéconomie, encréant d’autres débouchés que l’alimentaire, peut contribuerà moins exposer les agriculteurs au risque. Elle est un facteurde stabilisation des marchés et leur offre des possibilités de créa-tion de valeur. En captant le carbone, en utilisant du biofuel,en ayant un meilleur usage des matériaux renouvelables,l’agriculture peut aussi aider à lutter contre le changement cli-matique. L’innovation et la recherche sont fondamentales.Des fonds spécifiques avaient été attribués dans le second pilierde la PAC pour l’innovation, notamment dans le cadre duPartenariat européen pour l’innovation. J’espère fortementque dans la prochaine PAC, ces fonds soient augmentés et qu’ilspourront être utilisés en mode bottom-up (initiatives de terrain).Plus économique, mais très efficace, ce mode opératoire per-met de définir le problème, d’examiner comment il est possiblede le changer et les moyens à mettre en œuvre.

    AGRICULTEURS DE FRANCE : Comment fonctionne la Stratégienéerlandaise pour la bioéconomie ? J. V. E. : La stratégie néerlandaise pour la bioéconomiedépend de la politique du ministère de l’Alimentation. Celle-ci est axée sur l’obtention d’une nourriture et d’un environ-nement sain. Aux Pays-Bas, il y a actuellement un pro-gramme d’innovation pour les produits biosourcés (plastiques,peintures...) qui sont une source de valeur ajoutée pour lepays. Ce programme est connecté avec l’agriculture et faitl’objet de nombreuses recherches scientifiques, sur le moded’approche dite du « diamant néerlandais » ou « DutchDiamond ». Nous travaillons le plus possible de cette manière,même si ce n’est pas forcément facile. Elle repose sur une poli-tique de partenariat public-privé entre le gouvernement, le sec-teur privé, les organismes de recherche et la société civile. AuxPays-Bas, nous estimons que pour promouvoir quelque choseil faut se demander si tous les interlocuteurs ont le même pointde vue. Cette confiance nécessaire des uns envers les autres,permet ensuite de travailler à résoudre le problème et de tracerune feuille de route. n

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    Jan Van Esch est coprésidentdu groupe de travail bioéconomiedu comité permanent consultatif sur l’agriculture et la recherche(SCAR) de la Commission européenne,et conseiller pour la stratégie et la recherche sur la bioéconomie auministère de l’Économie des Pays-Bas.

  • Dans mon premier ouvrage : Agro numéricus internet estdans le pré, j’ai voulu montrer comment le numériqueentrait dans l’agriculture que ce soit dans la gestion desexploitations, la technique, la communication ou encore leconseil et la formation. Dans ce deuxième essai, Agroécono -micus – manifeste pour une agriculture collabor’active, jeveux me projeter dans l’avenir pour esquisser comment l’agri-culture va devoir entrer dans l’ère du numérique.Beaucoup s’accordent à penser que nous sommes à unebifurcation de civilisation comme l’humanité n’en a peuconnu. Le monde est engagé dans toute une série de muta-tions extrêmement profondes, si profondes qu’elles remettenten question tout notre modèle sociétal patiem-ment édifié depuis près de deux siècles.

    L’agriculture n’échappe pas à ces changements, elle en estpeut-être même un des prémices ?L’agriculture qui est la seule réponse aux besoins alimentairesdes populations sédentarisées de plus en plus citadines, a

    vocation à devenir également une solution pour l’environ-nement. Transformer un problème en opportunité pour satis-faire un besoin, tel est le challenge qui s’ouvre à nous !Comment relever ensemble cet immense défi du XXIe siècle :produire plus et substituer les ressources renouvelables en dis-posant de moins, d’eau, d’énergie, d’intrants... et de terres

    arables ? Comment affronter le réchauffement de la planète et labaisse de la biodiversité ? Comment offrir aux agricul-teurs des outils pour améliorer leurs performances,réduire la pénibilité du travail, faciliter leurs échanges,

    en leur octroyant un revenu décent ?Les opportunités qui se présentent à la filière agroalimen-taire sont nombreuses alors que celle-ci connaît une suc-

    cession de crises toutes aussi préoccupantes les unes que lesautres. Crises économiques, crises de sens, crises deconfiances se succèdent et sont inquiétantes. Néan moins,l’augmentation de la population mondiale, le vent d’inno-

    vation qui chaque jour ouvre de nouvelles portes, lespossibilités nouvelles de créer du lien, nous ouvrent le

    champ du possible comme jamais nous n’avons pule faire auparavant.

    La vulgarisation du numérique nous faitamorcer un virage vers une nouvelle

    forme d’économie ou les plateformesd’intermédiations revoient la

    ENTREPRISE

    Agriculteurs de France - n° 227, janvier-février 201720

    Numérique

    HERVÉ PILLAUD :

    « Essayons de rêver l’avenir »Passionné par le numérique, Hervé Pillaud a choisi d’expliquer au plus grand nombre comment lesnouveaux outils, une fois compris et adoptés, peuvent construire une agriculture viable, vivable et durable.

    Hervé Pillaud, agriculteur, vice-président de la FDSEA de Vendée

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    Dans son deuxième ouvrage qu’il vient de publier, Hervé Pillaud, agriculteur et passionné du numérique imaginel’entrée de l’agriculture dans l’ère du numérique, via les plateformes,les blockchains et l’économie collaborative.

    Une nouvelleforme d’économie

  • 21Agriculteurs de France - n° 227, janvier-février 2017

    répartition de la valeur entre le capital et le travail. Leslignes sont revues, de nouveaux biens communs sont entrain de s’inventer. Grâce à internet, le monde est devenu unvillage. Les réseaux sociaux sont présents quasiment partoutsur la surface du globe et les possibilités de communiquer sontimmenses. Le besoin de transparence et de confiance sedéveloppe. Les enjeux qui entourent l’alimentation sont aucœur de bien des préoccupations. Tout le monde s’interroge :le producteur pour son avenir, le consommateur qui ignoretout ou presque de ce qu’il a dans son assiette, le citoyen surle devenir de la planète, le bien-être des animaux, l’envi-ronnement...Plateformisation, blockchain, économie collaborative vontcontribuer à nous faire passer d’une agriculture intensive enutilisation d’intrants à une agriculture intensive en utilisationde connaissances, mais ce sont les hommes qui feront la dif-férence. Nous allons assister au retour de l’humain dansl’écosystème numérique avec de réelles opportunités dechoix, de partage, de liberté d’achat et de vente, de travailindépendant, de développement de la créativité collective.Nous sommes à la croisée des chemins, essayons de rêverl’avenir, de nous projeter dans 20 ans et d’imaginer ce quesera le monde et l’agriculture à ce moment-là.En 2016 nous sommes à la croisée des chemins, l’espoir semêlant à la crainte ; nous savons que beaucoup de chosesvont changer, tous les éléments sont là, ils commencent à des-siner un monde nouveau. Les rapports de force qui avaientforgé la vie des sociétés depuis des millénaires font place àdes rapports de flux qui commencent à se mettre en place.L’agriculture n’a pas encore véritablement pris le pli de ceschangements, c’est dans les 20 ans qui viennent, qu’elle vavivre sa seconde révolution.

    La première révolution s’est mise véritablement en mouvementdans les années 1960, mais elle trouve ses origines au cœurde la révolution industrielle qui fit migrer beaucoup de gensde la terre vers les villes tout au long du XXe siècle.La seconde révolution épousera celle d’une société qui secherche, qui s’interroge, mais qui est en passe de passer d’unmode d’organisation pyramidal, en silo et hiérarchique àune organisation plus horizontale et collaborative. Sans quenous ne sachions véritablement l’entendre, cette organisationqui se dessine nous fait des appels du pied répétés pourconstruire ensemble une société nouvelle.Le monde agricole depuis Méline mais surtout depuis 1960est très organisé. Son organisation est très liée dans sastructure à l’organisation politique et administrative des ter-ritoires. La vie politique est elle-même en mutation et subit

    une crise de confiance de plus en plus prégnante que ce soiten France ou dans les autres pays occidentaux. L’organisation de l’agriculture de 1960 à 1990, qui resterontles années de développement et du passage de l’autarcie àl’économie, s’est faite sans le savoir sur le mode collabora-tif qui tend à se développer dans le reste de la société de puisquelques années grâce aux nouvelles technologies.Depuis 1990 (et la PAC de 1992) l’agriculture, ballottéeentre libéralisme et réglementations environnementales deplus en plus drastiques, est entrée dans une phase de suradministration conduisant à une réelle décroissance etune paupérisation des agriculteurs sans véritablement donnerde résultats, que ce soit en matière environnementale ou économique.Dans une société urbanisée qui a perdu le pied avec la réa-lité de l’agriculture, les questions sont nombreuses. Néan moinsdes opportunités existent, il faut les appréhender, en saisir lesenjeux ; les besoins liés à l’alimentation sont multiples. Ilconvient de reconstruire ensemble une agriculture qui sera par-tie prenante de la société de demain. La plateformisation, lablockchain, les réseaux collaboratifs que nous voyons fleurirpartout vont nous y aider. Ce sont les hommes qui feront ladifférence. Joël de Rosnay dans la conclusion de la préface dulivre de Blockchain France La blockchain décryptée : les clésd’une révolution nous dit : « On a prédit la prise de pouvoirdes robots supprimant et remplaçant les cols blancs après celuides cols bleus. Avec la blockchain, on va assister au retour del’humain dans l’écosystème numérique avec de réelles oppor-tunités de choix, de partage, de liberté d’achat et de vente,de travail indépendant, avec en même temps la catalyse et ledéveloppement de la créativité collective ».Nous devons pour cela, chercher à comprendre ces nou-veaux outils pour ne pas se laisser déborder, puis les adop-ter en mettant en mouvement toutes les forces nécessairesconduisant à une agriculture viable, vivable et durable. n

    Hervé Pillaud, Agroéconomicus –Manifeste d’agriculturecollabor’active, Éditions France Agricole, 215 pages, février 2017.

    Une créativitécollective

  • ENTREPRISEFoncier

    L’émoi est à son comble. Seraient en jeu, ni plus, ni moins,la lutte contre la spéculation foncière, la défense de la sou-veraineté alimentaire du pays, la protection de l’environ-nement de la planète, ou encore la sauvegarde du modèle fran-çais de l’exploitation familiale…Pourtant, le phénomène d’acquisition des terres par desétrangers reste difficile à quantifier. Selon une étude récente(BNP Paribas Wealth Management – Agrifrance, 2017), il

    représenterait moins de 1 % des transactions en valeurcomme en surface et demeure sans commune mesure avecl’acquisition par ces mêmes Français de terres à l’étrangernotamment en Afrique... Décidément, le diable a l’art de secacher dans les détails.Le droit est avant tout un outil au service d’une politique, etle juriste a le souci de son efficacité. Avant d’agir, le législa-teur serait bien avisé de clarifier ses objectifs.

    Au-delà de l’écume médiatico-politique, un consensuspourrait voir le jour : éviter qu’une personne morale (ouphysique...), de nationalité étrangère (ou française...),vienne accaparer (et non pas investir...), du capital fon-cier (ameubli ou non sous forme de parts de société...),ou du capital d’exploitation (détenu ou non sousforme de parts de société...), pour imposer une acti-vité agricole (par l’entremise de salariés ou d’entreprisesà façon...), non respectueuse de l’environnement, etdont les produits agricoles (pas nécessairementdurables) ne seraient pas consommés sur place (tota-lement ou partiellement).

    Est-ce que l’extension du droit de préemption de laSafer sur les parts de société dont l’objet est la propriétéou l’exploitation constitue le bon levier juridique ?La réponse pourrait être positive si le législateurréformait le statut des Safer (établissement publicplutôt que société anonyme), réorientait ses missions(contrôle de l’activité agricole et non pas de la pro-priété), clarifiait le financement de son action (recettesfiscales pour éviter des pratiques de marchands debiens), explicitait son rôle exact en tant qu’associé ausein de sociétés agricoles (durée, choix du rétroces-sionnaire...), offrait des garanties importantes auxacquéreurs évincés pour contrôler cette nouvelleaction publique. En attendant une telle remise à plat, le bon sens, plu-tôt que d’utiliser l’arme la plus brutale qui existe dansl’arsenal juridique – la préemption – ne serait-il pasde songer à mettre en place un agrément adminis-

    22 Agriculteurs de France - n° 227, janvier-février 2017

    Le permis d’exploiter, une solution pour distinguer l’investissement de l’accaparement ?Après l’achat de 1 700 hectares de terres agricoles dans l’Indre par des Chinois, l’arrivée d’un américainen Bourgogne, sur Corton, fait frémir un peu plus les descendants de Charlemagne.

    Hubert Bosse-Platière

    Un agrémentadministratif

    « Pourquoi ne pas songerà mettre en place un

    agrément administratifpréalable pour

    toute acquisition de partsou actions de sociétés

    dont l’objet est la propriétéou l’exploitation » suggère

    Hubert Bosse-Platière,professeur de droit privé àl’Université de Bourgogne,

    codirecteur scientifiquede la Revue de droit rural et

    du Jurisclasseur de droitrural et président de l’AFDR,

    section Bourgogne –Franche-Comté.

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  • tratif préalable pour toutes acquisitions de parts ou actionsde sociétés dont l’objet est la propriété ou l’exploitation ? Le candidat devrait montrer patte blanche : expliquer le mon-tant de la transaction, comment il souhaite exploiter, avecquelles personnes, de manière à respecter les exploitantséventuellement en place, quels types d’activités il souhaite déve-lopper et quels marchés il escompte conquérir. Car à supposer, que l’investisseur, français ou étranger,vienne non pas accaparer des terres à un prix prohibitif maisinvestir pour sauvegarder une exploitation familiale car lerachat du foncier par le fils aîné fait peser un risque écono-mique pour la pérennité de l’entreprise, faudra-t-il faire pesersur la transaction l’épée de Damoclès que constitue la pré-emption ? Pourquoi brandir le spectre d’une forme d’expro-

    priation à des fins privées qui soulève d’inextricablesquestionnements juridiques alors qu’un simple contrôleadministratif pourrait suffire ?Cet agrément administratif préalable à la cessionpourrait être délivré par le préfet de région, à l’ins-tar de l’autorisation administrative d’exploiter dontelle se différencierait en raison de son objet. Afin dene pas alourdir inutilement les autres mutations detitres, il conviendrait de limiter cet agrément auxacquisitions qui confèrent à l’acquéreur le contrôle dela société(1). Resterait à envisager un système desanctions graduées en cas de non-respect des enga-gements pris par le cessionnaire (sanctions écono-miques ou financières). n

    (1) Il faudrait parler de contrôle direct ou indirect. Ce sont des notions bien connues. Celle de contrôle indirect permettrait de tenir compte des participationsdétenues via des sociétés interposées. Il existe une définition du contrôle d’une société dans le code de commerce, art. L233-3 :« I. – Toute personne, physique ou morale, est considérée, pour l’application des sections 2 et 4 du présent chapitre, comme en contrôlant une autre :1° Lorsqu’elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales decette société ;2° Lorsqu’elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d’un accord conclu avec d’autres associés ou actionnaires et qui n’estpas contraire à l’intérêt de la société ;3° Lorsqu’elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société ;4° Lorsqu’elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d’adminis-tration, de direction ou de surveillance de cette société.II. – Elle est présumée exercer ce contrôle lorsqu’elle dispose directement ou indirectement, d’une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu�