Cours 4 - Périodes babyloniennes et kassites · 2016. 3. 21. · et qui est particulièrement...

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A la découverte de l’Histoire Cours d’Histoire 2013/2014. G. Durand 1 HISTOIRE DE LA MESOPOTAMIE COURS 4 : LES PERIODES BABYLONIENNES ET KASSITES (env.1600-1000 av. J-C.) Babylone, qui doit à son prestige un passé légendaire et une étymologie « populaire » (Babylone, Porte du dieu), avait une réalité politique. Elle apparaît brusquement comme une grande ville, et, de 1894 à 301 environ avant J.-C., des Amorrites aux Macédoniens, des conquérants étrangers la choisissent comme capitale, y fondent des dynasties et construisent là forteresses, murailles, palais et temples, avec des dimensions toujours plus imposantes. Centre intellectuel de l'Orient, elle est, par excellence, la ville des scribes employant l'écriture cunéiforme pour des buts nobles : écrivant en sumérien ou en akkadien, ils composent ou copient des oeuvres liturgiques, « scientifiques » et littéraires. Une forte valeur symbolique est liée à cette grande capitale qui, avec ses monuments, a impressionné le peuple de la Bible. Déjà, un récit de la Genèse y avait situé la tour de Babel, symbole de l'orgueil humain. Plus tard, les Prophètes annoncent que les rois de Juda, infidèles à Dieu, seront châtiés par le souverain de Babylone ; mais, lorsque ce dernier a profané le Temple de Jérusalem, les porte- paroles de Dieu déclarent que Babylone sera châtiée, et font d'elle la Grande Prostituée, symbole du mal (ainsi l'Apocalypse appellera Rome « Babylone la Grande »). Cessant d'être une capitale (301 env. av. J.-C.), Babylone est abandonnée par sa population au début de notre ère. Recherchée par les voyageurs du Moyen Âge et des Temps modernes, elle est fouillée à partir de 1899. Les tablettes et les monuments de la dynastie chaldéenne (626-539) – comme le palais d'Été ou la porte d'Ishtar – sont dégagés. Mais la remontée de la nappe phréatique interdit l'accès aux couches plus profondes. La Babylone de Hammourabi se dérobe encore. LES ORIGINES Les Anciens expliquaient le nom antique de Babylone (Babilou) comme signifiant Porte du dieu (bab-ili, en akkadien). Les Modernes ne voient là qu'une étymologie populaire et rejettent toute parenté de babilou avec l'akkadien ou le sumérien ; le mot appartiendrait à une langue fort ancienne, encore inconnue. Et bien plus, une bonne partie de l'histoire de la cité nous échappe. Babylone est restée longtemps une petite ville ; par ailleurs, la remontée de la nappe phréatique jusqu'aux couches du IIe millénaire nous prive d'une masse de documents locaux. Les premières mentions sûres faites de Babylone datent de la IIIe dynastie d'Our. LA PREMIERE DYNASTIE DE BABYLONE (OU EPOQUE PALEO- BABYLONIENNE) (1894-1595) La Ire dynastie de Babylone est aussi appelée la dynastie amorrite, car elle est fondée par un de ces Sémites qui parcourent la steppe pastorale de l'Amourrou (l'Ouest en langue sémitique). La basse Mésopotamie a subi, vers la fin du xxe siècle, une nouvelle invasion de ces groupes nomades, et un de leurs chefs, Sou-aboum (1894-1881), s'installe à Babylone où il prend le titre royal. Sa famille, qui régnera là pendant trois siècles, et sa tribu se laissent très vite assimiler par les citadins dont ils adoptent la vie sédentaire, le parler sémitique (le babylonien, variante locale de l'akkadien) et les cultes.

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  • A la découverte de l’Histoire

    Cours d’Histoire 2013/2014. G. Durand

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    HISTOIRE DE LA MESOPOTAMIE

    COURS 4 : LES PERIODES BABYLONIENNES ET KASSITES (env.1600-1000 av. J-C.)

    Babylone, qui doit à son prestige un passé légendaire et une étymologie « populaire » (Babylone, Porte du dieu), avait une réalité politique. Elle apparaît brusquement comme une grande ville, et, de 1894 à 301 environ avant J.-C., des Amorrites aux Macédoniens, des conquérants étrangers la choisissent comme capitale, y fondent des dynasties et construisent là forteresses, murailles, palais et temples, avec des dimensions toujours plus imposantes. Centre intellectuel de l'Orient, elle est, par excellence, la ville des scribes employant l'écriture cunéiforme pour des buts nobles : écrivant en sumérien ou en akkadien, ils composent ou copient des œuvres liturgiques, « scientifiques » et littéraires. Une forte valeur symbolique est liée à cette grande capitale qui, avec ses monuments, a impressionné le peuple de la Bible. Déjà, un récit de la Genèse y avait situé la tour de Babel, symbole de l'orgueil humain. Plus tard, les Prophètes annoncent que les rois de Juda, infidèles à Dieu, seront châtiés par le souverain de Babylone ; mais, lorsque ce dernier a profané le Temple de Jérusalem, les porte-paroles de Dieu déclarent que Babylone sera châtiée, et font d'elle la Grande Prostituée, symbole du mal (ainsi l'Apocalypse appellera Rome « Babylone la Grande »). Cessant d'être une capitale (301 env. av. J.-C.), Babylone est abandonnée par sa population au début de notre ère. Recherchée par les voyageurs du Moyen Âge et des Temps modernes, elle est fouillée à partir de 1899. Les tablettes et les monuments de la dynastie chaldéenne (626-539) – comme le palais d'Été ou la porte d'Ishtar – sont dégagés. Mais la remontée de la nappe phréatique interdit l'accès aux couches plus profondes. La Babylone de Hammourabi se dérobe encore. LES ORIGINES Les Anciens expliquaient le nom antique de Babylone (Babilou) comme signifiant Porte du dieu (bab-ili, en akkadien). Les Modernes ne voient là qu'une étymologie populaire et rejettent toute parenté de babilou avec l'akkadien ou le sumérien ; le mot appartiendrait à une langue fort ancienne, encore inconnue. Et bien plus, une bonne partie de l'histoire de la cité nous échappe. Babylone est restée longtemps une petite ville ; par ailleurs, la remontée de la nappe phréatique jusqu'aux couches du IIe millénaire nous prive d'une masse de documents locaux. Les premières mentions sûres faites de Babylone datent de la IIIe dynastie d'Our. LA PREMIERE DYNASTIE DE BABYLONE (OU EPOQUE PALEO-BABYLONIENNE) (1894-1595) La Ire dynastie de Babylone est aussi appelée la dynastie amorrite, car elle est fondée par un de ces Sémites qui parcourent la steppe pastorale de l'Amourrou (l'Ouest en langue sémitique). La basse Mésopotamie a subi, vers la fin du xxe siècle, une nouvelle invasion de ces groupes nomades, et un de leurs chefs, Sou-aboum (1894-1881), s'installe à Babylone où il prend le titre royal. Sa famille, qui régnera là pendant trois siècles, et sa tribu se laissent très vite assimiler par les citadins dont ils adoptent la vie sédentaire, le parler sémitique (le babylonien, variante locale de l'akkadien) et les cultes.

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    La nouvelle « ville de royauté » rivalise bientôt avec celles d'Isin et de Larsa (en Sumer), qui prétendaient prolonger l'empire des rois d'Our, disparu depuis 2002. Mais la basse Mésopotamie, partagée entre trois royaumes et une douzaine de principautés, connaît longtemps des luttes mesquines, au cours desquelles la suzeraineté passe rapidement d'un État à l'autre. Les premiers rois de Babylone se distinguent par de nombreux travaux, fortifications, canaux, temples (connus seulement par les inscriptions) ; c'est le signe de l'enrichissement de leur cité, qui exploite un riche terroir et dont les notables pratiquent le prêt et le grand commerce. Puis des royaumes étrangers à la région, Eshnounna, Assour, Mari, l'Élam, tentent d'imposer leur suzeraineté en basse Mésopotamie ; Babylone est un moment vassale de Shamshi-Adad Ier (1813 env.-1783), qui possède déjà, d'Assour à Mari, toute la haute Mésopotamie, mais la situation est complètement renversée au cours du règne du Babylonien Hammourabi. L'abondance des textes administratifs datés de son règne et retrouvés à Sippar, Nippour, Larsa, ainsi que le caractère unique du Code qui porte son nom ont entraîné les historiens à exagérer les talents et les réalisations de ce roi, qui a surtout eu le mérite de savoir attendre son heure. Il écrase alors ses adversaires épuisés par des guerres incohérentes, annexe toute une série de « villes de royauté » (Larsa, 1763 ; Mari, 1759 ; Eshnounna, 1755) et aide Ishmé-Dagan Ier, héritier de Shamshi-Adad Ier, à récupérer sa cité d'Assour, occupée par les Soubaréens (princes du nord-est de la Mésopotamie). Hammourabi se retrouve maître d'un empire qui comprend toute la basse Mésopotamie et une partie de la haute Mésopotamie ; mais, sur ce territoire plus petit que celui où régnait la IIIe dynastie d'Our, il ne reste plus de dynastie locale, et les villes sont administrées par des fidèles du roi, qui les surveille étroitement. C'est là d'ailleurs une construction éphémère, terminée seulement à la fin du règne de Hammourabi et qui ne survit pas à son fondateur. En effet, si Babylone est maintenant la première ville du Proche-Orient par son activité, sa richesse et sans doute déjà par son activité intellectuelle, les autres cités de basse Mésopotamie, qui se souviennent de leur passé glorieux, n'ont pas renoncé à recouvrer leur indépendance. Samsou-ilouna (1749-1712), fils et successeur de Hammourabi, doit faire face aux révoltes des villes et des tribus, et, finalement, une partie de Sumer lui échappe et reconnaît une dynastie dite du Pays de la Mer (la région d'accès difficile, aux bouches de l'Euphrate et du Tigre), qui durera plus longtemps (1735 env.-1530) que celle des Amorrites. En outre, l'héritier du grand roi a, dès 1740, subi le choc des Kassites (un peuple à moitié barbare sorti du Zagros central) ; ces envahisseurs n'ont pu atteindre la basse Mésopotamie, mais une partie s'est installée, sous une dynastie nationale fondée en 1735, au voisinage de la Babylonie, peut-être dans la région de Hana, sur l'Euphrate moyen. Les derniers successeurs de Hammourabi règnent sur un territoire réduit, mais sans difficultés supplémentaires jusqu'à l'attaque du roi hittite Mursili Ier, qui prend et pille Babylone et met fin à la dynastie amorrite dont le dernier représentant doit avoir péri lors de sa défaite (1595). LA DYNASTIE KASSITE A BABYLONE (OU PERIODE MEDIO-BABYLONIENNE) (1595 ENV.-1153) Tandis que l'armée hittite se retire avec son butin dans la lointaine Anatolie, le roi du Pays de la Mer accapare une partie du domaine babylonien, mais la capitale est occupée presque

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    aussitôt, semble-t-il, par les Kassites. On sait que la dynastie de ce peuple dure cinq cent soixante-seize ans (chiffre conventionnel), de sa fondation (1735 env.), en un lieu encore inconnu, à sa ruine par l'Élam (1150 env.), mais l'histoire de ses rois nous échappe presque complètement jusqu'au xive siècle. Agoum II ramène en 1571 dans leurs temples de Babylone les statues de Mardouk, le dieu de la ville, et de son épouse divine Tsarpanitoum, enlevées par les Hittites ; ses titres, « roi du vaste pays de Babylone, du pays des Kassites » et d'un certain nombre de peuples du Zagros central, indiquent un empire basé à la fois sur la montagne et sur la plaine. Vers 1530, le royaume kassite annexe le Pays de la Mer, dont la dynastie s'est éteinte. On peut dès lors donner à la basse Mésopotamie le nom de Babylonie, car aucune cité de Sumer (le Sud) ou d'Akkad (le Nord) ne viendra plus rompre l'unité de ce pays en contestant la prédominance de la capitale. Ayant définitivement éclipsé les vieux centres de la culture sumérienne, la capitale les remplace à la tête du mouvement intellectuel mésopotamien, plus dynamique que jamais ; son influence s'étend à la majeure partie du Proche-Orient et surtout à l'Assyrie dont les scribes se mettent à l'école de leurs voisins du Sud. Les lettrés de Babylone constituent peu à peu les grandes collections de textes religieux, littéraires, divinatoires et scientifiques (lexiques, problèmes d'arithmétique, recettes médicales et pharmaceutiques) ; ils traduisent les œuvres sumériennes, d'interprétation difficile, en babylonien. D'autres scribes continuent à tenir la comptabilité du palais et des temples et à rédiger les innombrables contrats des milieux d'affaires.

    La situation politique au Moyen-Orient au début de la période couverte par les Lettres

    d'Amarna, première moitié du XIVe siècle av. J.-C. La faiblesse du pouvoir royal à cette époque nous est révélée par les textes des koudourrou (stèles qui, suivant un usage traditionnel en Mésopotamie, placent sous la protection des dieux

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    les donations de terre et les immunités accordées par les souverains). En outre, les relations accrues avec les grands États du Proche-Orient amènent les scribes, qui sont chargés également de la correspondance avec les cours étrangères, à faire désormais œuvre d'historiens en rédigeant des chroniques qui manifestent une impartialité inconnue dans les autres pays ; peut-être est-ce là l'indice de l'indifférence éprouvée par le personnel des temples des grands dieux à l'égard de ce pouvoir éphémère qu'est la royauté humaine. À partir des Lettres d'Amarna (archives diplomatiques égyptiennes de la première moitié du xive siècle retrouvées sur ce site qui fut celui du palais d'Akhenaton), on voit se développer l'hostilité des rois de Babylone à l'égard de l'Assyrie qui, disent-ils, avait été leur vassale et tend à devenir une puissance. La dynastie kassite, qui doit un moment accepter la protection de l'Assyrien Assourouballith Ier (1365-1330), se ressaisit, et Kourigalzou II (1346-env. 1325) conquiert l'Élam ; mais ce pays, se réunifiant à la fin du xive siècle, échappe à la domination babylonienne.

    Une lettre de la correspondance diplomatique entre Burna-Buriash II et le pharaon

    Nibhurrereya (Toutânkhamon ?) retrouvée à Tell el-Amarna (EA 9).

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    Fragment de tablette de la Chronique P, relatant les conflits entre les rois kassites et assyriens

    C'est le début d'un conflit chronique qui oppose les trois royaumes (Assour, Babylone, Élam) et qui est particulièrement acharné entre l'Assyrie et la Babylonie. Longtemps, ces deux États se disputent le pays à l'est du Tigre qui permet de contrôler les caravanes venant d'Iran. Puis l'équilibre est rompu avec l'Assyrien Toukoulti-Ninourta Ier (1245-1208) qui bat et fait prisonnier le Kassite Kashtiliash IV et se proclame roi de Sumer et d'Akkad, roi de Babylone, roi de Kardouniash (nouveau nom de la Babylonie). Mais la domination assyrienne provoque un soulèvement de l'aristocratie locale, qui rétablit la dynastie kassite en la personne d'Adadshouma-outsour (1217-1187). Celui-ci chasse définitivement les envahisseurs (1203) et, profitant de l'anarchie qui sévit en Assyrie, la vassalise un moment. Un roi assyrien qui avait attaqué Adad-shouma-outsour est vaincu par le Babylonien et livré au vainqueur par les Grands de l'Assyrie (1193). Mais c'est l'attaque de l'Assyrien Assourdan Ier (1156) qui affaiblit la dynastie kassite au point de la laisser sans défense devant les Élamites venus piller les riches cités de Mésopotamie. L'avant-dernier roi kassite est emmené captif en Élam (1153), ainsi que les grands de son peuple et les ex-voto des temples babyloniens que les archéologues français retrouveront à Suse au début du xxe siècle.

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    Kudurru rapportant la donation de terres par le roi kassite Meli-Shipak à sa fille

    Hunnubat-Nanaya, XIIe siècle, Musée du Louvre. L'EPOPEE DE MARDOUK ET DE NABUCHODONOSOR IER (XIIE S.) Un certain nombre de Kassites sont restés en basse Mésopotamie, et ils joueront encore un rôle important dans la société et l'armée babyloniennes. Mais, après 1153, la royauté passe à des rois de langue sémitique. C'est d'abord la dynastie d'Isin (en Sumer), qui a pris la tête d'un soulèvement national contre les Élamites qui tentaient de se maintenir dans leur conquête.

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    Le « Caillou Michaux », kudurru de la IIe dynastie d'Isin commémorant l'attribution d'une dot par un père à sa fille, Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale de

    France. Après son installation à Babylone, elle reprend la politique traditionnelle en essayant de vassaliser le royaume assyrien et parvient à se faire restituer (1134) les statues de Mardouk et de Tsarpanitoum enlevées par Toukoulti-Ninourta Ier en 1203. Mais à peine ces idoles ont-elles réintégré leurs sanctuaires qu'elles sont enlevées par un nouveau raid des Élamites (1129). Nabuchodonosor Ier (1124-1103), troisième roi de la dynastie d'Isin, est un grand guerrier : il fait campagne dans le Zagros central et en Assyrie, dont il assiège même la capitale ; surtout, il met en déroute le roi d'Élam et, après avoir pillé le pays vaincu, il ramène à Babylone les statues du couple divin. Cette revanche éclatante – l'Élam tombe alors dans une anarchie qui durera quatre siècles – vaut au vainqueur une réputation de héros. Les scribes exaltent également Mardouk qui, après ce retour triomphal, achève d'éclipser les divinités protectrices des autres cités de basse Mésopotamie et de mériter le surnom de Bêl (Seigneur, en babylonien). Désormais, à chaque changement de règne, le roi va « saisir la main de Bêl » en un geste symbolique qui lui confère le pouvoir. C'est alors, semble-t-il, que le clergé de la capitale donne sa forme définitive au rituel de la grande fête du Nouvel An, qui se déroule à l'équinoxe de printemps. Durant les sept premiers jours, la population se lamente sur le sort de Mardouk qui est mort et séjourne sous terre ; son retour est préparé par les prêtres qui purifient les temples, récitent et miment l'Enouma élish (en babylonien, « Lorsqu'en haut », premiers mots du poème qui exalte les hauts faits de Mardouk, vainqueur des puissances maléfiques et organisateur du Cosmos).

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    De façon symbolique, le grand prêtre humilie le roi et le contraint à faire pénitence, puis lui rend les insignes de la royauté dont il s'était dépouillé. Le huitième jour, Mardouk reparaît, et les dieux des cités de Babylonie, dont les idoles ont été rassemblées dans la capitale, lui confèrent le pouvoir suprême. Il part alors pour la « maison de campagne » de la Fête, située un peu à l'extérieur de la cité. Le onzième jour, il en revient en une procession triomphale et on va célébrer son union avec Tsarpanitoum ; alors, les dieux proclament des destins favorables à Babylone pour une nouvelle année.

    Représentation des symboles des principales divinités du panthéon mésopotamien à la période kassite, sur le revers d'un kudurru du règne de Meli-Shipak (1186-1172 av. J.-

    C.), Musée du Louvre. LA POUSSEE DES ARAMEENS, LE DECLIN DE LA MONARCHIE (XIE-VIIIE S.) Comme les autres pays civilisés de l'Asie occidentale, la Babylonie subit des attaques des Araméens, pasteurs nomades sortis du désert de Syrie, qui pillent les campagnes et attaquent les caravanes, échappant aux armées régulières. Le prestige royal s'en ressent : le trône de Babylone est fréquemment usurpé, les dynasties ne durent guère. Incapables de défendre leurs cités, les souverains doivent leur concéder une large autonomie sous la direction des clergés locaux. Les citadins riches achètent la protection des Araméens en leur abandonnant une partie de leurs terres. Les tribus qui commencent à se fixer forment à l'intérieur de l'État babylonien autant de petits royaumes dont les chefs,

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    donnant l'exemple à leurs guerriers, tendent à adopter la civilisation des citadins. Mais, sur le pourtour de la basse Mésopotamie et spécialement au Pays de la Mer – le traditionnel refuge des insoumis –, l'esprit guerrier est maintenu par l'arrivée continuelle de nombreux nomades, parmi lesquels on remarque, à partir du viiie siècle, une foule d'Arabes. L'appui de ces auxiliaires incite les rois de Babylone à reprendre la guerre traditionnelle contre l'Assyrie, au moment où cette dernière, en plein relèvement, entreprend de refouler les Araméens qui l'ont si longtemps harcelée. L'Assyrien Adad-nirari II (911-891), attaqué par les Babyloniens, vainc successivement deux de leurs rois ; il a la sagesse de se réconcilier avec le second et peut ainsi inaugurer ce protectorat que la cour assyrienne exercera pendant près de deux siècles sur l'État du Sud. Cette modération, inhabituelle chez les cruels Assyriens, s'explique par le prestige que possèdent à leurs yeux les dieux, les prêtres et les scribes des cités babyloniennes : c'est l'époque où l'Assyrie adopte le culte de Mardouk et de Nabou (dieu de l'Écriture et protecteur de la ville de Barsippa, au sud de Babylone). Les rois d'Assyrie prennent donc l'habitude d'aller périodiquement châtier quelque tribu araméenne pour le compte de leurs vassaux babyloniens, et de terminer leur expédition par un pèlerinage aux villes saintes de basse Mésopotamie. Prompts à invoquer le secours des Assyriens contre un prétendant ou contre un groupe de nomades particulièrement exigeants, les rois de Babylone n'en tentent pas moins de secouer ce joug incommode. Ainsi, en 878, l'un d'eux essaie de secourir les Araméens du moyen Euphrate attaqués par l'Assyrien Assour-natsir-apli II ; ce dernier, vainqueur, déclare avoir frappé de terreur le pays de Kaldou. C'est la première mention des Chaldéens, cette grande fédération de tribus araméennes, qui sont déjà au service du roi de Babylone. Les hommes sortis de la steppe forment bientôt la majorité de la population de la basse Mésopotamie qui dans son ensemble parle maintenant l'araméen, et, au viiie siècle, les rois de Babylone sont d'origine chaldéenne, mais leur domination, acceptée par les citadins, n'est pas plus solide que celle de leurs prédécesseurs.

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    Bas-relief du palais royal de Ninive, représentant des soldats assyriens comptabilisant leur butin au cours d'une campagne en Babylonie.