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A la découverte de l’Histoire Cours d’Histoire 2012/2013. G. Durand 1 COURS 15 : LA PROVENCE AU XVIIe SIECLE RICHELIEU ET LA PROVENCE L’histoire agitée des premières années du règne de Louis XIII n’intéressa pas la Provence : elle n’eut à prendre aucune part aux troubles et aux querelles princières de 1614 à 1621. Ses préoccupations, celles, plus précisément de son gouverneur, le duc de Guise, celles des dirigeants du commerce de son grand port, Marseille, concernaient la situation de la côte barbaresque où, après la destruction du bastion de France par la milice de Bône en juin 1604, le duc de Guise et les Marseillais, n’arrivaient pas à obtenir le rétablissement des Concessions. Elles visaient également l’insécurité consécutive de la Méditerranée occidentale, où en raison de l’activité hostile des corsaires algériens nulle navigation fructueuse ne pouvait plus relier Marseille à la Barbarie. En 1619 et 1620, les Marseillais pensèrent être sur le point de récupérer les Concessions. L’on avait réussi à se faire entendre à Alger, d’où un envoyé, accompagné de 45 janissaires était allé traiter avec la cour de France. Par malheur, au moment où la mission revenait à Marseille pour s’embarquer, l’on y apprenait qu’un raïs avait assailli le navire marseillais du capitaine Drivet et en avait massacré tout l’équipage : une émeute éclata aussitôt, les amis de Drivet attaquèrent la mission, qui fut toute entière égorgée. L’accord d’Alger fut anéanti : les raïs algériens inquiétèrent nos côtes ; en 1621 ils ravageaient Porquerolles. Portrait de Charles Ier de Guise (1571-1640), grand maître de France et amiral du Levant Le 7 novembre 1622, Louis XIII après sa campagne contre les Protestants en rébellion et la paix conclue avec eux à Montpellier, fut reçu à Marseille, avec de grandes fêtes, puis le 10 novembre, fit route pour Aix et le lendemain, pour Avignon.

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COURS 15 : LA PROVENCE AU XVIIe SIECLE

• RICHELIEU ET LA PROVENCE

L’histoire agitée des premières années du règne de Louis XIII n’intéressa pas la Provence : elle n’eut à prendre aucune part aux troubles et aux querelles princières de 1614 à 1621. Ses préoccupations, celles, plus précisément de son gouverneur, le duc de Guise, celles des dirigeants du commerce de son grand port, Marseille, concernaient la situation de la côte barbaresque où, après la destruction du bastion de France par la milice de Bône en juin 1604, le duc de Guise et les Marseillais, n’arrivaient pas à obtenir le rétablissement des Concessions. Elles visaient également l’insécurité consécutive de la Méditerranée occidentale, où en raison de l’activité hostile des corsaires algériens nulle navigation fructueuse ne pouvait plus relier Marseille à la Barbarie. En 1619 et 1620, les Marseillais pensèrent être sur le point de récupérer les Concessions. L’on avait réussi à se faire entendre à Alger, d’où un envoyé, accompagné de 45 janissaires était allé traiter avec la cour de France. Par malheur, au moment où la mission revenait à Marseille pour s’embarquer, l’on y apprenait qu’un raïs avait assailli le navire marseillais du capitaine Drivet et en avait massacré tout l’équipage : une émeute éclata aussitôt, les amis de Drivet attaquèrent la mission, qui fut toute entière égorgée. L’accord d’Alger fut anéanti : les raïs algériens inquiétèrent nos côtes ; en 1621 ils ravageaient Porquerolles.

Portrait de Charles Ier de Guise (1571-1640), grand maître de France et amiral du Levant

Le 7 novembre 1622, Louis XIII après sa campagne contre les Protestants en rébellion et la paix conclue avec eux à Montpellier, fut reçu à Marseille, avec de grandes fêtes, puis le 10 novembre, fit route pour Aix et le lendemain, pour Avignon.

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Le 26 avril 1624 Richelieu entrait au Conseil et, peu après, prenait la direction des affaires. Il eut, dès le début, le souci de reconstituer la marine militaire. En 1626, les constructions navales étaient reprises en Méditerranée, tandis que les navires marchands, achetés en France et à l’étranger, étaient armés en guerre. Cette même année l’effectif des galères passait de 13 à 21 unités. Les nouvelles galères plus puissantes que celles d’autrefois, portaient, chiourmes et combattants, 447 hommes. La Réale, avec 405 forçats, comptait 600 hommes sur son bord. En même temps, d’accord avec le duc de Guise, le ministre désignait le capitaine Giudicelli (Samson Napollon) pour reprendre les négociations auprès de la Régence en vue du rétablissement des Concessions. Le 29 septembre 1628, Samson Napollon concluait un contrait qui les fondait à nouveau au profit de la Nation française et reconstruisait près de La Calle, le Bastion de France, soutenu, dans le voisinage, d’autres établissements fortifiés.

- Difficultés financières, réorganisation de la marine du royaume et révolte des Cascaveu

La grande politique de Richelieu entraînait inévitablement des besoins d’argent accrus. Quand il s’agissait d’y faire face, le ministre n’était pas homme à s’embarrasser des privilèges provinciaux. Dès le 8 mai 1627, sans consulter les Etats, il augmentait de 25000 à 125000 livres le taillon, affecté en principe à l’entretien de la gendarmerie. Les Etats protestèrent. Il s’ensuivit des marchandages au bout desquelles le taillon fut fixé à 70000 livres par an. En 1628, en 1629, des demandes d’augmentation du don gratuit et de subventions extraordinaires furent repoussées ou notablement réduites par l’assemblée. Les rapports du gouvernement et du pays de Provence devenaient difficiles. En 1630, alors que la peste sévissait à Aix depuis juillet 1629, à Marseille depuis février 1630, était promulgué brusquement l’édit des élus qui transférait à des délégués royaux la répartition et la perception des impôts dépendant, en Provence et en d’autres pays d’Etat, de l’administration du Pays, c’est-à-dire des Etats. L’émotion fut vive aussitôt. Le Parlement, défenseur des privilèges provençaux, refusait d’enregistrer l’édit et formulait des remontrances. Il rentrait à Aix – de Salon où la peste l’avait éloigné – le 1er septembre 1630. Le 18 octobre, il interdisait à quiconque « de traiter des offices des élus ou de les exercer par commission, à peine de 10000 livres d’amende et autres arbitraires ». Entre temps, le 19 septembre, l’insurrection se déchaînait. Elle avait à sa tête un président de Parlement, Laurent de Coriolis. Dans une réunion des émeutiers où l’on rappelait l’apologue de la lutte des chats et des rats, le seigneur de Châteauneuf s’était fait fort d’attacher le grelot au cou de Raminagrobis : le mouvement prit le nom de révoltes des Cascaveu (des grelots). Il se répandit avec violences. L’intendant Dreux d’Aubray, venu pour faire appliquer l’édit, et disait-on, pour punir Aix en transférant à Toulon la Cour des Comptes, eut ses carrosses, hardes et bagages incendiés et du fuir son logement par les toits. Nombre d’autres maisons furent pillées et brûlées à Aix ; le château de la Barben fut assailli et en partie démoli. C’était la lutte entre les gens du ruban blanc, partisans de la rébellion, et ceux du ruban bleu, qui essayaient de maintenir l’ordre. Ceux-ci réputés comme traîtres à la Provence, furent d’ailleurs battus. Une délégation du Parlement conduite par le président de Gallifet ne fut pas reçue à la cour ; le conseiller d’Antelmi, arrivé le premier fut même incarcéré à la Bastille. Le 30 novembre le Parlement était exilé à Brignoles.

Le prince de Condé se mit en marche, à la tête de 6000 hommes de troupes et parut, le 7 mars 1631, aux Etats convoqués à Tarascon. Il apparaît bien que le gouvernement n’avait jamais eu l’intention d’appliquer l’édit des Elus, mais qu’il entendait s’en servir, comme moyen de chantage, pour obtenir des subsides élevés. Condé les réclama crûment. Après tractations, les Etats votèrent un don extraordinaire de 1,5 millions de livres à payer en 4 ans. Le 28 avril 1631 le Parlement était rappelé à Aix. Les conseillers les plus compromis dans la résistance, Gaspard de Villeneuve, Raymond d’Espagnet, Louis d’Antelmi demeurèrent suspendus jusqu’en 1635. Les conseillers Leidet et Joannis de Chateauneuf furent exilés, pour être d’ailleurs réintégrés dans leurs fonctions quelques années plus

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tard. Laurent de Coriolis aggrava son cas en se jetant dans le parti de Gaston d’Orléans qui avait pris les armes ; il fut condamné par contumace à mort et à la confiscation de tous ses biens le 20 octobre 1632 ; pris en 1640 et enfermé à la tour de Bouc, il y mourut, aveugle, après une assez courte détention. Les excès commis durant la révolte des Cascaveu furent couverts par une amnistie générale.

Henri II de Bourbon-Condé.

L’on pouvait être surpris de l’inertie et de l’effacement du duc de Guise depuis le début de cette agitation. C’est que pour lui le drame était ailleurs. Gouverneur de Provence il était en cette qualité amiral des mers du Levant. Or Richelieu avait résolu de se rendre maître des amirautés régionales et de les supprimer, comme il avait, en octobre 1626, supprimé l’amirauté de France. Or le duc de Guise ne se prêtait pas à l’abandon qu’on souhaitait de lui. Pour l’y amener, Richelieu affecta de lui imputer des projets de rébellion : Guise, terrorisé, ne bougeait pas. Il finit par prendre tout à fait peur et s’enfuit en Italie en août 1631. L’amirauté des mers du Levant disparaissait faute de titulaire. L’unité de commandement naval fut réalisé e lorsque le cardinal eut obtenu de Pierre de Gondi sa démission du généralat des galères, qui fut réuni par brevet royal du 17 février 1636 à la grande maîtrise de la navigation attribuée à Richelieu, et qu’à partir du 2 février 1635 exerça par délégation son neveu François de Vignerod du Pont-de-Courlay.

Entre temps l’administration de la marine et des galères avait été réorganisée et placée sous la direction de lieutenants généraux du Grand Maître. Pour la Provence, cette charge fut confiée en 1632 à Henri de Séguiran premier président de la Cour des Comptes, qui reçut la mission d’inspecter les côtes et les ports au point de vue de la défense, de l’état de la flotte, des arsenaux et de la juridiction. L'inspection de Séguiran eut lieu en 1633 et révéla un triste état de la défense côtière. Elle eut pour

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résultat de faire de Toulon le grand établissement naval de la Méditerranée. A partir de 1635, les fortifications du port furent poursuivies et achevées sous la direction des ingénieurs Du Plessis-Besançon et Jean de Bonnefons ; l’arsenal fut reconstruit ; Giens et les îles d’Hyères furent fortifiées. En septembre 1642, Toulon réunissait dans sa rade 65 vaisseaux et 25 galères, la presque totalité des forces navales françaises reconstituées par Richelieu.

- La guerre de Trente ans

En 1635, l’entrée de la France dans la guerre de Trente ans amenait l’incursion des Espagnols sur la côte provençale. La défense fut brillamment organisée par le nouveau gouverneur, le maréchal de Vitry. Les Espagnols ne purent prendre pied sur aucun point du rivage continental, mais ils s’emparèrent le 13 et le 14 septembre 1635 des îles de Lérins.

Pour faire obstacle à l’extension de cette occupation et pour y mettre fin ensuite, Vitry eut recours aux milices. Ils furent formés en compagnie de 60 à 100 hommes, encadrés par les officiers provençaux nommés par le gouverneur. Ils furent équipés, armés et nourris aux frais des communautés, à charge de remboursement par la province. Les unités furent renouvelées par licenciements partiels suivies de levées nouvelles. Le commandement de ces troupes fut confié au comte d’Harcourt, secondé par les maréchaux de camp comte de Carcès et Castellane.

L’attaque des îles fut déclenchée en avril 1637. Les 6 forts qui défendaient Sainte-Marguerite et Saint-Honorat furent successivement emportés. La reddition finale eut lieu les 13 et 14 mai, malgré la résistance désespérée opposée par les Espagnols sous le commandement de Miguel Pérez.

La guerre de la France et de l’Espagne en Méditerranée ne s’en tint pas là. Le 1er septembre 1638, les galères provençales attaquèrent au large de Gênes la flotte espagnole et remportèrent une victoire, chèrement payée : 10 000 hommes périrent de chaque côté et du côté provençal, plusieurs capitaines parmi lesquels Cosme de Valbelle, y restèrent.

- La renaissance catholique dans la 1ère moitié du XVIIe siècle

C’est également à cette époque que se place un ardent réveil du sentiment religieux et que se manifeste au plus haut degré, dans les faits, la réforme du clergé catholique et particulièrement celle des ordres, entreprise à la fin du siècle précédent comme une réponse de l’Eglise aux critiques des Luthériens et des Calvinistes.

Ce renouveau a tenu dans la vie morale de la Provence une grande place, un peu oubliée de nos jours. Ses manifestations ont été en Provence un peu plus tardives, d’une manière générale, que dans le reste du royaume ; mais, sous la forme de créations monastiques, elles y ont été extrêmement nombreuses et elles s’y sont prolongées, du fait de diverses influences.

Aix avait s’installer en 1600, la première des maisons de l’Oratoire fondée en France par le P. Romillon. Mais c’est à Marseille que les créations de couvents se multiplièrent le plus tôt : les Augustins réformés s’y sont établis en 1605, au quartier Notre-Dame du Rouet. Les Ursulines apparaissent l’année suivant ; puis les Jésuites en 1615, les Récollets, l’Oratoire en 1620, les Carmélites en 1621. Les Visitandines y ont leur premier monastère en 1624, les Capucins en 1626 ; la maison des filles repenties est ouverte, sous le vocable de Sainte-Madeleine, en 1630, pour recevoir une règle et l’habit monastique en 1656. Le couvent des Carmes déchaussés est fondé en 1631, celui des Chartreux en 1632, celui des religieuses dominicaines, celui des Augustines en 1637. Les

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Bernardines réformées arrivent la même année et acquièrent à la Rive Neuve, en 1639, du gouverneur en fuite, le duc de Guise, le Jardin du roi.

Dans le diocèse de Marseille, à Aubagne les Observantins sont reçus en 1611 ; les Ursulines y viennent en 1631. A la Ciotat, les Capucins datent de 1615, les Ursulines de 1633, les Minimes de 1635.

A Brignoles, les Oratoriens s’installent en 1610, les Ursulines en 1618, les Clarisses en 1635…

A Aix, les Augustins réformés sont reçus en 1616, les Récollets, les Trinitaires en 1621, les Chartreux en 1624, les Carmélites en 1625, les Carmes déchaussées en 1636.

Toutes ces fondations de couvents sont ménagées par des familles qui pourvoient aux frais de leur établissement et leur assurent une dotation de départ. Les Carmélites sont installées à Aix par les soins de la femme du premier Président, le baron d’Oppède.

Ce pullulement des couvents nouveaux suppose la participation de personnes laïques appartenant au monde riche ou aisé et le consentement et l’aide des municipalités et des conseils communaux : l’on juge par-là, de la réalité du renouveau religieux en Provence, sous le règne de Louis XIII. A partir de 1637, l’élan que les créations réalisées pouvaient avoir amorti fut, en quelque sorte, relancé, sosu des formes et dans des directions un peu différentes, par l’intervention de la Compagnie Secrète du Sainte-Sacrement. Celle-ci que l’histoire littéraire a désignée sous le nom de Cabale des dévots avait été créée à Paris en 1627-29 par le duc de Ventadour et quelques autres personnes. Elle s’était donné pour but de lutter contre l’hérésie mais aussi « d’entreprendre tout le bien possible et d’éloigner tout le mal possible, en tous temps, en tous lieux et l’égard de toutes personnes ». Ce bien et ce mal étaient évidemment conçus suivant un idéal religieux sévère. En fait la Compagnie s’employa à faire régner partout la vie chrétienne, à pourchasser la licence et le ^éché. Cette action, elle la répandit dans le royaume en créant des filiales de la Compagnie mère à Paris. Celle d’Aix fut constituée en 1637 par Gaspard de Simiane de La Coste et Antoine Godeau, évêque de Grasse, qui exercèrent tout leur vie sur les affaires de la Compagnie une influence prépondérante ; celle de Marseille fut formée en 1639, celle de Grasse, la même année, celle d’Arles en 1640, celle de Toulon en 1642. Partout où la Compagnie était installée, elle traquait la débauche, inquiétait individuellement les filles et leurs clients et fondait des établissements destinés aux déclassés et aux réfractaires, où leur était imposée une stricte discipline.

Après 1640, les créations de couvents continuèrent mais avec moins de fréquence ; elles furent cependant nombreuses encore jusque dans le milieu du siècle à Marseille.

• Mazarin. La Fronde provençale.

Depuis la rébellion de Casaulx, Marseille inspirait de la méfiance au gouvernement royal. Pour se procurer, de ce côté, de la tranquillité, le gouvernement, se servant du règlement municipal de 1492 (Règlement de Sain-Vallier) livrait à un parti donné, politiquement, la direction et l’administration de la ville. En 1617, le parti de Valbelle en avait été officieusement investi. En 1638, son chef Cosme de Valbelle ayant été tué à la bataille de Gênes, Richelieu, contre l’avis du nouveau gouverneur, le comte d’Alais, avait attribué la succession de Cosme à un de ses cousins, Antoine de Valbelle, lieutenant général de l’amirauté de Marseille et des mers du Levant. Celui-ci très autoritaire et très habile, quoique violent, fort de l’appui du ministre, ne pouvait contrebalancer avait été depuis lors le maître de la ville, où aucune influence ne pouvait contrebalancer la sienne.

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Richelieu étant mort, le comte d’Alais fut décidé à prendre sa revanche et résolut d’écarter Valbelle du pouvoir municipal. Dès octobre 1643, suspendant l’application du règlement de Saint-Vallier, il fit nommer consuls, par lettres patentes du roi, Antoine de Vento des Pennes, chef du parti opposé aux Valbelle, et ses amis. Il fut procédé de même en 1644, en 1645, et en 1646. Il en résulta de véritables émeutes que le lieutenant général de l’Amirauté dirigeait dans la coulisse. Marseille vécut à cette époque dans une effervescence continue : le gouverneur ne se rendait pas compte qu’il se préparait des adversaires dangereux dans la lutte qu’il allait avoir à soutenir contre le parlement.

En effet, en octobre 1647, à l’instigation des magistrats des requêtes, toujours brimés et mécontents, et avec l’accord du gouverneur, l’édit de Fontainebleau unifiait, moyennant finance, les offices des requêtes avec ceux de l’ancien Parlement d’Aix, augmentait le nombre de charges et créait un second parlement dans l’ancien : les deux parties de la cour siègeraient alternativement par semestres. L’ancien parlement se souleva contre le gouverneur.

La victoire appartint finalement aux parlementaires qui pour mieux l’assurer, faisaient garder à vue le gouverneur dans son hôtel. Les troubles furent prolongés par des intrigues qui se nouaient autour du gouvernement de Provence brigué par le prince de Conti, frère de Condé, et par l’exil à demi volontaire de Mazarin, de février à décembre 1651. Finalement, Mazarin redevenu chef du gouvernement, cédant aux vœux des Canivets (ou taille-plumes c’est-à-dire les partisans du président du Parlement Régusse), nomma gouverneur de Provence un prince de sang, son neveu par alliance, le duc de Mercoeur (8 avril 1652). Celui-ci récupéra les places conservées par les Sabreurs (partisans du gouverneur) et y plaça des garnisons royales.

Louis de Bourbon, duc de Vendôme, (1612-1669)

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Le pavillon Vendôme à Aix en Provence, construit par le duc de Vendôme

Telle fut la Fronde provençale, où les parlementaires aixois, lésés dans leurs intérêts par les brimades d’un gouverneur rancunier, avait entraîné le Pays. Elle fut le plus souvent sans lien réel avec la querelle et la guerre qui troublaient la France. Elle s’acheva, après 5 ans, dans la lassitude générale, ayant causé dans les campagnes, surtout dans les beaux domaines ruraux, les ravages les plus onéreux.

• Le gouvernement de Louis XIV

La punition de Marseille suite à sa révolte en 1658-1660, suivie, après un an, de la mort de Mazarin (9 mars 1661) marqua le début d’un changement complet dans les procédés et aussi dans les buts du gouvernement de la Provence.

L’autorité du roi se manifesta désormais avec rigueur, souvent même avec brutalité et un arbitraire voulu, notamment à l’égard de l’échevinage de Marseille, malmené à toute occasion. L’on peut dire qu’après une assez longue préparation s’ouvrait l’ère de la monarchie absolue.

Il serait cependant exagéré de croire que s’établirent aussitôt, en ce pays d’Etats sans Etats, des habitudes de soumission muette. Il était un réduit où pouvait essayer de se retrancher, encore que bien abaissé, le vieil esprit d’indépendance des Provençaux : les assemblées générales des communautés qui votaient le don gratuit et les autres subsides nécessaires au souverain.

Néanmoins l’Assemblée se plia peu à peu à l’exercice du vote sans oser désormais refuser ce que demandait le roi. Un indice significatif du régime qui en résultait, apparaît dans l’établissement de la capitation par déclaration royale du 8 janvier 1695 sans que l’Assemblée des communautés ait été consultée et sans qu’aucune protestation ne se soit élevée. En effet, depuis 1691, l’Intendant dont le pouvoir administratif était déjà illimité eut son autorité et sa compétence encore accrues par l’annexion de fait de la première présidence du Parlement. Tenant la cour supérieure de Justice, qui ne devait plus avoir d’autres premiers présidents que l’intendant en exercice ou l’intendant sortant de charge, l’agent du roi disposait désormais de la Provence, pour son maître, sans contrôle ni contrepoids.

Au reste, le gouvernement royal avait conçu de grands projets qui s’étaient fixés surtout sur Marseille. Il s’agissait d’y développer une grande place de commerce qui centraliserait le trafic méditerranéen et, en particulier, le commerce du Levant, et qui serait, en même temps, un important port de guerre. Les galères transférées à Toulon en 1649 à l’occasion d’une épidémie de peste, avaient été ramenées à

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Marseille en 1665, avec leur intendance distincte de l’intendance de la Marine. L’intendant des galères, Nicolas Arnoul, l’homme de confiance de Colbert, arrivait en son nouveau poste pour entamer la réalisation d’un vaste programme. Il expulsait d’abord du plan Formiguier le chantier communal de constructions navales, transféré plus loin sur le quai de Rive Neuve, et faisait construire le « Parc de l’Arsenal des Galères ». Puis il faisait étudier l’agrandissement de Marseille, prescrit par lettres du 16 juillet 1666, et dont le périmètre tripla la superficie de la ville. En même temps paraissait l’édit d’affranchissement du port. Par un droit de 20 % frappant les marchandises du Levant qui entreraient dans le royaume par un autre port que Marseille et Rouen, l’édit créait au bénéfice de Marseille le monopole de ce commerce ; il visait en outre, en leur assurant le statut de la bourgeoisie à fixer à Marseille les marchands étrangers.

Le règne de Louis XIV se soldait en Provence comme dans l’ensemble du royaume, par un lourd bilan. A l’actif doivent être portés le rétablissement de l’ordre, la transformation de Marseille et les perspectives d’avenir qu’elle ouvrait sur une reprise de l’industrie. Au passif figurent l’oppression fiscale, et la gêne des trente dernières années du règne, parfois même la misère, celle-ci due surtout, à la catastrophe climatique de 1709.