Corrélations histologie/cytologie en pathologie thyroïdienne. Cas 5. Lésion suspecte de...

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Annales de pathologie (2009) 29, 106—110 HISTOSÉMINAIRE SFP Corrélations histologie/cytologie en pathologie thyroïdienne. Cas 5. Lésion suspecte de malignité : présence d’aspects cytonucléaires suspects de carcinome papillaire Correlations between cytology and histology in thyroid pathology. Case 5. Suspicious for malignant lesion: Atypia suggestive of papillary carcinoma Hélène Trouette Service d’anatomie pathologique, hôpital Haut-Lévêque, avenue de Magellan, 33604 Pessac cedex, France Accepté pour publication le 20 janvier 2009 Disponible sur Internet le 21 mars 2009 Renseignements cliniques Femme de 52 ans. Cytoponction d’un nodule thyroïdien gauche de trois centimètres, ferme. Diagnostic cytologique Lésion suspecte de malignité : présence d’aspects cytonucléaires suspects de carcinome papillaire. Description cytologique La lame d’étalement comporte sur un fond hématique sans colloïde, d’assez nombreux amas, relativement cohésifs, aux limites nettes (Fig. 1 et 2), constitués de cellules au cyto- plasme relativement abondant. Les cellules ont des noyaux tous augmentés de volume, peu anisocaryotiques, le plus souvent arrondis ou ovalaires. On note de rares noyaux déformés ou présentant quelques incisures (Fig. 3). Absence d’inclusion cytoplasmique intranucléaire. Absence de colloïde dans les amas. Absence de contexte inflammatoire. Adresse e-mail : [email protected]. 0242-6498/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annpat.2009.01.012

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orrelations between cytology and histology in thyroid pathology. Case 5.uspicious for malignant lesion: Atypia suggestive of papillary carcinoma

Hélène Trouette

Service d’anatomie pathologique, hôpital Haut-Lévêque, avenue de Magellan,33604 Pessac cedex, France

Accepté pour publication le 20 janvier 2009Disponible sur Internet le 21 mars 2009

Renseignements cliniques

Femme de 52 ans. Cytoponction d’un nodule thyroïdien gauche de trois centimètres, ferme.

Diagnostic cytologique

Lésion suspecte de malignité : présence d’aspects cytonucléaires suspects de carcinomepapillaire.

Description cytologique

La lame d’étalement comporte sur un fond hématique sans colloïde, d’assez nombreuxamas, relativement cohésifs, aux limites nettes (Fig. 1 et 2), constitués de cellules au cyto-plasme relativement abondant. Les cellules ont des noyaux tous augmentés de volume,peu anisocaryotiques, le plus souvent arrondis ou ovalaires. On note de rares noyauxdéformés ou présentant quelques incisures (Fig. 3). Absence d’inclusion cytoplasmiqueintranucléaire. Absence de colloïde dans les amas. Absence de contexte inflammatoire.

Adresse e-mail : [email protected].

242-6498/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.annpat.2009.01.012

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Corrélations histologie/cytologie en pathologie thyroïdienne

Figure 1. Prélèvement cellulaire composé d’une population

monotone de cellules folliculaires sans colloïde.Cellular aspirate composed with a monotonous population of folli-cular cells with absent colloid background.

Trois mois plus tard, la patiente est opérée. Le lobe thy-roïdien gauche est le siège d’un nodule de 16 mm qui estconstitué par des vésicules le plus souvent de petite taille,séparées par un stroma fibreux (Fig. 4). Les vésicules sontbordées par des cellules dont les noyaux se chevauchentsouvent, sont augmentés de taille, clarifiés et sont presqueconstamment clivés (Fig. 5). Le nodule est entouré par unecapsule fibreuse qui semble, sur certains blocs, dépassée(Fig. 4).

Au contrôle histologique, il s’agit donc d’uncarcinome papillaire d’architecture vésiculaire

(CPV).

Commentaires : particularités cytologiquesdes CPV

Le CPV est la variante la plus fréquente des carcinomespapillaires (environ 20 %).

Figure 2. Cas 5 : cellules agencées en amas cohésifs monocouchesou tridimensionnels.The cells are arranged in cohesive monolayer sheets or in threedimensional groups.

s 4 : parathyroïde 107

Figure 3. Les cellules tumorales ont des noyaux augmentés de

volume, avec quelques aspects allongés et quelques incisures, sansinclusion intranucléaire.The individual tumor cells show enlarged nuclei with some nuclearelongation and nuclear grooves but without inclusions.

Si le diagnostic cytologique de carcinome papillaire danssa forme classique est le plus souvent facile, le CPV estplus rarement détecté : le CPV représente la majorité desfaux-négatifs cytologiques des carcinomes papillaires. Cesdivergences cytologiques sont en partie aggravées par lasubjectivité et les discordances du diagnostic histologiquelui-même. Trois diagnostics cytologiques sont proposés dansces tumeurs : carcinome papillaire, néoplasme vésiculaireou parfois même nodule bénin. S’il n’est pas nécessaireen cytoponction de différencier un carcinome papillaireclassique d’un CPV, il est bien sûr important de le diffé-rencier d’une tumeur vésiculaire et a fortiori d’un nodulebénin.

Aspect cytologique de néoplasme vésiculaire,quand suspecter un CFV ?

Le diagnostic cytologique de néoplasme vésiculaire est évo-qué devant l’association de plusieurs critères cytologiques[1] (Fig. 6) :

Figure 4. Contrôle histologique : tumeur d’architecture vésicu-laire, encapsulée avec effraction capsulaire focale.Histological control: solitary and encapsulated tumor with follicu-lar pattern and focal capsular invasion.

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Figure 5. Les cellules tumorales présentent des noyaux de type papilet clarifications nucléaires focales.The tumor cells show classic papillary carcinoma nuclei with enlarged n

• la cellularité importante, monotone ;• l’architecture microvésiculaire, desquamation de petites

vésicules entières ;• les noyaux ronds ou ovales, plus ou moins augmentés de

volume, anisocaryose modérée possible, sans anomalie detype papillaire ;

• les cytoplasmes variables ;• la colloïde peu abondante.

Parmi les tumeurs classées cytologiquement en néo-plasme vésiculaire (follicular neoplasm), 20 à 30 % sontmalignes en histologie [1] et la majorité de ces tumeursmalignes correspond à un CPV [1]. On suspectera un car-cinome papillaire, ou au moins demandera une exérèse

Figure 6. Carcinome papillaire d’architecture vésiculaire présen-tant un aspect cytologique de « néoplasie vésiculaire ».Follicular variant of papillary carcinoma with cytologic aspect of‘‘follicular neoplasm’’.

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laire avec augmentation de taille des noyaux, incisures nucléaires

uclei, nuclear grooves and focal nuclear clearing.

hirurgicale, devant de petits signes cytologiques supplé-entaires parfois focaux, en faveur du diagnostic de CPV

2—4] :des noyaux tous augmentés de volume ;une chromatine claire (surtout visible sur la coloration dePapanicolaou) cernée par une enveloppe nucléaire fon-cée ;la présence de noyaux incisurés parfois focaux(Fig. 7) ;une architecture microfolliculaire formant des rosettestridimensionnelles ;ou des amas monocouches aux bords nets ;

une colloïde épaisse, en balle, dans les amas(Fig. 7).

spect cytologique de nodule bénin ou delésion folliculaire de signification

ndéterminée », quand suspecter un CPV ?

ytologiquement une lésion présentant un fond colloïde,ur lequel se détachent des macrophages et des amas deellules épithéliales est classée en « lésion folliculaire deignification indéterminée » quand elle présente quelquesignes plus inquiétants : des amas cellulaires qui peuventtre par endroits plus cohésifs, des cellules épithéliales quirésentent des noyaux légèrement augmentés de volumeais peu déformés et rarement incisurés. . . Ces lésions,uand elles sont opérées, sont exceptionnellement malignes< 10 %). Dans ce cas, elles correspondent souvent à des car-inomes papillaires présentant des atypies cytonucléairesocales (Fig. 8). On pourra parfois être alerté par uneellularité plus importante ou le caractère monotone desellules épithéliales alors qu’un nodule dystrophique estouvent hétérogène. [1] Mais ces aspects cytologiques res-ent peu spécifique et le diagnostic de CPV est très difficile,oire impossible quand il prend cette présentation cytolo-ique.

Corrélations histologie/cytologie en pathologie thyroïdienne. Cas 4 : parathyroïde 109

Figure 7. Carcinome papillaire d’architecture vésiculaire avec collonucléaires focales (à droite).Follicular variant of papillary carcinoma with intrafollicular balls of th

Importance de faire ce diagnostic encytologie ? Quelles conséquences de le rater ?

Deux groupes de CPV s’opposent (Fig. 9), le CPV non invasifet le CPV invasif.

Le CPV non invasif

Le CPV encapsulé, non invasif, est le CPV le plus fréquent.La majorité des CPV encapsulés sont sans signe d’invasionet de pronostic excellent. C’est pour ce type de tumeur quele consensus diagnostique histologique est le moins bon : lesnoyaux ne sont pas toujours tout à fait typiques ou seuls desfoyers présentent des noyaux de type papillaire. Il n’existed’ailleurs absolument pas de consensus pour savoir où sesituent les limites entre un CPV, un adénome et une tumeur

Figure 8. Carcinome papillaire d’architecture vésiculaire avecfoyers présentant des anomalies nucléaires de carcinome papillaire.Follicular variant of papillary carcinoma with focal classic papillarynuclei.

ïde épaisse en balle dans des vésicules (à gauche) et incisures

ick colloid (left) and focal nuclear grooves (right).

de potentiel de malignité indéterminé, présentant quelquesaspects nucléaires suspects.

Le CPV invasif

Le CPV invasif est moins fréquent ; son pronostic estidentique au carcinome papillaire classique. Certaines deces tumeurs présentent des atypies cytonucléaires évi-dentes. Pour d’autres, les anomalies cytonucléaires sontmoins nettes et ce type de lésion est alors parfoisclassé histologiquement en carcinome de souche follicu-laire bien différencié, SAI. Le diagnostic cytologique de cescarcinomes est donc difficile. Les signes cliniques et écho-

graphiques orientant vers la malignité sont ici importantpour indiquer une exérèse.

La forme encapsulée étant la plus fréquente et son pro-nostic excellent, les faux-négatifs sont donc moins gravesque pour un CP classique : les CPV donnent bien moins sou-vent des métastases ganglionnaires que les CP classiques,ils envahissent deux fois moins souvent la capsule thyroï-dienne et les limites chirurgicales sont en générales sainesalors qu’il s’agit de tumeurs souvent plus volumineuses[5].

Peut-on s’aider de techniquescomplémentaires ?

Des techniques complémentaires, cytochimiques, immu-nohistochimiques ou moléculaires, pourraient aider audiagnostic de malignité. Elles nécessitent des prélèvementssuffisamment abondants, ou dédiés, pour ne pas nuire àl’analyse cytologique. Les techniques immunocytochimiquessont réalisées sur préparations monocouches ou mieux, àpartir de matériel inclus en bloc de paraffine. Plusieurs mar-queurs sont en cours d’évaluation, mais il n’existe pas àl’heure actuelle de recommandations concernant leur uti-lisation en pratique quotidienne [1]. Elles paraissent moinsintéressantes pour le diagnostic de CPV, de phénotype et degénotype souvent différent des CP classiques [1].

110 H. Trouette

Figure 9. Carcinome papillaire d’architecture vésiculaire. La forme endroite) est rare.Follicular variant of papillary carcinoma. The encapsulated form (left)

POINTS IMPORTANTS À RETENIR

Le CPV est la variante la plus fréquente des carcinomespapillaires, mais c’est une entité dont les limiteshistologiques sont mal définies (CPV encapsulé/tumeurde potentiel de malignité indéterminé) ;

Le CPV est de diagnostic cytologique difficile,souvent classé en néoplasme vésiculaire ou même en« lésion folliculaire de signification indéterminée ». Depetits signes cytologiques tels que des noyaux tousaugmentés de volume, des incisures, une colloïde enballe dans des amas tridimensionnels peuvent être dessignes d’alerte ;

Le pronostic de ces lésions souvent encapsulées noninvasives est excellent. Cela permet de relativiser lagravité de faire un faux-négatif ;

Certaines techniques complémentaires immuno-histochimiques et de biologie moléculaire sont encours d’évaluation. Elles exigeront de toute facon desprélèvements conséquents.

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capsulée (à gauche) est la plus fréquente ; la variante invasive, (à

is the most frequent; the infiltrative variant (right) is rare.

éférences

1] Baloch ZW, LiVolsi VA, Asa SL, Rosai J, Merino MJ, RandolphG, et al. Diagnostic terminology and morphologic crite-ria for cytologic diagnosis of thyroid lesions: A synopsis ofthe National Cancer Institute thyroid fine-needle aspirationstate of the science conference. Diagn Cytopathol 2008;6:425—37.

2] Aron M, Mallik A, Verma K. Fine needle aspiration cytologyof follicular variant of papillary carcinoma of the thyroid:Morphologic pointers to its diagnosis. Acta Cytol 2006;50:663—8.

3] Logani S, Gupta PK, LiVolsi VA, Mandel S, Baloch ZW. Thyroidnodules with FNA cytology suspicious for follicular variant ofpapillary thyroid carcinoma: follow-up and management. DiagnCytopathol 2000;23:380—5.

4] Powari M, Dey P, Saikia UN. Fine needle aspiration cytology offollicular variant of papillary carcinoma of thyroid. Cytopatho-logy 2003;14:212—5.

5] Jain M, Khan A, Patwardhan N, Reale F, Safran M. Follicularvariant of papillary thyroid carcinoma: a comparative study ofhistopathologic features and cytology results in 141 patients.Endocr Pract 2001;7:79—84.