Cornoldi - Leçons de Philosophie Scolastique

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Cornoldi, Jean-Marie (S. J., Le P.). Leçons de philosophie scolastique, par le R. P. J.-M. Cornoldi,... traduites de l'italien... par un professeur de grand-séminaire. 1878. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

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Cornoldi, Jean-Marie (S. J., Le P.). Leons de philosophie scolastique, par le R. P. J.-M. Cornoldi,... traduites de l'italien... par un professeur de grand-sminaire. 1878.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numriques d'oeuvres tombes dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur rutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n78-753 du 17 juillet 1978 : *La rutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la lgislation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La rutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par rutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits labors ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accder aux tarifs et la licence

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FILSETGUILLOT L 170- PARIS,IMPRIMERIEALOUX 7, rue des Caneltes

DILECTO ALPHONSO TRAVAGLIMI

FILIO MEDICO-CHIRURGO

DOCTORI

SOG1ETATIS t'UXDATORI PHILOSOPJIICO-MEDIC.E PIUS PP. IX

Dileete Fili, Salutem et Apostolicam lienedictionem.

Dam, prselcrito menso martio, te, dilccte filii, una cum sacerdote Joannc-Maria Cornoldi c Soeietale Jesu, quo consiliario et adjutore polissimum usus fueras ad cscogitatam Societatora instiluendam, aliisque proeslantibus viris eidem addictis excepimus, gratulati libi i'uimus, quodscicnliam mcdicara jamdiu a sanoe philosophiee principiis abciiantcm ad ea rcvocare decrovisses, et pcr mcdicos praesertim, qui non mediocrem conl.uleranl operam suadendis vulgandisque matcnalismi erroribus, reslilucro reclam de rerum csscnlia et origine doetrinam, ac in primis quoad hominem, circa quem medicina versalur : seilicet ut inde haberclur meclela, unde malura magna ex parle manaverat. Gaudemus autera in praesenliarum faustis ominibus Nostris ovenlum respondisse, et jam plus centum c doctis Ilalis nomon ddisse natal super Soeietati, eique majora quoque incrementa parari. Libenlius eliam videmus, vos, proposito veslro fidles, cos lantum sodales vobis adsciscerc, conslituisse, qui teneant et propugnaturi sint doeti'inas a saeris Conciliis et hac sancta Sede propositas, ac nominalim Angelici Doetoris prineipia de animai intelleclivoe unione cum corpore humano, deque subslantiali forma et maleria prima. Nec aliter certe reparari polerunl inducta in religionem et scientiain a materialismo delrimenla, aut scientia ipsa ex errorum illius ainbagibus extricari, et ad verum impclli progressum, nisi per veritatem. Quce sane cum a Deo procdt, sicut perspicue tulissimeque traditur a theologia, sic a philosophia physicisque disciplinis discordare nullatenus potest : quo fit, ut, dum spectai'i tantum videtur inclinandis animis in obsequium Qdei, scientioe sinml soliditati, explication! et provectui prospicialur, et homo a materialismo cum brlis tui'piter convolutus in coeno ad dignitatem relcvetur filiorum Dei. Cavete igitur, ne quemquam inter vos admiltatis e novarum opinionum sectatoiibus, qui vano inflatus cruditionis apparatu sensim inter vos dissidia scrat, mentesque abducat ab auctoritate magislerii Ecclesioe, in qua sola posila fuit a Christo Domino infallibilis veritatis Cathedra. Si in susceplo consilio perseverctis, si studiose vitetis falsorum l'ratrum fraudes, si omnes codem illecti religionis amore, obsequio, sludio verilatem assequi, illiistrare et propagarc nitamini, oplime

II certs merebitis de Ecclesia, de scientia, de sacra et civili societate, consociationemque vestram brevi complurium sapientum accessione et honeslorum omnium plausu commondatam videbitis. Haec Nos vobis adprecamur; et intrim divini favoris auspicem et paternas Nostroe benevolenliae pignus, tibi, dilecte fili, sodalibusque omnibus Societatis philosophico-medicae sancli Thomoe Aquinatis Benedictionem Apostolicam peramanter imporliraus. DatumHomte apud s. Petrum die 2a jalii anno 1874, PontificalusNostri anno vicesimonuno. PIUS PP. IX.

PHILOSOPHIE

SGOLASTIQUE

INTRODUCTION

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de l'homme, considr soit comme Les oprations membre de la socit, soit comme ne sont individu, Providence comme celles rgies par la divine point chez qui l'instinct la raison, de la brute, et remplace sous l'impulsion d'une ncessit de qui n'agit que nature. L'homme est libre, et la rgle de ses actions se dans les ides de son esprit, trouve en tant qu'il actue dans les faits le concept idal qu'il contemple par la comme le peintre pense, copie sur la toile le tableau son regard sur lequel d'artiste s'est fix. Penser que l'ordre des faits puisse tre en dsaccord avec l'ordre des ides est une folie, puisque les premiers ne sont de ces dernires. que l'expression La consquence de ce principe, c'est que les maux infinis de nos jours la socit et qui affligent humaine, drivent de la libert de qui, en dernire analyse, ont pour vraie cause le dsordre, l'homme, dplorable dans l'esprit des hommes. Car ce ne sont qui. rgne les vrits rvles pas seulement par Dieu lui-mme, contre se rvolte maintenant la raison hulesquelles : les premiers maine dans l'ordre naturels, principes comme dans l'ordre pratique, sont mconnus, spculatif fouls aux pieds. attaqus,et C'est pourquoi, celui qui dsire tre aussi utile qu'il le peut sa patrie et l'humanit toute entire, devra mettre le doigt sur la plaie sociale, devenue dj ganet contribuer de tout son pouvoir rtablir greneuse, (1)Cette introduction est la mme que cellede la premire dit:on. CORN. IIIL. SCOL/ i P

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INTRODUCTION.

Tordre dans les ides, pour opposer une digue ce torrent de calamits qui, de jour en jour, devient plus large et plus imptueux. mis le doigt sur la plaie en Et l'on aurait vraiment fondant o les jeunes une institution Lien tudiants, auraient trouv, avec une tendresse disposs, vigilante et une prudente les moyens de conserver direction, leur innocence et de faire d'excellentes tudes. Il a t impossible de raliser cette ide Pise, et nous tirons un A^oile sur les causes de cette indignit : ce n'est pas mon affaire de traiter une semblable matire. tout le contraire de ce qui est arriv, Esprant : je vivais Rome au mois d'aot dernier j'avais quitt retir dans une petite villa solitaire, aux pieds d'un de ces riants coteaux qui dominent et je m'tais Florence, mis composer un cours de philosophie, pour servir de texte aux tudes des jeunes gens qui se seraient runis Pise dans le but que nous avons dit. Ce cours avait un double but : le premier, de prles lves par une solide philosophie l'tude parer de sciences et le second de approfundie plus leves; les prmunir, des principales par la dmonstration vrits, contre les erreurs qu'on aurait probablement leur inculquer cherch dans les chaires de l'universit. Malgr les incidents qui sont survenus, je n'ai pas voulu laisser inachev un ouvrage dont la composition tait trs-avance et l'impression dj commence. Sans compter que l'institution, interdite cette anne, tre autorise plus tard, le travail pouvait que j'avais convenait aux jeunes entrepris parfaitement gens qui suiven t les cours du lyce, et tous ceux qui, en dehors des coles, aiment les tudes philosophiques. Pour ces raisons, et aussi pour cder aux instances le ritres de nombreux amis, je me suis dcide publier (J). avoir indiqu les motifs qui m'ont dMais, aprs de fi) La fondationde l'Acadmiepliilosophico-mdicale Saint-Thomasdonne aujourd'hui notre cours une importance particulire, parce qu'on y trouve exposeet dmontrela doctrine qui doit tre rame de cette Acadmie.

PHILOSOPHIE SCOLASTIQUE.

l'crire, il fauL que je dise pourquoi termin j'ai voulu qu'il ft ce qu'il est. l'intention de composer, Depuis longtemps, j'avais on vue des jeunes tudiants, et en rapport spcialement avec la brivet du temps, ont coulume qu'ils d'y une philosophie qui aurait mrit l'estime employer, et l'approbation et laquelle tous les savants gnrale, de notre temps auraient pu faire bon accueil. voulu m'en tenir ce seul point de Mais, si j'avais t compltement frustr dans mes dsirs. vue, j'aurais toutes les coles d'Europe ont banni comPresque la philosophie, ou bien elles en donnent pltement seulement quelques notions confuses et sans connexion, qui n'ont de la philosophie que le nom; et quand bien on fait parade de l'tudier mme, ce qui est trs-rare, il y a une telle varit et une telle srieusement, contradiction parmi les doctrines enseignes, que l'on ne peut pas s'attacher l'une sans se mettre en guerre ouverte avec l'autre. Cette diversit, qui rgne entre les coles modernes, est si gnrale deux trouver qu' peine pourrait-on du mme cours, clans le mme professeurs collge, dont l'enseignement soit d'accord, je ne dirai pas sur toute la philosophie, mais seulement sur ses principes fondamentaux. Bien [dus, on n'est pas capable d'endix ans la mme doctrine : c'est un seigner pendant va-et-vient de changements et de contraperptuel dictions. Il est certain que, de mme que le centre du cercle est un et indivisible, et qu'il y a un nombre infini' de en s'loignant de rayons qui vont toujours davantage lui, de mme, la vrit est une et indivisible, et les erreurs sont innombrables, qui s'en cartent toujours de plus en plus loignes du centre, et par l mme les unes des autres. Vous changez, disait Bossuet l'hrsie, donc vous tes Terreur. On peut en dire autant les de toutes prtendues modernes, philosophics qui, par cela mme sont multiples et contraires, doivent qu'elles tre, toutes fausses, ou toutes except logiquement parlant, si jamais elles possdent une, et comme elles varient,

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INTRODUCTION.

de vrit, ce n'a t ou ont possd quelque parcelle que pour un instant. car c'est la consquence J'ai dit logiq_ie-ne~i\tparlant, contraires ne peuvent de ce principe, que des doctrines et qu'il peut arriver aussi que tre galement vraies, n'ait aucune de ces philosophies connu la jamais vrit. donc faire? Que restait-il Puisque je ne pouvais trouver aucune philosophie qui, de nos jours, et conquis et l'approbation l'estime et que je ne voulais gnrale, abandonner le projet de composer un pas nanmoins ni suivre cours de philosophie, de ceux l'opinion qui voudraient la voir chasse de la socit humaine comme produisant plus de mai que de bien, je n'avais un des partis suivants : plus qu' prendre sur les traces Ou marcher des plus fameux philode nos jours, et composer de toutes une sophes pices en me servant, bien entendu, des dcouphilosophie, vertes des autres ; Ou suivre tout simplement la philosophie rvre les temps les plus en reculs, depuis qui a rgn souveraine dans les coles sicles enpendant vingt et qui, pour cela, a mrit, toute de prfrence viron, le nom de scolaslique, ses autre, qui a compt parmi et ses plus ardents dfenseurs les plus grands disciples dont s'honore et qui, comme le feu l'humanit, gnies cach la vue des profanes, est conserve et sacr, avec un soin jaloux dfendue et coupar les humbles amis de la vrit. rageux Le premier et orgueilleux, insens parti me pai-aissait et je n'aurais d'autres pas eu plus de succs (pie tant de notre qui l'on pourrait dire, philosophes poque comme Dante {Purg., XI). Votre gloire est comme l'clat de la fleur qui parait et disparat; et le jour et frache qui l'a vu natre belle la voit aussi mourir (1). Il ne me restait donc plus qu' embrasser le second avec soin si la grande de parti : observer philosophie (1) La vostra nominanza color d'erba Che vienc e va; c quei la discolora. Pcr cui cil' c-iCC dalla terra acerba. [Purg. XI, 115.)

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SCOLASTIQUE.

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S. Thomas et de Dante avec ses d'Aquin pouvait, aux donnes modernes rpondre antiques spculations, des sciences en et, si je la trouvais exprimentales, avec elles, la proposer avec cette rapport simplement la vrit. certitude que peut seule inspirer Je l'ai fait, et, sans ambages, je peux dire franchement que cette philosophie peut et peut seule donner de toutes raisonne une explication les dcouvertes des sciences qui sont en contradiction exprimentales, manifeste avec les systmes philosophiques que nous avons successivement dans vus, de nos jours, passer les coles. le ne doute point qu'en d'affirmations si prsence ne sourient et ne haussent les; prcises, beaucoup Ce sera leurs yeux une grande ou audace paules. une bizarrerie non moins reque de vouloir grande mettre en honneur une philosophie qui, depuis longde l'enseignement temps dj, a t bannie public, '_ comme un recueil de fables non-seulement inutile, mais nuisible au progrs de l'humanit. Pour faire sentir toute la vanit d'une accusation aussi gratuite ce sera, je l'espre, un que passionne, de tout homme sens argument puissant auprs que l'autorit de ces vingt celte sicles, pendant lesquels a t enseigne avec une certitude philosophie pleine cl entire : car elle a par les gnies les plus sublimes commenc sous Socrate, et elle a fait dans les sicles surtout suivants, depuis l're chrtien ne, d'admirables soit arrive sa perfece qu'elle progrs, jusqu' ction. Un corps de doctrine inles grandes qui a satisfait d'un d'un d'un Gicron, Platon, Aristote, telligences d'un S. Augustin, d'un Albert le Grand, d'un S. Thomas, d'un S. Bonaventure, d'un Dante, d'un Bellarmin, d'un et d'autres bien contenter Suarez, semblables, peut aussi les ntres, et a, certes, le droit de n'tre pas frapp sans examen d'ostracisme pralable. l'histoire Mais, sur ce point, il vaut mieux interroger que l'autorit. Et d'abord, cherchons et par quel quand, moyeu, celte philosophie, tant de sicles, a t qui, pendant

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dans les coles du ainsi dire, seule pour professe, en tre bannie. a commenc monde civilis, rforme de la soi-disant Ce fut au temps religieuse. le ce grand Alors commena fait, et ce fut justement de l'aMartin moine Luther, porte-tendard apostat qui se fit aussi le porte-tendard religieuse, postasie non moins fougueux de l'apostasie philosophique. contre de la rbellion avoir lev le drapeau Aprs adveril se trouva en face de redoutables l'Eglise, aristotlicienne dans la philosophie saires, qui, aguerris les sophism.es nant ou scolastique, rduisaient par la foi. De l ses coil cherchait combattre lesquels et Aristote, lres contre le Lyce qu'il appelait par S. Thomas et tous 'drision le charlatan grec, contre si basse qu'elle les scolastiques ; il n'y a pas d'injure, contre t lance Martin, soit, qui n'ait par l'apostat ces grands et contre leur philosophie. gnies mort ont jur une guerre Luther et ses partisans : la religion et la philosaphie scolastique catholique ce temps, divises de mme et, depuis que les sectes, contre l'ancienne entre elles, s'unissaient troitement de mme, en tolrant quel systme religion, n'importe si trange et si absurde qu'il ft, elles philosophique, les ont tourn, toutes avec un ensemble merveilleux, forces de la lutte rationnelle, contre pour ainsi dire, l'ancienne philosophie. si l'on devaient tre les lois de cette lutte, Quelles avait combattu et d'amour de avec un peu de loyaut la vrit ? On devait le fond de la philosophie scolaprendre le sparer de toutes les donnes stique, particulires cette sur la physique aussi poque exprimentale, bien que des opinions de certains scolaparticulires et la combattre dans le dostiques, vigoureusement maine de la raison et des faits reconnus incontestables par l'observation. Et cependant on n'est jamais entr dans cette voie tait la seule lgitime. qui, pourtant, En effet, quelle est la substance de la philosophie l'ordre rel, d'o il faut partir scolastique par rapport l'ordre idal? La voici : pour arriver

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d'une sont composes 1 Toutes les choses muables c'est-et d'une dterminable dterminante, partie et d'acte; dire de puisasnce rellement diffrent 2 Les substances corporelles elles et non pas seulement entre parles apparences; dans leur tre substanet muables elles sont diverses de l'eau ; en soi diverse tiel; ainsi le fer a une nature etc. ; en sorte que, si les la pierre, de la chair vivante, la constitution des dans entrer viennent lments il y ou non vivantes, vivantes substances composes, : de l vient que, dans de nature a un vrai changement ou non vivantes, vivantes les substances" corporelles, et le dterminable deux principes, on doit considrer la puissance c'est--dire le dterminant substantiel, dit la matire autrement et l'acte substantiel, premire et la forme substantielle ; et leur change des substances 3 Outre la diversit il y a encore une diffment dans leur tre substantiel, dans l'tre et un changement rence entre les accidents, ont encore c'est--dire accidentel, que les substances des puissances et des. actes accidentels. Telle est la substance de la philosophie scolasti'que. et les Et parce que les facults de l'essence, driyent de la doctrine des facults, oprations par cela mme, fondamentale venons naissent, d'exposer, que nous dans l'ordre rel, des consquences par rapport logiques aux facults et ces consquences et leurs oprations; la l'ordre leur tour, dans idal, constituent, pour non moins un corps de doctrine ancienne, philosophie essentiel que le prcdent. Les ennemis de la vrit ne songrent point dle devant le tribunal de la raison "et dans montrer, domaine des faits, la fausset souvede ces principes rains de la philosophie mais, par une' scolastique, et honteuse, de la il s'efforcrent stratgie dloyale traner dans la boue en la combattant manire d'une tout oppose. Par malheur humaine, pour la socit cette indigne russit du vulgaire, et stratgie auprs mme fut souvent employe par ceux qui auraient'dmoins le faire. Ils recueillirent d'abord tout ce que les plus anciens

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d'Aristole avaient crit depuis, de la physique partisans et firent dans Tordre exprimental, purement passer dfectueuses et ces affirmations ces observations de la philosophie scofausses, pour la quintessence las tique. dans le domaine de l'exprience, Puis, montrant, ce qu'il y avait de plus contraire nous le rptons, aux ils opinions professes par les physiciens postrieurs, dclarrent aux qu'une philosophie qui tait si oppose donnes des sciences devait tre regarde physiques, non-seulement comme mais hostile tous les fausse, de la science, puisqu'on ne veut plus donner le progrs nom de science connaissances ou qu'aux empiriques exprimentales. Les reproches adresser Vphysique que l'on pouvait ancienne furent aussi adresss la exprimentale ancienne. philosophie spculative c'est raisonner en dpit du bon sens, et il Certes, faut avoir une grande dans la simplicit confiance des auditeurs dire que quelques erreurs pour partielles de.physique exprimentale puissent, je ne dis pas faire mais seulement branler ce solide et crouler, merveilleux de spculations difice rationnelles, apsur quelques faits trs-simples, puy que l'exprience et le sens commun du genre humain ont mis hors de doute. Si une erreur, dans un ordre inque l'on rencontre frieur ou plutt de faits, est une raison d'ides, pour un systme de doctrines cet ordre, rejeter tranger on pourrait cette rgle d'une manire cruelle appliquer un grand nombre modernes, d'exprimentateurs mme aux plus clbres. Dans leurs il n'y a crits, rien, de plus frquent des erreurs que de rencontrer et presque non pas seulement grossires monstrueuses, en fait de philosophie de morale naturelle, spculative, ou de religion mais encore de en matire naturelle, et de sens commun; tellement se delogique qu'on mande comment des hommes, si perspicaces dans un ordre sur les autres, si peu instruits, d'ides, sont, nous dirons mme, si novices. ces aberrations nous ne contestons Malgr d'esprit,

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qu'ils se sont acquis par point leur gloire cl, le mrite attentive des phnomnes leur observation naturels, en dcouvrir les lois. Aussi nous et par leur habilet bien demander si respectable que la science pouvons ne soit point mconnue et dprcie, des anciens, parce satisfaction de les avoir pris qu'on aura eu la purile assertion hasarde sur les faits en faute pour quelque difice de leurs spcu.naturels, quand le gigantesque lations reste inbranlable. de la philosophie En second lieu, les ennemis scoun argument lastique employrent qui devait plutt sa louange. tourner Ils dirent qu'elle tait ne dans le Lyce, et qu'il ne convenait eussent pas que les chrtiens pour matre le Ils doivent aux principes de s'attacher paen Aistote. la vritable et pure philosophie des Pres de l'Eglise et des docteurs Mais nos adversaires ne recatholiques. et lgitimes marqurent pas que les vrais principes de la philosophie tirer leur origine doivent de la raison naturelle, aux chrqui n'est pas particulire tous les hommes. tiens, mais commune Si la philosophie aristotlicienne s'est trouve propre au dveloppement des dogmes rvls, scientifique c'est un argument trs-fort en faveur de sa vrit. de la vrit de la docCar, comme on ne peut douter trine rvle, on ne peut pas non plus la lgre traiter de fausse une philosophie merveille qui s'accorde avec elle, et peut se dire sa fidle servante. Bailleurs lui reprocher d'tre si l'on peut profane, ainsi parler, c'est en mme temps rfuter une accusation tout oppose, celle d'tre une philosophie d'; glise, de sacristie, employe par les catholiques, pour leurs suivant autre une layer dogmes qui, jugs en opposition natuavec l'ordre rgle, se trouveraient rel de la raison. cela peut-il Or, comment se faire, puisqu'il est indubitable a t enseigne dans que cette philosophie sa partie essentielle et admirablement par Platon, perfectionne do Stagire? plus tard par le philosophe Et c'est l une chose aussi prcieuse qu'honorable : ils dfendent les dogmes rpour les catholiques

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des Pres extraite vlos, non pas avec une philosophie ou des docteurs de l'Eglise, mais avec celle que leur a lgue le Lyce paen comme le splendide patrimoine du genre et ils sentent bien leurs humain; que en sont d'autant ne solides, preuves plus puisqu'on ait t fabrique dessein peut souponner qu'elle par l'un d'entre eux. ds les premiers sicles de l'Eglise, Clment Aussi, disait : La doctrine d'Alexandrie du Sauveur est paret n'a besoin d'aucun c'est la faite, secours, puisque et la sagesse vertu de Dieu. Si l'on y ajoute la philosa certitude n'est sophie grecque, pas augmente; mais on voit mieux la faiblesse de ses des sophismes et parce la vrit contre adversaires; qu'elle protge les captieuses embches que l'on dresse pour la renvercomme une tranche, ser, elle est comme'une haie, la vigne. qui sert c protger (1). Par consquent, de ceux qui accul'argumentation sent la philosophie d'avoir une scolasfiquo origine n'est pas meilleure d'apaenne, que celle qui l'accuse voir t invente du dogme chrtien. par les dfenseurs Peut-tre le ne devrait-on mmo pas mentionner fait l'ancienne des termes reproche philosophie particuliers et que les puristes traitent qu'elle emploie, de barbares. les arts mcades arts libraux, Mais, sans parler ont chacun leurs mots niques propres, que l'on ap: pourquoi les sciences pelle cause de cela techniques n'en auraient-elles celle qui s'pas non plus, surtout lve le plus au-dessus des penses vulgaires? Cette chaque science, terminologie, approprie outre les penses avec plus de prciqu'elle exprime sert merveilleusement les conserver, en les sion, des altrations elles seraient prservant auxquelles les mots vulgaires auraient exposes, quand chang de sens par le caprice de l'usage. Et de fait, toutes 'les sciences ont une langue ne s'en propre; personne les Alne s'en scandalise. plaint, personne Cependa.nl, usant et abusant si commode de leur langue lemands, (1) Clmcnl d'Alexandrie, Slrom., lib. I.

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et, des composs, ont forg un des drivs pour former tellement trange, qu'auprs langage philosophique une langue dserait de lui la barbarie scolaslique licieuse. en italien celui qui fait de la philosophie Du reste, : il peut, un style barbare d'avoir n'a pas craindre un rare la scolaslique, arriver mme en s'en tenant En effet, c'est au xin 0 sicle qu'elle degr d'loquence. a brill de tout son clat, et le xm sicle est le sicle du latin, d'or de notre langue. Aussi, dans les versions de cette, en langue dans les ouvrages comme vulgaire s'est scorie la prtendue change scolaslique poque, de ce grand sicle, des auteurs en or pur sous la plume de Bachantre de l'admirable sous celle et surtout de tous les comme l'aigle, au-dessus trix qui plane, autres (1). critide la paix, ont beaucoup D'autres, par amour de la philosophie scolaslique qu l'humeur belliqueuse ouverte une porte toujours ont regard comme qu'ils : il y a aussi, des discussions interminables d'aprs cach dans l'usage un grand qu'cllefait eux, danger abud'en : celui de l'arme du syllogisme puissante assercette Ils confirment ser pour dfendre l'erreur. tion par des faits : quelques-uns, en effet, par des subet l'erreur tilits ont rpandu et d'adroits sophismes, la vrit. attaqu doit rpondre tout cela avec S. AuLe philosophe ne en effet, qu'on : Il ne faut pas conclure, gustin un soldat, doit point donner des armes qu'il parce la patrie, contre s'en est trouv qui les ont tournes mdecins ni qu'il ne faut point que les bons et habiles l'usage des instrurecourent, pour notre gurison, et d'iments de leur tat, parce qu'il y en a d'inhabiles gnorants qui ne s'en servent que pour notre perte (2). On a trouv encore un autre argument qui n'tait mais qui a t ccrlaioepeut-tre pas plus spcieux, (1) Ohc sopa gli altri coni' aquila vola. (2) Nuqueenini pro patria non est miles armandns, quia contra patriam nonnulli arma sumpserunt; autideo uti non debent boni doetique medici ferramentis mcdioinalihus ad salutom, quia liis ad pmiieiein eliam indoeti pessimique abutunlur. (Contra Cmsconiumgrammulicum, lib. I, c. il )

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les jeunes ment plus efficace pour loigner, gens surD'un ct, on a de cette philosophie. tout, de l'tude et ses obscurits,, ses difficults exagr trangement et du temps qu'il fallait pour l'apprendre; la longueur d'une clartdes philosophies on a prsent de l'autre, comet si faciles d'un format minime, admirable, tumois, les plus jeunes que, en quelques prendre devenir trs-forls diants pouvaient philosophes. de dire quelle force, pour loigner Et l'on ne saurait a eu cette assertion des sots-, dont ces tudes, auprs au dire de l'Esprit-Saint, n'est rien moins le nombre, de en effet, une folie insigne Et ce serait, qu'infini. une de prfrence une philosophie choisir autre, non pas cause de la valeur intrinsque que lui donne de temps mais parce qu'il faut moins la vrit, pour d'une a le mrite fort douteux et qu'elle l'apprendre, clart apparente. J'ai dit clart apparente,, parce que, sous ce rapport, considre de l'exposition la clart il faut distinguer en tant qu'elle de la clart de rlocution en elle-mme, si ce dernier est un sujet dtermin; est applique tant soit peu difficile, il restera tel, quelle que toujours dans ses QuesCicron soit la clart de l'exposition. tions acadmiques, posait cet axiome sur ce sujet : Si il me de Dmocrite ou d'Epicure, je suis la physique et de m'sera bien facile de faire de la philosophie, d'Amafanius tre un pilever a la hauteur (ce devait En effet, quoi de plus facile que curien grand parleur). de parler d'atomes, la position qui, suivant que le hasard leur a donne, l'tre de toute chose? composent difficult c'est pour moi une grande Mais, au contraire, de faire de la philosophie, parce que je suis l'opinion de ceux qui admettent deux principes dans les corps (1). De mme, si nous considrons la doctrine de certains hommes trs-savants en physique, rputs par les Herzen les Buchner, les Moleschott, et exemple, autres, sont suivis qui, bien qu'trangers, aveugldo (1) Ce passa;!! Cicron et d'autres encore seront cits de nouveau an commencement e la l'iiysujue gnrale. d

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preelle nous semblera, ment par nos compatriotes, Si vous leur demanmire vue, d'une clart admirable. ils vous diront dez ce que c'est que l'me, que c'est la disposition des molcules c'est--dire l'organisme, de ses mouvements. La et le rsultat du "cerveau, de l'opration du cerpour eux, est le rsultat pense, des veau qui pse tout ce qui agit sur lui, la manire de l'alphabet De mme que les lettres corps pesants. donnent une infinit de mots, diversement disposes atomes dans les innombrables de mme, rpandus forment toute la diveret leurs mouvements, l'univers leurs diffrentes sit des substances, transformations, dans leurs et cet ordre cette beaut oprations, qui nous contemplons le spectacle nous ravissent, lorsque de la nature. est Ate expose! est facile Qu'elle Que cette thorie comprendre Mais si l'on veut pour tout le monde! aux faits, on quelque l'approfondir peu et l'appliquer de telle verra les difficults se multiplier et grandir, il faudra aux suprecourir sorte que, pour les viter, et les plus les plus tranges et, positions gratuites; on aura besoin de plus de certes, pour les admettre, les profondes courage que pour affronter spculations de la scolastique. la clart la Voil pourquoi avec laquelle apparente se fabrique accomun monde nouvelle philosophie ses hypothses mod arbitraires, pour l'expliquer ensuite avec une admirable me parat semfacilit, la clart du crpuscule du soir, qui, d'instant blable en instant, devient ce qu'il se conplus obscur jusqu' fonde avec la nuit close. C'est tout le contraire la philosophie scolaspour le prince des philosophes, rduisit en Aristote, tique. les inspirations de Platon, et les enseigna systme dans le Lyce : puis les docteurs et surtout chrtiens, S. Thomas l'ont et perfectionne. d'Aquin, purifie Elle prend le monde tel que le Crateur l'a fait et s'efd'en pntrer les force, par de puissantes recherches, Sans doute, elle a, surtout au commencemystres. ses obscurits, et il serait trange ne les ment, qu'elle et pas. Mais ces tnbres ressemblent au crpuscule

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du matin, qui se dissipe peu peu pour tre remplac par la clart du jour; et si l'on ne peut dire que l'on la pleine lumire, arrive qui n'est pas de ce monde, il est certain devient de plus en plus que la clart cel ineffable contentement et donne l'me grande, dans le chaste cre trouve embrasque l'intelligence de son souverain sement objet, le vrai. et c'est une chose qu'il faut bien considrer, Aussi, tandis modernes ne nous offrent pas que les sicles avoir tudi et seul savant, d'exemple aprs qu'un embrasconnu ces doctrines les ait abandonnes.pour un grand nombre de ser les nouvelles, il nous donnent clbres du contraire. Et je suis convaincu exemples d'une intelligence mme mdiocre, que, si un homme ou qui, du moins, mais de bonne foi, exempt de prjugs aurait la force de les dominer, voulait cette tudier il en reconnatrait bientt la vrit, et philosophie, mme s'en ferait le dfenseur. peut-tre Nous ne pouvons de citer ce sujet nous empcher un exemple mmorable. Dans les trois sicles qui suivirent la t-forme, parmi dont elle s'honore le plus, il les savants htrodoxes et surtout surn'y en a peut-tre pas un qui gale des passe Leibnitz, pour la force du gnie et l'tendue connaissances. Mais pour la bonne foi dans les tudes, la droilure il de la vrit, dans la recherche d'esprit est certainement de tous, et peu s'en faut le premier qu'il ne soit le seul, au moins dans une telle mesure. Or Leibnitz, en ge, et aussi plus avanc plus avanc dans la vraie science, abandonna la nouvelle philosole disciple, mais t non-seulement phie, dont il avait l'illustre dans son Systme propagateur: thologiqioe, il dfend la scolastique, et porte ce jugement sur elle, et sur les dtracteurs des grands hommes qui l'ont Nous nous sommes une livr, dil-il, enseigne. tude rien moins que superficielle des mathmatiques, de la mcanique et et de la physique exprimentale, nous nous avouons au commencement, penque, chions susdites carvers les doctrines (la philosophie mditainstruit Mais, tsienne). par de continuelles l'ancienne d'embrasser lions, nous avons t contraint

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Si nous et d'en enseigner les principes. philosophie, la srie des mditations avions le temps d'exposer que doceux qui ne sont point encore nous avons faites, de leur imagination mins par les prjugs verraient bien que les ides, embrasses par nous, ne sont point on le croit vulgairement obscures et ineptes, comme les anciennes audoctrines, parmi ceux qui mprisent Aristrefois Platon, reues par tous, et qui insultent comme s'ils n'taient tote, le divin Thomas, que des enfants (1). scoMais, aprs avoir laiss de ct la philosophie et l'avoir comme les amis du fausse, lastique rejete retrouv en auraient certainement vrai, et les savants les sufune autre qui et t vraie, et qui et mrit et tous se seraient frages de tous les hommes d'tude; constamment donns comme ses disciples et ses dfenseurs fidles. si la scolasarriver C'est ce qui devait on voulait le faire croire, comme tique tait fausse, contandis dans que c'tait l'hypothse impossible : la arriver traire. arriv? Ce qui devait Or, qu'est-il vrit de la philosophie a t splendidement ancienne confirme. Du reste, que la scolastique soit d'origine paenne ou chrtienne, ou lsoit barbare que son langage soit soit belliqueuse ou pacifique, gant, qu'elle qu'elle facile ou difficile, il me semble, et ce sera, je l'espre, (1) Le nombre des savants qui se sont fait inscrire dans l'Acadmiephilosophico-mdicale de Saint-Thomasd'Aquin, montre clairement que la vraie philosophie se rpand, et que les prjugs invtrs se dissipent peu peu. C'est pour moi une grande joie de voir que l'illustre professeur Augustin Riboldi, qui a composun admirable coursde Physique, ait fait un si beau pangyrique de la doctrine du saint docteur dans la dissertation : La Physique de S. Thomas, publie Milan par VEcolecatholique.J'ai pri ce clbre savant italien de me dire s'il n'avait rien trouvdans mon cours de contraireaux sciences naturelles, et il m'a rpondu : Vous dsiriez connatre les observations que je pourrais avoir faites en matire de science naturelle sur l'estimable ouvrage que vous allez rditer. Je vous remercie sincrementde l'honneur que vous me faites, mais je regrette de ne pouvoir vous rendre ce petit service. J'ai lu votre livre, et je n'ai pas trouv une seule expression inexacte corriger. Ce tmoignage n'est-il pas tout l'honneur de la philosophie de S. Thomas, la seule expose dans mes leons? Ose trouve doncla prtendueoppositionentre la philosophie scolastique et la science moderne? Elle ne peut exister que pour ceux qui ne connaissent pas bien l'une ou l'autre, ou, ce qui arrive souvent, l'une et l'autre. Elle n'a point t dcouverte, du moins, par le savant professeurRiboldi, trsvers dans la physique moderne, et qui connat d'ailleurs fondla philosophiede S. Thomas.

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il s'agit de l'avis de tout homme sens, que, quand la premire, ou, pour mieux dire, la seule philosophie, c'est sa vrit ou sa fauschose qu'il faille considrer, est set. Or, s'il en est ainsi, on trouvera que celle-l du vrai, qui vraie, ou du moins a toutes les apparences nos jours, mme seule a pu subsister jusqu' aprs l'et chasse du domaine de la laque que le monde et et mis tout en oeuvre pour en crer une science, autres. Et quoi tout cela autre ou mme plusieurs a-t-il abouti? Si l'on parle d'un corps de doctrines spuniversellement culatives, plein, sr, et embrass par les savants, au moins dans ses points fondamentaux, on peut dire, en toute vrit, que, dans le monde scienil n'y a point de philosophie antimoderne, tifique il n'y en a mme pas (Textra-scol astique; scolastique, s'il en existe une, qu'on me fasse le plaisir de me la nommer. Il est facile de comprendre et plus facile encore de voir quelle doit tre la condition du monde ncessaire. scientifique, priv de ce fondement Je constate donc ici que l'on n'a pas pu constituer une nouvelle philosophie aprs avoir banni l'ancienne. de philosophies, trsCertes, il y a eu des quantits les unes aux autres, mises en avant par les opposes : mais aucun d'eux ses n'a su donner philosophes lucubrations le solide fondement de la vrit; aucun n'a su lui donner l'universalit et la dure, et, pendant trois sicles, on n'a fait autre chose que de tomber d'erreur en erreur. La philosophie de Descartes, par on voulait la raison la mthode laquelle appliquer avait applique la foi, celle de Loch, de que Luther de Spinosa, de liant, de Pichte, d'HeMalebranche, et de tant d'autres, ont montr gel, de Schelling, jusla faiblesse des plus puissantes intelqu' l'vidence la vrit. L'histoire ligences, quand elles s'attaquent des philosophes modernes n'est autre chose que l'histoire des aberrations intellectuelles de l'homme abandonne aux caprices de son orgueil; tellement que cette histoire la pathologie de la raison pourrait s'appeler humaine. Et d'abord, en combattant la doctrine des scblastiques, qui va si bien au fond des choses, on ne voulut

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dans les substances ;ms admettre corporelles inorgade leur activit : on im principe intrinsque niques la aussi la plante : on le refusa ensuite le refusa comme une simple machine, brute, que Ton regarda et conduite constitue d'atomes, par une agrgation 1 de mouvements : enfin on le mcaniques simples [ai et Ton ne voulut refusa mme l'homme, pas reconet immortelle. natre en lui une me subsistante L'un, les bases de sa philosophie dans ses rveries, posait immdiate de l'tre au sur l'intuition divin; l'autre, l'homme de n'accordait contraire, que les sensations un peu mieux labores et plus parfaites. la brute, voulait ne voulait Celui-ci plus de Dieu : celui-l que disait que la matire, Dieu ft tout; cet autre en se une perfection dveloppant, acqurait toujours plus devenait ainsi toute chose, et enfin Dieu luigrande, un autre ramenait la pentoules les ralits mme; rien en se toute seule, et enseignait qu'il n'existait dehors de cette pense sous qui, en se- dveloppant, des formes toujours nouvelles et des aspects toujours devenait le grand tout, ou l'Etre nouveaux, suprme; et il n'y a pas longtemps un proque l'on a entendu allemand vomir fesseur celle horreur du haut de sa : Maintenant chaire et crer je vais faire le monde Dieu. Enfin, ces philosophes, se voyant tombs dans un inextricable de contradictions innombralabyrinthe une philosophie bles, constituaient qui pt embrasser toules ces contradictions, en enseignant galement et le non-tre taient la mme chose. C'est que l'tre ainsi qu'Hegel, si fameux par ses folles excentricits, affirmait et encore que le nant est proprement l'tre, que la pure lumire, est la pure obscurit ; et il basait sa philosophie sur les axiomes suivants : 1" La formule de la folie antique tait : Ce qui est, est; ce qui n'est pas, n'est pas. 2 Le premier est de dire : Ce qui degr de la science est, n'est pas; ce qui n'est pas, est. :i0 La vrit absolue est : Ce qui est, est et n'est pas; ce qui n'est pas, n'est pas, et est. En un mot, les philosophies que l'on a cres, aprs CORN. PIL. Scoi.. '2 P

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avoir rejet la scolastique, sont si tranges que l'on : Si les hommes vrit dans leurs peut dire en toute relations et sociales mettaient en pratique domestiques les principes la terre bientt ne qu'elles enseignent, serait plus qu'un vaste asile d'alins. de ces folles rveries, les intelligences Fatigues de rester solidement qui n'eurent pas le bonheur apsur l'ancre de la foi, se reposrent finalement puyes dans un matrialisme complet, qui, dans l'ordre spculatif comme dans l'ordre n'est presque autre moral, chose fidle de la philosophie que l'expression d'Epicure. Et voil le fruit que le monde a recueilli de l'ade Luther et de la rforme postasie philosophique suivant le systme de Descartes en tre (1)! Il devait Si la philosophie avait ancienne ainsi, et pas autrement. t fausse; trois sicles de recherches et obstines d'tudes acharnes auraient aucun doute, d, sans faire trouver enfin la vraie philosophie. Or, on ne l'a pas antrouve; et, comme, je l'ai dj dit, la philosophie cienne tant vraie dans son essence, dans c'est--dire ce qu'elle a de rationnel ou de spculatif, il tait imd'en trouver une autre. possible Nous l'avons un peu plus haut, les erreurs remarqu lamentables scientifique, qui ont envahi le monde aprs l'abandon de la scolastique, ne sont pas, grce Dieu, communes tous les savants qui ne la suivent point ou mme Il y en a beaucoup, Dieu qui la combattent. en Italie surtout les ecclet ailleurs, merci, parmi dont la conscience humaine et la foi chrsiastiques, tienne s'lvent bien au-dessus des systmes philoso ces et, quelle que soit leur opinion par rapport phiques, ils font tous leurs les efforts pour dfendre derniers, il faut raisons ternelles de leurs croyances. Toutefois, diis la philobien dire qu'ils ont peu de confiance (1) Voici de quelle manire Pierre Leroux, qui n'est pas suspect en colle matire, parlait de la rforme cartsienne : Descartes est venu afin que l'mancipation religieuse lut pousse toutes ses consquences, afin que le monde ft compltementet radicalement affranchi de l'Eglise, que l'homme de l'avenir ft un homme complet. [Rfutationde l'Eclectisme, par Pierre Leroux, I" partie, g 1). Elle est belle, en effet, cette perfection qui, fonde sur la destruction de la vraie philosophie et sur une licence effrnedonne la pense, n'a ricr pu crer de stable n: d'honnte en plus de trois sicles!

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avec assez et qu'ils la cultivent peu sophie moderne, leurs tudes n'ont encore d'ardeur, produit puisque Au contraire, toutes aucun travail malgr remarquable. si l'on contre la scolastique, dchanes les colres comfait abstraction des cours que les professeurs de leurs lves (et il y en a de toutes posent l'usage les faons) les seuls travaux importants philosophiques sont tous annes en Italie dans ces dernires publis : je veux parler de Sanou la dfendre pour l'exposer Ce derdu P. Libratoire et du P. Kleutgen. severino, est l'gal du prenier, pour la force de l'intelligence, il ne le cde point mier, et pour la clart de l'exposition, au second (1). sont des si tous les trois Ce n'est pas ma faute hommes S'il s'agit de travaux philosophiques d'Eglise. en ces dernires par des laques remarquables, publis de annes, je n'en connais pas : il y en a quelques-uns mdiocres : mais, justement parce qu'ils ne sont point ils sont vivifis scolastique, par la vraie philosophie et bien souvent la trs-nuisibles, toujours peu utiles, saine et abonsurtout, jeunesse qui veut une nourriture, de dante. Je ne veux point, malgr cela, nier le mrite comme rares Gonti, qui crivains, Auguste quelques de la plus grande estime professe pour la philosophie S. Thomas. hommes Quoi qu'il en soit, les quelques qui, aujouraux tudes d'hui, sont obligs par devoir de s'appliquer le coeur et qui ont, en mme philosophiques, temps, aller un dcouragement total, quand droit, se laissent ils ne suivent et de l'Ange de l'cole, point la doctrine ils voient dans la philosophie un champ strile qui boit les sueurs aucun de celui qui le cultive sans rapporter fruit pour le payer de ses fatigues. Et c'est avec un profond chagrin les de nos jours, toutes que nous voyons, sciences ont et rester striles, languir depuis qu'elles abandonn la vraie philosophie, et n'ont plus leur base (1) Les rcents travaux sur l'ontologisme des clbres Pres dominicains, Thomas-MarieZigliara, et Albert Lepid'i,publis, cette anne (1874), l'occasion du sixime centenaire de S. Thomas d'Aquin, montrent bien que l'esprit, du Docteur angliqueanime encore le grand ordre des Frres prcheurs et l'illumine toujours des splendidcs rayons"de l'antique aurole de sa science.

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de la physique cela est vrai surtout naturelle; exprides trsors de faiis et d'applicamentale, qui recueille matriel des peuples, et en mme tions au bien-tre en contradiction vidente avec les se trouve temps admis divers par ceux qui systmes philosophiques, Tellement cultivent les sciences positives. que, lorsque dans leurs ouvrages, doivent ou veulent ces derniers, ils s'en un peu de philosophie rationnelle, employer vont presque ttonnant dans les tnbres de toujours de logique, l'incertitude avec un tel manque' qu'ils font piti des lecteurs habitus de solides et clairs raisonnements. Il y a, c'est bien vident, un remde ce dplorable tat de choses : c'est la volont d'embrasser nergique la vrit, des prjugs sans s'occuper les plus invredites d'une ignorance trs,, et des vaincs prsompPour ma part, j'ai fait tout ce qui dpendait tueuse. de moi afin d'arriver ce rsultat, et, l'occasion que au commencement, j'ai rappele j'ai laiss toute occuce cours. Il devait, comme pation pour composer je l'avais contenir la doctrine de annonc, proprement S. Thomas et de Dante, la mre et la nourrice de tous les grands dans gnies qui ont brill par leur savoir les sicles passs, et dont l'abandon a caus de si graves autant dans l'ordre dommages, scientifique que dans l'ordre moral. Je ne la professe est pas parce qu'elle mais est vraie, et je ne veux ancienne, parce qu'elle d'autorit mais par pas la faire accepter par des raisons de solides et videntes dmonstrations. De plus, pour couper court toute controverse his la doctrine de tel ou tel auteur torique par rapport ancien ou moderne, ds prsent : je ne je le dclare veux soutenir dont je rue fais expresque les doctrines sment le dfenseur : je ne veux combattre que les seules doctrines sans les que je nomme expressment, attribuer qui que ce soit, moins que je ne le dise en termes Les raisonnements et les faits seront positifs. les seules armes que j'emploierai; les tmoignages que bien confirmer serviront mes doctrines, j'apporterai rendre plus claires mes penses, et faire voir qu'elles sont conformes celles des anciens : mais, malgr le

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ils ne tiendront pas lieu de dpoids de leur autorit, Pour le mme motif, monstrations philosophiques. j'ai sur toute infinies de ct ces difficults laiss que, on a coutume de tirer des divers philosophique, question on a : elles sont faciles rsoudre, quand philosophes la vrit, et que l'on a tabli la conclairement exprim solides. C'est de cette sur des preuves clusion faon nanmoins, j'ai pu arriver que, sans rien ngliger t impossible autrement. cette brivet qui m'aurait la plus grande clart A la brivet j'ai voulu joindre : car ce dans des sujets d'une telle profondeur possible dans l'enseignement sont ceux-l qu'il faut dvelopper d'une philosophie, peut s'appeler qui, sous tout rapport, tre une haute philosophie. Aussi, clair, je n'ai pour imaginaire, je l'ai pris pas voulu me crer un monde l'a fait, et j'ai dissert tel que le Crateur sur lui avec un style facile tantt d'une didacet simple, manire tantt en syllogismes suivant serrs, tique, que le rela nature des choses, et la convenance de l'enqurait seignement. S. Thomas la pense de diviser ce J'ai emprunt cours en leons : car c'est la division dans qu'il emploie ses oeuvres telles purement que ses philosophiques, Commentaires sur la philosophie Comme d'Aristote. notre cours doit servir des jeunes gens occups il m'a fallu exposer toute la partie d'tudes, beaucoup de la scolastique en un petit nombre de spculative si le temps le permet, on pourra, Toutefois, leons. dans les classes rester deux ou trois jours ordinaires, sur la mme leon, surtout le jeune homme sera quand habitu aux spculations et que les philosophiques, seraient et plus difficiles comlevons plus longues Si elles encore vu prendre. paraissent trop pleines, l'lvation des sujets qui y sont trajts, on pourra remdier de trois manires cette : premiredifficult les jeunes avant de se rendre en classe, ment, gens, liront la leon que l'on y devra expliquer, pour en avoir d'abord une ide quelconque, qioique confuse ; deuxile professeur ne perdra en dimement, pas de temps mais donnera seulement au texte le gressions inutiles, ncessaire du sujet; dveloppement pour l'intelligence

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un vrai dsir les jeunes auront troisimement, gens et se persuaderont bien, ds le commend'apprendre la base de tout cement, qu'ils posent, par cette tude, devront lever ultrieurel'difice scientifique qu'ils d'aimer ces nobles ment. II ne leur sera pas difficile des philosophies A l'oppos nouvelles, spculations. ne donnent incertitudes, que qui, par leurs fatigantes aux aux professeurs comme du dgot et de l'ennui comme la scolastique, lves, j'en ai fait l'exprience a cela de annes d'enseignement, plusieurs pendant dans l'me des jeunes excite gens, qu'elle particulier un grand dsir de chercher, de se rendre d'aller compte, non-seuleau fond de toute chose : ce qui les dispose agir ment s'instruire de plus en plus, mais encore et il y en a si peu de comme des hommes qui pensent; nos jours qui sachent et qui osent le faire ! dans ces leons, Quant aux matires que j'ai traites aux titres que j'ai mis au commencement la division, de chaque partie, je dirai, en peu de mots, que j'ai suivi car il me semble que les innovapas pas les anciens; tions modernes en matire de philosophie spculative J'ai t tre considres comme non avenues. peuvent un grand nombre de oblig par mon plan de traiter la lgret moderne trs-leves; questions pourra y trouver de l'excs et croire ouvrage, que le prsent aux jeunes destin spcialement gens; dj assez avanIl n'en lves des lyces. cs, sera peu utile aux jeunes de ce cours pour une anne scoest rien ; le volume et comme laire n'a rien qui puisse entire, effrayer; part de rares exceptions, je ne me suis point occup, des systmes contraires et d'autres que les questions modernes ont introduites, mon avis, fort inutilement, de marge du fond mme j'ai eu beaucoup pour traiter de la philosophie. si, malgr cela, le contenu D'ailleurs, de ces leons parat encore un fardeau trop lourd pour un esprit jeune encore, les on pourra passer les parties plus difficiles. Et, ne dt-on en prendre que ce qui est demand de licence, on l'y trouverait pour les examens et plus sr, que dans les cours plus complet prpars annes. ces dernires exprs pour les lyces pendant Mais ce ne sera l qu'un Le mieux serait expdient.

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tte repose de docd'tudier cet admirable systme trines tout entier. Et, pour ce que j'ai tch d'exposer et fidle, je ne sais pas s'il y a un qui est d'tre complet cours qui le soit plus que le mien, surtout en langue Je ne crains pas d'tre tax de prsomption vulgaire. en parlant ainsi, car il ne s'agit pas de ma science: c'est une simple et, pour la faire, il fallait exposition; moins de gnie que de courage contre de vieux pret dont on avait d'une combattre, jugs que l'on devait certaine il est croire que faon se dfier. Toutefois, ceux qui auraient ces prjugs, ne seront pas trop malvu surtout cette libert universelle de la veillants, et regarde comme une des tolrance, pense appele de notre sicle. Les rveries les plus bizarres conqutes et les plus ont droit de cit dans le monstrueuses, monde philosophique : est-il possible qu'on n'y puisse tolrer une doctrine seule penqui y a rgn presque dant deux mille ans, et qui en a t chasse, sans qu'on ait voulu seulement couter sa dfense? J'ai expos nonle systme tout entier, scolastique seulement dans l'espoir tablissements que quelques le faire tudier dans toute sa plnitude, mais pourraient dans la probabilit encore, d'hommes, que beaucoup dans le monde, voudront une connaissance prendre suffisante de cette philosophie, sur laquelle, peut-tre, ils n'auront entendu ou de que des blmes gratuits basses la fin, et Qu'ils persvrent moqueries. jusqu' ils verront bien que le systme entre autres scolastique, a celui d'une unit harmonieuse, mrites, magnifique, et que toutes ses parties se rpondent et se soutiennent de telle de ses sorte que s'il s'agit rciproquement: doctrines vouloir en rejeter une et conserprincipales, ver le reste, n'est pas plus possible une que d'enlever roue une pendule, sans dranger l'unit de son tre et de son mouvement. Je le remarque ici pour dissiper illusions. certaines Rien n'empche sans doute que l'on ne soutienne telle ou telle thse particulire de S. Thomas et des scolasde tiques ; mais s'il s'agit de ce qui fait le corps mme leurs doctrines, il est, pour ainsi dire, d'une seule pice ; il faut l'embrasser tout entier, ou le rejeter tout entier.

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suivre S. Thomas,, Que dire alors de ceux qui croient admettent avec lui l'existence de Dieu et yarce qu'ils l'immortalit de l'me : ou qui s'imaginent, dans leur la philosophie simplicit, professer scolastique, parce comme elle le syllogisme qu'ils emploient rigoureux? Voil ce que j'avais dire ceux qui voudront se servir de notre livre, ou qui, du moins, ne le condamneront pas. Pour les adversaires de la philosophie en ces expose : je suis certain leons, je n'ai pas m'en occuper d'avance ne les regarderont mme qu'ils pas. Cette a pour eux le grave inconvnient rserve de les maindans leurs prjugs : mais elle a du moins tenir cet de ne point fatiguer leur esprit par des tudes avantage et de ne point le mettre dans la ncessit de srieuses, d'anciennes et chres erreurs. Ouvrez au hasard rejeter un de ces livres du matrialisme qui sont les oracles et vous verrez, sans pouvoir en douter, moderne, que telle est leur habitude : ils font fi des doctrines respectes tant de sicles, et dmontres pendant par une foule et ils ne dissimulent invincibles, d'arguments point mme, qu'ils n'en savent pas un mot : ils s'en vantent et ils ont ainsi autant de droit les mpriser qu'un se moquer des signes algbriques villageois ignorant tracs sur un tableau. qu'il verrait, par hasard, est incurable, ceux qui Mais, comme leur orgueil incombe dans l'tat civil le devoir de s'occuper de l'instruction doivent veiller ce que, indpenpublique, damment de tout esprit de parti, on enseigne dans les chaires la vrit, fondement de l'ordre indipubliques viduel civil et politique, sans laquelle la domestique, des nations est phmre, et la vie 'des Etats gloire semblable la vie d'une plutt plante parasite qu' celle d'un chne robuste. de tant d'annes L'exprience aurait d faire voir tout le monde, qu'ordinairement la rvolution ne lve jamais son tendard sur les places sans qu'il n'y ait eu auparavant dans les publiques, coles une autre rvolte moins tumultueuse, mais beaucontre la vrit. Le peuple fourcoup plus dangereuse, nit les bras; mais les ttes sortent Et ce des coles. serait une situation dplorable que celle d'un pays o

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aux pieds les droits sacrs de la paternit, l'on foulerait dans la dure ncessit et o les pres seraient d'envoyer notoirement leurs fils suivre un enseignement mauvais, le voile d'une rudition indiau fond, malgr quant mal ordonne des phnoet une connaissance geste, mnes de la nature. sous la Tel n'est point l'tat des institutions places : on peut compter des voques qu'ils veildpendance du prinleront, pour que, par une fausse interprtation on n'ait pas la libert d'enseigner cipe in dutiis libertas, de philosophie. en matire toute sorte de nouveauts aux lois, qui, quand seulement Ce principe s'applique crer ne peuvent de vritable elles sont douteuses, cela voudrait dire Mais dans l'enseignement obligation. toute doctrine qu'on peut enseigner qui n'est pas communment Or, avec cela, il n'y reue dans les coles. aurait ouverte aux plus rien de sr : la porte serait comme nous les plus absurdes, puisque, systmes l'avons vu, il y en a de professs par des philosophes qui se disent catholiques. Les professeurs des coles soumises aux prlats ecles prlats et eux-mmes, clsiastiques, remplacent comme ils n'enseignent ils ne pas en leur nom propre, suivant devraient leurs propres pas non plus enseigner Les prlats la responsabilit ides. toute de gardent : les pres font absolument chrtiens l'enseignement abstraction de la personne du professeur et de ses doc: ils amnent trines leurs ces enfants particulires d'une certaine coles, en les mettant faon sous la tutelle de la sainte Eglise. Gela est surtout vrai des smio l'on lve les futurs membres du clerg, car naires, une science solide et parfaite est ncessaire aux prtres, non-seulement des hautes fonctions de pour l'exercice leur ministre, mais encore, parce que, qu'on le croie ou qu'on ne le croie pas, la science du clerg devient tt ou fard la science du peuple; et l'ignorance du de l'ignorance du clerg. peuple est un effet dplorable Aussi, je ne veux pas le faire, j'tais heureux d'indiquer une base solide pour l'instruction du clerg, ce quoique ne ft pas l mon but principal. La philosophie que et que j'enseigne, n'est pas la mienne : c'est, j'expose

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INTRODUCTION.

la philosophie et substantiellement, parler proprement de l'Eglise, la dignit, comme soutenu qui en a toujours on peut le voir dans l'article xm du Syllahis, pour ne pas citer d'autres preuves. Je m'arrte ici et je remercie Dieu de m'avoir donn l'occasion et la force de publier une philosophie minemment : il m'a t possible italienne ainsi de prouver par les faits, la sincrit de mon amour pour la reet pour la patrie, autant et de contribuer ligion qu'il tait en moi la rforme des tudes et la restauration de la science, et comme le demandent le vrai progrs le bien public. C'est sans doute une oeuvre difficile, car, comme le remarque T. Tacite dans la vie d'Agricola. Telle est l'impuissance de l'homme : le mal est et le remde est lent; le corps qui se fortifie prompt, laborieusement : et il est plus dtruit est en un moment facile d'touffer et l'mulation les talents que de les ranimer . (J. Agric. Vit. 3.) Pour un grand nombre, la philosophie de S. Thomas et de Dante sera une nouveaut: mais s'ils d'Aquin l'tudient d'une manire srieuse et impartiale, je ne doute pas que les magnificences qu'ils y dcouvriront ne soient telles, que ses ennemis ne poureux-mmes ront pas se taire (1) . (Par. XVII.) Florence, le 18 octobre 1872. :1| Le sue magnifieenzcconoscluLe Saranno ancora si, ehe i suoi nemici Non ne poteau tener le lineue mute [Pur., XVII.)

PROLEGOMENES

PREMIERE LEON. Utilit et ncessit de la philosophie.

La philosophie n'est un riche ornepas seulement ment de l'esprit humain ; elle est encore minemment soit comme utile l'homme, considr soit individu, comme membre de la socit. C'est une vrit qu'on ne saurait moins de mpriser l'autorit contester, des plus grands et de sages qui ont paru sur la terre, de la raison. rejeter les enseignements En effet, si nous interrogeons les sages de l'antiquit, nous les trouverons d'accord sur ce sujet. parfaitement J'ouvre les oeuvres immortelles de Platon, et, dans le livre de YEtre, Thodore et Socrate se j'entends Selon moi, nul homme ne parler ainsi : Thodore. peut se dire Dieu, bien que tel ou tel doive tre appel : tous .les philosophes, divin par exemple, auxquels je ne puis pas refuser ce titre. Socrate. Ami, tu as mais il est aussi difficile de trouver de vrais raison; Ve de la philosophes que des dieux. Dans le Dialogue Platon dfinit ainsi le philosophe : Et ne Rpublique, dirons-nous est l'ami de la sapas que le philosophe avidement non pas celle-ci plutt gesse, cherchant que C'est juste mais cherchant : toute sagesse? celle-l, seulement distinction remarquez que je fais une grande entre ceux qui, curieux de connatre les choses par euxmmes ou par le tmoignage exercent les d'autrui, et auxquels arts, et ceux dont nous parlons maintenant, seuls donner le nom de philosophes. Les je puis suivantes paroles combien, Platon, les prouvent d'aprs sont ncessaires l'Etat : Soyez attentifs philosophes Si les philosophes ce que je vais dire. Parlez.

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ou bien ne prennent pas les rnes du gouvernement, si ceux qui ont le pouvoir entre les mains n'acquirent suffisante de la philosophie, en pas une connaissance et l'autorit ne soient sorte que la philosophie pas comme il arrive mainentre divers sujets, partages voir finir les on ne pourra tenant, jamais esprer maux de l'Etat, et mme, mon avis, ceux du genre Voil le sentiment du divin tout entier. humain clairement Platon, exprim. des orateurs, Gicron, assis sur les Quand le prince coteaux de Tusculum, et oubliant les faverdoyants et le tumulte du Forum, du Snat, runions tigantes du la contemplation sa belle levait intelligence la philosophie en ces termes vrai, il exaltait magnifiguide de la vie, tu nous enques : 0 philosophie, des vices! Que la vertu, et tu nous dlivres seignes la vie sans toi, et, sans toi, que serait serions-nous Tu as cr les cits, tu as runi en socit humaine? tu as invent les lois, tu as les hommes errants... et la discipline. Nous nous jetons form les moeurs ton assistance tes bras, et nous demandons entre ; consacr tout entier ton jusqu' prsent, presque dsormais nous nous y consacrons tude, compltede tes ment. Un seul jour, pass dans l'observance de celui qui vaut mieux que l'immortalit prceptes, On est bien loign, de rendre s'en carte. cependant, la philosophie l'hommage qui lui est d : elle se voit des hommes et mprise nglige par la plupart par la Et pourtant, comment peut-on attaquer beaucoup. se souiller d'un tel mre de la vie? Gomment peut-on parricide? dans ses Questions Voil ce que Gicron crivait son autdrit Tusculanes (V. 2). Si nous voulons citons celle du grand celle d'un sage chrtien, ajouter Thomas d'Aquin, qui, dans le triumgnie de l'Italie, est assis entre Dante et Galile. virat de nos sommits, Le tmoignage de ce soleil de la sagesse humaine est d'autant qu'il renferme plus digne de notre attention, une excellente des textes cits plus haut. interprtation Dans le commentaire du livre De la Consolation de la crit : La 2)MlosopJde. laiss par Boce, S. Thomas

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rend l'homme semblable Dieu... Aussi philosophie disait: La philosophie me promet de me rendre Snque Dieu. Ailleurs il ajoute : L'homme semblable spun dieu log dans un corps huculatif est comme main. Selon Platon, dit ailleurs le Docteur anglique : est l'Etat Bienheureux ; gouvern par un philosophe au peuple ayant un enfant sa tte... Rien de malheur plus vrai que cette parole de Platon : car la philosola vie, dirige les actions, ordonne phie ou la sagesac indique ce que l'on doit faire et ce que Ton doit omettre. Dans sa lettre XVI, Snque dit : Si vous voulez soutoute chose votre autorit, mettre commencez par vous soumettre vous-mme la raison. Gouverner est le propre du sage, dit Aristole et ordonner dans la prface de sa Mtaphysique. De ces affirmations rsulte clairement la haute convenance qu'il y a de confier aux sages la direction de l'Etat, et Cicron dit avec raison, au commencement de sa Rlito nique : dont la destine serait Que d'avantages pour l'Etat entre les mains de la sagesse ! Cette ne parole seule donne le droit signifie pas que la sagesse mais bien que ceux qui dirigent les affaires rgner, doivent se laisser guider publiques, par la vraie sagesse. Ces louanges de la philosophie excessives paraissent au premier abord; mais, si, par philosophie, nous entendons ce qui tait entendu sages, c'est--dire pares l'tude de la sagesse, et si, avec Cicron, nous dfinissons la sagesse : la science des choses divines et humaines (De tant soit peu, douter de leur O/f., I, 43), pourrions-nous, vrit? Par sa nature, l'homme est destin la condu vrai, et la possession du bien : il y naissance trouve la paix et la perfection. Or, que fait la philosophie, sinon de lui donner des ailes, afin qu'il ait plus de facilit pour voler vers ce double but? La philosophie dre le fait pntrer dans la connaissance spculative Dieu et de toutes les choses cres : la philosophie selon laquelle il doit lui prsente la rgle, pratique de Dieu et des hommes; disposer ses actes l'gard en outre, elle lui montre sa fin, une flicit ternelle vers laquelle doit tendre son me immortelle, fin enno-

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Providence blie et surnaturalise qui, par la divine a voulu, aux dons de la dans les cratures raisonnables, nature, ajouter les dons de la grce. de est la science le but de la philosophie Puisque ne faut-il et humaines, les choses divines toutes pas en dehors" de la conclure parler, que, proprement science et il n'y aura aucune naturelle, philosophie, la mdecine, la chimie, l'astronomie, que la physique, la philosophie? la jurisprudence seront subordonnes elles ne le Ou bien, si elles ont le nom de science, seront certainement pas en ralit. et de ces dmonstraEn prsence de ces assertions les vient naturellement sur toutes tions, une question : Si la philosophie est digne d'un tel honneur, lvres d'une telle aurole, si le front du philosophe resplendit aux si cette science de si grands procure avantages individus se fait-il que, depuis et la socit, comment la plus grande un sicle, elle soit considre comme ennemie de l'ordre social et religieux? Gomment, phisont-ils et songe-creux losophe et incrdule, philosophe peu prs synonymes? Parce devenus que la vraie a t chasse de presque tous les pays ; philosophie aprs avoir donn aux jeunes gens une lgre teinture on les jette dans l'tude de notions philosophiques, ou historique des diverses branches exprimentale des connaissances humaines. Tout cela, mon avis; vient de ce que, la vraie phion a substitu un vain fantme de philosolosophie, phie sans esprit et sans vie; on a branl les principes ternellement la base de la science vrais, qui taient ont divorc humaine avec ; les hommes compltement la sagesse de nos anctres, et se sont livrs au doute comme universel pour en faire jaillir toute la science, du nant Dieu a fait sortir l'univers. Folle entrecommence qui, dans l'ordre philoprise, par Luther les a vu marcher sa suite les Descartes, sophique,, les Locke, les Kant,. les les Malebranche, Spinosa, et tant d'autres, Pichte, les Hegel, les Schelling ns, ce dans Tordre spculatif les plus semble, pour rpandre tnbres, et, dans l'ordre paisses pratique, prparer la voie un bouleversement social universel. Gomme

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n'tait si la philosophie une, de pas essentiellement mme que la vrit est une; comme si l'on pouvait, consans erreur, des opinions professer compltement on a voulu accorder chacun le droit de tradictoires, se faire, son gr, une philosophie et de la baptiser de son nom. Voil le fol orgueil dont s'est gonfl l'esprit voil aussi comment un libre champ a t humain; et les plus grosouvert aux erreurs les plus palpables doit tre la sires. Cette fatale erreur, que le doute source premire de toute certitude, n'est rien quand on la compare aux extravagances modernes. Nos contemcout et applaudi ceux porains ont imperturbablement : : L'tre est la mme chose que le non-tre qui disaient chose qui existe : moi, ou plutt ma pense, voil l'unique hors de ma pense, il n'y a rien : Dieu est tout : je suis Dieu. de la aberrations Je ne nie pas que les plus grandes sorties des pays d'au del des ne soient philosophie : mais, peut-on nier surtout de l'Allemagne monts, des aussi que l'Italie, constitue par Dieu matresse n'ait admir ces pseudophilonations, trop souvent absurdes et n'ait accueilli leurs sophes trangers, l'Italie doctrines? de sa dignit, En cela, trop oublieuse a eu la mauvaise de ngliger les immenses inspiration trsors de ses anctres une main suppour tendre la- fausse monnaie pliante afin de recevoir que lui offrait Voil pourquoi elles sont si rares, parmi l'tranger. les jeunes gens nous, les villes dans le sein desquelles les quelques sans mlange trouver, d'erreur, puissent notions dont nous parlions; et de l philosophiques vient que l'tude de la philosophie, parmi nous, est nonseulement mais encore pernicieuse. insuffisante, Voyez, de en effet, o nous en sommes rduits. Non contente faire abstraction de l'essence des substances qu'elle sur cette la physique embrasse tudie, galement, les opinions les plus contrade l'essence, question dictoires : et pourtant, il faut bien admettre que toutes ces opinions une sont fausses, ou que, parmi elles, seule peut tre vraie. gurir travaille La mdecine l'homme sa constitution tout d'abord sans connatre comme un indiffremment ejle le considre physique;

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de points intendus ou comme un assemblage agrgat La jurisprudence fait abstraction d'atomes inertes. des rationnels fondements de toute justice : ainsi premiers en est-il de toutes les sciences. Il ne serait pas juste d'en rendre responsables les professeurs de ces sciences; car celles-ci, n'tant que des sciences subalternes, recevoir doivent leurs principes de la science princidite, et sppale, qui est la philosophie proprement : lors donc que la mtacialement la mtaphysique vient manquer, les sciences subalternes physique sont prives de leurs fondements. Tout homme de sens est oblig de convenir que toutes les connaissances humaines sont renfermes dans le cercle des essences, des facults, des actions et passions des tres, et que la diversit des essences entrane ncessairement la diversit des facults et des oprations. donc de l'indiffrence uniQue penser verselle dans presque toutes les coles, au qui rgne entre elles, sur les essences sujet de doctrines opposes des choses ? Avouons sur une mer que nous naviguons de doutes, chaque instant sur les que nous chouons cueils de l'erreur, et que la sagesse loin de humaine, recule videmment. progresser, Cet tat de choses rend manifeste la convenance et la ncessit de s'adonner autant que le srieusement, la brivet du temps et la multitude des comportent : c'est indispensable tudes, la philosophie pour ceux aux tudes qui veulent s'appliquer avantageusement de l'universit. L'tude suprieures philosophique, faite dans les diverses coles d'Italie, nous pouvons le dire sans tre accus de mensonge, est non-seulement mais encore imparfaite, insuffisante, et, au moins en errone et pernicieuse. partie, Donc, afin que l'difice dans l'universit, scientifique, que l'on veut construire ait une base solide, afin que nous ne runissions pas un amas de connaissances seulement mais historiques, vraiment il que nous soyons informs par la science, convient de poser comme fondement, la connaissance des vrais de la philosophie principes que nous exposons clans cet ouvrage. Accordons aient eu la rare fortune que quelques-uns

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dans une chaire de philosophie, d'entendre dvelopper, assez sre et assez solide. Est-il inutile une doctrine de nouveau de s'appliquer cette tude? pour ceux-l, car l'tude del philosophie, si ncessaire Non, certes; de l'individu, cl au Lien de la socit, a la perfection ne pourrait, sans un grave dommage, tre circonscrite dans les bornes troites dans les qui lui sont assignes de l'Etat. De grands comme nous le hommes, lyces lisons dans l'histoire, ont frquent l'cole de philosoavec une longue harbe au menton, phie, non-seulement mais mme avec des cheveux blancs. L'illustre Aristote, celle du divin pendant plus de vingt ans, frquenta l'iaton ; et ceux qui ont aspir la premire place, dans du savoir humain, inules les branches sont revenus, de de la philosophie, temps en temps, l'lude pour avoir devant les yeux de l'intelligence les principes toujours absolument ncessaires toute solide connaissance. Noire bul tant donc de donner aux jeunes gens, dans les universits, non pas une qui vont tudier science mais une science solide pour leur vulgaire, clc leur famille et de leur pahonneur, pour l'honneur avons jug absolument l'trie, nous indispensable lude de la philosophie d'une anne pendant l'espace en y consacrant le temps non requis entire, pour l'tude des autres sciences. A ces raisons doit s'en ajouter une autre toute propre notre : c'est la ncessit de procurer aux poque de la philosophie, jeunes gens, par l'lude l'pe el le bouclier contre les erreurs sous le qui se rpandent manteau du sophisme : ces erreurs sduisent spcialement la jeunesse, met moins en que son ingnuit contre la fraude et le mensonge. Il est trsgarde difticile de tromper un profond : aussi philosophe les modernes matrialistes et les athes voyons-nous de notre temps, viter la liitle avec les vrais philotout en oeuvre pour que leurs persophes, el mettre sonnes et leurs crits soient ensevelis dans le silence de l'oubli. il s'lve entre eux Que si, par hasard, discussion vous les voyez aussiquelque scientifique, tt rester interdits ou recourir devant le philosophe, aux armes employes seulement par ceux-l qui sont Coiix. PIIIL.SCOL. 3

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et les insultes. dans l'erreur, je veux dire, les injures tant d'honneur Si la philosophie et d'avanprocure et la socit, si, de nos jours, son tages aux individus au del de toute expression, tude est ncessaire il faut nous y consacrer avec le dsir trs-ardent de l'approdes temps nous obligent fondir. Les circonstances ici la donner en abrg; mais nous ferons tous nos efforts : du vieux proverbe pour ne pas mriter l'application de ct Laissant Gompendia smpe fuere d/ispenclia. inutiles de questions et celles qui sont tout beaucoup [ait videntes, nous embrasserons la mthode qui nous le mieux de la ncessit de rpter les prservera mmes choses, et, par suite, de perdre le temps. Nous ne sommes esclaves d'aucun et nous nous glosystme, rifions de dire : Amiens Plato, amicus Aristoteles, sed Mais il nous est doux de pouvoir magis arnica veritas. andes philosophes dire, aprs une tude approfondie ciens et modernes, avec plus que la terre o resplendit le gnie, d'clat la sagesse fut l'Italie; philosophique qui ne pourra jamais avoir un rival dans la philosophie, est l'Italien Thomas d'Aquin ; le potc divin qui, avec une profondeur et une sublimit a su incomparables, l'unir la posie, c'est un Italien : Dante AlighierL DEUXIME LEON. Dfinition et division de la philosophie. La philosophie est l'tude et l'amour Dfinition. de a sagesse, comme nous l'avons dit dans la leon elle s'tend toutes les connaissances auxprcdente; on peut donner le nom de science. Or, ce nom quelles ne signifie pas une connaissance exprimenpurement obtenue tale, ni une connaissance par le tmoignage et l'autorit d'autrui ; mais il signifie une connaissance tire des causes mme des choses. vidente, certaine, Ce n'est pas le lieu de dvelopper les diverses parties de cette dfinition : qu'il nous suffise, pour le moment, de savoir que la science a pour objet direct les notions universelles et pour objet indirect les notions des individus. Ainsi, par exemple, je fais ce raisonnement:

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est immortelle; Toute me intellectuelle or, toute me humaine est intellectuelle est ; donc, toute me humaine La connaissance immortelle. de eetle dernire proposition universelle est scientifique, et les propositions de cette nature sont l'objet direct de la science. Mais,'pendant que ma raison prononce un tel jugement, indirectement elle prononce que Pierre, ayant une me intelleca une me immortelle. a pour tuelle, Ainsi, la science en gnral, objet direct l'me humaine pour objet indirect l'me de Pierre en particulier : et ceci s'applique la connaissance de toutes les choses. scientifique Nous entendons les choses finies; car, quand il s'agit de l'tre infiniment de notre prinparfait, l'application doit se faire d'une faon toute spciale, cipe gnral que nous verrons en son lieu. On peut considrer Division. l'acte de l'intelli2 en tant qu'il l'tre; gence : 1 en tant qu'il connat ou l'exemplaire de ce qui peut est l'ide, tre fait soit immdiatement, soit par le moyen par la volont, des puissances Dans le prequi lui sont subordonnes. mier cas, nous avons la connaissance : par spculative le monde est fini; dans le second cas, nous exemple, avons la connaissance : par exemple, la crapratique ture doit honorer le Crateur. De l dcoule la division de la philosophie et de la science, en philosognrale et en philosophie ou science phie ou science spculative, Cette division est parfaite, pratique. parce que toute l'un ou l'autre connaissance scientifique appartient rien ne peut membre. Et, en effet, rien ne peut exister, tre connu par l'homme ou que ce qui est impossible du premier est possible pour lui : or, la connaissance la science la connaissance du second est spculative, la science pratique. Division de la philosophie ou science spculative. On doit la diviser d'uniselon les diffrentes manires Pour en faisant abstraction de la matire. versaliser, un homme en particulier, cela, considrons comprendre dtermines de temps existant dans telles conditions et de lieu, ayant telles chairs et tels os, et se nommant Csar. Je puis le toucher, l'entendre et le voir, c'est-une connaissance dire, avoir de lui, comme individu,

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une pas la science.'Faisons exprimentale qui n'est laissant de ct tout ce abstraction mentale, premire en Csar, tout ce qui est circonscrit qui est individuel considrons et le temps : avec l'intellect, par l'espace l'essence de l'homme, seulement qui est commune existants et possibles, et qui, par contous les hommes Dans cette considration abest universelle. squent, la matire individuelle de Csar, mais straite, j'carte carter la notion gnrale de la matire, je ne saurais l'essence de l'homme. parce que le corps appartient de Csar, je puis le Ce que je dis pour la connaissance dire pour la connaissance de tout tre : animal, plante, minral. La premire abstraction carte donc la matire mais non la matire commune. individuelle, Toutes les connaissances de ce genre, runies enme donneront la premire de la philosemble, partie la science le Comme sophie spculative, physique. de cette science est trs-vaste, nous la subdivichamp : serons en plusieurs pour plus de clart, parties i L'tre matriel en gnral, abstrait de la matire sera l'objet de la physique individuelle, gnrale. 2 La substance non vivante sera l'objet de corporelle 3 La substance la, minralogie. corporelle, ayant seu lement la vie vgtative, sera l'objet de la iotanique. 4 La substance sera corporelle, ayant la vie sensitive, de la zoologie. 5 La substance vil'objet corporelle et ayant un principe de vie raisonnable, sera vante, de l'anthropologie. Telles sont les cinq divisions l'objet de la 'physique, rationque nous pouvons appeler nelle pour la distinguer de la physique exprimentale ou historique, vrai dire, n'est laquelle, pas une science. Par une abstraction on carte la matire plus grande, commune seulement la quantit, pour considrer prode la matire. soit conCette quantit, prit commune sera l'objet de la seconde tinue, soit discrte, propre la mathmatique. partie de la philosophie spculative, s'levant auEnfin, l'intellect humain, compltement dessus de la matire et de ses proprits matrielles, de toute matire. l'tre spar L'tre ainsi contemple est l'objet de la mtaphysique, contempl qui prend ce

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des choses physinom parce qu'elle s'lve au-dessus en dehors Or, l'tre qu'elle considre ques ou corporelles. dans deux tats : ~ de toute matire, peut se prsenter la matire, 1 Ou bien il est tel qu'il peut accompagner sans elle ; alors il sera mais qu'il peut aussi se trouver partie de la mtaphysique, l'objet de la premire apde cette parce que l'tude premire, pele philosophie convenablement l'tude de la physique partie prcde 2 Ou bien il est parfaitement immat. elle-mme. de la matire; alors nous avons la riel et indpendant et science qui a pour objet les intelligences spares Dieu : c'est la seconde partie de la mtaphysique, que en dernier lieu cause de sa sublimit. l'on expose de la philosophie Telle est la division spculative. de la philosophie ou science pratique. Division Celle-ci a pour objet l'ordre que l'homme peut produire dans ses actions : 1 Ou bien en tant qu'elles s'ac 2 Ou la fin dernire. cordent avec la loi et regardent bien en tant qu'elles le bien-tre de procurent physique 3 Ou bien en tant qu'elles sur la l'homme. s'exercent nature extrieure De l rsulte : 1 la corporelle. 2 de l'ordre de science de l'ordre moral; physique 3 de l'ordre dans les choses extrieures. l'homme; Laissant de ct ces deux dernires de la parties science pratique, qui demanderaient trop de temps la science ici, nous nous bornons pour tre traites de l'ordre moral; elle peut tre divise en plupratique : sieurs parties traitant en gnral de l'ordre moral, cona) D'abord, sidr dans ses causes, formelle efficiente, matrielle, et finale, on a l'thique; aux conditions de ensuite 1)) Descendant spciales l'homme comme individu, et l'on moral, on le considre a la morale moindividuelle, appele par les anciens on le considre comme membre de la famille, nastique; et l'on a l'conomique; on le considre enfin comme partie de la socit, et de l la politique. des sciences indiques tout l'heure, Logique. L'tude doit tre prcde ordinairede la logique, par l'tude ment La logique instrumentum sciendi. appele apl'ordre qu'il doit mettre dans les actes prend l'homme

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la vrit et possder de son intelligence, pour connatre des choses : aussi l'appelle-t-on science rala .science tionnelle Sans raison). (le mot grec, 16-JOS, igniiieparole^ s clous de raison ont une logique doute, tous les hommes naturellement la vrit; naturelle, qui les conduit naturelle chez est trs-imparfaite mais, cette logique la plupart des hommes, soit parce qu'ils ngligent la culture de leur intelligence, soit parce que souvent ils sont agits par des passions ou de qui les empchent voir les principes de la science, ou d'en rgulateurs faire l'application convenable. Il en rsulte que trs-peu d'hommes, parmi ceux qui n'ont pas tudi soigneusement la logique artificielle dans les coles, enseigne sont exempts de graves erreurs sur les questions releves. ne dirions-nous Et, pourquoi pas de l'art d'arriver la connaissance de la vrit et des sciences, ce et des arts libraux? que nous disons de la rhtorique Comme la logique artificielle ne fait pas autre chose que avec mthode et prcision, les rgles dj d'enseigner, donnes ainsi la rhtorique naturelle, par la logique la nature les prceptes de l'loquence; emprunte et la peinture rduisent en mthode ainsi, l sculpture les rgles les enseignes par la nature pour exprimer choses sur la toile ou par le marbre. Or, quel orateur avoir sans l'lude de la rhtorique? parfait pourra-t-on ou quel sculpteur, sans l'tude des rgles Quel peintre formules et la sculpture? parla peinture Or, il faut en dire autant, et plus encore, de la logique, parce que dans les oprations mettre de l'esprit l'ordre rationnel, est plus difficile ou sculpter. que bien parler, peindre Une autre raison, toute propre nos temps, sollicite les jeunes de la logique : gens une tude srieuse c'est l'immense diffusion des erreurs et le rarc'enseide la vrit. Celui qui, en temps de peste, est gnement un air et de respirer oblig de vivre avec les pestifrs fait sagement en emde se prmunir, empoisonn, ce qu'on appelle les remdes ainsi ployant prservatifs; doivent faire dans l'ordre aujourd'hui, scientifique, ceux qui ne veulent victimes pas tre les malheureuses des plus tristes erreurs. Or, parmi les remdes qui prservent d'un si grand l'tude de la lomal, se trouve

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du vrai gique qui donne, je dirai, le tact intellectuel la et du faux, une singulire sagacit pour discerner vrit de l'erreur, le faux qui, trs-soupour dmasquer comme vrai, grce au sophisme vent, se fait admettre sous lequel il se cache. spcieux

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PREMIRE

PARTIE

TROISIEME LlifJON. De la cause efficiente de l'ordre logique. est l'homme, La cause efficiente de Tordre rationnel et de donner ici une notion courte dont il convient des choses que ncessaire pour l'intelligence gnrale, On dfinit l'homme nous aurons dire dans la logique. : substance il est raisonnable un animal complte, la matire et compos de deux substances incompltes, est comme un petit monde, parce qu'il l'me. L'homme de la nature des autres tres. L'me humaine, participe de le corps de l'homme,, est le principe qui informe toute activit de sa vie vgtative, en lui, le principe sensitive et intellectuelle. Dans l'homme, considr comme substance possdant la vie vgtative, nous voyons les mmes facults : la mais un degr suprieur que dans les plantes, l'accroissement et la gnration. nutrition, Dans l'homme, considr comme substance possdant la vie sensitive, nous voyons les mmes facults a leur facult de connatre, que dans les animaux.-Il par les cinq sens de la vue, de l'oue, de l'od consquent, avec lesquels il se reprsente rat, du got, du toucher, ies objets extrieurs ou mieux, par le moyen corporels; les diverses substances s'unissent desquels corporelles l'homme, diversement en quelque pour lui apporter, connaissance. Outre les cinq sens sorte, leur propre l'homme externes, possde un sens intime, avec lequel il peroit les modifications des sens externes et celles de son organisme in terne : il recueille ainsi la matire,

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des images, dernier terme de la conpour la formation naissance animale. A celte facult sensitive de connatre dans rpond en tant une facult l'homme, qu'animal, apptitive avec laquelle il tend vers ce qui se prsente sensible, au sens comme c'est--dire convenable, bon, et dans la force locomotrice, se trouve laquelle qui meut les membres. en tant que raisonnable, nous Enfin, dans l'homme, et suprieures aux pr voyons des facults spciales Il y en a deux surtout cdentes. : qu'il faut distinguer et la volont, facults immatrielles ou i'intelligence Voici en deux mots ce qu'il suffit d'en spirituelles. savoir pour le moment. Les choses s'unissent l'intellect de l'homme, et de cette union dcoule leur connaissance exqui se fait en une. image spirituelle, et appele verbe. Avec le verbe prime par l'intellect et dans le verbe, l'intellect connat tout ce qu'il connat. Mais comme les choses qui environnent l'homme sont matrielles ou corporelles, et que l'intellect est une facult immatrielle ou incorporelle, elles ne peuvent s'unir lui immdiatement; elles s'unissent par le des espces intelligibles, dans moyen qui se forment l'intellect lui-mme et qui les reprsentent. Inform de la chose, l'intelpar l'espce intelligible se dit lui-mme lect, avec le verbe mental, simplement la chose mme. Ainsi, quand l'oeil a vu un lion, et que la sensation extrieure a t produite, quand, dans l'imagination, s'est forme l'image du lion et que, dans l'intellect, existe l'espce c'est--dire intelligible, la reprsentation du lion, le mme intellect, spirituelle dit en lui-mmeet luipar un verbe incompleoee, mme : lion (1). Ensuite, ayant les espces intelligibles du lion, de la frocit il engendre un et de la douceur, verbe complexe, dans lequel il dit : le lion est froce; ('!) La plupart des philosophes modernes continuent tomher dans l'cn'cur (le lleseartes, et confondentVideavec Vespeeintelligibleet le verbe mental, et ds le commencement e la logique donnent aux jeunes gens de faussesnod tions, en leur parlant des ides. Vide, commenous le verrons, est Ve.remplairc immatrield'une chose ou d'une action, et n'appartient pas la science snculaiive, mais la pratique. C'est dans ee sens que l'ont entendue tous les grands et philosophes thologiens jusqu' Descartes.

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Le premier ou bien : le lion n'est pas doux. de ces est un jugement verbes complexes positif, par lequel l'intellect affirme l'identit; le second est un jugement ou ngatif, par lequel il la nie. J'ai dit exprs affirme la connie, parce que le seul acte de voir avec l'esprit venance entre lion et froce, ou l'opposition entre lion et doux, n'est point un jugement, nonobstant l'assertion errone de certains auteurs. Enfin l'intellect va d'un verbe c'est--dire dJun jugement, complexe, un autre, les compare, les unit ou les divise, et enrverbe complexe, un jugement gendre un nouveau sultant du diseur sus qu'il vient de faire. Ce discours intrieur de l'intellect en voici raisonnement; s'appelle un exemple : Aucun lion n'est bipde; or tout oiseau est bipde; donc aucun lion n'est oiseau. Le fruit ou la fin de ce raisonnement est de connatre clairement et distinctement la vrit des clioses. L'ordre, dans lequel doivent tre disposs les actes de l'intellect pour ob-. tenir cette fin, s'appelle ou rationnel; ordre logique c'est de lui que nous avons nous occuper clans la logique. Il est trs-diffi