Contacts 165 dossier spéciale Tempête

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Dans la nuit du 27 au 28 février, les Aytrésiens les plus proches du littoral ont vécu une nuit de cauchemar pendant que le reste de notre territoire traversait la tempête sans dom- mage. Au matin ensoleillé du 28 fé- vrier, le contraste était presque insoutenable entre le dénue- ment total de ceux que les secours venaient de sauver et la tranquillité de la ville en ce dimanche matin. La conjonction d’une marée à fort coefficient, d’une grosse tempête et d’une forte dépres- sion a produit un déferlement de la mer jamais vu à Aytré. Impensable... Trois vies emportées, cent soixante dix familles qui ont tout perdu, trois campings dévastés, la zone ostréicole si- nistrée, le littoral saccagé, voilà le triste bilan de la tempête Xynthia. Après le temps de l’urgence et de l’aide où professionnels et bénévoles ont été admirables, efficaces, disponibles, attentifs à la détresse, vient le temps de la réflexion et de la recons- truction. Que vont devenir les quartiers les plus touchés, ceux où la vie humaine a été mise en dan- ger ? Quels enseignements tirer de l’exceptionnelle tempête Xynthia ? L’Etat qui a engagé des exper- tises nous promet une réponse rapide. Tant mieux car l’impatience est grande. Votre dévouée Suzanne Tallard Maire d’Aytré 23 mars 2010 Avec mon ami Antoine, nous sommes rentrés tard ce samedi soir au camping Richelieu, sans être trop au courant de ce qui était annoncé. On arrive de la région parisienne et Antoine était ici pour un stage de planche à voile. C’est d’ailleurs ce qui nous a sauvé puisque dès qu’on a compris que l’eau montait, Antoine a enfilé sa combinai- son et le temps de prendre nos papiers dans un sac, il m’a sortie du bungalow sur la planche. Dehors tout était dévasté, c’était la nuit, les gens hurlaient, c’était terrible. Il m’a mise en sécurité et puis il est reparti aider les pompiers. Du coup, il a sauvé plein de gens sur sa planche. Nous ça va, on a perdu qu’un peu de matériel, on est jeune et on s’en remettra. Mais moi, je pense à ceux qui ont tout perdu... A Contacts Mars-Avril 2010 Coralie Guerlach Camping Richelieu 28 février 2010 : Xynthia, raz-de-marée sur Aytré Témoignages Photos J.-C. Foucher / S. Gendrot / P. Courtemanche / A.Touchon Le soir de la tempête, nous étions dix dans la maison de mon frère qui venait de décéder et que nous avions enterré la veille à Charron. La famille était venue de partout en France, nous étions tous réunis dans cette grande maison à étage et c’est ce qui nous a sauvé. La force de la vague a été terrible. Pensez donc qu’une voiture s’est retrouvée portée par dessus la clôture, sans l’abîmer et que le véhi- cule s’est encastré dans le mur ! Nous avons été parmi les derniers évacués à 11 h du matin, dans un canot des pompiers. Au rez-de-chaussée, l’eau était à 30 cm du plafond. Nous sommes retournés sur place 4 jours après, nous avions encore de l’eau au-dessus des genoux. Et tous les véhicules sont hors d’usage. Annick et Ovide Brisemaille 49, route de la Plage

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Le dossier spécial du magazine Contacts sur la tempête qu'Xynthia qui a ravagé notre côte dans la nuit du 28 fevrier

Transcript of Contacts 165 dossier spéciale Tempête

Dans la nuit du 27 au 28 février, les Aytrésiens les plus proches du littoral ont vécu une nuit de cauchemar pendant que le reste de notre territoire traversait la tempête sans dom-mage.

Au matin ensoleillé du 28 fé-vrier, le contraste était presque insoutenable entre le dénue-ment total de ceux que les secours venaient de sauver et la tranquillité de la ville en ce dimanche matin.

La conjonction d’une marée à fort coefficient, d’une grosse tempête et d’une forte dépres-sion a produit un déferlement de la mer jamais vu à Aytré. Impensable...

Trois vies emportées, cent soixante dix familles qui ont tout perdu, trois campings dévastés, la zone ostréicole si-nistrée, le littoral saccagé, voilà le triste bilan de la tempête Xynthia.

Après le temps de l’urgence et de l’aide où professionnels et bénévoles ont été admirables, efficaces, disponibles, attentifs à la détresse, vient le temps de la réflexion et de la recons-truction.

Que vont devenir les quartiers les plus touchés, ceux où la vie humaine a été mise en dan-ger ? Quels enseignements tirer de l’exceptionnelle tempête Xynthia ?

L’Etat qui a engagé des exper-tises nous promet une réponse rapide.

Tant mieux car l’impatience est grande.

Votre dévouée

Suzanne TallardMaire d’Aytré

23 mars 2010

Avec mon ami Antoine, nous sommes rentrés tard ce samedi soir au camping Richelieu, sans être trop au courant de ce qui était annoncé. On arrive de la région parisienne et Antoine était ici pour un stage de planche à voile. C’est d’ailleurs ce qui nous a sauvé puisque dès qu’on a compris que l’eau montait, Antoine a enfilé sa combinai-son et le temps de prendre nos papiers dans un sac, il m’a sortie du bungalow sur la planche. Dehors tout était dévasté, c’était la nuit, les gens hurlaient, c’était terrible. Il m’a mise en

sécurité et puis il est reparti aider les pompiers. Du coup, il a sauvé plein de gens sur sa planche. Nous ça va, on a perdu qu’un peu de matériel, on est jeune et on s’en remettra. Mais moi, je pense à ceux qui ont tout perdu...

AContacts Mars-Avril 2010

Coralie Guerlach

Camping Richelieu

28 février 2010 :

Xynthia, raz-de-marée sur Aytré

Témoignages

Photos J.-C. Foucher / S. Gendrot / P. Courtemanche / A. Touchon

Le soir de la tempête, nous étions dix dans la maison de mon frère qui venait de décéder et que nous avions enterré la veille à Charron. La famille était venue de partout en France, nous étions tous réunis dans cette grande maison à étage et c’est ce qui nous a sauvé. La force de la vague a été terrible. Pensez donc qu’une voiture s’est retrouvée portée par dessus la clôture, sans l’abîmer et que le véhi-cule s’est encastré dans le mur ! Nous avons été parmi les derniers évacués à 11 h du matin, dans un canot des pompiers. Au rez-de-chaussée, l’eau était à 30 cm du plafond. Nous sommes retournés sur place 4 jours après, nous avions encore de l’eau au-dessus des genoux. Et tous les véhicules sont hors d’usage.

Annick et Ovide Brisemaille49, route de la Plage

B Contacts Mars-Avril 2010

La nuit du sa-medi, la nuit de la tempête, on avait en-tendu l’alerte rouge disant qu’il fallait pas sortir de chez nous après 20 h, alors bien sûr on attendait du mauvais temps. Quand le vent s’est levé, je suis sortie pour remettre la bâche sur la voiture mais vers les 5 h du matin, j’ai entendu le voisin crier «on est inondé». Ici dans le quartier, on est habitué à de petites inondations. Mais pas une comme ça. En moins d’un quart d’heure, j’avais de l’eau à la taille, dans ma maison ! Heureusement, les secours sont arrivés très vite. Mon mari malade a été sorti de la maison par la fenêtre. On a été accueilli par les voisins. Certains dor-maient encore et ils ne s’étaient rendu compte de rien ! Maintenant, je ne sais pas si on va pouvoir garder nos mai-sons. J’aime bien mon quartier depuis le temps !

Zora Moustaïde15, cité Aristide-Rondeau

J’habite depuis 4 ans dans mon mobil-home au Clos Richelieu. Le samedi soir, le propriétaire est passé nous prévenir que la tempête menaçait et qu’il était préféra-ble qu’on évacue pour la nuit. Alors quand la fille de mon amie nous a proposé de nous héberger, on a dit oui. Sauf qu’elle habite aux Boucholeurs et que là, ça a été pire que tout. Nous sommes restés entre 3 et 7 h du matin réfugiés sur la mezzanine, on voyait l’eau monter, sans savoir jusqu’où elle irait... Et puis cette odeur de vase, de

gasoil... Quand enfin on a pu sortir, dans la rue c’était indes-criptible. Les voitures dans tous les sens, les frigos dans la vase, des cuvettes de WC sur les trottoirs. La fin du monde. On a été sauvé par un ostréiculteur qui nous a pris en charge. Il avait tout perdu.

Francis Foucart

Clos Richelieu, route de la Plage

Ce qui m’a réveillé, c’est le vent qui remuait les tuiles et puis surtout ce drôle de glouglou que faisait l’eau dans les toilettes. J’ai ouvert la porte qui donne sur la véranda et là, j’ai vu la vague arriver sur moi. L’eau a explosé le vitrage et je ne sais pas encore comment j’ai fait pour fermer la porte, jeter trois affaires dans un sac et monter sur la mezzanine. De là, je suis passé sur le toit par la lucarne, j’étais entouré d’eau. Le temps de voir ma voisine, Sophie Baudry, portée par les flots qui passait devant moi en criant au secours. Je l’ai attrapée par le bras et je l’ai remontée au sec. On est resté là, tous les deux sur le toit, dans la nuit et le froid. Plus tard, les pompiers nous ont amené un jeune garçon, un rescapé lui aussi. J’ai eu la peur de ma vie.

Eric Tréhé11, route de la Plage

Vers 5 h 30, on a entendu le voisin crier «Inondation !». On est sorti et on a vu l’eau qui mon-tait, elle avait rempli la rue des Courlis. Notre maison est légèrement en hau-teur et sur un vide sanitaire, c’est ce qui nous a sauvés. Du

coup, le dimanche matin, on a commencé à faire le café pour tout le monde. Et pendant une semaine, on a fait la cuisine et des lessives pour les voisins du quartier. Les trois machines ont tourné sans arrêt. Il a fallu rajouter des fils à linge au jardin ! Pareil pour le congélateur qu’on a remis en route. Tous les jours, on était 6 ou 8 à table, matin, midi et soir. Le temps que l’électricité revienne, il a bien fallu s’or-ganiser entre nous ! C’est bien naturel.

Colette et Gérard Levêque81, boulevard de la Mer

CContacts Mars-Avril 2010

Comme beaucoup, le diman-che matin en écoutant les infos, je n’arrivais pas à penser que le sinistre avait touché Aytré. Quand je suis passée à la salle Jules-Ferry, c’était déjà la ruche. Les sinistrés en état de choc, les premiers bénévoles à pied d’œuvre. Pen-dant quatre jours, on a servi des repas midi et soir, grâce aux patrons du Restaurant de la Plage qui se sont spontanément mis au service de tous. Chapeau ! Il a fallu gérer une multitude de problèmes, des plus élémentaires au plus complexes. La solidarité a été forte et active à tous les niveaux. Les gens sont venus pour offrir de leur temps, de leur attention. Sans compter bien sûr les vêtements, les meubles, l’électro-ménager. La radio a joué un rôle capital avec France Bleu La Rochelle qui relayait tous nos messages.

Maryline BobrieElue, bénévole à Jules-Ferry

Dès le dimanche matin, je me suis présen-tée à la salle Jules-Ferry, voir si je pouvais faire quelque chose. J’y suis restée toute la semaine. Vous savez, aider les gens, ce n’est pas seulement leur donner du matériel. C’est aussi et surtout leur donner de la chaleur humaine, du réconfort. J’essaie de suivre ce principe qui me guide : «faites aux autres ce que vous aimeriez que l’on vous fasse». Alors je donne ce que je peux. C’est dans ces moments là que l’on réalise qu’on est pas seul, que nous sommes tous ensemble dans la société. Et puis ce qui me frappe, c’est la grand dignité des sinistrés qui, dans leur malheur, n’oublient pas de penser aux autres. Comme s’il y avait toujours plus malheureux que soi.

Marie-France BodyBénévole à Jules-Ferry

Dès le lundi, nous nous sommes organisés avec les assistantes sociales, le CCAS, le Centre Social, les bailleurs sociaux. Il fallait recenser les sinistrés, pren-dre leurs coordonnées, évaluer leurs besoins, gérer les logements d’urgence. Thierry et Marie Bourré, du Restaurant de la Plage, sont venus jusqu’au jeudi pour préparer les repas servis midi et soir. Dès le début, notre objectif principal était le relogement des 166 familles sinistrées. Pas question de les garder dans un cocon artificiel dans la salle Jules-Ferry. Beaucoup de gens ont ouvert leur porte pour accueillir ceux qui

en avaient besoin, tout simplement. Les spécialistes de la cellule psycho-logique ont aussi fait un superbe travail. Nous gar-dons le contact avec eux, en cas de besoin. Cer-tains traumatis-mes seront longs à guérir.

Nancy ClarkDirectrice du CCAS

J’étais d’astreinte ce week-end. Dès le samedi en fin d’après-midi, les pom-piers nous avaient préve-nus d’un risque important d’inondation. On a donc été frapper à toutes les portes route de la Plage, prévenir le plus de gens possible. Tout le monde pensait à 30 ou 50 cm d’eau maximum. Pas à ce qui allait se produire. En début de soirée, le camping Richelieu a

décidé d’évacuer et on a géré l’accueil d’urgence à Jules-Ferry avec la Protection Civile à partir de 22 h. C’est le matin à 7 h, en arrivant au passage à niveau des Mouettes, que j’ai découvert l’ampleur des dégâts. C’était un paysage d’apocalypse. Les pompiers étaient là depuis le milieu de la nuit, les hélicos tournaient. J’ai appelé les col-lègues et on a commencé tout de suite à nettoyer le plus gros des détritus pour faciliter le passage des véhicules de secours. Et puis dès lundi, tout le monde s’y est mis. Les collègues du service voirie, ceux des espaces verts, des bâtiments. Il a fallu refaire en urgence la dune, en prévision de la grande marée du lendemain. Et puis surtout pomper jour et nuit l’eau qui avait tout envahi. Dès que cela a été possible, nous avons aidé les gens à vider leur maison et à déblayer. Tout cela a demandé d’énormes moyens en hommes et en matériel. Et tout le monde s’est dépensé sans compter ses heures.

Michel Renaud, Agent des services techniques municipaux

On est venu nous annoncer vers 20 h que la montée prévue de la mer nécessitait une évacuation. Je pensais alors qu’il y aurait 50 cm d’eau dans le bas du bâtiment. Avec ma femme et mes petits-enfants, nous sommes donc restés à l’étage, où nous habi-tons. De là, j’ai vu la montée des eaux jusqu’à 1,40 m, avec des vagues venant jusqu’à 1,80 m. Je n’ai pas trop stressé car je vis avec la marée, et je savais que la mer allait bientôt se reti-rer. Aujourd’hui, je me retrouve sans matériel, plus de tracteur, tout ce qui est électrique est hors-service. Il faut pourtant vite reprendre une activité pour tenter d’oublier. Alors oui, on est bien obligé de remettre en cause la protection du littoral. Il faut reconstruire plus solidement où il y a des faiblesses. J’espère qu’il va y avoir une prise de conscience.

Armand BernardOstréiculteur, chemin de la Gigas

Merci à tous !Merci à tous les bénévoles,

aux associations et aux comités de quartiers pour leur aide spontanée.

Merci aux entreprises pour leurs dons de toute nature.

Merci aux communes, proches ou lointaines, qui ont manifesté

leur solidarité concrète par leur aide matérielle et des dons financiers.

Merci aux militaires, aux pompiers, aux gendarmes et policiers qui ont fait preuve

d’un dévouement et d’un professionnalisme

sans faille.

Merci aux administrations, Etat, Région, Département,

qui ont mobilisé leurs moyens et leur personnel.

Merci au personnel du CCAS et de la Mairie

pour leur engagement à aider, conseiller, soutenir

sans compter leur temps.

Un grand mercià tous les membres

de cette chaîne de solidarité qui s’est manifestée au premier

jour et qui n’a pas faibli.

A toutes et à tous, un simple mot qui dit

toute notre reconnaissance :

merci !

Le camping est complète-ment détruit, avec sans doute près de 3 millions d’euros de travaux. Nous l’avions acheté il y a quatre ans, on arrivait au bout des amé-nagements, il faut encore repartir à zéro. Je vais recommencer, mais je n’ai plus la même flamme, c’est très dur. La moitié seulement des mobil-homes étaient assurés, ja-mais je n’aurais pensé tout perdre en même temps. J’espère pouvoir

faire la saison estivale. Nous avons déjà commandé 38 mobil-ho-mes. Mais pourrons-nous offrir tous les services qu’attendent les touristes ? Je tiens absolument à remercier les personnes de la Protection Civile, les pompiers et la solidarité qui s’est de suite enclenchée. Des gens de la rue et du quartier ont beaucoup tra-vaillé pour nous aider. Cela rassure sur la nature humaine.

Philippe CazenavePropriétaire du camping Richelieu

D Contacts Mars-Avril 2010