Consultation: Contractualiser stratégiquement dans les systèmes...
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WHO/HSF/HFP/08.1
Consultation: Contractualiser stratégiquement dans les systèmes de santé
Synthèse de la réunion Genève, 9–11 janvier 2008
© Organisation mondiale de la Santé 2008
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La présente publication contient le rapport de la réunion Contractualiser stratégiquement dans
les systèmes de santé et ne représente pas nécessairement les décisions ni les politiques de
l’Organisation mondiale de la Santé.
Ce document de synthèse a été préparé par Riku Elovainio, OMS et Jean Perrot, OMS. Il est basé sur les présentations et les discussions qui ont eu lieu durant la réunion-consultation: "Contractualiser stratégiquement dans les systèmes de santé". Les participants de la réunion et les membres du Groupe de Partage de l'Information sur la Contractualisation ont contribué à la réalisation de cette synthèse à travers leurs suggestions et remarques.
Introduction
Du 9 au 11 janvier 2008 une réunion de consultation intitulée
"Contractualisation stratégique dans les systèmes de santé" s’est tenue au Siège de
l’OMS à Genève. Ces trois journées ont permis de passer en revue les nombreuses
expériences de contractualisation dans les systèmes de santé, d’examiner les données
factuelles disponibles et les enseignements tirés de ces expériences et enfin d’explorer
les nouvelles voies possibles pour les acteurs engagés dans des activités de
contractualisation.
La présente synthèse est établie à partir des travaux effectués au cours de cette
réunion de consultation. Il ne s’agit pas d’un résumé de l’ensemble des exposés et
débats de la réunion mais plutôt d'une note d'information basée sur les résultats de la
réunion.
Le présent document a deux objectifs :
- donner une idée claire de la situation présente et fournir des données factuelles sur
les principaux aspects de la contractualisation dans les systèmes de santé.
- proposer une orientation pour les futures démarches pour les activités de
contractualisation dans les systèmes de santé
Chapitre I : Objet, objectifs et délibérations de la réunion
A. L’objet de la réunion – soutenir les dernières évolutions dans le domaine de la contractualisation
Depuis deux ans, nous constatons une évolution du concept même de
contractualisation dans le contexte des systèmes de santé : de simple outil technique
utilisé à titre exceptionnel, la contractualisation est devenue une approche stratégique
destinée à améliorer la performance des systèmes de santé. En d’autres termes, la
contractualisation n’est plus désormais considérée comme un ensemble de contrats
disparates passés entre différents acteurs. Elle est devenue une stratégie permettant de
(re)structurer les systèmes de santé en formalisant les relations entre les différents
acteurs et en (re)définissant leurs engagements mutuels.
La consultation de janvier 2008 avait pour but de recueillir des témoignages
sur ces dernières évolutions et d’actualiser notre connaissance de la contractualisation
dans les systèmes de santé. Cette réunion se voulait un forum d’échange entre les
différents acteurs qui présentaient les dernières expériences et les nouvelles idées,
dans le but de rassembler des informations et des données factuelles sur la situation
présente dans ce domaine.
B. L’objectif de la réunion – tirer parti des expériences et explorer les voies pour le futur
Tous s’accordent à penser qu’à court terme, les pays les plus pauvres ne
pourront pas améliorer leurs résultats sanitaires de façon significative sans renforcer
au préalable leurs systèmes de santé. Toutefois, il n’existe pas de formule toute faite
pour renforcer et développer un système de santé. Nous ne pouvons nous appuyer que
sur les stratégies et sur les outils qui ont fait leurs preuves dans ce domaine. Comme
l’Assemblée mondiale de la Santé l’a reconnu dans sa résolution de 20031, la
contractualisation doit être considérée comme l’une de ces stratégies.
La réunion avait pour objectif de démontrer par une méthode empirique, avec
des données factuelles à l’appui, que la contractualisation est véritablement une
stratégie efficace capable d’aboutir au renforcement d’un système de santé. Et bien
sûr il s’agissait en premier lieu de comprendre pourquoi, comment et dans quelles
conditions préalables la stratégie de la contractualisation avait pu réussir par le passé
et d’explorer les moyens de la rendre tout aussi efficace à l’avenir.
Mais il était évident dès le début que la réunion dépasserait largement le cadre
du simple plaidoyer. Tout d’abord, parce que la contractualisation est désormais une
démarche bien établie et que le temps du plaidoyer est plus ou moins derrière nous.
Ensuite, parce qu’il faut également rassembler des informations sur ce qui n’a pas
fonctionné autrefois et ne fonctionnera pas dans le futur. Il est important de garder à
l’esprit que la contractualisation n’est qu’une stratégie de renforcement des systèmes
de santé parmi beaucoup d’autres et qu’il faut également disposer d’un plus grand
nombre de données factuelles pour savoir à quel moment ne pas recourir à la
1 Organisation mondiale de la Santé. Le rôle de la contractualisation dans l’amélioration de la performance des systèmes de
santé. Assemblée mondiale de la Santé; 2003, WHA56.25.2003.
contractualisation et lui préférer une autre stratégie ou un autre outil.
Enfin, la réunion avait pour but d’explorer les différentes orientations
possibles des futures activités. Il n’était pas question de définir des normes mais de
discuter des besoins et des demandes des pays et de déterminer de quelles façons les
différents acteurs, qu’ils soient internes ou externes, devaient prendre en compte les
besoins des pays et les enseignements tirés des expériences précédentes dans leurs
démarches de contractualisation.
C. Délibérations
La réunion de consultation a eu lieu au Siège de l’Organisation mondiale de la
Santé à Genève (Suisse) du 9 au 11 janvier 2008. Elle a été préparée par le
Département Financement des systèmes de santé (HSF) à l’OMS en collaboration
avec le Groupe d’échange d'information sur la contractualisation composé de
personnes des différents départements de l’OMS et de membres d’autres organisations
(OIT, GTZ, ONUSIDA)
Plus de soixante personnes issues de différents domaines et d’institutions
diverses ont participé à la réunion. Les représentants de l’OMS venaient du Siège (de
différents départements et programmes), des six Bureaux régionaux2 et de certains
bureaux de pays. Les autres participants représentaient des ministères de la Santé,
différentes organisations humanitaires ou de coopération multilatérale ou bilatérale,
des ONG internationales et le milieu universitaire.
Ces trois jours de réunion ont vu se dérouler 17 exposés thématiques
approfondis, trois tables rondes et de nombreuses séances de questions-réponses. En
outre, au cours de la troisième journée, un grand nombre d’exposés plus courts ont été
présentés par certains pays et par différentes institutions. Ces exposés avaient pour
objectif d’évaluer les besoins et les attentes des pays d’une part et d’autre part d’en
apprendre davantage sur les activités déjà ou bientôt mises en place par les institutions
intervenant dans la contractualisation dans les systèmes de santé.
La réunion s’est tenue en anglais et en français mais un exposé a été présenté
également en espagnol. Exposés et discussions ont fait l’objet d’une interprétation
simultanée.
2 Chaque Bureau régional a désigné une personne chargée de la coordination dans les questions de
contractualisation
Chapitre II : Quatre sujets essentiels – un cadre pour étudier les dernières évolutions en matière de contractualisation
En février 1998, la première réunion internationale sur la contractualisation
dans les systèmes de santé a été organisée au Siège de l’OMS à Genève. Cette réunion
portait sur le même thème que la réunion de 2008 mais les sujets abordés étaient
différents.
En 1998, la contractualisation dans le contexte d’un système de santé, en
particulier dans les pays en développement, était un phénomène nouveau et l’on
disposait de peu d’expériences concrètes de sa mise en œuvre. La réunion de 1998
portait essentiellement sur quelques rares expériences d’externalisation de certains
services de santé auparavant gérés par le secteur public. Cette réunion avait pour
objectif d’évaluer l’outil de contractualisation, d’en comprendre le potentiel et de
discuter des méthodes de négociation contractuelles et de gestion d’un contrat.
Il s’est passé bien des choses entre 1998 et 2008. La contractualisation est
désormais une réalité dans presque tous les systèmes de santé, tant dans les pays
développés où elle s’est étendue, que dans les pays en développement où depuis peu,
les expériences se multiplient rapidement. La généralisation de la contractualisation a
élargi le champ des expériences dans ce domaine. En d’autres termes, le concept de
contractualisation correspond aujourd’hui à une réalité complexe et diversifiée dans
laquelle la contractualisation est utilisée de multiples façons et abordée sous des
angles différents.
Si l’on tient compte de cette diversification dans l’utilisation de la
contractualisation dans les systèmes de santé, il est évident que trois jours ne suffisent
pas pour couvrir l’ensemble des sujets. C’est pourquoi les participants se sont attachés
aux sujets les plus révélateurs des dernières évolutions.
Dans la présente synthèse, nous examinons les quatre principaux aspects de la
contractualisation sur lesquels ont porté les débats :
• la nature du contrat
• la contractualisation fondée sur la performance
• le rôle du secteur privé
• la contractualisation du point de vue des fonctions de régulation et de pilotage
Bien évidemment, ces quatre sujets ne couvrent pas de manière exhaustive la
question de la contractualisation dans les systèmes de santé, loin s’en faut.
Néanmoins, ils constituent un cadre d’analyse intéressant lorsque l’on étudie les
dernières évolutions et les questions qui se posent dans ce domaine.
A) La nature du contrat : modifier et ajuster la “rigidité" du contrat
Important : Un contrat est un outil qui formalise le processus de contractualisation.
L’outil contrat varie selon son degré de “rigidité” que l’on peut mesurer par son
opposabilité et par sa complétude. Dans certains cas, le contrat classique, supposé être
le plus complet possible et juridiquement contraignant, est l’outil approprié ; dans
d’autres cas, un contrat relationnel, moins détaillé, est la bonne solution. En fait, il
existe assez peu d’exemples de contrats purement "classiques" ou "relationnels". Dans
le contexte d’un système de santé, on trouve plutôt un continuum de contrats
présentant différents degrés de "rigidité". C’est le contexte et la façon dont est conçu
le processus de contractualisation qui détermineront le type de contrat qu’il
conviendra de mettre en place.
Le contrat est un outil utilisé dans un processus de contractualisation Une question de bon sens est fréquemment posée lorsque l’on parle de
contractualisation : quelle différence y a-t-il entre contractualisation et contrat ? Pour
répondre brièvement, la contractualisation est définie comme un processus et une
stratégie alors qu’un contrat est un outil utilisé pour matérialiser, formaliser le
processus ou la stratégie de contractualisation (il existe également des stratégies de
contractualisation sans contrat, par exemple lorsque l’on crée une institution de
partenariat pour matérialiser un processus de contractualisation).
En y regardant de plus près, on peut constater que l’outil contrat se présente en
fait sous différentes formes, selon la façon dont il est utilisé dans le processus de
contractualisation.
Un contrat classique est un contrat détaillé et juridiquement contraignant Le processus de contractualisation dans les systèmes de santé peut suivre les
règles et les pratiques du secteur commercial – un contrat classique, précis et
contraignant, est la pierre angulaire de cette approche. Les approches de type
commercial sont utilisées par exemple dans de nombreux processus d’externalisation.
Ces processus d’externalisation s’appuient généralement sur un contrat classique de
type commercial parce que l’engagement est négocié la plupart du temps entre le
secteur public et le secteur privé, entre lesquels subsiste presque inévitablement un
certain degré d’hésitation et de défiance. Le contrat classique est ici l’outil idéal parce
qu’il offre, au moins en théorie, un document clair et juridiquement contraignant qui
stipule de façon explicite ce que les parties contractantes doivent attendre l’une de
l’autre.
Encadré 1 : Externalisation des services non cliniques au Maroc – un exemple
d’approche contractuelle utilisant des contrats classiques
Contexte : des contraintes budgétaires entravent le recrutement de personnel
permanent dans la fonction publique, les ressources sont allouées
en priorité aux services de soins cliniques.
Décision : externaliser, au niveau des formations de santé, certains services
non cliniques (nettoyage, restauration, entretien du matériel,
réception)
Outil : contrats commerciaux classiques avec des prestataires du secteur
privé.
Résultats :
• meilleure qualité des services externalisés,
• solution à la pénurie de ressources humaines,
• optimisation des ressources (par exemple, utilisation plus efficace du
matériel � l’unité de soins ne supporte pas le coût des périodes
d’inactivité des machines)
Problèmes :
• ces contrats ont généré des différences de statuts entre membres du
personnel travaillant côte à côte � frictions entre les membres du
personnel
• les engagements contractuels à long terme suscitaient souvent des
hésitations (particulièrement de la part de l’Etat)
• même si les contrats ont été préparés en suivant une démarche de type
commercial, il restait malgré tout des doutes quand au fondement
juridique de ces contrats � le cadre juridique global n’était pas
totalement adapté à ce type de démarche.
Passer des contrats classiques aux contrats relationnels Hormis les contrats classiques de type commercial, les processus contractuels
peuvent aussi utiliser d’autres types de contrats, les contrats relationnels sont un
exemple.
Par définition, un contrat classique se voulant aussi complet que possible, il
prévoit le plus grand nombre possible de situations ou de résultats différents. Un
contrat classique décrit en détail les sanctions encourues si l’une des parties ne
respecte pas ses obligations contractuelles. En d’autres termes, ce contrat présente un
degré élevé d’opposabilité.
Les contrats relationnels ne présentent pas les mêmes degrés d’opposabilité ou
de complétude que les contrats classiques et ne sont pas, en théorie, juridiquement
opposables. A l’inverse, les contrats relationnels sont fondés sur la coopération et la
confiance entre les acteurs. Un contrat relationnel est moins centré sur des détails
mesurables et plus axé sur la gestion de la collaboration et sur le dialogue entre les
parties.
Toutefois, il ne faut pas considérer les contrats relationnels comme totalement
« soft » : chaque type de contrat ou d’agrément doit assurer des bénéfices mutuels à
chacune des parties contractantes. Ainsi, s’il est bien défini et bien exécuté, un contrat
relationnel rendra évident le fait que les parties n’ont aucun intérêt à ne pas respecter
le contrat. Cela signifie que s’ils sont bien conçus, les contrats relationnels induisent
implicitement le respect des engagements par les parties contractantes. Par ailleurs, la
résiliation ou le non-renouvellement du contrat par l’une des parties peut souvent être
considéré comme une sanction qui fait obstacle à un comportement opportuniste et
renforce les engagements des parties contractantes.
Enfin, il ne faut pas oublier que des contrats dans le contexte d’un système de
santé peuvent rarement être qualifiés de contrats purement « classiques » ou
« relationnels ». Dans la réalité, les contrats utilisés se situent entre ces deux extrêmes
et la principale difficulté consiste à ajuster la « rigidité » des contrats pour prendre en
compte la spécificité de la contractualisation dans les systèmes de santé et les
particularités du contexte socioculturel de chaque pays ou de chaque communauté.
Les capacités techniques diffèrent entre contrats relationnels et contrats
classiques Comparé à un contrat classique, un contrat relationnel exige une moindre
expertise financière et juridique. Les capacités ou le manque de capacités des parties
contractantes dans ces domaines ont donc une moindre influence sur la gestion des
contrats relationnels.
Toutefois, la mise en place et la gestion d’un contrat relationnel exigent un
autre type de capacités. En effet, un contrat relationnel exige des capacités tout à fait
spécifiques de gestion et de maintien des bonnes relations de travail entre les parties
contractantes. Pour assurer la bonne exécution d’un contrat relationnel, il est
indispensable que les cocontractants négocient et dialoguent en permanence et ils
doivent appliquer cette règle de façon rigoureuse pour garantir le respect de leurs
engagements et éviter les comportements opportunistes.
Les contrats relationnels sont flexibles et permettent les renégociations. Ce
point est important dans les nombreux contextes où la contractualisation est un
phénomène nouveau et doit être abordée par tâtonnements. La flexibilité d’un contrat
relationnel permet également d’instaurer des relations dans des contextes où
l’instabilité politique et économique empêche la mise en place de contrats plus
contraignants.
Les aspects juridiques et financiers étant moins importants dans les contrats
relationnels, le coût des transactions dans ce type de contrats sera moindre,
essentiellement parce que la nécessité d’un contrôle sera moindre.
Limites des contrats relationnels : la nécessité de rendre les contrats plus
"rigides" dès lors que l’on élargit leur champ d’application. Les contrats relationnels ont bien sûr leurs inconvénients. Ainsi, il n’est pas
certain que l’on puisse élargir la portée d’un contrat relationnel à des politiques de
plus grande envergure en vue d’interventions sanitaires. Les contrats relationnels
peuvent également offrir des options moins viables lorsque les parties contractantes
sont de grandes organisations. A titre d’exemple, si un pays veut créer ou élargir son
système de sécurité sociale, il est probable que la caisse de sécurité sociale ne pourra
pas traiter avec les prestataires par l’intermédiaire de contrats relationnels.
Encadré 2: Contrats relationnels dans la lutte contre la tuberculose – les contrats
« Médicaments contre prestations »
Dans la lutte antituberculeuse, on constate depuis peu une nette évolution des
initiatives impliquant des prestataires du secteur privé. Dans la plupart des cas, ces
initiatives ont pris la forme de contrats « Médicaments contre prestations ». Ces
contrats sont passés entre les autorités publiques (le Programme national de lutte
antituberculeuse - PNT) et des prestataires privés (médecins ou établissements de
soins privés). Ces contrats ne sont ni juridiquement contraignants ni détaillés mais ils
définissent un accord global sur les obligations mutuelles des parties contractantes.
Obligations des autorités publiques dans les contrats « Médicaments contre
prestations » :
• distribuer gratuitement des médicaments, du matériel et des fournitures
aux prestataires du secteur privé
• assurer la formation des prestataires privés
• assurer la gestion et la coordination de l’ensemble du programme
Obligations des prestataires privés :
• distribuer gratuitement aux patients les médicaments qu’ils ont reçus du
PNT
• appliquer les principes fondamentaux de diagnostic et de prise en charge
des cas, dans le respect des directives nationales et internationales
• assurer les services à faible coût
• accepter la supervision du PNT
Les contrats « Médicaments contre prestations » ne prévoient aucune
incitation financière au profit des prestataires. En d’autres termes, ces derniers ne sont
pas directement rémunérés pour le temps et les efforts consacrés au respect de leurs
obligations, telles que stipulées dans le contrat. Mais une grande diversité
d’incitations autres que monétaires sont prévues : fournitures, formation, etc.
L’absence de toute incitation monétaire a parfois été considérée comme un problème
car certains prestataires ne sont pas motivés par des incitations non monétaires. En
fait, on a constaté que les incitations monétaires, dans certains contextes, étaient plus
efficaces que les non monétaires. Offrir des incitations monétaires pourrait donc être
une solution pour l’élaboration de futurs contrats « Médicaments contre prestations ».
Pour les autorités publiques, les contrats « Médicaments contre prestations »
sont des outils permettant d’intégrer efficacement les prestataires privés dans le
système de santé national. Au travers de ces contrats, les autorités publiques peuvent
mieux superviser le secteur privé et influer sur la qualité des soins délivrés dans ce
secteur.
B) La notion de performance et de contractualisation fondée sur la performance Important : La contractualisation fondée sur la performance est une technique qui
permet de structurer l’accord contractuel sur la base des résultats (contrairement aux
moyens engagés ou aux méthodes de travail). Les contrats de performance définissent
des objectifs de réalisation que l’individu ou l’organisation devra atteindre. Si ces
objectifs sont atteints, des gratifications seront attribuées, sous forme monétaire ou
non. Les contrats fondés sur la performance sont donc un moyen d’inciter les
individus ou les organisations à faire « plus que le minimum requis ».
La contractualisation fondée sur la performance : motiver les travailleurs et les
organisations Encore aujourd’hui, la performance des systèmes de santé est considérée
comme insatisfaisante dans la plupart des pays à faible revenu. Les multiples réformes
apportées aux systèmes de santé au cours des dernières décennies avaient pour but de
résoudre ce problème par le biais de recompositions institutionnelles de différents
types. Mais dans la plupart des cas, ces réformes n’ont pas permis de modifier en
profondeur la façon de travailler des individus et des organisations. L’un des
problèmes majeurs réside dans la trop grande rareté et dans le caractère inadapté des
mesures d’incitation introduites aux différents échelons des systèmes de santé. En
d’autres termes, les systèmes de santé et les organismes qui les composent
fonctionnent toujours selon les vieux schémas de gestion hiérarchique, centrés
principalement sur les processus et où rien, ou presque rien, n’est prévu en
récompense des résultats obtenus. Cela génère une situation où rien n’incite les
individus et les organisations à changer leurs comportements et à faire « plus que le
minimum requis ».
Depuis deux ans, la stratégie de la contractualisation fondée sur la
performance soulève un intérêt croissant. Elle permet d’introduire des mesures
incitatives qui devraient motiver les individus et les organisations à améliorer leur
performance.
Financement fondé sur la performance, contractualisation fondée sur la
performance, etc. Avant de poursuivre plus avant, il nous faut éclaircir un problème de
terminologie. Contractualisation fondée sur la performance, financement fondé sur la
performance, paiements fondés sur les résultats – il semble y avoir de nombreuses
variantes pour un même thème. Les différences entre ces concepts sont relativement
minces et reposent essentiellement sur le point de vue adopté. Pour une plus grande
clarté, nous utilisons dans ce texte le terme “contractualisation fondée sur la
performance” comme un terme générique.
Décaler le centre d’intérêt des méthodes de travail aux réalisations obtenues au
niveau des ressources humaines Nous pouvons étudier les mesures d’incitation et la contractualisation fondée
sur la performance sous des angles différents. S’agissant des ressources humaines, au
niveau du personnel de santé, les contrats fondés sur la performance complètent les
contrats de travail de base. Fondamentalement, un contrat de travail est centré sur la
façon dont les individus travaillent. En d’autres termes, l’employeur veut savoir si les
employés respectent les procédures de travail définies au préalable. Un contrat fondé
sur la performance entre l’employeur et l’employé est plutôt centré, non plus sur les
méthodes de travail mais sur la production effective de résultats. Ces résultats pouvant
être évalués assez facilement à partir d’un ensemble d’indicateurs prédéfinis, le coût
de suivi pour l’employeur s’en trouvera réduit.
Inciter les professionnels à améliorer leur performance par le biais d’incitations Mais l’aspect suivi n’est qu’un membre de l’équation, les mesures positives
d’incitation qui accompagnent un contrat fondé sur la performance sont encore plus
importantes. Les mesures positives d’incitation intégrées dans un contrat fondé sur la
performance ont pour objectif d’inciter le personnel à améliorer sa performance. Cela
signifie que les employés percevront des bonus, financiers ou non, ou des
compléments de revenus s’ils peuvent produire les résultats que l’on attend d’eux.
Dans ce sens, la contractualisation fondée sur la performance peut être considérée
comme une stratégie permettant de relier les mesures incitatives individuelles aux
objectifs et aux priorités de l’organisation.
Indicateurs pour mesurer la performance La mesure des performances doit s’appuyer sur des indicateurs. Il doit y avoir
plusieurs indicateurs pour que la complexité des tâches individuelles soit prise en
compte. Une façon d'apprécier la performance est d'utiliser des points de performance
qui sont calculés pour chaque indicateur utilisé et qui permettent d'additionner des
indicateurs qui dans leur état brute ne sont pas comparables. Ces points sont ensuite
cumulés (en utilisant parfois des coefficients) pour avoir un score total. Le score total
de points montre que la personne a atteint ou non ses objectifs. Cette personne sera
alors récompensée en fonction du nombre de points obtenus.
Les indicateurs applicables aux ressources humaines sont, par exemple :
• Indicateurs quantitatifs : ex. combien de consultations un médecin a-t-
il réalisé dans une journée/une semaine/un mois
• Indicateurs qualitatifs : ex. combien de consultations ont été réalisées
dans le respect d’un certain protocole
Contractualisation fondée sur la performance à l’échelon d’un établissement de
santé Lorsque l’on passe à l’échelon d’un établissement, nous trouvons plus ou
moins les mêmes éléments qu’à l’échelon individuel. La structure des mesures
incitatives est semblable et l’objectif est le même : encourager une meilleure
performance. La principale différence réside dans le fait qu’à cet échelon, les
indicateurs seront plus complexes puisque les réalisations d’un établissement sont
diverses et complexes. L’exemple du Mali présenté ci-dessous montre comment un
contrat de performance peut être mis en place entre le Ministère de la Santé et les
hôpitaux publics.
Encadré 3 : Contrats de performance pour les hôpitaux du Mali
Les 12 hôpitaux nationaux et régionaux du Mali ont été transformés
récemment en établissements publics autonomes, ce qui leur confère une grande
indépendance. Pour améliorer la performance de ces hôpitaux, le Ministère de la
Santé a mis en place un ensemble d’incitations liées à la performance, dans le but
d’obtenir un changement dans les comportements et les pratiques.
Le Ministère de la Santé a voté une ligne budgétaire spécifique destinée à
couvrir les subventions particulières attribuées aux hôpitaux. Cette subvention
extrabudgétaire ne peut pas se substituer au budget ordinaire ni à aucun autre
investissement. Elle est allouée aux hôpitaux sur la base de leur performance mesurée
par plusieurs indicateurs :
• Nombre de jours de rupture de stocks de médicaments,
• Degré de satisfaction des usagers
• Degré de conformité aux normes portant sur les dossiers médicaux, etc.
Des points sont attribués à chaque hôpital sur la base des indicateurs
sélectionnés. Finalement, ces points permettront de déterminer si l’hôpital peut
percevoir la subvention et si oui, quel en sera le montant (plus le nombre de points est
élevé, plus la subvention est importante).
Les contrats fondés sur la performance ont été mis en place au Mali sur la base
d’un cadre défini. Cela signifie par exemple que les partenaires ont fait porter leurs
négociations sur les indicateurs, sur les modalités de paiement, etc. Le processus
contractuel a couvert également la répartition des rôles. Ainsi, pour définir l’objectif
de cet arrangement contractuel, une agence nationale d’évaluation des hôpitaux a été
créée. Le rôle de cette agence est de superviser le processus contractuel, de négocier
des solutions en cas de désaccords et de prendre des mesures si l’une des parties
manque à ses obligations contractuelles. L’agence se compose de représentants du
Ministère de la Santé, des directeurs de tous les hôpitaux signataires du contrat et de
certains membres externes (des partenaires dans le développement par exemple).
L’initiative malienne de contractualisation fondée sur la performance n’en
étant qu’à ses débuts, il est difficile d’en tirer une quelconque conclusion. Mais cette
stratégie de contractualisation a déjà donné des résultats indirects puisqu’elle a
permis, par exemple, d’éclaircir le rôle de tutelle de l’Etat dans sa relation avec les
hôpitaux et de motiver ces derniers pour qu’ils se penchent sur leurs méthodes de
gestion et s’efforcent de les améliorer.
L’importance de la contractualisation appliquée simultanément à l’échelon
individuel et à l’échelon d’un établissement La contractualisation fondée sur la performance doit s’appliquer
simultanément à l’échelon individuel et à l’échelon d’un établissement. Il est évident
que la performance d’un établissement est étroitement liée à la performance des
membres de son personnel (mais la performance d’un établissement n’est pas
simplement la somme des performances de son personnel). Ainsi, si un gouvernement
central passe un contrat de performance avec un hôpital de district, il est fortement
recommandé que celui-ci signe ensuite des contrats avec ses employés pour garantir la
participation de chacun à la réalisation des mêmes objectifs.
La contractualisation fondée sur la performance : utiliser les fonds plus
efficacement dans les projets de plus grande envergure Lorsque l’on aborde la contractualisation fondée sur la performance sous un
angle plus large, il convient d’examiner sa relation avec les différents dispositifs de
financement de la santé.
Dans la plupart des pays à faible revenu, les ressources allouées aux soins de
santé publique sont obtenues essentiellement par les recettes fiscales et sont
consacrées à la prestation des soins de santé publique. Certains pays étendent leur
système de sécurité sociale mais encore actuellement, ces systèmes s’adressent
uniquement aux employés du secteur formel. Certaines initiatives tentent également
d’atteindre le secteur informel : les mutuelles de santé communautaires par exemple.
Mais ces projets aussi connaissent certains problèmes.
Ainsi, dans l’état actuel des choses, les systèmes de santé financés par l’impôt
et les fonds publics sont-ils encore les systèmes qui prévalent dans les pays à faible
revenu. Faire ce constat nous conduit alors à nous poser la question suivante :
comment rendre ce système de financement par l’impôt plus efficace ? La question
complémentaire étant : la contractualisation fondée sur la performance peut-elle être
une solution ? L’expérience du Rwanda présentée ci-dessous nous donne quelques
réponses à cette question.
Encadré 4 : Exemple de contractualisation fondée sur la performance pour le
financement des prestataires de soins à l’échelon des provinces –Exemple du Rwanda
Plusieurs projets incluant des contrats de performance ont été mis en place au
Rwanda au début de la présente décennie. Ces projets procèdent d’une démarche au
niveau de la province à laquelle ont participé tous les établissements de santé et les
hôpitaux de districts, publics ou privés, ou la majorité d’entre eux et ce, dans une
région donnée. Ces établissements de santé ont perçu une part de leur financement
proportionnellement à leur performance.
Une enquête a été menée auprès des ménages pour constater des changements dans
l’une des régions qui appliquent le dispositif de financement fondé sur la
performance (province de Cyangugu). Voici quelques-uns des changements mesurés
après deux années d’application du programme :
• Dépenses de santé payées par l’usager: 9,05 USD � 3,43 USD = -62 %
(évolution sur deux années)
• Coût moyen par consultation en ambulatoire : 2,43 USD � 1,56 USD = -32 %
• Couverture de la planification familiale pour les femmes dans la tranche des
15 à 49 ans : 5,4 % � 11,6 % = +115 %
• Couverture de la distribution de moustiquaires imprégnées d’insecticide :
5,6 % �15,3 % = +173 %
Enseignements tirés de l’expérience rwandaise :
• Les centres de santé qui ont signé des contrats de performance ont assuré plus
de services de meilleure qualité pour des dépenses réduites
• La contractualisation fondée sur la performance doit être reliée à la gestion
autonome des établissements de santé = les centres doivent être à même
d’utiliser les fonds de la façon qui leur semble appropriée
• Les subventions doivent être versées en espèces (des études montrent que
1 dollar payé en espèces a le même impact que 4 dollars versés sous formes
non monétaires (ex. fournitures))
Choisir les bons indicateurs Il reste encore bon nombre de questions concernant la contractualisation
fondée sur la performance. L’une de ces questions porte sur la mesure de la
performance. Pour mesurer la performance, il faut des indicateurs mais il n’existe pas
de formule simple pour choisir ces indicateurs. On se trouve souvent confronté à un
dilemme lorsqu’il s’agit de choisir des indicateurs : en choisir trop et le coût du suivi
sera trop élevé, ou en choisir trop peu et la fiabilité de la mesure s’en ressentira. Par
dessus tout, il faut choisir les indicateurs en tenant compte de tout un éventail
d’activités. Ainsi, si les indicateurs choisis ne couvrent que quelques-unes des
activités d’un hôpital, il y aura alors un risque réel que cet hôpital concentre tous ses
efforts sur ces activités-là et attribue moins de ressources aux activités qui ne sont pas
prises en compte par les indicateurs.
Introduire des indicateurs de qualité Au tout début de la contractualisation fondée sur la performance, les
indicateurs étaient conçus pour mesurer des réalisations en termes quantitatifs. Ainsi,
ces indicateurs mesuraient par exemple le nombre de patients traités sur une période
donnée. Récemment, l’accent a été mis sur différents types d’indicateurs qualitatifs.
Ces indicateurs de qualité sont beaucoup plus complexes parce que la qualité se
mesure difficilement. Ils peuvent s’appuyer sur des indicateurs basés sur la
satisfaction du client ou sur la conformité des processus à un ensemble de normes. Il
est important de prendre en compte les aspects qualitatifs dans la mesure de la
performance parce que si l’accent n’est mis que sur l’aspect quantitatif, il y a risque
de “surproduction” de certaines interventions fondées sur des “faux positifs”.
C) La contractualisation et le rôle du secteur privé
Important : Les acteurs du secteur privé, à but lucratif ou non, sont de nos jours
considérés comme des éléments importants des systèmes de santé. Lorsque les autorités
publiques traitent avec le secteur privé, elles le font souvent au moyen d’arrangements
contractuels. Parfois, ces arrangements contractuels augmentent la participation du
secteur privé, soit ils "attirent" le secteur privé vers le secteur public soit il s’agit de la
mise en place d’un partenariat. Quelle que soit la situation, l’objectif premier doit
toujours être la recherche d’une plus grande efficience en reliant les différents secteurs
entre eux. Compte tenu des relations complexes entre les secteurs privé et public,
simulées et instaurées par la contractualisation, la question du rapport entre
contractualisation et privatisation est tout aussi complexe (et parfois sans pertinence).
Contrats avec le secteur privé pour des infrastructures Les arrangements contractuels avec le secteur privé peuvent prendre plusieurs
formes. La fourniture et/ou l’entretien d’infrastructures en est l’exemple évident. Dans
ce type de « Partenariat public-privé » (PPP) le ministère de la santé (ou un autre
organisme d’Etat) s’associe par contrat avec des entreprises du secteur privé pour la
construction et/ou l’entretien de structures telles que des hôpitaux. Le recours à la
contractualisation avec le secteur privé pour la construction d’une infrastructure est
souvent inévitable, parce que le ministère de la santé ne dispose ni de l’expertise
nécessaire ni des capacités d’investissement du secteur privé. L’entreprise privée peut
réaliser les travaux de façon autonome ou pourra externaliser les différents volets du
projet. Pour le ministère de la santé, cela signifie le transfert des risques sur le
constructeur. Ce transfert de risque est dû au fait que le contrat définit un certain prix
pour la construction et qu’en cas de modification du contrat, comme par exemple au
hausse des coûts de construction, le constructeur ne pourra pas répercuter cette hausse
au ministère de la santé, puisque le prix de la construction aura déjà été fixé.
L’existence d’un marché concurrentiel et la possibilité d’organiser un appel
d’offres transparent et pertinent sont des préalables indispensables si l’on veut que
l’exécution du contrat soit une réussite. De plus, un partenariat public-privé exige des
capacités de contractualisation développées. Lorsque toutes ces conditions préalables
sont regroupées, il devient évident que la mise en œuvre d’un contrat pour la
construction et/ou l’entretien d’une infrastructure dans des pays à faible revenu ne va
pas sans générer des problèmes. Ainsi, ce type de démarche est principalement utilisé
dans les pays développés.
Contrats avec le secteur privé pour des prestations de santé Nous avons déjà vu avec l’expérience marocaine que le secteur privé peut se
voir confier les activités non cliniques d’un centre de santé. Mais il peut aussi se
charger des activités cliniques, et ce, à plus grande échelle.
L’exemple de l’Afghanistan présenté ci-dessous est un exemple de démarche
contractuelle dans laquelle un secteur géographique est confié à un prestataire de
service de santé privé à but non lucratif.
Encadré 5 : Afghanistan – contractualisation avec les ONG
Après des décennies de guerre, les services afghans de santé publique étaient
pratiquement inexistants. Pendant le conflit, la délivrance des soins de santé était
principalement assurée par des ONG. Ces acteurs du secteur privé à but non lucratif
avaient signé des contrats avec des organismes donateurs pour le financement de leurs
activités. En 2002 le nouveau gouvernement afghan décide de poursuivre la stratégie
de contractualisation avec les ONG. Les bailleurs de fonds internationaux, avec des
programmes de renforcement des capacités, transfèrent la gestion des contrats au
ministère de la santé où une unité spéciale est chargée de gérer les processus de
contractualisation et de canaliser les ressources allouées par les organismes donateurs.
Les contrats avec les ONG couvrent un ensemble de services de santé tels que
la santé de la mère et du nouveau-né, les maladies transmissibles, la nutrition, la
délivrance des médicaments essentiels, etc.
Des enquêtes réalisées auprès des ménages ont montré que durant toute la
période où la stratégie de contractualisation avec les ONG a été appliquée, des
améliorations dans les indicateurs de santé ont été constatées, entre 2003 et 2006
notamment :
� le pourcentage de femmes bénéficiant de soins prénatals dans les zones rurales
est passé de 4,6 à 32,2
� le pourcentage d’enfants des zones rurales, vaccinés contre la tuberculose est
passé de 56,5 à 70,2
� le pourcentage de femmes dans les zones rurales qui accouchent en présence
de personnel qualifié est passé de 6,0 à 18,9
Si l’on observe les indicateurs, il est tout à fait clair que des progrès
considérables ont été réalisés ces dernières années. Mais des questions se posent quant
à la pérennité de la stratégie d’externalisation.
La situation actuelle de l’Afghanistan résulte d’un contexte très particulier.
Lorsqu’elle aura évolué, il faudra peut-être procéder à une nouvelle évaluation. La
contractualisation avec les ONG doit-elle être poursuivie ? Et si oui, dans quelles
conditions ? Doit-on retourner à un système de soins de santé publique ? Ou pourrait-
on trouver d’autres voies de progrès ? Sachant que les organismes donateurs se sont
engagés à financer les projets actuels jusque 2013, il est évident que des décisions
doivent être prises.
Formaliser les relations et associer le secteur privé aux prestations de service
public La contractualisation n’augmente pas nécessairement le degré de participation
du secteur privé dans un système de santé, non plus qu’elle ne le diminue. La
contractualisation est très souvent une stratégie utilisée pour formaliser une situation
existante. En effet, dans de nombreux contextes, une certaine cohabitation a prévalu
entre le secteur privé et le secteur public, chacun s’occupant de ses propres affaires.
Dans ces situations, la stratégie de contractualisation peut être utilisée pour créer ou
formaliser des relations entre les deux secteurs. Cela signifie qu’il existe des accords
sur la répartition des rôles et sur les différentes formes de collaboration entre ces deux
secteurs.
Encadré 6 : Contractualisation avec des organisations confessionnelles à but non
lucratif dans le secteur privé, au Ghana
Depuis de longues années, les églises jouent un rôle majeur dans les soins de
santé au Ghana. Les organisations confessionnelles de soins assurent 35 % de
l’ensemble des soins et 45 % des soins en zones rurales.
Pendant longtemps, le travail des organisations confessionnelles n’était pas
intégré ni reconnu par l’Etat. Dans les années 90, un partenariat a été instauré
officiellement entre le secteur public et ces organisations confessionnelles. Ce
partenariat s’applique à l’échelon national et il est formalisé par deux documents
essentiels : le Protocole d’accord et les Instructions administratives. Ces accords-cadre
définissent les mandats et les responsabilités de chaque secteur ainsi que les domaines
dans lesquels il conviendra de mettre en place une collaboration plus étroite. Ainsi, les
accords définissent les zones desservies par les hôpitaux confessionnels et celles
desservies par les hôpitaux publics. Ce partenariat contractuel a pour objectif
d’assurer un système de santé intégré dans lequel les deux secteurs exercent leurs
fonctions respectives et jouent leur rôle en visant un même objectif.
Encadré 7 : Les franchises sociales dans les systèmes de santé
La franchise sociale est un bon exemple de coopération entre le secteur public
et le secteur privé.
Les franchises sociales se distinguent par le concept de réseau. Dans le cadre
d’un système de santé, le réseau est généralement constitué de prestataires de soins de
santé privés (les franchisés) qui instaurent une relation contractuelle avec le
gouvernement (le franchiseur).
L’un des principaux objectifs d’une franchise est l’harmonisation des pratiques
d’un groupe de prestataires privés. D’une certaine façon, la franchise est une forme
d’accréditation : pour faire partie d’un réseau de franchise et se faire « accréditer »,
les prestataires privés doivent accepter les normes de service qui sont énumérées dans
le contrat de franchise.
Pour les prestataires, faire partie d’un réseau de franchise signifie qu’ils auront
accès à différents types de soutien de la part du franchiseur (fournitures, formation,
etc.) et qu’ils pourront utiliser la franchise comme un outil de commercialisation.
Pour l'Etat, les contrats de franchise permettent d'associer le secteur privé à la
réalisation des objectifs des politiques publiques. De plus, la franchise et la forme
d’accréditation qu’elle sous-entend permettent à l'Etat d’influer sur la qualité des
soins dispensés par les prestataires privés.
Plusieurs initiatives dans le domaine de la santé génésique ont adopté le
système de franchise pour constituer des réseaux de prestataires privés. Même si ces
initiatives sont relativement récentes, elles ont déjà produit des « signaux positifs » :
ces initiatives de franchise ont été à même d’améliorer l’accès aux soins et la qualité
des soins.
Les ONG et autres acteurs non gouvernementaux comme intermédiaires dans le
processus de contractualisation Il reste une forme de participation du secteur privé qu’il est intéressant de
mentionner. C’est le rôle d’intermédiaire joué par un grand nombre d’ONG et d’autres
acteurs non gouvernementaux dans les activités de contractualisation.
Une ONG a souvent un rôle d’animateur entre des parties contractantes. Dans
ce type de situation, l’ONG n’est pas souvent une partie contractante. Son rôle est
d’apporter un appui technique au cours du processus.
Il peut arriver aussi qu’une ONG soit une partie contractante intermédiaire. A
titre d’exemple, le processus de contractualisation mis en place par les programmes de
lutte antituberculeuse fait souvent appel à des ONG intermédiaires dans les
interactions avec les prestataires agissant sans but lucratif. Dans ce type de situations,
c’est l’ONG qui passe un contrat avec le Programme national antituberculeux et c’est
donc à l’ONG qu’il revient de faire intervenir des prestataires privés dans le
processus.
La contractualisation est-elle une forme de privatisation ? Si l’on reprend les précédents exemples de contractualisation avec le secteur
privé, il convient d’aborder à présent la question de la privatisation.
Il semble y avoir plusieurs réponses, selon les différents niveaux d'analyse, à
la question de la privatisation.
Le premier élément de réponse concerne le niveau politique : le recours à la
contractualisation relève souvent d’un choix politique. Dans ce cas de figure, on
pourrait affirmer que la contractualisation est un outil des stratégies politiques, de
même qu’un contrat est un outil des stratégies de contractualisation. Ainsi, s’il existe
une décision politique de privatisation, alors la contractualisation pourrait être utilisée
comme un outil permettant l’application de cette décision. Dans ces circonstances, la
contractualisation peut être associée à la privatisation; mais il n’en reste pas moins
que c’est la décision politique qui sous-tend la privatisation et non la
contractualisation elle-même.
Le deuxième élément de réponse repose sur la définition donnée à la
privatisation. En fait, il n’existe pas de définition toute faite de la privatisation. Ainsi,
confier des services de soins à un prestataire privé pourrait être considéré comme une
forme de privatisation, puisque la participation du secteur privé dans le système de
santé s’en trouve accrue. Mais on pourrait objecter qu’une stratégie d’externalisation
n’est qu’un moyen de concrétiser la scission des tâches entre acheteur et prestataire,
en laissant intactes les fonctions de contrôle et de financement de l’Etat – et qu’il n’y
a donc pas de réelle privatisation.
Le troisième élément de réponse est lié au fait que dans certains cas, la
contractualisation permet de formaliser une situation existante. Prenons l’exemple des
organismes missionnaires de soins qui passent un contrat avec le ministère de la santé.
Dans ces cas-là, l’objectif du contrat n’est pas d’étendre ou de réduire la participation
du secteur privé mais bien d’éclaircir la relation entre les deux secteurs et de définir
les règles et les méthodes de coopération. Dans ce cas, la question de la privatisation
ne se pose même plus.
D) Régulation et tutelle de l’Etat
Important : L’augmentation du nombre de contrats et la complexité accrue des
démarches de contractualisation ont rendu la question de la régulation et de la tutelle
de l’Etat d’autant plus importante. Il existe un large consensus sur l’idée que l’Etat est
l’acteur qui devrait être chargé de réglementer la contractualisation à l’échelon
national. C’est lui qui devrait garantir le respect de l’intérêt public dans les activités
de contractualisation. Pour réglementer la contractualisation, l’Etat peut utiliser
plusieurs outils, parmi lesquels une politique nationale de contractualisation.
Régulation et tutelle de l’Etat : coordonner les efforts, harmoniser et fixer des
objectifs L’Etat a de multiples rôles à jouer dans le domaine de la contractualisation. Il
peut être l’une des parties contractantes et dans ce cas, être directement impliqué dans
les processus spécifiques de contractualisation. Mais il doit jouer également un rôle
plus général de régulateur et de tutelle dans les différentes démarches de
contractualisation.
Les questions de régulation et de tutelle ont pris de l’importance au fur et à
mesure que les initiatives de contractualisation se sont multipliées et sont devenues
plus complexes. Le problème majeur est que sans une certaine forme de régulation ou
de tutelle centrale, les multiples activités de contractualisation ne suivront pas
nécessairement les mêmes objectifs et l’impact de ces efforts désordonnés sur le
système de santé dans son ensemble s’en trouvera limité. C’est pourquoi la
contractualisation doit être considérée comme une stratégie : un effort coordonné qui
poursuit des objectifs parfaitement définis. Et lorsqu’il y a une stratégie, il doit y avoir
un stratège et il semble que le seul acteur capable de tenir ce rôle soit l’Etat.
Le cas de la Colombie peut être pris comme exemple d’un dispositif complexe
de financement de la santé dans lequel les questions de régulation et de tutelle se
posent avec pertinence dans les pratiques de contractualisation. Le système colombien
de sécurité sociale passe des contrats à différents niveaux : les employés du secteur
formel qui appartiennent au (Régimen Contributivo (RC)) du système passent des
contrats avec des organismes intermédiaires, les Entidades Promotoras de Salud
(EPS) qui à leur tour passent des contrats avec des prestataires de services. Dans le
Régimen Subsidiado (RS), la branche qui couvre le secteur informel et les groupes de
population défavorisés, les municipalités se chargent de la contractualisation avec les
EPS au nom des individus (et les EPS passent à leur tour des contrats avec les
prestataires – comme pour le RC). En examinant le cas colombien, on peut observer
que la contractualisation est éclatée entre différents acteurs qui n’ont pas
nécessairement les moyens techniques de diriger les accords contractuels – les
municipalités notamment. Une sorte de tutelle semble alors nécessaire, qui permettrait
de réorganiser et de clarifier le système et garantirait ainsi la conduite rationnelle et
cohérente des accords contractuels.
La portée de la régulation : trouver le juste milieu entre le "laisser faire" et
imposer un carcan trop étroit Comment la tutelle de l’Etat doit-elle être mise en place ? Les avis divergent
sur la portée du rôle de régulation de l’Etat. Alors qu’il existe un certain consensus
pour affirmer que l’Etat doit tenir le rôle de régulateur, sous une forme ou une autre, il
existe également un argument contre un Etat actif et « dirigiste » qui serait gênant et
ferait obstacle à des initiatives spontanées. Il semble qu’il n’existe aucun moyen
objectif clair de parvenir à un juste équilibre dans le rôle régulateur de l’Etat. Il est en
effet presque impossible de concevoir un moyen de rassembler des données factuelles
sur ce sujet. Pour le moment donc, l’approche par tâtonnement semble être la règle à
suivre.
Une politique nationale de contractualisation comme outil de régulation Un des éléments principaux dans la mise en oeuvre d’une tutelle de l’Etat est
une politique nationale de contractualisation. Dans son élaboration, cette politique
permettra d’intégrer la contractualisation dans une approche systémique et de faire en
sorte que la stratégie de contractualisation et ses orientations se trouvent harmonisées
avec la politique nationale de santé. Mais une politique nationale de contractualisation
n’est pas qu’un simple document. Elle doit être également une stratégie qui permet
d’introduire un processus de négociation entre toutes les parties prenantes dans le but
d’assurer une compréhension commune des objectifs des politiques nationales de
contractualisation et des moyens mis en œuvre pour les appliquer. Dans la mise en
place d’une politique nationale de contractualisation, le problème majeur consiste à
trouver le juste milieu entre la nécessité de définir des règles communes et la nécessité
de laisser aux différents acteurs une marge de manœuvre dans leurs démarches de
contractualisation. Il n’existe donc pas de modèle unique de politique nationale de
contractualisation. Chaque pays doit trouver sa propre définition de l’objet de sa
politique de contractualisation et des moyens de la mettre en œuvre.
Encadré 8 : La politique nationale de contractualisation du Burundi
Le Burundi a défini sa politique nationale de contractualisation comme un cadre
de référence qui permet au Ministère de la Santé de remplir efficacement son rôle de
tutelle dans les questions de contractualisation.
La politique nationale de contractualisation du Burundi a pour objectifs :
• de reconnaître officiellement la contractualisation comme une stratégie de
renforcement du système de santé,
• de faire en sorte que les arrangements contractuels soient conformes à la
politique nationale de santé
• d’harmoniser les activités de contractualisation pour éviter toute évolution
contradictoire à l’avenir et empêcher qu’elles ne génèrent des inégalités
entre les différents segments de la population
• de renforcer les partenariats entre les secteurs public et privé
Après avoir validé sa politique nationale de contractualisation, le Burundi a mis
en place les structures institutionnelles nécessaires pour favoriser la coordination des
activités contractuelles dans le pays. Ainsi, au sein de l’Office national de la Santé
publique, une unité offre un appui technique à tous les acteurs désireux de recourir à
la contractualisation. Cette unité publie aussi des guides et des documents sur la
contractualisation dans le contexte du Burundi.
Chapitre III : Des pistes pour le futur
La réunion de janvier n’avait pas pour but de définir des principes directeurs
spécifiques ni de formuler un plan d’action. Pourtant, l’échange des expériences et le
brassage des idées a permis d’identifier certaines voies à suivre pour élargir le débat
sur la contractualisation dans les systèmes de santé.
Une discussion par échange de courriels a été lancée à la suite de cette
réunion. Son but : être un outil de suivi pour enrichir le débat. Et cette discussion a
déjà suscité d’intéressants résultats et des éléments nouveaux qui sont repris plus
avant dans ce chapitre.
Compte tenu des idées apportées durant la réunion et du débat qui a suivi par
échange de courriels, il semble que l’on puisse identifier au moins trois séries de
questions sur lesquelles il conviendra de travailler dans le futur.
A) Comment constituer une base factuelle solide sur la contractualisation : orientations pour de futures recherches
Le partage des expériences Il semble qu’il existe encore un large fossé dans les données factuelles portant
sur de nombreux aspects de la contractualisation. La réunion de janvier a été un forum
d’échange des expériences et cet échange doit être poursuivi à différents niveaux.
Plusieurs participants à la réunion, venus de tous horizons, ont fait remarquer que les
différents acteurs et institutions devaient resserrer leur collaboration dans ce domaine.
Un cadre analytique pour une base factuelle "rigoureuse" Mais le partage des expériences n’est qu’une première étape dans la recherche
de données factuelles. Il faut aussi mettre l’accent sur l’instauration d’un cadre
analytique qui permettra d’orienter les futures discussions et de tirer plus
pertinemment les enseignements des expériences acquises. Ce cadre doit avoir une
double dimension : il prendra en compte, d’une part, le grand nombre et la diversité
des expériences acquises dans la contractualisation et, d’autre part, les différents
aspects des incidences escomptées de la contractualisation (en termes de gains
d’efficacité, d’augmentation des résultats, d’amélioration de la qualité, d’impact sur
l’équité et l’accessibilité, de coût du programme, etc.)
Définir la contractualisation dans le débat général sur les systèmes de santé En outre, l’un des objectifs majeurs d’un tel cadre serait l’intégration de la
recherche sur la contractualisation dans une analyse plus globale des systèmes de
santé. Une telle démarche permettrait de déterminer la véritable valeur ajoutée de la
contractualisation pour les systèmes de santé. Elle implique que soit menée une étude
comparative entre les stratégies de contractualisation et d’autres stratégies de
renforcement des systèmes de santé, dans le but de déterminer où et quand la
contractualisation est la stratégie qui s’impose ou doit être écartée. Il conviendra de
s’attacher tout particulièrement aux études menées sur la contractualisation dans des
contextes de post-conflit (dans de tels contextes, la contractualisation peut-elle être
une stratégie efficace et dans l’affirmative, pour quelles raisons ?). En résumé, il
s’agira essentiellement de déterminer la juste place et la portée de la stratégie de
contractualisation dans les systèmes de santé.
L’importance de l’étude des facteurs contextuels et externes Il convient d’examiner un axe spécifique d’études sur les facteurs contextuels
qui influent sur la contractualisation. Bien sûr, le nombre de facteurs que l’on pourrait
prendre en compte ici est extrêmement élevé mais, semble-t-il, quelques groupes de
problèmes peuvent être identifiés. On devrait par exemple mener davantage de
recherches sur les aspects juridiques généraux de la contractualisation. Par exemple,
dans quelle mesure la contractualisation est-elle conforme aux cadres juridiques
existants ? Y a-t-il une cohérence, sur le plan juridique, entre les activités de
contractualisation et le contexte juridique global dans un Etat donné ? Existe-t-il une
base juridique adaptée aux sanctions en cas de manquement aux obligations
contractuelles ? De plus, il conviendrait de se pencher davantage sur le contexte
politique général et sur l’influence qu’il exerce sur la contractualisation. Dans ce cas,
il faudrait mettre l’accent sur la façon dont la contractualisation dans les systèmes de
santé s’adapte au paysage politique d’un pays donné et sur l’adhésion des dirigeants
politiques au principe de contractualisation (à l’échelon national, régional ou
communautaire). Enfin, la contractualisation doit être étudiée sous l’angle
socioculturel : comment la contractualisation et les contrats s’articulent-ils avec les
coutumes et les habitudes d’une culture donnée ? De quelle façon le processus de
contractualisation pourrait-il et devrait-il être modifié dans un contexte socioculturel
donné (par ex. comment trouver le juste milieu entre la « rigidité » du contrat par
rapport au contexte dans lequel il est établi ?).
Nouveaux domaines, nouvelles théories et nouvelles méthodes = nouveaux
besoins de connaissances et de données factuelles La complexité de la contractualisation s’accentue toujours davantage au fur et
à mesure de l’adoption d’initiatives, de méthodes et d’approches nouvelles. Pour
s’adapter à cette constante évolution, une recherche de base doit être réalisée pour
identifier ces nouveaux domaines et comprendre les problèmes méthodologiques et
théoriques qui s’y rapportent.
A titre d’exemple, la contractualisation fondée sur la performance se
développe rapidement dans de nombreux secteurs géographiques et à différents
niveaux (ressources humaines, structurel, district). Les expériences acquises
récemment ont donné des résultats encourageants et de grands pas ont d’ores et déjà
été faits dans l’évaluation de ces expériences. Mais plusieurs questions subsistent
qu’il faudra examiner de plus près. La question des indicateurs, par exemple : lesquels
utiliser ? comment définir des indicateurs qui permettront d’optimiser les effets
positifs ?
Par ailleurs, une grande variété de démarches contractuelles sont déjà en place
dans des pays développés, les partenariats public-privé portant sur les infrastructures,
par exemple. Mais nous manquons de données factuelles claires sur la façon de
transposer ces démarches aux contextes des pays à faible revenu.
B) Capacités et renforcement des capacités
Capacités : clé pour une juste application de la contractualisation L’efficacité d’une stratégie de contractualisation dépend fortement des
capacités des différents acteurs intervenant dans les processus. L’un des enjeux les
plus décisifs dans ce qui touche aux capacités est de trouver comment obtenir une
masse décisive de connaissances et de compétences indispensables aux différents
acteurs qui interviennent à différents niveaux pour garantir la juste application de la
contractualisation.
Renforcement des capacités : répondre aux demandes et aux besoins des pays A de nombreuses reprises au cours de la réunion, les pays participants ont
exprimé le besoin de bénéficier d’une aide extérieure dans le domaine de la
contractualisation. Le renforcement des capacités a été souligné dans plusieurs
exposés des différents partenaires dans le développement qui ont déjà intégré cette
démarche, ou prévoient de le faire, dans le cadre de leurs activités liées à la
contractualisation.
Le renforcement des capacités peut être abordé de différentes manières. Une
méthode consiste à lancer un projet sous la conduite d’un donateur puis,
progressivement, en cours de projet, à transférer les capacités nécessaires aux acteurs
nationaux. C’est ce qui s’est passé en Afghanistan par exemple, où au début du projet
d’externalisation, la Banque mondiale a apporté un soutien technique considérable
dans le processus de contractualisation. Progressivement, les autorités locales ont pris
le relais de ce travail technique.
Toutefois, il n’est pas toujours nécessaire d’associer directement le
renforcement des capacités à un projet en cours. Les ateliers de formation sont aussi
une option. Ainsi, l’ONG internationale CORDAID, par exemple, a travaillé à un
stage de formation qui s’adresse aux acteurs de contrats de performance. L’OMS a
aussi organisé plusieurs stages de formation en collaboration avec l’Institut de la
Banque mondiale.
Face à ce qui semble être une demande claire des pays, il serait utile de
développer davantage les différentes activités de renforcement des capacités. Mais le
moyen simple de déterminer la meilleure façon de procéder n’existe pas. Certaines
mesures de renforcement des capacités ont déjà fait leurs preuves mais chaque pays et
chaque situation étant différents, et les activités de contractualisation étant toujours
plus complexes, il semble que nous ayons un très large rayon d’action pour faire
davantage évoluer les activités de renforcement des capacités.
Renforcer les capacités individuelles et les capacités institutionnelles Lorsque l’on parle de renforcement des capacités, il faut savoir distinguer les
capacités individuelles des capacités institutionnelles.
Par capacités individuelles, on entend les compétences, les connaissances, le
savoir-faire et l’attitude d’une personne. Les capacités institutionnelles sont liées aux
fonctions des institutions. Ces deux volets sont tout aussi importants mais il semble
que la priorité soit accordée aux capacités institutionnelles. L’avantage de la
démarche institutionnelle est que le renforcement des capacités peut être directement
lié aux problèmes cruciaux tels que les outils et modes de gestion, l’objectif étant
d’axer les capacités sur les différentes méthodes de travail des institutions. Cette
approche devrait porter ses fruits à moyen et à long terme.
Il existe une autre approche institutionnelle de renforcement des capacités qui
consiste à utiliser les instituts de formation locaux comme destinataires au « premier
niveau » du renforcement des capacités. Cette approche vise à développer et à
renforcer les capacités de formation des instituts locaux à qui l’on peut par la suite
confier les activités de renforcement des capacités sur la contractualisation.
De nouveaux enjeux dans le renforcement des capacités Il y a une dizaine d’années, l’accent était mis principalement sur les capacités
techniques liées aux contrats : comment négocier un contrat, comment le formuler et
comment l’exécuter. Ces questions ont toujours autant d’importance mais depuis
maintenant deux ans, des capacités d’un nouveau type sont nécessaires. Le fait que la
contractualisation soit devenue une stratégie importante dans l’organisation des
systèmes de santé rend d’autant plus essentielles les capacités qui permettent
l’utilisation stratégique de la contractualisation. Cela implique pour les différents
acteurs qu’ils mobilisent davantage de moyens d’action pour déterminer en quoi la
contractualisation, sous ses différentes formes, est liée aux choix (politiques)
stratégiques dans l’organisation des systèmes de santé. Ces capacités sont nécessaires
à différents niveaux. Un directeur d’hôpital, par exemple, a besoin de connaissances et
de compétences pour réfléchir aux conséquences des différents choix stratégiques
(externaliser ou non certaines activités). Autre exemple dans les approvisionnements
pharmaceutiques : de quelles capacités les acteurs chargés d’organiser les réseaux
d’approvisionnement pharmaceutique ont-ils besoin, à différents niveaux ?
C) La question de la régulation
Définir les méthodes et les objectifs de la régulation La généralisation de la contractualisation et sa diversification ont mis en
lumière l’importance de la régulation. Comme nous l’avons déjà mentionné, il reste
encore à débattre de la portée et de la forme d’une telle régulation. Il n’en est pas
moins évident qu’il faut définir les outils et les méthodes qui permettront sa mise en
place. La régulation doit être appliquée de façon à constituer un cadre
d’harmonisation des différentes activités de contractualisation, en les reliant aux
objectifs et aux stratégies du système de santé global.
Capacités de régulation A l’avenir, une plus grande importance devrait être accordée au nouveau type
de capacités de régulation nécessaires. De nombreux acteurs présents à la réunion
considéraient que cette recherche devait être une priorité. Mais il n’existe pas une
méthode parfaite de renforcement des capacités de régulation ; la méthode doit être
spécifique au pays puisque la question de la régulation dépend pour beaucoup des
facteurs contextuels (situation politique globale, cadre juridique général, importance
accordée à la contractualisation par les législateurs).
Devrait-il y avoir une instance indépendante, non gouvernementale ou
paragouvernementale, chargée de réglementer la contractualisation ? Le fait qu’un Etat soit partie prenante dans un accord contractuel spécifique, à
titre de partenaire alors qu’il est en même temps l’autorité de contrôle peut être
considéré comme relevant du conflit d’intérêts. Cette question a soulevé un débat sur
la définition du rôle de régulation de l’Etat et des différentes façons de remplir cette
fonction. Certains ont démontré par exemple qu’il fallait dépolitiser cette fonction de
régulation en la confiant à des organismes techniques. Il en résulterait la création
d’une nouvelle tierce partie qui n’aurait pas d’intérêt direct dans l’accord contractuel
et serait donc capable de donner un avis technique et objectif sur cet accord.
Pour tirer ce problème de régulation au clair, il serait utile d’examiner de plus
près la possibilité de créer des organismes de surveillance qui n’auraient aucun lien
direct avec les ministères de la santé.
Conclusion
La réunion de consultation "Contractualisation stratégiquement dans les
systèmes de santé" se voulait un forum pour échanger sur les idées et les expériences.
Elle rassemblait des individus ave une large diversité de points de vue sur la
contractualisation.
La multiplicité des démarches et des méthodes de contractualisation qui ont
fait l’objet des débats à cette réunion, montre clairement que des évolutions
significatives se sont produites dans ce domaine et se poursuivront sans aucun doute.
Des idées et des méthodes nouvelles ont été élaborées et de nouvelles initiatives sont
mises en place sur l’ensemble de la planète.
Il semble par ailleurs qu’au fur et à mesure que la contractualisation se
diversifie et devient plus complexe, il faudra que, des questions purement techniques,
le cœur des débats glisse vers des questions de plus vaste portée. En d’autres termes,
lorsque près de dix ans en arrière, la contractualisation a commencé à émerger dans le
contexte des systèmes de santé, l’essentiel des débats portait sur les aspects techniques
de la conception et de la gestion des contrats, mais depuis les dernières évolutions, il
est devenu évident qu’il fallait envisager la contractualisation sous un angle qui la
relie à d’autres stratégies de financement et d’organisation des systèmes de santé.
Ce nouveau "paradigme" soulève de nouvelles questions :
• Un établissement de santé peut-il accroître son efficacité en externalisant
certaines de ses activités non cliniques ?
� L’exemple marocain semble indiquer que cette stratégie pourrait avoir certains
avantages (optimisation de l'utilisation du matériel, gestion des ressources humaines
plus efficace et plus souple, etc.). Mais en même temps, un tel choix pose des
problèmes (frictions entre employés, manque de volonté à s’engager dans des
contrats).
• La contractualisation basée sur la performance et l’introduction de mesures
incitatives pourraient-elles être une solution pour améliorer les résultats individuels ou
institutionnels ?
� L’expériences du Rwanda et d'ailleurs semble indiquer que cette stratégie donne
des résultats tangibles, mais il est encore trop tôt pour affirmer qu’elle fonctionnera
dans tous les contextes.
• Un programme à grande échelle d’externalisation des services de santé est-il la
bonne solution pour étendre et consolider un système de santé dans un contexte
fragile ?
� En Afghanistan, les initiatives d’externalisation ont montré que cette stratégie
pouvait effectivement élargir la couverture des services de santé de base, mais cela
est-il vrai dans le long terme ou devrait-il y avoir également une stratégie de
renforcement de la prestation des services de santé publique ?
• Et qu’en est-il de la tutelle et de la régulation de la contractualisation ? Qui se
charge de ces fonctions ? Comment s’y prendre et en appliquant quelles
méthodes ?
� Les politiques nationales de contractualisation qui ont été mises en place dans
plusieurs pays, au Burundi par exemple, sont des outils importants qui ont permis de
renforcer la tutelle de l’Etat et rendre plus claire la répartition des rôles entre les
acteurs. Mais il n’existe pas de modèle unique que l’on pourrait appliquer partout.
Chaque pays doit adapter sa propre politique nationale de contractualisation au
contexte local.
Comme on peut le voir, la réunion a permis d’apporter quelques réponses à ces
questions stratégiques mais il reste de nombreux aspects à explorer.
Au fur et à mesure que la contractualisation dans le contexte des systèmes de
santé se diversifie et devient toujours plus complexe, et que les questions s’y
rapportant prennent une importance plus stratégique, les besoins et les demandes des
pays iront croissant. Cela signifie qu’il reste beaucoup à faire dans le futur et que les
arguments sont nombreux en faveur de l’extension des activités liées à la
contractualisation.