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1 Conférence sur les Chrétiens d’Orient Salle Pétrarque - 13 janvier 2015 Introduction Je suis très honoré d’avoir été invité par M. le professeur Carol Iancu : nous nous connaissons depuis longtemps, depuis plus de 20 ans ! D’abord à travers le dialogue interreligieux, lorsque j’étais curé à la paroisse Notre-Dame d’Espérance dans les quartiers St Clément à Montpellier. Nous avions des réunions bibliques, juifs et catholiques. Dans ce cadre-là, une paroissienne, Mme Lucette Seznec, s’était fortement engagée au point de participer à la création d’une équipe de l’amitié judéo-chrétienne, la section Jules Isaac de Montpellier. Je connais également M. Le professeur Carol Iancu grâce à l’Université Paul Valery où d’autres enseignants se retrouvent comme Messieurs les professeurs Gérard Cholvy et Gérard Dedeyan. Et je n’oublie pas bien sûr son fils M. Mickaël Iancu, directeur de l’Institut Maïmonide. Par ailleurs, dans le cadre des rencontres judéo-chrétiennes, j’ai eu la grande joie de faire la connaissance de Mme Edith Moscovic. Un dimanche, à la place de l’homélie, je lui ai demandé de donner son témoignage devant notre assemblée, le témoignage d’une petite fille juive, amenée à se cacher pendant la seconde guerre mondiale pour échapper à la déportation. Notre amitié en a été renforcée et elle dure toujours. A la suite de tout cela j’ai accepté de participer à cette rencontre qui n’est pas la conférence d’un spécialiste mais la préoccupation pastorale d’un évêque, de celui qui veille non seulement sur les fidèles qui lui sont confiés, mais sur tout homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, tout particulièrement quand cette image est ternie par celui qui persécute et plus encore quand c’est au nom de Dieu qu’il prétend le faire ! Je ne suis donc ni spécialiste des chrétiens d’Orient ni des terroristes qui les persécutent. Simplement quelqu’un qui souhaite que nous soyons sensibilisés au sort de ceux qui souffrent pour en être solidaires. Je terminerai cette introduction générale en signalant qu’avec le maire de mon village natal, Vailhauquès, M. Hussam Al Malak, d’origine iraquienne, nous discutons souvent de la situation actuelle et de sa famille menacée dans son pays d’origine.

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Conférence sur les Chrétiens d’Orient Salle Pétrarque - 13 janvier 2015

Introduction

Je suis très honoré d’avoir été invité par M. le professeur Carol Iancu : nous

nous connaissons depuis longtemps, depuis plus de 20 ans ! D’abord à travers

le dialogue interreligieux, lorsque j’étais curé à la paroisse Notre-Dame

d’Espérance dans les quartiers St Clément à Montpellier. Nous avions des

réunions bibliques, juifs et catholiques. Dans ce cadre-là, une paroissienne,

Mme Lucette Seznec, s’était fortement engagée au point de participer à la

création d’une équipe de l’amitié judéo-chrétienne, la section Jules Isaac de

Montpellier. Je connais également M. Le professeur Carol Iancu grâce à

l’Université Paul Valery où d’autres enseignants se retrouvent comme

Messieurs les professeurs Gérard Cholvy et Gérard Dedeyan. Et je n’oublie pas

bien sûr son fils M. Mickaël Iancu, directeur de l’Institut Maïmonide.

Par ailleurs, dans le cadre des rencontres judéo-chrétiennes, j’ai eu la grande

joie de faire la connaissance de Mme Edith Moscovic. Un dimanche, à la place

de l’homélie, je lui ai demandé de donner son témoignage devant notre

assemblée, le témoignage d’une petite fille juive, amenée à se cacher pendant

la seconde guerre mondiale pour échapper à la déportation. Notre amitié en a

été renforcée et elle dure toujours.

A la suite de tout cela j’ai accepté de participer à cette rencontre qui n’est pas

la conférence d’un spécialiste mais la préoccupation pastorale d’un évêque, de

celui qui veille non seulement sur les fidèles qui lui sont confiés, mais sur tout

homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, tout particulièrement

quand cette image est ternie par celui qui persécute et plus encore quand c’est

au nom de Dieu qu’il prétend le faire ! Je ne suis donc ni spécialiste des

chrétiens d’Orient ni des terroristes qui les persécutent. Simplement quelqu’un

qui souhaite que nous soyons sensibilisés au sort de ceux qui souffrent pour en

être solidaires.

Je terminerai cette introduction générale en signalant qu’avec le maire de mon

village natal, Vailhauquès, M. Hussam Al Malak, d’origine iraquienne, nous

discutons souvent de la situation actuelle et de sa famille menacée dans son

pays d’origine.

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De plus, des liens anciens existent avec le Liban grâce au Père Bruno Pin qui a

vécu là-bas tout son ministère avant de nous revenir à sa retraite ; grâce

également au Père Patrice Sabater et au Père Jean Rouquette avec «

l’Association Offrejoie » : chaque été sont organisés dans ce pays avec des

jeunes chrétiens, musulmans et druzes des camps d’été pour réaliser des

projets communs et panser les plaies de ce pays tiraillé et meurtri…

Présentation

Les sources dont je me suis inspiré pour vous proposer ces réflexions

s’appuient sur différents supports : les conférences que j’ai suivies, comme

celle de M. Gilles Képel, des articles du quotidien « La Croix » signés Paul Bhatti,

Anne Bénédicte Hoffner, des revues comme : l’Eglise dans le monde, l’AED

(aide à l’Eglise en Détresse) articles signés par Marc Fromager, la revue

« Etudes » et surtout « Le livre noir de la condition des chrétiens dans le

monde », des textes ecclésiaux comme la déclaration conjointe du Pape

François et du patriarche œcuménique Bartholomée 1er à l’occasion du voyage

pastoral du pape en Turquie, et beaucoup d’autres encore comme Jean-

François Colosimo. Je signale aussi la lettre du pape François aux chrétiens

d’Orient pour Noël.

• Pour comprendre, la situation actuelle, il faut tenir compte du contexte

géopolitique au début de notre XXI° siècle. Non seulement au Proche et

Moyen Orient, mais aussi dans plusieurs pays d’Afrique comme le

Nigéria, le sud-Soudan, le Mali avec lequel le diocèse de Montpellier est

jumelé et la Centre-Afrique

• Le monde musulman a connu ces dernières années des bouleversements

gigantesques. Le point d’orgue a été atteint avec les printemps arabes,

les révolutions arabes récentes dont la Tunisie a initié le mouvement en

2010. Nous nous souvenons de l’immolation de ce jeune marchand :

c’est l’étincelle qui a mis le feu et embrasé d’autres pays. Le terreau de

ces mutations est constitué de jeunes urbains pauvres et sans avenir. Par

ailleurs nos pays ont apporté leur soutien aux régimes autoritaires dans

la mesure où ils pensaient trouver ainsi un rempart contre le terrorisme

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(rappelez-vous le 11 septembre 2001 !). Par la suite, ces régimes ont été

lâchés par l’Occident. Et l’on a vu s’établir une alliance entre les laissés

pour compte de ces régimes et les classes moyennes qui étaient en

quelque sorte rackettés comme eux.

• Ce qui s’est passé en Tunisie a servi plus ou moins de modèle dans

d’autres pays, mais avec un certain nombre de nuances. Les frères

musulmans par exemple qui avaient récupéré le pourvoir se sont trouvés

par la suite contrés et torturés. Il faudrait parler de la Turquie et du

Qatar, de la mouvance islamique, des oppositions chiites et sunnites, des

répercutions en Occident.

• En France, on assiste aussi à une crispation identitaire. Le temps est

passé d’un islam contrôlé par l’étranger (Mosquée de Paris et Algérie). Il

y a eu l’âge des frères, ceux du bled. Puis l’hégémonie des entrepreneurs

« halal » pour un marché apte à attirer les consommateurs avec tous les

enjeux y compris financiers que cela représente. Il ne faut pas sous

estimer non plus le phénomène des conversions et des départs pour le

djihad, alors que, en Irak et en Syrie, l’avancée de Dahesch,

malencontreusement appelé Etat Islamique, a conquis une partie de ces

territoires et sa progression est loin d’être stoppée. Et dans cet Orient

compliqué que deviennent les chrétiens, là même où le Christianisme

possède ses racines ? Car les premiers disciples de Jésus sont partis en

mission hors de Jérusalem, en Samarie d’abord et ensuite sur le pourtour

méditerranéen, d’une part en Turquie actuelle et au-delà par la suite, et

bien sûr en Syrie et en Irak.

• Pour stopper la progression de Dahesh et la création du Califat, il a fallu

un certain temps pour que se constitue la coalition. Comment s’engager

en Irak, pour les américains qui en étaient repartis, sans que le pays ait

trouvé une certaine stabilité après l’élimination de Saddam Hussein ?

Comment intervenir en Syrie et pratiquement s’allier à Bachar El Assad

après l’avoir menacé de tous côtés et soutenu ses adversaires ?

Comment amener la Turquie à s’impliquer et soutenir les Kurdes qui

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protègent les minorités en péril, alors que la Turquie considère les

Kurdes comme une grande menace contre l’unité nationale ?

• Dans cette situation qui voit des musulmans s’attaquer à d’autres

musulmans, comment situer les attaques de Dahesh contre les chrétiens,

contre d’autres minorités religieuses comme les Yazidis.

La violence fondamentaliste a-t-elle encore un lien

avec la religion ?

Position de Paul Bhatti, président de l’Alliance pour les minorités au Pakistan (APMA)

« Les attaques récurrentes contre les chrétiens en Irak, en Syrie, au Nigeria ou encore au Pakistan ont une racine commune: l’idéologie de groupes terroristes qui utilisent la religion pour imposer leurs vues et s’en prendre aux plus fragiles. C’est le cas en Irak avec l’État islamique (EI), mais aussi au Pakistan où les violences faites aux chrétiens sont directement proportionnelles à l’instabilité politique, économique et religieuse du pays. Aussi la tentation est grande d’établir un amalgame entre la religion apparemment en cause, à savoir l’islam, et ce qu’en font ces groupes terroristes qui bénéficient de nombreux soutiens financiers à travers le monde.

Aucune religion ne permet de tuer ou de mourir au nom de Dieu. Dans les textes bibliques ou coraniques, seul Dieu a le pouvoir de donner ou de retirer la vie. Ceux qui, au nom de l’islam, tuent des innocents, font l’apologie du suicide ou considèrent les autres religions comme ennemies, n’ont rien à voir avec la religion dont ils se réclament. Tout discours religieux part du respect de l’humanité et ne vise qu’une victoire, celle de l’amour. Qui s’impose par la force dévoie la religion, chrétienne ou musulmane.

Nous ne pouvons pas passer sous silence qu’à certaines périodes de leur histoire les chrétiens eux aussi ont sombré dans ces radicalismes, entre eux et envers les autres.

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« La grande pauvreté et l’absence d’éducation constituent le terreau privilégié

du terrorisme ». Quand un pays, y compris la France, n’arrive pas à donner du

travail à sa jeunesse, quand cette jeunesse n’a aucun avenir devant elle, quand

des sirènes lui annoncent une perspective prometteuse et en prime le bonheur

éternel dans le Paradis, comment s’étonner que certains soient pris au piège.

En tant que chrétien engagé dans la défense des minorités au Pakistan, Paul Bhatti connait l’islam de l’intérieur. Il a suffisamment étudié ses textes pour savoir que leur interprétation varie d’un pays à l’autre et que l’histoire des premiers siècles de l’islam – en particulier la décision de faire la guerre ou non – ne doit jamais être séparée de son contexte et ne peut servir de règle à toutes les époques. Au Pakistan, il côtoie aussi beaucoup de musulmans de bonne foi qui aspirent au dialogue et à la paix. Certains l’ont payé de leur vie, comme Salman Taseer, gouverneur musulman du Pendjab, assassiné en janvier 2011 parce qu’il prenait avec son frère, le ministre Shahbaz Bhatti, la défense des chrétiens emprisonnés à cause de la loi sur le blasphème. Aujourd’hui encore, des avocats et promoteurs musulmans des droits de l’homme défendent les chrétiens au Pakistan, bravant tous les jours la peur et les menaces. Ils sont la plus belle expression de l’islam.

Parce que la violence qui se déchaîne sous nos yeux n’est pas de nature religieuse, les leviers sur lesquels nous pouvons agir sont avant tout politiques et sociaux. La grande pauvreté et l’absence d’éducation constituent le terreau privilégié du terrorisme. C’est pourquoi il revient aux leaders politiques et religieux de s’asseoir autour d’une même table afin d’examiner les vrais problèmes de leur pays et de prendre des mesures concrètes, à commencer par la fermeture des écoles religieuses où les enfants sont endoctrinés dès leur plus jeune âge. La Turquie, l’Indonésie ou les Émirats arabes unis ont accompli de réels progrès dans ce sens et sont parvenus à diminuer leur niveau de violence. ».

« Une fois encore, les groupes terroristes utilisent la religion pour imposer leurs vues et s’en prendre aux plus fragiles. »

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L’Etat islamiste est-il islamique ?

Position de Marc Fromager (Bulletin AED France n°8 de décembre 2014)

La question pourrait paraître saugrenue. Après tout, cela reviendrait à se

demander par exemple si la République française est française… Et pourtant ; la

question se pose car il y a eu une sorte d’unanimité à déclarer que l’Etat

Islamique n’avait rien à voir avec l’islam. De hauts dignitaires musulmans se

sont clairement exprimés à ce sujet et l’on peut s’en réjouir vraiment.

Certes, il fallait éviter tout amalgame. Certes, les djihadistes de l’Etat islamique

sont des terroristes. Certes, l’immense majorité des musulmans n’a rien de

commun avec ces fanatiques. Certes, on pourrait même ajouter que la plupart

des victimes de l’Etat islamique sont des musulmans : chiites, kurdes (sunnites

mais non arabes), sunnites qui ne sont pas assez radicaux …

Il n’en demeure pas moins que c’est au nom de l’islam que l’Etat islamique

opère, qu’il a fondé le Califat, qu’il applique la charia, qu’il chasse et exécute

ceux qui ne se soumettent pas. Comme souvent lorsque quelque chose de

pénible se produit dans le monde musulman, on a recours au même argument :

ce ne sont pas de bons musulmans ou alors, deuxième option, ce sont des

fous !

Cela pourrait être rassurant sauf à imaginer qu’il y a un nombre considérable

de fous dans ces contrées. On donne l’impression de tourner autour du pot, de

chercher une échappatoire. Or, au-delà des belles déclarations, il faudra quand

même un jour aller plus loin et notamment répondre à quelques question :

Comment résoudre le problème de la violence posé par le Coran ?

Comment opérer la distinction entre le politique et le religieux ?

Comment reconnaitre l’altérité, la présence de l’Autre, celui qui ne croit pas en

le même Dieu, voire qui ne croit pas du tout ?

Si ces questions pouvaient être résolues, cette crise pourrait même avoir été

bénéfique, mais nous n’y sommes pas encore. En attendant, il y a des victimes

et parmi elles, 120 000 de nos frères chrétiens qui s’entassent, traumatisés,

autour d’Erbil. Ils ont passé Noël dans des conditions plus que précaires.

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Pour eux aussi visiblement, comme à Bethléem autrefois, il n’y a plus de place à

l’auberge et la menace du massacre des innocents n’est jamais très loin. Nous

ne les oublions pas car ils comptent sur nous !

La disparition des chrétiens d’Orient serait une

catastrophe pour l’ensemble des chrétiens.

Position de J-François COLOSIMO (La Croix - Midi-Libre)

Les chrétiens d’Orient sont en trop de l’autre côté de la Méditerranée car ils

sont pris dans la convulsion islamiste qui cherche à les exclure. Mais ils sont en

trop aussi pour nous, dans une Europe sécularisée, pressée d’oublier ses

racines chrétiennes. Ils nous rappellent par leur simple existence que le

christianisme est originellement une religion orientale. La malédiction les

poursuit depuis des siècles. Ils ont toujours été lâchés : en 1921, la France et la

Grande-Bretagne ont abandonné les Grecs qui voulaient reconquérir leurs

territoires ancestraux. En 1932, les Britanniques ont lâchés les Assyriens. Et,

bien sûr en 2003, au moment de l’invasion américaine de l’Irak, le monde ne

veut plus d’eux…

Pendant quatorze siècles, ils ont résisté au joug de l’Islam, mais aussi aux

pressions coloniales de l’Occident. Ils ont toujours été pris en étau. C’est le

XXème siècle, avec ses guerres d’indépendances, qui les a poussés à l’exode.

En 1990, ils étaient par exemple 35% sur le territoire de Turquie, ils ne

représentent aujourd’hui que 1% de la population. Tout s’est accéléré lorsque

les Etats-Unis ont voulu remodeler le Moyen-Orient. En Irak, ils ont fui

l’invasion américaine puis l’islamisme et le terrorisme. Leur situation est

désastreuse. Pour le christianisme, l’ancienne Mésopotamie, la terre

d’Abraham, est perdue. Ils seront bientôt trop peu nombreux pour empêcher

ces sociétés de s’uniformiser dans le fanatisme. Les chrétiens de Syrie vivent un

destin similaire et des millions de réfugiés prennent le chemin de l’exil via le

Liban, la Jordanie et la Turquie. Ils vont aussi vers l’Occident parce qu’ils le

pensent chrétien alors qu’il ne l’est guère.

La France suit la politique des Etats-Unis. La coalition internationale en Irak est

financée en partie par le Qatar, l’Arabie Saoudite. On est dans un renversement

de perspectives hallucinant. La France se contente de délivrer des visas, et

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encore pas beaucoup, c’est de l’humanitaire, pas une politique. On ne veut pas

vraiment les soutenir en Europe, car ils réveillent notre mémoire de civilisation

historique. L’interdit de l’Europe, c’est de nommer les réalités. Celle-là est

gênante car elle parle de nos racines. L’Europe ne veut pas de passé, seulement

un futur. Or, ces chrétiens sont à la source des dix-huit siècles d’histoire de

l’Europe parce qu’ils sont notre mémoire. Les Coptes nous renvoient à l’Egypte

des pharaons, les Chaldéens d’Irak à l’ancienne Mésopotamie. Ils sont le

chaînon indispensable entre l’Europe et l’Asie, ils ont assuré le transfert de

culture. Ils sont le seul espoir de sécularisation dans un monde dominé par le

fanatisme. Leur disparition serait une catastrophe pour eux, pour nous, pour

les musulmans qui veulent un monde ouvert. Ce serait pour nous comme une

amputation terrible de nos racines.

L’œcuménisme de la souffrance

Position de Frans Bouwen, collaborateur de la revue « Terre Sainte Magazine »

Les violences qui s’abattent actuellement sur le Moyen-Orient touchent tout

particulièrement les chrétiens qui vivent dans ces régions depuis les origines du

christianisme. En novembre et décembre, la situation s’est encore fortement

aggravée, au point de mettre en danger la vie et l’avenir des communautés

chrétiennes dans certains pays. Ces nouvelles dramatiques sont largement

répercutées par les médias chrétiens et autres. Certains n’hésitent pas à parler

explicitement d’une persécution des chrétiens. Toutefois, avant de généraliser

l’usage du terme « persécution » il importe de voir les souffrances des

chrétiens dans le contexte plus large : les chrétiens ne sont pas les seuls à

souffrir ; bien d’autres groupes, musulmans sunnites ou chiites selon les cas,

yazidis, kurdes, etc. en sont également victimes. Mais les chrétiens paient peut-

être le prix le plus cher, en raison de leurs petits nombres et parce qu’ils sont

les plus vulnérables : ils refusent de prendre les armes et de répondre à la

violence par la violence. Dans le même temps, il faut aussi reconnaitre qu’en

certains cas des chrétiens sont tués explicitement parce qu’ils sont chrétiens et

deviennent ainsi de véritables martyrs.

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Ces violences et menaces ne font pas de distinction entre les chrétiens d’après

leur appartenance ecclésiale : orthodoxes, catholiques ou protestants. La

meilleure illustration en est le kidnapping des métropolites grec orthodoxe,

Boulos Yazigi, et syriaque orthodoxe, Yuhanna Ibrahim, d’Alep, en avril

2013.Ensemble, ils étaient partis négocier la libération de prêtres et de fidèles

enlevés peu auparavant ; ensemble ils ont été enlevés, et depuis plus aucune

nouvelle : sont-ils vivants ou morts ? Est venu s’y ajouter, trois mois plus tard et

dans la même région, l’enlèvement du jésuite italien Paolo Dall’Oglio. Lui aussi

intercédait pour libérer des personnes kidnappées, et de lui non plus il n’y a pas

la moindre nouvelle. Ces trois ecclésiastiques appartiennent à trois Eglises

différentes qui ne sont pas en communion entre elles, mais ils ont unis dans la

même souffrance et, peut-être, dans la même mort. Leur sort a reçu une plus

grande publicité à travers les médias ; il convient de les voir comme les

représentants des dizaines et peut-être centaines de chrétiens anonymes,

appartenant à toutes les Eglise, qui ont connu le même sort mais dont on ne

parle pas.

Dans une interview au journal La Stampa, le pape François a déclaré :

« aujourd’hui il y a l’œcuménisme du sang. Dans certains pays, on tue les

chrétiens parce qu’ils portent une croix ou ont une Bible, et avant de les tuer on

en leur demande pas s’ils sont anglicans, luthériens, catholiques ou orthodoxes.

Les sangs sont mêlés. Pour ceux qui tuent nous sommes chrétiens. Unis dans le

même sang, même si entre nous, nous ne parvenons pas encore à faire les pas

vers l’unité. » En recevant, en mai 2013, le patriarche copte orthodoxe

Tawadros II, le pape dit : « il existe aussi un œcuménisme de la souffrance : de

même que le sang des martyrs a été une semence de force et de fécondité pour

l’Eglise, ainsi le partage des souffrances quotidiennes peut devenir un puissant

instrument d’unité. » Ces paroles méritent de retenir l’attention au moment où

les dialogues théologiques en vue de l’unité semblent piétiner. Au lieu de

dialoguer sur des questions théologiques parfois assez éloignées de la vie réelle

- ou du moins en même temps que ces dialogues - ne faudrait-il pas plutôt

essayer de faire la théologie de ce que les chrétiens appartenant à des Eglises

encore séparées vivent déjà en commun, avant tout ce don de la vie, le

témoignage extrême du martyre. En donnant ensemble leur vie pour le Christ,

ces chrétiens entrent ensemble dans la pleine réalité du mystère de la mort et

de la résurrection du Christ, alors qu’ils ne sont pas encore capables de

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célébrer ensemble l’eucharistie, le signe sacramentel de ce mystère. Est-ce que

cela ne devrait pas faire réfléchir ? Ou du moins donner une urgence nouvelle à

toute recherche de la communion parfaite ? Ce défi vital, lancé aux théologiens

et aux responsables des différentes traditions ecclésiales, pose d’une manière

nouvelle le lien inséparable entre théologie et vie.

Déclaration commune du Pape François et du

Patriarche œcuménique Bartholomée Ier

Nous exprimons notre préoccupation commune pour la situation en Irak, en Syrie et dans tout le Moyen-Orient. Nous sommes unis dans le désir de paix et de stabilité et dans la volonté de promouvoir la résolution des conflits par le dialogue et la réconciliation. Reconnaissant les efforts déjà faits pour offrir une assistance à la région, nous en appelons en même temps à tous ceux qui ont la responsabilité du destin des peuples afin qu’ils intensifient leur engagement pour les communautés qui souffrent et leur permettent, y compris aux communautés chrétiennes, de rester sur leur terre natale. Nous ne pouvons pas nous résigner à un Moyen-Orient sans les chrétiens qui y ont professé le nom de Jésus pendant deux mille ans. Beaucoup de nos frères et de nos sœurs sont persécutés et ont été contraints par la violence à laisser leur maisons. Il semble vraiment que la valeur de la vie humaine se soit perdue et que la personne humaine n’aie plus d’importance et puisse être sacrifiée à d’autres intérêts. Et tout cela, tragiquement, rencontre l’indifférence de beaucoup. Comme nous le rappelle saint Paul : « Un membre souffre-t-il ? Tous les membres souffrent avec lui. Un membre est-il à l’honneur ? Tous les membre se réjouissent avec lui » (1 Co 12, 26). C’est la loi de la vie chrétienne et en ce sens nous pouvons dire qu’il y a aussi un œcuménisme de la souffrance. Comme le sang des martyrs a été semence de force et de fécondité pour l’Église, ainsi le partage des souffrances quotidiennes peut être aussi un instrument efficace d’unité. La terrible situation des chrétiens et de tous ceux qui souffrent au Moyen-Orient demande non seulement une prière constante, mais aussi une réponse appropriée de la part de la communauté internationale.

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Où en est-on en fin d’année 2014 ?

• Au plus fort de la persécution, les chrétiens qui n’ont pas pu fuir à temps

se trouvent confrontés à une violence extrême : les hommes doivent ou

se convertir, ou avoir le statut de citoyen inférieur et payer l’impôt

correspondant ou être supprimés ; les femmes sont enlevées pour le bon

plaisir des combattants ou pour être vendues ou mariées de force ;

quant aux enfants, incapables de choisir la religion, ils sont tout

simplement éliminés.

• Plusieurs délégations de chrétiens, conduites souvent par des évêques

comme le Cardinal Barbarin, Mgr Marc Stenger et d’autres, se sont

rendues en Irak tout particulièrement, à la rencontre des chrétiens

persécutés, si bien que l’on a pu dire que le nord de ce pays était en

partie un grand camp de réfugiés.

En effet, les chrétiens ont vraiment été obligés de fui et de tout laisser.

Ils n’ont pu rien emporter. Aujourd’hui, ils sont sans ressources dans la

région du Kurdistan. Ils vivent donc dans un immense camp de réfugiés

où l’on tue, l’on pille, l’on viole… Et Dahesh qui occupe ces régions a

profité du vide institutionnel en Irak pour en prendre le contrôle.

Dans cette situation, quel espoir ? Quelle espérance ? Mgr Sako qui est

l’un des porte-parole des chrétiens met en cause la responsabilité des

grandes puissances qui pourraient créer un peu de stabilité et faire

pression sur les différentes parties. Ce dont les chrétiens ont besoin c’est

de savoir qu’ils ne sont pas abandonnés, qu’ils ne sont pas seuls, que l’on

pense à eux, que l’on prend au sérieux leurs grands malheurs. Mgr

Stenger déclare : « Toutes les communautés chrétiennes ne pourront pas

se rendre en Irak, mais il faut qu’elles soient attentives et accueillent les

réfugiés pour vivre cette solidarité à travers ces irakiens exilés chez

nous ».

• On a vu apparaître le « N », Noun en arabe pour désigner les chrétiens

comme Nazaréens. Le Cardinal Barbarin de Lyon qui s’est rendu en

Orient au début du mois de décembre, grand défenseur de la cause des

chrétiens d’orient, a pris comme carte de vœux cette année une sobre

représentation de ce Noun accusateur…

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• A Noël, le pape François a rendu hommage à tous ceux qui sont

discriminés, persécutés et tués. Il a fustigé la persécution brutale en

rappelant que les chrétiens ne sont pas tous appelés à verser leur sang,

mais doivent donner témoignage, sans peur d’aller à contre courant et

de payer de leur personne.

Déjà dans sa lettre aux chrétiens d’Orient, envoyée quelques jours avant,

il avait voulu manifester son soutien à l’égard de ces communautés très

éprouvées en particulier par les exactions de Dahesh. Et en même temps

il livrait là un vibrant plaidoyer pour le dialogue interreligieux

Et maintenant, quel avenir pour les chrétiens

d’Orient ?

Position du P. David Neuhaux (revue « Etudes » décembre 2014)

Ce qui marque les chrétiens de ces régions, c’est la peur !

Et de plus, ils se sentent souvent abandonnés des autres chrétiens, du monde

et parfois même de Dieu…

L’ancien patriarche latin de Jérusalem, Michel Sabbah, leur disait souvent : «

résistez à toute tentation de la peur et du désespoir ».

Oui la peur a saisi toute les communautés en voyant les scènes horribles

diffusées à partir de l’Irak et de la Syrie. Des centaines de milliers de chrétiens

ont du abandonner leur terre natale ; depuis 2010, ils ont été chassés de leur

maison, les racines chrétiennes ont été arrachées, l’héritage chrétien a été

effacé par des terroristes au visage masqué parlant au nom de l’Islam. Et en

même temps que les chrétiens sont persécutés, il en va de même pour d’autres

minorités considérées comme hérétiques, schismatiques ou non conformistes.

Les chrétiens constituent une minorité à part dans la mesure où ils ont toujours

refusé dans l’ensemble de s’organiser comme des partis politiques ou des

milices. Et du coup, avec tous les changements politiques ils se sont trouvés

encore plus marginalisés avec des systèmes qui accentuaient l’identité

confessionnelle. Et même menacés d’être assassinés, chassés, exclus, humiliés.

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Comment surmonter la peur ?

Pour surmonter la peur, il faut fuir l’isolement et le repliement sur soi et se

disposer résolument à la rencontre et au dialogue. La commission justice et

paix demande aux chrétiens et aux musulmans de résister ensemble aux forces

nouvelles de l’extrémisme et de la destruction.

Pour cela il existe un moyen séculaire qui a fait ses preuves. Ce sont les

différentes institutions de l’Eglise qui révèlent le visage d’une présence

chrétienne au service non seulement des chrétiens mais de la société dans son

ensemble : écoles, universités, dispensaires, cliniques, institutions pour les

pauvres, les personnes âgées et les handicapés et tant d’autres établissements

qui se caractérisent par leur dévouement, les services rendus, l’ouverture à

tous et à chacun : musulmans surtout et autres minorités locales.

Ce sont des lieux où chrétiens et musulmans ne se contentent pas de se

côtoyer mais peuvent aussi établir des relations mutuelles et tenir des discours

sur la diversité et le respect réciproques. Ainsi, au lieu que la peur entraîne un

discours en réaction et une attitude de retrait, il peut devenir possible de tenir

un langage rempli de discernement qui permette de distinguer l’extrémiste du

musulman qui est un voisin, un compatriote, un frère en humanité.

Dans ce contexte les chrétiens ont bien leur place au titre de leur contribution à

la vie sociale à travers les différents services qu’ils rendent. Mais l’élément le

plus important contre la peur demeure la foi. Ces chrétiens expérimentent

dans leur chair les paroles et le témoignage de Jésus : « Si quelqu’un veut

marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me

suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à

cause de moi et de l’Évangile la sauvera ». (Mc 8/ 34-35).

Tant d’autres, au cours des siècles, ont donné leur vie en témoignage de foi au

Christ. Mais l’on comprend très bien que certains, en pensant à leurs enfants

en particulier, regardent vers des pays plus sûrs, en Europe, aux USA, en

Australie… Cette diaspora chrétienne, au milieu de nous, est un appel à

l’accueil, mais aussi à la solidarité avec ceux qui ont décidé de rester ou tout

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simplement qui n’ont pas eu les moyens de partir. Nous demandons pour eux

la foi, au-delà de la peur et de l’isolement, la foi au Christ, mort et ressuscité

pour que finalement la vie l’emporte.

Persévérer dans le dialogue avec l’Islam

Telle doit être notre conduite pour ne pas subir les pièges de l’Islamisme et du

djihad. En ce début d’année a eu lieu au Vatican la visite d’imans français reçus

au conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. D’emblée, le cardinal

Tauran, originaire de Bordeaux et président de ce conseil déclare : « plus il y a

de conflits et plus il nous faut insister sur le dialogue ». Personnellement, je ne

pense pas que ce dialogue doive porter sur des questions religieuses… il s’agit

du dialogue de la vie, du quotidien, du travail, du quartier, de l’école, des

associations, autrement dit tous les lieux qui permettent aux citoyens que nous

sommes de se connaître, de dialoguer, de s’estimer dans nos différences

religieuses, sans exclusivisme. L’islam peut se présenter comme conquérant et

prosélyte ; il exerce parfois des pressions fortes pour la conversion de ceux et

celles qu’il côtoie. C’est pourquoi le dialogue possible et fructueux se situe

d’abord du côté relationnel, humain, social. C‘est pourquoi il faut saluer les

prises de positions qui enfin se multiplient face aux exactions de Daesh pour en

dénoncer les crimes et appeler à la mobilisation. C’est désormais le cas de

responsables musulmans qui n’hésitent plus à s’exprimer : la visite des 4 imans

français au Vatican revêt ainsi une portée symbolique importante. Elle fait suite

à un certain nombre de rencontres à Rome, Vienne, au Caire ou encore en Iran

où des responsables musulmans se sont exprimés, à l’unisson avec la

communauté internationale ; mais il faut aller plus loin et travailler au plus près

du terrain là où s’exprime des violences à la mosquée, à l’école, dans les

quartiers. C’est toute une culture qui doit changer quand on présente dans les

livres scolaires les chrétiens comme des mécréants. Nous savons tous les

idéologies que peuvent véhiculer les livres scolaires ! Il y a donc à la base la

nécessité d’une éducation à l’école, dans les familles surtout, mais également

une formation intellectuelle et religieuse de certains fidèles. C’est à ce prix que,

si Dieu le veut, la cohabitation entre chrétiens, musulmans, yazidis et d’autres

minorités pourra être à nouveaux possible ou alors c’est la mort des chrétiens

d’Orient.

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Le pape François appelle souvent à une « culture de la rencontre » quand

prédomine une « culture de l’exclusion ». Sans le respect de l’autre, différent,

rien n’est possible ! Comment ne pas se rappeler, une nouvelle fois, que

confesser le Dieu créateur nous rassemble et fait de nous des frères et des

sœurs en humanité.

En mettant en commun leurs valeurs respectives, chrétiens et musulmans

peuvent bâtir ensemble une société fondée sur la justice et la paix. Seuls les

projets réalisés ensemble, chrétiens et musulmans, pourront donner un signe

fort d’espérance.

Pour avancer dans un tel dialogue il faut donc poursuivre la lutte contre

« l’ignorance réciproque » et il y a tout un travail de formation et d’éducation à

l’altérité qui est absolument nécessaire.

En 2014 la France a accueilli plus de 1.200 irakiens et 500 syriens. Et le

gouvernement français a annoncé qu’il poursuivrait en 2015 l’accueil de

minorités persécutées d’Orient et des réfugiés irakiens et syriens. De fait,

depuis 2011 ce sont 4.500 syriens qui ont trouvé refuge en France, mais il

faudrait réinstaller en Europe quelques 30.000 syriens parmi les plus fragilisés

qui se trouvent en situation d’extrême vulnérabilité dans les pays voisins de la

Syrie, la Turquie, le Liban et la Jordanie : au total, plus de 3 millions ! Le

gouvernement français a précisé ses critères d’accueil : « les personnes

individuellement persécutés ou menacées du fait de leurs convictions

religieuses ; celles qui ont des liens forts avec la France ; celles qui se trouvent

en situation de grande vulnérabilité ».

Au terme de ce parcours, il faudrait faire sans doute l’éloge de la différence. En

effet, la différence est ressentie comme une menace et ceux qui n’ont pas la

même religion doivent disparaître. Le rejet de la différence a atteint en Orient

son paroxysme. Mais chez nous aussi se met en marche un monde uniformisé

qui doit nous alerter, avec théorie du genre, certains aspects de la

mondialisation, en particulier économiques.

Quand on apprend qu’il y a entre 100 et 150 millions de chrétiens persécutés

dans 140 pays à travers le monde, il y a de quoi s’interroger : « N’est-ce pas une

guerre mondiale faite aux chrétiens ? »(John Allen) ? Quelle liberté de

conscience, de culte, d’expression demeure-t-il encore ?

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Et parce que cette conférence est proposée par l’Amitié Judéo-chrétienne je

vais terminer avec une citation du Talmud :

« Le monde repose sur trois piliers : la justice, la vérité et la paix. » (TJ Taanit

68a).

Le Talmud appuie son enseignement sur un verset du prophète Zacharie (8,17)

: « Vérité, jugement et paix à appliquer dans vos portes (des villes). » Les trois

vertus mentionnées constituent non seulement les piliers de toute société,

mais les piliers du monde.

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Conférence sur les Chrétiens d’Orient Salle Pétrarque - 13 janvier 2015

Introduction

Présentation

La violence fondamentaliste a-t-elle encore un lien avec la religion ?

Position de Paul Bhatti, président de l’Alliance pour les minorités au Pakistan (APMA)

L’Etat islamiste est-il islamique ?

Position de Marc Fromager (Bulletin AED France n°8 de décembre 2014)

La disparition des chrétiens d’Orient serait une catastrophe pour

l’ensemble des chrétiens.

Position de J-François COLOSIMO (La Croix - Midi-Libre)

L’œcuménisme de la souffrance

Position de Frans Bouwen, collaborateur de la revue « Terre Sainte

Magazine »

Déclaration commune du Pape François et du Patriarche

œcuménique Bartholomée Ier

Où en est-on en fin d’année 2014 ?

Et maintenant, quel avenir pour les chrétiens d’Orient ?

Position du P. David Neuhaux (revue « Etudes » décembre 2014)

• Comment surmonter la peur ?

• Persévérer dans le dialogue avec l’Islam

Brève Bibliographie :

Revues « Etudes »: L’avenir des chrétiens au Moyen-Orient (décembre 2014)

Rapport 2014 d’AED (Aide à l’Eglise en Détresse) : La liberté religieuse dans le monde

Le livre noir de la condition des chrétiens dans le monde aux Editions XO

Le journal de la Paix en marche (Pax Christi) oct 2014 : Irak-Syrie : L’urgence de la paix pour tous