Concerto pour un Corot - Decitre.fr · ... au bord du lac Léman. Je suis toujours curieux de...

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Concerto pour un Corot Christophe Terribilini

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Concerto pour un Corot

Christophe Terribilini

11.94

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (130x204)] NB Pages : 142 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 11.94 ----------------------------------------------------------------------------

Concerto pour un Corot

Christophe Terribilini

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Roman policier / suspense

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Du même auteur :

LE VISAGE RETROUVÉ ou LA CÈNE ORIGINELLE DE LÉONARD DE VINCI, Editions Edilivre, 2014

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Avertissement

Le tableau1 mentionné dans ce roman existe bel et bien. Il s’agit d’une huile sur toile datant du dix-neuvième siècle, non signée, d’une dimension de vingt-sept par quarante-six centimètres. Il représente le phare de Honfleur, quelques barques sur une mer calme ainsi qu’accostées sur la plage, d’un pêcheur canne sur l’épaule et d’un ciel nuageux. La qualité si remarquable de cette œuvre et ma curiosité d’amateur d’art m’ont poussé à m’y intéresser de plus près. Voici, sous forme de roman, comment je vous présente mes propres conclusions.

1 Voir photographie de couverture. Collection particulière, Suisse.

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A Anna, Dimitri, Inès

Parce que vous êtes tout

En souvenir de Sarah Pour toujours

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Quatre cents francs. Le prix de mon achat. Un coup de cœur. Comme il m’en arrive quelquefois, trop souvent me reproche gentiment Serena, lorsque je visite brocantes ou galeries d’art. Un prix dérisoire, c’est ce que je lui ai expliqué, pour une huile du dix-neuvième siècle. D’autant plus qu’elle est très belle et de bonne facture.

Loin d’être un expert, malgré des études dans la restauration d’œuvres d’art, je me qualifierais d’amateur qui s’éclaire. Esthète dans l’âme, je tente de déceler partout où elles peuvent être et surgir, les émotions que me procurent la beauté en général et l’art en particulier.

Avec mon épouse Serena, nous tenons une maison d’éditions de cartes postales. Je vous précise ce détail de ma vie, qui vous chaut certainement peu, parce que cela aura son importance dans l’aventure que je vais vous narrer.

Tout a débuté un dimanche d’avril à la brocante qui se tient annuellement à Ouchy, au bord du lac Léman. Je suis toujours curieux de dénicher une petite merveille, qui aura pour conséquence de faire ressembler notre appartement à un musée de l’époque où le métier de muséologue n’était pas

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encore véritablement inventé, résultat bien reproduit dans certaines toiles d’Hubert Robert. Nous ne verrons bientôt plus la couleur de notre tapisserie tant les murs sont encombrés de tableaux, aquarelles et dessins, y compris les gribouillages de nos enfants qui ont grandis mais que Serena peine à enlever. Les gribouillages, pas les enfants. Partis chacun de son côté faire les allées de la brocante, Serena laisse son instinct la guider d’une façon aléatoire tandis que moi, plus méthodique, je débute par le côté droit, en remontant la première rangée, scrutant les brocanteurs, puis, arrivé au bout de celle-ci, en la redescendant, et en regardant toujours à tribord les exposants d’en face, avant d’attaquer le seconde allée et ainsi de suite. Une fois le parcours terminé, je me réserve un moment d’errance, pour jeter un dernier coup d’œil, souvent le plus chanceux.

N’ayant toujours que peu d’argent sur moi – attitude naïve me faisant croire que cela pourrait freiner mes ardeurs d’achats – je dus ressortir du lieu et me rendre jusqu’à l’avenue d’Ouchy demander au généreux distributeur de billets de la banque cantonale par pianotage de son clavier de me prêter quelques coupures, que je lui promis poliment de lui rendre sous peu. En toutes circonstances, je reste poli et courtois même avec les machines. C’est ma nature.

De retour sur mes pas, la transaction avec le brocanteur faite, et sans discussion du prix – il m’est toujours difficile de marchander, même si cela fait partie du jeu, d’autant plus si je trouve le prix annoncé en deçà de l’idée que je m’en faisais –, il m’emballa adroitement la peinture, malgré ses doigts potelés, dans un papier journal, la glissa dans un sac Manor en y adjoignant une de ses cartes de visite et me tendit mon achat tout en me serrant amicalement la main. Me dirigeant vers le bar, je croisai ma mie, si belle avec son

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chemisier bleu marine qui met en valeur sa chevelure d’un blond cendré, la mine réjouie et les bras chargés d’un miroir rond au cadre trop large, sans style et la dorure écaillée. Je feignis par un petit « oh ! » de circonstance de le trouver à mon goût.

– Au premier regard, Il m’a plu, dit-elle en m’accostant tout sourire.

– C’est assurément ton reflet dans le tain que tu as aimé, ma chère Narcisse.

– Tu es méchant ! me répondit-elle simulant la moue. – J’ai la chance contrairement à toi de ne pas avoir

besoin d’un miroir pour voir ton beau visage. – Tu es gentil et je t’aime. Mais je vois que tu n’es pas

en reste. Que transportes-tu dans ton sac plastique ? – J’ai craqué pour un tableau. Une marine. Tu verras,

une fois qu’il sera accroché dans le salon, on sentira la brise salée, on entendra les vagues s’étaler sur le sable normand, les cris des mouettes…

– Encore faudra-t-il trouver où le suspendre. – Je le verrai bien au-dessus du piano, à la place du

dessin fait de pâtes peintes collées en forme de cœur. – Il faudra vraiment qu’il me plaise aussi beaucoup

pour remplacer un cadeau de fête des mères. – Je n’en doute pas une seconde. Et pour célébrer cette

journée qui commence si bien, allons déguster une glace au cabanon Veneta sur les quais.

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– Ne vous aurai-je pas déjà rencontrée quelque part, madame ?

Je m’adressai ainsi à la jeune inspectrice de police du poste de Lausanne, non pas pour la draguer maladroitement, mais parce que son visage me disait réellement quelque chose. J’étais là pour poursuivre mon dépôt de plainte suite au vol de mon tableau.

– Tout à fait, monsieur Bertozzini. Nous étions, votre fille et moi-même, dans la même classe en première année de gymnase. Elle a poursuivi ses études en lettres et moi en criminologie. Sans se voir souvent, on a toujours gardé contact.

– Jasmine, c’est ça ? – Vous avez bonne mémoire, monsieur Bertozzini. – Vous ne croyez pas si bien dire. Je viens de le lire sur

la plaquette de votre bureau. Mais maintenant ça me revient, vous m’aviez souri pour me faire plaisir quand je vous avais demandé si vos parents étaient amateurs de jass.

– Béatrice m’avait avertie avant que nous n’entrions chez vous la première fois, que vous faisiez fréquemment de bons mots.

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– Vous me surprenez. Vous avait-elle réellement dit cela ?

– Presque. Sans vous vexer, elle m’avait plutôt dit que vous feriez votre intéressant en faisant des gags plats.

– Là, je la reconnais mieux. L’inspectrice Jasmine Biolay s’assit derrière son bureau

et m’invita à en faire de même sur l’une des deux chaises en face d’elle. Elle avait les cheveux longs attachés en arrière pour la rendre plus sérieuse mais laissant visible un petit tatouage à la japonaise en couleur sous l’oreille droite qui semblait se prolonger dans le dos. Les mœurs évoluent, pensai-je, dans l’exhibition et l’acceptation.

– Revenons, si vous le voulez bien, à ce qui vous amène aujourd’hui. Pour résumer votre déclaration faite au préposé de faction tout à l’heure, quelqu’un s’est introduit dans votre appartement en brisant la fenêtre du balcon et a dérobé un tableau et rien d’autre, selon vos dires.

– Exactement. – Quelle est la valeur de ce tableau ? Est-il assuré ? – Rien de tout cela. C’est ce qui me surprend le plus. – Avez-vous bien regardé partout s’il ne vous manquait

pas quelque chose d’autre ? – Absolument. – Qui connaissait l’existence de cette toile ? – Uniquement mon entourage. Je l’ai achetée à une

brocante il y a quelques mois. Elle m’avait plu tout de suite. Peut-être a-t-elle fait le même effet sur mon voleur qui est entré chez moi sans a priori.

– Généralement, dans ce genre de vol, le ou les voleurs savent exactement ce qu’ils recherchent ou ne prennent que les objets de valeur tels montres, bijoux, argent liquide. Ce tableau aurait-il une valeur sans que vous le sachiez ?

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– Il n’est même pas signé. C’est une huile sur toile, du dix-neuvième siècle soit, qui représente un paysage normand – sûrement le phare de Honfleur – un pêcheur, quelques barques, et un beau ciel nuageux. L’encadrement que j’ai fait faire chez Fonjallaz m’a coûté aussi cher que le tableau. J’en ai d’autres, tout autour dans la même pièce, qui ont un peu plus de valeur marchande, allant jusqu’à quelques milliers de francs mais guère plus.

Laissant Jasmine terminer d’écrire, je repris : – Vous savez, je suis venu ici pour l’assurance. Qu’elle

rembourse les frais de la fenêtre. Nous sommes déjà contents de n’avoir pas été présents lors du forfait. On ne sait jamais la réaction des gens dans ces moments. Sans vouloir minimiser l’affaire, vous avez certainement d’autres chats à fouetter que la traque d’un voleur de tableau sans valeur.

– Chaque affaire peut être liée à une autre et nous amener à un réseau. C’est pourquoi nous devons faire notre travail correctement, sans faire nécessairement le tri dans l’importance des cas. Et, pour tout vous dire, ce n’est pas parce que je vous connais, mais celle-ci est la première que je traite seule. Alors comptez sur moi pour la mener avec professionnalisme.

Une heure plus tard, de retour dans mon chez-moi violé il y a peu, Serena avait déjà fait le nécessaire pour faire remplacer la vitre et l’ouvrier était en train de partir. Je racontai ma rencontre au poste de police et m’installai sur le balcon réfléchir au calme, un verre de Porto rouge à la main.

Nous étions rentrés tard la veille ou tôt ce matin, c’est selon le point de vue, un peu guillerets d’une soirée bien arrosée, les enfants, pardon, nos jeunes adultes dormant

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tous deux chez leurs amoureux respectifs pour cette nuit. La vue de la fenêtre brisée et les morceaux de verre répartis partout dans le salon nous a subitement dégrisés. Après avoir fait le tour de l’appartement, s’assurer que personne ne s’y trouvait encore, nous avons téléphoné à notre progéniture pour leur demander s’ils n’étaient pas responsables de ce désastre. Réveillés en sursaut par nos appels, ils nous ont accueilli par des mots peu recommandables – ils n’aiment pas qu’on les réveille au milieu de leur sommeil – mais se sont ressaisis dès que nous leur avons présenté les faits puis ont accouru à la maison. Nous avons fait un tour complet de toutes nos affaires et avons finalement constaté l’unique manque : mon tableau.

Etait-ce prémédité ? Pourquoi ce tableau ? Aurait-il une valeur que je n’aurais pas décelée et le brocanteur non plus ? Qui serait au courant que nous possédions cette toile ? A part la famille et quelques connaissances qui sont venues chez nous, nous n’avons jamais fait étalage de nos biens, si modestes soient-ils. Continuant ma réflexion, quelque chose me revint soudainement. J’avais omis de dire à Jasmine que j’avais belle et bien exposé ce tableau à la vue de tous.

Quand nous avons créé notre maison d’éditions de cartes postales, je me suis fait fort de ne proposer que des photographies de mon cru. Paysages, monuments, églises, photos d’ambiance, portraits, etc. Petit à petit, notre stock d’images s’amplifiait, mais nous nous étions limité à ne reproduire que ce qui se vend le mieux, les frais d’impressions étant très importants. Nous proposions nos cartes à bon nombre de magasins touristiques, kiosques et tous ceux qui acceptaient notre petit présentoir. Serena se débrouille fort bien pour le démarchage et l’administration, alors que je me