Compterendu conference travailmobile

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Chronos 4, rue du Caire 75002 Paris Email : [email protected] Tél : 01 42 56 02 45 Compte rendu de la conférence Demain le travail mobile qui a eu lieu le mardi 7 février 2012 de 9h à 16h à lauditorium du journal Le Monde. Ouverture "D’après l’Insee, un salarié sur quatre travaille déjà sur un autre site que celui de son entreprise, phénomène lié à la généralisation des smartphones… Le travail mobile est déjà une réalité". D’entrée de jeu, Catherine Larrieu, déléguée du Commissariat général au développement durable, souligne que d’autres rapports au temps (instantanéité) et à l’espace (émergence de "tiers-lieux", espaces intermédiaires entre le lieu de travail et lieu de vie) changent les pratiques de travail. Deux axes de réflexion se dessinent dans son propos, Ces tiers-lieux peuvent-ils réduire les pics de congestion et d’émissions liées aux transports tout en répondant au désir de sociabilité lié au travail ? L’Etat peut-il structurer et accompagner ces mutations sur l’avenir souhaitable du travail ? On est moins dans l’ordre du souhaitable que dans une dynamique déjà enclenchée, rebondit Bruno Marzloff, sociologue et directeur de Chronos, qui observe des tensions sur le travail, plus forte en France que partout ailleurs : 70% des Français le considèrent comme la valeur la plus importante, mais 46% le caractérisent comme stressant[1]. La question qui se pose est simple : comment partager les bénéfices d’un travail mobile ? Par ailleurs, l’érosion des frontières spatiales induit "une porosité entre la vie personnelle et la vie professionnelle, exacerbée par le travail mobile". Les entreprises sont au défi de choisir "entre un modèle de contrôle fordien du travail et les injonctions de flexibilité, nouveau support de la productivité" Les salariés sont interpellées pour faire du travail mobile une forme "d’empowerment" et de maîtrise des déplacements subis. Les collectivités ne peuvent faire l’économie d’une réflexion sur les incidences de l’organisation spatiale du travail (thromboses de trafic et déséquilibres territoriaux). L’émergence de tiers-lieux ou "stations de mobilités" dont la représentation la plus évidente aujourd’hui est la gare –, amènent opérateurs publics et privés à réfléchir à des services appropriés, incluant le numérique urbain. 1

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Compte rendu de la conférence Demain le travail mobile qui a eu lieu le mardi 7 février 2012 de 9h à 16h à l’auditorium du journal Le Monde. Ouverture "D’après   l’Insee,   un   salarié   sur   quatre   travaille   déjà   sur   un   autre   site   que   celui   de   son   entreprise,  phénomène lié à la généralisation des smartphones…  Le  travail  mobile  est  déjà  une  réalité".  D’entrée  de  jeu, Catherine Larrieu, déléguée du Commissariat général au développement durable, souligne que d’autres  rapports  au  temps  (instantanéité)  et  à  l’espace  (émergence  de  "tiers-lieux", espaces intermédiaires entre le lieu de travail et lieu de vie) changent les pratiques de travail. Deux axes de réflexion se dessinent dans son propos,

● Ces tiers-lieux peuvent-ils  réduire  les  pics  de  congestion  et  d’émissions  liées  aux  transports  tout  en  répondant au désir de sociabilité lié au travail ?

● L’Etat  peut-il  structurer  et  accompagner  ces  mutations  sur  l’avenir  souhaitable  du  travail  ? On   est   moins   dans   l’ordre   du   souhaitable   que   dans   une   dynamique   déjà   enclenchée,   rebondit   Bruno  Marzloff, sociologue et directeur de Chronos, qui observe des tensions sur le travail, plus forte en France que partout ailleurs : 70% des Français le considèrent comme la valeur la plus importante, mais 46% le caractérisent comme stressant[1]. La question qui se pose est simple : comment partager les bénéfices d’un   travail   mobile   ?     Par   ailleurs,   l’érosion   des   frontières   spatiales   induit   "une porosité entre la vie personnelle et la vie professionnelle, exacerbée par le travail mobile".

● Les entreprises sont au défi de choisir "entre un modèle de contrôle fordien du travail et les injonctions de flexibilité, nouveau support de la productivité"

● Les salariés sont interpellées pour faire du travail mobile une forme "d’empowerment" et de maîtrise des déplacements subis.

● Les collectivités ne   peuvent   faire   l’économie   d’une   réflexion   sur   les   incidences   de   l’organisation  spatiale du travail (thromboses de trafic et déséquilibres territoriaux).

● L’émergence   de   tiers-lieux ou "stations de mobilités" – dont la représentation la plus évidente aujourd’hui  est  la  gare  –, amènent opérateurs publics et privés à réfléchir à des services appropriés, incluant le numérique urbain.

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Table ronde 1 – Entreprises et salariés – Délocalisation et désynchronisation du travail Entre le démembrement du temps de travail et la délocalisation de facto d'activités liées au travail, quelles  transformations  déjà  à  l'œuvre  retentissent  sur  l'écosystème  de  l'entreprise  ? Le   travail   mobile   impacte   les   processus   de   communication   et   l’organisation   des   entreprises. Source de flexibilité,   de   réactivité,   d’opportunités,   cette   mutation   entraîne   aussi   des   risques   d’éclatement   et   de  déstructuration. Les entreprises intègrent ces mutations de façon plus ou moins consciente et voient leur morphologie changer. "Afin  de  mieux  évaluer  l’impact  du  travail  nomade,  des  enquêtes  de  satisfaction  ont  été  menées.  88%  des  employés déclarent le télétravail comme un élément positif qui a accru leur productivité", souligne Marc Thiollier,   directeur   général   d’Accenture.  Une   satisfaction peut-être liée au fait que 60% des salariés de l’entreprise  appartiennent  à  la  "génération  Y",  mobile  et  connectée  et  donc  prédisposée  à  ces  mutations.

Le travail mobile semble être un rejeton du numérique. Mais, analyse Jacques-François Marchandise, directeur de la prospective de la Fing (Fondation pour un Internet nouvelle génération), "Le  numérique  n’est  pas la cause mais seulement un levier. Les transformations profondes sont le lieu de travail ou la relation au  collectif.  Je  ne  crois  pas  à  l’harmonisation  spontanée  par  le  numérique.  Des  micro  scénarios  de  ruptures  soulignent que la normalisation du nomadisme pourrait tendre vers la précarité." Le travail mobile impose donc de repenser la nature du travail. Le cadre classique devient inapproprié dès lors  que   l’information  ne  s’attache  plus  au   lieu,  constate  Laurent Gasser, CEO de Revevol Group. Chez Revevol, "un système de management par objectif, et non pas fixé par des horaires ou des organisations, tend   à   supprimer   le   “stress”   de   la   forme   classique   du   travail.   Nous   voulons   donner   la   possibilité   aux  collaborateurs  d’être  libres  dans  la  mesure  où  le  travail  est  effectué".

Opportunités, nouvelles précarités, le travail mobile n’est   pas   qu’une   affaire   privée   selon  Gérard Eude, président  de  Seine  et  Marne  Développement.  Si  l’Etat  n’a  pas  à  s’impliquer  directement  dans  ce  qui  relève  d’une   logique   d’entreprise,   la   gestion   des   infrastructures   de   mobilité   incombe   aux   collectivités,   avec, comme enjeu central, la répartition territoriale travail/habitat.

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Gérard Eude évoque la création "d’un  réseau  de  télécentres  autour  des  lieux  de  vie  de  manière  à  ce  que  les  gens  n’aient  pas  à  se  déplacer".  Parmi   les   leviers  que  pourrait  développer   l’Etat : la taxe transport et une relocalisation des impôts payés par les entreprises sur les véritables lieux de production de valeur ajoutée de ces futurs télécentres. Regus  propose  une  illustration  concrète  de  l’émergence  des  "tiers-lieux" en détaillant le  projet  d’espaces  de  travail flexibles avec la SNCF dans six villes : Le Mans, Amiens, Nancy, Lille, Bordeaux, Paris. "L’idée  est  de  capter  des  flux,  notamment  ceux  des  “navetteurs”  en  leur  proposant  des  espaces  de  bureau  de  courte  durée.   In   fine,   l’idée serait de créer un réseau européen destiné aux commerciaux et aux travailleurs", explique Frédéric Bleuse, directeur général de Regus. Table ronde 2 - Territoires - Quand le territoire se repense face au travail Le modèle "bureau-lieu de travail" perd chaque jour un peu plus de sa pertinence, de son efficience et de sa productivité au profit d'un travail "en archipel". Quelles logiques territoriales s'activent ? L’irruption  du  numérique  nous  fait  entrer  dans  la  quatrième révolution industrielle. Mais dans le domaine de la mobilité, les réseaux ont eu un impact nettement moins important sur la forme du territoire que la voiture à son époque. Le travail mobile est confronté à des enjeux classiques de création de nouvelles infrastructures de transport. La mobilité liée au travail reste, pour une grande part, une mobilité contrainte, souligne ainsi Vincent Feltesse, président de la communauté urbaine de Bordeaux et président de la Fédération nationale des agences   d’urbanisme (FNAU).   Il   cite   l’exemple   de   la   Communauté   urbaine   de   Bordeaux   (750.000  habitants, 60% des employés de la Gironde), où, malgré les investissements dans les transports publics, la moyenne   quotidienne   des   déplacements   reste   d’une   heure   par   jour. “Il   faut   d’avantage articuler l’organisation  de  la  ville  au  mode  de  vie  des  gens  et  revoir  les  schémas  de  pensées  qui  datent”, souligne-t-il,  exemple  à  l’appui.  Le  projet  de  contournement  de  Bordeaux,  en  discussion  depuis  30  ans,  est  supposé  créer un allégement de 16% du trafic sur la rocade. Mais le même objectif peut être atteint en développant le  covoiturage,  ce  que  permet  l’outil  numérique. Travail   mobile,   travail   nomade,   télétravail,   la   distinction   n’est   pas   toujours   claire   entre   ces   différentes  mutations. “Nous  avons  un  retard  dans  notre  organisation  du  travail  en  France  :  sur  l’aspect  du  travail,  pas  encore  fait  la  distinction  entre  nomadisme  et  télétravail”, note Dominique DENIS, élu à la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris. “Le   télétravail   désigne   des tâches   répétitives  qui  peuvent  être  effectuée  à  distance.  Notre  position,  c’est  que   tout  existe  pour  que   le  télétravail puisse prendre une part plus importante en France, en amenant un nouveau moyen aux entreprises pour avoir une compétitivité accrue, en  terme  de  flexibilité  du  travail.”

Une   dématérialisation   totale   du   travail   n’est   cependant   pas   envisageable   et   il   faut   penser   de   nouveaux  ancrages. “Le  bureau  reste  un  lieu  de  socialisation”,  souligne  Cédric Verpeaux, responsable du pôle Ville numérique et durable à la Caisse des Dépôts, qui co-investit avec des partenaires industriels pour rendre opérationnel un premier réseau de télécentres en investissant “de  nouveaux  lieux,  à  proximité  des  zones  d’habitation,  qui  peuvent  accueillir  tout  types  de  travailleurs“.

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Quel  modèle  économique  pour  donner  l’impulsion  et  essaimer  sur  le  territoire  ?  Le  défi  est  de  trouver  des  lieux disponibles, une question dont les collectivités peuvent se saisir et parvenir à créer des habitudes d’usage, y compris pour faire travailler à distance ceux qui ne font pas partie des travailleurs nomades, souligne Denis Guibard, directeur du Développement Durable Produits & Services chez Orange. À ces incertitudes sur le modèle économique, Jean-Baptiste Roger, directeur de l'Agence numérique d'Ile-de-France,  oppose  des  mutations  culturelles  déjà  à  l’œuvre  dans  le  monde  du  travail.   “Le  travail  fluide,  le  chaos   créatif,   le   réseautage,   est   consubstantiel   de   la   génération  Y,   que   je   rencontre   déjà”,   souligne-t-il. Pour  s’adapter  à  ce  nouveau  rapport  au   travail,   “il   faut  créer  des   lieux  qui  soient  véritablement  des   lieux  d’épanouissement,  des  lieux  de  réécriture  du  territoire,  dans  une  perspective  post-pétrole : pas plus de 5 km pour avoir un lieu de télécentre “. La question de la forme - mobilité, instantanéité, réorganisation des flux - ne  doit  faire  oublier  le  fond,  c’est-à-dire   l’avenir   du   travail,   dans   un   contexte   de   précarisation   et   d’émergence   de   nouveaux   modèles  d’entreprenariat.   Plutôt   que   de   conclure, Vincent Feltesse ouvre le débat : “Tout   ça   n’est   pas   neutre.  Quelle société du travail est-on en train de mettre en place ?  Au  delà  d’une  forme  de  fascination  pour  les  potentialités  du  numérique,  l’enjeu,  alors  que  la  précarisation  progresse,  est  de  ne  pas parcelliser le travail, mais de ré-agréger  le  travail  et  la  société.” Rapport  d’étonnement  de  Bruno  Marzloff  et  projet  d’étude “Le  numérique  n’est  pas  la  cause  de  cette  transformation,  mais  seulement  un  levier.”  Le  numérique  n’agit  que comme un révélateur  d’une  vague  sans  doute  irrépressible.  Certes,  le  décloisonnement  entre  la  sphère  du  travail  et  toutes  les  autres  sphères  révèle  un  éparpillement,  source  de  tensions…  et  de  solutions.   Le  basculement  est  sociétal.  L’intégration  du  travail  dans  les  mobilités  est  clairement  l’enjeu.  La  dispersion  du quotidien est déjà une réalité. Encore faut-il  acter  l’une  et  l’autre.  C’est  ce  que  fait  le  philosophe  Michel  Serres dans le dernier numéro de SNCF Connections :

J'habite PaLyLoBru (Paris, Lyon, Londres, Bruxelles)…  L'espace-temps  a  rétréci  […]  La  France  est  devenue une ville dont le TGV est le métro. […]  Quand  on  me  demande  mon  adresse,  je  dis  parfois  voiture  11,  place  64…  ou  14G,  c'est  mon  fauteuil d'avion. C'est peut-être là où je passe le plus de temps dans ma vie. […]  Rue  de  Montreuil  à  Vincennes,  tous  mes  messages,  je  les  reçois  sur  mon  téléphone  mobile  ou  sur mon adresse internet, ce sont désormais les deux matériels qui forment mon adresse. […]   l'homme  mobile  qui   habite  un  autre  espace,   cet  homme   là est un homme parfaitement neuf. Cette révolution anthropologique touche l'essence même de l'homme. L'homo sapiens est devenu l'homo mobilis."

Cela soulève certes des questions multiples. Mais pourquoi, par exemple, le pair à pair des dialogues au sein  de  l’entreprise  ne  laisserait  pas  une  petite  place  au  pair  à  pair  avec  d’autres  travailleurs  dans  d’autres  lieux. Un enrichissement, non ? S’il  est   certain  que   le   télétravail  est  un  élément  de   réponse  au   travail  mobile,  d’autres   réponses  existent qu’il  faut  explorer.  On  bégaie  entre  le  travail  mobile,  le  travail  nomade,  le  travail  à  distance  et  le  télétravail,  derrière les hésitations sémantiques, se loge un double enjeu de société : quel travail voulons-nous ? Quelle ville voulons-nous ? Il faut  s’en  convaincre  et  en  convaincre  la  société.  Il  faut  des  preuves.   C’est  ce  qu’a  entrepris  l’étude  Workshift in UK, publiée le mois dernier en Grande-Bretagne. Cette enquête mesure que deux jours de travail hors du siège pour 50% des travailleurs permettraient de réaliser 40 milliards  d’euros  d’économies,  réparties  entre  le  travailleur,  l’entreprise  et  la  collectivité.  

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Chronos   prend   l’initiative   d’une   étude   du   même   ordre   en   France.   Cette   enquête   qualitative   et  quantitative se penchera sur la perception par les entreprises et les territoires du travail mobile, l’identification   des   freins,   des   leviers   et   des   perspectives   et   sur   l’évaluation   des   externalités  positives  d’une  démarche  de  travail  mobile  pour  accélérer  la  généralisation  de  ce  mode  de  travail. Plus  d’information  :  [email protected] Table ronde 3 - Mobilités - Les mobilités au service du travail Si le travail façonne en grande partie l'architecture des transports, cette dernière lui doit de multiples services en retour. Une mobilité servicielle et numérique et des tiers-lieux égrène déjà la ville et émerge comme solutions. Sophie Boissard, directrice générale de Gares & Connexions, commence par un rappel des chiffres : 41% des kilomètres parcourus sont liés au travail. Nous passons chaque jour 56 minutes en déplacement, tout motifs confondus. Par comparaison, le temps de trajet moyen du domicile au travail est de 34 minutes en Ile-de-France et 19 minutes en régions (enquête nationale transports et déplacements). Si le temps de trajet reste stable, le nombre de kilomètres parcourus augmente (+19% entre 1994 et 2008).

“La  voiture  reste,  de  loin,  le  premier  vecteur  de déplacement, utilisée par 4 actifs sur 5 en régions pour se rendre au travail”,  constate-t-elle. Le premier problème est celui de la capacité des systèmes à prendre en charge les flux.  “Dès  qu’il  y  a  plus  d’une  rupture  de  charge,  une  correspondance,  c’est la voiture qui prend le  relais.  Il  faut  repenser  la  chaîne  des  déplacements,  et  y  intégrer  la  stratégie  des  grands  employeurs”. Le temps de déplacement doit devenir un temps utile et les tiers-lieux peuvent répondre au désir de tous d’éviter  des  déplacements inutiles et générateurs de stress.

Pour   l’instant,  nous  sommes  encore  englués  dans  une  définition  de  la  mobilité  vue  comme  moyen  de  se  rendre  d’un   lieu  à  un  autre,  soit  du   temps  perdu,  alors  que   la  vraie   vie   se  situe  dans   les   lieux,  souligne  Georges Amar, expert et prospectiviste sur les mobilités. Or, il annonce un changement de paradigme vers une mobilité considérée comme un état permanent, source de richesse et de créativité (le mobile dans la poche, le travail dans les bistrots, etc). On passe alors  de  la  valeur  “transit”  à  la  valeur  “reliance”  qui  crée  des liens, des contacts. “La  mobilité  devient  un  facteur  commun  de  l’ensemble  des  activités  de  la  ville.  Le  rapport au temps change et il y a deux façons de gagner du temps qui coexistent : le raccourcir ou le remplir  par  de  la  vitesse  ou  du  service”.

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Opérer  un  changement  de  paradigme  implique  de  venir  à  bout  de  résistances  et  de  schémas  dépassés.  “La ville  n’arrête  pas  de  s’étendre  et   le  pourcentage  de  déplacements  de  20  à  40  kilomètres  à  doublé en 20 ans”, rappelle Bruno Gazeau, délégué général de l'Union des Transports Publics et ferroviaires (UTP). Un levier de changement des comportements serait de révéler les coûts cachés du transport : “Le  voyageur  ne  paie que 30% de la mobilité. Selon le  ministère  de  la  Santé,  la  pollution  de  l’air  en  France  coûte  entre  450  et  500  euros  par  personne.  Des  externalités  qui  ne  sont  payées  par  personne.”

Nathalie Leboucher, directrice du programme Orange Smart Cities, complète le constat sur les transports en soulignant que tous les réseaux sont saturés en Ile-de-France et que le RER A est la troisième ligne la plus  chargée  au  monde.  Dans  un  contexte  où   la  création  d’infrastructures  supplémentaires  est   longue  et  coûteuse, les solutions   doivent   venir   d’ailleurs.   Il   faut   fluidifier   les   déplacements,   grâce   à   l’information  multimodale  et  l’accès  facilité  aux  modes  de  paiements,  développer  le  covoiturage,  l’autopartage  et  faciliter  l’accès  aux  places  de  parking,  enfin  transférer  les  déplacements grâce aux télécentres périurbains. « Chez Orange,  la  technologie  est  prête.  La  téléprésence  permet  de  conserver  du  lien  humain  sans  s’y  substituer  et  le  Cloud  Computing  donne  accès  aux  richesses  de  l’entreprise  depuis  n’importe  quel  lieu. »

Quant au mode opératoire et au modèle économique, il viendra, selon elle, de partenariats public-privé. “C’est   le   rôle  des  collectivités  de  concevoir,  celui  des  opérateurs  de  proposer”,   renchérit Bruno Gazeau. L’époque  est  au  maillage  des  activités  et  des acteurs. “C’est  le  bistrot  WiFi  du  coin,  mais  avec  la  station  de  bus  à  côté”, illustre Georges Amar. “Il  faut  des  réflexions  économiques  qui  intègrent  le  fait  que  le  transport  génèrent   de   la   richesse.   Une   foule   avec   un   iPhone   n’est   pas   une   foule   aveugle, sourde et muette. Le maillage  des  fonctions  urbaines  créera  de  la  richesse.” Conclusion La  question  du   travail  mobile  pose,  en   filigrane,  celle  des  nouveaux  modes  d’organisation  du   travail.  On  observe  des  phénomènes  contradictoires  à   l’œuvre,  évoqués  au fil de la conférence : précarisation, plus grande autonomie des salariés de la génération Y, émergence de micro-structures et de modèles d’entreprenariat   individuels.  La  mobilité  et  l’émergence  des  NTIC  participent  à  la  redéfinition  des  contours  du travail. Vincent Chriqui, directeur général du Centre d'Analyse Stratégique, concentre sa conclusion sur ce changement de paradigme : “Nous   passons   d’un   modèle   fordiste   à   un   modèle   plus   flexible,   plus  autonome,  soutenu  par  les  NTIC.  L’enjeu  réside  dans  l’usage que  nous  ferons  de  ces  technologies.” [1] "Enquête quel travail voulons nous ?" Radio France - Paru dans Le Monde, 28 janvier 2012.