Compte rendu Petit déjeuner juridique

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1 Petit déjeuner juridique du 27 mars 2013 Compte-rendu

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Voici le compte rendu du petit déjeuner juridique qui a eu lieu le 27 mars 2013

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Petit déjeuner juridique du

27 mars 2013

Compte-rendu

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Les intervenants

De la gauche vers la droite : Me. Pascal Créhange Avocat au barreau de Strasbourg

Mme Christine Charras Vice-procureur au Tribunal de Grande Instance de Strasbourg

M. Nicolas Ernst Juge d’application des peines au Tribunal de Grande Instance de Strasbourg

Mme Leblois-Happe Professeur de Droit privé et Sciences criminelles à la Faculté de Droit, Sciences politiques et de Gestion de Strasbourg

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Leur parcours

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Me. Pascal Créhange Avocat au barreau de Strasbourg

Il savoure chaque matin le bonheur et la chance de faire ce métier-là. Enfant, il voulait aider son prochain. C’est en s’intéressant à la terminologie latine du mot « avocat » (« venir en aide ») qu’il a trouvé son équilibre.

Après un passage éclair en Faculté de médecine, il a intégré la Faculté de Droit de Strasbourg où il a acquis une maîtrise en Droit privé. Il a très vite compris que le droit était un instrument pour trouver des solutions concrètes, c’est ainsi qu’il a intégré le CRFPA (ERAGE aujourd’hui) après son service militaire. A l’issue d’une année d’école, il intègre un cabinet d’avocat pour y faire un stage en tant que collaborateur. Il a ensuite été recruté par un cabinet strasbourgeois dirigé par un bâtonnier qui avait une clientèle spectaculaire par le biais duquel il a participé à de très bons dossiers à Paris et Toulouse. Au bout de deux ans, il a fait le choix de s’installer. C’est en rencontrant l’un de ses amis du service militaire que ce dernier lui a proposé de travailler pour lui sur des dépôts de marque, il s’est ainsi illustré dans le domaine de la propriété intellectuelle ce qui lui a permis, par la suite, d’avoir une sérénité dans le quotidien et de choisir, dans le pénal, les affaires qui lui plaisent.Il s’est également impliqué dans un syndicat professionnel et se bat pour les Droits de la défense et les Droits de l’Homme. Ses confrères l’ont ensuite élu au Conseil de l’ordre et c’est à ce moment là qu’il s’est rendu compte à quel point il était dur de juger. Membre d’Avocats sans frontières et de la voie de la justice, il regroupe les avocats qui plaident à l’international pour le pénal, en soutenant les thèses des Droits de l’Homme en face de la peine de mort et de la Charria. Il est régulièrement amené, en tant qu’expert européen, à aller à l’étranger pour défendre les Droits des personnes en Afrique.

Par rapport au métier d’avocat, ce qui est extraordinaire, c’est qu’on ne sait pas ce qu’il va se passer dans sa journée. On se remet en question chaque jour. C’est un savoir-faire plus que des connaissances qu’il faut acquérir. On a la sensation d’être utile, on n’est pas dans la théorie, il faut trouver des solutions. L’inconvénient est que c’est une profession libérale, elle met à l’abri du besoin et de la fortune. On peut s’en sortir financièrement si on travaille beaucoup, mais on n’est jamais très riche. Cette profession apporte énormément humainement parlant, mais il y a beaucoup de travail. Ce qui nous réunis tous autour du Droit pénal c’est le respect de l’être humain, faire que l’être humain soit jugé avec toutes ses qualités et tous ses défauts. L’avocat permet à l’affaire d’être jugée, d’avoir le meilleur résultat possible. L’idéal est la justice.

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Mme Christine Charras Vice procureur au Tribunal de Grande Instance de Strasbourg

Son parcours est plus long. Elle a commencé sa licence en Droit, qui, à l’époque, se déroulait encore en 4 ans, puis a passé quelques DESS à Science Po.

Arrivée en Alsace pour des raisons familiales, c’était le moment où se créaient les IUT et on l’a sollicitée pour être vacataire à l’université de Haute Alsace qui venait de se créer. Elle a ensuite participé à la création du département carrière juridique à Colmar. De ce fait, a dû abandonner ses recherches, mais elle a quand même continué à enseigner.Avec l’envie de progresser dans la pratique du Droit et après avoir hésité entre l’inspection du travail, elle s’est lancée dans l’aventure de la magistrature, celle ci s’est imposée par la liberté qu’elle semblait pouvoir apporter. Elle a passé un stage probatoire d’un an à Colmar sans passer par une école, cela a été sacrément dur car on croit qu’on a des connaissances mais on se rend compte qu’on ne s’ennuiera pas. Tout à la fin de la période probatoire, elle a été nommée au Parquet de Colmar et depuis lors elle a pratiqué à Mulhouse, Colmar et Strasbourg, mais n’a pas beaucoup changé de fonction à l’intérieur du Parquet.

Pour elle, on peut exercer des fonctions très différentes avec des appréhensions du Droit très différentes, cela a été essentiellement le cas au Parquer des mineurs qui n’est pas le plus prisé. Elle n’a jamais eu envie de changer de fonctions parce qu’au Parquet on traite aussi bien de matières économique et financières, que de l’exécution des peines, ce qui est plus technique. Les fonctions ne sont pas faciles mais passionnantes. Au parquet, elle a toujours apprécié d’être au cœur de la vie. On voit la vie dans tout son ensemble, on dirige l’action publique, on a un pouvoir sur la police et la gendarmerie, on peut imprimer une marque et faire faire ce qu’on souhaite de la manière que l’on souhaite. Le côté personnel, de mise en confiance de l’autre, compte beaucoup.Le magistrat est souvent isolé, il est à part, c’est souvent une profession qui effraie car elle a beaucoup de pouvoir mais cela reste toujours passionnant.

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M. Nicolas ErnstJuge d’application des peines auprès Tribunal de Grande Instance de Strasbourg

Son parcours est atypique. Il a commencé ses études en Droit à Strasbourg en acquérant une maîtrise en Droit public européen et en Sciences politiques puis il a passé un DESS à Science Po et un DEA de Sciences politiques.

Suite à cela, il a travaillé en tant que consultant en relations publiques à Paris durant 6 mois. Il revient ensuite en Alsace pour être directeur de cabinet d’un élu. A l’issue de cette première carrière, il intègre l’Ecole nationale de magistrature pour ensuite entrer dans la magistrature en tant que juge généraliste auprès du Tribunal de Grande Instance de Sarreguemines. Il devient, par après, juge d’application des peines à Strasbourg. Selon lui, la magistrature s’ouvre beaucoup aux autres professions.

Pourquoi la magistrature après une autre carrière professionnelle ?

Il voulait s’assurer de travailler chaque jour pour quelque chose qui soit éventuellement utile, ce qui n’est certain en politique. Pour lui la magistrature est une profession utile, qui amène quelque chose de concret au quotidien, une profession intellectuellement assez satisfaisante, le jugement est le déroulement d’un raisonnement. Il s’est orienté vers cette fonction à cause du statut, de la sécurité de l’emploi, la magistrature est la profession la plus protégée au monde, elle permet un certain confort et une certaine liberté.Quarante années de vie professionnelle s'annoncent devant nous et le fait d’être magistrat permet de faire tous les métiers que l’on veut. On ne fait pas toujours le même métier au même endroit. Le statut permet de changer de fonction, de matière, de lieu, il y a donc peu de contraintes.

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Mme Leblois-HappeProfesseur de Droit privé et Sciences criminelles à la Faculté de Droit, Sciences politiques et de Gestion de Strasbourg

Elle dirige le Master de Droit pénal et sciences criminelles de la Faculté de Droit de Strasbourg.

Elle a tout d’abord étudié le Droit à Paris II dans le but de devenir avocate, elle voulait une profession indépendante sans autorité supérieure et que chaque jour soit différent du lendemain dans sa profession. Elle a ensuite entrepris un DEA de Sciences criminelles à Strasbourg et a découvert la recherche puis s’est lancée dans une thèse de Droit pénal comparé franco-allemand. Après la thèse, elle passe le concours de maître de conférence qui consiste dans le fait de soumettre sa thèse au Conseil national des université qui décide ou non, en fonction de la valeur des travaux, de les inscrire sur une liste qui permet alors se présenter sur les postes de maître de conférence ouvert sur toute la France. L’ordre des choses veut que l’on devienne ensuite professeur. Pour y arriver, il existe différentes voies, la plus rapide et la plus prestigieuse est celle de l’agrégation externe en Droit. l’agrégation est un concours national, quand les lauréats sont connus, le choix des universités se fait en fonction des rangs de sortie. Elle a ensuite passé 3 ans à Metz, puis a réintégré l’Université de Strasbourg en 2008.

Le métier d’universitaire est accessible après un chemin long et incertain mais c’est une profession extrêmement agréable, car complètement indépendante de ce que l’on fait. Il y a un alliage entre enseignement et recherche qui est très important, si la pensée est claire, on peut la transmettre. En recherche, la clarté et la qualité des travaux sont interdépendants. Dans le cadre de son métier d’universitaire, elle entretient des rapports avec des praticiens, puisque c’est difficile d’enseigner une matière si on ne sait pas comment cela se déroule en pratique. Les relations avec la pratique sont complexes en France mais pourtant très précieuses. L’Université a tout à gagner dans les échanges entre universitaires et praticiens.

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Des échanges entre étudiants et professionnelsPourquoi pour vous le Droit pénal est plus humain qu’un autre ?

• Dans un procès pénal on juge l’homme. C’est la seule discipline où on ne peut pas faire que du Droit mais être ouvert à toutes les sciences.

• Quand on est embarqué dans un procès pénal, on est privé de sa liberté intellectuelle et c’est pourquoi les magistrats sont des garants de notre liberté, on applique strictement le Droit pour garder nos libertés.

• Le fait d’être jugé par un jury populaire qui n’y connait rien en Droit donne sa particularité au procès pénal, ils sont jugés par les tripes, les sentiments et pas par les règles de Droit.

• En matière pénale, il y a des aspects autres que juridiques. Dans aucune autre matière on ne s’intéresse à la personnalité des gens. L’entrée dans la vie privée du mis en cause se fait avec plus de brutalité et de violence et ceci a un impact énorme.

• Quand on fait du Droit pénal, il ne faut pas avoir peur des gens. Il ne faut pas avoir peur d’être bousculé soi-même, il faut tenir la route, être solide.

• Au parloir, des gens clament leur innocence alors qu’ils sont psychopathes. Il faut aimer l’humain. Il faut réussir à raisonner. Il y a toujours un goût amer mais il faut toujours garder le recul nécessaire, aimer l’être humain quoi qu’il ait fait.

• En matière pénale, rien n’existe. La notion d’intention n’a rien à voir en matière civile et en matière pénale. En pénal, il n’y a pas de poursuites s’il n’y a pas d’élément intentionnel. Le pénal permet de connaître ses propres limites, on peut tout dire quand on plaide, à condition de savoir le dire. C’est une matière franche, il y a peu d’hypocrisie en matière pénale, il n’y a pas de place aux états d’âme.

Vos métiers demandent-ils de la confiance en soi ?

• Non, cela se construit ! Il faut être sûr de ses connaissances et de ce qu’on veut faire. Il faut se donner les moyens d’y parvenir.

• C’est un rapport à soi-même. Cultivez-vous, lisez, investissez-vous pour pouvoir faire un choix d’orientation de carrière !

• On ne peut pas être un bon pénaliste si on n’a pas compris les fondamentaux des mécanismes institutionnels. Il ne faut pas utiliser des termes contraires à l’idéologie du législateur.

• Il faut avoir des fondamentaux solides pour pouvoir se spécialiser après.• En tant qu’avocat, il faut essayer de convaincre le magistrat, ne pas appliquer la jurisprudence de base,

sinon il n’y a jamais de revirement de jurisprudence.• Il faut se demander quelle position occuper, savoir qui décide, qui aide : la réflexion ou l’influence ?

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Concernant les concours (école de magistrature, Erage), est-ce plus stratégique de se spécialiser avant ou de rester dans le général ?

• Le choix des matières est une chose, mais il ne faut pas se dire que cela nous empêche d’être éveillés à d’autres champs juridiques. Choisissez quelque chose qui vous motive à travailler le raisonnement juridique.

Est-ce plus difficile de juger une affaire hyper-médiatisée ?Y-a-t-il une pression supplémentaire ?

• Juger quelqu’un alors qu’il y a des syndicats, associations, une pression malsaine car on instrumentalise la justice, c’est extrêmement détestable. Chaque magistrat réagit comme il le peut. Il faut trouver les mots, ne pas être agressif, bien connaître le Droit.

• La presse peut être une arme extrêmement dangereuse. Les avocats en sont friands par publicité.• En France, la presse n’est plus le quatrième pouvoir, elle est malheureusement plus tournée vers la

télé-réalité que vers des sujets ayant plus d’intérêt pour la société.• La presse n’a plus de liberté, elle est prise financièrement (boîtes de communication). Ayez toujours du

recul sur ce que vous lisez dans la presse, mais lisez !

Qu’est ce que l ‘« appréciation souveraine des juges » en pratique ?

• En pratique, c’est la loi qui nous dit ce qu’on doit faire.• Même si la personne a une bonne tête, s’il est coupable, vous ne pouvez pas le relaxer.• Il faut toujours expliquer «pourquoi» au détenu. Il faut que la peine soit comprise.