Compte rendu des journées sur la coopération

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Secrétariat national à la coopération, à la francophonie, à l’aide au développement et aux droits de l’Homme Enjeux du développement : pour un nouveau multilatéralisme Pour une nouvelle stratégie française de coopération Rencontres organisées les 15 janvier et 12 mars 2011 Ces journées s’inscrivent dans une vision internationaliste d’émancipation humaine, de solidarité entre les peuples et de reconnaissance du développement comme un objectif prioritaire et un droit essentiel. Si le monde s’est globalement développé ces 50 dernières années, le creusement des inégalités entre les pays et en leur sein est devenu intolérable et délétère. Parallèlement, malgré des avancées et des nouveaux outils, l’aide publique au développement se heurte à une limite majeure, en ce sens qu’elle n’a pas permis de modifier fondamentalement l’économie politique des pays les moins avancés. Notre idéal d’une fraternelle humanité est largement piétiné par la domination d’un système libéral par lequel les grands progrès techniques, scientifiques et médicaux ne profitent qu’à quelques-uns. La faim, la maladie, l’ignorance, le saccage écologique et le non-respect des droits de l’Homme menacent le devenir de tous. Il n’y a pas de fatalité. Si le développement repose sur la responsabilité des Etats concernés, il implique aussi la participation des sociétés civiles, des coopérations interétatiques, des intégrations régionales renforcées et des appuis extérieurs efficaces. Ces journées mobilisent militants, experts engagés, acteurs du développement, chercheurs, etc. Elles ont pour objectif de renouveler la doctrine de la gauche en matière de coopération au développement, en débattant notamment des enjeux suivants : Pour un multilatéralisme utile > Les agendas internationaux et les grands programmes mondiaux de lutte pour le développement ont permis d’accélérer les prises de consciences et d’amorcer des changements. Néanmoins trop d’annonces ne sont pas suivis d’effets et aggravent un peu plus la résignation de beaucoup. Il faudra donc plus de volontarisme et de contrôle pour qu’elles aient l’impact voulu. De plus, la subordination des organisations internationales (OMC, FMI, etc.) aux impératifs de développement humain est indispensable. Elle suppose d’engager et de gagner la bataille pour une nouvelle hiérarchie des normes sociales, environnementales, culturelles et économiques. De même, les règles de commerce international doivent s’inscrire dans la perspective d’un « Juste Echange ». Renforcer le rôle de la puissance publique et de la société civile > Le développement est d’abord l’affaire des peuples et des pays concernés. Concevoir une politique de développement suppose le renforcement ou la construction d’autorités publiques légitimes disposant des compétences régaliennes et de services essentiels à la population (justice, santé, éducation…). Le développement implique également la participation de la société civile, des ONG, des entreprises, qui doivent donc être reconnus, encouragés et soutenus. Une coopération extérieure transparente et soumise au contrôle parlementaire > Une des priorités de l’action publique en matière de coopération est de clarifier les engagements financiers, et de les tenir. Trop souvent, les chiffres de l’aide publique sont tronqués et les astuces comptables servent de cache-misère. Il ne saurait y avoir de politique publique assumée si elle n’est pas débattue et adoptée par la représentation nationale. De même, une politique efficace devra engager la réforme des outils (en particulier l’Agence Française de Développement), pour atteindre les objectifs. La crise fait courir le risque d’un repli sur soi qui devra être combattu en sensibilisant l’opinion publique aux enjeux du développement, pour les pays pauvres comme pour la paix dans nos propres sociétés. Enfin, il s’agira de participer à la redéfinition de la politique européenne de coopération internationale. L’Europe doit en effet être tout à la fois exemplaire et ambitieuse.

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Compte rendu des journées sur la coopération organisées par Pouria Amirshahi les 15 janvier et 12 mars derniers

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Secrétariat national à la coopération, à la francophonie, à l’aide au développement et aux droits de l’Homme

Enjeux du développement : pour un nouveau multilatéralisme

Pour une nouvelle stratégie française de coopération

Rencontres organisées les 15 janvier et 12 mars 2011 Ces journées s’inscrivent dans une vision internationaliste d’émancipation humaine, de solidarité entre les peuples et de reconnaissance du développement comme un objectif prioritaire et un droit essentiel. Si le monde s’est globalement développé ces 50 dernières années, le creusement des inégalités entre les pays et en leur sein est devenu intolérable et délétère. Parallèlement, malgré des avancées et des nouveaux outils, l’aide publique au développement se heurte à une limite majeure, en ce sens qu’elle n’a pas permis de modifier fondamentalement l’économie politique des pays les moins avancés. Notre idéal d’une fraternelle humanité est largement piétiné par la domination d’un système libéral par lequel les grands progrès techniques, scientifiques et médicaux ne profitent qu’à quelques-uns. La faim, la maladie, l’ignorance, le saccage écologique et le non-respect des droits de l’Homme menacent le devenir de tous. Il n’y a pas de fatalité. Si le développement repose sur la responsabilité des Etats concernés, il implique aussi la participation des sociétés civiles, des coopérations interétatiques, des intégrations régionales renforcées et des appuis extérieurs efficaces. Ces journées mobilisent militants, experts engagés, acteurs du développement, chercheurs, etc. Elles ont pour objectif de renouveler la doctrine de la gauche en matière de coopération au développement, en débattant notamment des enjeux suivants : Pour un multilatéralisme utile > Les agendas internationaux et les grands programmes mondiaux de lutte pour le développement ont permis d’accélérer les prises de consciences et d’amorcer des changements. Néanmoins trop d’annonces ne sont pas suivis d’effets et aggravent un peu plus la résignation de beaucoup. Il faudra donc plus de volontarisme et de contrôle pour qu’elles aient l’impact voulu. De plus, la subordination des organisations internationales (OMC, FMI, etc.) aux impératifs de développement humain est indispensable. Elle suppose d’engager et de gagner la bataille pour une nouvelle hiérarchie des normes sociales, environnementales, culturelles et économiques. De même, les règles de commerce international doivent s’inscrire dans la perspective d’un « Juste Echange ». Renforcer le rôle de la puissance publique et de la société civile > Le développement est d’abord l’affaire des peuples et des pays concernés. Concevoir une politique de développement suppose le renforcement ou la construction d’autorités publiques légitimes disposant des compétences régaliennes et de services essentiels à la population (justice, santé, éducation…). Le développement implique également la participation de la société civile, des ONG, des entreprises, qui doivent donc être reconnus, encouragés et soutenus. Une coopération extérieure transparente et soumise au contrôle parlementaire > Une des priorités de l’action publique en matière de coopération est de clarifier les engagements financiers, et de les tenir. Trop souvent, les chiffres de l’aide publique sont tronqués et les astuces comptables servent de cache-misère. Il ne saurait y avoir de politique publique assumée si elle n’est pas débattue et adoptée par la représentation nationale. De même, une politique efficace devra engager la réforme des outils (en particulier l’Agence Française de Développement), pour atteindre les objectifs. La crise fait courir le risque d’un repli sur soi qui devra être combattu en sensibilisant l’opinion publique aux enjeux du développement, pour les pays pauvres comme pour la paix dans nos propres sociétés. Enfin, il s’agira de participer à la redéfinition de la politique européenne de coopération internationale. L’Europe doit en effet être tout à la fois exemplaire et ambitieuse.

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Enjeux du développement : pour un nouveau multilatéralisme

Samedi 15 janvier 2011, Solférino

Quels résultats et quels projets pour l’aide multilatérale au développement ? Après un regard d’ensemble sur l’état du développement dans le monde, il s’agit d’interroger l’efficacité des grands programmes internationaux, des objectifs du millénaire pour le développement, des institutions internationales. Les modes de financements et les questions sectorielles doivent être abordés, pour apporter des réponses à la malnutrition, aux difficultés d’accès aux soins et à l’éducation et aux crises humanitaires.

1 : Les grands enjeux de la coopération internationale Capucine Edou Capucine Edou a travaillé au ministère des Affaires étrangères où elle était responsable de la coopération universitaire avec l’Afrique. Auparavant, elle a notamment impulsé des projets de soutien à la gouvernance universitaire en Afrique pour l’Institut de la Banque mondiale et a développé une stratégie Afrique pour l’Agence Spatiale Européenne. Elle travaille aujourd’hui à Sciences Po, où elle est chargée des relations avec l’Afrique et la Turquie. En cette première table ronde de la première journée de réflexion, il faut peut-être rappeler une évidence : l’objectif de l’aide au développement devrait être de devenir inutile, de pouvoir s’en passer. Pourtant, si certains indicateurs s’améliorent, les inégalités internes se creusent. On a donc parfois l’impression que malgré les grands mots d’ordre pour supprimer la pauvreté et assurer le bien être durable des peuples, les grandes politiques se succèdent, et « tout change pour que rien ne change ». A tel point qu’aujourd’hui, l’aide extérieure représente dans certains cas plus de 50 % le budget des Etats. Ainsi, l’aide publique au développement est au Niger ce que le pétrole est au Nigeria : une source de financement structurante dont dépend non seulement toute l’économie mais qui influence aussi les structures sociales. On voit bien dans ces circonstances que, même si on a parfois des doutes sur l’efficacité de certaines politiques d’aide au développement, on ne peut nullement supprimer purement et simplement l’aide au développement comme le réclament parfois certains. Parce que ces positions radicales servent les tenants du libéralisme et du laissez-faire. Nous nous plaçons évidemment dans une toute autre perspective, visant à transformer le cours de la mondialisation telle qu’elle s’est transformée ces 20 dernières années sous l’influence des marchés. Alors, quels sont les grands enjeux de la coopération ? Deux sujets, avant de passer la parole aux intervenants. Tout d’abord, assurer une cohérence des politiques menées. On ne peut pas d’un coté promouvoir le développement des pays, soutenir les politiques agricoles par exemple, avec les enjeux de sécurité alimentaire qui seront évoqués cet après-midi, et de l’autre coté, à l’instar de ce que prône l’OMC, ou l’Union européenne avec les accord APE, réclamer la libéralisation des marchés de ces pays. Il convient donc d’être constants dans toutes les politiques internationales que nous menons, dont l’aide au développement fait partie. De même, si l’aide crée de la dépendance, la question est dès lors : comment l’utiliser de manière intelligente, dans une logique qui ne soit pas un carcan, mais au contraire, qui soutienne les initiatives créatrices dans les pays qui impulsent de véritables dynamiques de développement économique et social. C’est peut-être là où le terme « coopération » prend son sens : croiser les intelligences, faire ensemble, et s’engager ainsi de manière concrète avec nos partenaires. C’est peut être là le rôle des sociétés civiles.

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Pour conclure, revenons sur la définition du développement selon le PNUD : « La création d’un environnement au sein duquel les gens peuvent développer pleinement leur potentiel et mener des vies productives et créatrices en accord avec leurs intérêts et leurs besoins ». Cette définition vaut ce qu’elle vaut, mais elle montre l’universalité du développement, et quels que soient les indicateurs que l’on utilise, le développement concerne toutes les sociétés. Serge Michailof Serge Michailof enseigne actuellement à Sciences Po un cours sur l’aide publique au développement face aux défis du XXIème siècle. Il est un consultant régulier pour la Banque Mondiale et diverses autres institutions d’aide sur les Etats fragiles et les problèmes de « Post conflit ». Il a été (2001/2004) le directeur exécutif chargé des opérations de l’Agence Française de Développement (AFD) et le vice-président de Proparco. Auparavant, il a travaillé 8 ans à la Banque Mondiale. En 1992/1993, il était conseiller technique au cabinet du ministre de la coopération Mme Avice. Dernier ouvrage publié : « Notre maison brûle au Sud » (Fayard, 2010). Si un phénomène me frappe aujourd’hui, c’est, dans un contexte de mondialisation, l’accélération des processus de changement, l’accélération prodigieuse de la croissance et de leurs conséquences dans les pays qui ont « réussi », mais aussi l’accélération de la dégradation dans les pays en situation de difficulté ou d’échec. Or ces deux types d’accélération posent déjà, mais surtout vont poser, des problèmes considérables, de nature certes très différente, dont nous commençons juste à mesurer l’ampleur et la gravité. Permettez moi de vous faire faire un rapide tour d’horizon de ces questions et en particulier de quelques grandes régions du monde en développement afin d’y repérer les principaux problèmes auxquels ces régions sont confrontées et qui risquent fort de tous nous concerner. Je voudrais vous présenter rapidement ce matin pour aider au lancement de la discussion 6 principaux points :

1) Les risques crées par les pays en situation d’échec 2) Les perspectives concernant l’Afrique Subsaharienne 3) Celles concernant le Maghreb et le Moyen Orient 4) Les problèmes spécifiques posés par les pays émergents 5) Face à ces enjeux, les priorités que devrait se définir une politique de coopération rénovée 6) Les acquis mais aussi les incohérences de la situation actuelle et les réformes qui me semblent

devoir être engagées 1. Les risques spécifiques créés par les pays en situation d’échec : Si la Chine, l’Inde et d’autres pays émergents comme le Brésil sont comme nous le savons tous, devenus des puissances régionales voire mondiales, de multiples pays restent à la traîne, environ une cinquantaine représentant plus d’un milliard de personnes. Or s’il y a pour moi un premier sujet de surprise lorsque je compare ces pays à simplement 25 ans de distance, c’est la montée de l’insécurité. J’ai pendant des décennies parcouru les régions saharo sahéliennes, dormant en bordure de piste, la voiture grande ouverte. Je constate simplement qu’aujourd’hui nos compatriotes sont enlevés en plein Niamey et que le quai d’Orsay vient de déclarer zone dangereuse le Niger, la Mauritanie et le Mali. Or derrière cette insécurité, ce que je vois partout c’est une montée des tensions, des frustrations et des rancoeurs de jeunes sans emplois, sans perspectives, sans espoir sinon celui d’émigrer, et encore ils sont bien lucides sur le sort qui les attend s’ils y parviennent. Certes ces pays à la traîne présentent une grande diversité de situations. On peut difficilement comparer la République Centre Africaine et le Népal ! Mais ils partagent aussi des caractéristiques communes, En particulier une faible croissance des secteurs productifs (hors éventuel pétrole et ressources minérales), et une stagnation économique dans un contexte de transition démographique inachevée, transition qui devrait dans de nombreux pays prendre encore une vingtaine d’années voire plus.

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Enfin ces pays se caractérisent par une grande difficulté pour l’appareil d’Etat à assumer ses responsabilités régaliennes et à fournir des services de base à sa population qu’il s’agisse de santé et d’éducation mais aussi de justice et de sécurité. Ces Etats sont finalement qualifiés de « fragiles ». Cette période charnière qui correspond aux 20 à 30 prochaines années, pendant laquelle la population s’accroît encore rapidement alors que les emplois ne suivent pas, est celle de tous les dangers. Même résiduelle, cette forte croissance démographique dans une économie atone provoque un fort chômage urbain. Dans les campagnes, les surfaces cultivées ne suivent pas la croissance de la population et lorsque les politiques agricoles mises en œuvre sont inadaptées ce qui est souvent le cas, de graves crises de type malthusien peuvent survenir. La transition démographique inachevée provoque aussi de forts besoins sociaux en éducation, santé, et infrastructures urbaines, alors que les budgets sont exsangues, les finances publiques mal gérées et la dépense publique très inefficace. Au total on constate que les situations de stagnation économique dans des contextes de forte démographie sont éminemment instables et dangereuses. Un cas caractéristique est celui de la Cote d’Ivoire dont la population est passé de 3 millions à l’indépendance à près de 21 millions aujourd’hui soit une multiplication par un coefficient 7 en 50 ans. Or la crise politique que traverse ce pays depuis 1999 est largement liée au choc démographique et à l’échec économique que connaît ce pays depuis 1980. Nombre de pays d’Afrique Sub-Saharienne sont dans une situation analogue; mais c’est aussi le cas de l’Afghanistan bien sur, de certains pays andins d’Amérique Latine1,.des pays d’Asie centrale de l’ex URSS. Que penser finalement de l’Algérie où la production pétrolière masque les problèmes ? Soulignons enfin le cas très particulier du Pakistan qui n’avait que récemment débridé sa croissance pour replonger dans une double crise politique et économique. Une première question qu’il faut se poser est de savoir pourquoi ces pays ne se développent pas ? Le non développement peut en fait avoir de multiples causes qui en outre se cumulent souvent. Très souvent la situation est bloquée par l’absence ou la dégradation des ressources naturelles comme au Sahel, mais aussi la non résolution de conflits politiques préexistants, un environnement des affaires gravement défaillant un manque d’infrastructures, une accumulation de politiques micro économiques dissuasives, enfin des politiques macroéconomiques inappropriées. Mais le cas le plus fréquent est certainement celui où les principaux secteurs de l’économie sont accaparés par des intérêts prédateurs liés au pouvoir politique comme c’est le cas de manière flagrante au Zimbabwe, mais aussi en Côte d’Ivoire au Congo Brazzaville, au Nigéria, mais aussi en Algérie…. L’importance de ce phénomène varie considérablement selon les situations et le contexte politique. Le cas du Bénin où la démocratie permet l’alternance ne se compare pas avec celui du Togo voisin. Souvent ce véritable pillage des rentes se généralise à toute l’économie. Ainsi dans certains cas, beaucoup d’institutions et d’entreprises publiques, des douanes aux impôts, des ports aux compagnies d’électricité, sont noyautées par des réseaux de corruption contrôlés par le pouvoir politique. Tout marché public implique alors prélèvement et reversement à ces réseaux. Lorsque ce pillage des rentes par une minorité s’accompagne de discriminations qui tendent à traiter certains individus comme des citoyens de seconde classe ou des sans droits du fait de leur appartenance politique, religieuse ou ethnique, les risques d’explosion se multiplient.

1 Rappelons que la croissance en Amérique Latine a été médiocre jusqu’à tout récemment, passant de 1,1% dans les années 80 à 3,3% dans les années 90.

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Au total ces pays se caractérisent ainsi par un refus des réformes et l’enkystement d’élites accrochées à des systèmes économiques et politiques qui ne profitent qu’à une petite minorité. Si ces réformes s’avèrent impossibles, il y a de forts risques de les voir basculer dans la catégorie des pays en crise. Or le coût humain et économique de ces engrenages peut être effroyable 2. Quelles sont les perspectives concernant l’Afrique Subsaharienne ? Ayant rappelé ces mécanismes, passons aux situations concrètes : Première question, L’Afrique est elle sortie de la zone des dangers ? En Afrique, la bonne nouvelle est que les conditions du développement se mettent en place La densité croissante de la population permet désormais de rentabiliser les grandes infrastructures indispensables à la croissance. L’urbanisation en cours est un important facteur d’accroissement de la productivité du travail. La gestion macro économique s’améliore sous la pression du FMI. Les remises de dettes ont donné un sérieux ballon d’oxygène à des budgets autrefois asphyxiés. Les financements reprennent dans les infrastructures et la Chine joue à cet égard un rôle important Après deux décennies perdues, la croissance est finalement au rendez vous depuis le début du siècle avec un taux moyen de 5,7% (après des taux inférieurs à 2,5 % et donc à la croissance démographique lors des deux dernières décennies). Il faut pourtant être très prudent vis-à-vis des cris de victoire récemment lancés en matière de développement de l’Afrique Sub-Saharienne: Les chiffres flatteurs de croissance récents et espérés (on attend 6/7 % pour les 5 ans à venir) se fondent essentiellement sur deux éléments. D’une part, l’amélioration sensible de la gestion économique de beaucoup de pays africains qui ont finalement accepté de revenir à l’orthodoxie budgétaire tout en engageant des réformes économiques significatives. D’autre part la forte demande mondiale de matières premières et la hausse des prix des produits pétroliers et miniers a fortement accru les recettes d’exportation. Mais ces bons résultats ne se sont par ailleurs que faiblement traduits par un accroissement du bien être des populations, car l’amélioration de la gestion est récente et les richesses minières et pétrolières créent très peu d’emplois et ne profitent fréquemment qu’à une minorité. L’Angola, le Nigeria et le Tchad qui sont les champions de la croissance africaine ne peuvent être considérés comme des modèles… Quelques pays qui ont su diversifier leurs économies tels le Kenya montrent la voie. Mais ce cas est assez caractéristique car dans ce pays, comme en Côte d’Ivoire et comme dans beaucoup d’autre pays africains, si le potentiel de développement est considérable, les équilibres politiques restent très fragiles et la gouvernance y est problématique. Le problème est finalement aujourd’hui essentiellement politique Certes dans la plupart des pays africains, les sociétés civiles font aujourd’hui preuve d’un bien plus grand dynamisme qu’il y a vingt ans. Mais une analyse même sommaire révèle en Afrique une régression démocratique qui menace les fragiles acquis économiques. Cette régression est particulièrement évidente dans des pays à la dérive comme le Zimbabwe mais aussi dans des pays autrefois très stables comme la Côte d’Ivoire, le Kenya, sans parler de pays comme le Togo, le Tchad, le Congo Brazzaville, Madagascar, etc. Contrairement à ce que l’on espérait sans doute un peu naïvement il y a vingt ans, lorsque fut lancé le processus de démocratisation après la conférence franco Africaine de la Baule, la démocratie superficielle qui se pratique dans ces pays n’a guère réduit les tensions politiques, bien au contraire.

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Dans ces pays où les classes moyennes sont minuscules ou ont été laminées par des crises économiques de longue durée comme en Côte d’Ivoire, la démocratie se limite en effet le plus souvent à des élections périodiques où le vote exprime essentiellement un rapport de forces ethnique. Elle rend plus difficile les traditionnelles politiques de redistribution des rentes qui aux yeux des tenant du pouvoir risquent désormais de conforter leurs oppositions. Les successions politiques se révèlent dans ces contextes très périlleuses et donnent fréquemment lieu à des trucages éhontés. Finalement, malgré les bons résultats récents en matière de croissance, les facteurs de risque précédemment évoqués combinés aux défaillances de la démocratie font que des scénarii dramatiques sont plausibles et même très probables dans certaines régions de l’Afrique sub saharienne. Ainsi un effondrement de l’Afrique centrale serait difficile à éviter si la situation en République Démocratique du Congo qui reste très fragile venait à nouveau se dégrader. Que va devenir l’Afrique de l’Ouest si la Côte d’Ivoire s’enfonce, ce qui est fort probable dans une crise larvée ou bien pire la guerre civile ? Comment vont se passer les difficiles successions dans des pays comme le Cameroun, le Sénégal et quelles seront leurs conséquences ? Mais les inquiétudes les plus vives doivent porter sur le Sahel où la dégradation des écosystèmes va s’aggraver sous l’effet de la démographie et du réchauffement climatique. On se rend compte que les trois pays sahéliens que sont le Niger, le Burkina et le Mali sont dans une impasse démographique : Le Niger qui avait 3 millions d’habitants à l’indépendance en aura plus de 55 en 2050. La population de ces 3 pays passera d’ici 2050 de 44 millions d’habitant aujourd’hui à 125 millions. Or à moins de changements radicaux localement des politiques économiques et des politiques d’aide, les ressources en terres arables et en eau ne permettront pas de les nourrir ni de leur offrir des emplois. Il n’y a certes aucune malédiction qui frappe ces pays mais alors que beaucoup peut ici être fait pour pallier aux crises qui sont imminentes, les esprits ne sont pas préparés aux révisions nécessaires. Tout ceci s’inscrit en outre dans le contexte d’évolutions démographiques divergentes entre une Europe à démographie stagnante ou déclinante et une Afrique qui aura 2 milliards d’habitant en 2050 vont enfin créer des tensions migratoires d’une intensité inconnue. Dans les pays les plus fragiles comme le Tchad , la RCA et le Niger, il faut craindre des phénomènes de désintégration sociale de grande ampleur. Dans ce village global qu’est devenu notre planète, nous n’échapperons pas au Nord, aux inévitables contrecoups des drames qui se préparent au Sud ; et je voudrais à ce propos rappeler ici l’excellent essai de Jean Christophe Ruffin, « l’Empire et les Nouveaux Barbares ». Nul « Limes » ne nous protégera durablement des crises de grande ampleur qui se préparent au Sud. 3. Quelles sont les perspectives au Maghreb et au Moyen Orient ? Je viens d’évoquer le cas de l’Afrique, or une autre zone, et ce n’est pas la seule, présente des éléments particuliers de fragilité, la zone Moyen Orient Maghreb. Pourtant les capitales y brillent de tous leurs feux. Mais en fait on trouve dans cette région un exceptionnel faisceau de tensions : La démographie constitue un défi. La transition démographique est en marche mais l’inertie du phénomène va poser un grave problème : d’ici 2030 la population en âge de travailler va s’accroître de 40 % au Maghreb et de 50 % au Moyen Orient.

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Son absorption par le marché du travail exigerait des taux de croissance de l’économie non pétrolière de l’ordre de 6 à 7 %. Le maintien des taux actuels de chômage chez ces populations jeunes, (plus de 50% dans certains pays de la zone) fait donc courir des risques très importants (migrations, troubles sociaux, extrémisme) qui sont accrus par l’inefficacité générale des systèmes éducatifs. Nous voyons aujourd’hui en Tunisie les conséquences non seulement d’une revendication démocratique face à la corruption d’uun régime, mais aussi de l’insuffisante création d’emplois qualifiés. La démographie aggrave en particulier des crises urbaines Dans de nombreux pays, la croissance des bidonvilles et des quartiers dits « sous-intégrés » a pris une telle ampleur qu’elle devient difficilement gérable, même lorsqu’un gouvernement comme c’est aujourd’hui le cas au Maroc, décide de s’attaquer sérieusement au problème. Le modèle de développement est incertain : En termes d’industrialisation, les parts du marché mondial acquises par la Chine et par les pays asiatiques à bas coût de main d’œuvre (Inde, Bangladesh, Indonésie) ne laissent guère de place à un processus d’industrialisation du Moyen Orient et du Maghreb. En outre le syndrome hollandais dont souffrent beaucoup de ces pays les rend structurellement non compétitifs. Il faut bien sûr différencier entre grands (Algérie, Iran) et petits pays pétroliers (émirats du Golfe), et pays à faibles ressources pétrolières (Egypte, Syrie, Jordanie, etc). Les réformes économiques indispensables sont difficiles car elles heurtent les intérêts en place et risquent à court terme d’accroître les tensions sociales. Elles supposent en effet une remise en cause des structures de pouvoir et le démantèlement tant les monopoles d’importation fort profitables pour les bénéficiaires proches du pouvoir, que certains mécanismes de subvention aberrants auxquels sont très attachées certaines catégories sociales, et qui permettent par exemple de réduire artificiellement les prix des céréales, de l’eau ou des produits pétroliers. Or sans réformes, il faut s’attendre, sur la base des trends actuels, à des taux de chômage de l’ordre de 25 à 30 %. Au final le chômage va devenir dans toute cette région extrêmement problématique : Ces taux de chômage correspondent à un stock de chômeurs de l’ordre de 50 millions de personnes à l’horizon 2025, ceci dans un contexte de forte urbanisation (70% dès 2015). Le problème social conduit dans beaucoup de pays à des revendications qui prennent la forme d’un islamisme extrémiste : Le cas marocain montre précisément que ces bidonvilles et quartiers miséreux sont des foyers de propagande islamique radicale prônant le Jihad. L’islamisme radical, au sein du monde musulman, est en premier lieu une critique sociale. Au plan environnemental, le problème de l’eau va se poser avec acuité dans un contexte où la combinaison de la sécheresse, qui sera probablement accentuée par le réchauffement climatique, se combine au gaspillage des ressources par suite de programmes d’irrigation déraisonnables et de politiques de prix de l’eau démagogiques. Selon le GIEC, la combinaison du changement climatique et de l’expansion démographique pourrait ainsi réduire le volume d’eau disponible par habitant de moitié dans cette région d’ici 2050. Pour autant la situation n’est pas bloquée : Dans tous ces pays une nouvelle classe de jeunes technocrates formés dans les meilleures universités a une conscience aigue des problèmes et tente de s’y attaquer La Tunisie où la démocratie et la gouvernance laissent bien à désirer, a mis en œuvre un remarquable programme de mise à niveau industriel, dispose d’un excellent système éducatif et a pratiquement éradiqué ses bidonvilles. Mais les emplois qualifiés ne suivent pas. Le Maroc lance de grands projets structurants comme le port d’éclatement et la zone industrielle de Tanger, et attire de nouveaux investissements étrangers comme Renault. Mais là aussi les emplois qualifiés ne suivent pas et la résorption des bidonvilles prendra des décennies L’Algérie, malgré ou peut être à cause de sa richesse pétrolière et gazière n’a pas assaini son économie et se trouve toujours engluée dans un chômage dramatique. La succession en Egypte laisse planer de grandes incertitudes. Etc… Dans un contexte où des phénomènes que l’on croyait localisés et géographiquement circonscrits comme le conflit israélo-palestinien, l’extrémisme islamique en Afghanistan et l’intégrisme en Algérie

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peuvent finalement inter réagir. Dans beaucoup de pays une course contre la montre est engagée entre développement et mouvements extrémistes Au total toute cette région est en passe de devenir un véritable chaudron où l’effondrement des idéologies nationalistes et marxiste et le désastre Irakien laissent le champ libre à des mouvements islamiques fondamentalistes radicaux prônant le jihadisme. Il va nous falloir lutter pour éviter le fameux choc des civilisations décrit par Huntigton, que les erreurs de la politique de l’administration Bush dans la région ont rendu bien réel. 4. Les pays émergents posent aussi des problèmes spécifiques Les géants asiatiques qui sont devenus des puissances régionales et même mondiales sont certes devenus des concurrents redoutables pour nos économies. Mais un autre problème est que leur succès économique et leur soif de consommation risquent fort de constituer un désastre pour les équilibres écologiques mondiaux. Chine et Inde sont engagées dans une course de vitesse entre une croissance qui permet une amélioration des conditions de vie de centaines de millions de pauvres et les formidables tensions sociales provoquées par les colossales inégalités, les chocs écologiques et les migrations internes massives que provoque le développement. Ces pays sont donc comme un cycliste sur un sentier étroit. Si la croissance tombe en dessous de 6/7 %, l’ampleur des crises sociales provoquées par les oubliés et les perdants du développement peut conduire à des crises politiques aiguës. Nous n’avons aucune visibilité quant à la viabilité de notre modèle commun de développement. Nous sommes d’abord confrontés à l’épuisement de certaines ressources énergétiques, en particulier le pétrole. Certes les experts du Club de Rome s’étaient déjà trompés en 1973 et nous avons peut-être plus de temps devant nous que certains Cassandre ne le prétendent. Des substitutions sont possibles si le prix du pétrole continue à augmenter. Le gaz et le charbon nous offrent une visibilité sur, au minimum, une cinquantaine d’années. Mais au-delà de l’épuisement de certaines ressources, il y a une évidente contradiction entre les objectifs de réduction des inégalités au plan régional et mondial qui exigent un développement rapide des pays émergents, et les contraintes du réchauffement climatique. Le développement provoque de gigantesques inégalités entre régions et entre pays. Ainsi au Mexique, les revenus moyens par habitant sont de l’ordre de 15000 dollars dans les Etats du nord situés le long de la frontière avec les Etats-Unis, mais dix fois moindre dans les Chiapas. Ces inégalités sont le produit classique du processus de développement. Mais l’explosion des inégalités au plan mondial entre pays fragiles et le reste du monde devient insupportable sur une planète que la télévision a transformée en village global. Au fond du Sahel tout comme au fin fond de l’Afghanistan, nous voyons des postes de télévision branchés sur des batteries de camion qui passent en boucle des feuilletons américains mettant à nu notre mode de consommation, sans parler des émissions sur le voile islamique en France et de la propagande anti israélienne de Al Jazeera. Seule une croissance très rapide permettrait de mettre un baume sur les frustrations et les tensions qui bouillonnent en offrant un emploi pour tous et un espoir d’amélioration économique pour chacun. Mais là, nous allons nous heurter au mur du réchauffement climatique. D’ici 2050, la population de la planète va s’accroître de 2,5 milliards d’habitants additionnels, ce qui correspond à la population totale du globe en 1950. Or cet accroissement de population prendra place quasi exclusivement dans les pays du Sud

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Les tensions de 2008 sur les prix du pétrole et des céréales nous ont déjà alertés sur la présence de 300 millions de Chinois et de 200 millions d’Indiens qui, sortis de la misère, consomment une nourriture plus riche et commencent à troquer leur motos contre des automobiles. Qu’en sera-t-il si dans 20 ans les classes moyennes des pays émergents représentent 2 milliards de personnes avec un niveau de consommation proche du niveau européen ? Déjà la Chine est devenue le premier marché automobile mondial. Sur les bases de notre modèle actuel de développement, la simple extension à 3 ou 4 milliards d’habitants d’un modeste « confort européen », disons celui du Portugal, dont bénéficient actuellement peut être un milliard de personnes dans l’OCDE et 500 millions d’asiatiques pose problème. Il ne peut de toute façon être étendu à 8 ou 9 milliards d’habitants. Mais proposer la non-croissance, à des pays du Sud dont les populations aspirent à rejoindre nos modes de vie est tout aussi irréaliste. Les équilibres politiques très précaires de la plupart de ces pays ne pourraient d’ailleurs pas y résister. Finalement la croissance prodigieuse des pays émergents accentue les désordres environnementaux dont nous sommes historiquement les premiers responsables. Elle va en effet nous acculer, et ceci beaucoup plus rapidement que nous ne l’imaginions, dans l’impasse environnementale dans laquelle de toutes façons notre modèle de développement nous conduisait paisiblement. Cela va simplement aller beaucoup plus vite que nous ne l’imaginions. Déjà la Chine est le plus gros émetteur de CO2 au monde. Or s’il y a un sujet dont il vaut mieux ne pas parler aux Chinois, aux Brésiliens, aux Mexicains ni aux Indiens c’est bien de décroissance ! Dans 20 ans sur les tendances actuelles le PIB de la Chine sera supérieur à celui des Etats-Unis. Où allons-nous si la région du Maghreb et du Moyen Orient, (540 millions d’habitants en 2025) se développe au rythme chinois ? Et où allons-nous si elle ne se développe pas ! Sur la base des trends actuels, le pétrole, le charbon et le gaz continueront à représenter 80 % de la consommation mondiale d’énergie en 2030, nous mettant sur une trajectoire correspondant à une augmentation catastrophique de la température de l’ordre de 6 degrés en 2100. Sur la base des tendances existantes le stock mondial de véhicules devrait passer de 700 millions aujourd’hui à environ 3 milliards en 2050. Même si les progrès technologiques permettent d’espérer une diffusion massive de véhicules « propres » (hybrides ou électriques2), la simple fabrication et l’entretien de 3 milliards de véhicules ne peut que se heurter à des limites physiques évidentes. Les voitures électriques chinoises vont en fait rouler au charbon Une telle évolution suppose un empoisonnement généralisé et parfois irréversible de l’atmosphère, des eaux et des sols par des pesticides, métaux lourds et autres produits toxiques Sur la seule base des processus en cours, nous voyons que le réchauffement climatique ne peut que s’accélérer et que le pic démographique envisagé à 9 ou 10 milliards d’habitants ne sera pas soutenable dans un contexte de généralisation de notre mode de consommation. La généralisation du «rêve américain » n’est pas possible. Il nous faut donc inventer un nouveau modèle de développement, …un modèle de développement plus économe en carbone. Si dans nos pays riches des efforts considérables seront nécessaires, Les situations les plus problématiques vont se présenter en Afrique Sub-Saharienne, au Maghreb, au Proche-Orient, sur le pourtour méditerranéen et enfin en Asie Centrale.

2 Ces derniers risquant d’exiger un fort accroissement d’une production électrique à base de charbon…

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Or face à une civilisation qui apparaît prédatrice vis-à-vis de son environnement, il est possible d’inventer un nouveau modèle de développement, soutenable cette fois, qui ne peut non plus être la non croissance ou la décroissance, ne rêvons pas. Les agences d’aide ont depuis une décennie engagé de multiples programmes de partenariat avec les grands pays émergents pour (i) amorcer une gestion plus responsable des biens publics mondiaux que sont le climat, l’air, l’eau, les forêts, les ressources halieutiques et la biodiversité etc et (ii) aider les pays les plus pauvres à limiter les effets les plus dramatiques des dégradations environnementales en cours. Ces programmes ont des impacts significatifs pour des coûts raisonnables. Il ne s’agit pas d’aide à proprement parler mais de la construction de partenariats impliquant études et réalisation de projets pilotes. Or certains de ces programmes ont des impacts importants. Ainsi les économies de CO2 facilités par les programmes de l’AFD ans quelques pays émergents correspondent actuellement aux 2/3 des émissions du parc automobile français ! Au total , si l’on en croit l’analyse majeure de prospective effectuée par l’Institute of Security Studies pour le compte de l’Union Européenne en 2006 déjà cité, le monde dans 20 ans sera déjà « plus peuplé, plus exploité et plus pollué qu’il ne l’est aujourd’hui » et sera dans ces conditions « un lieu bien moins accueillant »…. Or face à ces incertitudes colossales, l’horizon est flou. Nous gardons encore notre foi dans le progrès technique. Mais nous commençons quand même à douter. Ce qui est clair est que nous allons vers un monde plus instable Loin de la vision de Fukuyama d’une fin de l’histoire, il nous faut nous préparer à une contestation globale de la mondialisation, qui risque de prendre deux formes préoccupantes : D’une part un retour des forces nationalistes les plus réactionnaires comme nous le constatons aujourd’hui par exemple en Russie. D’autre part une expansion du fondamentalisme religieux notamment dans le monde musulman, qui offre des explications simples à tous les peuples dont les traditions sont menacées par le processus de mondialisation. 5. Face à ces enjeux, quelles devraient être les priorités d’une politique de coopération rénovée Au total nous allons être, nous sommes déjà confrontés à 4 types de problèmes : 1. Dans les pays en situation d’échec économique où la transition démographique est juste

amorcée, des processus « d’afghanisation » sont en cours. Le cas typique est le Niger mais tout le sahel est en risque

2. Dans les pays semi émergents dont l’économie est relativement bien partie mais où les créations d’emplois qualifiés ne suivent pas la « production » des universités, et où les conditions de vie en particulier urbaines ne progressent pas suffisamment, des crises sociales graves couvent sous la cendre. Le cas typique est aujourd’hui la Tunisie. Mais tous les pays du bassin méditerranéen sont en risque.

3. De façon générale dans tous les pays du Sud, mais particulièrement dans les plus pauvres, des poches de pauvreté abominable subsistent. Or elles sont de plus en plus mal supportées dans un monde où l’information se globalise.

4. La croissance extrêmement rapide des pays émergents accélère les processus de destruction environnementale à l’échelle mondiale et met en cause la viabilité de notre modèle de développement.

Si pendant longtemps nous avons pu négliger ces phénomènes qui restaient d’ampleur modeste et localisés loin au-delà des mers, et laisser la gestion de ces questions à nos œuvres caritatives et le cas échéant à nos militaires ce n’est plus le cas.

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Au-delà des considérations éthiques qui doivent guider notre action de coopération, l’ampleur des problèmes qui se cumulent au Sud est telle qu’ils génèrent et vont générer des externalités qui vont tous nous concerner sous forme d’émigration, de terrorisme, de destruction environnementale etc. Or si les désordres environnementaux tels que le réchauffement climatique, les pluies acides ou l’empoisonnement des eaux par les pesticides ne connaissent pas de frontières, la montée des tensions dans les pays fragiles à économie stagnante et à démographie galopante ne pourra pas non plus connaître de frontières. Nous allons malheureusement vers un monde plus instable… Dans un tel contexte, nous découvrons en même temps les limites de nos instruments d’action traditionnels : nos diplomates organisent des conférences, nos militaires s’embourbent. L’aide humanitaire fait un travail merveilleux. Mais elle ne saurait suffire. Même si elle ne fera jamais disparaître la misère du monde, l’aide publique au développement constitue finalement par sa capacité à travailler sur le long terme, à prendre des risques que d’autres ne savent pas prendre et à concilier financements et appuis intellectuels, l’un des rares instruments à la disposition de nos pays riches, pour tenter de prévenir ou minimiser les drames qui se préparent au Sud : Au total cette aide doit désormais se fixer quatre objectifs : (a) L’une de ses missions prioritaires, face aux pays en situation d’échec économique, devra être de faciliter le renforcement des Etats fragiles en finançant de vastes programmes de reconstruction économique, sociale et institutionnels. Le principal défi est le Sahel et les pays d’Afrique francophone en situation de risque (Guinée etc). Des problèmes encore plus graves se présentent dans les pays faillis sortant de crises graves, de conflit ou qui sont encore en conflit. Or ici surprise, la France est en ce domaine totalement aux abonnés absent, car en dehors de l’envoi de ses militaires, elle ne dispose plus de moyens d’action dans ces pays, faute de ressources en subventions adaptées pour ce faire. Elle a en effet imprudemment transféré la quasi-totalité de ses ressources d’aide en subvention aux multilatéraux sans que ce choix ait jamais fait l’objet d’un débat au niveau politique et sans se rendre compte que ce faisant elle perdait sa capacité d’influencer leur action. (b) Dans les pays « semi émergents » elle doit poursuivre sa mission historique de stimulation de la croissance économique et leur faciliter le « rattrapage » des pays du Nord. Le grand enjeu sera ici certainement le bassin méditerranéen et les pays semi émergents africains qui sont essentiellement anglophones. L’instrument privilégié doit être le prêt avec une concessionnalité adaptée et les autres instruments financiers (garantie etc.). L’AFD fait ici un travail remarquable et doit poursuivre son action. (c) Pour contribuer à la lutte mondiale engagée contre les poches de grande pauvreté elle devra aussi poursuivre sa contribution aux objectifs du millénaire qui consiste à mettre en œuvre une politique de redistribution sociale mondiale à bien sûr très petite échelle, qui devra nécessairement être fondée sur des mécanismes de taxation internationales. La France a ici joué un rôle moteur. Ayant contribué à lancer le processus elle doit poursuivre son plaidoyer pour la taxation internationale. (d) Enfin pour participer à la limitation des colossales destructions environnementales en cours, les institutions d’aide, mais il ne s’agit plus ici d’aide, doivent être des acteurs majeurs de la construction de partenariats mutuellement bénéfiques avec les pays émergents, pour amorcer une gestion responsable des biens publics mondiaux que sont le climat, l’air, l’eau, la biodiversité, les grands massifs forestiers, la santé face aux grandes pandémies. Le coût pour le contribuable de ce type d’action qui repose essentiellement sur des transferts de matière grise et des financements aux conditions du marché peut rester extrêmement modeste. L’AFD tout comme les principales agences d’aide a lancé un ambitieux programme d’action en ce domaine mais son action qui est significative et peu coûteuse reste méconnue des responsables politiques et du public.

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Ces actions de partenariats devront en fait constituer l’embryon des futures politiques publiques internationales qui seront indispensables pour que nous ne soyons pas victimes, à échelle planétaire, de la fameuse tragédie des communs. Ce principe, exposé au XVIIIème siècle par David Hume, démontrait que la consommation anarchique de biens collectifs sur un espace fini les condamnait inéluctablement à la destruction. Ce qui était vrai du pâturage communal surexploité qui se transformait en désert au XVIIIème siècle, est malheureusement désormais vrai pour notre planète au XXIème siècle… 6. Compte tenu des acquis mais aussi les incohérences de la situation actuelle quelles réformes devraient être engagées Au total si je dois faire quelques recommandations fortes en matière de politique de coopération : 1. Bien comprendre et faire comprendre à une opinion publique mal informée que l’APD ne relève

pas seulement de la charité, même si les considérations éthiques sont importantes, mais est un des rares outils permettant d’agir sur d’inquiétants phénomènes de nature géopolitique.

2. Dans ce contexte ce ne doit plus être comme actuellement un facteur résiduel d’ajustement budgétaire, mais comme l’ont compris depuis 10 ans les responsables britanniques de gauche et de droite, une mission prioritaire de notre action publique dans un monde de plus en plus complexe et instable.

3. Dans ce contexte il lui faut de toute urgence reconstituer comme c’était autrefois le cas et comme l’ont fait les britanniques depuis 10 ans, une capacité d’intervention bilatérale en subvention pour les pays les plus pauvres de l’ordre de 1 milliard d’euros ce qui ne représente que 1/9 de son APD globale, mais 5 fois les montants actuels.

4. A budget constant ou légèrement déclinant ceci implique une décision politique qui sera difficiles et qui devra viser à réduire nos contributions sous forme de subventions aux instances multilatérales au profit du bilatéral dont il faudra sanctuariser les ressources.

5. La reconstitution d’une capacité d’intervention en subventions dans les pays les plus pauvres qui ne représente plus aujourd’hui que 2 % de notre APD est une priorité. Cette « rebilatéralisation » conditionne paradoxalement notre capacité d’influencer les grands multilatéraux qui n’en font actuellement qu’à leur tête et dont les performances en termes d’efficacité se dégradent en outre significativement.

6. Seule cette reconstitution des ressources de l’aide bilatérale en subvention permettra de relancer enfin sérieusement l’action des ONGs qui sont également étranglées par l’absence d’instrument d’aide français dans les pays les plus pauvres.

7. Car en effet l’aide bilatérale de l’AFD sous forme de prêt ne peut concerner que les pays à revenu moyen ou les secteur marchands. Le choix de l’instrument, prêt ou don détermine ainsi le type de pays et la nature des secteurs où intervient l’aide française.

8. Bercy privilégiant le prêt pour maximiser statistiquement à court terme la création d’APD pour un coût budgétaire donné, cet objectif global de rééquilibrage entre bi et multi au profit du bi est difficile et impliquera entre autres choses un rééquilibrage du rapport de forces entre le trésor et le budget d’une part qui ont une vision purement comptable (ou parfois) commerciale de l’APD, et le MAE qui devrait avoir une vision géopolitique à moyen long terme.

9. Une première mesure devrait être d’affecter les bénéfices annuels de l’AFD qui représentent 2 à 300 millions d’euros par an à ce type d’action au lieu de les reverser au trésor.

10. .Il faudra en parallèle renforcer le plaidoyer international pour l’extension des mécanismes de taxation internationale et leur affectation au financement des programmes des OMDs qui resteront sinon sous financés et surtout sans aucune certitude de financement stables à long terme.

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11. Il faudra veiller à mettre en cohérence notre politique d’aide aux pays pauvres avec nos autres politiques, en particulier notre politique européenne et notre politique agricole, pour éviter les incohérences actuelles et militer pour que cette approche s’étende aux institutions européennes.

12. Dans un contexte où nous nous satisfaisons d’une politique dont l’ambition est simplement d’afficher de bons chiffres d’APD même si tout le monde sait que ces chiffres sont largement factices, il est indispensable de clarifier l’opacité qui caractérise les chiffres de l’aide française qui ne permettent pas aux responsables politique de comprendre les budgets qu’ils votent, et de procéder à une opération vérité pour calculer un indicateur d’aide effective différent du concept d’APD défini par le CAD dont tous les spécialistes déplorent la non pertinence.

13. Il faudra redonner un sens politique et une cohérence à une action éclatée entre de multiples centres de décision dont les motivations sont souvent d’ordre bureaucratiques et comptables

14. Il faudra enfin et je sais que ce sujet est sensible, rester irréprochable en matière de financements politiques car aucun pays ne peut conduire de politique de coopération sérieuse si le parti au pouvoir bénéficie de financements occultes provenant de dictateurs de pays pétroliers.

Nathalie Péré-Marzano (déléguée générale du CRID) Nathalie Péré-Marzano est déléguée générale du CRID, Centre de Recherche et d’Information pour le Développement. A ce titre, elle coordonne la Semaine de la Solidarité internationale, événement national décentralisé de sensibilisation du grand public aux enjeux de la solidarité internationale, le réseau Action Mondiale contre la Pauvreté (GCAP France), qui suit l’évolution de la réalisation des Objectifs Millénaires pour le Développement. Le CRID, ses membres et leurs partenaires sont également très impliqués dans le processus des Forums sociaux mondiaux (FSM). A ce titre, elle est membre du Conseil international du FSM. Auparavant, elle a été successivement DRH puis Directrice du Plaidoyer au CCFD. Aujourd’hui, la politique de développement semble servir à valoriser les entreprises françaises dans les pays en développement. C’est un problème. La société civile est absente des sommets organisés par l’administration chargée de la coopération. Donc la première question que l’on doit se poser est celle de la définition du développement : de quel développement parle-t-on ? Il ne faut pas le réduire à une question de croissance économique. Quelles en sont ses finalités ? Pourquoi héberger la politique du développement au Ministère des Affaires étrangères là ou on pourrait imaginer la mettre au ministère des Finances ? Une première dérive est celle de la doctrine du pré carré africain, de la Francafrique. Elle n’est pas dépassée. La France a encore un regard sur la place des pays émergents dicté par la concurrence internationale. Une deuxième dérive doit être dénoncée. Un nouveau crédo selon lequel la sécurité permet le développement et inversement, progresse et conduit à l’amalgame entre l’action militaire et l’action humanitaire. Nous dénonçons d’utilisation abusive des chiffres de l’APD, et le problème d’absence de vision, d’idéologie que cela suppose. Prenons l’exemple du ministère de l’identité nationale et du développement solidaire, qui a posé la question du lien entre l’immigration et le développement. Aujourd’hui, une partie de l’aide publique au développement française sert à financer une militarisation des frontières. La doctrine adoptée aujourd’hui pose problème. Troisième dérive, en ce qui concerne le financement : l’APD ne respecte pas ses promesses et n’atteint pas ses objectifs. Les engagements de 2005 ne sont pas respectés. Jusqu’où la doctrine peut-elle être dénoncée en 2012 ? Qu’en sera-t-il des objectifs du millénaire pour le développement ? Nous attendons deux actes forts de la France : la ratification du protocole facultatif du programme de développement social, économique et culturel (PDSEC) et la ratification de la convention sur les droits des travailleurs migrants et de leurs familles (qui a 20 ans). Ces questions touchent aux enjeux écologiques, aux enjeux sur les changements de modes de vie, de modes de consommation. Nous devons viser une responsabilisation des acteurs privés, notamment des multinationales, et trouver d’autres moyens d’action. D’où la nécessité d’inventer de nouvelles formes de taxation mais aussi de pouvoir mobiliser les ressources, donc lutter contre les paradis fiscaux et judiciaires pour lutter contre l’évasion fiscale. Les relations de la France avec les sociétés civiles et avec ses partenaires se sont gravement dégradées.

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Henri Weber (député européen PS) Henri Weber est député européen de la circonscription Centre. Né à Léninabad (ex-URSS), co-fondateur de la Ligue communiste révolutionnaire, il a été secrétaire national notamment à l'éducation nationale et la formation. Il est aujourd'hui secrétaire national adjoint chargé de la mondialisation. La lutte contre l’évasion fiscale est très importante. S’agissant des financements, il faut trouver des ressources alternatives. Nous préconisons une taxation des transactions financières. C’est une proposition du Parti socialiste européen (PSE). Au cours des 10-15 dernières années, ces transactions ont connu un bond qualitatif de l’ordre de x50, x100, x200. D’où la « taxe Tobin », qui n’était pas philanthropique. Son seul objectif était d’introduire de la viscosité dans le système. A l’époque, tout le monde a hurlé. Aujourd’hui, même le patron de la banque centrale britannique est favorable. On ne trouve pas d’argument contre, techniquement, philosophiquement, politiquement. Ça existe ailleurs. La pratique existe. C’est une bataille de première importance. D’où la campagne de terrain qu’a décidée la gauche européenne tout entière. La Commission européenne a pris position sur le débat entre Libre échangisme et Protectionnisme. C’est un débat hypocrite. On est libre échangiste pour les autres, et on se protège soi-même. On est protectionniste en croyant que le marché peut être menacé par l’échange. Nous mettons en avant le « juste échange » : les normes collectives à imposer. On le fait depuis longtemps sur les normes techniques et sanitaires en terme de santé, de pollution… Il faut rajouter des normes environnementales, sociales et culturelles. Par exemple pour ce qui concerne l’école, la lutte contre le travail forcé, le droit de négociation collective du contrat de travail. Jacques Ould Aoudia Jacques Ould Aoudia est économiste du développement à la direction générale du trésor et de la politique économique. Il est président, depuis 2005, de Migrations & Développement, association créée par des migrants marocains. L’ONG anime depuis 25 ans un programme de développement rural sur le Sud marocain, région de forte émigration, à partir de la mobilisation des transferts des migrants dans des programmes d’infrastructures (électrification, eau, routes..), de développement du capital humain (santé, éducation), de soutien aux activités économiques (produits agricoles, tourisme rural), de renforcement des capacités de la société civile (formation des élus…). Aborder la question de la coopération internationale aujourd’hui, dans une perspective programmatique, ne peut s’effectuer que dans un cadre qui prenne en compte les évolutions du monde actuel, du monde pris dans la globalité que la mondialisation a constitué (échanges planétaires d’idées et d’information, de marchandises, de capitaux et de personnes par les migrations). L’une des caractéristiques les plus singulières aujourd’hui tient à la rapidité et à l’intensité des bouleversements à l’œuvre (deux caractéristiques rarement réunies dans l’Histoire). L’échelle d’observation de ces évolutions est multiséculaire : ce qui est en jeu aujourd’hui est rien moins que la fin des 4 siècles de domination absolue de l’Occident sur le reste du monde, et nous n’avons pas encore pris toute la mesure de ce bouleversement. L’ensemble des sociétés du monde ont cheminé plus ou moins parallèlement jusqu’au XVIII° siècle, après quoi les pays de la « péninsule asiatique » que constitue l’Europe se sont singularisés, en provoquant la « grande divergence » entre eux et le reste du monde. La question du « pourquoi ces pays ?» ne relève pas de ce débat, mais hante les chercheurs depuis toujours, et tout spécialement depuis quelques années. Grace à leur supériorité, organisationnelle, scientifique et militaire, les pays de l’Ouest de l’Europe ont acquis une position d’hégémonie sur ce reste du monde. Ils ont colonisé les ! de l’humanité et ont créé des surgeons, dont l’un, enfant rebelle de l’Angleterre, est devenu le maitre du monde au début du XX° siècle. C’est ce système de domination qui se dissout depuis 30 ans avec la mondialisation : finalement, les grands gagnant de cette mondialisation imposée par les pays du Nord ne sont ils pas les pays dits « émergents » ? On évoque aujourd’hui la « grande convergence » à l’œuvre entre pays occidentaux et le reste du monde (ou une partie de ce reste du monde). Et la crise financière déclenchée en 2007 provoque une accélération sans précédent de ce recul relatif des pays occidentaux dans le monde.

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Cette convergence sera inégale : des pays (et parmi les plus grands) vont accélérer leur convergence avec le Nord, tandis que d’autres resteront bloqués dans le sous développement. Bien plus, les populations pauvres, par delà les frontières, ne vont pas se réduire au niveau global. Il y a clairement une divergence au sein de cette « grande convergence ». La question de la paupérisation de larges fractions de la population au sein des pays du Nord est aussi posée. Ce recul relatif ne relève pas d’un débat d’experts et de la simple géostratégie. Il fait partie des perceptions de chaque jour pour l’ensemble des habitants de la planète, informée (et désinformée) comme jamais auparavant. Les citoyens de France comme ailleurs, perçoivent ces changements, et le rôle des partis est bien d’apporter des réponses aux interrogations (et aux peurs) qui se forment dans les esprits. Une partie du terrain est déjà occupé par les partis xénophobes : la désignation de l’Autre comme responsable de tous les maux en période de crise est un procédé éprouvé ! Le phénomène est largement à l’œuvre en Europe et aux USA, et sera un enjeu en 2012 ! Donc, selon moi, il faut prendre à bras le corps ces bouleversements qui ont, qui auront des conséquences dans le choix des électeurs. Le thème aujourd’hui n’est pas d’analyser ce recul relatif, ni ses conséquences dans les pays du Nord. Nul doute que d’autres enceintes traiteront de cela. Il est d’examiner les enjeux de développement et de coopération pour la France de 2012 et après. 1. Tout d’abord, la question du vocabulaire. Les mots clé de la coopération et du développement sont aujourd’hui « épuisés », ils ont perdu leur sens précisément par ce que le monde a changé. Ils méritent d’être questionnés : ! Comment nommer la « partition du monde » ? pays développés, industrialisés, riches ? d’un

coté ; pays en développement ? sous développés ? émergeants ? pauvres ? de l’autre ? Sans attendre une définition qui prenne le relai de celle de Perroux (les trois monde), je parlerai des ‘pays du Nord’ et des ‘pays du Sud’, conscient de l’imprécision de ces mots.

! Aide au Développement : problèmes avec le mot ‘aide’ et avec le mot ‘développement’. ! « Aide » : l’aide relève d’un type de relation sociale (hors situations d’urgence) qui n’entre dans

aucune des relations sociales stables (repérées par Polanyi), que sont la réciprocité (pour créer et entretenir le lien), la redistribution (vers un centre qui prélève et distribue) et l’échange marchand .L’aide ne relève d’aucune de ces trois catégories anthropologiquement assumées par les sociétés. Elle se situe donc dans un registre biaisé, où le discours affiché cache des objectifs autres… Au final, une relation, quand elle dure comme, c’est le cas, qui tend à pervertir le donateur comme le receveur.

! Dans cet esprit, on peut se poser la question suivante : comment se fait il que toutes les résolutions à liquider la « francafrique » ont échoué depuis 40 ans ?

! L’idée de questionner le principe de l’aide elle-même est elle audible dans la France d’aujourd’hui ?

! Autre mot en question : « développement », doublement questionné.

o 1/ est-on sûr que toutes les sociétés souhaitent le développement ? Le développement compris non comme la somme de biens de consommation et de biens publics (santé et éducation), qui en sont les résultats, mais comme un changement d’attitude par rapport au monde (esprit critique, égalité des droits….). L’économisme et la projection normative des visions du Nord sur le Sud ne nous rend pas ils pas rend aveugle sur ce qui se passe au Sud ?

o 2/ le développement et l’environnement : tous les pays du monde ne pourront pas avoir le même niveau de consommation de biens matériels que les pays du Nord. La « convergence » signifiera la réduction de la consommation matérielle au Nord et son augmentation au Sud. Le débat sur le ‘développement’ porte donc autant au Nord qu’au Sud.

! Autre mot « pauvreté » : pauvreté monétaire ? pauvreté en termes de capacités (Amartya Sen) ?

pauvreté comme situation d’isolement par rapport au lien dans une vision collective et non uniquement matérielle/monétaire et individuelle (altération du lien social) ? Là aussi, l’économisme nous rend aveugle sur la situation des pays du Sud.

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! « corruption » : La capture de ressources par proximité avec le pouvoir (pour la grande corruption) est elle si différente dans ses effets de la capture de l’État par l’industrie financière internationale aux USA, en GB, à Bruxelles et à Paris depuis 30 ans ? (Simon Johnson « The quiet coup »)

! « co-développement » : concerne les actions que les migrants font pour le soutien à leur famille et à leur région d’origine. Le co-développement est une pratique sociale, qu’il ne faut pas confondre avec les politiques publiques qui peuvent (ou non) le soutenir.

! « gouvernance » : au-delà de la politique de ‘bonne gouvernance’ conçue par la Banque mondiale comme une somme de dispositifs et procédures techniques, la question de la gouvernance est posée au Sud, sous l’angle de la légitimité des gouvernants et des instances politiques, par delà leur formes légales.

! Ainsi du mot « démocratie » : la démocratie, comme toutes les institutions, ne fonctionne que si les « imaginaires sociaux instituants » (Cornelius Castoriadis) soutiennent cette institution. C'est-à-dire au moins deux choses : croire que la légitimité des règles et des dirigeants ne procèdent pas d’une instance surnaturelle (Dieu, les Dieux…) mais des hommes (ce qui signifie que l’on est autorisé à critiquer les règles elles-mêmes) et, encore plus important, croire que les hommes sont égaux devant la loi, et non pris dans des logiques de statuts hiérarchisés. (…). Des milliards d’hommes sur terre ne sont pas dans ces croyances.

! Autrement dit, la démocratie ne s’identifie pas aux élections, car celles-ci ne se déroulent comme prévu dans les règles que si elles sont soutenues dans les populations par les imaginaire qui « vont avec ».

2. Quel bilan pour « l’aide » ? Où sommes-nous avec la coopération Nord Sud et la place de la France dans cette coopération ? Quel est le bilan des politiques de développement mis en place par les Institutions financières internationales et globalement soutenues par la France depuis plusieurs décennies ? A analyser la situation des pays du Sud comme relevant de « manques » (chronologiquement depuis les années 50, on a parlé de manque d’épargne, d’éducation et de santé, d’équilibre macro-économique, d’ouverture et de libéralisation, de « bonne gouvernance » et de « démocratie »…), les réponses apportées ont toutes visées à combler ces manques, avec le succès que l’on sait : Les pays qui se sont arrachés au sous-développement ont tous pris des chemins « hétérodoxes » par rapport aux prescriptions des pays du Nord, tandis que les pays les plus obéissants aux recettes du Nord (Amérique Latine, une partie des pays arabes) restaient bloqués dans le sous-développement. Mais par delà leur hétérodoxie, ce qui est important est que ces stratégies de développement ont été élaborées d’une façon endogène. Si la question de l’élaboration endogène est centrale pour le développement, alors s’ouvrent d’autres perspectives, différentes, pour les acteurs extérieurs, pour la coopération française en premier chef. Ces perspectives nouvelles se posent à la fois en termes de :

1. d’objectifs de l’aide pour la France : Il conviendrait d’avancer dans l’explicitation des objectifs de l’aide : pour accroitre notre influence ? pour développer les pays du Sud ? pour satisfaire des demandes de « compassion » des électeurs ? Pour défendre les intérêts des firmes françaises ? pour assurer la sécurité de la France ? Pour s’insérer dans des rapports de « Partenaires » (quel terme trouver aujourd’hui ?)

2. légitimité à transmettre (quel est notre magistère moral aujourd’hui, pour transmettre, pour coopérer ?).

3. de rayonnement et d’attractivité (quel désir de France dans le monde ?) : il y a une lassitude de l’aide au Sud aussi, de l’aide et de tout ce qui va avec ! Les attitudes de surplomb normatif sont de plus en plus rejetées au Sud !

4. en termes de contenu (quoi transmettre ? Des savoirs faire institutionnels ? des biens culturels ? des savoirs techniques ?...)

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5. En termes de ressources financières : quelles marges de manœuvre avec la crise financière, économique, pour les 15 ans à venir ?

6. Se posent des questions en termes de rapport avec le partenaire du Sud : quelle gouvernance dans nos relations de coopération ?

3. Alors, que reste t il pour la solidarité internationale ? Il reste l’immense champ des biens publics mondiaux qui nécessitent de prendre à bras le corps les défis collectifs qui ne recoupent pas spécifiquement la coupure du monde entre Nord et Sud, mais qui concernent toute la planète : Climat, santé, recherche agronomique, dépollution des mers, protection de la biodiversité, des cultures dominées… Il peut y avoir des biens publics régionaux (la Méditerranée comme mer à protéger par exemple). Chacun de ces thèmes doit revu en termes de biens publics mondiaux, c'est-à-dire selon une vision qui ne se découpe pas en Nord/Sud, mais qui affecte toute la planète. La taxe sur les transactions financières apportera des ressources supplémentaires, mais la question principale est son usage : comment affecter cette somme, quelle gouvernance de sa répartition etc… Nous devons insister sur les droits fondamentaux concernant le travail, les migrants… en les prenant toujours sous l’angle des biens publics mondiaux. Il s’agit de faire converger les efforts de tous vers des biens publics, pour créer ou recréer du lien et de la solidarité internationale qui associe les populations, et pas seulement les États et institutions financières (pour faire le pendant de la compétition économique, qui s’apparente souvent à la guerre économique) : créer un imaginaire de communauté de destin sur la terre auprès des populations Le faire avec une gouvernance respectueuse de la nécessaire autonomie des sociétés : par exemple en rompant avec la logique des dons du Nord au Sud (en plus, le Nord est exsangue au plan financier), mais des prélèvements de tous les pays, proportionnels à leur niveau de revenu par tête. Au total, la France peut initier aujourd’hui une autre posture dans la relation du Nord au Sud. Cette posture est nécessaire (environnement oblige), elle est adaptée à des ressources en diminution relative (crise oblige), elle est enfin et surtout en phase avec l’évolution du monde d’aujourd’hui, où la suprématie morale, politique, financière, technique, n’est plus l’exclusivité du Nord. Débat avec les participants Pierre Schapira (adjoint au Maire de Paris) Nous ne devons pas parler uniquement de l’aide publique au développement. L’aide au développement est sans doute 5, 6 ou 7 fois plus importante. Il faut prendre en compte tout ce que les diasporas apportent. Ce n’est pas parce que la position prise pas le Gouvernement quand il parlait d’identité nationale et de co-développement était scandaleuse, qu’il ne faut pas parler du co-développement. Comment organiser cette manne financière qui rentre dans les pays en développement ? Ce ne sont malheureusement pas les pays en développement qui organisent ce flux. On peut regretter d’en être arrivés là, après 50 ans d’aide au développement. Jean-Pierre Cot (ancien ministre) Je suis frappé par la tonalité misérabiliste des débats sur le développement. Nous avons du retard à rattraper. Nous devons être clairs sur la Francafrique pour être crédibles. Robert Lion (président d’Agrisud) On ne mesure pas ce qu’il y a de positif dans la croissance du PNB, dans les pays non démocratiques. On peut prendre pour exemple la Tunisie. Parfois, le constat est très sévère, négatif, sur la volonté des états de vouloir se développer.

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Najet Misouni (PS, militante tunisienne) Tout ce qui est aide au développement aujourd’hui est construit sur la fermeture des frontières. La seule lutte contre le terrorisme et l’insécurité, c’est la démocratie. Serge Michailof L’objectif des 0,7% du PNB est un concept fourre-tout, sans aucun sens. Il nous faut redéfinir un indicateur d’aide qui a un sens. Nicolas Sarkozy a pu déclarer que « La France est le deuxième donateur au Monde », ce qui est statistiquement vrai. Mais cet indicateur ne signifie rien. Aujourd’hui, nous nous heurtons à une vraie difficulté de mobiliser les organisations sur autre chose que la santé et l’éducation. Il nous faut retrouver un meilleur équilibre entre le multi et le bilatéral. On a abandonné la recherche, le travail sur les cultures vivrières, etc. Nathalie Péré-Marzano (déléguée générale du CRID) Les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) ne sont pas la panacée, mais la déclaration de 2000 est sans doute plus ambitieuse que ce qu’on pourrait écrire aujourd’hui. Attention, remettre la finance au service de l’économie, c’est bien, remettre l’économie au service de l’humain, c’est encore mieux. Jacques Ould Aoudia La Tunisie va donner des idées à tous les peuples d’Afrique. La démocratie recule autant au Nord qu’au Sud.

2 : Garantir à tous le droit à la santé, à l’éducation, à l’alimentation, et rendre efficaces et opérationnels les programmes internationaux Cédric Fouilland Cédric Fouilland vit au Salvador après avoir vécu quatre ans au Gabon. Il est consultant spécialisé dans les projets et politiques de développement humain. Il a en particulier travaillé avec le programme alimentaire mondial, dans le cadre de la coopération française et avec la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale. Après avoir vu les grands enjeux de la coopération internationale, il nous faut redéfinir les termes et leur connotation. Deux idées peuvent organiser nos débats : (1) mesurer le développement sur la protection de droits fondamentaux ; (2) biens publics mondiaux. Robert Lion (président d’Agrisud) Robert Lion est conseiller régional d’Île-de-France (EELV), président d’Agrisud International, ONG de lutte contre la pauvreté par une démarche économique. Robert Lion a été directeur de cabinet du Premier ministre (1981-1982), directeur général à la Caisse des dépôts et consignations (1982-1992), puis il a occupé de nombreuses responsabilités associatives. Il a en particulier été président de Greenpeace France (2008-2009). Je n’aime pas le vocabulaire « aide au développement ». On a tous entendu des chinois nous dire qu’ils sont plus développés que nous. Il y a des pays riches - avec des inégalités -, mais pas des pays développés. « Développé », cela veut souvent dire « détruisant les ressources ». Et même le mot « Aide » cela renvoie à une vision paternaliste de notre action. A la question « Quel est votre problème n°1 ? », la réponse est souvent : « Les ONG ». Comme disait Mao : « C’est plus facile de recevoir un poisson que d’apprendre à pêcher ». Donc l’aide peut avoir un effet pervers. On préfère « accompagner » que « aider ». Le mot « coopération » est également souvent mensonger. La sécurité alimentaire est elle un droit ou un bien public mondial ? Des concepts nouveaux apparaissent aux Nations unies (Olivier de Schutter) : « droit à l’alimentation » ; « Nouvelle révolution verte »... La population mondiale va augmenter de 40%, il faut les nourrir. « Première révolution

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verte » : agriculture intensive utilisant des produits chimiques à base de pétrole. De fait, ça a donné lieu à un surcroit de production dans les pays du sud. Les fondations Bill Gates, Kofi Annan et entreprises multinationales ont été intéressées par cette « nouvelle révolution verte ». Nous avons une préférence pour l’exploitation familiale, production locale pour public local. La FAO – qui parle mais ne fait pas grand chose – est d’accord avec cette position. Notre crédo : la chimie finit pas se retourner contre le producteur. Deuxième volet : la protection, pour les pays du sud. Y compris pour faire fonctionner une taxe carbone en Europe, par exemple. Gros problème : aider les petites exploitations locales, ça n’intéresse pas les gouvernements locaux. A travers le monde, quelques centaines d’ONG qui sont de bons opérateurs. Pierre Salignon (directeur général de l'action humanitaire à Médecins du Monde) Pierre Salignon est directeur général de l'action humanitaire à Médecins du Monde. Il a travaillé pour l'association Médecins Sans Frontières entre 1992 et 2008, en occupant des fonctions de coordinateur sur le terrain en ex-Yougoslavie, avant de devenir responsable de programmes au siège parisien, puis directeur général de la section française du mouvement international de MSF (2003-2007). En 2008, il rejoint l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en tant que directeur de projet par intérim du "Health and Nutrition Tracking Service" (HNTS), une initiative inter agences travaillant sur la collecte et l'analyse des données de santé et de mortalité en situation de crise. Nous faisons face à un environnement qui s’aggrave partout, y compris en France. Les barrières dans l’accès aux soins se sont levées. Beaucoup de fonds mondiaux rassemblent beaucoup de moyens, sans être forcément bien dépensés. Nous assistons à une montée en puissance des fondations privées (elles représentent un quart de l’APD mondiale), dans une absence totale de transparence. Les évaluations financières ne sont pas des garanties. La lutte entre les bailleurs de fonds est stérilisante. L’aide multilatérale n’est pas assez concentrée sur le renforcement des systèmes de santé. Les Etats sont fragiles est sont donc vulnérables devant la corruption. La commission santé de Coordination Sud se fixe les priorités d’investir en RH Santé et de lutter contre les barrières financières aux soins. Par exemple, aujourd’hui, il n’y a pas de financement disponible pour lutter contre les violences fondées sur le genre. La Fondation Gates est le plus gros opérateur au monde en matière de santé publique. Mais avec quelle gouvernance ? On implique de moins en moins les Etats. Comment appuyer les systèmes nationaux ? Pour disposer de la prévisibilité nécessaire, sur les financements, en période de crise économique, c’est un souci. Au niveau international, le décrochage, le creusement des écarts, en termes d’accès à la santé, s’accroissent. Catherine Gaudard (directrice du plaidoyer du CCFD-Terre solidaire) Catherine Gaudard est directrice du plaidoyer du CCFD-Terre solidaire. Après une maîtrise de droit public et un DESS en développement agricole, Catherine Gaudard passe cinq ans en Asie auprès d'organisations locales, sur les enjeux agraires et la défense des droits humains. Elle est ensuite responsable à Frères des Hommes des partenariats en Asie pendant huit ans. En 2002, elle entre au CCFD-Terre Solidaire comme chargée de plaidoyer souveraineté alimentaire pour défendre les agricultures paysannes du Sud, notamment par la promotion de règles plus justes du commerce mondial et une réforme de la PAC. Directrice du Plaidoyer depuis juillet 2007, elle y réalise sa volonté de formuler des propositions d'alternatives globales et de pousser, au Nord, à des changements de politiques qui bénéficient aux pays du Sud. Les enjeux du développement sont d’abord des enjeux de solidarité et de rééquilibrage des relations internationales. CCFD-Terre Solidaire, ce sont 22.000 initiatives soutenues dans les pays. Nous préférons parler de « Co-responsabilité », plutôt que de « co-opération ». Et cela ne passe pas que par les questions d’aide publique au développement. La question du financement du développement est bien sûr nécessaire et utile. Mais l’aide reste modeste face à l’ensemble des besoins. Les flux financiers d’aujourd’hui sont 4 fois plus importants que l’APD (qu’on évalue à 119 milliards d’euros). Le seul endettement et le remboursement de la dette est bien plus important. On doit donc parler de tout cela ensemble. Nous avons participé à la bataille pour l’annulation de la dette. En 2005, au sommet de Gleeneagles, nous avons obtenu l’annulation partielle de la dette. 400 milliards de dollars / an. Taxation des transactions financières, ou des transactions de change. C’est la régulation de la finance qui est en jeu. Cela pose la question de justice fiscale, pour que les pays en développement ne soient pas victimes de l’évasion fiscale. 6 à 800 milliards d’euros s’évadent des pays en développement chaque année. C’est ce qui explique le titre « L’économie déboussolée », pour le rapport du CCFD. Les chiffres de la finance ne reflètent plus la réalité de l’économie. Ce constat doit être posé. Nous devons aller plus loin vers la transparence des entreprises. Les paradis fiscaux sont des territoires. Ce sont les utilisateurs, plus que les territoires, qui doivent être transparents. Nous devons affirmer cette

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exigence de transparence, pays par pays, de ce que font les acteurs dans les paradis fiscaux. Il est impossible « d’interdire » aux acteurs économiques de passer par les paradis fiscaux. C’est ce que signifie la campagne « Aidons l’argent » à quitter les paradis fiscaux. La finance mondiale est un bien public mondial, et l’argent doit être au service de l’humanité. Débat avec les participants Adda Bekkouche Nous pourrions revenir à une définition du développement qui mette en avant le « bien vivre ensemble ». Au cœur du sujet, il y a l’appareil public régalien, la question de la justice sociale. Serge Michailof La transparence est un sujet central : je pense aux rentes des matières premières, qui s’évaporent. Je pense aux initiatives qui ont été prises sur ces sujets et qui ennuient tout le monde. Quand on a négocié les OMD, on est passé des logiques d’investissement à des logiques de charges récurrentes. Capucine Edou Il nous faut poser la question des capacités, qui rejoint la question de la formation, en particulier secondaire et supérieure. Les OMD se sont concentrés sur l’éducation primaire, ce qui fait qu’on a négligé l’enseignement secondaire et supérieur. Thomas Melonio (conseiller Afrique au secteur international au PS) La guerre des monnaies fait aussi des victimes en Afrique. C’est la raison pour laquelle le PS a pris des engagements dans le cadre de la convention nationale sur les questions internationales (transparence, publication des résultats des grandes entreprises pays par pays). Maixent Lequaint Devant l’émergence de pays qui se sont développés avec une énorme injustice sociale, je mettrais en avant deux termes simples : transparence et taxation. André Vantomme (sénateur, rapporteur du budget aide au développement) On ne peut pas perdre 2012, c’est un rendez-vous majeur. Or il nous faudra répondre à la question fondamentale du financement. Ne nous voilons pas la face : passer à 0,7% du PNB, cela suppose 7 à 8 milliards d’euros. Donc il faut trouver d’autres réponses, et faire appel à des financements innovants. Violette Lefi (adjointe au Maire du 12e arrondissement de Paris) Je voudrais insister sur l’important de la coopération culturelle. Elle permet un échange, un partage, sans exiger beaucoup de ressources. Robert Lion (président d’Agrisud) Les questions d’éthique ne s’enlisent pas, contrairement à ce qui a été dit. Ces sujets comptent et trouvent de bons échos, par exemple dans le cadre des délibérations sur les paradis fiscaux. L’angle éthique est – politiquement parlant – très payant. Il faut changer de vocabulaire. Catherine Gaudard (directrice du plaidoyer du CCFD-Terre solidaire) La transparence est un des domaines sur lesquels on progresse. Plus les pays ont des ressources, moins ils sont démocratiques, plus ils sont pauvres. Les entreprises créent de la richesse, des emplois, mais le partage des richesses est déséquilibré. Nous devons poser la question des accaparements de terre, mais aussi celle des droits des victimes, et de leur accès à la justice des pays dans lesquels se trouvent les sièges des entreprises responsables.

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Pouria Amirshahi Merci à toutes et à tous. Le débat se poursuivra lors des prochaines rencontres organisées par le secrétariat national, sur la coopération bilatérale et sur la francophonie. Nous avons déjà pu mesurer aujourd’hui combien la reconstitution des capacités et la conquête de la souveraineté sont la clef du développement et de la démocratie.

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Pour une nouvelle

stratégie française de coopération

Samedi 12 mars 2011, Solférino Quels sont les moyens, la légitimité et l’utilité d’une politique de coopération bilatérale autonome de la France ? Sur quels critères doit elle être fondée ? Quelles doivent en être les priorités ? Comment construire des relations d’échanges avec les pays tiers ? Comment aborder la question des flux migratoires ? Il s’agira d’analyser les instruments de la coopération bilatérale, de mettre en exergue les projets structurants et de partager les expériences réussies de coopération décentralisée.

1. Les objectifs et les réalités de la coopération bilatérale. Pouria Amirshahi (secrétaire national du PS) Les mouvements au Moyen-Orient nous invitent à réinterroger la doctrine et la stratégie du PS sur la coopération bilatérale. Nous devons poursuivre une réflexion qui a peu avancé depuis la fin des années 1970 (rapport du secrétaire national au tiers monde Lionel Jospin) et la position de 1997-2002. Notre dernier séminaire a été l’occasion d’insister sur les phénomènes migratoires accrus, sur la nécessité de reconstruire les capacités. Le Forum Social Mondial de Dakar a mis en avant la question des biens publics, de l’eau en particulier. Mais nous n’oublions pas que nos réflexions s’inscrivent dans un moment historique de revendications démocratiques en Afrique et au Moyen-Orient. Nous devons redéfinir nos objectifs dans les programmes multilatéraux et dans les programmes bilatéraux. Nous devons repenser les grands programmes structurants, ce que font les ONG, les autorités locales. Nous devons redéfinir les objectifs de la coopération, puis les moyens, les priorités dans un contexte financièrement compliqué. Jean-Louis Vielajus (président de Coordination Sud) Coordination Sud c’est quoi ? C’est la coordination nationale des ONG, organisation de solidarité internationale, d’aide d’urgence et d’aide au développement : ce sont donc 130 ONG françaises, grandes, moyennes, petites, réunies depuis 15 ans. Il s’agit de faire avancer nos membres sur des questions d’efficacité, de transparence, et de les protéger d’un contexte où les ONG sont attaquées. Les ONG sont très haut dans les indices de confiance, mais très attaquées. Nous menons donc un travail d’échange en commissions thématiques pour élaborer des positions communes et les défendre auprès des pouvoirs publics. Engagés sur le G8, le G20, les objectifs du millénaire pour le développement (OMD), document cadre global de coopération et de développement. Où étions nous les uns et les autres quand tous les mouvements se sont lancés en Tunisie, en Libye, et Egypte, etc. ? Les uns et les autres, on ne doit pas être très fiers, de ne pas avoir été très présents. Les ONG chargés des droits de l’Homme étaient les plus engagées, mais beaucoup étaient ailleurs, et cela nous pose des questions sur nos priorités. Faisons un résumé des épisodes précédents. En 2000 : à la fin d’un mandat gouvernemental socialiste, la France s’engage dans les OMD. C’est une période charnière. C’est l’avènement maximum de tout ce qui pouvait être dit et fait autour de la mondialisation. On a atteint à ce moment là le maximum du discours sur la pauvreté. Les OMD sont le filet de sécurité, le filet social de la mondialisation. Ils essuient une critique : les OMD sont utiles mais restent un « filet social ». En travaillant sur la pauvreté, on ne pose pas la question des inégalités, qui s’élèvent fortement. Le filet social ne suffit pas. Il faut aussi prendre en compte cette demande de lutte contre les inégalités. C’est cette approche qui nous permettra de changer de logiciel économique et social.

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Nous avons travaillé en 2010 sur le document cadre global de coopération. C’est une analyse qui nous semblait encore un peu promouvoir la croissance, et s’assurer du filet social nécessaire. Nous avons défendu trois points : 1. On n’avancera pas si on ne part pas d’une approche par les droits. Cela énerve beaucoup, mais cette approche par les droits est déterminante dans notre vision de la solidarité. Droit à l’alimentation, par exemple, pour répondre aux questions d’accaparement de terres. Mais on se confronte à une absence d’effectivité, qui fait qu’on peut faire tout et n’importe quoi. 2. Il faut une cohérence des politiques. Ce n’est pas la peine de mettre des milliards dans le Sahel si on ne change pas les règles du commerce international. Quand on développe des politiques contradictoires, ça ne sert à rien. 3. Nous travaillons sur la gouvernance démocratique, l’état de droit. Par exemple, au Congo Brazzaville, en Algérie, aucune gouvernance ne fonctionne. Les régimes sont installés depuis des décennies, mais il n’y a pas de gouvernance qui fonctionne. Il y a 14 ans, j’ai écrit un livre blanc sur la coopération et la solidarité internationale. Ce livre s’intitulait « Pour une coopération de sociétés à société ». Il se penchait sur la coopération des ONG, des syndicats, des pays, etc. A Coordination Sud, notre premier objectif, c’est de donner des moyens à la société civile sur place. Nous devons enfin faire le constat de l’interdépendance de notre société. On ne peut pas faire l’économie de cette coopération. Les valeurs de la solidarité internationale sont à promouvoir totalement dans un cadre de la mondialisation ou la compétition est mise au premier rang. Emmanuel Poilâne (directeur de la fondation France Libertés) J’ai beaucoup de respect pour Coordination Sud, qui est sur le terrain depuis 20 ans. Pour répondre à la première question « où étions nous pendant les révolutions » : on y est. J’étais au Tchad, en Guinée, au Niger, à Madagascar pendant les troubles. Quoi qu’on fasse, quand on ne va pas suffisamment vite, les révolutions sont là. On ne peut pas imaginer que des pays nombreux, où la majorité de la population a moins de trente ans, ne vont pas exploser. Sur la question des OMD qui ne seraient qu’un « filet social » : oui et non. Quand on a axé les OMD sur la santé et éducation, on les a axé sur le business (écoles, médicaments), et on n’a pas choisi de mettre en avant l’accès à l’eau, la biodiversité, alors que c’est un préalable. Sur l’agriculture : la France a abandonné ce champ-là. Il n’y a plus de coopérants et on ne fait que donner de l’argent. Il faut absolument faire de l’échange de ressources humaines aussi. Et il faut penser à l’échange dans les deux sens, et à ce que les Français ramènent chez eux, après ces échanges. Nous souffrons d’un climat de peur et de méconnaissance terrible en France, qui gagnerait à multiplier les échanges. Ce qu’on ramène de nos voyages au sud, c’est aussi de la bonne volonté. Thomas Mélonio (Pôle International du PS) Qu’en est-il de la coopération militaire et de la coopération monétaire ? La France est présente à travers ses bases militaires. Lionel Jospin a fermé la base en Centrafrique. Quel avis de Coordination Sud ? Le Franc CFA, est encore garanti par le Trésor Français. Y aura t il un « deuxième âge » de la coopération ? Pour répondre à Emmanuel Poilâne, sur le business de l’école et de la santé : je ne suis pas d’accord. L’eau aussi, c’est un business. Je suis mal à l’aise quand j’entends que les secteurs sociaux sont des questions de business. Est-ce que l’idée d’un « filet social » mondial est un problème pour les socialistes ? Moi, ça ne me dérange pas, en tant que socialiste. Kako Nubukpo Sur la cohérence des politiques, je souscris totalement. J’ai travaillé 10 ans sur le développement, et c’est effectivement un axe crucial. Dans la zone UEMOA, on a fait le « désarmement tarifaire », on a réduit les droits de douane, on a une monnaie surévaluée, de l’ordre de 20%, rattachée à l’Euro, et en même temps on aspire à être compétitif. Ca ne fonctionne pas. Regardons le coton : le textile chinois

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a tué les embryons de ces industries dans la zone. Or il y a des dizaines de millions d’africains qui vivent du coton. Aujourd’hui, on transforme 3% du coton, on voudrait en transformer 25%. C’est dans la transformation qu’on crée des emplois. Dans ce dossier, par exemple, la France a été absente. C’est des ONG comme OXFAM qui ont mené le dossier, en disant par exemple qu’il faut annuler les subventions. Mais cette position est une bêtise. Sur le franc CFA : nous sommes restés sur une logique un peu trop coloniale. Aujourd’hui, 5000 milliards de francs CFA sont logés à Paris (cela représente des centaines de milliards d’euros) en échange de la garantie du taux de change fixe. Ne peut-on pas faire un meilleur usage de l’argent qui dort à Paris ? Couvert à 112%... C’est une des facettes de la Francafrique. Ca permet aux barons africains d’acheter du champagne. Ca permet à la France d’imprimer les billets de banque et d’avoir encore de l’influence. Un militant d’OXFAM OXFAM n’a pas eu ce rôle-là sur le coton. C’est sur les subventions à l’exportation qu’on s’est battu. Les conséquences des subventions à l’exportation. On a voulu mobiliser sur le thème « Une vache anglaise reçoit plus d’argent qu’une vache africaine. » OXFAM n’est pas une machine à supprimer des subventions au Nord et de l’aide publique au Sud. Nous travaillons sur la politique agricole de l’Afrique de l’Ouest. Sébastien Mosneron Dupin Qu’est ce que serait une politique de coopération alternative ? Est-ce qu’on continuerait la politique africaine de la France ? Elle se caractérise par sa durée et sa stabilité. Est-ce qu’on continuerait la politique d’annonces et de gesticulation ? La France s’est engagée à consacrer 0,7% de son PIB pour 2015. On n’y est pas. Les anglais les atteindront parce qu’ils s’en sont donnés les moyens. Que fait-on de ces annonces, qui nous engagent bien au delà de 2012 ? Quelles sont nos priorités ? Tous les pays les moins avancés (PMA) ont vocation à faire partie des priorités, mais on n’en a pas les moyens. Qu’est ce que cela implique d’avoir des pays prioritaires ? Quels sont les critères ? Est-ce qu’on continuera la politique de « co-développement » et son angle actuel à travers la politique de l’immigration ? C’est quoi l’alternative ? Puisqu’on verse beaucoup dans les programmes multilatéraux, il reste 10 millions d’euros par pays et par ans (on est 6ème bailleur du Mali). C’est quoi l’alternative ? Les secteurs de l’éducation et de la santé tellement prioritaires qu’ils assèchent les autres secteurs (agriculture, urbanisme, eau, assainissement). Emmanuel Poilâne (directeur de la fondation France Libertés) Théoriquement je suis d’accord sur le fait que les objectifs « santé » et « éducation » sont importants. Mais je ne suis pas d’accord sur la mise en œuvre. On a fait des écoles, des constructions, du béton. Mais à l’arrivée le niveau n’est pas à la hauteur de l’investissement fait. C’est le problème de la réalité vécue. Les programme sida, par exemple, ça ne marche pas. On les a mal ciblés, sur Madagascar par exemple, alors qu’il n’y a pas de cas à Madagascar. Pouria Amirshahi (secrétaire national du PS) L’accaparement des terres est maintenant le résultat de stratégies d’Etat, et non plus de firmes. C’est dangereux pour la pollution, pour l’appauvrissement des terres, et cela pose surtout un problème d’auto suffisance alimentaire. Jean-Louis Vielajus (président de Coordination Sud) Le discours de l’invasion barbare revient. C’est épouvantable. Dans ce contexte, ce qu’on va dire compte. Il faut trouver une façon de démystifier ce discours sur les invasions barbares. A un moment, dans le débat sur les objectifs généraux de la coopération et le développement, il était question que le premier objectif soit la sécurité. C’est dire si la question des objectifs est importante.

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Sébastien Mosneron Dupin Attention, il y a une grosse ambigüité entre « sécurité » et « contribution à un monde plus sur ». Un monde plus sur, moins d’inégalités, moins de conflits, c’est un slogan qui parle aux français. Lutter contre le sida, ça contribue à la sécurité de tout le monde. Jean-Louis Vielajus (président de Coordination Sud) On parle de stabilité, d’états de droits, de gouvernance démocratique, de biens publics mondiaux, tous ces éléments contribuent à un monde plus sûr. J’insiste sur la question de la cohérence des politiques. Il y a quelqu’un au MAE qui travaille sur la cohérence des politiques. La taille de son bureau témoigne de l’importance accordée au thème. Sur les OMD : c’est déterminant, mais sans la référence aux droits, cela restera du bricolage. Je ne suis pas contre le « filet social », mais sans les droits, on reste dans le compassionnel, et dans la coopération telle qu’on la connaît déjà. On ne peut pas lâcher les 0,7% du PIB. André Vantomme (sénateur de l’Oise) On peut pas lâcher, mais on peut pas les faire non plus, ou alors il faut nous expliquer comment ! Jean-Louis Vielajus (président de Coordination Sud) Aujourd’hui, du fait du maquillage des chiffres sur les 0,7% du PIB, on en est très loin. Cet objectif doit être maintenu. Sur le multilatéral, on met de l’argent dans des fonds dans lesquels on ne décide rien. On n’a pas les moyens d’action dans les fonds qui correspondent à l’argent qu’on y met. Les dons sont très insuffisants. Quelques millions, ce qui fait qu’on est ridicule sur le terrain. Il faut maintenir un haut niveau d’APD. André Vantomme (sénateur de l’Oise) Je suis un des deux rapporteurs du Sénat, et je fais aussi de la coopération décentralisée dans l’Oise. Dans ces débats, il y a toujours une chose qui me gène. J’ai l’impression de ne pas entendre ceux qui sont les premiers concernés, les africains. Trop souvent dans nos discours, on a l’impression que c’est nous qui décidons pour eux, avec un discours post colonial. Le problème des terres, ça concerne d’abord ceux qui sont chez eux. On peut penser que c’est scandaleux, que c’est anormal, mais qui prend des décisions ? Les gouvernants de là-bas. Alors on pose la question de la bonne gouvernance de ces pays là. On se culpabilise, on entend qu’on ne fait pas assez qu’on fait mal, mais il faut remettre au cœur du débat les pays concernés et leur expression démocratique. Ce n’est pas toujours une expression démocratique. Mais avant d’aller trop loin : l’essentiel, c’est la bonne gouvernance de ces pays-là. Dans le monde arabe : que retient on de la révolution ? Les gens prennent conscience de l’argent détourné, de la prévarication. Les contribuables français voient de l’argent par liasses et on va leur demander d’aider ces pays-là. Il faut se préoccuper de ça. Kako Nubukpo Qui décide ? C’est vous ! Les parlementaires du Nord, avec la complicité de gens comme moi. Pierre Schapira (adjoint au Maire de Paris chargé des relations internationales, des affaires européennes et de la francophonie) La coopération décentralisée, plus de 3500 collectivités locales en France la pratiquent. C’est une expertise inexploitée par le parti. Il y a des réseaux nombreux et efficaces de collectivités. Il y a des associations spécifiques sur la coopération décentralisée : AFCCRE, AIRF…

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Nous sommes dans une ère post coloniale. Depuis 45 ans, il y avait des régimes en place, avec la présence de la France, ça fonctionnait mais ca ne correspondait plus à la réalité. Avec la coopération décentralisée, on se rend compte des choses parce qu’on a un contact direct avec les choses. Un maire qui parle à un maire parle de solidarité, d’eau, de gestion des déchets, de trafics, d’environnement, etc. Partout, c’est les mêmes thèmes. Quand on dit « je donne tant de millions par an en Afrique », la question, c’est : combien de gens vont être soignés ? Idem pour l’eau : combien de gens vont bénéficier de l’assainissement ? Sur le terrain, jamais vu de différence gauche / droite sur ce thème. Les maires de gauche et de droite font la même chose. Je n’ai jamais eu une voix contre les budgets de la coopération à la ville de Paris. Kofi Annan, en 2004 : « les problèmes sont mondiaux mais les résolutions seront locales ». Dans les OMD, je me suis battu pour un 9ème objectif sur la gouvernance locale. Si il n’y a pas gouvernance locale, l’aide c’est de l’eau dans le sable. Si on ne forme pas les gens, ça ne marche pas. Si il n’y a pas formation, c’est voué à l’échec. Il faut savoir enlever son casque colonial. Pendant ces 50 dernières années, la France ne l’a pas fait. J’étais à Bamako il y a quelques jours. J’ai visité le centre de santé, construit avec l’APHP, dédié à la lutte contre le sida pour la mère et l’enfant. C’est eux les médecins. Les médecins sont maliens. Le directeur est malien. C’est ça notre fierté. Nous avons obtenu que les « autorités locales » soient ajoutées aux ONG parmi les structures éligibles aux fonds européens. Cela s’est fait en désaccord avec les ONG d’abord parce que ça s’est fait au détriment de leur budget… Remplir un dossier pour avoir de l’argent européen, c’est dur. Il faut d’abord remplir 4 pages, puis 56 pages, en bruxellois. Tout s’appuie sur la compétence de nos élus locaux français. Les collectivités locales sont reconnues sur la scène européenne et mondiale comme actrices de la coopération. Cela représente des masses d’argent importantes, mais plus facile à vérifier que les masses de l’Etat. Nous travaillons avec des experts (y compris et surtout du Sud) pour la gouvernance locale. Par exemple : pour contrôler les élections, l’état civil est géré par les collectivités locales. A Haïti, l’état civil de Port-au-Prince a été reconstruit par les maires de France. Même chose pour le cadastre, géré par les collectivités locales. A Port-au-Prince, on a été confronté à l’impossibilité de déplacer les populations parce qu’on n’avait pas le cadastre. Même chose pour l’adressage. Comment peut on recevoir le courrier sans adresse ? Avec l’AFD, on a refait l’adressage à Ouagadougou, à Niamey. Ca sert à recevoir du courrier et à prélever l’impôt… Ce sont des exemples concrets de ce que nous savons faire sur le terrain, avec des partenaires qui ont envie que ça se fasse. Le MAE a un délégué spécifique pour les collectivités locales. Le gouvernement a pris la mesure de cette dimension. Par exemple, on travaille dans ce cadre sur les nouvelles technologies au Maroc et en Palestine. N’oublions pas que l’APD, c’est 100 milliards d’euros, et que les flux des migrants, c’est 5 fois plus. On ne peut pas le guider, mais il faut former les gens sur des projets bien spécifiques. Je connais des associations parisiennes qui portent des projets solides, qui organisent le flux d’argent des migrants pour pouvoir être utile aux communautés sur place. Violette Attal-Lefi (maire adjointe à la culture dans le 12e arrondissement) Je me pose la question de la différence droite / gauche sur ces thèmes. Les discours sont tout de même différents. Par exemple sur les modes de gestion de l’eau. Aliou Barry En Afrique, émerge une nouvelle génération, très scolarisée, sans accès à l’emploi. Il y a là un grand défi à relever : comment appuyer cette génération à accéder à l’emploi ? En Afrique, un des facteurs de crise, c’est l’élection. Le plus urgent c’est l’état de droit. Les jeunes passent toujours par les ONG. Il faut une nouvelle donne : le développement doit avancer par le secteur privé.

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Kako Nubukpo 3000 forages à motricité humaine ont été faits dans le Sahel par l’UEMOA. Est-ce le rôle de l’UEMOA ? Non. Cela pose la question de la nature de l’Etat nation. Il ne pas servir d’alibi. Toute initiative est soumise au feu vert de l’Etat central (mon expérience de conseiller au Togo en témoigne). Par exemple, le Togo est un Etat qui met 50% de son budget dans la défense, et 4% dans l’agriculture. Je veux adresser un message à mes compatriotes : il faut rentrer en Afrique. A Lomé, on a ni cardiologues, ni pédiatres, ni chirurgiens : ils sont dans la banlieue parisienne. Pierre Schapira (adjoint au Maire de Paris chargé des relations internationales, des affaires européennes et de la francophonie) A propos des jumelages, il faut bien se rendre compte que la plupart datent de l’immédiat après-guerre. C’était du tourisme. Mais cela a changé. Aujourd’hui, ce sont souvent de vraies coopérations. « La coopération de papa, c’est fini ». Les moyens, les besoins, les acteurs locaux, sont différents. Les ambassadeurs ne servent qu’à ça aujourd’hui. Les échanges entre chefs d’Etat n’ont pas besoin des ambassades de nos jours. Les villes jouent un rôle. Nous avons maintenant une plate-forme, voix unique des collectivités locales en Europe. Jean-Louis Vielajus (président de Coordination Sud) On a quitté la « coopération de grand-papa », mais pas forcément la « coopération de papa »…

2. Des outils et des moyens au service de la coopération .

Capucine Edou On a peu parlé ce matin de ce qui se passe au Moyen Orient, qui est porteur de beaucoup d’espoir, et qui interroge beaucoup sur ce que l’on peut faire pour soutenir les mouvements démocratiques. Il y a des liens qui s’étaient déjà construits entre les sociétés civiles. Parmi les éléments porteurs d’espoir dans ces mouvements d’aspiration à la démocratie : le soulèvement de la jeunesse, comme l’a évoqué Jean-Louis Vielajus tout à l’heure. La jeunesse est de plus en plus nombreuse, de plus en plus formée. Cette question de la jeunesse est centrale. Elle pose la question des débouchés, de l’emploi, de la démocratie. Je voudrais insister sur les liens de société à société, les actions de coopération de société à société. Est-ce qu’on parle d’aide au développement ou de coopération ? « Aide », c’est un terme qui renvoie à du « top-down ». Comment appuyer les dynamiques existantes dans les sociétés partenaires ? Quels instruments, quels moyens financiers ? Kako Nubukpo (chef du Pôle "Analyse Economique et Recherche" de la Commission de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine - UEMOA) Kako Nubukpo est docteur en économie. Agrégé des universités, enseignant à Lomé. Economiste à la banque centrale des états de l’Afrique de l’Ouest. Economique au CIRAD (centre de coopération internationale recherche agronomique développement). Puis à Ouagadougou, pour l’UEMOA. Le thème m’intéresse beaucoup même à mon propre niveau, cela crée de la schizophrénie parce que je suis des deux cotés. J’ai eu à être alternativement et parfois en même temps dans les deux registres. 1. Nous faisons face à un processus de financiarisation. Les assistants techniques du MAE sont en train d’être supprimés. Le directeur local de l’AFD a la main sur les postes de coopérants, sur la base d’éléments plus ou moins transparents. Les coopérants sont traités comme un corps militaire. Si on ne pense pas comme il faut, on risque de perdre son poste. Tous les postes à vocation économique et sociale sont du ressort de l’AFD, qui est une banque, un établissement public à caractère économique et commercial. Son objectif reste la maximisation du profit. Le MAE a gardé des compétences sur l’influence, la gouvernance, la diplomatie, la francophonie et les instituts culturels français.

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Chacun peut mesurer le comportement de servitude volontaire des dirigeants africains. Ils font preuve d’une forme de paresse intellectuelle. Quand on vit sur un tas d’argent, il y a peu d’incitation à réfléchir sur l’optimisation du système. C’est un cadre de « domination », qui conduit à l’apparition de ce qu’on a appelé des « valets locaux ». La contrainte externe est ressentie tellement fortement qu’on se dit que rien n’est possible, qu’il vaut mieux être un bon élève du FMI ou de Paris, et que ça garantit la carrière. On observe une absence de légitimité endogène des dirigeants. La seule légitimité qu’on trouve, c’est de se mettre sous le parapluie des dominants. On assiste à une sorte d’équilibre de Nash, de gentleman agreement entre Paris qui n’a plus les moyens de sa politique, et les africains dirigeants qui ne réclament pas grand chose. L’aide au développement apparaît comme un substitut à la politique économique. Aujourd’hui, atteindre l’objectif de l’initiative PPTE (initiative en faveur des pays pauvres très endettés) devient un projet de société ! On assiste à des matraquages quotidiens sur les conditions à respecter du PPTE. Cela a des implications dramatiques. La banque centrale de l’UEMOA a abandonné toute possibilité de politique contracyclique, en s’arrimant à l’euro. Les décisions de l’UEMOA s’expliquent par ce qui se passe en zone euro, et non par ce qui se passe sur la zone ouest africaine. Le ratio crédit / PIB de 17% (en zone euro, c’est supérieur à 100%). C’est le signe d’une économique de troc. Les réserves des banques vont au delà des réserves obligatoires. Le problème, ce n’est pas les ressources, ce n’est pas l’aide, c’est l’emploi de ces ressources. D’un point de vue monétaire, on ne peut plus faire de contra cyclique. D’un point de vue budgétaire, depuis 1980, on n’a plus de politique budgétaire, les recettes doivent être supérieures aux dépenses. La Banque mondiale avait dit « oubliez l’agriculture, le marché va vous fournir ». Ca fait 20 ans qu’on a abandonné l’agriculture. Aujourd’hui, la Banque change de discours. 2. Improvisation permanente. Les Africains ne font que subir et réagir, sans aucune rationalité, aucune permanence. Il faudrait « Remettre le gouvernement dans le siège du conducteur », sauf qu’on demande au gouvernement d’appuyer sur le frein. On a assisté à une dépolitisation de la question de l’APD. 30 ans après le processus de Washington. Réforme de l’APD, on refait un nouveau consensus de Washington. La DGCID est devenue la DG mondialisation. Tout ce qui est de l’ordre du souverain, de la dette, c’est Bercy, et tout ce qui est de l’ordre de la culture, c’est le MAE. Puisqu’on estime qu’il n’y a plus de débat sur les questions souveraines. L’incohérence globale des politiques publiques pose problème. On a décidé le désarmement tarifaire dans la zone. Il n’y a plus de marges de manœuvre pour la transformation. Dans la guerre des monnaies, la question est de savoir qui va dévaluer le plus, pour gagner à l’export. En Afrique, c’est le schéma inverse. La monnaie forte, ce qui représente une subvention aux importations. Donc, la balance commerciale n’est pas équilibrée, et donc le FMI nous met sur programme d’ajustement. C’est une système de domination cohérent. 3. Il nous faut trouver des pistes pour la coopération. Les jeunes sont sans avenir, il faut bien qu’ils aillent quelque part. Par exemple : le coton. Cela fait 50 ans qu’on a fermé les usines textiles en France. On achète du coton en Afrique, prenant l’emploi africain, pour que l’Asie développe ses emplois. C’est inexplicable. Emmanuel Poilâne (directeur de la fondation France Libertés) Volontariat international : un investissement indispensable à la jeunesse française

L’intégration de la jeunesse est une préoccupation majeure dans toutes les sociétés. La possibilité offerte à la jeunesse française d'accéder à un champ de volontariat international en grand nombre depuis notamment la création par le Général De Gaulle de l’AFVP aura été une chance pour la jeunesse depuis le milieu des années 60.

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Malheureusement, cette chance est mise à mal pour des raisons purement budgétaires depuis le début des années 90.

Si Martin Hirch reste sur la voie initiale avec son ambition du volontariat en service civique, il oublie malheureusement de penser cette ambition en termes de qualité. Avec le service civique actuel, nous restons dans le sous emploi et dans l'ambition d’une jeunesse utilement occupée.

Il faut aller au-delà, investir dans les générations futures avec une ambition sociale nationale et construire une société enrichie d’une meilleure compréhension d'autres cultures pour poser un regard évolutif sur notre propre culture, notre propre société dans un monde en ébullition.

Le réinvestissement au retour des volontaires dans la société française a été prouvé par une étude du CLONG notamment dans le secteur associatif mais jamais réellement mis en valeur par l’Etat. Cela a été parfois aussi le cas dans le privé avec un bel exemple chez Mc Donald, le poste de Directeur de la Fondation ayant été occupé par un ancien volontaire. Malheureusement, cela n'a jamais été pensé pour le bénéfice de notre diplomatie.

C’est la possibilité d’imaginer dès le départ le réinvestissement des élites volontaires au sein du Ministère des Affaires Etrangères comme le font très bien les Etats Unis d’Amérique qui nous permettra d’envisager aussi l’enrichissement de la diplomatie.

Une compréhension croisée du monde est aujourd’hui indispensable aux relations internationales mais aussi aux projets politiques franco français. L’exemple actuel d’une diplomatie française à la dérive qui veut juste exister en démontrant jour après jour ne rien comprendre de l’évolution du monde dans sa diversité, démontre l’impact négatif en politique interne notamment par l’erreur d’appuyer notre politique sur la peur de l’autre.

Dans le cadre du Ministère de la Coopération du temps de la rue Monsieur, la France a longtemps porté une ambition majeure avec un corps de coopérants nombreux, liens constants entre les cultures africaines et nous.

La connaissance de ces cultures nous éloigne de la politique de la peur que j’évoquais précédemment et nous permet d'envisager l'avenir positivement dans une dimension humaniste.

Les volontaires actuellement en poste au Niger ou au Mali ne veulent pas rentrer comme leur demande le MAE. Ils résistent dans l’ombre pour continuer l’action de terrain.

Posons-nous la question de ce choix ? Est-ce par vocation ? Sont ils imprudents ?

Je ne pense pas. Il s’agit simplement d’investissements professionnels et personnels qui ne s’arrêtent pas à un épiphénomène tragique mais pour autant non représentatif de la situation de ces pays.

L’occasion est donc belle pour l’échéance de 2012 de faire trois propositions concrètes :

1. Mettre en œuvre un budget important pour le volontariat français à l’image de celui des japonais et des américains : mettre les moyens ou se trouvent les enjeux de demain car seule une jeunesse engagée et consciente de la réalité du monde apportera des solutions à notre pays.

2. Lancer un plan de communication pour engager la jeunesse française à s’intéresser à la nécessité du volontariat civique en France, peut être le rendre obligatoire comme en Allemagne et placer haut l’ambition du volontariat international permettant à au moins 20 000 jeunes par an de partir.

3. Faire du réinvestissement de ces volontaires au retour de mission une ambition forte du MAE en interne de la diplomatie française, dans le secteur associatif et dans le secteur privé en mettant en avant la capacité d’adaptation qu’apporte une expérience de longue durée à l’étranger.

Pouria Amirshahi (secrétaire national) Nous avons une difficulté d’ordre budgétaire : le service civique, cela va couter 4 milliards d’euros. C’était une promesse des deux candidats en 2007. Comment on peut faire pour élaborer une montée

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en charge sur 10 ans d’un vrai corps national de service civique obligatoire ? Comment on fait financièrement ? Combien ça coûte et pour quels effets bénéfiques pour la société à long terme ? Emmanuel Poilâne (directeur de la fondation France Libertés) Le volontariat, ce n’est pas cher, c’est 400 euros par mois. Mais en enrichissement personnel des jeunes, ça n’a pas de prix. Dans les programmes politiques, souvent, les questions de jeunesse sont une transversale, et pas un pilier, c’est dommage. André Vantomme (sénateur de l’Oise) Je fais de la coopération décentralisée à Madagascar, au Liban, et peut être en Slovaquie. Je corapporte le budget de la coopération et de l’aide au développement au Sénat. Quel est le rôle et la place de la France dans le Monde ? Nous sommes une grande puissance, nous l’avons été, nous sommes parmi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité… Mais la situation nous est devenue moins favorable. Dans le concert des nations, notre place régresse. En 2012, nous aurons à répondre à cette question, parmi beaucoup d’autres. Regardons les chiffres de la France : 1600 milliards de dette, 52 milliards de déficit du commerce extérieur (Allemagne, 200 milliards d’excédents). La situation économique et sociale n’est pas florissante… Il faut se poser la question des outils, des moyens, des objectifs. La coopération décentralisée peut être mobilisée. Nous sommes bons dans ce domaine. Il y a là des gens qui pourront se mettre au service de nos ambitions si nous savons leur proposer des outils. Les outils diplomatiques peuvent être mobilisés. La RGPP a fait beaucoup de dégâts. Alain Juppé signait il y a peu avec Hubert Védrine une tribune pour dire halte au feu3. On a serré les boulons dans tous les domaines. Nous devrons restaurer l’outil diplomatique. Et nous devons utiliser les outils bilatéraux ou multilatéraux. Nous sommes dans un paradoxe : on est pro européen. Et on se pose vite des questions sur l’action multilatérale européenne. Le bilatéral a été amoindri de manière significative. Les crédits consacrés à l’APD bilatérale ont été sacrifiés. Ce sont des comportements qui vont à l’opposé du discours tenu. L’effort sur l’Afrique subsaharienne n’a cessé de décroitre : 74% en 2006, 62% 2007, 53% 2008. Depuis des années, les ministres tiennent le discours du respect des 0,7% du PIB, tels qu’ils apparaissent dans les OMD. Le calendrier est glissant, l’objectif de 2012 vaut maintenant pour 2015. Sauf à faire une explosion fiscale, on n’arrivera pas aux 0,7%. Il nous faudra donc dire comment on va faire. Il existe des marges de manœuvre. On va enlever à Pierre pour mettre plus à Paul. Il faut être assez habile pour dire qu’on ne va pas raser gratis, mais sans désespérer Billancourt. L’AFD est un outil extraordinaire. Le document cadre nous permet de dire que l’AFD ne peut plus vraiment faire sans les parlementaires. Je vous renvoie au rapport d’information, et à la contribution des sénateurs au document cadre sur la coopération, publié. La crise du monde arabe a fait apparaître que les prévaricateurs avaient d’excellents résultats. Cela doit nous interpeler. Il faut insister sur la lutte contre les paradis fiscaux et contre la prévarication. Le contribuable français supportera mal que les dépenses publiques en la matière soient mal dépensées. Hervé Gabriel Casadier (militant PS XVe) Kako Nubukpo a été trop poli. In fine, si on va plus loin, ce sont les pays pauvres qui financent les pays riches. Ce sont les multinationales qui gèrent la politique internationale de la France. Bacho Eli (enseignant chercheur jeune retraité)

3 http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/07/06/cessez-d-affaiblir-le-quai-d-orsay_1383828_3232.html

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Les anciens doivent être écoutés. Gardons le devoir de mémoire. Chaque pays africain qui a du pétrole ça ne lui apporte que du malheur. Le remède, c’est la démocratie. Najet Mizouni La France a un rôle énorme qu’elle ignore, qu’elle ne joue pas. Parlons de la francophonie ! Les cerveaux du lycée français de Tunis partent faire leurs études aux Etats-Unis. Kako Nubukpo Le rapport entre la France et l’Afrique est passionné. On n’est jamais neutre avec la France, en Afrique. En savoir plus sur les organisations présentes : Agrisud : http://www.agrisud.org/ CCFD-Terre solidaire : http://ccfd-terresolidaire.org/ La Cimade : http://www.cimade.org/ Coordination sud : http://www.coordinationsud.org/ CRID : http://www.crid.asso.fr/ Fondation France Libertés : http://www.france-libertes.org/ Médecins du monde : http://www.medecinsdumonde.org/ OXFAM : http://www.oxfam.org/fr !