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Compte-rendu de la session Sport et activité physique : les bienfaits de la pratique, au-delà de la santé physique Paris – Centre universitaire des Saints Pères 6 juin 2013 Modérateurs : Gilles VIEILLE-MARCHISET, Université de Strasbourg, Patrick MAGALOFF, Comité national olympique et sportif français, Jean-Philippe ACENSI, Agence pour l’éducation par le sport

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Compte-rendu de la session Sport et activité physique : les bienfaits

de la pratique, au-delà de la santé physique

Paris – Centre universitaire des Saints Pères

6 juin 2013

Modérateurs : Gilles VIEILLE-MARCHISET, Université de Strasbourg, Patrick MAGALOFF, Comité national olympique et sportif français, Jean-Philippe ACENSI, Agence pour l’éducation par le sport

   

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Sport et activité physique : les bienfaits de la pratique, au-delà de la santé physique

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Introduction Gilles VIEILLE-MARCHISET Professeur des universités à l’université de Strasbourg

A l’occasion de cette session des Journées de la prévention, nous réfléchirons sur le sport, au-delà de l’idée de compétition, en évoquant une série de projets de loisirs sportifs. L’activité physique recouvre des réalités bien plus larges que le sport. En effet, l’activité physique correspond à un ensemble d’activités du quotidien qui participe, dans une approche holistique( non pas seulement strictement médicale) de la santé, à la prévention de la maladie, mais également au bien-être et à une qualité de vie générale. Pour aborder ces problématiques de la santé et de l’activité physique, nous adopterons en premier lieu ce que Claude Lévi-Strauss désignait comme « un regard éloigné » au travers d’une mise en perspective historique de ces notions, proposée par Antoine Radel. Puis, nous adopterons une focale européenne en évoquant les programmes de promotion de la santé par l’activité physique. Ensuite, nous donnerons la parole aux acteurs de terrain qui œuvrent à la promotion de la santé par les activités physiques. Ceux-ci nous présenteront leurs projets, leurs partenariats et les publics ciblés, parmi lesquels les publics les plus éloignés de la pratique d’activité physique (populations précaires, en situation de handicap, etc.).

Un regard historique du « sport-santé » : 50 ans de campagnes de prévention par l’activité physique

50 ans de mobilisations pour le « sport-santé »

Antoine RADEL Université Paul Sabatier, Toulouse

Les catégories du sport et de la santé ont engendré, au cours de l’histoire, des temps forts de mobilisation qu’il est possible d’analyser sous l’angle de campagnes et notamment de campagnes d’éducation pour la santé. L’angle de ma thèse reprend le point de vue du ministère de la Santé, du Comité français d’éducation pour la santé (CFES) et de l’assurance maladie. Mon approche ne prend pas en compte les mobilisations qui engagent le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et le ministère de la Jeunesse et des Sports. A différents moments de l’histoire, des configurations particulières ont cristallisé des conceptions spécifiques du rapport entre sport et santé. Dans ce cadre, il convient de caractériser pour chacune de ces périodes l’importance accordée à la notion de sédentarité comme problème public et d’analyser les stratégies éducatives et discursives déployées à l’occasion des campagnes sanitaires. Ce décryptage implique une analyse des savoirs, des experts mobilisés et des représentations sociales soutenant chacune de ces campagnes de prévention. Au cours des 50 dernières années, il est possible d’identifier trois temps forts de mobilisations en matière de « sport-santé » ainsi qu’un intérêt grandissant pour les activités physiques comme facteur sanitaire.

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Les films de prévention de la période 1960-1980

Des années 1960 jusqu’au milieu des années 1980, un ensemble de films de prévention a été édité par l’assurance maladie et le CFES. Au cours de cette vingtaine d’années, c’est ainsi 1 200 à 1 300 films qui ont été édités. Parmi ces films, peu nombreux sont ceux qui ont trait à l’activité physique et sportive même si leur proportion double au cours de la période en question. Cette faiblesse relative s’explique par une éducation hygiéniste d’après-guerre, centrée sur les grands fléaux sociaux tels que la tuberculose au détriment du cancer ou du tabac. Il existe alors peu d’inquiétudes sur le « manque d’activité physique », formule alors privilégiée à la notion de sédentarité. Les films relatifs à l’activité physique prennent à cette période une forme informative et sont dépourvus d’informations pratiques. Ils reprennent le postulat selon lequel le sport est bon pour la santé mais sans plus d’approfondissement. Malgré la diversification de ces films au cours des années 1980, le format apparaît rapidement désuet en comparaison avec les premières campagnes médiatiques d’éducation pour la santé qui émergent et ouvrent un nouveau temps fort de mobilisation pour le « sport-santé ».

Figure 1 : Les mobilisations sport-santé

Les premières campagnes médiatiques des années 1980

En effet, au cours des années 1980, trois campagnes médiatiques développent pour la première fois une incitation à la pratique physique et traitent de la sédentarité selon le modèle du mass media et du marketing social. Ainsi, la campagne « Votre santé dépend aussi de vous » de 1980 correspond aux prémices d’une implication des usagers dans leur santé physique. En 1984, la campagne « Bougez-vous la santé » réaffirme les avantages du « sport-santé » et traite exclusivement du thème de la sédentarité. En 1985-1986, la campagne « Bouge ton cœur », menée en collaboration avec la Fédération française de cardiologie (FFC), traite de l’activité physique sous l’angle de la diminution des maladies cardio-vasculaires. Ces campagnes, fondées sur l’utilisation de slogans visant à la rétention des informations par le public, reposent également sur la répétition de spots télévisuels sur des périodes courtes.

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Figure 2 : Affiche de la campagne Bougez-vous la santé Les années 1980, période de crise économique et de fin des Trente Glorieuses, constituent une époque propice à la mise en valeur de la prévention à des fins de réduction des dépenses de santé. Dans ce contexte favorable aux campagnes de prévention, le CFES se questionne sur la légitimité et les conditions d’intervention au travers de programmes de prévention. Dans le même temps, les connaissances sur la sédentarité et l’activité physique se renouvellent, apportant une nouvelle vision de la pratique physique, notamment par l’intermédiaire du renouvellement des savoirs en cardiologie. Dans ce contexte, des programmes tels que les Parcours du cœur engagent dès 1975 les populations à « s’activer ». La sédentarité, problème public « en construction », émerge ainsi par le biais de la cardiologie, en premier lieu par une mise à l’agenda relativement confinée, les cardiologues considérant à cette époque le corps comme une machine à entretenir sous peine d’encrassement.

Des années 2000 marquées par le Programme national nutrition santé

Au cours des années 2000, la problématique de l’activité physique comme facteur sanitaire émerge de façon concrète à travers le Programme national nutrition santé (PNNS) engagé en 2001. Le PNNS consacre la sédentarité et l’alimentation comme facteurs de risque sanitaire. A partir des années 2000, l’influence des cardiologues tend à diminuer au profit d’une approche nutritionniste envisagée sous l’angle d’une balance énergétique articulant activité physique et alimentation. Le PNNS fixe consécutivement un seuil de 30 minutes par jour de pratique physique pour dédramatiser l’effort physique et responsabiliser les individus, au premier rang desquels les publics dits vulnérables (seniors). Le ciblage du public senior entend par ailleurs contribuer à la lutte contre l’isolement et au retardement de la dépendance. La sédentarité fait ainsi l’objet d’une mise à l’agenda politique officielle au cours de cette période dans le cadre d’une lutte contre l’obésité. Elle est notamment mise en exergue par les recherches de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de l’Union européenne (UE) qui feront émerger la problématique de la coordination des partenaires impliqués dans la promotion du sport à différentes échelles.

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Le PNNS « routinise » une pratique physique « opportuniste » qui légitime de nouvelles formes d’exercice (bricolage, ménage, jardinage…). Par ailleurs, la pratique sportive traditionnellement de plein air est réinscrite dans la vie quotidienne et l’aire urbaine (trajets domicile-travail) dans une reconfiguration de l’espace-temps de la pratique. Cette reconfiguration amène les urbanistes et les responsables politiques à repenser l’organisation spatiale des milieux de vie (pistes cyclables, espaces verts…) pour favoriser la pratique sportive.

Le « sport-santé », un concept évolutif

Pour résumer, les experts sollicités au cours des 50 dernières années évoluent d’une domination sans conteste de l’expertise médicale à l’intégration des chercheurs des Sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS). Les formats de la campagne évoluent pour leur part de films télévisés à une diversification des formats. La logique éducative glisse par ailleurs d’une logique d’information à une logique de responsabilisation et de modification de l’environnement de l’individu tandis que la sédentarité est de plus en plus évoquée comme un facteur de risque. Enfin, les recommandations autrefois centrées sur des activités de base (cyclisme, natation) ont évolué avec l’affirmation d’une pratique « opportuniste » considérant l’ensemble des formes de dépense énergétique.

Figure 3 : Une vision d'ensemble des campagnes « sport-santé » D’un format sanitaire « en pointillés », les campagnes développent aujourd’hui une prévention en continu tandis que nous observons un glissement d’une conception du manque d’activité comme tare à l’approche d’une sédentarité comme facteur de risque. Par ailleurs, une quantification de la « bonne manière » de pratiquer est apparue dans une stratégie d’incitation d’un effort quotidien et mesuré.

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Le « sport-santé » au carrefour des politiques publiques

Divers travaux et programmes font aujourd’hui apparaître l’objectif du développement de l’activité physique. En 2008, le Plan national de prévention par l’activité physique et sportive (PNAPS) invitait à prendre en compte les facteurs environnementaux et à agir sur les contraintes pesant sur l’individu. De la même manière, le Plan national santé-environnement (PNSE) 2009-2013 entend favoriser les modes de déplacement doux et revoir l’organisation spatiale de la ville pour engager les populations dans la pratique physique, réduire la pollution et favoriser la cohésion sociale. Enfin, le Plan national Bien vieillir (PNBV) a vocation à retarder la déchéance physique et la dépendance à autrui des personnes vulnérables, afin notamment de réduire les coûts de sécurité sociale et de mieux vieillir. Plus que jamais, la problématique de l’activité physique apparaît ainsi au carrefour des politiques publiques.

Figure 4 : Dispositif de fléchage urbain1

Echanges avec la salle

Activité physique ou sportive ?

De la salle (Christophe CANINO, professeur d’éducation physique et sportive, ministère de l’Agriculture) Avez-vous volontairement éludé le terme « sportif » de votre présentation ? Par ailleurs, pouvez-vous expliquer le choix d’un seuil de 30 minutes d’activité physique ? Antoine RADEL J’ai volontairement éludé le terme « sportif » qui génère souvent de longs débats. Au cours des années 1980, les termes de « sport » et de « pratique sportive douce » étaient employés. Depuis, la formule « d’activité physique » est privilégiée, car elle englobe des formes de dépense physique qui ne sont pas nécessairement sportives. De plus, mon angle d’approche est celui de l’éducation pour la santé qui n’a pas d’ancrage particulier dans le champ sportif. S’agissant du seuil d’activité physique, le PNNS préconise 30 minutes d’activité physique pour les adultes mais retient le seuil d’une heure d’activité quotidienne pour les enfants. Les études scientifiques ayant conduit à ce critère raisonnent en termes de Metabolic Equivalent of Task2

1 L’Inpes a mis en œuvre un dispositif de fléchage urbain en 2010 développé par plusieurs villes. Ce dispositif invite à repenser l’organisation de la ville et la réinscription de l’effort physique dans l’espace urbain. En présentant le temps de déplacement et non la distance, ce dispositif entend dédramatiser le déplacement et engager les publics dans l’effort physique 2 Le MET ou équivalent métabolique correspond à une méthode permettant de mesurer l’intensité d’une activité physique et la dépense énergétique. Le MET est défini comme le rapport de l’activité sur la demande du métabolisme de base

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(MET). Néanmoins, le tableau MET disponible sur le site de l’Inpes fixe un seuil quotidien de 20 minutes d’activité intense par jour. Ce seuil générique illustre un processus qui consiste à partir des résultats d’études scientifiques pour opérer une vulgarisation et une transposition des activités sportives à la sphère domestique dans les programmes nationaux. Gilles VIEILLE-MARCHISET Vous évoquiez l’influence des préconisations à l’échelle internationale. Dans ce contexte, quelle est l’influence de documents comme les chartes d’Ottawa ou de Toronto3 sur l’évolution du « sport-santé » en France ? Antoine RADEL Cette question conduit à s’interroger sur la place de l’OMS. En 2002, l’OMS a identifié la sédentarité comme un facteur de mortalité, de morbidité et d’incapacité à l’échelle mondiale, lui attribuant deux millions de décès par an. Entre 2002 et 2006, deux journées mondiales de la santé ont consécutivement été consacrées au mouvement et l’OMS a été déterminante dans la mise à l’agenda politique de la sédentarité. De la même manière, l’UE a conçu des baromètres visant à décrypter les représentations et les pratiques physiques effectives des Européens. Gilles VIEILLE-MARCHISET A la suite de cette mise en perspective historique, Monica Aceti abordera la diffusion et la réception des programmes de promotion de la santé par les activités physiques au sein de quartiers défavorisés de quatre pays européens.

Des programmes de promotion de la santé par les activités physiques appliqués à des quartiers défavorisés en Europe :

Analyse comparative

Monica ACETI Docteur en anthropologie, Universités de Strasbourg et de Fribourg

Les résultats exploratoires de l’étude4 que je m’apprête à vous présenter concernent quatre quartiers reconnus défavorisés et situés à Strasbourg en France, à Fribourg en Suisse, à Naples et à Freiburg en Allemagne. L’objectif de notre enquête est de relever les pratiques de santé des individus de ces quartiers et les valeurs émises dans les programmes nationaux de promotion de la santé. Il s’agit d’identifier les congruences mais surtout les décalages entre la vision véhiculée par les programmes de promotion de la santé et les modes de vie des habitants des quartiers défavorisés.

3 La charte d’Ottawa pour la promotion de la santé a été établie à l’issue de la première conférence internationale sur la promotion de la santé qui s’est tenue du 17 au 21 novembre 1986. La charte de Toronto pour l’activité physique, établie en mai 2010 à l’issue de la troisième conférence internationale sur l’activité physique et la santé publique, est un appel invitant tous les pays à faire de l’activité physique une priorité. 4 Cette intervention correspond à une présentation des données exploratoires d’analyses comparatives entre différents programmes nationaux de promotion de la santé en particulier en Suisse, en Italie et en Allemagne. L’étude des programmes nationaux de promotion de la santé s’inscrit dans le programme Initiative d’excellence (IDEX), intitulé « Activités physiques et promotion de la santé : une injonction normative à l’épreuve de la pauvreté en Europe »

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Pour ce faire, il est nécessaire de prendre en compte la diversité des rapports à la santé, différents en fonction des âges, des biographies, des itinéraires personnels et professionnels mais aussi des contextes historiques, géographiques, économiques et socioculturels. A cet égard, Robert Castel enjoignait de relier la pauvreté à l’évolution du rapport au travail. Il convient en effet de penser la santé et la pauvreté en lien avec les activités physiques afin d’éclairer les conditions du mouvement pour la « bonne santé ». Notre axe d’analyse s’articule ainsi autour du mouvement en faveur de la santé mais tient cependant compte des pratiques de sédentarité et de « mauvaise santé ».

D’une vision positive de la corpulence à une conception négative de l’obésité

En matière de lien entre santé et alimentation, l’histoire drôle Der Struwwelpeter (Cf. figure 5) illustre le passage en un siècle d’une vision positive de la corpulence à une conception négative de l’obésité relayée par la campagne suisse de prévention contre l’obésité « Poids corporel sain ».

Figure 5 : Der Stuwwelpeter, Heinrich Hoffmann 1917

Figure 6 : Affiche de la campagne de prévention du surpoids « Poids corporel sain » En effet, le récit d’Heinrich Hoffmann met en scène un petit garçon replet qui refuse de manger sa soupe et devient à la fois maigre et faible et finit par ressembler à une aiguille et par mourir. La corpulence de l’enfant, son « embonpoint » étymologiquement significatif, est perçue de manière positive. Un siècle plus tard, la campagne « Poids corporel sain » emploie a contrario le procédé narratif du hors-champ, qui cache ce qui est par définition monstrueux et désigne l’enfant obèse par des objets aux dimensions augmentées.

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Projection d’un spot publicitaire d’une campagne suisse de lutte contre le surpoids infantile Dans la même veine, une autre campagne utilise le procédé du ciblage en mettant en scène une photographie de classe avec des enfants en surpoids. L’obésité est dans ce cadre abusivement associée à une maladie par la formule « épidémie ». Les travaux scientifiques italiens attestent avant tout d’un problème5 : les familles de la région riche du Val d’Aoste ont deux fois moins d’enfants de 8 et 9 ans en surpoids que la région pauvre de Campanie. Une étude de la répartition du surpoids fondée sur les techniques de géolocalisation à l’échelle du canton de Genève6 explique pour sa part que « votre poids dépend de celui de vos 30 voisins ». Autrement dit, en fonction des revenus liés à un lieu d’habitation, des clusters forment des « poches d’obésité dans des régions suburbaines » alors qu’un couloir de minceur se situe dans les beaux quartiers de la rive gauche du Lac Léman.

Quel est le public-cible des programmes de promotion de la santé ?

Au regard de cette problématique associant pauvreté et obésité, nous avons souhaité identifier le public-cible des campagnes de prévention. A titre d’exemple, le programme allemand Förderung von gesunder Ernährung und mehr Bewegung cible ostensiblement la famille dans une représentation traditionnelle et patriarcale tandis que certains programmes suisses s’adressent davantage aux professionnels de l’enfance.

Figure 7 : Affiche de la campagne Förderung von gesunder Ernährung und mehr Bewegung En Italie, une campagne de prévention valorise la responsabilité et la prise en charge de soi en mobilisant un environnement verdoyant, hygiénique et upper-class incitant à un style de vie sain et embourgeoisé.

5 Rapport Istisan 2010, OKkio alla salute 2008… 6 Etude « bus santé », unité d’épidémiologie populationnelle des Hôpitaux universitaire de Genève (HUG)

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Figure 8 : Affiche d’une campagne de prévention du surpoids en Italie La campagne « Manger bouger » met pour sa part en scène 12 individus sautant énergiquement dont six sont visiblement métis ou noirs, dans une apparente volonté de ciblage multiculturel.

Figure 9 : Visuel de la campagne « Manger bouger »

Quelles sont les stratégies de communication des programmes de promotion de la santé ?

Les stratégies de communication varient selon les pays et les campagnes. Ainsi, les campagnes oscillent entre la mise en scène du mouvement au travail, du surpoids comme repoussoir et l’emploi de situations cocasses. Projection d’un spot du programme italien de promotion de la santé Ce spot met en scène la figure charismatique du sélectionneur national de l’équipe de football Claudio Cesare Prandelli, modèle de réussite qui réunit les Italiens autour de la passion du football. Ce spot cible avant tout un public masculin. En outre, il met en lumière le lien intergénérationnel. Les décors du spot représentent les ruines glorieuses de l’Italie et la beauté préservée de la Toscane dans une représentation conviviale, traditionnelle et nostalgique de l’Italie. Une ambiance d’antan, d’âge d’or également présente dans le spot de l’Inpes La craie comme souvenir d’une époque aux valeurs positives, sécurisantes, de déplacements à pied.

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La stratégie prioritaire de promotion de la santé serait ainsi celle d’une exemplarité modérée, réalistement applicable au quotidien et accessible à tous sans difficultés. Néanmoins, la mobilisation de seuils d’activités n’est pas exempte d’une stratégie coercitive de culpabilisation. De manière générale, les stratégies de promotion de la santé s’articulent aussi bien autour de l’humour, de la menace, du rejet, du désir, de l’exemplarité que de l’imaginaire ou encore de la force de la volonté comme dans le spot suivant. Projection d’un spot du programme italien de promotion de la santé Ce spot montre une personne se tirant de la main pour aller faire du sport, une main volontaire révélatrice d’une difficulté à se mettre en mouvement. La nature est une nouvelle fois hygiénique et la jeune comédienne finit par courir avec le sourire.

L’activité physique comme « capital salutaire »

Un capital salutaire à faire fructifier par l’activité physique : du « sujet flottant » à l’entrepreneur de sa propre santé

La perspective déterministe d’une mauvaise santé liée au milieu pourrait ainsi être modifiée selon ces messages par les sources d’informations (pairs, entourage, école…), par sa propre volonté ou par les offres de santé, dans une rupture des habitus des individus. Ces stratégies de communication mobilisent le concept de « capital salutaire », défini comme l’ensemble des pratiques (physiques, alimentaires, styles de vie,) qui permettent d’investir dans la « bonne santé ». Néanmoins, ce concept pose la question des limites du retardement du vieillissement des corps et des processus morbides, grande problématique politique, sociale et transhumaniste (l’homme-cyborg). Par ailleurs, ce concept pose la question centrale en sociologie des bénéficiaires de ce capital et de ce style de vie upper-class. Selon Michel Wieviorka, le sujet peut ne pas avoir la possibilité de se transformer et devenir un « sujet flottant ». Dans une perspective de sociologie des transformations, il convient en effet de s’interroger sur les modalités du passage de la condition de « sujet flottant » à celle « d’entrepreneur de sa propre santé ». Notre projet de recherche consistant à relever les écarts entre, d’une part, les valeurs émises par ces programmes et les activités de santé effectives au sein des quartiers, nous croiserons une analyse des programmes de santé et des entretiens avec les responsables des programmes avec une observation participante des programmes locaux de promotion de la santé. Par ailleurs, nous réaliserons des focus groups avec des jeunes des quartiers et leur entourage afin d’analyser les habitus familiaux et les logiques de transmission. Dans une perspective urbanistique, nous effectuons des observations ethnographiques par des recueils photographiques qui laissent apparaître des environnements urbains très divers. A titre d’exemple, le quartier de Villars-Vert à Fribourg est encerclé par la campagne et l’autoroute tandis que le quartier napolitain est plus urbain et pauvre.

Les obstacles aux changements de comportement en matière de santé

Face à la diversité de ces contextes, notre objectif est de faire émerger des données sur ces « sujets flottants » et de comprendre les obstacles à la transformation de ces sujets en acteurs de leur santé. Dans cette perspective, il s’agira notamment de comprendre leurs priorités

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existentielles. Au-delà des contraintes structurelles, il s’agira de s’interroger sur le passage d’un « corps dur », entendu comme propension à résister à toute injonction de changement à un « corps mou »7, comme comportement labile et modifiable. Des auteurs comme Sophie Le Garrec, à propos de l’alcool chez les jeunes, ou comme Jean Constance et Patrick Peretti-Wattel, sur le sujet de la cigarette parmi les chômeurs de milieu populaire, démontrent de quelle manière l’injonction à la « bonne santé » ne diminue aucunement la consommation d’alcool ou de tabac. En l’occurrence, Sophie Le Garrec remarque que l’effet exutoire et le lien social sont plus importants que l’investissement dans la « bonne santé ». De plus, ces jeunes en formation sont tellement dans l’anticipation qu’ils ne prennent pas en compte l’investissement dans le capital salutaire à l’occasion d’événements festifs. La cigarette permet quant à elle de ponctuer la journée du chômeur par des rituels et de créer des micro-liens sociaux par des échanges de cigarette. Ces motifs a priori dérisoires constituent néanmoins des pistes explicatives au rejet des injonctions en matière de « bonne santé ».

Echanges avec la salle

Gilles VIEILLE-MARCHISET Cette présentation révèle les résistances, souvent issues des fractions sociales populaires et vulnérables, aux messages véhiculés par ces campagnes. De la salle (Christophe CANINO) A la suite de cette étude, avez-vous pu mesurer l’impact de ces campagnes par des résultats qualitatifs et quantitatifs ? Monica ACETI Notre étude ne s’applique pas à vérifier l’efficacité des programmes de promotion de la santé mais vise à comprendre les valeurs théoriques émises par ces programmes en relation avec les pratiques effectives d’enfants de 8 à 10 ans.

Le sport-loisir comme levier éducatif et social de santé publique

De la salle (Frédéric LE CREN, Fédération nationale entraînement physique dans le monde moderne – FFEPMM - Sport pour tous) Vos exposés révèlent une quasi-inexistence, au sein des programmes, du sport-loisir en club et en groupe dont les aspects éducatifs et sociaux constituent pourtant des leviers cruciaux en matière de santé publique. Monica ACETI Absolument, mon exposé était concentré sur les programmes qui ne ciblent quasiment pas le sport en club et le lien social, qui peut durablement amener les individus à s’engager dans une pratique de santé.. En revanche, notre étude examinera sur les terrains l’application des programmes locaux de promotion de la santé qui revêtent une dimension sociale importante. A titre d’exemple, j’étudie actuellement un programme à Fribourg qui emprunte essentiellement une voie sociale et éducative. En ce sens, l’application pratique de ces programmes peut être différente des valeurs émises dans les programmes. Antoine RADEL

7 Muriel DARMON, 2004

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D’un point de vue historique, les années 1980 ont été le théâtre d’une concurrence entre le CFES et le ministère de la Jeunesse et des Sports avec comme conséquence des campagnes très généralistes, dépourvues de dimension sportive. Néanmoins, notre approche méthodologique par le ministère de la Santé produit un biais qui occulte le versant sportif des initiatives. Gilles VIEILLE-MARCHISET Les programmes nationaux sont davantage engagés par le secteur de la santé et mobilisent faiblement le sport associatif à l’échelle européenne, hormis en Italie où la fédération italienne de sport pour tous est engagée auprès du ministère de la Santé dans le déploiement de programmes dans les quartiers populaires. De manière générale, ces programmes font davantage référence à une activité sportive familiale et informelle. De la salle (Julie JACQUET, Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé de Mayotte) L’île de Mayotte présente un taux d’obésité et de diabète relativement important. Dans ce cadre, l’activité physique a un rôle important à jouer. A ce titre, avez-vous identifié au cours de l’étude des leviers de changements de comportement au sein des populations défavorisées ? Monica ACETI Je ne suis malheureusement pas en mesure de vous répondre, car il s’agit d’une étude exploratoire.

Coexistence des pratiques physiques et de « mauvaise santé »

De la salle (Assani MDALLAH, animateur communal à Mayotte) Certaines personnes associent pratiques sportives et consommation quotidienne d’alcool. Quel est l’impact sur leur santé ? Monica ACETI Cette question pose le sujet de l’absence de modification de comportement. De nombreux sportifs considèrent en effet la « troisième mi-temps » comme un moment indissociable de la pratique sportive. Au même titre que l’exemple de la consommation festive d’alcool des étudiants en référence aux travaux deSophie Le Garrec, les sportifs ne font souvent pas de lien entre alcool et « mauvaise santé ». De plus, l’alcool est un élément de la vie quotidienne qui est souvent bien perçu ou plutôt porté par un imaginaire positif, d’entre soi amical ou de détente.

Vers une collaboration des acteurs du sport et de la santé au service de la santé publique

De la salle (Aurélie GACHON, Direction régionale jeunesse, sport et cohésion sociale de la Région Centre) Le 24 décembre 2012, la Direction générale de la santé (DGS), la Direction des sports et la Direction de la cohésion sociale ont demandé aux Agences régionales de santé (ARS), et aux Directions régionales jeunesse, sport et cohésion sociale (DRJSCS) de rédiger conjointement des plans régionaux sport, santé et bien-être en complément d’un travail à l’échelle nationale. Des comités de pilotage composés à la fois d’acteurs de la santé et du sport valideront ces plans. Ces comités seront l’occasion d’une acculturation réciproque et d’un travail commun qui sera probablement bénéfique dans la mise en place des actions. Gilles VIEILLE-MARCHISET Cette logique de partenariat apparaît essentielle pour aller au-delà des résistances de certains publics vulnérables. De la salle (Fabienne LEMONNIER, chargée de mission en éducation pour la santé, Inpes)

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Sur le sujet de l’alcool, un diaporama réalisé avec le concours du Musée national du sport resitue la relation particulière entretenue de manière historique entre le sport et l’alcool.

Des affiches au service des actions de prévention

L’activité physique adaptée aux adultes en situation d’obésité

Sébastien GODARD Direction de la santé publique, Ville d’Angers

Le projet de la Ville d’Angers est né en 2009 à la suite d’une sollicitation du service de diabéto-endocrinologie du Centre hospitalier universitaire (CHU). Celle-ci visait à mettre en place une activité physique adaptée à ses patients, en situation d’obésité, en collaboration avec le comité départemental pour l’Entraînement physique dans le monde moderne (EPMM) Sport pour tous du Maine-et-Loire. Depuis quatre saisons, le programme a bénéficié à 96 personnes. Parmi celles-ci, 16 ont intégré des clubs traditionnels. Les gains physiques de ces actions pour les bénéficiaires demeurent limités mais leur impact en termes de liens sociaux est significatif. A titre d’exemple, ces bénéficiaires organisent aujourd’hui des séjours d’activités physiques.

Figure 10 : Activité physique pour adultes en situation d’obésité

APALIB’ et l’activité physique et sportive des seniors

Catherine BREYSACH Responsable d’animation, APALIB’

Depuis 64 ans, APALIB’ organise des activités sportives à destination des seniors et forme des bénévoles à l’activité physique et sportive. APALIB’ offre un maillage dense du territoire du Haut-Rhin grâce à son implantation sur 80 communes. 140 bénévoles proposent une activité physique et sportive à 2 660 personnes âgées en moyenne de 78 ans. Les atouts d’APALIB’ sont la formation des bénévoles et une offre d’activité physique et sportive de proximité. Cette proximité permet

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notamment à des personnes isolées d’accéder à une pratique physique régulière. Enfin, APALIB’ a récemment noué un partenariat fort avec la Mutuelle Sociale agricole (MSA) qui organise des cycles d’ateliers sur l’équilibre. La formation de bénévoles seniors réactive leur sentiment d’utilité sociale. De plus, par un modèle économique bénévole, ces activités sont accessibles à tous.

Figure 11 : APALIB' « Bougez et faites bouger les autres »

Programme « Tout le monde se bouge »

Elise GAUDRON Chargée de projet, Union régionale des centres sociaux du Nord - Pas-de-Calais

« Tout le monde se bouge » est un programme de promotion des activités physiques déployé au sein d’une trentaine de centres sociaux du Nord - Pas-de-Calais. Son objectif est d’accompagner les centres sociaux dans une démarche promouvant les activités physiques et de santé, en créant des partenariats à la fois avec les professionnels de santé et les professionnels des activités physiques et du « sport-santé ». Il s’agit également d’encourager des habitants sédentaires à reprendre une activité physique dans une approche par le lien social, dédramatisant la pratique avant de les autonomiser dans leur pratique d’activité physique.

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Figure 12 : « Tout le monde se bouge »

« Pass’Sport forme » pour l’activité physique de jeunes en situation de surpoids ou d’obésité

Julie CHEVAUX Enseignante en activités physiques adaptées et santé

Sylvain Quinart, coordinateur en activités physiques au sein du Réseau de prévention et de prise en charge de l’obésité pédiatrique en Franche-Comté (REPOP), a créé en 2008 le « Pass’Sport forme », un atelier qui accueille des jeunes de 7 à 17 ans en situation de surpoids et d’obésité. Cet atelier bénéficie de la collaboration de professionnels de santé et de santé scolaire, et a pour but de permettre aux jeunes de retrouver une activité physique régulière et de les accompagner progressivement au travers d’un projet sportif au sein d’une association ou d’un projet autonome.

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Figure 13 : Pass'Sport forme 1

Association entre le sport, l’activité physique et la qualité de vie

Anne VUILLEMIN (Représentante de Yacoubou Abdou OMOROU) Université de Lorraine

Notre travail, fondé sur les données du baromètre santé, vise à identifier la part contributive du sport dans le niveau global d’activité physique dans une perspective de qualité de vie liée à la santé. Le PNNS réaffirme le rôle de l’activité physique pour la santé. Néanmoins, l’activité physique est pratiquée dans différents contextes. Aussi, il s’agit de se demander si certains domaines de pratique tels que le sport-loisir ne seraient pas plus bénéfiques qu’une activité physique au travail. Ainsi, notre projet consiste à démontrer l’intérêt du sport-loisir pour la qualité de vie à partir du baromètre santé et d’un questionnaire quantifiant l’activité physique et les pratiques sportives. Les résultats prouvent qu’indépendamment du niveau d’activité physique, les personnes déclarant avoir pratiqué du sport font état d’un niveau de qualité de vie supérieur. Ces résultats, qui ont fait l’objet d’une publication scientifique, tendent à confirmer le rôle bénéfique des pratiques sportives sur la qualité de vie et cela quelle que soit l’intensité de la pratique physique.

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Figure 13 : Sport, activité physique et qualité de vie

Table ronde « insertion et lien social » Gilles VIEILLE-MARCHISET Après avoir adopté une approche large du sport et de la santé, cette table ronde sera l’occasion d’aborder les problématiques d’insertion et de lien social au travers des activités physiques et sportives. Les intervenants de la journée ont été sélectionnés à la suite d’un appel à contributions organisé conjointement par le ministère des Sports représenté par Sondès Elfeki Mhiri, le CNOSF représenté par Patrick Magaloff, l’Inpes représenté par Fabienne Lemonnier, l’Agence pour l’Education par le sport (APELS) représenté par Fabien Guiheneuf et moi-même.

« Transformons l’essai » : un projet au service de l’insertion de jeunes femmes

Pratique sportive et insertion professionnelle

Jean-Loup MICHOT Directeur du service des sports, Ville de Sevran

Le projet « Transformons l’essai » s’est déroulé au cours des 12 derniers mois sur le territoire de Sevran et mêlait la pratique sportive et l’insertion professionnelle. Il visait à accompagner des jeunes femmes éloignées de l’emploi et de la pratique sportive dans une perspective d’insertion professionnelle. La Ville de Sevran ne portait pas le projet à proprement parler mais a fourni une aide logistique et financière. Ce projet s’est construit dans le cadre d’un travail engagé par la municipalité en 2011 avec l’APELS et d’un appel à projets à l’échelle nationale intitulé « Pour une politique sportive et d’éducation par le sport dans les quartiers populaires » mené dans neuf villes. La première année de cette expérimentation a été consacrée à un diagnostic local qui a permis de

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réunir de nombreux acteurs de l’éducation par le sport du territoire, d’organiser une concertation et d’identifier les bonnes pratiques du territoire.

Sevran, un territoire en proie à des difficultés multiples

La ville de Sevran s’est inscrite dans ce projet en réaction à un contexte local spécifique. En effet, Sevran compte 52 000 habitants dont 27 000 évoluent au sein de Zones urbaines sensibles (ZUS) qui présentent des indicateurs significativement faibles en termes de taux d’équipement sportif, de licenciés et de clubs sportifs. En effet, le territoire national compte en moyenne 40 équipements sportifs pour 10 000 habitants contre 20 en région parisienne, 15 pour les villes comptant des ZUS et moins de 12 à Sevran. De la même manière, moins de 20 % des licenciés de la commune proviennent des ZUS alors que ces territoires concentrent plus de la moitié de la population. La ville de Sevran se caractérise par ailleurs par des indicateurs de forte précarité : un tiers de la population de Sevran a moins de 20 ans et une part importante de la population sevranaise est non-qualifiée et connaît un accès difficile à l’emploi. La part des plus de 15 ans non diplômés s’élève ainsi à 32 % à Sevran contre moins de 18 % en Ile-de-France. Le taux de chômage s’élève à 20 % à l’échelle de la commune et dépasse les 25 % au sein des ZUS. De plus, l’action publique locale est entravée par un contexte budgétaire contraint avec 30 % de ressources de moins qu’une commune de même strate. Dans ce contexte, la volonté de réinterroger la politique sportive du territoire était importante. Il s’agissait également d’évaluer dans quelle mesure le sport peut permettre pour partie de répondre à ces problématiques.

La pratique du rugby comme outil d’insertion

Le programme visait 15 jeunes femmes sevranaises de 18 à 25 ans sans emploi et en rupture avec le service public de l’emploi. Pour remobiliser ce public, Compétences emploi8 a noué des partenariats avec des employeurs du territoire et a piloté le dispositif. L’association Drop de béton est pour sa part intervenue sur le versant sportif du projet. Contrairement aux clubs sportifs issus du giron fédéral, Drop de béton se déplace sur les lieux de vie des jeunes et développe une approche pédagogique adaptée privilégiant les finalités sociales plutôt que compétitives. « Transformons l’essai » avait pour objectifs une remobilisation des jeunes femmes par la pratique du sport et la validation d’un projet professionnel débouchant sur un parcours professionnel ou de formation qualifiante. La première phase du projet a consisté en un recrutement des publics entre les mois d’avril et de juin 2012, auprès des prescripteurs locaux (mission locale, espace ressources emploi local, maisons de quartier…). Ce programme qui a duré une année avait comme fil rouge une pratique sportive régulière du rugby encadrée par Drop de béton. Cette remobilisation grâce à la pratique sportive avait vocation à créer des passerelles vers le monde de l’entreprise. Ces jeunes femmes suivaient un programme sportif de trois demi-journées par semaine et étaient accompagnées dans la construction de leur projet professionnel par une structure d’insertion dans le cadre d’ateliers de socialisation, de développement personnel ou de sensibilisation aux thématiques de santé. Ensuite, cet accompagnement s’est traduit par une phase d’immersion au sein des entreprises partenaires. Parmi les 15 bénéficiaires du dispositif, trois jeunes femmes ont quitté le programme pour des raisons personnelles, six personnes ont trouvé un emploi9, cinq personnes ont intégré une formation qualifiante tandis qu’une personne n’a pas validé son projet professionnel. Quatre jeunes femmes poursuivent par ailleurs l’activité rugby au sein du club Melting Drop.

8 Cellule du Pôle emploi qui œuvre sur le territoire de Sevran au développement de l’emploi, à la formation et à l’insertion professionnelle 9 Contrat à durée déterminée (CDD) d’au moins six mois

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Le challenge des seniors, un projet qui met en mouvement les seniors réunionnais

Permettre l’accès des seniors aux activités physiques et sportives

Marie-Claude GALLAND Coordinatrice du challenge des seniors

Le « Challenges des seniors », soutenu par le ministère des Sports depuis 2011, et le ministère de la Cohésion sociale en 2012, est un projet expérimental qui s’inscrit sur le territoire de l’Ile de la Réunion pour une durée de trois ans. L’Ile de la Réunion est un territoire en mouvement qui compte de nombreuses activités sportives – 400 manifestations chaque week-end – mais une partie de la population n’a pas accès à ces activités pour des raisons culturelles. Aussi, notre projet consistait à inciter cette population peu familière des activités physiques à se mettre en mouvement. La moitié de la population réunionnaise se situe en dessous du seuil de pauvreté et de nombreux seniors, vivant avec 700 euros par mois environ, sont dans l’incapacité de souscrire une inscription dans un club de sport. La majorité de la population réunionnaise vit dans les zones littorales. Les seniors vivant au centre de l’île souffrent donc d’un handicap supplémentaire lié à leur isolement. Pour lutter contre la sédentarité, retarder l’entrée dans la dépendance et faire profiter les seniors des bienfaits de l’activité physique, ce programme visait à les inciter à pratiquer tout au long de l’année une activité physique au rythme d’une séance hebdomadaire d’une durée de 1 heure 30 à 3 heures. De trois bénéficiaires dans certaines villes partenaires au départ de l’opération, les effectifs sont aujourd’hui passés à 120 bénéficiaires hebdomadaires à certains endroits de l’île. Pour favoriser la motivation des seniors, une journée inter-communes de « compétition » a été organisée et s’articule autour de dix épreuves physiques adaptées. Des activités découvertes (tir à l’arc, golf, marche nordique…) ont par ailleurs été adossées à cet événement au bénéfice des accompagnateurs. L’objectif final de pérennisation de ces pratiques physiques a été atteint puisque l’ensemble des seniors a souhaité que le programme perdure.

Figure 14 - Cours de gym Durant la première année, le programme d’action s’est articulé autour d’exercices de gym douce encadrés par un éducateur physique dans 12 communes. Au cours de la deuxième année, dans 18 communes, des seniors fragilisés (obésité, diabète, hypertension, arthrose, etc.) ont été intégrés aux activités physiques et encadrés par des enseignants en Activités physiques adaptées (APA). Dans ce cadre, un travail de coordination entre éducateurs et APA a permis une prise en charge adaptée de chacun des bénéficiaires. Pour participer au programme, les seniors devaient présenter les critères suivants : avoir au moins 60 ans et ne pas être inscrit dans un club sportif.

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Les seniors fragilisés ont été choisis à la suite d’un test physique dans le respect des recommandations et des contre-indications du certificat médical. Projection d’un extrait vidéo de présentation du challenge des seniors Le challenge s’effectuait par équipe et autour d’épreuves de précision, de coordination et d’équilibre. Deux épreuves-mystère – le tir à l’arc et la sarbacane cette année –complétaient le dispositif. De 2011 à 2013, le challenge est passé de 12 à 24 communes participantes (toutes les communes de l’ile) et de 380 à 1 500 participants. Les bénévoles et la ligue réunionnaise d’athlétisme ont par ailleurs assuré une coordination de l’événement. Cette action fait l’objet d’une évaluation de l’Observatoire régional de santé (ORS). En 2012, les adhérents au programme étaient au nombre de 19 à 119 selon les villes, avec une moyenne de 40 bénéficiaires par ville d’une moyenne d’âge de 68 ans et d’un âge maximal de 87 ans. Néanmoins, les villes connaissent des situations diverses avec des groupes comptant des ratios de 21 personnes autonomes pour une personne fragilisée quand d’autres villes présentent un ratio d’une personne autonome pour une personne fragilisée. L’immense majorité de participants a fait part de sa satisfaction vis-à-vis des activités proposées à l’occasion de l’édition 2012 du challenge des seniors. Certains participants ont néanmoins exprimé le désir de ne pas adopter une logique de classement, un souhait qui sera respecté en 2013.

Fierté, lien social et intergénérationnel… Des bienfaits au-delà de la santé physique

Les bienfaits personnels de cette opération sont la création d’une ambiance de convivialité qui dépasse les seniors et rejaillit sur les villes et les populations. Par ailleurs, cette manifestation a renforcé la dimension de solidarité entre les participants et la confiance en soi des seniors. A cet égard, trois seniors illettrés ont pris la décision d’apprendre à lire à la suite de cette expérience et savent désormais utiliser Skype pour contacter leurs enfants vivant en métropole. Deux dames ont également débuté la peinture et exposé leurs travaux. Ces seniors se sont rendu compte qu’ils étaient « capables » et ce programme a eu un rôle de rupture de l’isolement des seniors et de création de lien social. Projection d’une vidéo de présentation du programme et de témoignages des participants10 Les seniors ont retiré un indéniable sentiment de fierté de cette expérience et éprouvent à nouveau la sensation d’être « quelqu’un ». Des activités de randonnée ont été organisées en collaboration avec le club de randonnée pédestre tandis que des activités intergénérationnelles ont contribué à tisser des liens entre personnes de différents âges. Par ailleurs, les bienfaits de cette opération ont rejailli sur les relations interfamiliales et sur les villes qui désormais prennent mieux en compte les seniors dans la vie sportive et sociale des communes. Les seniors ont en effet été inclus dans différentes manifestations tandis que certaines activités ont été créées à leur bénéfice (aquagym, tir à l’arc, self-défense…). La ville de Saint-Denis a ainsi décidé d’organiser des séances d’activités physiques dédiées aux seniors dans chaque quartier, à la suite de nos discussions en comité de pilotage du programme. Dans le cadre de ce projet, la coopération des communes s’avère très importante. Cette coopération a été favorisée à l’occasion d’une journée organisée par l’Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé (IREPS) en octobre 2012, qui a rappelé la nécessité d’intégrer la santé dans le cadre des projets communaux. Ainsi, des collaborations se sont

10 Un film de présentation de ce programme est disponible sur le site www.challengedesseniors974.com

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développées avec différents partenaires territoriaux11 mais aussi avec les services de sport qui fournissent des lieux d’activité, des moyens de transport et des éducateurs supplémentaires. En outre, la collaboration avec les services du troisième âge a permis d’intégrer des seniors isolés. Cette coopération a permis d’organiser des projets inter-villes qui ont ravi des seniors qui ne se fréquentaient pas ou s’étaient perdus de vue. Cette semaine, les Clubs Challenges de Cilaos et de Saint-Joseph ont organisé des activités réunissant des seniors et des élèves d’une école dans un renforcement des liens intergénérationnels. La Ville de Saint-Joseph a par ailleurs associé de jeunes obèses et des seniors à l’occasion d’activités physiques, les fratries et les parents étant également inclus.

Figure 15 : une activité pédestre intergénérationnelle Nous souhaitons poursuivre cette dynamique et l’amplifier. Pour ce faire, le programme doit obtenir, de la part de la Caisse générale de sécurité sociale (CGSS) et de l’ARS comme des collectivités locales, le financement nécessaire à sa pérennisation. Notre objectif est également d’étendre cette prise en charge aux seniors des Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), comme c’est déjà le cas en région Bretagne. Enfin, à partir de la colonne vertébrale que constitue le réseau santé sport seniors composé de 24 communes, nous souhaitons développer un réseau sport santé en direction des jeunes obèses.

Un « bol d’air » par le sport pour les femmes en milieu rural

Lutter contre l’isolement des femmes par les activités physiques et sportives

Cécile BEAUVAIS Présidente de l’association Un bol d’air

L’association Un bol d’air est née de la passion de plusieurs jeunes femmes pour les activités physiques et pour les loisirs d’aventure. Elle concrétise l’envie d’agir ensemble dans un souci de solidarité et s’adresse particulièrement aux femmes vivant en milieu rural. Son but est de lutter contre toutes les formes d’isolement. Il s’agit d’extraire ces femmes d’un quotidien trop prenant,

11 Centre communaux d’action sociale (CCAS), Offices municipaux de la culture et du temps libre (OMCTL), Offices municipaux des animations globalisées (OMAG)…

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de travailler sur le rôle de la femme dans la famille ou de répondre à des accidents de vie. Certaines de nos adhérentes sont atteintes de cancer du sein, souffrent d’anorexie, d’autres ont connu des séparations difficiles. Néanmoins, Un bol d’air ne se borne pas à un public particulier et affirme une volonté d’ouverture dans une recherche de mixité sociale. L’objectif de l’association est de faire face aux contraintes sociales et économiques présentes en milieu rural, qui limitent notamment l’accès aux activités physiques et sportives. En favorisant la possibilité d’agir, l’association a développé une approche singulière des activités physiques et sportives qui doivent constituer un outil social au-delà du simple bien-être physique. Les objectifs de l’association sont de faciliter l’accès à la pratique des sports et des loisirs tels que l’escalade, l’acrosport ou le self-defense mais aussi de lutter contre toute forme d’isolement. En effet, les femmes en situation d’isolement ne pratiquent plus d’activités sportives et s’effacent de la société. Par le biais du sport, notre association vise à recréer un lien social au-delà de la pratique. Par ailleurs, Un bol d’air entend agir auprès de femmes dégradées physiquement, dévalorisées dans leur « être » afin de favoriser une reprise de confiance en soi et un retour à la société. La valorisation de la femme est un enjeu sensible en milieu rural au sein duquel les sports sont sectorisés, avec le football destiné aux hommes et la gymnastique réservée aux femmes. Notre objectif était ainsi de briser ces barrières, de créer des passerelles et d’améliorer l’offre et la pratique sportives. L’association ambitionne d’être un vecteur de découverte, d’échange et d’entraide par la rencontre, l’écoute et la création d’un lien social. Elle est un lieu d’échange constructif où chacun croise ses compétences pour oser et avancer. La création de ce lien social et de cette culture du vivre-ensemble suppose une mixité sociale qui dépasse les classes sociales de chaque adhérent dans une atmosphère de bienveillance.

Des activités sportives et de loisirs comme vecteurs de valeurs de vie

A partir de ce diagnostic et de ces intentions, Un bol d’air a mis en place depuis trois ans un rendez-vous hebdomadaire et des cycles d’activités sportives. Chaque activité sportive est reliée à une valeur ou à une approche, par exemple l’environnement, l’entraide et la volonté de repousser ses limites pour l’escalade. Les arts de l’acrosport ont quant à eux permis de nouer un contact physique au sein d’un groupe hétérogène : il s’agissait d’apprendre à se dépasser et à s’équilibrer avec quelqu’un. Les valeurs sous-tendues par ces activités constituent ainsi des passerelles vers des valeurs de vie. Dans cette perspective, un projet, « L’échappée », est élaboré chaque année en collaboration avec les adhérentes et sur une thématique particulière. La première « échappée » était consacrée au self-defense, une discipline permettant de se défendre et de vaincre ses peurs. Au cours de la deuxième année, un projet sur le char à voile et l’environnement nous a permis de nous émerveiller à nouveau face à la richesse d’un milieu naturel omniprésent en milieu rural mais parfois oublié. Ce projet a notamment permis de sensibiliser les adhérentes aux modes de déplacement doux. La dernière édition de « l’échappée » a été l’occasion d’organiser un week-end en parapente et une randonnée, dans un objectif de dépassement de soi et de lutte contre les peurs - des peurs souvent exprimées par des adhérentes souffrant de maladies. L’association Un bol d’air entend ainsi mobiliser de manière innovante l’outil de l’éducation par le sport et contribuer à donner de l’espoir et de la confiance en soi à des adhérentes, en dépit de la maladie et des accidents de la vie. Notre association grandit par un passage de témoin interpersonnel et un public se fédère progressivement autour de l’association de manière naturelle, sans communication particulière et dans une logique ascendante. Le sport-loisir revêt un véritable rôle social, loin de la compétition et des enjeux médicaux, mais comme tremplin et vecteur de lien social.

Echanges avec la salle

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L’activité physique et sportive comme moyen d’insertion

De la salle (Juliette JOUANDANE, chargée de projet, IREPS Limousin) Monsieur Michot, de quelle manière avez-vous réussi à motiver un groupe de filles éloignées du sport à la pratique régulière d’un sport comme le rugby ? Par ailleurs, quel a été l’impact de cette pratique en matière d’insertion professionnelle ? Jean-Loup MICHOT Le succès de cette initiative tient à l’implication et à la compétence des associations porteuses du projet. En effet, l’association Drop de béton, qui est basée en Aquitaine, a développé un projet autour d’une pratique différente du sport. Cette approche du sport n’est ni normée, ni fédérale mais plutôt adaptée à un public spécifique. Drop de béton travaille sur le territoire de Sevran depuis deux ans, notamment au sein des structures de proximité, auprès des maisons de quartier ou des groupes scolaires. Grâce à cette action de proximité, l’association a suscité une demande qui émane notamment du public féminin. Ainsi, après deux années d’approches ludiques et de pédagogies adaptées, Drop de béton a été à l’origine de la création de l’équipe féminine de rugby à sept des Melting Drop 93. Dans le cadre du programme « Transformons l’essai », la phase de recrutement a cependant été longue, car il s’agissait d’aller à la rencontre d’un public peu accessible. La phase de recrutement s’est ainsi déployée de manière heurtée et, au bout de deux mois, les jeunes femmes du programme ont participé à un « week-end commando » sous la supervision des équipes de l’unité Recherche assistance intervention dissuasion (RAID) afin de renforcer la cohésion de groupe. Par ailleurs, l’un des facteurs de succès de l’opération réside à mon sens dans les caractéristiques intrinsèques du rugby qui constitue un sport d’opposition à la dimension collective forte. L’approche de Drop de béton a surtout permis de cimenter un groupe à partir d’une somme de projets individuels sur une opération de longue haleine. Les résultats de ce programme sont d’autant plus satisfaisants que le public visé n’était constitué d’aucune personne familière de la pratique sportive. Dans ce cadre, des tests physiques, des visites médicales et un suivi de la santé des bénéficiaires ont été organisés. Ce suivi de santé a ainsi permis d’agréger un volet sanitaire et préventif à ce projet d’insertion.

Sport compétitif versus sport pour tous ?

De la salle (Stéphanie LABAU, ministère des Sports) A vous écouter, il semblerait qu’il existe une opposition entre le monde fédéral et les activités sportives développées dans le champ de la santé et de l’inclusion sociale. Pourtant, les clubs et le monde fédéral s’inscrivent bien dans le « faire », plus d’ailleurs que dans le « faire savoir », une tendance qui les dessert assurément. En effet, les clubs ont de tout temps assuré des missions d’intégration et d’éducation à la santé. Pour cette raison, il ne faut pas opposer les acteurs du sport pour tous aux clubs qui développent une pratique compétitive tout en intégrant d’autres publics par les sections vétérans et les pratiques de loisir. Les clubs qui développent une pratique compétitive portent en tout état de cause des préoccupations sociales et de santé fortes. A cet égard, les ministres chargées des Sports et de la Santé ont présenté conjointement, le 10 octobre 2012, un plan « Sport, santé et bien-être » qui s’attelle aux enjeux du sport pour tous et du sport comme facteur de santé pour chacun. Ainsi, même si les débats précédents ont adopté l’angle d’approche de la santé, les préoccupations en matière de santé publique intègrent fortement la dimension sportive depuis l’année 2012, dans un pilotage conjoint des dispositifs par les services chargés des sports et de la santé. Jean-Loup MICHOT Mon but n’est pas d’opposer un monde à un autre. Je suis d’ailleurs issu du monde fédéral. Malgré tout, nous constatons via les statistiques du ministère des Sports que les ZUS comptent deux fois et

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demi moins de licenciés que d’autres territoires. Cette réalité peut s’expliquer par divers facteurs. Mon but n’est pas d’accabler des clubs essentiels et soutenus à l’échelle locale. Ces clubs ne peuvent pas tout faire et doivent déjà composer avec un certain nombre de problématiques. Dans ce contexte, certaines structures constituent un sas entre un monde fédéral qui compte des exigences et des problématiques spécifiques et certains publics qui décrochent de ce modèle. Marie-Claude GALLAND Le challenge des seniors a été d’emblée constitué dans l’optique du sport-loisir et non du « sport-santé » même si nous prenons en charge des publics porteurs de pathologies. Avec l’aide du Comité régional des offices municipaux de sport (CROMS), nous avons examiné les possibilités d’intégration des seniors à des clubs sportifs. Si cette dernière s’avère très délicate, elle est cependant possible dans les clubs de natation et de randonnée. Certains seniors sont par ailleurs parvenus à prendre une licence en créant une section seniors au sein de la ligue d’athlétisme. Certains d’entre eux envisagent même de se présenter à l’édition 2015 des jeux de la Méditerranée. Néanmoins, il est parfois délicat pour des ligues habituées à la compétition de s’ouvrir à tous. Cécile BEAUVAIS A l’image de Jean-Loup Michot, nous ne raisonnons pas en termes d’opposition mais de différences des champs d’action. En acceptant cette différence, nous parviendrons à renforcer le maillon unissant le sport de fédération et les sports de loisir et à créer des passerelles. A titre d’exemple, je travaille avec des jeunes en formation à Pôle France. Parmi eux, certains ne répondent pas aux exigences de résultat et sont récupérés par le champ des sports de loisir. Les fédérations sont en tout état de cause riches de la qualité de leurs éducateurs de terrain au même titre que ceux du sport de loisir. De la salle (Stéphanie LABAU, ministère des Sports) Je me suis peut-être mal exprimée : je tenais uniquement à souligner que même les clubs inscrits à un niveau de compétition important comptent 95 % d’offres sportives de loisirs complémentaires du sport compétitif. Le club est un lieu de cohésion sociale et d’intégration qui s’inscrit dans une relation de complémentarité avec les autres formes de la pratique sportive, d’autant plus que parfois moins de 10 % des licenciés sportifs développent une pratique compétitive de haut niveau. Ainsi, les objectifs compétitifs des clubs sont totalement compatibles avec une offre importante dans les champs du loisir et de la santé. De la salle (Christophe CANINO) Madame Galland, qu’entendez-vous par senior ? Marie-Claude GALLAND Notre programme a considéré comme seniors les personnes de 60 ans et plus, mais ce critère est par essence fluctuant.

La dynamique partenariale, clé de développement du « sport-santé »

De la salle (Christophe CANINO) Le système fédéral considère les sportifs comme des seniors dès lors qu’ils ont 35 ans. Madame Beauvais, vous avez rappelé votre objectif de mieux-vivre ensemble. Dans cette perspective, travaillez-vous avec la Confédération nationale des foyers ruraux (CNFR) ? Cécile BEAUVAIS Pour l’instant très peu, du fait de la jeunesse de notre association. Néanmoins, la perspective de nouer des partenariats futurs à l’échelle locale nous semble importante. Les obstacles à ces

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partenariats tiennent cependant à notre faible visibilité actuelle et au caractère expérimental de notre action. Notre objectif est en tout cas d’intégrer à terme un réseau de compétences. Gilles VIEILLE-MARCHISET Les débats révèlent à nouveau l’importance des partenariats aussi bien fédéraux que spécifiques. Il s’agit sans doute d’une clé de développement du sport à vocation de promotion de la santé. De la salle (Juliette JOUANDANE, chargée de projet, IREPS Limousin) Madame Beauvais, vous n’avez pas évoqué l’enjeu de la mobilité en lien avec la problématique d’isolement. Avez-vous été confrontée à ces obstacles à la mobilité et quels ont été les modes de résolution de ce frein (covoiturage, partage d’un taxi, etc.) ? Cécile BEAUVAIS En effet, certaines adhérentes ne possèdent pas de véhicule. Dans ce contexte, les liens créés entre adhérentes ont permis de développer les pratiques de covoiturage voire de prêts de véhicule. Par ailleurs, grâce à l’expérience au sein de notre association, certaines femmes reprennent le vélo ou la marche pour rompre leur isolement.

Table ronde « Insertion et bien-être des personnes en situation de handicap » Patrick MAGALOFF Comité national olympique et sportif français

Chargé du « sport-santé » au sein du CNOSF, je tiens à rappeler que l’activité physique doit être exercée avec une certaine intensité pour présenter un véritable intérêt pour la santé. Cette intensité de la pratique doit être raisonnée et encadrée par les professionnels des disciplines sportives, au premier rang desquels se trouvent le mouvement sportif et les fédérations. Alain Calmat, président du CNOSF, a impulsé une dynamique qui a engagé 39 fédérations sportives à créer un comité « sport-santé » en leur sein, réunissant le monde médical, la Direction technique nationale (DTN) et les dirigeants. Pour la première fois, ces « mondes » travailleront de concert à la réalisation, pendant 18 mois, d’un recueil des activités physiques et sportives (une sorte de Vidal du sport). Ainsi, tout médecin généraliste pourra bientôt prescrire une activité sportive. Au-delà du cadre de prévention primaire et tertiaire, les activités physiques et sportives présentent un intérêt pour les personnes en situation de handicap et pour les personnes en milieu carcéral. S’agissant du handicap, la loi du 11 février 2005 a démontré l’intérêt de donner un accès aux personnes en situation de handicap aux activités physiques et sportives. De ce point de vue, nous aborderons des exemples concrets de projets d’activités physiques et sportives au service des personnes porteuses de handicaps divers. A cet égard, l’association Les activités physiques ludo-aquatiques joker du handicap (LAPLAJH) accompagne les personnes en situation de handicap de manière originale.

LAPLAJH : les activités physiques ludo-aquatiques au service des personnes en situation de handicap12

Des activités adaptées à la diversité des handicaps

12 www.laplajh.com

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Nathalie DAGNET BOLOSIER Directrice de l’association Les activités physiques ludo-aquatiques joker du handicap

LAPLAJH a été créée en 2009 pour permettre à des personnes en situation de handicap de sortir de la sphère médicale tout en pratiquant des activités adaptées à la diversité des handicaps. Les activités de LAPLAJH reposent sur une philosophie, une méthode et une équipe et visent comme objectif de procurer un bien-être et une bonne santé aux adhérents. LAPLAJH intervient ainsi après les phases médicale et paramédicale pour proposer une activité physique adaptée à différents types de populations. LAPLAJH favorise les interactions sociales entre personnes en situation de handicap en prenant en compte les degrés de handicap plutôt que la typologie des pathologies. Elle joue sur les capacités différentes de ses adhérents, favorise les liens intergénérationnels et la mixité sociale d’adhérents d’origine, d’âge et de sexe divers. Ainsi, l’objectif de LAPLAJH est de combattre l’isolement et d’augmenter l’estime de soi de chacun. L’atteinte de ces objectifs est rendue possible grâce à un accompagnement personnalisé mené par des moniteurs experts et des étudiants-stagiaires. Un accompagnant est mis à disposition de chaque personne en situation de handicap. Dans les cas de handicap lourd, deux accompagnants peuvent prendre en charge la personne. Le plaisir et la diversité des activités sont le leitmotiv de notre action. Pour être efficace, l’activité physique doit être répétée, ce que permet le jeu en maintenant de manière inconsciente l’effort et la fréquence cardiaque.

L’eau comme élément support des activités physiques

L’équipe de LAPLAJH est composée de spécialistes de l’eau. L’eau est un élément ouvert à une immense majorité de personnes. Elle permet par ses propriétés physiques de se sentir différent et de profiter de bénéfices par la seule immersion. A titre d’exemple, en cas de surpoids, l’eau permet des mouvements inédits et une mise à profit de muscles divers. L’un de nos adhérents, très maigre participe ainsi à des jeux d’immersion et à des exercices de natation synchronisée. Par ailleurs, la viscosité de l’eau, sa résistance aux mouvements, permet de moduler l’effet des exercices sur un groupe musculaire et de doser l’effort physique de manière progressive. De plus, les mouvements accélérés potentiellement dangereux sur terre sont automatiquement freinés par l’eau qui permet de travailler sans douleur. Ainsi, l’eau permet une perception nouvelle et un apprentissage de son corps. A titre d’exemple, Maria, l’une de nos adhérentes, n’avait jamais pensé pouvoir pratiquer un jour du vélo elliptique en raison de la spasticité de ses muscles. Grâce à l’eau, Maria a pourtant réussi à pratiquer cette activité qui renforce tous les groupes musculaires en douceur et qui lui a permis d’adopter provisoirement d’autres schémas corporels (Cf. figure 16).

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Figure 16 : une adhérente pratique le vélo elliptique en immersion La pression hydrostatique de l’eau est également utilisée dans nos exercices, car elle permet de forcer l’inspiration, de favoriser les échanges veineux et d’améliorer la capacité respiratoire. Par ailleurs, nos activités se déroulent dans des bassins d’eau chaude pour éviter des effets désagréables pour les bénéficiaires. L’eau froide est en effet à éviter pour les personnes spastiques qui ont tendance à se contracter. Quand la température est adaptée, les personnes ressentent en revanche un bien-être (Cf. figure 17).

Des activités guidées par le plaisir et l’esprit d’équipe

Figure 17 : Un encadrant et une adhérente nagent en plein bonheur Au-delà du seul bénéfice physique de la pratique permis par le plaisir qui évacue la pénibilité de l’effort, les interactions humaines qu’implique la pratique contribuent à la création de liens de complicité entre les adhérents mais aussi entre les bénéficiaires et les équipes. Cet esprit d’équipe est indispensable à nos activités et facilite le travail de nos encadrants. De plus, cet esprit de groupe permet de cultiver une motivation collective. Dans ce cadre, nos activités permettent aux bénéficiaires de devenir acteurs de leur bien-être, notamment au travers d’exercices effectués en dehors des sessions. LAPLAJH développe également

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des exercices de relaxation dans l’eau ou hors de l’eau. En effet, certains bénéficiaires souhaitent retrouver l’esprit de la piscine sans être nécessairement immergés.

Figure 18 : Exercice de relaxation Au-delà des bénéficiaires, ces activités présentent un impact positif sur les familles des bénéficiaires qui, à l’occasion de sessions, bénéficient d’une plage horaire de deux heures pour se relaxer dans la piscine ou vaquer à d’autres occupations. Les bienfaits de ces activités rejaillissent également sur les partenaires associés13. En effet, notre partenariat avec l’université Descartes permet de former des étudiants au cours d’une année de stage. LAPLAJH espère à ce titre devenir employeurs et continuer à former les étudiants via des contrats à temps partiel dans un premier temps. L’objectif de LAPLAJH est d’être une source de bien-être au-delà de la pratique purement sportive, grâce à la pratique d’activités physiques qui permet d’être acteur de sa santé, même en cas d’invalidité.

Créer ou recréer un lien familial par une activité sportive : l’action de l’association D’un corps à l’autre

Une offre d’activités sportives au service des enfants en situation de handicap

Patrick DEVEMY Responsable du service des sports, ville de Suresnes14

L’association d’Un corps à l’autre15 été créée en 2009 pour poursuivre les initiatives menées par les collectivités territoriales en matière de handicap. En effet, chaque année, la ville de Suresnes organisait une journée de sensibilisation au handicap. Or des parents d’enfants en situation de handicap nous ont sollicités pour étendre cette action au-delà de la seule une journée annuelle organisée. Aussi, nous avons créé, avec des étudiants de STAPS APA, une association dédiée à la

13 L’incubateur social de l’Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales (ESSEC) Antropia, APELS, Régie autonome des transports parisiens (RATP)… 14 Après avoir longtemps travaillé sur le handicap physique, Patrick Devemy a intégré dans les années 1980 la fédération française handisport en tant qu’entraîneur national de natation et a participé aux jeux paralympiques et à plusieurs championnats internationaux handisport. Il a fondé des associations pour personnes en situation de handicap physique jusqu’au jour où une mère d’enfant autiste lui a demandé de prendre en charge son enfant. Il a par conséquent passé un diplôme universitaire sur l’autisme et un diplôme interuniversitaire sur la déficience mentale. Formateur à l’Institut de travail social de Montrouge, il est également formateur APA à l’université de Nanterre en Master 1 et Master 2 STAPS. 15 www.duncorpsalautre.fr

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prise en charge de ces enfants dans le domaine sportif. L’association, qui s’occupait de 25 enfants en 2009, prend désormais en charge 300 enfants à un rythme hebdomadaire. Ces activités sont réparties entre différents sites à Suresnes, Versailles, Rambouillet, Antony, en Seine-Maritime mais aussi en Espagne et à l’Ile de la Réunion grâce à la création d’antennes par des anciens étudiants. L’association articule son offre autour de la natation qui présente de nombreuses possibilités (mais aussi de nombreux dangers). Les groupes sont composés essentiellement d’enfants en situation de handicap mental (autisme, trisomie…) et d’enfants hémiplégiques. Notre parti pris a été d’éviter une ghettoïsation de ces enfants et nos enseignements se déroulent durant les horaires d’ouverture au public de la piscine s. Nos activités sont bien acceptées par le public présent et des interactions se créent entre enfants et usagers de la piscine. Au-delà même des enfants, notre action a redonné à certains parents l’envie de reprendre une activité sportive. Ainsi, certains profitent des cours de leurs enfants pour nager.

Consolider les liens sociaux et familiaux à travers la pratique sportive

L’association D’un corps à l’autre assure une prise en charge individuelle assumée par cinq enseignants sur le site de Suresnes. Nos groupes sont composés d’enfants autistes verbaux, non-verbaux, agressifs ou non, parfois épileptiques, et nous maintenons une vigilance de tous les instants. Les activités proposées favorisent l’expression des parents ainsi que les rencontres entre enfants et parents dans la consolidation d’un lien social et familial. En plus des activités de natation, nous avons développé des activités telles que l’apprentissage du vélo. Le vélo est une activité propice au lien social, car il peut être adapté sous la forme d’un tricycle ou d’un tandem. Par ailleurs, pour favoriser la motricité des membres supérieurs des enfants autistes, une activité d’escalade a été développée. Cette activité permet également de déclencher un mouvement de la part des enfants hémiplégiques. Une activité de badminton a par ailleurs été créée au bénéfice des enfants dyspraxiques pour travailler sur leur rapport au corps mais aussi développer le lien entre parents et enfants. Dernièrement, notre association a eu recours à un professeur de yoga pour apaiser certains enfants mais aussi leurs parents. Pour lutter contre les problèmes respiratoires des enfants autistes et des enfants trisomiques, nous organiserons le 23 juin prochain un baptême de plongée qui leur permettra peut-être d’améliorer leurs capacités d’expiration. Les ressources financières sont essentielles à l’action de notre association. Nos actions de communication et de recherche de fonds sont donc permanentes et visent à assurer une continuité de la prise en charge. Pour donner aux parents un temps de répit et leur permettre de créer des liens avec d’autres personnes, D’un corps à l’autre organise par ailleurs des séjours d’été et des séjours de ski pour les parents et leurs enfants. A force de volonté et d’opiniâtreté, notre association contribue ainsi à l’intégration sociale de ces enfants en situation de handicap. Notre association a été tellement sollicitée par les parents d’enfants en situation de handicap que nous avons créé une société afin de proposer des services supplémentaires en matière de prise en charge éducative, médicale et de gardiennage d’enfants. Le nom de cette société, Et après services16, fait écho à la remarque lancinante des enfants qui n’ont cessé au cours de notre séjour de ski de nous demander « Et après ? ».

16 etapres-services.moonfruit.fr

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Echanges avec la salle  

La pratique d’activités physiques adaptées au sein de lieux publics : un casse-tête ?

Patrick MAGALOFF Comment êtes-vous parvenus à convaincre les directeurs de piscine de vous réserver des lignes d’eau ? Patrick DEVEMY En tant que responsable du service des sports de la ville, je n’ai pas rencontré de difficultés à ce niveau. En revanche, nous avons rencontré quelques difficultés à Versailles mais qui ont été résolues par une négociation avec les élus. Les plans dédiés à l’autisme et aux handicaps se sont développés et les municipalités font désormais preuve d’une meilleure écoute des besoins en la matière. Le partage des lignes d’eau demeure le principal point de crispation mais nous faisons fi de ces difficultés. Nathalie DAGNET BOLOSIER Notre association doit pour sa part faire œuvre de conviction en permanence. Dans un premier temps, nous avons travaillé dans une piscine au cours de créneaux horaires privés, mais celle-ci a fermé. Aussi, nous menons désormais nos enseignements dans le cadre des séances d’ouverture au public. Mais, pour cela, nous devons en permanence convaincre d’une part les directeurs de piscine de notre compétence et d’autre part le public du caractère surmontable des handicaps. Ainsi, chacune de nos sessions de travail est un défi.

Les formations à l’encadrement des activités physiques adaptées

Patrick DEVEMY D’autres associations sont composées de praticiens médicaux. A titre d’exemple, l’association Intelli’Cure17, basée à Neuilly-sur-Seine et visant à favoriser l’intégration des personnes en situation de handicap, est chargée du pilotage du diplôme interuniversitaire sur la déficience mentale. Il s’agit d’un diplôme de grande qualité qui repose sur des échanges constructifs avec les corps médicaux et paramédicaux. De la salle (Laure DUGACHARD, conseillère technique à la Fédération française du sport adapté) Quelle est la formation dédiée à l’encadrement purement sportif de ces publics spécifiques ? Patrick DEVEMY L’université Descartes propose des formations STAPS APA, à l’instar de l’université de Nanterre. Cependant, cette filière présente peu de débouchés professionnels en raison d’une concurrence entre psychomotriciens et kinésithérapeutes d’une part et les APA d’autre part. Ainsi, les Instituts médico-éducatifs (IME) et les IMPro ne sont pas nécessairement favorables à l’embauche des STAPS APA et privilégieront le psychomotricien et le kinésithérapeute. Certains APA sont, par exemple, amenés à réaliser des piges ponctuelles pour plusieurs employeurs associatifs différents en l’absence d’emploi stable. Par ailleurs, des maîtres-nageurs peuvent passer le Certificat de qualification handisport (CQH). En revanche, les Brevets professionnels de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport (BPJEPS) n’auront bientôt plus la même valeur que les précédents brevets d’Etat.

17 www.intelli-cure.fr

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De la salle (Laure DUGACHARD) En effet, en raison de la réforme des diplômes, les BPJEPS ne disposent pas de prérogatives d’encadrement pour tous les publics. Il existe désormais des certificats de spécialisation « Accompagnement et intégration des personnes en situation de handicap » qui couvrent à la fois le champ handisport et le champ du sport adapté. Une attestation de qualification en sport adaptée existe par ailleurs en matière de handicap mental et psychique. Cette attestation de moindre niveau que les diplômes STAPS APA fournit néanmoins des professionnels qui constituent des ressources pour les associations. Enfin, vos associations sont-elles affiliées à une fédération délégataire du ministère ?

L’affiliation fédérale des associations, impératif ou option ?

Patrick DEVEMY En effet, notre association est affiliée à la Fédération française handisport (FFH) et à la Fédération française du sport adapté (FFSA). Il est néanmoins nécessaire de garder à l’esprit que les deux fédérations sont, dans une certaine mesure, concurrentes en termes de représentativité. Or, plus une fédération est représentative, plus elle est soutenue financièrement. Diverses luttes fratricides s’organisent ainsi au sein des fédérations et la prise en charge du handicap au sein des fédérations demeure un problème de fond. Nathalie DAGNET BOLOSIER Bien que je sois une ancienne de la FFSA, LAPLAJH n’est affiliée à aucune des deux grandes fédérations. L’association dispose de partenariats tacites avec les deux fédérations mais a souhaité conserver une forme d’autonomie. De plus, ces deux fédérations renvoient spontanément vers LAPLAJH les personnes en situation de handicap désireuses de développer une pratique alternative des activités aquatiques. De la salle (Jacques ROUSSEL, médecin à la DRJSCS de la région Centre et ancien médecin de la FFSA) La diversité des approches du handicap par la pratique sportive me semble féconde. En revanche, l’affiliation des associations à une fédération est presque obligatoire, car elle joue un rôle de protection assurantielle des activités physiques et de sécurisation de la pratique sportive. Nathalie DAGNET-BOLOSIER La sécurisation de la pratique sportive est en effet une priorité. Dans ce cadre, LAPLAJH a contracté sa propre assurance qui couvre l’ensemble des bénéficiaires, les encadrants et même le véhicule du directeur de l’association en cas de transport des bénéficiaires. Cette assurance fait partie du budget de l’association et a été considérée avec attention, notamment au regard des risques inhérents aux activités aquatiques.

Collaboration des associations avec le milieu scolaire

De la salle (Christophe CANINO) Vous évoquez la création d’un lien social et familial. En revanche, vous n’avez pas évoqué l’opportunité de la collaboration avec les écoles. Dans le cadre d’un projet d’intérêt général, cette logique de mutualisation me paraît essentielle. Patrick DEVEMY Notre association travaille avec des IME. En revanche, il est très difficile de nouer des partenariats avec le milieu scolaire et je crains que les nouveaux rythmes scolaires ne marginalisent encore un peu plus le handicap. Notre association a effectué quelques interventions en milieu scolaire

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essentiellement en direction d’enfants dyspraxiques. Néanmoins, nous travaillons davantage en faisant remonter les informations du milieu scolaire et en provoquant une rencontre avec les parents concernés pour les inciter à rejoindre notre association. Nathalie DAGNET BOLOSIER Un événement est en ce moment même organisé à l’espace sportif Pailleron, en collaboration avec la Mairie de Paris, afin de mettre en place des activités ludiques intégrant les enfants en situation de handicap et les enfants en milieu scolaire. La formation des encadrants est une mission de longue haleine mais les représentants de la Mairie de Paris ont eu l’occasion de constater que notre équipe était prête.

Table ronde « Qualité de vie des personnes incarcérées » Patrick MAGALOFF Je suis intervenu il y a deux mois au sein d’une maison d’arrêt et je me suis rendu compte que le thème de la présente table ronde devait être un réel sujet de préoccupation. Dans un premier temps, nous recueillerons le point de vue de l’universitaire Charlotte Verdot qui a mené un projet de recherche visant à mesurer les apports des activités physiques et sportives pour les personnes incarcérées. Ensuite, nous entendrons le témoignage de Jérémy Riverain qui propose des activités sportives aux mineurs de la maison d’arrêt de Brest.

L’apport des activités physiques et sportives pour la santé et la qualité de vie des personnes incarcérées

Charlotte VERDOT Docteur en STAPS, Chercheur associée au CRIS (EA 647), Université Claude Bernard, Lyon 1

Longtemps hermétique au monde extérieur, le milieu carcéral suscite encore de nombreux fantasmes. En effet, lorsque les médias évoquent le milieu carcéral, c’est souvent pour pointer du doigt des procès, des évasions ou dénoncer des conditions de détention déplorables et plus rarement pour soulever et relayer les initiatives menées pour améliorer la santé et la qualité de vie des détenus. L’objectif de ma recherche était d’identifier les difficultés de santé des personnes incarcérées et d’évaluer le rôle potentiel des activités physiques dans l’amélioration de leur situation. Les activités physiques représentent un moyen de se réapproprier son corps, de faire face à des problèmes d’hygiène, de sédentarité mais aussi à des problématiques psychologiques, sociales et physiques et peuvent s’avérer être un outil à moindre coût très profitable pour les personnes détenues et pour l’administration pénitentiaire.

Des activités physiques et sportives inscrites dans l’univers carcéral mais encore sous-employées

Les activités physiques et sportives en milieu carcéral sont régulièrement mentionnées dans les textes officiels, qu’il s’agisse de rapports ministériels, des règles pénitentiaires européennes, des recommandations de l’OMS ou des organisations des droits de l’homme. Dans le cadre de ces textes, un rôle vaste et de nombreuses valeurs éducatives, sociales et sanitaires sont associés à ces

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activités. La plupart des textes encourage ainsi à développer fortement ces activités pour répondre à des objectifs de promotion de la santé, d’éducation pour la santé, de prévention, de distraction et de canalisation des énergies mais aussi de réinsertion et d’apprentissage des règles et du respect. Dans les faits, le sport est très développé en prison : les nouvelles prisons sont toutes dotées de gymnases, de terrains de sport et de salles de musculation. Au sein des établissements plus anciens, certaines cellules font office de salles de musculation et certains espaces communs (cours de promenade, salles polyvalentes) sont investis pour les activités sportives. Chaque établissement prévoit par ailleurs des créneaux horaires dédiés à ces activités, des moniteurs de sport sont formés par l’administration pénitentiaire et des conventions ont été signées avec plusieurs fédérations sportives. En revanche, le potentiel de ces activités demeure sous-exploité, le sport étant encore largement perçu et utilisé par le personnel pénitentiaire et les détenus comme un moyen de défoulement et de distraction utile pour évacuer les tensions et gérer plus facilement la population carcérale. Les activités ne sont ainsi pas toujours encadrées en dépit d’une organisation et d’une supervision par du personnel pénitentiaire qualifié, ce qui ne permet pas de retirer tous les bienfaits sanitaires et sociaux issus d’une pratique physique saine et raisonnée. Cette absence d’encadrement s’explique à la fois par des difficultés organisationnelles (installations, moyens matériels, effectifs) mais également par un refus d’encadrement de la part de certains détenus. Ainsi, de nombreuses activités physiques – au premier rang desquelles figure la musculation, très prisée dans les prisons – sont réalisées sans tenir compte des règles de sécurité et de leur potentiel sanitaire.

Quel impact sanitaire et social des activités physiques et sportives en milieu carcéral ? Etat des recherches

Certains programmes de recherche ont eu pour objet de mesurer l’apport d’activités physiques encadrées en milieu carcéral mais ceux-ci demeurent rares et portent généralement sur l’échelle locale. De plus, certaines études comportent de nombreuses limites méthodologiques du fait de la difficulté de mettre en place un protocole scientifique dans le contexte carcéral. Les recherches se développent toutefois et mériteraient d’être élargies pour pouvoir attester des bienfaits des activités physiques et sportives en milieu carcéral. A l’échelle nationale et internationale, il a été prouvé scientifiquement que les activités physiques et sportives en prison, encadrées et suivant un rythme raisonné, améliorent les conduites de santé18 ou certaines aptitudes physiques (cardio, indice de masse corporelle et glycémie). Plusieurs études ont été consacrées à l’estime de soi, car il s’agissait de l’un des premiers champs investis dans une corrélation triangulaire avec les difficultés sociales et la délinquance. A cet égard, des études anglo-saxonnes des années 1990 et 2000 ont montré que les activités physiques et sportives en prison favorisaient l’estime de soi et le bien-être psychologique grâce à une diminution du stress, des états dépressifs et de l’agressivité.

Evaluer les bienfaits des activités physiques et sportives sur la qualité de vie des personnes incarcérées : restitution d’une recherche-action

Partant de ces éléments, l’objectif de notre étude était de mesurer les bienfaits éventuels d’une activité physique encadrée pour les détenus dans le cadre d’une recherche-action. Il s’agissait de réinscrire des personnes particulièrement sédentaires dans une pratique physique régulière le temps de l’étude avec l’objectif de faire perdurer ces pratiques.

18 Etude de Chantal Minotti et Sophie Garnier auprès de femmes incarcérées à Nancy

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Ainsi, nous avons investi un centre pénitentiaire composé d’une maison d’arrêt et d’un centre de détention. 26 personnes ont participé à cette étude, toutes étant incarcérées pour des affaires de mœurs. Ces détenus sont mal perçus et isolés au sein de la prison. Consécutivement, ceux-ci sortent peu de leurs cellules (et sont donc particulièrement sédentaires) et ils présentent des conditions de détention similaires. Un groupe expérimental de 15 détenus et un groupe contrôle de 11 détenus ont été créés à partir de cet échantillon. Le programme d’éducation physique et sportive proposé s’est déroulé au rythme de deux à trois séances par semaine, garantissant un minimum de trois heures de pratique hebdomadaire. Les activités choisies ont été le volley, le badminton et le tennis de table pour des raisons matérielles et pour éviter le football et la musculation associés à des représentations non-neutres. Par ailleurs ces activités présentaient une dimension collective tout en limitant les contacts directs entre les participants. Notre objectif était de développer une pratique raisonnée et organisée (échauffement, corps de séance, récupération, étirements…), avec un minimum d’intensité mais sans recherche excessive de la performance. Le groupe contrôle ne participait pas aux activités physiques mais réalisait, à l’image de l’autre groupe, une évaluation mensuelle fondée sur des questionnaires psychométriques (stress, qualité de vie, estime de soi…) et des tests physiques (force, souplesse, aptitude cardio-respiratoire…). De plus, les détenus ont pu librement donner leur avis sur le programme. Ce dernier s’est échelonné sur 22 semaines et l’ensemble des détenus y a participé sans qu’aucun abandon n’ait été relevé.

Bienfaits psychologiques et amélioration de la santé subjective des personnes incarcérées

Les résultats de l’étude font état d’une amélioration de l’ensemble des composantes du bien-être psychologique tandis que les composantes de la santé physique sont globalement restées stables (hormis l’adresse et la précision). Le stress et la dépression du groupe expérimental ont diminué tandis que l’estime de soi, la satisfaction corporelle et la qualité de vie se sont améliorées. L’évaluation de la santé subjective des détenus du groupe expérimental s’est également améliorée et ceux-ci ont fait part d’un bienfait psychologique, d’une utilité en termes de défoulement et de distraction et, enfin, d’un bien-être physique. Ainsi, ces détenus ont fait état de bienfaits physiques ressentis n’apparaissant pas forcément dans les mesures objectives de condition physique. Ce programme a également soulevé chez les détenus des questions de perception et de fonctionnement corporel. L’action a également suscité des discussions relatives à l’hygiène physique et à la santé, notamment autour de l’alimentation et de l’hydratation. En conclusion, cette étude sur un groupe restreint mériterait d’être élargie. Elle a mis en évidence les effets bénéfiques multiples d’une pratique physique régulière et raisonnée en détention, avec des bénéfices psychologiques au-delà des bénéfices physiques et des bienfaits sanitaires au-delà des bienfaits mesurés. Cette expérience démontre l’intérêt des activités physiques et sportives dans une perspective de promotion de la santé en milieu carcéral. Ces dernières participent d’un défoulement et d’un sentiment d’évasion, que peut aussi générer la pratique artistique, mais contribuent au-delà à un bien-être physique et psychologique, à une réappropriation corporelle et à une gestion de sa santé. Dans une optique sanitaire, il est nécessaire d’encadrer cette pratique pour éviter la pratique à outrance et les blessures.

Education par le sport avec les mineurs incarcérés à la maison d’arrêt de Brest

Jérémy RIVERAIN EPMM Bretagne, chargé du « programme d’éducation par le sport » à la maison d’arrêt de Brest

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Les activités sportives comme moyen de canalisation et d’éducation de jeunes délinquants

Chargé du « Programme d’éducation par le sport » (PEPS) de la maison d’arrêt de Brest, j’encadre quotidiennement la pratique sportive des détenus mineurs. A raison de dix heures par semaine et de deux heures par jour du lundi au vendredi, ces adolescents ont accès à la pratique sportive au sein de l’établissement. Pour permettre le suivi de ces adolescents, je participe aux réunions hebdomadaires du personnel du quartier des mineurs composées de surveillants, de personnel médical, d’éducateurs et de la direction de l’établissement. Le public bénéficiaire provient essentiellement des villes du département ou des départements limitrophes. Ces détenus sont plutôt issus de milieux défavorisés et ont souvent grandi dans un milieu familial instable voire violent. En échec scolaire ou déscolarisés, ils présentent pour certains des troubles mentaux ou une consommation de drogues problématique. Ces adolescents sont en manque de repères éducatifs et font montre de comportements inadaptés et irrespectueux des autres. Ils sont souvent incarcérés pour des faits de violence ou de trafic de stupéfiants. Ce programme est indispensable pour ces jeunes en ce qui leur permet une plus grande motivation, un meilleur sommeil ou un effet défouloir. L’ensemble de ces détenus font également état d’une amélioration de leur bien-être psychologique, un sentiment confirmé par le personnel du quartier des mineurs qui remarque un apaisement du climat de détention. Le PEPS part du postulat que le sport, par ses valeurs, est un levier éducatif susceptible de faire évoluer ces jeunes vers un respect des règles et des autres, une maîtrise de soi, un goût de l’effort et une envie d’apprendre. Le sport constitue en l’occurrence un moyen dans une « pédagogie du détour ». Mon intervention quotidienne permet la création d’échanges, parfois même sur des aspects de vie extra-sportive (consommation de drogues, sortie, récidive). Je dispose en ce sens d’une position privilégiée puisque je suis, avec l’enseignant, la personne la plus en contact avec ces jeunes gens. Le PEPS considère par ailleurs que le sport améliore la qualité de vie de la personne, par une amélioration de la santé physique, psychologique et de ses aptitudes relationnelles. Ce mieux-être doit faciliter la préparation à la sortie, la démarche de réinsertion sociale et de construction du projet professionnel. Il répond à la fois à un objectif de santé et à un objectif éducatif. Il s’agit ainsi en premier lieu de maintenir voire de renforcer l’état de santé de ces adolescents en dépit de leurs conditions de détention et d’isolement. Il s’agit deuxièmement d’amener les détenus à s’engager dans l’activité avec un esprit sportif et à adopter des comportements adaptés et respectueux des autres, dans une constitution de repères éducatifs.

Anatomie d’un programme d’éducation par le sport

La participation au PEPS repose sur une base de volontariat relativement contraignant – possibilité de remises de peine – et s’organise selon un planning d’activités hebdomadaire - le football, la musculation et le ping-pong constituent les activités favorites des détenus. Le matériel à disposition permet de développer l’ensemble des sports de raquette, des sports collectifs, des exercices de musculation… Cependant, au-delà des difficultés de gestion de ce public spécifique, des difficultés organisationnelles tiennent à l’exiguïté de la cour de promenade de 400 m² et de la salle d’activités de 25 m². Il convient ainsi de faire preuve d’imagination et d’enthousiasme. Le suivi du jeune bénéficie des regards croisés des réunions hebdomadaires et de la commission d’application des peines et vise à offrir au détenu un cadre cohérent et des réponses éducatives adaptées. Ce suivi est notamment permis par les effectifs du quartier des mineurs (dix détenus maximum) qui ne correspondent pas aux situations de surpopulation et de sous-encadrement de certains quartiers adultes. Le PEPS comprend des outils d’évaluation et de médiation, dont le « passeport évolution forme » qui correspond à la fiche récapitulative des tests de condition physique permettant d’identifier la

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progression du jeune. La charte du sportif permet par ailleurs de fixer le cadre des séances et onze règles éducatives parmi lesquelles figurent par exemple le respect des consignes et du matériel et l’interdiction de la triche. Enfin, un questionnaire est adressé aux détenus pour recueillir des informations sur leurs pratiques sportives en détention, sur le ressenti et sur l’évolution de leur état de santé. Partant de ce questionnaire, nous pouvons affirmer l’impact positif de ce programme pour les jeunes. En effet, 67 % des détenus interrogés en 2012 ne pratiquaient pas de sport avant leur incarcération et déclarent souhaiter poursuivre le sport après leur sortie. Bien que ces indications déclaratives soient sujettes à caution, ces résultats attestent de l’enthousiasme des détenus vis-à-vis de la pratique. Par ailleurs, 45 % d’entre eux estiment qu’ils deviennent plus habiles grâce aux séances de sport. En outre, 78 % d’entre eux ont le sentiment que leur condition physique s’est améliorée durant leur détention, une appréciation subjective qui doit être mise en relation avec l’interdiction de fumer en vigueur dans le quartier des mineurs. Enfin, 100 % d’entre eux considèrent que le sport contribue à ce qu’ils soient « mieux dans leur tête », un constat partagé par le personnel du quartier qui juge le programme indispensable à la prise en charge éducative des mineurs et à la réduction des risques de violence en détention19.

Echanges avec la salle

De la salle (Jean SABIN, coordinateur du pôle régional de compétences, Guadeloupe) Les médias mettent souvent en avant les situations de surpopulation carcérale. Parallèlement, l’étude de Charlotte Verdot témoigne des bienfaits psychologiques de l’activité physique en milieu carcéral. Aussi, cette étude ne devrait-elle pas être transférée au ministère de la Justice ? Charlotte VERDOT En effet, comme dans d’autres pays occidentaux, la surpopulation carcérale est un problème majeur en France. Il faut toutefois noter que la surpopulation carcérale concerne avant tout les maisons d’arrêt qui concentrent les prévenus et les petites peines. Les autres établissements s’organisent quant à eux selon un numerus clausus qui limite les phénomènes de surpopulation. Les maisons d’arrêt représentent néanmoins la majorité des établissements et les conséquences de la surpopulation sont à la fois organisationnelles, sanitaires et psychologiques. Notre étude s’inscrit dans le champ universitaire mais concerne en effet au premier chef l’administration pénitentiaire ainsi que le ministère de la Santé qui est chargé des questions sanitaires en milieu carcéral. L’administration pénitentiaire investit le champ sportif de manière importante et forme notamment des surveillants pénitentiaires à la fonction de moniteurs de sport. Néanmoins, ces moyens importants mis en œuvre ne font pas l’objet d’une évaluation systématique et les objectifs en matière de défoulement et de distraction sont souvent privilégiés par rapport à d’autres enjeux. Les apports des activités physiques et sportives peuvent limiter certaines conséquences néfastes de la surpopulation carcérale (notamment le confinement en cellule), cependant leur organisation est elle-même mise à mal du fait de la surpopulation. Ces activités ne sont pas une solution à toutes les difficultés en prison mais elles peuvent contribuer à l’amélioration de certaines de ces difficultés. Malgré cela, d’autres axes pourraient être développés. Le milieu carcéral s’ouvre progressivement à des intervenants extérieurs qui mettent en place des programmes ou des projets spécifiques mais il demeure encore difficile d’accès.

19 Le PEPS est soutenu par la Direction régionale de la protection judiciaire de la jeunesse (DRPJJ), la Direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse (DTPJJ) du Finistère et du Morbihan, la maison d’arrêt de Brest, les Contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) de Brest et de Morlaix, la DRJSCS, l’APELS, le Conseil régional de Bretagne et l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé)

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Les modalités complexes d’intervention en milieu carcéral

De la salle (Khadouja CHEMLAL, Inpes) Madame Verdot, comment avez-vous formé votre groupe de contrôle et quelles ont été les modalités d’encadrement des activités sportives ? Charlotte VERDOT Votre question souligne les deux limites de l’étude. S’agissant de la composition des groupes, une proposition de participation a été soumise à l’ensemble des détenus et tous les souhaits de participation ont été satisfaits. Néanmoins, notre projet de répartition aléatoire des individus entre le groupe expérimental et le groupe contrôle a été refusé par l’administration pénitentiaire qui avait justement souligné qu’il n’était pas possible d’exclure arbitrairement des détenus désireux de participer aux activités physiques. La solution idéale aurait été de reproduire l’expérience une deuxième fois en proposant aux détenus issus du groupe contrôle de pouvoir participer après coup au programme physique qui avait été initialement mis en place. Néanmoins, j’étais seule à conduire cette étude longue de 22 semaines et qui ne bénéficiait d’aucun financement. Aussi, la reconduction du programme pour 22 semaines supplémentaires m’était impossible et de fait, les bénéficiaires se sont répartis dans l’un ou l’autre des deux groupes selon leur bon-vouloir. Si les deux groupes présentaient des conditions de détention similaires, le groupe expérimental était en moyenne plus jeune que le groupe contrôle, une différence prise en compte dans l’analyse des données. Par ailleurs, j’ai conduit le projet, recruté les détenus, encadré les séances et réalisé les évaluations mensuelles seule. Cette conduite individuelle du projet a pu créer un biais, notamment en raison de mon sexe, bien qu’il soit impossible en l’état de pouvoir mesurer l’impact de cette présence et intervention « féminine » dans le cadre de ce projet., Cette limite scientifique a peut-être généré un effet facilitateur dans la mise en œuvre de l’action de terrain. Malgré tout, j’ai moins ressenti ma qualité de femme que d’intervenant extérieur. En effet, l’adhésion au programme a surtout été encouragée à mon sens par l’effet mobilisateur de la démarche d’une personne extérieure accordant du temps et de l’intérêt à ces détenus. Patrick MAGALOFF Monsieur Riverain, en tant que membre de la fédération EPMM, dans quel cadre être-vous intervenu dans le milieu pénitentiaire ? Jérémy RIVERAIN Une convention existe entre l’administration pénitentiaire et plusieurs fédérations. J’agis ainsi en tant qu’intervenant extérieur. En revanche, je fais partie intégrante de l’équipe par ma participation aux réunions hebdomadaires du personnel et à la commission d’application des peines. Le programme existe depuis 2007 et apparaît totalement intégré aux missions du quartier des mineurs. Patrick MAGALOFF Cette expérience témoigne une nouvelle fois de l’implication du mouvement associatif fédéral ailleurs que dans l’univers du sport.

Le suivi difficile des détenus après leur sortie de prison

De la salle (Gilles VIEILLE-MARCHISET) Existe-t-il de la part du praticien ou du chercheur des travaux sur « l’après-prison » et sur le rôle des activités physiques dans une perspective de réinsertion ? Jérémy RIVERAIN

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Aucun suivi n’est effectué concernant la pratique sportive à la sortie de prison. En revanche, des passerelles sont établies entre le milieu fermé et le milieu ouvert mais elles sont le fait des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse qui préparent la sortie avec le détenu quand celui-ci le demande. Ces passerelles peuvent être, par exemple, la reprise d’une formation ou l’orientation vers un centre d’éducation fermé en fonction du profil et des envies du détenu. Charlotte VERDOT Les mineurs sortant de milieu carcéral continuent d’être suivis. En revanche, malgré tout l’intérêt que présenterait la démarche de suivre le devenir des sortants de prison, ce suivi est impossible pour les majeurs (en dehors de dispositifs spécifiques d’aménagement de peine). Le seul véritable suivi intervient malheureusement en cas de nouvelle incarcération. Autrement, les détenus ont tendance à « s’évaporer » dans la nature une fois qu’ils sont sortis de prison et à refuser cette logique de suivi. Par ailleurs, en tant qu’intervenante extérieure, j’avais pour consigne de rompre tout lien avec les détenus à la fin de mon intervention.

Des affiches au service des actions de prévention

Mieux vivre en société, respect d’autrui et sensibilisation aux handicaps

Christophe CANINO L’affiche « Sport et activité : les bienfaits de la pratique au-delà de la santé physique » (Cf. figure 19) fait partie d’un projet mené depuis deux au lycée agricole de Pézenas, en collaboration étroite avec des enseignants en éducation familiale et sociale et en biologie sur la thématique du « sport-santé ». Articulé autour de neuf séances, le projet visait l’atteinte d’objectifs en lien avec une filière d’enseignement « services à la personne et aménagement du territoire ». Face à cette filière composée à 95 % de filles sédentaires et éloignées de la pratique sportive, il s’agissait de travailler de manière transversale en bouleversant les clivages existants. Aussi, notre objectif a été de responsabiliser ces jeunes sur les thématiques du mieux-vivre ensemble et du respect d’autrui. Dans cette perspective, nous avons mobilisé des professionnels du handicap et des maladies infantiles pour mettre en œuvre ce projet avec les élèves. Le bilan de l’opération s’est avéré très positif et nous la renouvellerons dès la rentrée prochaine.

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Figure 19 : Mieux-vivre ensemble, respect d’autrui et sensibilisation aux handicaps

« Bouge ta santé à Clichy-sous-Bois »

Grégory CZAPLICKI Mutualité française Ile-de-France

Le projet « Bouge ta santé à Clichy-sous-Bois » est mené en collaboration avec le Comité départemental olympique et sportif (CDOS) de Seine-Saint-Denis et la ville de Clichy-sous-Bois, et est cofinancé par l’ARS et la DRJSCS d’Ile-de-France. Il vise à promouvoir l’activité physique des jeunes dans une ville à la fois marquée par les émeutes de 2005 mais aussi par la volonté des acteurs publics de réagir. La ville de Clichy-sous-Bois a été choisie par l’ARS à la suite de la signature d’un Contrat local de santé (CLS) sur la thématique de la nutrition. Ce projet associe sport et activité physique dans une conception générale de l’activité physique. Cet angle d’approche transversal suppose un travail sur l’urbanisme, la santé et l’éducation pour créer une synergie locale autour de l’activité physique et de la santé. Dans cette perspective, il apparaît important de sensibiliser les acteurs locaux aux bienfaits de l’activité physique avant de créer des parcours locaux qui s’appuient sur les activités physiques et sportives pour améliorer la santé. Ces parcours locaux prennent la forme de conseils et d’une orientation prioritaire vers les clubs sportifs mais aussi vers une pratique informelle en zone urbaine, permise par exemple par la forêt de Bondy.

Damien RICHARD Comité départemental olympique et sportif de Seine-Saint-Denis

Ce programme vise à consolider un travail de partenariat entre professionnels du secteur de la santé et du secteur sportif. Comme les débats précédents en ont témoigné, il n’existe pas véritablement d’organisation partenariale entre ces acteurs. Or la ville de Clichy-sous-Bois s’inscrit dans un contexte social et urbain particulier qui oblige à repenser les modalités de prise en charge des pratiques physiques et sportives. Ainsi, la prise en charge des activités physiques sera certes

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assurée par le mouvement sportif mais en lien avec le centre social et/ou le centre de santé. Dans ce contexte, nous avons développé des pistes de travail adaptées à Clichy-sous-Bois, lesquelles seront potentiellement reproductibles ailleurs.

Figure 20 : « Bouge ta santé à Clichy-sous–Bois »

DiabetAction : passeport pour une meilleure qualité de vie des personnes diabétiques

Frédéric LE CREN Fédération française EPMM Sport pour tous

DiabetAction est un programme multifactoriel qui couvre la thématique de l’activité physique et celles des sciences d’éducation à la santé. Ce programme, né au sein de l’université de Montréal, a été adapté et renforcé en France. Grâce au concours du ministère des Sports, il a été évalué et mené collaborativement par la Mutualité française et des associations de patients telles que l’Association française des diabétiques (AFD) et l’Union sport et diabète (USD). Au-delà du rapprochement des mondes de la santé et du sport, il s’agissait de rapprocher les patients eux-mêmes. C’est notamment le cas en Bretagne où des patients-experts co-animent le programme d’activités d’éducation à la santé dans une logique de pairie. Les résultats de ce programme sont intéressants aussi bien du point de vue de la condition physique, de la qualité de vie que de la persévérance de personnes diabétiques qui passent d’une situation de sédentarité à la pérennisation d’une activité physique et sportive.

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Figure 21 : DiabetAction

Prise en charge des porteurs de pathologies chroniques par l’activité physique

Mylène BACON Coordinatrice du réseau efFORMip

Présidé par le docteur Rivière, le réseau efFORMip est l’opérateur régional en Midi-Pyrénées de la prise en charge des porteurs de pathologies chroniques, reconnues par l’ARS, par l’activité physique. Ces missions sont la formation des médecins à la prescription d’activités physiques sous ordonnance, la formation des éducateurs sportifs à la prise en charge des porteurs de pathologies chroniques au sein des collectivités territoriales et des associations sportives. Outre sa mission de prise en charge des porteurs de pathologies chroniques par l’activité physique, efFORMip est en charge de l’évaluation de la condition physique et des bienfaits de l’activité physique sur ces porteurs de pathologies chroniques.

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Figure 22 : efFORMip

Table ronde « Rôle, responsabilité, compétences des éducateurs et des entraîneurs sportifs pour une pratique promotrice de santé » Jean-Philippe ACENSI Délégué général, Agence de l’éducation par le sport

Lors de cette table ronde sur le rôle, la responsabilité et les compétences des éducateurs et des entraîneurs sportifs pour une pratique promotrice de santé, nous aborderons les activités mises place au sein du club nautique du Perreux, l’action Pass menée par l’association rémoise des étudiants en STAPS20 ainsi qu’une communication relative à la santé et aux activités physiques.

Projet PASS de l’Association rémoise des étudiants en STAPS

Permettre l’accès des personnes précaires aux activités physiques et sportives

Nicolas LEFEVRE Maître de conférence en STAPS et responsable de la licence « Développement social et médiation par le sport »

L’objectif de la licence professionnelle « Développement social et médiation par le sport » est de former des éducateurs sportifs se destinant à encadrer des publics spécifiques, à la fois au sein des maisons de quartiers de zones difficiles ou en milieu fermé comme les maisons d’enfance à

20 Projet lauréat du prix sport-santé Inpes/APELS

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caractère social ou les Instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (ITEP). Dans le cadre de cette formation, nous menons avec ces étudiants un projet en collaboration avec le Secours populaire depuis 2009. Les bénévoles du Secours populaire nous ont sensibilisés au fait que de nombreux adultes et enfants n’avaient pas l’occasion de pratiquer une activité physique de manière régulière, notamment en raison de leur situation familiale et sociale. Ce phénomène est croissant et de nombreux mineurs sont exclus de pratiques sportives ordinaires qui constituent pourtant des droits fondamentaux21. Par conséquent, notre projet consistait à amener ces enfants et ces familles vers une activité physique et sportive en club au moyen d’une médiation. En 2012, 3 413 foyers de la Marne étaient bénéficiaires des actions de solidarité du Secours populaire. A l’échelle de la ville de Reims, nous observons que les visites de foyers au Secours populaires sont passées de 2 510 à 4 240 entre 2009 et 2012. Entre 2006 et 2012, le nombre de foyers reçus est passé de 1 490 à 2 396 dont 777 reçoivent une aide alimentaire hebdomadaire. Les situations socioprofessionnelles de ces foyers sont spécifiques avec un tiers de familles bénéficiaires du RSA et 45 % de familles bénéficiaires des allocations familiales. Parmi ces personnes précaires, nous retrouvons également des personnes sans domicile fixe, des étudiants précaires, des travailleurs pauvres, des personnes en situation de surendettement ou, de manière plus récente, des retraités à la fois bénévoles et bénéficiaires des aides. Parmi les bénéficiaires de l’aide du Secours populaire, 40 % des familles sont monoparentales et le nombre de bénéficiaires de 18 à 25 ans a triplé entre 2007 et 2012. Au-delà de ces difficultés objectivables, ces situations se traduisent souvent par des phénomènes de détresse, d’isolement, d’exclusion et de peur. Cette peur s’inscrit notamment dans un rapport à l’avenir, difficile à anticiper au regard des difficultés de gestion du présent. Ce rapport au temps est problématique et suppose de notre part d’impliquer les personnes dans un projet de long terme, en l’occurrence un projet sportif. Depuis quelques années, le Secours populaire a mis en place un recueil de témoignages intitulé Le dire pour agir et donne ainsi la parole aux « dominés » (souvent davantage parlés qu’ils ne parlent). Cette démarche permet d’appréhender les représentations subjectives de la précarité de ces publics. A cet égard, un bénéficiaire explique « J’ai peur, il y a de la peur. J’ai peur pour beaucoup de choses. J’ai peur de la maladie, de partir et de laisser des enfants petits. J’ai peur de ne pas retrouver de travail, de ne pas s’en sortir et de toujours dépendre des associations. C’est la galère, c’est le pire des trucs. »

Vers une rencontre des institutions et des individus et un engagement des enfants dans une activité sportive

L’association rémoise des étudiants en STAPS tente de prendre en compte ces difficultés et, à partir de ces caractéristiques, de participer à la lutte contre les exclusions et les discriminations qu’engendrent ces conditions de vie. Au-delà de cet objectif général, il s’agit également pour moi de mettre en place un projet pédagogique dont les étudiants en STAPS sont les chevilles ouvrières. Dans ce cadre, il s’agit de mettre ces étudiants au cœur de situations de médiation et de créer le lien entre des individus et des institutions qui ne se rencontrent pas. Le projet consistait ainsi à mettre en lien le Secours populaire, les clubs sportifs du monde fédéral, les maisons de quartier et l’université. Dans cette perspective, notre objectif prioritaire est d’inscrire les enfants de moins de 18 ans au sein de clubs dans des projets de long terme. Les étudiants en STAPS mènent ainsi en premier lieu un important travail de communication. En effet, nous rencontrons les familles présentes aux journées libre-service pour rechercher de la nourriture, des vêtements ou un soutien, et nous développons une campagne d’information. A cette

21 Au sens de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives

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occasion, nous présentons le projet aux familles en opérant un diagnostic des familles (nombre d’enfants, intérêt pour une activité sportive…). Puis, nous effectuons un diagnostic des besoins et des difficultés éventuelles tandis que nous contactons en parallèle des structures sportives d’accueil. Le Secours populaire constitue quant à lui le lieu d’accueil et d’accompagnement quotidien des familles. Une fois les enfants en activité, l’objectif est d’impliquer les clubs ou les maisons de quartier dans le projet - une mission initialement délicate en raison des modes de fonctionnement différents des institutions mais qui commence à porter ses fruits. Depuis 2009, les résultats de cette action sont globalement satisfaisants. Le programme touche chaque année 25 à 30 enfants. Ce nombre peut paraître faible, notamment en comparaison avec les 150 à 200 questionnaires de préinscription collectés annuellement. Néanmoins, cette relative faiblesse des inscriptions fermes s’explique par un hiatus entre la volonté initiale de pratique sportive et la difficulté de s’inscrire dans un projet de long terme. Au-delà de l’inscription même, l’objectif du projet est atteint lorsque la pratique est soutenue. Dans cette perspective, nous procédons à un suivi qualitatif de la pratique de l’enfant et du bon déroulement de ses activités. Néanmoins, des difficultés de communication apparaissent régulièrement avec des familles qui ne font pas toujours preuve de volonté et de « répondant » vis-à-vis de nos démarches. Aussi, il s’agit d’intégrer pleinement les familles dans cette démarche en prenant en compte leurs difficultés financières. En effet, certaines familles rencontrent des difficultés financières considérables et l’activité sportive représente pour elles un coût et une organisation parfois impensables que nous tentons de pallier. A titre d’exemple, en convention avec les clubs, le tarif de la licence s’élève à 86 euros, dont 66 euros sont pris en charge par des passeports loisirs fournis par la Caisse d’allocations familiales (CAF). Néanmoins, le Secours populaire, qui combat l’assistanat, demande une participation symbolique de 20 euros. Or cette participation financière a priori dérisoire constitue parfois un obstacle pour des familles prises à la gorge en fin de mois. Par ailleurs, grâce au soutien du Conseil régional et au prix « Fais nous rêver », nous soutenons les familles dans l’achat de matériel sportif personnel en plus de la mise à disposition de matériel par les clubs.

Des carences en matière de formation aux activités physiques adaptées

Jean-Philippe ACENSI Ce travail de médiation entre les familles et les clubs est particulièrement instructif dans l’objectif de lutte contre les inégalités sociales en matière d’accès à la santé et à la pratique sportive. Dans cette perspective, n’avez-vous pas le sentiment qu’il est nécessaire de favoriser des temps de rencontre entre professionnels des champs de la santé, de l’action sociale ou du sport ? Nicolas LEFEVRE Je ne suis un spécialiste du champ de la santé. En revanche, des clivages perdurent entre le champ du sport et celui de l’éducation populaire en matière de modes de fonctionnement. Ainsi, même si des pratiques professionnelles hybrides émergent avec la mise en place d’activités sportives au sein de structures comme les ITEP, les Maisons d’enfants à caractère social (MECS) ou les Centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), les ressources et le capital humain ne sont pas toujours suffisants. De ce fait, ces structures externalisent ces actions en faisant appel à des intervenants extérieurs ou en composant avec leurs ressources internes. Cependant, la mobilisation des ressources internes pose des questions de compétences, de prérogatives et de formation à l’encadrement de publics spécifiques. A titre d’exemple, très peu d’Instituts régionaux du travail social (IRTS) proposent des formations à la médiation par le sport. Par ailleurs, les éducateurs spécialisés proposeront parfois des activités sportives sans nécessairement disposer des compétences pédagogiques susceptibles de leur permettre d’adapter la pratique à un public spécifique. De plus, rares sont les formations universitaires, outre les APA, permettant de se former aux pédagogies adaptées aux publics jeunes ou délinquants. Ainsi, ces carences en matière de formation posent la question des compétences.

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Accueil tout public dans un club sportif : l’expérience du club nautique du Perreux

Rôle de l’éducateur dans l’accueil de tous les publics au sein d’un club sportif

Jean-Philippe ACENSI Vincent Turlin, quel est le rôle de l’éducateur sportif au sein d’un club et comment fait-il vivre ses différentes compétences ?

Vincent TURLIN Directeur du club nautique du Perreux

Le principal rôle de l’encadrant est de mettre en place l’activité sportive, d’assurer la sécurité des pratiquants et de prodiguer des conseils techniques pour permettre un niveau optimal de pratique. La société nautique du Perreux compte une grande variété de pratiques avec 300 licenciés, dont un tiers pratique l’aviron sous forme de compétition du niveau local au niveau international, et environ 200 personnes développant une pratique de loisir. Dans ce contexte, il est indispensable pour les encadrants d’adapter en permanence le discours, les consignes et les modalités d’enseignement aux différentes formes de pratique. Dans les faits, cela implique de mettre en place des pédagogies adaptées et de mobiliser diverses compétences issues de la fédération, du milieu associatif et des différentes générations d’encadrants. Par ailleurs, il est important pour l’économie de nos structures de s’ouvrir à divers types de pratiques qui permettent de pérenniser les postes des professionnels du sport.

Le sport-loisir en club sportif

Jean-Philippe ACENSI Observez-vous de nouvelles demandes de compétences de la part des adhérents, notamment en matière de santé ? Vincent TURLIN En effet, parmi les 200 adhérents développant une pratique récréative, une majorité recherche une activité a minima hebdomadaire pour se sentir mieux. Ces adhérents attendent de ces activités un lien social et un effort physique propres à renforcer leur bien-être quotidien et leur condition physique. Parmi ces adhérents, certains parviennent à s’astreindre à un rythme de trois séances hebdomadaires grâce à une offre large de créneaux horaires systématiquement encadrés. De plus, chaque séance est guidée par la préoccupation de répondre aux attentes de chaque pratiquant. Certains présentent un niveau faible. Il nous appartient alors d’adapter le matériel, les outils pédagogiques et les vecteurs de motivation pour pérenniser les bienfaits de la pratique et inciter l’adhérent à s’inscrire dans l’association dans la durée.

Formation des professionnels du sport aux problématiques de santé

Jean-Philippe ACENSI Les compétences de santé vous paraissent-elles suffisamment traitées à l’échelle des formations fédérales ? Vincent TURLIN Il s’agit d’un point d’amélioration. Ces compétences sont abordées depuis peu de temps et de manière relativement superficielle. Des formations se développent sur le sujet mais demeurent en annexe du tronc commun d’un Brevet d’Etat (BE) ou d’un BPJEPS d’animateur en aviron. Il est ainsi possible de disposer d’une formation d’ouverture à ces types d’encadrement et de pratiques. En

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revanche, pour développer une pratique alternative et approfondie, il est nécessaire d’aller au-delà du tronc commun de formation, bien que l’offre de formation tende à se diversifier.

Educateurs : quelles compétences éducatives à acquérir ou à développer pour que les différents publics tirent tous les bénéfices de la pratique ?

Les bienfaits multiples de la pratique physique

Karine CORRION Enseignant-chercheur, Université de Nice Sophia-Antipolis

Selon l’OMS, l’activité physique désigne « tout mouvement corporel produit par les muscles squelettiques entraînant une dépense énergétique supérieure à celle du repos ». Le sport serait ainsi la forme la plus sophistiquée de l’activité physique. L’activité physique s’inscrit dans la vie quotidienne, à la maison, dans les transports ou au cours des loisirs. Selon une enquête internationale, les enfants et les adolescents pratiquent davantage que leurs aînés et les garçons ont plus d’activité physique que les filles. Toutefois, seulement 11 % des filles et 25 % des garçons âgés de 11 ans en France ont une pratique d’activité physique conforme aux recommandations actuelles de 60 minutes par jour22. Les bénéfices de la pratique physique sont de plusieurs ordres. Ils sont physiologiques d’abord. En effet, la pratique modérée d’une activité physique de trois heures par semaine ou la pratique intense de trois séances de 20 minutes par semaine entraîneraient une diminution de 30 % des risques de mortalité prématurée. Les bénéfices sont également psychologiques. En effet, la pratique régulière d’un sport améliore le bien-être physique et émotionnel ainsi que la qualité de vie et la perception de soi. En tant qu’enseignant, la question des compétences éducatives à acquérir me paraît cruciale. Elle implique de s’interroger sur les stratégies d’intervention propres à développer ces compétences. Ces stratégies visent à la fois à rendre les individus acteurs de leur santé (éducation à la santé, développement des compétences psychosociales) et à développer un engagement durable en tant qu’entrepreneur de sa propre santé (théories sociocognitives de la motivation).

Quelles stratégies d’intervention pour rendre les individus acteurs de leur santé ?

Une stratégie serait l’éducation à la santé. Elle vise à aider les personnes à construire une image positive d’elle-même et à éviter les comportements à risque23. Ces comportements s’inscrivent dans une dualité entre attitude pathogène et attitude immunogène qui améliorera la santé24. Selon l’OMS, il est important d’amener les individus à développer des capacités pour répondre aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne. Dans cette perspective, développer les compétences psychosociales constituerait une stratégie. Celles-ci se définissent comme l’aptitude des personnes à maintenir un état de bien-être mental, un comportement approprié dans sa relation avec les autres mais aussi dans son environnement. Ces compétences psychosociales se divisent en deux grands domaines : (a) les compétences psychologiques (estime de soi, régulation de ses émotions, rapport au corps..etc..), et (b) les compétences sociales (habilité dans les relations interpersonnelles, résistance à la pression sociale, gestion des conflits..etc…). 22 Activité physique - contextes et effets sur la santé, Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), 2008 23 Tessier, Andreys et Ribeiro (2004) 24 Matarazzo (1984)

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Les capacités d’autorégulation, investies en 2001 et en 2003 par Albert Bandura et ses collaborateurs dans les champs de la vie quotidienne, de la délinquance ou de la dépression, ont été appliquées par notre laboratoire au domaine du sport25. Les stratégies d’intervention seront également l’occasion d’aborder les antécédents motivationnels qui posent l’enjeu de la création d’un climat propice au développement des capacités d’autorégulation. Albert Bandura définit les capacités d’autorégulation comme la capacité d’un individu à contrôler lui-même son comportement. Ces capacités d’autorégulation permettent à l’individu de changer ou d’améliorer son comportement dans une position d’acteur de sa santé. Plusieurs études conduitent par Bandura et ses collaborateurs montrent que ces capacités recouvrent des capacités d’autorégulation de la pression sociale (résistance à la pression d’autrui qui m’invite à ne pas adopter des comportements transgressifs), des capacités d’autorégulation des affects (la gestion de la colère et de l’agressivité) et du désengagement moral. La confiance dans ces capacités d’autorégulation constitue des facteurs protecteurs des conduites de transgression et des comportements pathogènes. Albert Bandura montre ainsi que l’autorégulation de la pression sociale influence directement les comportements de transgression (délinquance, alcoolisme) et le désengagement moral. Plus une personne fait preuve d’efficacité sociale, plus ses comportements sont pro-sociaux. Par ailleurs, le modèle de Bandura montre que l’autorégulation des affects rejaillit sur la diminution des comportements de transgression et sur l’autorégulation de la pression sociale.

Figure 23 : Modèle de Bandura (2001, 2003) L’objectif de notre étude était d’évaluer si ce modèle en termes de capacités d’autorégulation pouvait être transposé à l’Education Physique et Sportive en milieu scolaire mais aussi au monde compétitif. Le désengagement moral désigne l’incapacité à contrôler son comportement grâce à des auto-sanctions morales et correspond à une série de justifications a posteriori des transgressions et comportements pathogènes. Ces justifications relèvent du registre du « ce n’est pas ma faute », consistant à rejeter la faute sur quelqu’un d’autre (famille, amis, société, arbitre, entraineur…) ou du registre du « ce n’est pas grave » consistant à minimiser les conséquences d’une pratique, par 25 D’Arripe-Longueville, Corrion et al. 2010

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exemple la consommation de tabac. Ainsi, pour développer des compétences éducatives, il s’agit en premier lieu de travailler sur ces justifications avant de travailler sur les capacités d’autorégulation. Notre laboratoire a appliqué ce modèle au sport et a révélé les liens et une influence similaire des capacités d’autorégulation. Le jugement d’acceptabilité de la tricherie a ainsi été mesuré à travers la projection de scénarii (texte papier). A cet égard, les sujets présentant de mauvaises capacités d’autorégulation (de la pression sociale et des affects, et se désengageant moralement) jugent plus facilement acceptables un comportement de tricherie et font part d’intention de tricher.

Figure 24 : Transposition du modèle de Bandura au domaine sportif26 Ainsi, les capacités d’autorégulation (i.e., de la pression sociale et des affects) et le désengagement moral sont des variables importantes pour expliquer le fonctionnement moral chez les adolescents et les sportifs et témoignent des compétences. Aussi, pour amener les individus à devenir acteurs de leur santé, il convient de développer chez eux des capacités d’autorégulation. Les transgressions se déroulent dans un contexte d’accomplissement (scolaire et sportif), et à ce titre les variables motivationnelles semblent intéressantes à prendre en considération pour comprendre ces mécanismes.

Développer un engagement durable dans l’activité physique

Pour développer un engagement durable dans l’activité physique et ses compétences éducatives afférentes, les théories sociocognitives de la motivation apportent un éclairage précieux. Ainsi, la notion de motivation autodéterminée27 articule les dimensions de motivation intrinsèque (choix personnel) et de motivation extrinsèque (contraintes externes) tandis que la notion de motivation d’accomplissement28 désigne un comportement guidé par la volonté de bien réaliser une tâche, par volonté d’amélioration personnelle ou de comparaison sociale. Il s’agit ainsi pour les éducateurs et les enseignants de susciter, par un contexte motivationnel propice, un changement de motivation susceptible de modifier les capacités d’autorégulation, afin

26 D’Arripe-Longueville, Corrion et al., 2010 27 Ryan et Deci, 2000 28 Nicholls 1984,1989, Dweck, 1989

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de susciter un engagement durable dans les activités physiques et sportives porteuses de bénéfices psychologiques. Une première étude par questionnaire réalisée par notre laboratoire, chez 298 sportifs, montrait que la motivation intrinsèque influence positivement les capacités d’autorégulation sociale et diminue le désengagement moral. Ainsi, plus un sportif est autodéterminé et motivé intrinsèquement, plus il adhérera à ses propres standards moraux et sera hermétique aux pressions des autres et moins il se désengagera moralement. . Une deuxième étude a induit un contexte motivationnel particulier pour en mesurer l’effet sur les capacités d’autorégulation chez 64 sportifs. Dans ce contexte, nous avons observé des scores d’autorégulation différents selon un climat A et un climat B. Le climat A soutenait l’autonomie et les buts d’accomplissement de maîtrise tandis que le climat B était plus contrôlant et comportait des buts de comparaison sociale. Au final, les scores moyens des capacités d’autorégulation de la pression sociale étaient plus élevés au sein du climat A. Par conséquent, le contexte d’autonomie amènerait un développement des capacités d’autorégulation. A contrario, le climat B développerait le désengagement moral avec les justifications a posteriori. Cette étude n’a cependant pas débouché sur des résultats statistiques nettement significatifs et était centrée sur des sportifs de haut niveau. Aussi, nous avons transposé cette étude à des sportifs de niveau moyen en opposant un contexte d’autonomie et un contexte de contrôle externe. Dans ce cadre, nous avons observé à nouveau qu’un contexte soutenant l’autonomie amène des scores plus élevés des capacités d’autorégulation (i.e., de la pression sociale et des affects), et des scores plus faibles de désengagement moral. A la suite de ces études, nous avons développé, avec l’Académie Nationale Olympique Française (ANOF), un programme de tutorat reposant sur des ambassadeurs, athlètes sélectionnés aux Jeux Olympiques de Londres 2012. Ces ambassadeurs sont intervenus dans des établissements scolaires ; et le programme a eu des effets du côté des six tuteurs et des 99 collégiens et lycéens concernés. Les tuteurs ont été formés en amont aux capacités d’autorégulation, et avec eux, des journées de sensibilisation ont été organisées au sein des classes avec différents supports (clips vidéo sur les valeurs de l’olympisme, témoignages, jeux de rôle). A la suite de cette étude, nous avons constaté une évolution de la capacité d’autorégulation de la pression sociale et une diminution du désengagement moral des sportifs mais aussi des tutorés29. La question de l’influence des activités physiques et sportives amène ainsi à envisager le rôle des capacités d’autorégulation comme compétences à acquérir pour obtenir des bénéfices psychologiques et de santé mais aussi pour envisager des mécanismes de régulation de certains comportements transgressifs. Les stratégies d’intervention doivent rendre les publics acteurs de leur santé et les inscrire dans un engagement durable notamment au travers de contextes motivationnels et de dispositifs de tutorat qui pourraient être amplifiés pour un effet à long terme. En matière de perspectives, le recours à des pairs dans le cadre de programmes d’éducation à la santé présente un intérêt indéniable. Par ailleurs, il conviendrait de mettre en avant le rôle des capacités d’autorégulation dans la lutte contre le dopage. L’Agence mondiale antidopage (AMA) est à cet égard intéressée pour développer ce type de programme afin d’élaborer des stratégies plus efficaces de prévention du dopage30.

29 Avec cependant une diminution moindre du désengagement moral des adolescents 30 Le site internet de la Faculté des Sciences du Sport de Nice présente les travaux relatifs aux capacités d’autorégulation et le Master « Nutrition, activités physiques prévention, éducation et santé » : www.unice.fr/ufrstaps.

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Echanges avec la salle

Cohésion de club et lien social entre adhérents

De la salle (Stéphanie LABAU) Monsieur Turlin, votre club est composé d’une centaine de pratiquants compétitifs et de 200 pratiquants de loisirs. Dans ce cadre, travaillez-vous au développement d’un socle de valeurs communes pour créer une cohésion de club ? Vincent TURLIN Il s’agit d’une préoccupation centrale. Pour maintenir une vie associative cohérente, il faut éviter d’engendrer un système à deux vitesses. Aussi, nous considérons la section compétition comme un levier d’épanouissement de l’ensemble du club et comme un laboratoire d’approfondissement des connaissances et des pratiques pédagogiques. Par ailleurs, nous réunissons l’intégralité des adhérents autour d’événements de club pour créer une dynamique de partage commune aux différentes sections et pour assurer une transversalité des méthodes d’encadrement. Par ces événements sportifs et festifs, il s’agit de favoriser les échanges entre toutes les composantes de l’association.

Activités physiques et sportives et contextes motivationnels

De la salle (Sondès ELFEKI MHIRI, ministère des Sports) Monsieur Turlin, quel est votre avis sur la présentation théorique de Karine Corrion ? En tant qu’éducateur de terrain, avez-vous découvert des éléments nouveaux ou mettez-vous naturellement en application ces outils de pédagogie ? Vincent TURLIN Les motivations intrinsèques et extrinsèques de la pratique sportive sont des éléments qui retiennent toute notre attention, d’autant plus que l’aviron souffre d’un relatif anonymat qui nous oblige à le faire découvrir et à susciter l’épanouissement des pratiquants. Cet épanouissement ne doit pas seulement être lié au contexte et à la recherche de lien social mais doit également s’inscrire dans un plaisir propre à la pratique qui a vocation à pérenniser l’activité des pratiquants. Notre association a en effet tout intérêt à minimiser le turn-over des adhérents et à pérenniser l’activité aviron. Dans cette perspective, le tutorat est utilisé comme levier d’engagement. A titre d’exemple, la ligue d’Ile-de-France d’aviron a récemment mis en œuvre un programme de tutorat avec des rameuses de niveau olympique afin de favoriser la pratique féminine de l’aviron. Ainsi, nous sommes formés et très vigilants à ce contexte motivationnel crucial pour la pratique. Seule une motivation intrinsèque permettra de pérenniser l’activité des membres de l’association et de nous inscrire sur une dynamique de long terme propice à la stabilité de notre structure. Karine CORRION La motivation est un outil mobilisé à la fois par les enseignants et les entraîneurs de club. En effet, les dispositifs de tutorat ne sont pas nouveaux et concourent à l’estime de soi, au maintien de l’activité et à l’augmentation du temps de pratique. Au-delà de ce climat motivationnel, il s’agit également par son intermédiaire de développer des compétences (capacités d’autorégulation) réutilisables dans la vie quotidienne et bénéfiques d’un point de vue psychologique. De la salle (Grégory CZAPLICKI, Mutualité française) L’effet modelage du tutorat est très intéressant. En revanche, n’est-il pas plus efficace de développer des programmes éducatifs plutôt que de faire venir des sportifs de haut niveau dans les classes ? En effet, ce tutorat semble plus pertinent auprès de jeunes familiers du sport que de

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jeunes très éloignés du sport qui doivent avant tout faire l’objet de programmes d’éducation par le sport ou l’activité physique. Karine CORRION Les études scientifiques montrent que plus le tuteur est proche du public, plus le programme est efficace, dans une logique de pairie. Les ambassadeurs olympiques mobilisés dans le cadre de notre projet ont en effet visité des élèves de sections sportives. Aussi, nous développons avec le Conseil général des Alpes-Maritimes un programme de tutorat mobilisant des sportifs de bon niveau auprès des collégiens. Il peut par ailleurs être intéressant d’amplifier les journées de sensibilisation vers des programmes plus soutenus.

Conclusion Gilles VIEILLE-MARCHISET Activité physique, sport, « sport-loisir », de quoi parlons-nous ? Tout dépend de la façon dont nous nous emparons de ces sujets. Le sport compétitif peut être un outil formidable de santé de la même manière que le sport associatif. Il ne s’agit pas d’exclure une composante du sport, mais de consolider des approches spécifiques. Ensuite, pourquoi faire ? Nous avons identifié au cours de la journée les bienfaits de l’activité physique et sportive en matière de prévention des risques, de réappropriation de son corps, de développement des capacités et des compétences psychosociales, de création du lien social. Nous pourrions également citer comme bienfait de la prévention par les activités physiques, les coûts économiques évités. Pour qui ? Publics précaires, vulnérables… A cet égard, chaque activité physique doit être appréhendée de manière spécifique en fonction des populations. Cet impératif d’adaptation requiert ainsi des compétences particulières. En effet, les seniors, les femmes isolées, les chômeurs et les porteurs de pathologies chroniques nécessitent autant d’expertises différentes à défendre et à développer. Par qui ? Au cours des débats, la notion d’éducateur physique et sportif a été mentionnée tandis que les concepts d’hybridation et de médiation ont été abordés. Ces termes font écho à des compétences nouvelles à développer chez les éducateurs. A cet égard, les théories de la motivation et les réflexions en termes d’autonomie et de contexte propice aux apprentissages constituent autant de pistes de réflexion potentiellement fécondes dont doivent se saisir les organismes de formation initiale et continue. Comment ? Il est apparu au cours des discussions que le territoire et l’échelle locale constituent la rampe de lancement de partenariats et d’expérimentations associant santé, sport, éducation et milieu scolaire. Cette échelle semble la plus pertinente pour concevoir des programmes de promotion de la santé par l’activité physique, adaptés aux territoires et aux populations. Pour ce faire, il convient également de développer des pédagogies adaptées, qu’elles utilisent le medium de l’eau ou qu’elles revêtent un caractère alternatif de « pédagogie du détour ». Par ailleurs, les programmes de promotion de la santé visent non seulement des publics spécifiques, mais aussi leur entourage au travers de stratégies de tutorat, de compagnonnage ou de transmission intergénérationnelle.

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Sigles ACSE : Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances AFD : Association française des diabétiques AMA : Agence mondiale antidopage ANOF : Académie nationale olympique française APA : Activités physiques adaptées APELS : Agence pour l’éducation par le sport ARS : Agence régionale de santé BE : Brevet d’Etat BPJEPS : Brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport CAF : Caisse d’allocation s familiales CCAS : Centre communal d’action sociale CDD : Contrat à durée déterminée CDOS : Comité départemental olympique et sportif CFES : Comité français d’éducation pour la santé CGSS : Caisse générale de la sécurité sociale CLS : Contrat local de santé CHRS : Centre d’hébergement et de réinsertion sociale CHU : Centre hospitalier universitaire CNFR : Confédération nationale des foyers ruraux CNOSF : Comité national olympique et sportif français CQH : Certificat de qualification handisport CROMS : Comité régional des offices municipaux de sport CUCS : Contrat urbain de cohésion sociale DGS : Direction générale de la santé DRJSCS : Direction régionale de la jeunesse, du sport et de la cohésion sociale DRPJJ : Direction régionale de la protection judiciaire de la jeunesse DTN : Direction technique nationale DTPJJ : Direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse EPMM : Entraînement physique dans le monde moderne ESSEC : Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales FFC : Fédération française de cardiologie FFEPMM : Fédération nationale entraînement physique dans le monde moderne FFH : Fédération française handisport FFSA : Fédération française du sport adapté IDEX : Initiative d’excellence IME : Institut médico-éducatif Inpes : Institut national de prévention et d’éducation pour la santé INSERM : Institut national de la santé et de la recherche médicale IREPS : Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé IRTS : Institut régional du travail social ITEP : Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique LAPLAJH : Les activités physiques ludo-aquatiques joker du handicap MECS : Maison d’enfants à caractère social MET : Metabolic Equivalent of Task MSA : Mutuelle sociale agricole OMAG : Office municipal des animations globalisées OMCTL : Office municipal de la culture et du temps libre OMS : Organisation mondiale de la santé ORS : Observatoire régional de la santé PEPS : Programme d’éducation par le sport PNAPS : Plan national de prévention par l’activité physique et sportive PNBV : Plan national bien vieillir PNNS : Programme national nutrition santé PNSE : Plan national santé-environnement RAID : Recherche assistance intervention dissuasion

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RATP : Régie autonome des transports parisiens REPOP : Réseau de prévention et de prise en charge de l’obésité pédiatrique STAPS : Sciences et techniques des activités physiques et sportives UE : Union européenne USD : Union sport et diabète ZUS : Zone urbaine sensible Compte  rendu  –  8e  journées  de  la  prévention  Juin 2013 © Inpes