Comparaison des depenses energetiques (de) mesurees par calorimetrie indirecte et de l'excretion...

1
RI~ANIMATION ET URGENCES R194 COMPARAISON DES DEPENSES ENERGETIQUES (DE) MESUREES PAR CALORIMETRIE INDIRECTE ET DE L'EXCRETION AZOTEE CHEZ LES NEUROTRAUMATISES GRAVES : Implications th~rapeutiques G. FRANCOIS, J.C. DUMONT, N. BRUDER, X. VIVIAND D.A.R. ADULTES HOPITAL DE LA TIMONE - Rue St Pierre 13385 MARSEILLE, Cedex 05 INTRODUCTION : L'~tablissement des apports ca- loricoazot4s, repose dans l'id4al sur la mesu- re des DE (par calorim~trie indirecte) et sur la mesure de l'excr~tion azot~e urinaire (Nu). Compte tenu des difficult~s de mesure des DE en clinique, RUTTE N a propos~ de classer en 4 niveaux l'intensit~ de l'agression ~ partir de la quantit~ d'azote excr~t~e (sans apport prot4ique) et d'en dgduire les DE en multi- pliant la valeur du mgtabolisme de base th~o- rique (MB) par un facteur qui va de 1,75 ~ 2 suivant le niveau de l'agression (I). Cette proposition reprise par de nombreux auteurs repose sur le postulat d'une 4volution paral- l~le des DE et de Nu. Le but de ce travail est de v~rifier le bien fond~ d'une telle attitude en mesurant g la fois les DE et Nu chez des neurotraumatis~s graves pr~coc~ment apr~s le traumatisme. METHODES : 12 neurotraumatis~s graves (score de GLASGOW 5 + 1,5) comportant dans 7 cas une ou plusieurs ~ssociations l~sionnelles (ISS = 31 + 6,2), de sexe masculin et d'~ge moyen 23,~ ± 7 ans ont 4t~ gtudi~s dans les 5 + 2 jours suivant le traumatisme. Tous ~taie~t sous ventilation artificie!le, sous m4dica- tions s~datives & d4bit constant (Fentanyl : 6,8 + 1,7 mcg.k~-l.H-I + Narcozep : 9,3 + 3,4 mcg.kg-l.H-I) et sous NPT ~galement ~ d4- bit constant (N : I00 + 78 mg.kg-&.j-l, Gluc.: 17,0 +5,3 Kcal.kg-l.j-~, Lip. 4,7 + 4,8 Kcal. kg-I ~-I). Les DE ont ~t~ mesur~es--en conti- nu sur 2 p~riodes cons~cutives de 24 heures avec le syst~me EngstrSm (Erica + Metabolic Computer + Eliza). Les sujets ont ~t~ pes~s et le m&tabolisme de base a ~tg calcul4 ~ par- tir des formules d'Harris-B4ngdict. Nu a ~t~ ~valu~ ~ partir de l'azote ur4ique urinaire des 24 heures. Les r~sultats ont ~t4 exprim4s sous forme de valeurs moyennes avec leurs ~cart-types. L'analyse statistique a comport~ l'~tude de correlations lin~aires par la m~thode des moindres carr4s. RESULTATS : Ils sont r~sum4s dans le tableau I Nu est ~lev~ pour l'ensemble des patients (Nu= 18,3 ± 5 g.j-I = 271 + 20 mg.kg-l.j-l) sans augmentation parallgle des DE dont la valeur moyenne (DE = 1742,4 + 86,8 Kcal.j-I = 27,7 + 2,5 Kcal.kg-l.j-l) reste proche du MB (DE =-1,06 x MB). Les balances ~nerg4tique (-399,8 + 536,5 Kcal. j-l) et azot~e (-9,4 + 9,6 g.j-l)--sont nggati- yes. Le rapport DE/Nu--montre qu'en moyenne I00 Kcal environ sont d4pens~s par gramme d'azote excr~t~. Par ailleurs, il n'existe aucune correlation entre DE mesur4es et Nu. La recherche d'autrescorr~lations entre DE et MB (r = 0,35) entre DE et balance N (r = 0,04) entre balance azot~e et balance ~nerg~tique (r = 0,I) ou entre DE et temperature corporelle (r = 0,14) s'est ~galement averse n~gative. DISCUSSION : Les DE sont globalement plus basses que les valeurs attendues en appliquant les formules alors que Nu se situe dans la fourchette de valeurs obtenues dans ce type d'agression. II est vraisemblable que plu- sieurs facteurs concourrent & diminuer les DE: la s~dation, la ventilation artificielle, l'absence de sepsis et l'absence d'effet ther- mog4nique important qui accompagne les apports caloriques ~lev~s. Dans le cas precis de ces patients, l'applica- tion de la formule de RUTTEN aurait conduit~ un apport ~nerg4tique quotidie~ exc~dentaire en moyenne de 1138,3 + 137,9 Kcal. Connaissant les efYets d41&t~res de l'exe~s de glucose et/ou de lipide en nutrition artifi- cielle, une telle attitude n'est pas recomman- dable. CONCLUSIONS :L'absence de relation entre l'ex- cr~tion d'azote et les DE parait r~sulter du caractgre obligatoire du catabolisme prot~ique face & un accroissement des d~penses accessi- bles ~ certains facteurs th~rapeu£iques. L'utilisation systgmatique des formules d~ri- v4es de celle de RUTTEN, peut conduire ~ une surestimation des apports ~nerg4tiques. En l'absence de mesure par calorim4trie indi- recte,(qui reste la m~thode de choix) il est prudent lorsque les sujets sont en ventila- tion artificielle sous s~dation et sans com- plications septiques graves, de ne pas d~pas- ser de plus de 20 % la valeur du MB. REFERENCE : 1 - RUTTEN P., BLACKBURN G.L., FLATT J.P. et al : Determination of optimal hyperalimen- tation rate. Journal of Surgical Research, 1975, 18 : 477-483. MB DE Nu DE/MB DE/Nu Kcal.j-i Kcal.j-i g.j-I 1641 ± 1742 18,26 1,06 103,6 + 85 + 86 + 5 + 0,06 + 32,6 Table I. Valeurs (m + SD) du m~tabolisme de base th~orique (MB) des d~penses ~nerg~tiques mesur~es (DE) de l'excr~tion urinaire d'azote (Nu) et des rapports DE/MB et DE/Nu.

Transcript of Comparaison des depenses energetiques (de) mesurees par calorimetrie indirecte et de l'excretion...

Page 1: Comparaison des depenses energetiques (de) mesurees par calorimetrie indirecte et de l'excretion azotee chez les neurotraumatises graves : Implications thérapeutiques

RI~ANIMATION ET URGENCES R194

COMPARAISON DES DEPENSES ENERGETIQUES (DE) MESUREES PAR CALORIMETRIE INDIRECTE ET DE

L'EXCRETION AZOTEE CHEZ LES NEUROTRAUMATISES GRAVES : Implications th~rapeutiques

G. FRANCOIS, J.C. DUMONT, N. BRUDER, X. VIVIAND

D.A.R. ADULTES HOPITAL DE LA TIMONE - Rue St Pierre 13385 MARSEILLE, Cedex 05

INTRODUCTION : L'~tablissement des apports ca- loricoazot4s, repose dans l'id4al sur la mesu- re des DE (par calorim~trie indirecte) et sur la mesure de l'excr~tion azot~e urinaire (Nu). Compte tenu des difficult~s de mesure des DE en clinique, RUTTE N a propos~ de classer en 4 niveaux l'intensit~ de l'agression ~ partir de la quantit~ d'azote excr~t~e (sans apport prot4ique) et d'en dgduire les DE en multi- pliant la valeur du mgtabolisme de base th~o- rique (MB) par un facteur qui va de 1,75 ~ 2 suivant le niveau de l'agression (I). Cette proposition reprise par de nombreux auteurs repose sur le postulat d'une 4volution paral- l~le des DE et de Nu. Le but de ce travail est de v~rifier le bien fond~ d'une telle attitude en mesurant g la fois les DE et Nu chez des neurotraumatis~s graves pr~coc~ment apr~s le traumatisme.

METHODES : 12 neurotraumatis~s graves (score de GLASGOW 5 + 1,5) comportant dans 7 cas une ou plusieurs ~ssociations l~sionnelles (ISS = 31 + 6,2), de sexe masculin et d'~ge moyen 23,~ ± 7 ans ont 4t~ gtudi~s dans les 5 + 2 jours suivant le traumatisme. Tous ~taie~t sous ventilation artificie!le, sous m4dica- tions s~datives & d4bit constant (Fentanyl : 6,8 + 1,7 mcg.k~-l.H-I + Narcozep : 9,3 + 3,4 mcg.kg-l.H-I) et sous NPT ~galement ~ d4- bit constant (N : I00 + 78 mg.kg-&.j-l, Gluc.: 17,0 +5,3 Kcal.kg-l.j-~, Lip. 4,7 + 4,8 Kcal. kg-I ~-I). Les DE ont ~t~ mesur~es--en conti- nu sur 2 p~riodes cons~cutives de 24 heures avec le syst~me EngstrSm (Erica + Metabolic Computer + Eliza). Les sujets ont ~t~ pes~s et le m&tabolisme de base a ~tg calcul4 ~ par- tir des formules d'Harris-B4ngdict. Nu a ~t~ ~valu~ ~ partir de l'azote ur4ique urinaire des 24 heures. Les r~sultats ont ~t4 exprim4s sous forme de valeurs moyennes avec leurs ~cart-types. L'analyse statistique a comport~ l'~tude de correlations lin~aires par la m~thode des moindres carr4s.

RESULTATS : Ils sont r~sum4s dans le tableau I Nu est ~lev~ pour l'ensemble des patients (Nu= 18,3 ± 5 g.j-I = 271 + 20 mg.kg-l.j-l) sans augmentation parallgle des DE dont la valeur moyenne (DE = 1742,4 + 86,8 Kcal.j-I = 27,7 + 2,5 Kcal.kg-l.j-l) reste proche du MB (DE =-1,06 x MB). Les balances ~nerg4tique (-399,8 + 536,5 Kcal. j-l) et azot~e (-9,4 + 9,6 g.j-l)--sont nggati- yes. Le rapport DE/Nu--montre qu'en moyenne I00 Kcal environ sont d4pens~s par gramme d'azote excr~t~. Par ailleurs, il n'existe aucune correlation entre DE mesur4es et Nu. La recherche d'autrescorr~lations entre DE et

MB (r = 0,35) entre DE et balance N (r = 0,04) entre balance azot~e et balance ~nerg~tique (r = 0,I) ou entre DE et temperature corporelle (r = 0,14) s'est ~galement averse n~gative.

DISCUSSION : Les DE sont globalement plus basses que les valeurs attendues en appliquant les formules alors que Nu se situe dans la fourchette de valeurs obtenues dans ce type d'agression. II est vraisemblable que plu- sieurs facteurs concourrent & diminuer les DE: la s~dation, la ventilation artificielle, l'absence de sepsis et l'absence d'effet ther- mog4nique important qui accompagne les apports caloriques ~lev~s. Dans le cas precis de ces patients, l'applica- tion de la formule de RUTTEN aurait conduit~ un apport ~nerg4tique quotidie~ exc~dentaire en moyenne de 1138,3 + 137,9 Kcal. Connaissant les efYets d41&t~res de l'exe~s de glucose et/ou de lipide en nutrition artifi- cielle, une telle attitude n'est pas recomman- dable.

CONCLUSIONS :L'absence de relation entre l'ex- cr~tion d'azote et les DE parait r~sulter du caractgre obligatoire du catabolisme prot~ique face & un accroissement des d~penses accessi- bles ~ certains facteurs th~rapeu£iques. L'utilisation systgmatique des formules d~ri- v4es de celle de RUTTEN, peut conduire ~ une surestimation des apports ~nerg4tiques. En l'absence de mesure par calorim4trie indi- recte,(qui reste la m~thode de choix) il est prudent lorsque les sujets sont en ventila- tion artificielle sous s~dation et sans com- plications septiques graves, de ne pas d~pas- ser de plus de 20 % la valeur du MB.

REFERENCE :

1 - RUTTEN P., BLACKBURN G.L., FLATT J.P. et al : Determination of optimal hyperalimen- tation rate. Journal of Surgical Research, 1975, 18 : 477-483.

MB DE Nu DE/MB DE/Nu

Kcal.j-i Kcal.j-i g.j-I

1641 ± 1742 18,26 1,06 103,6

+ 85 + 86 + 5 + 0,06 + 32,6

Table I. Valeurs (m + SD) du m~tabolisme de base th~orique (MB) des d~penses ~nerg~tiques mesur~es (DE) de l'excr~tion urinaire d'azote (Nu) et des rapports DE/MB et DE/Nu.