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246 CHIRURGIE THORACIQUE ET CARDIO-VASCULAIRE - 2013 ; 17(4) : 246-247 Comment écrire et présenter un résumé en vue d’une communication orale Christophe Baufreton Responsable de l’enseignement de lecture critique d’articles à la faculté de médecine d’Angers, France. Service de chirurgie cardio-vasculaire et thoracique, CHU d’Angers. [email protected] A u même titre que la publication d’un article, la com- munication orale au cours de congrès est une façon incontournable de valoriser ses travaux scientifiques. La première étape passe par l’écriture d’un résumé des tra- vaux effectués. Sa soumission et son acceptation auprès d’un conseil scientifique sont des étapes souvent difficiles à franchir, notamment pour les congrès internationaux, car la concurrence y est rude. Hormis les contenus peu intéressants (cas cliniques, courbe d’apprentissage, etc.) et les défauts mé- thodologiques importants (biais), c’est souvent la médiocrité de l’écriture et de la présentation qui sont à l’origine du rejet du résumé par les comités scientifiques. Ce qui ne signifie pas que le contenu scientifique soit inconsistant, mais qu’il n’a pas été possible d’en distinguer la valeur, faute d’un message clair. Tout comme la rédaction de l’article lui-même, la tech- nique d’écriture d’un résumé répond à certaines exigences avec quelques différences cependant. En outre, la présen- tation orale d’un résumé déficient sera supposée de qualité identique, ce qui incitera d’autant plus le comité scientifique à l’écarter de son programme. Cet article a pour but de rap- porter quelques éléments fondamentaux de la technique d’écriture d’un résumé. Principes généraux : précision, concision et structuration Écrire un résumé revient à tenter d’écrire un article au dos d’une carte postale. L’exercice est donc contraignant à la fois en qualité et en quantité. Il est nécessaire de choisir l’infor- mation que l’on souhaite faire passer car le lecteur, comme l’audience, ne retiendra qu’un seul message. Se restreindre à ne poser qu’une question pour n’y apporter qu’une réponse claire et précise est une bonne méthode. Les autres points intéressants pourront être mentionnés lors de la communica- tion orale, une fois celle-ci acceptée, et discutés avec l’assem- blée lors de la présentation orale si le temps imparti le permet. Au-delà de ce principe de précision, la limite de place impose la concision. Y compris dans le titre qui, tout en restant hon- nête et pertinent, sans abréviation, doit reprendre les éléments de la question posée car le lecteur doit pouvoir comprendre instantanément de quoi il s’agit. Le nombre de mots qu’il est possible d’inclure dans le résumé oscille souvent entre 250 et 350. D’une façon générale actuellement, c’est le site web sur lequel la soumission est effectuée qui impose la longueur maximale. Certaines sociétés savantes admettent des tableaux ou figures, mais cette possibilité n’est pas systématique (en particulier pour la SFCTCV). La précision et la concision imposent par conséquent le style, lequel doit garder une forme très simple – mais avec des phrases construites (sujet-verbe-complément) – et descriptive, car c’est l’information scientifique qui prime. Le temps des verbes a son importance et tout doit être écrit au passé, car ce qui est relaté est achevé, appartient donc au passé et n’est plus à réaliser (donc pas de futur ni de présent). Chaque mot doit être pesé car la signification ne doit pas prêter à confusion. Normalement, les abréviations et acronymes n’ont pas leur place dans un résumé mais, en la matière, chaque société sa- vante a ses propres règles et certaines les acceptent à la condi- tion d’une première définition dans le texte. Ce qui n’est pas démontré n’a pas sa place et les expressions émotionnelles sont à bannir. Il est maladroit de laisser des fautes d’ortho- graphe, ce qui laisse toujours une impression de travail ina- chevé. Il existe aujourd’hui des outils informatiques efficaces. Concernant l’écriture d’un résumé en anglais, il est possible de recourir aux services de traducteurs spécialisés dans le do- maine médical si besoin afin de soumettre un travail finalisé. La structuration d’un résumé est plus simple et diffère un peu de celle d’un article original qui suit la logique IMRAD (In- troduction, Methods, Results, And, Discussion). Un résumé comporte quatre sections qui doivent être clairement identi- fiables, et la discussion y est remplacée par une conclusion. Il n’y a donc pas de discussion dans un résumé, ni de référence bibliographique ! Ce point est important à retenir et conduit pratiquement toujours au rejet du résumé s’il n’est pas respec- té. C’est en effet le signe prémonitoire d’une communication orale qui risque de s’éterniser sur une revue de la littérature qui n’a pas sa place dans un congrès où le temps est compté… La proportion entre ces quatre sections a son importance : en général, 10-20 % pour l’introduction comme pour la conclu- sion et 30-40 % respectivement pour les sections « méthode » et « résultats ». Ces deux sections représentent donc la plus grand part du résumé au total. Enfin, la cohérence générale doit être respectée. Le résumé doit apporter une réponse à la question posée, être en concor- dance avec son titre et avec les résultats présentés. Ce qui peut paraître évident mais n’est pas toujours respecté, en particulier lorsque l’interprétation des résultats donne lieu à extrapolations de ceux-ci.

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246 CHIRURGIE THORACIQUE ET CARDIO-VASCULAIRE - 2013 ; 17(4) : 246-247

Comment écrire et présenter un résumé

en vue d’une communication oraleChristophe Baufreton

Responsable de l’enseignement de lecture critique d’articles à la faculté de médecine d’Angers, France.Service de chirurgie cardio-vasculaire et thoracique, CHU d’[email protected]

Au même titre que la publication d’un article, la com-munication orale au cours de congrès est une façon incontournable de valoriser ses travaux scientifiques.

La première étape passe par l’écriture d’un résumé des tra-vaux effectués. Sa soumission et son acceptation auprès d’un conseil scientifique sont des étapes souvent difficiles à franchir, notamment pour les congrès internationaux, car la concurrence y est rude. Hormis les contenus peu intéressants (cas cliniques, courbe d’apprentissage, etc.) et les défauts mé-thodologiques importants (biais), c’est souvent la médiocrité de l’écriture et de la présentation qui sont à l’origine du rejet du résumé par les comités scientifiques. Ce qui ne signifie pas que le contenu scientifique soit inconsistant, mais qu’il n’a pas été possible d’en distinguer la valeur, faute d’un message clair. Tout comme la rédaction de l’article lui-même, la tech-nique d’écriture d’un résumé répond à certaines exigences avec quelques différences cependant. En outre, la présen-tation orale d’un résumé déficient sera supposée de qualité identique, ce qui incitera d’autant plus le comité scientifique à l’écarter de son programme. Cet article a pour but de rap-porter quelques éléments fondamentaux de la technique d’écriture d’un résumé.

Principes généraux : précision, concision et structurationÉcrire un résumé revient à tenter d’écrire un article au dos d’une carte postale. L’exercice est donc contraignant à la fois en qualité et en quantité. Il est nécessaire de choisir l’infor-mation que l’on souhaite faire passer car le lecteur, comme l’audience, ne retiendra qu’un seul message. Se restreindre à ne poser qu’une question pour n’y apporter qu’une réponse claire et précise est une bonne méthode. Les autres points intéressants pourront être mentionnés lors de la communica-tion orale, une fois celle-ci acceptée, et discutés avec l’assem-blée lors de la présentation orale si le temps imparti le permet. Au-delà de ce principe de précision, la limite de place impose la concision. Y compris dans le titre qui, tout en restant hon-nête et pertinent, sans abréviation, doit reprendre les éléments de la question posée car le lecteur doit pouvoir comprendre instantanément de quoi il s’agit. Le nombre de mots qu’il est possible d’inclure dans le résumé oscille souvent entre 250 et 350. D’une façon générale actuellement, c’est le site web sur lequel la soumission est effectuée qui impose la longueur maximale. Certaines sociétés savantes admettent des tableaux

ou figures, mais cette possibilité n’est pas systématique (en particulier pour la SFCTCV). La précision et la concision imposent par conséquent le style, lequel doit garder une forme très simple – mais avec des phrases construites (sujet-verbe-complément) – et descriptive, car c’est l’information scientifique qui prime. Le temps des verbes a son importance et tout doit être écrit au passé, car ce qui est relaté est achevé, appartient donc au passé et n’est plus à réaliser (donc pas de futur ni de présent). Chaque mot doit être pesé car la signification ne doit pas prêter à confusion. Normalement, les abréviations et acronymes n’ont pas leur place dans un résumé mais, en la matière, chaque société sa-vante a ses propres règles et certaines les acceptent à la condi-tion d’une première définition dans le texte. Ce qui n’est pas démontré n’a pas sa place et les expressions émotionnelles sont à bannir. Il est maladroit de laisser des fautes d’ortho-graphe, ce qui laisse toujours une impression de travail ina-chevé. Il existe aujourd’hui des outils informatiques efficaces. Concernant l’écriture d’un résumé en anglais, il est possible de recourir aux services de traducteurs spécialisés dans le do-maine médical si besoin afin de soumettre un travail finalisé.La structuration d’un résumé est plus simple et diffère un peu de celle d’un article original qui suit la logique IMRAD (In-troduction, Methods, Results, And, Discussion). Un résumé comporte quatre sections qui doivent être clairement identi-fiables, et la discussion y est remplacée par une conclusion. Il n’y a donc pas de discussion dans un résumé, ni de référence bibliographique ! Ce point est important à retenir et conduit pratiquement toujours au rejet du résumé s’il n’est pas respec-té. C’est en effet le signe prémonitoire d’une communication orale qui risque de s’éterniser sur une revue de la littérature qui n’a pas sa place dans un congrès où le temps est compté… La proportion entre ces quatre sections a son importance : en général, 10-20 % pour l’introduction comme pour la conclu-sion et 30-40 % respectivement pour les sections « méthode » et « résultats ». Ces deux sections représentent donc la plus grand part du résumé au total. Enfin, la cohérence générale doit être respectée. Le résumé doit apporter une réponse à la question posée, être en concor-dance avec son titre et avec les résultats présentés. Ce qui peut paraître évident mais n’est pas toujours respecté, en particulier lorsque l’interprétation des résultats donne lieu à extrapolations de ceux-ci.

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CHIRURGIE THORACIQUE ET CARDIO-VASCULAIRE - 2013 ; 17(4) : 246-247 247

ense ignement

Les différentes sections dans le détailAu-delà des généralités sur la forme, c’est souvent le fond qui fait défaut dans la qualité de l’écriture d’un résumé. Les quatre sections peuvent être mal renseignées, et les informations y être mal rangées. Ainsi, les résultats n’ont pas leur place dans la section « méthode » et inversement ; cette erreur a priori grossière est pourtant fréquemment commise.

La section « introduction » Courte, elle comporte une ou deux phrases, rarement plus. C’est quasiment le seul endroit où un verbe au présent peut être utilisé quand il exprime une généralité introductive communément admise et qui ne ressort pas du travail présenté. Ensuite, et sur-tout si l’introduction ne comporte qu’une seule phrase, elle doit poser la question qui a fondé le travail de recherche. Cette ques-tion doit idéalement comporter plusieurs informations que les Anglo-Saxons ont coutume de résumer sous l’acronyme PICOT. Cet acronyme regroupe les informations concernant les patients (P), l’intervention (I) effectuée (au sens du travail de recherche effectué et non au sens d’intervention chirurgicale), une com-paraison (C) le cas échéant, le devenir ou critère de jugement (O pour outcome,) et enfin le temps (T) pour les études ayant un suivi prolongé (études pronostiques ou essais thérapeutiques).

La section « matériels et méthode »Cette section comporte trois types d’informations importantes : • le profil (design) de l’étude : essai clinique ou expérimental,

prospective ou rétrospective, cohorte, cas-témoin, randomi-sée (avec sa technique) ou ouverte, en simple ou double aveugle, mono ou multicentrique, lieux et dates, enquête téléphonique…

• les critères d’inclusion dans l’étude qui vont déterminer les caractéristiques de la population source de patients. Les critères d’exclusion étant en général plus nombreux, il est souvent impossible de les citer tous. Le bon sens permet de conserver ceux qui sont indispensables sans dépasser le nombre de mots autorisés ;

• et les critères de jugement. Au minimum, il est indispen-sable de justifier le critère de jugement principal à cet endroit. Il doit répondre à l’objectif de l’étude et c’est sur lui que sera fondée la conclusion du résumé. Idéalement, il est unique, robuste (peu contestable), pertinent (il peut en être déduit que l’étude n’est pas sous-dimensionnée), précis, objectif, et défini a priori. Des critères de jugement secondaires peuvent également être mentionnés, mais ne peuvent fonder les conclusions du travail. Il est fondamen-tal de garder à l’esprit que tout ce qui est annoncé dans cette section doit trouver une réponse dans la section sui-vante, « résultats ». Il n’est pas acceptable d’annoncer des investigations (biologie ou imagerie par exemple) et de ne pas en apporter les résultats par la suite, et inversement. Là encore, il sera parfois nécessaire de faire des choix parmi la quantité de résultats disponibles, dans le but de faire passer un message clair. Dans certaines études (diagnostiques par exemple), il est indispensable de mentionner quel test de référence (gold standard) a été utilisé, et dont la carence serait un défaut méthodologique majeur.

Il n’est pas nécessaire en général de communiquer les infor-

mations sur les outils statistiques quand ceux-ci sont communs (Chi 2, test t de Student, analyse de variance, nom des tests non-paramétriques, valeur du p < 0,05, etc.) sauf pour les tra-vaux dans lesquels les statistiques prennent une place primor-diale et représentent donc l’essentiel du travail engagé. Il peut être cependant utile de préciser des éléments méthodologiques importants comme le plan d’analyse statistique (univariée puis multivariée, score de propension), le calcul d’effectif le cas échéant, ou le principe d’une analyse en intention de traiter ou perprotocole. Point important, cette section ne doit comporter aucun résultat. Éventuellement, seuls les effectifs des groupes peuvent être mentionnés lorsque le détail d’un calcul d’effectif est rapporté comme élément de la méthodologie statistique.

La section « résultats »Fort logiquement, cette section présente tous les résultats (y compris négatifs) et rien que les résultats, sans commentaire, interprétation ou analyse de la littérature. Elle décline point par point tout ce qui a été mentionné dans la section précédente en suivant la même logique ordonnée de présentation. Il est impos-sible de mentionner des résultats inattendus à la lecture de la méthodologie du travail. La hiérarchisation des idées et l’esprit de synthèse doivent s’y retrouver. En premier lieu, c’est l’effectif de la population source qui est rapporté, avec ses caractéristiques démographiques initiales. C’est-à-dire l’équivalent du premier tableau d’un article, avec des résultats chiffrés (moyenne ou médiane) et complétés des indices de dispersion (écarts types ou quartiles). La comparabilité initiale doit être mentionnée. En-suite, les résultats principaux doivent être clairement rapportés de la même façon. La valeur seule du p ne reflète pas la taille de la différence, mais simplement la confiance que l’on accorde à l’échantillon pour rejeter le hasard et expliquer une différence observée. En conséquence de quoi, il est indispensable que les résultats soient chiffrés pour distinguer l’importance de l’effet observé et la précision qui s’y rattache (intervalle de confiance à 95 %). Cette section « résultats » est d’autant plus informative que le nombre de mots autorisé dans le résumé est important.

La section « conclusion »Aussi courte que l’introduction, elle doit reposer sur les résul-tats préalablement rapportés et répondre à la question posée. Comme elle s’appuie sur le critère de jugement principal, elle synthétise en général le message essentiel que l’audience gardera de la présentation des travaux scientifiques.

Au total, écrire un résumé est un exercice stéréotypé qui relève d’une technique facilement reproductible. Actuellement, les étudiants en médecine, dans leur grande majorité, maîtrisent cette technique à la fin de leur second cycle d’études médi-cales, ECN oblige. Le respect de ces quelques règles permet d’améliorer la valorisation de ses propres travaux de recherche et d’accroître la visibilité de son équipe. La SFCTCV reçoit chaque année de nombreuses propositions de communications orales et procède à une sélection des meilleures. Les résumés qui respectent ces principes ont toutes les chances d’être rete-nus pour les sessions scientifiques par le comité de sélection du fait de leur clarté, de leur rigueur et de la portée du message scientifique en qui découle. n