victime

de la politique

© Édition° 1, 1994

André Halimi

victime l a po l i t i q u e

Edition° 1

André HALIMI est un multi-média.

Producteur de radio et de télévision depuis plusieurs années, il est également journaliste, cinéaste (Chantons sous l'Occupation ou

Microbidon), écrivain (La Délation sous l'Occupation ou

Demain on rase gratis), organisateur de Festivals (Cinéma Américain de Deauville ou Film Européen

de La Baule).

Déjà parus du même auteur

« Chantons sous l'Occupation » Éditions Olivier Orban, 1978.

« La Délation sous l'Occupation » Éditions Alain Moreau, 1983.

« Touche pas à l'Amérique » Éditions Plon, 1986.

« Promettez, promettez ou les promesses électorales » Éditions Pierre Belfond, 1989.

« I l n ' y a p a s q u e d e s c o n s d a n s l e s h o w - b i z . »

A . H .

p

ourquoi un nouveau livre sur Coluche ? Tout sim- plement parce qu'il nous manque. L'actualité ne cesse de nous faire sentir l'importance de sa

perte. Sans ses réactions d'observateur caustique et clair- voyant, les nouvelles du monde n'ont pas la même saveur. Coluche n'avait pas son pareil pour démonter les mécanismes de la politique, mettre en évidence la vanité de certaines actions et en tirer un effet comique.

Moi qui hante les cafés-théâtres en quête d'inso- lence et d'impertinence pour mes émissions de télévi- sion, je rencontre beaucoup de jeunes artistes qui ont choisi le comique et la provocation mais je n'ai pas encore trouvé de dérangeur aussi exceptionnel que Coluche. Les récents bouleversements politiques, natio- naux et internationaux, auraient suscité sa verve en lui donnant de nouvelles occasions de s'émouvoir, de s'indi- gner et de rire. L'affaire du sang contaminé, la guerre dans l'ex-Yougoslavie, le drame somalien : autant d'évé- nements qui auraient mérité un commentaire à la Coluche, drôle, corrosif et sans compromissions.

Ses réactions immédiates et chargées d'ironie, sans

souci du conformisme ou du qu'en-dira-t-on, valaient bien des analyses plus savantes. Les points de vue des journa- listes prétendument objectifs ou volontairement orientés nous laissent sur notre faim alors que son génie de la formulation faisait du fantaisiste un redoutable polé- miste.

Mais Coluche n 'est plus là et il faut se contenter de commentaires courtois et magnanimes.

Au milieu d'une actualité si riche, on ne peut oublier cette voix pointue, cette façon d'interpeller les grands de ce monde et de demander des comptes, au nom des mar- ginaux, des déshérités et des sacrifiés.

Quand on relit les aphorismes et les déclarations de Coluche, on se rend compte à quel point il est constam- ment présent, avec son scepticisme et sa méfiance natu- relle. Sa voix reste dans nos esprits comme celle d'un critique sévère de notre société, qui avait l'immense talent de nous faire rire. Aujourd'hui encore, c'est pour lui que nous voterions !

L

a candidature de Coluche à l'élection présiden- tielle de 1981 a constitué pour les milieux politi- ques un véritable tremblement de terre, même si

l'artiste décida de la retirer quelques semaines avant le vote.

Tout opposait Coluche à cette classe : son métier — avec tout ce qu'il comportait d'excessif — sa dégaine, son ton, son goût de la provocation. Dans le monde politique, ce candidat ne pouvait que faire, et a fait, l'unanimité contre lui. On ne pouvait ni s'oppo- ser à lui officiellement, à cause de ses reparties, ni pac- tiser avec lui, de crainte de subir un jour des reproches. Et, pourtant, il n'était ni fou, ni bouffon, ni intéressé. Il avait, dans son désir de se mêler de politi- que, le souci assez rare de ne s'occuper que des pau- vres et des déshérités. Aucune « lèche » pour les puis- sants, les notables, les détenteurs de pouvoir et même la presse, dont il a pu apprécier l'opportunisme et la versatilité. Il se moquait de tout, oubliant sciemment que dans ce domaine il faut se prendre au sérieux,

Emission « Aujourd'hui la vie » A2

‘ ‘Les hommes politiques me font de la concurrence déloyale, alors moi j'arrêterai de faire de la politique dès qu'ils arrêteront de nous faire rire. Il y a un candidat qui m'a dit que j'étais un rigolo, alors je lui ai fait remarquer que c'est pas moi qui ai commencé. Il y en a même un qui a dit : Je suis le candidat anti-Coluche, c'est-à-dire que si je n'étais pas venu, il ne serait pas là. T'as qu'à voir à quel

point j'ai bien fait de venir !... ’’

RTBF

‘ ‘Georges Marchais a dit que, comme candidat, j'étais un rigolo. Alors j'ai été obligé de lui faire remarquer que c'est pas moi qui ai commencé. ’’ " Démocratique, je suis sûr de savoir ce que ça veut dire. Alors disons qu'on n'en parle pas. Je sais en tout cas qu'on est dans la merde en France. " " C'est vraiment une histoire de merde, ma candida- ture. Je voudrais qu'on remue la merde et que l'odeur monte jusqu'au nez des mecs qui dirigent et qu'ils se disent : Qu'est-ce qu'il a, qu'est-ce qui se passe, qu'est-ce qu'ils ont ceux-là? Ah merde, on leur prend tout leur pognon... Ah oui, il faudrait leur en laisser un peu. "