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Le piètre bulletin climatique de la Belgique. Que disent les chiffres ? 1/2

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Le Soir Mardi 12 novembre 2013

2 LE BULLETIN CLIMATIQUE

BILA

N

D errière le chiffre des réduc-tions d’émissions de CO2 :

d’importantes différences. Et leconstat : si les entreprises ont at-teint l’objectif, dans le transport,le logement et dans une moindremesure le tertiaire, « on a loupé lecoche », dit un chercheur.Transport Emissions en crois-sance de 30 % entre 1990 et 2011.Principal responsable : le trans-port routier (97,6 %). « La plu-part des indicateurs sont à lahausse, dit un rapport officiel. Lenombre de véhicules a crû de 49 %depuis 90. Le trafic a augmentéde 41 %. Le transport de mar-chandises par route de 82 %, celuide passagers de 30 %. »

« Le nombre de kilomètresmoyen par voiture (pic atteint en2004) et le nombre moyen de ki-lomètres par habitant (stable de-puis 2009) semblent marquer unplafond, note l’économiste Phi-lippe Defeyt, patron de l’Institut

du développement durable. Mal-gré cela le nombre de kilomètresparcourus par les voitures conti-nue d’augmenter, même pendantla crise 2008-2012. En cause :l’augmentation du parc de voi-tures (+ 6,4 % entre 2008 et2012). » Avatar du système sala-rial belge, les voitures de sociétéont toujours la cote (près de230.000 sur les routes). « Mêmesi le changement de statut fiscal aorienté les ventes vers des véhi-cules plus modestes, cela n’a pasinfluencé la politique d’octroi desvoitures », note Pierre Courbe,expert chez Inter Environne-ment.Logement Les émissions de CO2

principalement dues au chauf-fage bondissent en année froide,chutent en année chaude. L’en-jeu, alors que la population croîtde même que le nombre de loge-ments : rénover, isoler. « Le bâtien Belgique est une catastrophe. »

A peine 1 % du parc est rénovéchaque année : très insuffisant.Un optimiste : « Le retard se ré-sorbe. Certaines mesures commel’obligation du standard passif àpartir de 2015 à Bruxelles sont denature à booster la rénovationénergétique. » Effets attendusdans les années à venir. « Plus unentrepreneur ne peut se permettrede ne pas proposer des solutionsbasse énergie/passives. » Unautre, Wallon, plus dur : « En ré-novation on n’est presque nullepart. C’est là l’enjeu. Construiredes nouveaux bâtiments passifsou basse énergie ne fait que rajou-ter ! Il faut consommer moins etvite. » Un autre : « Croire qu’onva y arriver seulement avec descarottes, c’est rêver. Si on ne pro-gresse pas, on risque une bulleimmobilière : de nombreux loge-ments trop vétustes sortiront dumarché locatif. » ■

M.d.M.

Transport routier, bureaux et logement, les incertitudes du bilan CO2

Part des principaux secteurs dans les émissions totales en 2011

Evolution des différents secteurs par rapport au niveau en 1990 Kilotonne équivalent CO

2

Transport22,5%

Industrie(combustion)19,6 %

Chauffagerésidentiel

14,2 %

Agriculture9,4 %

Industrie(processus)

9,4 %

Chauffage tertiaire

4,3 %

Déchets1,3 %

Autres0,9 %

Industrie(énergie)18,4 %

0 (situation de 1990)

Industrie(combustion)

Industrie(énergie)

Industrie(processus)

Transport

Chauffage résidentiel

Agriculture

Déchets

Autres

Chauffage tertiaire

- 9.228

- 7.974

- 5.329

- 3.437

- 2.467

- 1.770

- 66

6.232

873

Sur papier, le bulletin belgesemble nickel. Même l’Agenceeuropéenne pour l’environne-ment le dit : « La Belgique est envoie d’atteindre son objectif de

Kyoto. » Pour rappel, ce protocole inter-national signé au Japon impose que notrepays réduise ses émissions de gaz à effetde serre de 7,5 % entre 1990 et 2012. En2012, la Belgique avait réduit ses émis-sions d’un peu plus de 15 %. Première dela classe en matière de lutte contre lechangement climatique : qui dit mieux ?

La bonne mine n’est qu’apparente. Enréalité, si la Belgique a fortement réduitles émissions industrielles de gaz à effetde serre, il n’en va pas de même pourd’autres secteurs, et principalement pourle transport et le bâtiment qui voient leursémissions continuer à progresser (voir ci-dessous). Certaines politiques ont portéleurs fruits. D’autres, reconnaît benoîte-ment la sixième « communication natio-nale » que notre pays doit prochainementremettre aux Nations unies, « n’ont paspu être estimées ». Enfin la Belgique neparvient à boucler ses « fins de mois cli-matiques » qu’en achetant des droitsd’émission de CO2 à l’étranger. Près de233 millions d’euros ont été dépensésdans cette politique, dont 168 par le fédé-ral et 64 par la Flandre. Dernière pierredans notre jardin : la Belgique est distan-cée par ses partenaires européens en ma-tière d’énergies renouvelables.

Derrière les bons chiffres, satisfaisantspour un objectif pourtant modeste, unbulletin s’impose. Il doit être le plustransparent possible alors que nous ap-prochons d’élections fédérales et régio-nales en mai 2014. Car il y a un évidentdérapage des émissions belges ; « un défi-cit significatif subsiste », indique un do-cument officiel. La faute à qui ? « Les me-

sures prises, notamment au niveau régio-nal, sont insuffisantes », indique-t-on aufédéral. Les Régions accusent quant àelles le fédéral d’avoir supprimé des me-sures essentielles comme des déductibili-tés sur des investissements économiseursd’énergie. Et de ne pas actionner lesleviers dont il dispose, dont celui de la fis-calité.

Tous les experts le disent : si les autori-tés ne passent pas à la vitesse supérieure,on n’y arrivera pas. Les commentaires nesont pas tendres à l’égard des politiques.« Peu de gens font leur boulot », dit un ex-pert. « Le fait de dire que l’environnementpasse après l’économie est une catas-trophe, ajoute Frédéric Chomé, patron deFactor X, une boîte de consultants. L’envi-ronnement c’est l’économie ! La croissance

économique, c’est de la consommationénergétique. » Pour Jan Vandermosten,expert climat au WWF, « cette façon devoir n’a toujours pas changé dans la têtedes politiques ». Opposition ? « Il y a aucontraire de nombreuses opportunités quiprofitent tant à l’environnement qu’àl’économie », ajoute un haut fonction-naire.

Mais les esprits sont lents à décoincer.« Les enjeux énergétiques/climatiques nesont pas appréciés à leur juste mesure parnos décideurs, accuse un connaisseur de lamatière. Avec le recul historique, on réali-sera que les politiciens de notre époque onttotalement manqué de vision et de sensdes responsabilités à cet égard, avec poten-tiellement de lourdes conséquences. » ■

MICHEL DE MUELENAERE

Climat : la Belgiqueest loin du compte

Sous un chiffre globalement satisfaisant peuvent se cacher bien des surprises.Et la preuve que beaucoup de progrès restent à faire.

Emissions totalesEn millions de tonnes équivalent CO

2

Emissions par habitant En tonnes

équivalent CO

2

L'évolution des émissions de gaz à effet de serre belges

1990 2000 2010 2011 2012 1990 2000 2010 2011 2012

Le Soir - 12.11.13Source: Agence européenne

pour l'Environnement

143 132120 121

146 14,4 14,312,2

10,9 10,9