Chémodectomes carotidiens : résultats à long terme de l'exérèse sous-adventitielle avec...

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Ch emodectomes carotidiens : r esultats a long terme de l’ex er ese sous-adventitielle avec sacrifice premier de l’art ere carotide externe Fabien Koskas, St ephane Vignes, Issa Khalil, Isabelle Koskas, Myrek Dziekiewicz, Fr ed eric Elmkies, Georges Lamas, Edouard Kieffer, Paris, France Le but de ce travail etait d’ evaluer les r esultats a court et long termes de l’ex er ese sous-adven- titielle des ch emodectomes carotidiens et valider l’importance d’un sacrifice premier de la caro- tide externe. De 1981 a 2006, 39 ch emodectomes de la bifurcation carotidienne ou des nerfs voisins ont et e op er es dans notre service. Il y avait 14 hommes et 22 femmes. L’a ˆ ge moyen etait de 44.4 ± 5 [21-78] ans. Une des interventions etait une r eintervention pour r ecidive locale personnelle. Une patiente pr esentait une tumeur d’embl ee bilat erale. Deux tumeurs entraı ˆnaient une s ecr etion de cat echolamines. Toutes les tumeurs concernaient le glomus carotidien, dix concernaient egalement le nerf vague et une de ces derni eres impliquait en outre le sympa- thique. La propagation de la tumeur se faisait dans 11 cas a l’espace sous-parotidien et une fois en intracra ˆ nien. La tumeur a et ed ecouverte dans 2 cas devant une isch emie h emisph erique et dans tous les cas devant un syndrome tumoral. Tous les malades ont et e suivis par la clinique, l’ultrasonographie ou le scanner jusqu’ a fin 2006 sans aucun perdu de vue. L’ex er ese a et e totale dans 38 cas et partielle dans un cas a propagation intracra ˆ nienne. Sous anesth esie g en erale et dans la grande majorit e des cas sans pr eparation pharmacologique pr eop eratoire, le geste chirurgical a consist e pr ef erentiellement en l’ex er ese premi ere de la carotide externe suivi du clivage sous-adventitiel de la tumeur. Un cas d’embolisation pr ealable n’a pas facilit e mais au contraire compliqu e ce clivage. L’ex er ese a concern e la carotide externe dans 22 cas, la carotide primitive et la carotide interne dans 7 cas, le nerfs laryng e sup erieur dans 7 cas, vague dans 9 cas et sympathique dans 5 cas et la veine jugulaire dans 4 cas. Un curage ganglionnaire a et e associ e dans 13 cas. Un geste vasculaire a et e associ e dans 20 cas : 9 dilatations pour spasme de la carotide interne, 5 autogreffes veineuses, 2 greffes proth etiques, une endart eriectomie de plaque ath eromateuse associ ee et un patch. Tous les malades ont et e suivis jusqu’ a fin 2006. A 3 mois, les complications observ ees etaient les s equelles d’un accident h emisph erique homolat eral sur thrombose d’une autogreffe veineuse, 8 paralysies faciales p eriph eriques, 12 paralysies vocales, 7 syndromes de Claude-Bernard Horner (CBH), 8 paralysies du voile et 10 douleurs de d esaff erentation (DA). De ces complications, ont persist e 9 paralysies vocales toutes r e eduqu ees avec succ es, 3 CBH l egers et surtout dans 6 cas (15.4%) des douleurs de d esaff erentation, invalidantes dans un cas. A 115 ± 27 [1-298] mois de suivi, nous avons observ e3r ecidives locales a 6 et 10 ans. La r ecidive locale est survenue dans 2 cas dont l’ex er ese initiale n’avait pas concern e la carotide externe. Deux patients ont pr esent e une atteinte controlat erale a 12 et 16 ans. Un patient a du e ˆtre r eop er e pour une st enose ath eromateuse asymptomatique a 40 mois. Une patiente est d ec ed ee a 51 mois sans rapport avec l’intervention. L’ex er ese sous-adventitielle des ch emodectomes carotidiens avec sacrifice premier de la carotide externe est un geste simple et efficace a long terme. Il constitue le traitement de pr edilection de ces tumeurs a potentiel evolutif essentiellement local. DOI of original article: 10.1016/j.avsg.2008.01.015. Travail pr esent e au XXII eme congr es de la Soci et e de Chirurgie Vasculaire de Langue Franc ¸aise, Lyon, France, 2-5 juin 2007. Correspondance : Fabien Koskas, MD, Service de Chirurgie vasculaire, GH Pitie-Salpetriere, 47-83 Boulevard de l’Hopital, 75013 Paris, France, E-mail: [email protected] Ann Vasc Surg 2009; 23: 67-75 DOI: 10.1016/j.acvfr.2009.04.003 Ó Annals of Vascular Surgery Inc. Edit e par ELSEVIER MASSON SAS 72

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DOI of or

Travail prVasculaire de

Correspondvasculaire, G75013 Paris, F

72

Ch�emodectomes carotidiens : r�esultats �a longterme de l’ex�er�ese sous-adventitielle avecsacrifice premier de l’art�ere carotide externe

Fabien Koskas, St�ephane Vignes, Issa Khalil, Isabelle Koskas, Myrek Dziekiewicz,

Fr�ed�eric Elmkies, Georges Lamas, Edouard Kieffer, Paris, France

Le but de ce travail �etait d’�evaluer les r�esultats �a court et long termes de l’ex�er�ese sous-adven-titielle des ch�emodectomes carotidiens et valider l’importance d’un sacrifice premier de la caro-tide externe. De 1981 �a 2006, 39 ch�emodectomes de la bifurcation carotidienne ou des nerfsvoisins ont �et�e op�er�es dans notre service. Il y avait 14 hommes et 22 femmes. L’age moyen �etaitde 44.4 ± 5 [21-78] ans. Une des interventions �etait une r�eintervention pour r�ecidive localepersonnelle. Une patiente pr�esentait une tumeur d’embl�ee bilat�erale. Deux tumeurs entraınaientune s�ecr�etion de cat�echolamines. Toutes les tumeurs concernaient le glomus carotidien, dixconcernaient �egalement le nerf vague et une de ces derni�eres impliquait en outre le sympa-thique. La propagation de la tumeur se faisait dans 11 cas �a l’espace sous-parotidien et une foisen intracranien. La tumeur a �et�e d�ecouverte dans 2 cas devant une isch�emie h�emisph�erique etdans tous les cas devant un syndrome tumoral. Tous les malades ont �et�e suivis par la clinique,l’ultrasonographie ou le scanner jusqu’�a fin 2006 sans aucun perdu de vue. L’ex�er�ese a �et�etotale dans 38 cas et partielle dans un cas �a propagation intracranienne. Sous anesth�esieg�en�erale et dans la grande majorit�e des cas sans pr�eparation pharmacologique pr�eop�eratoire, legeste chirurgical a consist�e pr�ef�erentiellement en l’ex�er�ese premi�ere de la carotide externe suividu clivage sous-adventitiel de la tumeur. Un cas d’embolisation pr�ealable n’a pas facilit�e mais aucontraire compliqu�e ce clivage. L’ex�er�ese a concern�e la carotide externe dans 22 cas, la carotideprimitive et la carotide interne dans 7 cas, le nerfs laryng�e sup�erieur dans 7 cas, vague dans 9cas et sympathique dans 5 cas et la veine jugulaire dans 4 cas. Un curage ganglionnaire a �et�eassoci�e dans 13 cas. Un geste vasculaire a �et�e associ�e dans 20 cas : 9 dilatations pour spasmede la carotide interne, 5 autogreffes veineuses, 2 greffes proth�etiques, une endart�eriectomie deplaque ath�eromateuse associ�ee et un patch. Tous les malades ont �et�e suivis jusqu’�a fin 2006.A 3 mois, les complications observ�ees �etaient les s�equelles d’un accident h�emisph�eriquehomolat�eral sur thrombose d’une autogreffe veineuse, 8 paralysies faciales p�eriph�eriques,12 paralysies vocales, 7 syndromes de Claude-Bernard Horner (CBH), 8 paralysies du voile et10 douleurs de d�esaff�erentation (DA). De ces complications, ont persist�e 9 paralysies vocalestoutes r�e�eduqu�ees avec succ�es, 3 CBH l�egers et surtout dans 6 cas (15.4%) des douleurs ded�esaff�erentation, invalidantes dans un cas. A 115 ± 27 [1-298] mois de suivi, nous avonsobserv�e 3 r�ecidives locales �a 6 et 10 ans. La r�ecidive locale est survenue dans 2 cas dontl’ex�er�ese initiale n’avait pas concern�e la carotide externe. Deux patients ont pr�esent�e uneatteinte controlat�erale �a 12 et 16 ans. Un patient a du etre r�eop�er�e pour une st�enoseath�eromateuse asymptomatique �a 40 mois. Une patiente est d�ec�ed�ee �a 51 mois sans rapportavec l’intervention. L’ex�er�ese sous-adventitielle des ch�emodectomes carotidiens avec sacrificepremier de la carotide externe est un geste simple et efficace �a long terme. Il constitue letraitement de pr�edilection de ces tumeurs �a potentiel �evolutif essentiellement local.

iginal article: 10.1016/j.avsg.2008.01.015.

�esent�e au XXII�eme congr�es de la Soci�et�e de ChirurgieLangue Francaise, Lyon, France, 2-5 juin 2007.

ance : Fabien Koskas, MD, Service de ChirurgieH Pitie-Salpetriere, 47-83 Boulevard de l’Hopital,rance, E-mail: [email protected]

Ann Vasc Surg 2009; 23: 67-75DOI: 10.1016/j.acvfr.2009.04.003� Annals of Vascular Surgery Inc.�Edit�e par ELSEVIER MASSON SAS

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Vol. 23, No. 1, 2009 Ch�emodectomes carotidiens 73

Tableau I. Age (ann�ees) et sexe des malades

Hommes Femmes

n 14 (36%) 25 (64%)

Age 53,6 ± 8,2 [24-78] 39,4 ± 5,6 [21-75]

Tableau II. Circonstances de d�ecouverte des

l�esions

D�ecouverte N %

Autopalpation 25 64,1

Tumeur 8 20,5

Examen syst�ematique 8 20,5

INTRODUCTION

Les tumeurs du corpuscule ou glomus carotidien ou

ch�emodectomes font partie des paragangliomes. Ces

ch�emodectomes carotidiens (CC) peuvent aussi

concerner les nerfs craniens adjacents et poser des

probl�emes similaires. Leur pr�evalence est estim�ee

entre 1/30 000 et 1/100 000. Cette raret�e et leur

lenteur �evolutive rend l’�evaluation des traitements

propos�es difficile. Le pr�esent travail analyse

r�etrospectivement les r�esultats �a long terme des 39

ex�er�eses chirurgicales de CC effectu�ees dans notre

service de 1981 �a 2006.

Cervicotomie pr�ealable 7 17,9

Douleurs 6 15,4

Isch�emie 2 5,1

Bouff�ees de chaleur 2 5,1

Vertiges 1 2,6

HTA due aux cat�echolamines 1 2,6

Compression 1 2,6

Total 39

HTA, hypertension art�erielle.

Tableau III. Mode de pr�esentation de la tumeur

Pr�esentation n %

Unilat�erale 34 87,2

Bilat�erale 1 2,6

R�ecidive 2 5,1

ATCD personnel 1 2,6

ATCD familiaux 2 5,1

ATCD ph�eochromocytome 1 2,6

Total 39

ATCD, ant�ec�edent.

MAT�ERIEL ET M�ETHODES

De janvier 1981 �a d�ecembre 2006, 39 CC ont �et�eop�er�es chez 36 malades (14 hommes et 22 femmes).

Pour des raisons de commodit�e, la s�erie en est

rapport�ee par interventions et non par malade. Le

tableau I donne le sexe et l’age moyen des malades

au moment de l’intervention, confirmant la pr�edo-

minance f�eminine et le jeune age des patients

notamment chez les femmes.

Le tableau II donne par ordre de fr�equence les

circonstances de d�ecouverte de la tumeur. Parmi

celles-ci, le syndrome tumoral domine suivi d’assez

loin par les douleurs dans six cas.

Les autres circonstances �etaient plus rares comme

les accidents isch�emiques transitoires dans deux cas

et des vertiges dans un cas. Deux malades pr�esen-

taient des symptomes en rapport avec une hyper-

s�ecr�etion de cat�echolamines, une malade de 28 ans

avec des bouff�ees de chaleur isol�ees et une autre

de 75 ans avec des bouff�ees de chaleur associ�ees �aune hypertension. Deux autres malades de la s�erie�etaient bien hypertendus mais il s’agissait d’une

hypertension essentielle sans hypers�ecr�etion

d�ecelable aux pr�el�evements.

Le caract�ere pauci-symptomatique des l�esions

explique un d�elai de plus de deux ans et allant

jusqu’�a 20 ans entre les premi�eres constatations et

l’ex�er�ese chez treize malades. Chez une malade de

75 ans, l’ex�er�ese n’a �et�e propos�ee que devant une

hypertension quand la tumeur est devenue

s�ecr�etante, quinze ans apr�es la premi�ere constata-

tion. Sept malades avaient fait l’objet d’une cervico-

tomie blanche ou biopsique pour un diagnostic

initial d’ad�enopathie ou de kyste cervical avant

l’ex�er�ese que nous rapportons.

Le tableau III donne le mode de pr�esentation de la

tumeur. Une malade de 21 ans pr�esentait une

tumeur bilat�erale d’embl�ee. Deux malades avaient

un ant�ec�edent familial (l’une dont la sœur apparaıt

dans la pr�esente s�erie et l’autre dont un fr�ere a �et�eop�er�e dans un autre centre). Un autre malade avait�et�e op�er�e d’un ph�eochromocytome surr�enalien 39

ans auparavant et un autre avait pour ant�ec�edent

une r�esection de CC controlat�eral six ans aupara-

vant. Ce dernier patient �etait d’ailleurs atteint d’une

cytopathie mitochondriale responsable d’un retard

psychomoteur. Il n’y avait pas de pr�edominance

lat�erale la tumeur �etant gauche dans 17 cas et droite

dans 22 cas.

Le tableau IV donne les modalit�es de l’explora-

tion pr�eop�eratoire dont la diversit�e traduit celle du

recrutement et son �etendue dans le temps plus

qu’une politique d�elib�er�ee. Actuellement, si le

d�epistage de la tumeur rel�eve de l’�echographie,

l’exploration morphologique est l’angioscanner. Le

diam�etre maximal de la tumeur �etait de 4,6 ± 3,7

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Tableau IV. Modalit�es de l’exploration

pr�eop�eratoire

Exploration N %

Echo Doppler 37 94,9

Angioscanner cervical 35 89,7

Examen ORL 17 43,6

IRM cervicale 11 28,2

Scanner c�er�ebral 10 25,6

Art�eriographie 9 23,1

Dosages de cat�echolamines 9 23,1

IRM c�er�ebrale 1 2,6

Scintigraphie �a la somatostatine 1 2,6

Total 39

ORL, oto-rhino-laryngologique.

Tableau V. Si�ege primitif de la tumeur

Si�ege initial n %

Glomus carotidien 38 97,4

Nerf vague 12 30,8

Sympathique 1 2,6

Total 39

Tableau VI. Propagation distale de la tumeur

Propagation distale n %

Bifurcation carotidienne 27 69,2

Espace sous parotidien 10 25,6

Canal carotidien 1 2,6

Intracranien 1 2,6

Total 39

Tableau VII. Situation strat�egique de

l’intervention

Situation strat�egique n %

Cot�e unique 34 87,2

Bilat�eral 1er cot�e 1 2,6

Bilat�eral 2�eme cot�e 2 5,1

R�ecidive 2 5,1

Total 39

74 Koskas et al. Annales de chirurgie vasculaire

[3-10] cm. Le tableau V en donne le si�ege primitif et

le tableau VI la propagation distale.

Il y avait une atteinte neurologique pr�eop�eratoire

dans 5 (12.8%) cas : une paralysie v�elaire, deux

paralysies vocales et deux paralysies linguales.

Deux (5,1%) malades pr�esentaient un hirsutisme

sans ad�enome hypophysaire associ�e et deux

(5,1%) s�ecr�etaient des cat�echolamines responsables

d’une hypertension dont une de d�ecouverte secon-

daire. Un malade �etait porteur d’une plaque

ath�eromateuse st�enosante �a 60 % (crit�eres NAS-

CET) de la bifurcation carotidienne impliqu�ee dans

la tumeur.

Tous les CC ont �et�e op�er�es pour ex�er�ese la plus

compl�ete possible avec conservation de la perfusion

carotidienne interne. Le tableau VII donne la situ-

ation strat�egique de l’intervention.

Une malade de 21 ans pr�esentait une tumeur

d’embl�ee bilat�erale pour laquelle l’ex�er�ese a �et�er�ealis�ee des deux cot�es �a deux mois d’intervalle en

1982. Cette malade a r�ecidiv�e �a droite et �et�er�eop�er�ee en 1988. Il y avait une autre r�ecidive �adix ans dans la s�erie. Les deux tumeurs s�ecr�etantes

ont �et�e bloqu�ees pharmacologiquement par les

anti-alpha-adr�energiques. Une seule malade avait�et�e embolis�ee dans un autre centre avant son trans-

fert. Tous les malades ont �et�e op�er�es sous anesth�esie

g�en�erale en d�ecubitus dorsal par voie pr�e-sterno-

masto€ıdienne. Pour les tumeurs dont la propagation

distale �etait la plus importante, une extension pr�e et

r�etrotragienne a �et�e conduite par un des coauteurs

oto-rhino-laryngologiste sous monitorage du nerf

facial et avec fraisage de la masto€ıde et du tympanal.

Le tableau VIII d�etaille les gestes utilis�es pour faci-

liter l’acc�es au pole sup�erieur de la tumeur ou de la

reconstruction art�erielle. Plusieurs cas ont n�ecessit�eplus d’un de ces gestes.

Le tableau IX donne l’�etendue de l’ex�er�ese

effectu�ee. La tumeur a �et�e r�es�equ�ee en totalit�e dans

tous les cas sauf un dont la propagation intra-

cranienne n�ecessitait un second abord intracranien.

Les nerfs craniens macroscopiquement impliqu�es

par la tumeur ont �egalement �et�e r�es�equ�es comme les

ganglions lymphatiques et la veine jugulaire interne

quand celle-ci �etait envahie. Le sacrifice premier de

la carotide externe a �et�e fait 22 (56,4%) fois et de

plus en plus souvent au cours de la s�erie. Il a chaque

fois grandement facilit�e le clivage sous-adventitiel

de la tumeur.

Le sacrifice de l’axe carotidien primitif ou interne

a �et�e rendu n�ecessaire dans neuf (23.1%) cas: par

d�efaut de plan de clivage dans sept cas ou pour des

raisons pratiques du fait d’un exc�es de longueur

dans deux cas, n�ecessitant alors un r�etablissement

de la continuit�e art�erielle. Ce r�etablissement a �et�efait sept fois par greffe veineuse ou proth�etique et

deux fois par simple anastomose grace �a l’existence

d’un exc�es de longueur art�eriel.

Le tableau X donne les gestes art�eriels effectu�es

en plus de l’ex�er�ese. Dans vingt (53.1%) cas, un

geste vasculaire associ�e a �et�e r�ealis�e. Neuf (23,1%)

dilatations �a la bougie m�etallique ont �et�e n�ecessaires

devant un spasme de la carotide interne. Le malade

porteur d’une st�enose ath�eromateuse associ�ee a �et�e

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Tableau VIII. Gestes utilis�es pour faciliter l’acc�es

au pole sup�erieur de la tumeur

Exposition distale N %

Section art�ere occipitale 18 46,1

Intubation nasale 11 28,2

D�ecroisement du nerf hypoglosse 9 23,1

Section digastrique 9 23,1

Section rideau stylien et de la stylo€ıde 3 7,7

D�ecroisement du facial et fraisage du rocher 2 5,1

D�ecroisement du glossopharyngien 2 5,1

Total 39

Tableau IX. Etendue de l’ex�er�ese

Ex�er�ese N %

Totale 38 97,4

Partielle 1 2,6

Ganglions 13 33,3

Carotide externe 22 56,4

Carotide interne 9 23,1

Carotide primitive 9 23,1

Vague 9 23,1

Laryng�e sup�erieur 7 17,9

Sympathique 5 12,8

Jugulaire 4 10,3

Hypoglosse 1 2,6

Total 39

Tableau X. Gestes art�eriels associ�es �a l’ex�er�ese

Geste art�eriel n %

Dilatation pour spasme 9 23,1

Autogreffe veineuse 5 12,8

Greffe proth�etique 2 5,1

R�esection-anastomose 2 5,1

Endart�eriectomie 1 2,6

Patch proth�etique 1 2,6

Total 39

Tableau XI. Complication pr�esentes �a trois mois

Complications �a 3 mois n %

Paralysie vocale 12 30,8

Douleurs de d�esaff�erentation 10 25,6

Paralysie faciale p�eriph�erique 8 20,5

Paralysie v�elaire 8 20,5

Syndrome de Claude Bernard Horner 7 17,9

AIC homolat�eral r�egressif 1 2,6

Total 39

AIC, accident isch�emique c�er�ebral.

Vol. 23, No. 1, 2009 Ch�emodectomes carotidiens 75

trait�e par endart�eriectomie et angioplastie par patch

proth�etique. Les pertes sanguines ont �et�e en

moyenne de 460 ± 270 [150-2000] ml. Cinq mala-

des ont n�ecessit�e une transfusion post op�eratoire de

2,6 culots par malade en moyenne. Apr�es l’inter-

vention, les malades ont �et�e observ�es aux soins

intensifs puis en hospitalisation conventionnelle

jusqu’�a la sortie pr�ec�ed�ee au minimum d’un �echo-

doppler de controle et au besoin d’un angioscanner

ou d’une art�eriographie. Le suivi a consist�e en une

consultation et un �echo-Doppler �a 1, 3 et 12 mois

puis tous les ans. Aucun malade n’a �et�e perdu de

vue. La dur�ee moyenne du suivi est de 115 ± 27

[1-298] mois.)

RESULTATS

R�esultats imm�ediats

Tous les malades ont surv�ecu �a l’intervention. Une

malade revascularis�ee par autogreffe saph�ene a

pr�esent�e un accident isch�emique h�emisph�erique

homolat�eral �a la 5�eme heure. La r�eintervention

a r�ev�el�e la thrombose du montage sans cause�evidente. La d�esobstruction a permis une

r�ecup�eration neurologique compl�ete.

Deux patientes dont la paralysie v�elaire occasion-

nait des fausses routes ont n�ecessit�e l’installation

d’une sonde de nutrition ent�erale mais la dur�ee de

cette nutrition n’as pas exc�ed�e une semaine

Le malade porteur de cytopathie mitochondriale

a pr�esent�e une pneumopathie d’inhalation

n�ecessitant une assistance ventilatoire durant qua-

tre jours, un s�ejour prolong�e en r�eanimation durant

29 jours ainsi qu’une gastrotomie temporaire

d’alimentation.

Le tableau XI d�etaille les complications �a trois

mois. Dix huit malades (46.2%) pr�esentaient au

moins l’une d’entre elles.

R�esultats �a distance

Au dernier suivi, 12 malades gardaient un ou plu-

sieurs d�eficits p�eriph�eriques ou des douleurs. Le

tableau XII en donne la r�epartition. Toutes les

paralysies v�elaires ont r�egress�e ainsi que toutes les

paralysies faciales p�eriph�eriques sauf une. Neuf

(23,1%) malades ont gard�e une paralysie vocale

n’occasionnant qu’une dysphonie l�eg�ere grace �aune r�e�education syst�ematique. Un syndrome de

Claude Bernard Horner peu invalidant persistait

chez trois malades (7,7%) mais les patients ne se

plaignaient que d’un discret ptosis vesp�eral. Des

douleurs de d�esaff�erentation sont rest�ees une

plainte fr�equente chez les malades qui d�ecrivent des

douleurs fulgurantes de la primo-mastication

disparaissant en r�egle apr�es la premi�ere bouch�ee.

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Tableau XII. Complications persistantes au

dernier suivi

Complications au dernier suivi n %

Paralysie vocale 9 23,1

Douleurs de d�esaff�erentation 6 15,4

Syndrome de Claude Bernard Horner 3 7,7

Paralysie faciale p�eriph�erique 1 2,6

Total 39 100,0

Tableau XIII. Ev�enements d�efavorables �adistance

Ev�enements �a 115 ± 27 mois [1-298] N %

R�ecidive locale (6, 10 & 10 ans) 3 7,7

Atteinte controlat�erale (6 & 12 ans) 2 5,1

St�enose ath�eromateuse �a 3 ans 1 2,6

D�ec�es d’insuffisance respiratoire �a 4 ans 1 2,6

Total 39

76 Koskas et al. Annales de chirurgie vasculaire

Pr�esentes chez dix malades (25,6%) �a trois mois,

celles-ci n’en concernaient plus que six au dernier

suivi (15.4%). Elles ne sont rest�ees importantes que

dans un cas qui requiert encore occasionnellement

un traitement neuroleptique.

Le tableau XIII pr�esente les �ev�enements critiques

survenus durant ce suivi moyen de neuf ans et

d’une dur�ee maximale de 25 ans. Une seule malade

ag�ee de 75 ans est d�ec�ed�ee �a 51 mois d’insuffisance

respiratoire oxyg�eno-d�ependante. Il s’agissait de

l’une des malades trait�ees par greffe proth�etique. A

part la thrombose pr�ecoce d’une greffe saph�ene d�ej�amentionn�ee, deux anomalies anatomiques sont

survenues durant le suivi. La premi�ere �etait une

rest�enose carotidienne interne chez le malade qui

avait fait l’objet d’une endart�eriectomie avec

angioplastie proth�etique durant la proc�edure ini-

tiale. Cette rest�enose a �et�e trait�ee avec succ�es par

angioplastie percutan�ee dans un autre centre au

quaranti�eme mois. Un autre malade trait�e �a 61 ans

par ex�er�ese sous-adventitielle isol�ee a pr�esent�e 11

ans plus tard une st�enose asymptomatique �a 60%

selon les crit�eres de la NASCET. Ce malade est tou-

jours surveill�e et pourrait un jour relever d’une

endart�eriectomie en fonction de l’�evolution du

degr�e de st�enose. Durant ce suivi, nous avons

observ�e trois r�ecidives locales chez deux malades.

Deux de ces r�ecidives ont �et�e r�eop�er�ees dans notre

service, l’une �a six et l’autre �a 10 ans de l’interven-

tion initiale. La premi�ere a r�ecidiv�e une seconde fois

dix ans plus tard mais reste stable depuis 1998. Elle

fait l’objet d’une surveillance continue en l’absence

de r�eintervention. Aucune r�ecidive n’est survenue

apr�es une ex�er�ese initiale comportant le sacrifice

premier de la carotide externe.

Exprim�es selon la m�ethode actuarielle, les taux

moyens annuels de survenue des �ev�enements criti-

ques �etaient de 0,14% pour le d�ec�es, de 0,1% pour

les accidents isch�emiques h�emisph�eriques, de

0,11% pour l’occlusion de l’axe carotidien op�er�e,

de 0,51% pour les st�enoses de plus de 50% (NAS-

CET) et de 0,63% pour la r�ecidive locale. Nous

n’avons observ�e aucun cas de m�etastase dans cette

s�erie.

DISCUSSION

Notre travail confirme les donn�ees classiques et

celles de la litt�erature : les ch�emodectomes de la

bifurcation carotidiennes sont rares et pr�esentent

un potentiel �evolutif surtout local et controlat�eral.

L’ex�er�ese chirurgicale sous-adventitielle en est pos-

sible dans la plupart des cas ; elle est plus facile et

offre de bons r�esultats �a long terme si elle commence

par le sacrifice de la carotide externe. La litt�erature

est domin�ee par des s�eries provenant de zones

g�eographiques end�emiques ou de s�eries de centres

de recrutement secondaire sporadiques comme le

notre et dont l’�echantillonnage est �etendu dans le

temps. Il nous a donc paru utile de faire ce travail

dans nos conditions locales de recrutement meme

en pr�esence de publications de s�eries plus volumi-

neuses que la notre.

Nous retrouvons la pr�edominance f�eminine et le

jeune age des malades. Nous observons le caract�ere

familial chez deux malades (5,1%) qui est de 5 �a10 % dans les s�eries publi�ees.1-5 L’�etude g�en�etique

de ces familles atteintes de paragangliome aurait

probablement permis de localiser le g�ene incrimin�edans la survenue de tumeurs du glomus. Ce g�ene

dont la transmission est autosomique dominante �ap�en�etrance variable est situ�e sur le chromosome

11q23.6 Il code pour une sous unit�e d’un enzyme

mitochondrial, la succinate d�eshydrog�enase inter-

venant dans le cycle de Krebs.7 Son inactivation au

cours de l’embryogen�ese de la souris conduit �a une

hyperplasie des cellules glomiques.8 Nous n’avons

pas pu proc�eder �a une telle �etude g�en�etique dans

cette s�erie.

Les s�eries end�emiques sud-am�ericaines9-12 et une

s�erie nord-am�ericaine5 montrent une plus forte

pr�edominance f�eminine et une influence de l’alti-

tude (Andes, Montagnes Rocheuses).

Nous confirmons le caract�ere le plus souvent

asymptomatique des l�esions et l’importance du

retard �a la d�ecouverte de la l�esion, en r�egle par auto-

palpation.1 Le diagnostic positif de ces tumeurs

repose sur l’exploration morphologique et leur

caract�ere hypervascularis�e. La topographie des

Page 6: Chémodectomes carotidiens : résultats à long terme de l'exérèse sous-adventitielle avec sacrifice premier de l'artère carotide externe

Tableau XIV. R�esultats dans la litt�erature

Ann�ee Patients (n) S�equelles neurologiques D�ec�es AVC S�equelles d’AVC

Shamblin et coll.1 1971 58 55% 4 8 5

Lack et coll.14 1977 43 16% 5 5

Hcoll.let et coll.15 1988 37 41% 1

Litle et coll.16 1996 21 45% 1

Muhm et coll.3 1997 28 32% 1 1

Rodriguez-Cuevas et coll.12 1998 80 20% 3 3

Bastounis et coll.4 1999 17 18% 1 1

Plukker et coll.17 2001 45 31% 1

Patetsios et coll.18 2002 34 46% 1 2

Luna Ortiz et coll.9 2006 69 49%

S�erie pr�esent�ee 39 30% 1

AVC, accident vasculaire c�er�ebral.

Vol. 23, No. 1, 2009 Ch�emodectomes carotidiens 77

l�esions et l’hypervascularisation rendent la confir-

mation histologique pr�eop�eratoire inutile et meme

d�econseill�ee.11

Dans notre s�erie, sept patients initialement pris

en charge dans un autre centre avaient eu une cer-

vicotomie exploratrice ou une cytoponction. En fait,

une connaissance pr�eop�eratoire de l’histologie de

ces tumeurs ne permet pas d’en pr�edire l’�evolutivit�eet change donc peu la strat�egie. Dans la s�erie, une

patiente op�er�ee pour tumeur glomique pr�esentait

en fait un schwannome du nerf vague. Cette tumeur

fait au moins th�eoriquement partie du diagnostic

diff�erentiel. Dans les atteintes tumorales du nerf

vague, les schwannomes repr�esentent 30% du diag-

nostic histologique (avec les paragangliomes 50% et

les neurofibromes 20%).13

Compte tenu du potentiel local de r�ecidive, nous

avons fait de l’ex�er�ese de tous les segments nerveux

macroscopiquement pathologiques notre doctrine

de base. Ceci explique le taux de complications

nerveuses p�eriph�eriques que nous observons, sem-

blable �a celui des autres �equipes et dont la majorit�esont des paralysies vocales.1,3,4,9,12,14-18 Nous rap-

portons un taux particuli�erement important de

douleurs de d�esaff�erentation.

La forte morbidit�e neurologique est une cons-

tante apr�es ex�er�ese de tumeur glomique. Avant les

ann�ees 1950 la difficult�e d’ex�er�ese �etait marqu�ee

par l’impossibilit�e de reconstruction art�erielle

(ex�er�ese et ligature carotide). La mortalit�e est forte

au d�ebut de l’exp�erience dans ces s�eries.

Depuis la disponibilit�e des techniques de recon-

struction carotidienne, la forte morbidit�e neurolo-

gique centrale postop�eratoire des d�ebuts de cette

chirurgie a laiss�e place �a une morbidit�e neurolo-

gique p�eriph�erique. Shamblin et coll. dans

l’exp�erience de la Mayo Clinic depuis 1931, rappor-

tent 55% d’atteintes postop�eratoires des nerfs

craniens, 4 d�ec�es et 8 accident vasculaires c�er�ebraux

(AVC) sur un total de 58 op�er�es1.

Dans les s�eries plus r�ecentes, les d�ec�es et les AVC

sont plus rares et sporadiques mais la morbidit�e neu-

rologique p�eriph�erique demeure importante. Le

taux moyen de cette morbidit�e neurologique

p�eriph�erique dans la litt�erature est de 36%, et est

comparable �a celui que nous avons observ�e dans la

pr�esente s�erie. Le tableau XIV r�esume cette

litt�erature.

Le sacrifice premier de la carotide externe s’est

impos�e dans notre pratique comme un geste facili-

tant et perfectionnant l’ex�er�ese. Cette strat�egie

op�eratoire maintenant g�en�eralis�ee consiste tout

d’abord �a sectionner entre ligatures les branches de

la carotide externe. La tumeur est ainsi p�ediculis�ee

sur l’axe carotide primitive/carotide interne et est

alors partiellement d�evascularis�ee. Ceci facilite la

dissection dans un plan sous-adventitiel de la

tumeur autour de l’axe constitu�e par les carotides

primitive et interne. La tumeur est alors p�ediculis�ee

sur l’origine de la carotide externe dont l’ostium est

excis�e avec la tumeur durant un bref clampage de

l’axe principal. Le sacrifice premier de la carotide

externe emporte le p�edicule nourricier de la tumeur

glomique issu des branches de la carotide externe

comme la pharyngienne ascendante pr�edominante.

Nous confirmons donc la conclusion de Van den

Berg et coll. sur ce point19. Il nous paraıt aussi logi-

que d’attendre du sacrifice premier de la carotide

externe une r�eduction du nombre r�ecidives locales �adistance. Seule une �etude prospective randomis�ee

permettrait de certifier l’impact du geste mais une

telle �etude nous paraıt bien improbable compte tenu

de la raret�e relative de cette pathologie dans notre

r�egion et de la raret�e des r�ecidives.

Le tableau XV compare les r�esultats observ�es chez

les malades ayant b�en�efici�e d’un sacrifice premier de

Page 7: Chémodectomes carotidiens : résultats à long terme de l'exérèse sous-adventitielle avec sacrifice premier de l'artère carotide externe

Tableau XV. Influence du sacrifice premier de la carotide externe

Comparaison selon sacrificepremier de la carotide externe

Avec Sans Total

Court terme Long terme Court terme Long terme Court terme Long terme

n 22 17 39

D�eficit p�eriph�erique pr�eop�eratoire 6 1 7

Mat�eriel tumoral extra-glomique 5 5 10

Pertes sanguines p�eriop�eratoires (mL) 490 ± 190 430 ± 150 450 ± 170

Reconstruction carotidienne 6 3 9

Paralysie vocale 7 6 5 3 12 9

Douleurs de d�esaff�erentation 5 4 5 2 10 6

Paralysie faciale p�eriph�erique 5 1 3 8 1

Paralysie v�elaire 8 8

Syndrome de Claude Bernard 3 1 4 2 7 3

AIC homolat�eral r�egressif 1 1

R�ecidive locale 3 3

Atteinte controlat�erale 2 2

Tableau XVI. R�esum�e de la litt�erature concernant le sacrifice premier de la carotide externe

Ann�ee Patients (n) Sacrifice Carotide externe R�ecidive locale

Shamblin et coll.1 1971 58 15

Lack et coll.14 1977 43

Hcoll.let et coll.15 1988 37 NR

Litle et coll.16 1996 21 7

Muhm et coll.3 1997 28 3

Bastounis et coll.4 1999 17 7

Plukker et coll.17 2001 45 NR

Patetsios et coll.18 2002 34 NR

Luna Ortiz et coll.9 2006 69 NR

S�erie pr�esent�ee 39 22 3

NR, non rapport�e.

78 Koskas et al. Annales de chirurgie vasculaire

la carotide externe �a leurs controles. Aucune des

diff�erences observ�ees n’atteint un seuil logique de

significativit�e compte tenu de la m�ethodologie mais

il n’en reste pas moins que dans le premier groupe

nous n’avons observ�e aucune r�ecidive locale. Le

cout en morbidit�e de ce b�en�efice ne semble pas avoir�et�e significativement sup�erieur.

Dans la litt�erature r�esum�ee dans le tableau XVI, le

sacrifice de la carotide externe n’est le plus souvent

pas mentionn�e. Shamblin et coll. dans la volumi-

neuse exp�erience de la Mayo Clinic rapportent 15

ex�er�eses de la carotide externe et ne mentionnent

dans ce sous-groupe aucune r�ecidive. Le suivi �a long

terme n’est cependant pas pr�ecis�e pour l’ensemble

de cette cohorte de patients, ce qui ne permet gu�ere

de conclure.1 Il en va de meme dans le travail de

Litle concernant 7 cas de sacrifice carotide externe

sur les 21 cas de la s�erie, avec un suivi moyen de 33

[1-105] mois.16 Cette limitation est aussi valable

pour Bastounis et coll. avec cinq perdus de vue et

deux d�ec�es dans sa s�erie dont la dur�ee de suivi n’est

pas pr�ecis�ee.4 La cohorte que nous avons �etudi�ee ici

semble avoir le suivi le plus long rapport�e �a ce jour.

L’embolisation a �egalement �et�e propos�ee pour

faciliter l’ex�er�ese en oblit�erant le p�edicule nourricier

de la tumeur. La premi�ere embolisation a �et�erapport�ee en 1980 chez un patient pr�esentant

une tumeur volumineuse.16,20 Malgr�e une

d�evascularisation tumorale de 90%, l’ex�er�ese s’est

accompagn�ee d’une h�emorragie de quatre litres.

Depuis cette date, une casuistique limit�ee utilisant

cette approche a �et�e rapport�ee. Les conclusions

tir�ees en ont �et�e contradictoires. Une embolisation

pr�e op�eratoire effective ne semble procurer un

b�en�efice ni en pertes sanguines ni en r�eduction de

morbidit�e neurologique p�eriph�erique.1,9,15,16,18.

Notre exp�erience de l’embolisation pr�eop�eratoire

n’est que ponctuelle mais va dans le sens d’une

condamnation de la m�ethode qui rend plus difficile

la dissection du plan sous-adventitiel. Persky et

coll. rapportent les r�esultats de l’ex�er�ese apr�es

embolisation syst�ematique de 53 tumeurs para

Page 8: Chémodectomes carotidiens : résultats à long terme de l'exérèse sous-adventitielle avec sacrifice premier de l'artère carotide externe

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XV

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Vol. 23, No. 1, 2009 Ch�emodectomes carotidiens 79

ganglionnaires cervicales et non seulement glomi-

ques (14 jugulaires, 5 vagales, 3 tympanique et 3

diverses). Vingt huit tumeurs glomiques ont �et�eembolis�ees. Ce travail ne trouve de b�en�efice �al’embolisation que dans les tumeurs jugulaires et

vagales.21 Tripp et coll. rapportent une technique

originale d’exclusion du p�edicule vasculaire d’une

tumeur glomique par stents couverts. Apr�es une

telle exclusion, la tumeur serait plus facile �ar�es�equer.22 Nous n’avons pas l’exp�erience de cette

m�ethode et trouvons le sacrifice chirurgical premier

de la carotide externe plus simple, moins dangereux

et plus exp�editif.16

Les paragangliomes sont classiquement

consid�er�es comme peu radiosensibles. La radio-

th�erapie a toutefois �et�e propos�ee par Spector et

coll. d�es 1975 dans les tumeurs jugulaires. Meme

sans agir sur les cellules tumorales elles-memes,

cette radioth�erapie induirait une scl�erose avec invo-

lution des lumi�eres vasculaires.23

La place de la radioth�erapie dans le traitement de

ces tumeurs actuellement consid�er�ees comme «

b�enignes » reste un sujet de controverse. Historique-

ment, une radioth�erapie compl�ementaire �a une

ex�er�ese jug�ee insuffisante a �et�e propos�ee.1,14,24 La

tumeur �etait consid�er�ee comme histologiquement

maligne. Une meilleure connaissance de l’�evolution

naturelle et l’absence de r�eel crit�ere histologique de

malignit�e ont permis de rectifier cette attitude. Le

potentiel �evolutif reconnu par tous est la capacit�e de

r�ecidive locale alors que la diss�emination

m�etastatique est extremement rare dans la

litt�erature et tr�es probablement plus en rapport avec

une maladie globale du syst�eme para ganglionnaire

qu’avec une diss�emination �a partir d’une tumeur

originelle.

Dans la s�erie de Shamblin et coll., onze patients

ont eu une radioth�erapie compl�ementaire pour

r�esidu tumoral.1 L’�evolution de ces patients n’est

pas pr�ecis�ee dans le suivi. Les autres s�eries sont

encore plus limit�ees et concernent des tumeurs

paraganglionnaires diverses et plus rarement glo-

miques. Le suivi individuel en est difficile �a extraire,

quand il est fourni. Le tableau XVII r�esume cette

litt�erature.24-31 Il faut toutefois admettre que seuls

les travaux de Lybeert et coll.25 et Hinermann et

coll.29 rapportent de v�eritables s�eries trait�ees par

radioth�erapie exclusive.

Les deux s�eries de radioth�erapie les plus explicites

sont celle de Lybeert et coll. en 198425 et celle de

Hinermann et coll. en 2001.29 Lybeert et coll. ont

trait�e par irradiation exclusive 11 tumeurs glomi-

ques sans complication mais le suivi, inf�erieur �a 5

ans pour tous les malades sauf un incite �a lire les

conclusions de ce travail avec prudence. Hinermann

Page 9: Chémodectomes carotidiens : résultats à long terme de l'exérèse sous-adventitielle avec sacrifice premier de l'artère carotide externe

80 Koskas et al. Annales de chirurgie vasculaire

et coll. ont trait�e sur une p�eriode de 30 ans (1968-

1998) 14 malades : 13 par irradiation exclusive et un

par irradiation compl�ementaire apr�es ex�er�ese

incompl�ete. Un patient est d�ec�ed�e en progression

tumorale et 6 autres ont pr�esent�e des complications

de la radioth�erapie comme une mucite s�ev�ere avec

d�eshydratation, deux ulc�erations en regard de l’os

temporal, un trismus, une otite s�ereuse, un syn-

drome confusionnel et une paralysie du nerf facial

pr�esente �a 10 mois. Le travail ne pr�ecise pas

l’�evolution tumorale �a long terme.

Meme si ces auteurs concluent �a la validit�e carci-

nologique de l’irradiation exclusive, nous refusons

de les suivre compte tenu du jeune age des malades,

la pauvret�e de leur suivi �a long terme et d’un risque

radique qui nous paraıt trop important pour une

tumeur b�enigne. L’�evolution extremement lente

de ces tumeurs constitue �egalement une limite.

Dans notre s�erie les r�ecidives ont eu lieu de facon

tardive �a 6 et 10 ans ce qui est au-del�a du suivi de

la plupart des s�eries de radioth�erapie exclusive (en

moyenne 5 ans).

Il existe une forte probabilit�e pour que l’appa-

rente stabilit�e l�esionnelle soit en rapport avec un

temps de croissance tumoral extremement long.

Dans la s�erie mexicaine de Rodrigues-Cuevas et

coll.,12 41 patients pr�esentant une tumeur glo-

mique n’ont pas �et�e op�er�es. Pendant le suivi sur 47

mois, aucun patient n’a pr�esent�e de nouveau

symptome, d’acc�el�eration de la croissance tumorale,

ou de l�esion secondaire. On retrouve cette notion

dans la s�erie de Lack et coll. en 1977 ou 3 patients

ont �et�e suivis sur une p�eriode de 13 ans sans jamais

pr�esenter de complication en rapport avec leur

tumeur.14 Il nous paraıt cependant ind�efendable de

recommander l’abstention comme doctrine car

l’ex�er�ese est d’autant plus difficile avec le volume et

la propagation distale de la tumeur. La radioth�erapie

nous paraıt devoir etre r�eserv�ee aux situations

palliatives.

En conclusion, l’ex�er�ese sous-adventitielle avec

sacrifice premier de la carotide externe nous semble

la m�ethode la plus simple et la plus sure pour

l’�eradication des ch�emodectomes de la bifurcation

carotidienne.

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