chapitre V : Le RÔle -...

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2009-2010 CHAPITRE V : LE RÔLE DE L’ÉTAT DANS LA VIE ECONOMIQUE ET SOCIALE Christelle ZENG ANALYSE ECONOMIQUE ET HISTORIQUE DES SOCIETES CONTEMPORAINES CPGE ECE 1

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2009-2010

CHAPITRE V : LE RÔLE

DE L’ÉTAT DANS LA VIE

ECONOMIQUE ET

SOCIALE

Christelle ZENG

ANALYSE ECONOMIQUE ET

HISTORIQUE DES SOCIETES

CONTEMPORAINES

C P G E E C E 1

L E R Ô L E D E L ’ E T A T D A N S L A V I E E C O N O M I Q U E E T S O C I A L E

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INTRODUCTION

Interventionnisme contre libéralisme : une opposition établie bien avant Adam Smith

Le thème de l’intervention de l’État est un thème qui n’est pas nouveau. Il est présent dans le

courant classique, qui justifie le libéralisme. Même avant, les mercantilistes justifient certaines

formes de l’intervention de l’État dans sa capacité à défendre le pays et les entreprises nationales

dans la compétition internationale. Le libéralisme prend une forme directement accès sur la politique

industrielle à travers le colbertisme, qui donne naissance à cette tradition française de la forte

présence de l’État au niveau industriel. Les physiocrates au XVIIIème siècle vont au contraire défendre

des thèses libérales. Ce son des partisans du libéralisme à l’intérieur du pays, et également des

partisans du libre échange au niveau international, l’expression du laisser-faire, laissez-passer

apparaissant à cette époque.

Délimiter l’État : État, fédérations et organisations supranationales

L’État est une personne morale de droit publique qui, sur le plan juridique, représente une

collectivité, à l’intérieur ou l’extérieur d’un territoire déterminé sur lequel elle exerce le

pouvoir suprême, la souveraineté. Associé à l’exercice de ce pouvoir suprême, l’État dispose

d’un certain nombre de monopole comme l’utilisation de contrainte physiques pour faire

respecter la loi, la collecte des impôts…

Weber, « Le savant et le politique » (1919) : « S’il n’existait que des structures où toute

violence serait absente, le concept d’État aurait alors disparu et il ne subsisterait que ce qu’on

appelle au sens propre du terme l’anarchie… il faut concevoir l’État contemporain comme une

communauté humaine qui dans les limites d’un territoire donné revendique avec succès pour

son propre compte le monopole de la violence physique légitime.» Sa définition montre la

difficulté à pouvoir spécifier et reconnaître quand on a affaire à un État ou non, il pose la

question de la légitimité de son monopole.

L’expression d’État nation signifie que l’État coïncide avec la nation, définie en fonction d’une

identité commune qui lui confère sa légitimité. Elle renvoie à une notion de science politique

qui amène à réfléchir sur le problème de cette identité commune.

La notion d’État-Providence : C’est une forme particulière de l’État, qui a eu tendance à se

développer après la 2nde GM. C’est une conception de l’État qui met l’accent sur le rôle

particulièrement important de celui-ci en matière de redistribution des richesses, de

régulation de l’économie, d’assistance aux plus défavorisés, et de fourniture de biens

collectifs. Il est caractérisé par un interventionnisme assez fort sur le plan économique et sur

le plan social (lutte contre la pauvreté, recherche d’atténuation des inégalités…). Ne pas

confondre avec la notion de l’État Providence au sens étroit (système de protection social).

La question de délimitation se pose aussi à l’intérieur de l’État-Nation, puisqu’il y a plusieurs

niveaux de décisions. Les administrations publiques regroupent l’État central, la collectivité

territoriale, les organismes de sécurité sociale. Problème de répartition des compétences qui

fait que la question du monopole de l’État à l’égard des prises de décisions est attaquée par

le haut et par le bas. Le monopole qu’il détient est celui concernant la violence physique

légitime.

La notion de fédération ou confédération : Le fédéralisme est un mode d’organisation dans

lequel chacun des membres dispose d’une large autonomie et délègue certains de ses

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pouvoirs à un organisme central dit fédéral ou confédéral. Ex : la confédération Helvétique

(Suisse). Les politiques économiques et sociales ne sont pas les mêmes selon les pays.

Les organisations supranationales : Ce sont des organisations constituées d’État-membres

qui disposent de pouvoirs légaux de coercition plus ou moins étendues, mais qui n’exercent

pas de souveraineté sur les collectivités appartenant aux États-membres. Ce ne sont pas des

États mais ils limitent la souveraineté des États-membres. Ex : le pouvoir de coercition de

l’Union Européenne est de plus en plus fort, notamment en ce qui concerne la politique

monétaire.

Il y a une différence entre les organisations supranationales (UE, OMC) et certaines

institutions qui n’ont aucun pouvoir de coercition (GATT, FMI), ils n’ont pas de pouvoir de

sanction au sens juridique.

Le principe qui domine dans le domaine fédéral et les organisations supranationales est celui

de subsidiarité. C’est un principe qui est inscrit dans le traité de Maastricht. Selon les termes

du traité, la communauté européenne n’intervient que si et dans la mesure où les objectifs

de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États-

membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être

mieux réalisés au niveau communautaire.

La gouvernance : désigne l’ensemble des mesures, des règles, des organes de décisions,

d’information et de surveillance, qui permettent d’assurer le bon fonctionnement et le

contrôle d’un État d’une institution ou d’une organisation, qu’elle soit publique ou privée,

régionale, nationale ou internationale.

Les 3 fonctions de l’État définies par Musgrave (1959)

La fonction d’allocation des ressources : elle répond à la question de savoir comment l'État

doit intervenir pour permettre à l'économie d'être efficace (optimale au sens de Pareto). On

a à la fois la fixation de règles et de droits qui permettent au marché de fonctionner de

manière efficace (telles que des lois anti-trust), mais également l’intervention de l'État dans

les domaines de défaillance du marché. Selon Musgrave, il y a une intervention de l’État dans

le cas des biens tutélaires, bien que le marché ne soit pas défaillant. L’autorité publique doit

interférer avec la souveraineté du consommateur pour inciter les consommateurs à

consommer plus ou moins de certains biens. Cela peut également passer par une contrainte

ou une incitation comme l’interdiction de consommer certains biens.

La fonction de répartition des revenus et richesses : c’est une fonction de redistribution des

revenus, l'État aspire à l’égalité d’accès des citoyens à certaines richesses matérielles. L'État

ne se contente pas d’adhérer au principe de la justice commutative (i.e. « à chacun selon son

apport »), il introduit également un principe de justice redistributive (« à chacun selon ses

besoins »). L'État cherche également à atteindre une certaine équité.

La régulation ou stabilisation conjoncturelle : l'État a pour mission de réguler l'activité

économique, en relançant l'activité dans les périodes de dépression et en restreignant les

dépenses publiques en période d'inflation. Il s'agit du principe de la régulation

conjoncturelle, telle qu’elle a été mise en place durant les années 60 au travers des

politiques de Stop & Go.

Ces 3 fonctions coïncident respectivement avec la typologie efficience, équité, équilibre.

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La thèse de Musgrave concerne une des questions essentielles à l’égard de cette typologie : dans

quelle mesure l’État peut traiter de manière séparable ces 3 fonctions ? Cette typologie fournit-elle

un cadre opérationnelle pour l’intervention de l’État ? Musgrave considère qu’il y a interdépendance

entre les 3 fonctions, mais elles sont néanmoins séparables. Quand un État mène une politique qui

vise à l’efficacité économique, cette politique peut avoir des effets sur la répartition des revenus et

richesses, elle n’est jamais neutre. Ainsi, la fonction de régulation peut s’opérer au travers de la

fiscalité, ce qui affecte la fonction de redistribution, ou en faisant varier les dépenses de

fonctionnement de l’institution étatique, ce qui influe sur la fonction d’affectation des ressources.

A qui va profiter cette mesure ? Une explication qu’on peut donner à la réponse assez surprenante

de Musgrave : il est dans une démarche normative, il cherche quelles doivent être les bonnes

interventions de l’État, et comment elles doivent s’organiser. Il justifie sa réponse en disant que les

questions de répartition, et plus généralement les arbitrages auxquelles l’État est nécessairement

confronté, ont été résolus en amont, c'est à dire qu’on n’est plus dans le domaine de la prise de

décision collective qui va devoir passer par le vote…, on est dans la domaine des décisions concrètes

de l’État sachant que les objectifs ont été bien définis auparavant.

I) L’APPROCHE NORMATIVE : LES CONDITIONS DE L’INTERVENTION DE L’ÉTAT (OU DE SA

NON-INTERVENTION)

1) Les conditions d’un marché efficace : théorie de l’équilibre général et institutions

a) Les deux piliers : rationalité et concurrence parfaite.

Il y a deux piliers à la théorie de l'équilibre générale : la rationalité et la concurrence pure et

parfaite. Une hypothèse concernant les comportements individuels et une autre concernant la

coordination des comportements.

Ils sont optimisateurs, ils maximisent une fonction objective d’utilité profit sous une

contrainte budgétaire. Ces individus rationnels sont sensés se coordonner au sein d’un

marché par les prix, qui est un marché de concurrence parfaite.

L’atomicité : individuellement, l’acheteur ou le vendeur ne peut influencer les conditions du

marché, donc les prix et la quantité échangées sur le marché. Cela peut se traduire par le fait

qu'il y ait beaucoup d'offreurs ou de demandeurs. Quoiqu'il en soit, les offreurs et les

demandeurs sont « price taker ».

Transparence ou information parfaite : toutes les caractéristiques du bien échangé sont

connues, en particulier la qualité. Il y a un prix qui prévaut et il est unique, le prix du marché

s’impose aux acheteurs et aux vendeurs.

La libre entrée et libre sortie : elle est rarement obtenue de manière instantanée sur le

marché. Il y a peu de place pour les coûts de production pour les entreprises. Une entreprise

concurrentielle qui a des coûts de production plus faible que les autres n’est pas possible

dans ce modèle.

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Une économie qui possèderait ces hypothèses n’est pas une économie réaliste.

b) La boite d’Edgeworth.

c) Les allocations optimales au sens de Pareto

d) Contraintes budgétaires et équilibre général

On recherche les conditions techniques grâce auxquelles un marché concurrentiel peut à la fois être

efficace et en équilibre. Ces conditions vont prendre une formation mathématisée. On n’est plus

dans l’argumentation mais dans la démonstration. On suppose qu’il y a atomicité, le prix du marché

s’impose à 2 agents économiques. La boite d’Edgeworth permet d’abord de s’intéresser à la question

de l’efficacité. On présente les choses dans un cadre simplifié : il n’y a pas de monnaie, ils n’ont pas

de revenu en terme d’unité monétaire, mais ils ont des dotations initiales en biens.

=

NE = non échange

9 8 7 6 5 4 3 2 1 0B

1

5 NE 2

4 3

3 4

2 5

1 6

0A

1 2 3 4 5 6 7 8 9

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Exemple : = 3 bananes

= 5 oranges 9 bananes

= 6 bananes 7 oranges

= 2 oranges

Courbe des contrats : courbe qui relie dans la boite d’Edgeworth tous les optima de Pareto

On introduit le prix du bien 1 et du bien 2 :

9 6

OB

7

NE

5 2

OA 3 9

Pour A :

Contrainte budgétaire : valeur de ses achats=valeur de sa dotation initiale

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Pour B :

Contrainte budgétaire : valeur de ses achats=valeur de sa dotation initiale

9 6

OB

7

NE

5 2

OA 3 9

Sous la contrainte

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Sur le graphique : avec

A l’équilibre : et

D1 = D2 = 0

Les 2 échangistes sont à l’optimum :

Loi de Walras : équilibre général et neutralité de la monnaie : quelque soit le système de prix, la

somme de valeurs des demandes nettes est nulle.

Conséquence : Il n’y a que n-1 marchés qui sont indépendants. S’il y a équilibre sur n-1 marchés,

alors il y a forcément équilibre sur le nème marché. Cela signifie que l'on peut choisir arbitrairement le

prix d'un bien sur un des n marchés du moment que le prix relatif du bien 1 par rapport au bien 2 est

respecté. Dire que l'on peut choisir arbitrairement un bien signifie que l'on peut choisir un bien qui

va servir de numéraire (d’unité de compte) et donc qui va servir de monnaie. On est dans une

conception standard classique néo-classique du rôle de la monnaie, c'est à dire qui n'est qu'un

instrument que l'on introduit dans une économie de troc pour rendre les échanges plus aisés. On

l'introduit comme une unité de compte, et comme intermédiaire des échanges. Dans le cadre strict

de la théorie de l'équilibre général, c'est le commissaire priseur qui détermine le prix relatif des biens,

les échanges peuvent avoir lieu directement sans monnaie. On parle de neutralité de la monnaie.

e) Les deux théorèmes de l’économie du bien-être

Premier théorème : il nous dit que si on a un équilibre général (obtenu sur des marchés

concurrentiels) alors cet équilibre général est également un optimum de Pareto

Deuxième théorème : sous certaines conditions (en particulier pas d’externalités), tout

optimum de Pareto peut-être obtenu grâce à des marchés concurrentiels menant à un

équilibre général. Cette problématique a souvent été interprétée comme un point de départ

théorique pour analyser les questions liées à la justice sociale, économique, c'est à dire tout

ce qui est lié à la question de répartition. Si la société se fixe comme objectif une distribution

plutôt égalitaire plutôt qu’inégalitaire (c'est à dire dans la boite d’Edgeworth, au milieu de la

boite), on sait qu’il existe un optimum de Pareto qui correspond à cette distribution, on sait

donc qu’il est possible d’atteindre cet optimum de Pareto grâce au marché concurrentiel. Il

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faut néanmoins choisir la dotation initiale des individus. Une partie importante des théories

de la justice en économie est partie de ce schéma là : on a considéré qu’on pouvait fournir

les outils pour rendre compatible dans la société des objectifs à la fois d’équilibre et

d’efficacité, mais aussi d’équité. Il y a dilemme équité-efficacité car dans un État donné de

l’économie, vouloir modifier les règles de la concurrence pour des objectifs de justice ne peut

se faire qu’au détriment de l’efficacité économique. Néanmoins, si on agit en amont sur les

dotations initiales des individus, alors on peut ensuite laisser faire le marché pour atteindre

des équilibres qui ne sont pas trop inégalitaires du point de vue de la répartition. Le

théorème en lui-même dans la pratique ne permet pas de donner des clés pratiques très

importantes.

f) Le résultat de Sonnenschein-Mantel-Debreu

Ce sont des résultats beaucoup moins optimistes.

Harrod & Debreu (1954) ont démontré l’existence d’un équilibre général de l’économie, mais ne

montrent pas l’unicité et la stabilité de cet équilibre dans le cadre d’un marché concurrentiel qui

fonctionne librement.

La question de la stabilité donne lieu à un grand nombre de travaux. On cherche à savoir ce qu’il se

passe sans commissaire priseur, lors d’un choc exogène, lorsque l’économie s’écarte de l’équilibre. A-

t-elle elle-même tendance à revenir à l’équilibre ou pas ?

Les résultats les plus importants gardent une certaines pertinence empirique, ce sont les résultats

qu’on appelle le résultat de Sonnenschein Mantel Debreu, obtenue dans les années 70.

Interprétation du résultat : même lorsque les consommateurs sont normaux au sens économique, et

même lorsque le marché est parfait, on ne peut obtenir aucune information claire sur le

comportement de la demande agrégée sur le marché. Ainsi, on sait que la demande individuelle est

décroissante en fonction du prix mais on ne sait pas avec certitude comment elle se comporte au

niveau agrégée. Ils remettent alors en cause la loi classique de l’offre et de la demande, c'est à dire

l’idée selon laquelle les marchés concurrentiels convergent naturellement vers un équilibre. Celle loi

n’est pas une loi démontrable car la demande peut en fait avoir n’importe qu’elle forme : elle n’est

pas nécessairement toujours décroissante.

Mantel (1977) : « Il n’y a pas si longtemps que pouvait être trouvé le point de vue optimiste selon

lequel le processus d’ajustement des prix habituels pour des économies concurrentielles est de façon

semblable à une règle stable. Les contre-exemples avec un équilibre unique instable donné par Scarf

(1960) et Gale (1963) avaient un effet modérateur sur ce point de vue optimiste sans remettre en

cause l’impression que les processus de prix sur les marchés concurrentiels exhibent une sorte de

stabilité inhérente. »

Avant les résultats de Sonnenschein Mantel Debreu, même s’il existait certains résultats qui

montraient qu’un marché concurrentiel instable pouvait exister, ils tempéraient un peu l’optimisme

sans remettre en cause la conviction générale selon laquelle l'ajustement normal des prix sur un

marché concurrentiel était une convergence vers l'équilibre.

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Sahari (1995) : « Dans les journaux de 20H et les talk-show, dans les quotidiens, et au cours des

débats politiques, nous entendons parler du pouvoir stabilisateur du marché qui, si on le laisse faire,

conduit régulièrement les prix vers un équilibre assurant l’égalité désirée entre l’offre et la demande.

Bien que cette histoire soit utilisée pour influencer la politique nationale, il n’existe aucune théorie

mathématique la justifiant. ».

Il faut savoir que même la théorie générale ne décrit pas une économie stable. Un équilibre existe,

mais on ne sait pas s’il est unique et on ne sait pas s’il est stable. Néanmoins, elle reste la théorie de

référence de la plupart des économistes, et pour certains, elle reste la meilleure des théories

descriptives. C’est plutôt une théorie positive que normative.

g) La coordination par les prix sans atomicité : marchés expérimentaux et enchères

Une autre façon de questionner la capacité d’individus à se coordonner par les prix est aussi

d’étudier les marchés d’enchères et expérimentaux. Nous ne sommes pas dans le contexte de

l’équilibre général : il n’y a pas d’atomicité, pas de commissaire priseur walrasien.

L’homo sapiens sur les marchés expérimentaux : efficacité des marchés de biens et bulles sur les

marchés financiers :

Ce sont des vrais individus qui échangent sur des marchés, sachant qu’on est dans des laboratoires,

on n’observe pas des marchés grandeur nature et en situation. On est un dans un environnement

contrôlé. Ces marchés sont des marchés concrets, malgré le contexte du laboratoire, car il n’y a pas

de commissaire priseur, les prix des échanges évoluent en fonction des échanges qui ont réellement

lieu, il y a des échanges qui ont lieu en dehors de l’équilibre. Les résultats obtenus : le marché est

efficace lorsqu’il s’agit de marchés de biens, mais pour les marchés financiers, les bulles ont tendance

à apparaitre, c'est à dire que ni l’équilibre ni l’efficacité prédit par la théorie sont des caractéristiques

exhibées par ces marchés là.

Pour les marchés de biens : Les premiers travaux reconnus comme étant des travaux effectués

dans un contexte expérimental relativement rigoureux sont ceux de Smith (1966), pour lequel il a

reçu le prix Nobel en 2002.

- Coté demande : le prix de réservation des acheteurs sont fixés, c'est à dire le prix maximal

que les acheteurs sont prêts à payer pour chaque unité du bien. Il n’y a qu’un seul bien, c’est

un bien homogène. Il n’y a certes pas atomicité mais on admet qu’on est dans un cadre

institutionnel dans lequel les caractéristiques importantes du marché parfait sont respectées,

notamment la transparence et l’homogénéité. Le gain de l’acheteur est la différence entre le

prix qu’il est prêt à payer et le prix qu’il va réussir à obtenir de la part des offreurs au cours

de la négociation.

- Côté offre, on a une situation symétrique : les offreurs connaissent leur coût de production

pour chaque unité du bien, la décision à prendre est simple, ils doivent essayer de vendre au

prix le plus élevé, et à un prix supérieur au coût de production pour l’unité qu’ils cherchent à

vendre au moment considéré. Cela correspond au profit unitaire (différence entre le prix de

vente et le cout unitaire de production).

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- Côté mode de coordination, les prix de réservations et les coûts de production sont des

informations privées, les prix de réservation ne sont pas connus des offreurs, et les coûts de

production des vendeurs ne sont pas connus des acheteurs, il y a symétrie. L’anonymat est

préservé, on ne sait pas à qui on achète ou vend. L’interaction entre les acheteurs et les

vendeurs s’effectue en faisant une double enchère (ascendante pour les acheteurs,

descendante pour les offreurs).

Les résultats : l’expérience de Smith montre qu’un tel marché expérimental converge vers l’équilibre

en prix en quantité théorique.

6

5 * * * * * * * * * * * * * * * * * * * *

4 * * * * * * * * * * *

3 * * *

2

1

1 2 3 4 5 Qté

***** Les prix auxquels les échanges (des homos sapiens) ont eu lieu.

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1 consommateur

40

36

31

P*=27

25

0 1 2 3 4

O(p)

P*=27

D(p)

Q* q

Surplus du

consommateur

Surplus des

producteurs

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A l’équilibre : (q* = 3, p* = 3,5)

Surplus des consommateurs

Surplus des producteurs

Surplus collectif = 12

Cas p=6 et q=2

Surplus des consommateurs = 2

Surplus des producteurs = 9

Surplus collectif = 11

Degré d’efficacité du marché :

= 92%

On observe une tendance à la convergence vers la situation où le marché est efficace, sur ce marché

on obtient des degrés d’efficacité de marché supérieurs à 95%. La convergence s’observe au cours de

l’expérience. Les individus échangent de plus en plus vite au prix d’équilibre.

Ces expériences, depuis Smith 1962, ont été répliquées dans des contextes institutionnels assez

variés. On observe la tendance à la convergence vers le prix lorsque :

Les marchés ont des chocs.

On modifie les caractéristiques du mode de coordination, en particulier lorsqu’on a plus

affaire a un mécanisme de double enchère, mais de manière différente comme lorsque la

coordination se fait sous forme de prix affichés.

Il n’y a que l’offreur qui affiche son prix

Le partage du surplus est plus ou moins égalitaire.

On a au moins 4 acheteurs, 4 offreurs, c'est à dire loin de l’atomicité qui constitue

l’hypothèse de la théorie de la concurrence parfaite.

Pour les marchés financiers : les résultats vont être moins favorables à la théorie standard. On

parle ici d’échanges de titres qui ressemblent à des actions.

Un marché est efficient lorsqu’il révèle la valeur fondamentale des titres. La valeur fondamentale

d’un titre est la valeur actualisée des flux de dividendes espérés. C’est la caractéristique d’un marché

efficient, car si le prix auquel les titres sont échangés est égal à cette valeur fondamentale, il n’y a pas

pour les individus d’arbitrage fournissant à l’un deux une plus-value espérée positive. Toute

l’information pertinente relative à la valeur réelle de l’actif est véhiculée par le prix.

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Conséquence : la location du capital dans l’économie va alors être optimale. Autrement dit, la

rencontre entre l’épargne et l’investissement va se faire de manière optimale. Smith & alii (1988)

repèrent qu’au contraire, sur des marchés financiers et expérimentaux, on voit l’apparition des bulles,

qui se créent par l’écart croissant entre le prix de marché et la valeur fondamentale de ce titre.

L’écart croissant se poursuit jusqu'à l’éclatement de la bulle.

Exemple d’expérience : Les sujets de l’expérience reçoivent au début de l’expérience gratuitement

entre 1 et 3 titres. Chaque titre a une durée de vie de 15 périodes. Ils reçoivent également des

liquidités pour un montant compris entre 2,25$ et 9,45$. Tous les titres ont les mêmes

caractéristiques, ils donnent à la fin de chaque période droit à des dividendes, dont les montant sont

0, 8 cents, 28 cents, 60 cents avec des probabilités ¼. Quelle est la valeur fondamentale du titre au

début de la première période ?

Calcul de la valeur fondamentale :

3,60$ au début de la première période

3,36 à la deuxième période

0,24 au début de la 15ème période et 0 à la fin.

Les caractéristiques sont les mêmes, il y a transparence totale, elles sont connues de tous les

individus. Ils savent qu’à la fin de la 15ème période, un titre ne vaut plus rien. La théorie nous dit que

sous les hypothèses de neutralité vis-à-vis du risque d’anticipations rationnelles et de connaissance

commune des anticipations rationnelles, aucun échange ne doit avoir lieu sur un tel marché.

S’il y a des individus qui sont adverses au risque et d’autre non, des échanges vont avoir lieu mais

seulement à la première période. Certains vont céder leurs titres au début de la première période

contre des liquidités à ceux qui préfèrent le risque. On observe une bulle : le prix du marché passe de

1,30 à 5,65 à la 4ème période, c'est à dire 2 fois la valeur fondamentale. Puis le prix chute ensuite,

c’est le krach après la bulle plus ou moins rapidement selon les expériences. Plus on se rapproche de

la 15ème période, plus le prix va tendre vers 0. Le fait qu’il y ait un effondrement du prix au cours des

dernières périodes n’est pas surprenant, le plus surprenant est le fait qu’il y ait eu bulle.

Là encore, pour Smith 62, les résultats s’observent dans des contextes différents, on observe des

bulles même lorsque les sujets sont des professionnels de la finance. Les bulles apparaissent même

lorsque les dividendes sont certains. On observe également des bulles même quand on introduit une

taxe sur les transactions, cela signifie que lorsqu’on multiplie les transactions, l’espérance

mathématique est plus faible. La conclusion qui semble émerger ici est que l’homo sapiens semble

avoir tendance à spéculer, même sur des marchés financiers simplifiés.

Les enchères : théorie et application

Il faut trouver d’autres façons pour savoir dans quelle mesure des marchés concurrentiels puissent

fonctionner de manière satisfaisante. On s’intéresse à des marchés particuliers.

Une enchère : c’est un mécanisme par lequel un agent unique met en concurrence d’autres agents

(un nombre indéterminé mais toujours supérieur à 1) en vue de leur vendre ou de leur acheter un

bien, un service ou un ensemble de bien et/ou de services.

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Nous ne sommes pas dans un cadre de la théorie générale, il n’y a pas de commissaire priseur

walrasien. La théorie des enchères n’est plus une expérimentation, elle cherche à déterminer quels

agencements institutionnels vont permettre d’avoir une allocation des ressources la plus efficace

possible.

Les travaux de Vickrey (1961) consistent à appliquer la théorie des jeux à la théorie des enchères,

cela a permit un développement conséquent de la théorie des enchères. Généralement, les

enchères sont simples, il y a un individu d’un côté et plusieurs de l’autres.

On distingue :

L’enchère anglaise : c’est la plus classique, c’est l’enchère montante. Les prix proposés

par les acheteurs augmentent jusqu'à ce que plus personne ne renchérisse.

L’enchère hollandaise : elle est descendante. Le vendeur propose un prix et il diminue

son prix jusqu’à ce qu’un acheteur se manifeste. On la trouve sur les marchés au cadran,

dans les marchés de gros (poissons, fleurs), biens immobiliers avec un prix qui descend

de manière fixée par jour.

Les doubles enchères sont un mélange de l’enchère anglais et de l’enchère hollandaise. Il

y a plusieurs offreurs et plusieurs demandeurs.

L’enchère scellée : s’il s’agit d’une enchère d’acheteurs, c’est celui qui propose le prix le

plus élevé qui l’emporte, s’il s’agit d’une enchère d’offreurs, c’est celui qui propose le

prix le plus bas.

L’enchère scellée au second prix : s’il s’agit d’une enchère d’acheteurs, c’est celui qui

propose le prix le plus élevé qui l’emporte et il paye le prix que l’avant dernier à proposé.

Souvent, les enchères concernent la vente d’un bien unique. Quand il concerne la vente de plusieurs

unités d’un même bien, on parle dans ce cas la d’adjudication. Il y a 2 types d’adjudications :

Les adjudications discriminatoires : l’adjudication qu’utilise la BCE pour distribuer les

liquidités aux banques. L’acheteur qui a proposé le prix le plus élevé est servi en premier,

en totalité des quantités qu’il a demandé, puis on commence à servir le deuxième en

fonction des stocks disponibles.

Les adjudications concurrentielles : les quantités servies aux acheteurs sont déterminées

de la même manière que dans la précédente, mais un prix unique est payé par tous les

acheteurs. C’est en fait le prix proposé par les acheteurs le plus faible qui permet au

vendeur d’écouler tous les biens mis en vente.

Dans quelle mesure cet agencement institutionnel du marché a une place importante dans

l’économie ?

Le champ d’application reste relativement étroit mais ce n’est pas non plus un mode de coordination

par les prix exceptionnel, il y a de multiples domaines dans lesquels ces enchères existent (œuvres

d’art, immeubles, fleurs, poissons, concessions pétrolières, émissions d’actions, obligations).

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Limites de l’étendue de ce mode de coordination particulier par les prix :

Les enchères, par définition, concernent la rencontre entre un offreur ou un acheteur et

plusieurs vendeurs ou plusieurs acheteurs. Les coûts de transaction sur ces marchés la

sont relativement élevés.

Même si ces différentes enchères conduisent généralement à des équilibres efficaces, il y

a certains cas dans lesquels on n’atteint pas cette efficacité, en particulier « la

malédiction du vainqueur ». Elle apparait lorsque l’objet de la vente a une valeur

objective, dite valeur commune, mais on est dans une situation où les informations pour

connaître la valeur du bien sont partiellement disponibles. Certains sont mieux informés

que d’autres, tous les enchérisseurs n’ont pas les mêmes informations, le processus

d’enchère révèle de l’information. Le résultat observé est que celui qui l’emporte

s’aperçoit qu’il a payé trop cher le bien. L’exemple classique est celui des droits de

forages vendus aux enchères, scellé au premier prix, pour le golfe du Mexique entre

1965 et 1970. L’exploitation de ces forages s’est révélée beaucoup moins rentable

qu’escomptée. C’est d’ailleurs à partir de cet exemple là que se sont développés les

enchères scellés au second prix tel que proposé par Vickrey.

Possibilité de collusions : elles peuvent se produire entre acheteurs et vendeurs, en

particulier lorsque des enchères pour un même type de bien sont lancées de manière

fréquente ou récurrente, on parle notamment des appels d’offre. Celui qui remporte

l’enchère n’est pas le plus efficace mais celui qui a été désigné. Les acheteurs peuvent

organiser un tour de rôle. (Ex : les appels d’offre de l’État).

2) Les défaillances et imperfections du marché justifient la politique structurelle

a) Adam Smith : la main invisible…parfois absente.

Les propos de Smith sur l’intervention de l’État concernent en partie les mêmes domaines de

défaillances du marché.

Smith, (Richesse des Nations) : « Le souverain n’a que trois devoirs à remplir : premièrement le devoir

de défendre la société de tout acte de violence ou d’invasion. Deuxièmement, le devoir de protéger

chaque membre de la société contre l’injustice ou l’oppression de tout autre membre. Troisièmement,

le devoir d’ériger et d’entretenir certains ouvrages publics et certaines institutions que l’intérêt privé

d’un particulier ou de quelques particuliers ne pourrait jamais les porter à ériger ou entretenir parce

que jamais le profit n’en rembourserait la dépense à un particulier ou quelques particuliers. »

Le souverain n’intervient que lorsque le marché connait des défaillances. C’est une logique qui

cantonne l’intervention de l’État à des domaines restreints, mais on n’a pas affaire à une analyse

ultra libérale où l’intervention de l’État est rejetée systématiquement. Smith est moins libéral que

Hayek par exemple.

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b) Les défaillances du marché

Les externalités

Sous optimalité de l’équilibre décentralisé et subventions pigouviennes :

On s’intéresse directement à l’intervention de l’État. Il va falloir internaliser ces externalités pour

se rapprocher de l’équilibre, c'est à dire faire en sorte que les agents économiques supportent la

totalité des coûts et tirent la totalité des bénéfices de leurs actions. Il s’agit de faire en sorte que

le rendement privé se rapproche du rendement social.

Deux solutions centralisées existent :

Une action sur les prix, qui consiste à imposer des taxes pour les externalités

négatives ou verser des subventions pour les externalités positives (Ex : principe du

polluer-payeur)

Une action sur les quantités, qui consiste à imposer des normes de productions

d’externalités (Ex : normes d’émission de CO2)

En général, l’action sur les prix est privilégiée car c’est la plus simple à mettre en application.

Le problème de l’action sur les quantités est que si l’on suppose qu’on ne veut pas dépasser

le volume d’émission d’externalités, cela impose un arrêt brutal de la production une fois le

quota atteint. Pour les externalités positives, cela est a priori impossible à mettre en œuvre,

on ne peut pas imposer que les entreprises produisent plus que ce qu’elles ne produisent

déjà.

Illustration d'une action sur les prix :

F

t

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Quand on passe de

Perte de surplus des consommateurs :

Perte de surplus des producteurs :

Gain de l’État :

Gain social lié à la diminution des externalités négatives :

Ici, l’État apparait comme un gagnant. Les conséquences en termes de répartition dépendent de la

manière dont l’État va utiliser ces recettes supplémentaires. Si on a affaire à un État qui a plutôt

tendance à faire des politiques redistributrives, elles vont être utilisées pour financer des dépenses à

caractère distributif. Au contraire, si c’est un État qui mène des politiques favorables aux entreprises,

il va redistribuer ces recettes sous formes de subventions pour les entreprises.

Externalités et coordination décentralisée efficace : le théorème de Coase

Même lorsque le marché est défaillant, il est possible de trouver une solution efficace au problème

de coordination posé par les externalités, qui soit non pas centralisée mais privée et décentralisée.

C’est une autre manière de dire que l’État ne s’impose pas nécessairement dès que le marché est

défaillant.

Théorème de Coase (1960), exposé par Stigler en 1966 « Le problème du coût social » : Si les droits

de propriété sont définis et si les agents économiques peuvent négocier un arrangement à coût nul

quant à l’allocation des ressources, alors ces agents économiques sauront résoudre le problème des

externalités de manière décentralisée et allouer les ressources de manière efficace.

Deux conditions :

La spécification des droits de propriété : l’État n’est pas totalement absent, il peut être la

pour trancher lorsque les droits de propriété ne sont pas clairement définis. Ce théorème a

déjà une portée limitée puisque dans la réalité les externalités concernent des biens tels que

l’air, l’eau, la pollution sonore…

L’arrangement se passe à coût nul : on suppose que la négociation que Coase envisage pour

résoudre les problèmes d’externalités, sans que l’État n’intervienne, se fait sans coût de

transaction (ce qui dans la réalité est rarement le cas)

Illustration : L’entreprise A fabrique du cuir et pollue la rivière, et l’entreprise B un peu plus bas

fabrique de la bière, et a besoin d’eau pour nettoyer ses cuves, l’eau doit donc être la plus claire

possible, donc l’entreprise A pollue l’eau dont l’entreprise B a besoin. La quantité de pollution varie

selon la quantité de cuir produite. Pour que l’entreprise B puisse produire sa bière, elle a besoin de

dépolluer l’eau, donc plus l’entreprise A produit, plus l’entreprise B supporte un coût élevé.

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L’entreprise B verse des compensations monétaires à l’entreprise A pour qu’elle produise moins,

donc pour qu’elle pollue moins.

Y

P Z

Gain de surplus collectif

X

Q

Bénéfice marginal de A Bénéfice marginal de B

Lorsque : → :

Perte pour l’entreprise A ’

Gain pour l’entreprise B ’

La solution qui va s’avérer la plus efficace est celle qui engendre le moins de coût de transaction

possible. Dans la solution Coasienne, on suppose que la question des droits de propriété est réglée.

(On sait qui est propriétaire de la rivière), et il n’y a pas de coûts de transaction (les coûts qui sont liés

à tout contrat qui sous tende l’échange, qu’il soit sous forme marchand ou autre, ce sont les couts

d’information, de la négociation elle-même, de l’accord entre les partis, les coûts de conclusion du

contrat, ainsi que les couts liés à la mise en place d’un système de contrôle du respect du contrat par

les deux parties). Les coûts ici sont liés à la conclusion du contrat. Il y a possibilité que la négociation

n’aboutisse pas, ce qui est d’autant plus probable qu’on n’est pas dans une situation de transparence

parfaite. L’État va devoir contrôler les entreprises, mais le coût de contrôle est énorme. Comme

toute réglementation, cela suppose des ressources en hommes (contrôleurs) qui ne sont pas

négligeables.

Ce théorème montre que l'intervention de l'État ne pas toujours nécessaire mains constitue une

alternative en cas de défaillance du marché.

Les biens collectifs

Non-exclusion et passager clandestin, non-rivalité et rationnement sous-optimal

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Bien collectif ou public : Samuelson (1954) c’est un bien dont la consommation est collective. Il est

accessible à tous (c’est la non-exclusion) et sa consommation par un individu n’entraîne pas une

moindre disponibilité pour les autres (c’est la non-rivalité).

Si on a affaire à un bien collectif pur, il y a à la fois non-exclusion et non rivalité, mais on peut

distinguer les conséquences de la non exclusion et la non rivalité.

Le problème posé par la non-exclusion est le problème du passager clandestin. Lorsqu’on a

affaire à un bien pour lequel il y a non exclusion, il n’y pas d’incitation à produire le bien, le

problème se situe au niveau de l’offreur. Il n’y a pas d’incitation à produire car il est non

rentable (défense nationale, dissuasion nucléaire). L’intervention publique est nécessaire, il

doit soit en assurer la production elle-même, soit délègue sa production à une entreprise

privée qui sera payée par l'État. Les usagers vont quand même payer ce service par le biais

de taxe.

Le problème posé par la non-rivalité est que si on laisse faire le marché, en supposant qu’il y

ait exclusion possible, la conséquence va être un rationnement sous-optimal du

consommateur.

Exemple d’un pont : L’exclusion à l’entrée est possible car on peut mettre en place un péage. On

suppose que la demande est décroissante en fonction du prix. Coté offre, on suppose qu’il y a des

coûts fixes. Puisqu’il y a non-rivalité, le coût marginal associé au fait de servir un consommateur en

plus est nul. Il y a des coûts fixes comme le coût d’entretien du pont.

Supplément de surplus collectif en

Supplément de surplus collectif obtenu lors de la gratuité

Biens collectifs purs, biens de club, biens communs

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En pratique, si on combine les 2 caractéristiques, on a 4 cas possibles :

Les biens collectifs purs : non-exclusion, non -rivalité

Les biens privés : exclusion et rivalité

Les biens communs : non-exclusion et rivalité

Les biens de club : exclusion et non-rivalité

Exemple de bien de club : chaines de télé cryptées

Exemple de biens communs : ressources naturelles (bancs de poissons, nappes phréatiques)

Quels sont les modes de coordination associés à ces 4 cas possibles ?

Pour les biens collectifs purs : l’économie publique recommande de financer ces biens par les

fonds publics.

Pour les biens privés : laisser faire le marché

Pour les biens de clubs : les biens non-rivaux doivent être gratuitement mis à disposition de

tous les utilisateurs potentiels. La possibilité d’exclure ne doit pas être exploitée. La non-

rivalité est rarement absolue, problème de taille à gérer pour ces clubs.

Pour les biens communs : il y a un risque de surexploitation, de surconsommation. Cela est

lié à la question du passager clandestin puisque les individus rationnels peuvent accéder

librement à ce bien. Ils vont avoir tendance à consommer de ce bien sans prendre en compte

la rivalité qui existe (en surconsommant ce bien, ils vont entrainer une diminution de la

possibilité que les autres puissent consommer de ce bien). Il y a typiquement un risque de

gaspillage. La théorie économique préconise dans ce cas là soit une privatisation (lorsqu’elle

est possible) aboutissant à la propriété individuelle, soit l’exploitation publique, c'est à dire la

mise en place d’une contrainte publique qui va déterminer les conditions d’usage collectif de

la ressource (réglementation d’accès). Néanmoins, E. Ostrom a montré qu’une gestion

efficace de ces biens communs pouvait exister lorsqu’on laissait les individus autogérer ce

bien commun. Ce n’est ni le marché, ni l’État, c’est une gestion décentralisée et coopérative

des biens communs qui s’avère parfois efficace. C’est un mode de coordination efficace dans

la mesure où les individus qui exploitent ce bien s’avèrent être capables de mettre en place

des règles pour éviter la surexploitation.

Mais il y a une restriction : il faut que le nombre d’individus qui consomment ce bien soit

relativement limité car repose essentiellement sur la capacité du groupe de pouvoir mettre

en place des règles communes, des règles qui ne sont pas inscrites dans les règlements

imposés à l’État, c’est un accord entre les partis. Plus le nombre de participants à la

coopération augmente, plus le risque de voir se développer des comportements de passager

clandestin augmente. C’est un phénomène qu’on retrouve de manière systématique dès qu’il

est question de coopération. Les travaux d’Ostrom sont appuyés par des travaux d’économie

expérimentale (dans un contexte de laboratoire) qui viennent eux à l’origine des biens

collectifs purs. Ces travaux montrent également que la coopération apparait possible alors

qu’elle n’est pas prévue par la théorie économique. Il y a plusieurs critères qui vont faire que

la coopération va l’emporter, ou que le free-riding va l’emporter.

Parmi ces critères, il y a :

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La question de la durée de l’interaction entre les individus : lorsque le problème se pose de

manière récurrente (coopère ou ne coopère pas se repose en permanence), la coopération a

moins de chance de durer lorsque l’interaction se prolonge dans le temps. Au contraire, sur

un coup, contrairement à ce que prévoit la théorie, la coordination est relativement

fréquente, elle équivaut à une part de 50% de coopération.

Le nombre de participants (plus le nombre de participants augmente, moins la coopération

est probable)

La communication (ou non) entre les participants (la communication renforce la coopération).

La communication joue un rôle important lorsqu’il est question de mise en place de règles

qui vont sanctionner les comportements non-coopératifs. Expérimentalement, on montre

que les individus sont prêts à accepter de mettre en place des systèmes de sanction à l’égard

des passagers clandestins, même si elles sont coûteuses pour eux-mêmes. Non conforme à la

théorie car pas rationnel pour l’homo-oeconomicus.

L’intervention de l’État : les résultats remettent en cause, dans une certaine mesure, la

nécessité de l’intervention de l’État dès qu’on a affaire à des biens où il y a non rivalité et/ou

non exclusion. On observe empiriquement que les individus sont capables de mettre en place

des règles qui vont faire que la décision décentralisée ne s’écarte pas de l’optimum. Il n’y a

pas de nécessité d’un État qui prendrait en charge la production du bien, si les règles peuvent

émerger de l’interaction entre les individus. De nouveau, on met en évidence qu’il existe des

modes de coordination qui ne relèvent pas du marché mais qui sont tout de même de nature

décentralisée. Ce n’est ni l’État, ni le marché, avec tout de même la menace du free-riding

qui plane sur ces décisions décentralisées.

Les monopoles naturels

Monopole naturel : Le coût moyen est décroissant quelque soit la quantité produite.

Naturellement, une seule entreprise va être amenée à produire le bien. Le monopole naturel peut

s’appréhender avec la notion de surplus collectif : le monopoleur va avoir tendance à vendre à un

prix plus élevé que si on était en situation de concurrence parfaite. Cela signifie que les quantités

échangées vont être plus faibles qu’en situation de concurrence parfaite. Seulement, le surplus

collectif est maximisé lorsque l’on est à l’optimum, c'est à dire à l’équilibre de concurrence parfaite.

Par conséquent, dès que l’échange conduit à un échange de quantité plus faible, il y a une perte du

surplus collectif, le fait que le monopole soit inefficace est lié au fait que le surplus collectif n’est pas

maximisé. C’est un problème d’efficacité et pas seulement de répartition. Dans la théorie

économique, le monopole est néfaste à cause du problème d’efficacité.

Il ne pas confondre avec un monopole qui ne serait pas naturel (lié a des pratiques

anticoncurrentielles), il est naturel car ce sont dans les caractéristiques de la production que se

trouve le monopole. Le monopole naturel est donc une défaillance du marché.

Les enjeux en termes d’intervention de l’État : il y a défaillance du marché, donc l’intervention de

l’État est légitime car l’État, au service de l’intérêt collectif, va faire en sorte que le marché

réglementé va être dans une situation optimale, alors que si on laisse faire, il s’écarte de l’optimum.

Il y a une difficulté de l’intervention de l’État qui se pose, et qui fait que la réponse traditionnelle

demande à être discutée.

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c) Défaillances, imperfections et politiques structurelles

Elles vont contribuer à justifier l’intervention de l’État. Ce sont des domaines plus appliqués qui vont

élargir le champ d’intervention de l’État par rapport à l’approche traditionnel reposant sur les 3

défaillances du marché (biens, externalités et monopoles naturels).

Les théories de la croissance endogène

Inefficience de décisions décentralisées : Du point de vue de la théorie standard, on se

retrouve dans une justification assez limité de l’intervention de l’État, mais quand on rentre

dans le détail des facteurs de croissance, ces facteurs sont souvent touchés par des

défaillances ou imperfections de marché. Les domaines sont : le capital humain,

l’investissement, le capital publique, la R&D.

Si on prend l’exemple de la R&D : quand on s’intéresse à la question de la recherche et de ses

liens avec la croissance, les arguments qui justifient l’intervention de l’État vont au delà de la

simple mise en évidence de défaillances des marchés. Certes, il y a un des critères de

défaillance de marché qui joue un rôle important :

C’est la non-rivalité du produit de la recherche. On peut justifier l’intervention de l’État

dans ce domaine là uniquement à partir de ce critère. Néanmoins, ce n’est pas suffisant

pour justifier toutes les interventions de l’État car s’il y a non rivalité, il y a non exclusion

possible (grâce au système de brevet). Cela suffit pour justifier une certaine intervention

de l’État, mais n’est pas suffisant pour justifier l’intervention de l’État telle qu’elle existe

dans la réalité.

Le coût de la R&D est à intégrer dans le domaine des coûts fixes des entreprises. Pour

produire de la recherche, il faut payer des chercheurs, qui sont payés en permanence. Or,

la R&D n’est à priori pas influencée par l’état de la conjoncture, c'est à dire la quantité

vendue. On va avoir affaire à des structure de marché pas très concurrentielles car les

coûts fixes créent une barrière à l’entrée et impose une taille minimale aux entreprises

pour pouvoir perdurer. Cela peut conduire à des effets pervers, les gains tirés de la R&D

peuvent être compensés par l’inefficacité des structures oligopolistiques, ou encore à

l’incertitude face à l’aboutissement ou non de la R&D. Ceci peut constituer un facteur du

fait qu’aucun individu n’est prêt à s’engager dans ces activités là.

?

Concernant l’intervention de l’État : Elle peut prendre en charge une partie de la recherche,

ou alors mettre en place des subventions pour la recherche. La question de la recherche est

difficilement dissociable de la question en capital humain (éducation et recherche) et là

encore, c’est une source supplémentaire de l’intervention de l’État. L’accent est mis sur les

externalités positives de l’accumulation en capital humain, et à partir du moment où la

recherche n’utilise que du capital humain, il y a un effet combiné. L’interaction entre ces

deux secteurs, qui bénéficient réciproquement d’externalités positives, justifie l’intervention

de l’État pour inciter et organiser les deux secteurs de façon à ce que les synergies qui

peuvent exister entre ces deux puissent être les plus importantes possibles.

L’État et l’innovation : le cas de la France aujourd’hui : On ne parle que de 3 exemples de

structures que sont les pôles de compétitivité, l’agence pour l’innovation industrielle et Oséo.

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Les deux dernières ont une fonction assez traditionnelle, c’est une fonction d’apport de

capitaux (subventions). Les pôles de compétitivité renvoient à une volonté d’exploiter les

synergies entre les différentes activités qui participent à l’innovation. Il y a une logique

d’exploiter les externalités positives de ces différentes activités, en supposant que la

proximité géographique favorise l’assimilation de ces externalités positives par ceux qui en

ont le plus besoin.

Les pôles de compétitivité ont été lancés en 2005. Selon les textes officiels, ils ont pour but

d’accroitre les synergies locales en aidant le développement d’activités industrielles et

d’emploi pour conforter les territoires. On est dans une logique de district industriel

(concentration dans un même lieu de toutes les activités qui participent au développement

d’une branche ou d’un secteur), de pépinière d’entreprises ou de cluster. Les pôles de

compétitivité relèvent de la même stratégie (concentration d’un même lieu géographique

d’un ensemble d’acteurs d’une branche afin de favoriser les gains de productivité et

l’innovation). Cette politique de regroupement s’oppose à une politique d’aménagement du

territoire qui dominait en France, qui était au contraire une politique d’essaimage et qui se

justifiait plutôt par des considérations d’égalité entre les territoires. Certaines critiques ont

été faites par rapport à ces pôles de compétitivité (par CEPREMAP en 2007 notamment) : ils

constatent que la concentration des différents acteurs en question a souvent tendance,

lorsqu’on laisse faire les choses, à s’observer naturellement (il parle d’ailleurs de cluster

naturel). Par conséquent, vouloir par une politique centralisée imposer la localisation dans

un endroit plutôt qu’un autre ne garantie pas d’aboutir à une solution plus optimale que si

on laisse faire les choses. Associé à cette critique, on trouve des problèmes d’effet d’aubaine :

il y a la possibilité que des individus profitent de ces exonérations alors que même en

l’absence de tels avantages, ils se seraient localisés au même endroit où l’on cherche à les

localiser. C’est une des limites de toutes les politiques économiques incitatives.

L’agence pour l’innovation industrielle a été lancée également en 2005, elle subventionne

des programmes d’innovation. Au départ, elle était plutôt spécialisée dans le financement de

grands projets, donc s’adressait aux grandes entreprises, ou du moins à des très grandes

PME.

Oséo est un organisme qui découle directement d’un organisme plus ancien (l’ANVAR). Son

développement a plutôt eu pour objectif de s’adresser au financement de petits projets,

donc à des PME. Dans le contexte de la crise actuelle, les objectifs d’Oséo ont tourné vers le

sauvetage des PME de la faillite. Au niveau de la politique structurelle, l’accent mis sur ces

structures traduit un changement d’orientation de la politique structurelle : on est de moins

en moins dans une politique de financement public globaux (notamment de moins en moins

dans des politiques qui favorisent la recherche publique) et de plus en plus dans des

politiques de la recherche qui cherche à favoriser l’initiative privée. Nous ne sommes plus

dans la politique de la recherche telle qu’elle se concevait dans les Trente Glorieuses en

France, où on avait essentiellement pour stratégie le développement d’une recherche

publique.

Les difficultés de mise en œuvre de l’intervention : le cas des brevets.

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Il y a certains effets pervers des brevets. La conséquence la plus problématique est le fait que

le brevet puisse inciter à ne pas innover.

C’est une question d’équilibre entre la nécessité de protéger la recherche et le fait que

lorsqu’on accorde un brevet, on accorde un certain monopole. Or, une entreprise en

situation de monopole qui a le brevet sera moins incitée à innover puisqu’elle échappera à la

concurrence.

La difficulté est également liée dans la mise en œuvre pratique d’une législation sur les

brevets : il y a un degré de généralité sur ce qui est considéré comme brevetable, car plus le

brevet concerne une connaissance générale, plus le monopole réel et potentiel que l’on

accorde à l’entreprise est important. Il y a certains domaines dans lequel on peut maitriser le

degré du monopole que l’on accorde. Par exemple, en France, on exclut du champ de brevet

les lois scientifiques, des idées abstraites, des formules, des méthodes, des choses dont les

implications sont trop nombreuses pour qu’un brevet sur ce type de connaissance

n’aboutisse pas à un résultat trop efficace (un monopole trop étendue qui se traduirait par

une situation inefficace). Néanmoins, cela laisse la place pour de nombreux domaines qui

restent brevetables légalement et qui peuvent potentiellement aboutir à des monopoles très

étendues. Par exemple : Windows. Les condamnations dont Microsoft a fait l’objet pour

pratique anticoncurrentielles sont très liées à ce monopole obtenu sur ce système

d’exploitation. Il devient difficile de prouver que l’entreprise abuse du monopole qu’elle a

pour obtenir des monopoles secondaires sur d’autres produits. La conséquence a sans doute

été assez négative.

Conclusion d’un rapport de l’OCDE de 2004 : « Les brevets peuvent encourager ou

décourager l’innovation et la diffusion. »

Les théories des incitations et de l’agence

Sur le plan théorique, le point de départ est la question des asymétries d’information, c'est-à-dire la

sélection adverse et l’aléa moral qui vont poser la question de l'intervention de l'État dans le

domaine de la réglementation. Quel cadre institutionnel est adéquat pour permettre d’accroître

l’efficacité économique ?

Les domaines d’incitations sont assez nombreux puisque cela concerne tous les marchés : de biens &

services (réglementation de la concurrence), du travail, des capitaux. On part du principe que le

marché a besoin de règles pour fonctionner. Par exemple, il faut une réglementation de la

concurrence pour que la concurrence puisse être respectée (cadre néo-classique assez standard).

L’État ne prend pas la place du marché mais est complémentaire, et son intervention est par ailleurs

assez minimale : elle encadre par les règles, il n’y a pas d’interventionnisme au niveau structurel très

marqué. Néanmoins, on reconnaît la nécessité de ces règles. Le problème posé est : en situation

d’asymétrie d’informations, comment l’État va devoir agir pour garantir un respect, par les

réglementés (c'est-à-dire les entreprises), de la révélation de l’information exacte dont l’État a besoin

et pour qu’ils se comportent dans le sens de l’intérêt général définit par l’État.

Les théories de l’agence sont les théories qui étudient les relations entre le principal et un agent.

L’agent est celui qui est dans une situation d’asymétrie favorable. Le principal est celui qui délègue

une partie de son pouvoir de décision à l’agent et donc le problème posé par le principal est de faire

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en sorte (sachant qu’il est dans une situation d’asymétrie défavorable) que l’agent prenne des

décisions qui vont dans le sens de l’intérêt du principal. Les domaines d’application sont nombreux.

Exemples :

La réglementation des entreprises pour éviter qu’ils contournent les règles de la

concurrence

La réglementation bancaire

La règlementation des pollueurs : normes environnementales, les entreprises ont

souvent une incitation forte à essayer de contourner ces règles. Les entreprises sont

dans une situation d’asymétrie favorable, c’est eux qui connaissent le mieux leurs

décisions, elles savent quand elles franchissent les frontières de la légalité. Ils utilisent ce

pouvoir d’information pour augmenter leur profit.

L’État doit mettre en place des incitations pour que la probabilité que les entreprises respectent les

règles augmente. Ces théories montrent la difficulté auquel l’État est confronté dans la mise en

œuvre des règles et dans les mesures à prendre pour que ces règles soient respectées le plus

possible. Cela peut être vu parfois comme des arguments qui montrent les limites de l’intervention

de l’État. Le simple respect de règles relève d’une politique difficile à mettre en œuvre, pour certains

cela justifie le fait qu’il serait préférable de ne pas chercher à faire respecter ces règles puisque l’État

peut être inefficace, et de plus il y a un coût de la réglementation, il se peut que les inconvénients

l’emportent sur les effets positifs potentiels.

La nouvelle théorie du commerce international

Ces théories sont de nouveau des analyses qui partent de la théorie classique. Dans la théorie du

commerce international, la théorie classique est HOS. Néanmoins, on a affaire à des théories qui, en

s’écartant un peu du modèle de la théorie néo-classique (concurrence parfaite), aboutissent à la

mise en évidence de certaines inefficacités de l’économie de laisser-faire. En particulier, P. Krugman

raisonne dans un cadre où, sur de nombreux marchés, on constate des rendements croissants (donc

défaillance de marché). On a donc un avantage de « first mover », le premier arrivé sur le marché va

absorber la totalité des parts de marché au fur et a mesure que le marché s’étend (que le nombre de

clients augmente) avec toutes les conséquences que cela a : il y a un monopole naturel, on va tendre

vers des structures monopolistiques, et donc va apparaitre une rente de monopole. Cela abouti à des

structures de marché inefficaces, sous optimales et par rapport à la problématique du commerce

international, cela signifie que le libre échange n’est plus un jeu à somme positive, et surtout ce n’est

plus un jeu dans lequel il n’y a que des gagnants. Le commerce international n’est plus appréhendé

de manière aussi optimiste que dans la théorie néo-classique. Ici, le commerce international devient

une compétition pour le partage des rentes. L’analyse de Krugman ne débouche pas sur une

justification du protectionnisme car l’hypothèse de rendement croissant n’est pas la seule hypothèse

prise en compte par Krugman. S’il n’y avait que cette hypothèse, il y aurait peu d’espoir pour le libre

échange. L’intervention de l’État peut être justifiée pour faire en sorte que les inégalités qui naissent

de rendements croissants diminuent, c'est à dire via des subventions aux entreprises, qui entrent

plus tardivement que d’autres sur un marché (ex : Airbus et Boeing). C’est une analyse qui montre en

quoi l’intervention de l’État peut permettre à terme que le marché soit plus efficace, car si on laisse

faire les choses, il y a des situations de monopole, alors qu’avec son intervention, on a par exemple la

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création d’un duopole pour le cas d’Airbus et Boeing. L’analyse de Krugman est d’ailleurs un peu plus

complète car on étudie comment la structure de marché évolue.

Krugman introduit d’autres hypothèses qui expliquent pourquoi on trouve un certain équilibre entre

les parts de marché des différentes entreprises, donc parmi les pays. Parmi les hypothèses : on

introduit la diversification de la demande. Par exemple, certains consommateurs désirent faire face à

des marchés qui offrent une certaine diversité pour un même produit (comme l’automobile), on peut

comprendre pourquoi on a une économie des marchés internationaux qui ne vont pas déboucher sur

un monopole unique. Même s’il y a des rendements croissants pour des raisons techniques, il va y

avoir de la place pour plusieurs producteurs, cela permet d’expliquer le commerce intra-branche

(que ne permet pas d’expliquer HOS).

d) Le problème de décision collective

Texte « Le paradoxe de Condorcet » Arrow : il y a une partie des décisions qui sont laissées au marché,

et une partie des décisions qui relèvent des prérogatives de l’État. Comment s’effectue la

coordination par le marché lorsque que cette coordination s’est révélée insuffisante ? De quelle

manière va devoir s’effectuer cette coordination lorsque celle-ci relève de l’État ? On s’intéresse

précisément à la procédure qui va permettre de partir des préférences individuelles (objectifs, désirs

des individus) pour atteindre une décision collective, sachant que la coordination ne va pas se faire

par les prix, donc que la procédure passe par l’État. On essaye de trouver comment va se construire

l’intérêt général, c'est à dire comment vont se construire les objectifs que l’État va devoir poursuivre,

l’État n’est que l’institution qui va mettre en œuvre les décisions collectives. Il y a eu plusieurs façons

de procéder dans l’histoire de la pensée économique. Celle qu’on vient d’évoquer est la plus

conforme aux procédures qu’on utilise concrètement dans la réalité. S’intéresser aux procédures de

vote les plus optimales est un thème de recherche apparu assez tard avec les travaux d’Arrow (à

partir de 1951).

Ancienne et nouvelle Economie du Bien-être

L’ancienne économie du bien-être : Auparavant, la démarche adoptée était plus proche de ce

qu’on fait en théorie économique habituellement. Les premiers travaux dans ce domaine là

sont très anciens, et ne relèvent pas de l’analyse économique mais plutôt de la science

politique ou philosophie politique puisqu’on les attribue à J.Bentham (1789). C’est associé au

courant utilitariste en philosophie politique. Même si cette démarche ne naît pas avec la

théorie néo-classique, elle est exactement la même que celle qu’on retrouvera chez Mills. Il

s’agit de considérer que la décision collective doit être définie comme étant la somme des

utilités individuelles. On part du principe qu’on compare des États sociaux. Il s’agit de savoir

si l’État social A dans lequel il y a beaucoup de défense national est préféré collectivement à

l’État social B où il y a peu de défense national. Cela relève du champ de la décision collective

et non du marché. C’est une idée simple au départ, mais elle pose des problèmes techniques

de la difficulté de mise en œuvre, et des problèmes philosophiques. On part du principe

qu’on a une mesure de l’utilité individuelle, donc on a affaire à une utilité cardinale. Chez

Bentham comme chez les premiers néo-classiques, cette mesure est une mesure de

satisfaction, approche psychologique et cardinale de l’utilité. A partir du moment où chaque

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individu est capable d’associer à tout État social particulier un nombre qui mesure sa

satisfaction, on peut ensuite proposer comme procédure de décision collective la

maximisation de la somme (le choix entre les États sociaux qui obtiennent la somme la plus

importante). C’est ce qu’on appelle chez Bentham l’arithmétique des plaisirs et des peines.

Deux limites :

La question de la cardinalité : cette approche cardinale a été largement abandonnée au

profit d’une approche ordinale. C’est une limite liée au caractère assez peu réaliste de

l’idée d’une mesure cardinale de satisfaction.

La question des comparaisons interpersonnelles d’utilité : accepte-t-on cette

comparaison ou ne l’accepte-t-on pas ? Accepte-t-on de sacrifier certaines personnes de

la société qui vont être malheureuses car il y a beaucoup de militaires, lorsque par

exemple en moyenne, les individus sont un peu plus heureux lorsqu’il y a beaucoup de

militaires ? Il n’y a pas de réponse rationnelle.

Toutefois, progressivement au XXème siècle, certains économistes vont essayer de définir des

procédures de décisions collectives qui à la fois rejettent la cardinalité et n’acceptent pas les

comparaisons interpersonnelles d’utilité. L’aboutissement de ce cheminement va se faire avec la

théorie du choix social d’Arrow.

La nouvelle économie de bien être : Entre temps, il y a d’autres analyses, notamment

Bergson et Samuelson. Ils laissent la cardinalité au profit de l’ordinalité et gardent les

comparaisons interpersonnelles d’utilité. On part de préférences individuelles ordinales et on

essaye de définir une fonction de bien-être social qui découle d’un processus d’agrégation de

ces préférences individuelles.

Théorie du Choix social (théorème d’Arrow)

Avec le travail d’Arrow (1951), on est dans un cadre ordinal où on refuse toute comparaison

interpersonnelle d’utilité. On cherche à agréger des préférences individuelles pour réaliser un profit

de préférence collectif.

Dans l’approche utilitariste :

Chez Bentham :

Chez Arrow :

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Arrow va essayer de déterminer, en partant de préférences individuelles ayant les propriétés

habituelles (transitives, complètes, rationnelles), s’il existe des procédures d’agrégation de ces

préférences individuelles aboutissant à des préférences collectives, qui respectent elles-mêmes un

certain nombre de conditions. Ces propriétés sont en partie des propriétés rationnelles, mais on

cherche également à ce qu’elles soient des propriétés autres, on cherche des propriétés qui soient à

la fois rationnelles et démocratiques. Le théorème d’Arrow est un théorème d’impossibilité, sa

réponse va être négative.

Arrow part d’un cas particulier :

Soient A, B, C les trois situations possibles : (A = Statut Quo, B = Pression diplomatique, C = Guerre)

1, 2, 3 les trois individus de la collectivité

INDIVIDU 1 INDIVIDU 2 INDIVIDU 3

A >1 B B >2 C C >3 A

B >1 C C >2 A A >3 B

A >1 C B >2 A C >3 B

Règle d’agrégation des préférences individuelles : la majorité (simple)

Non transitif : A > B

B > C

C > A

On est dans une approche normative : comment définir la procédure de décision collective la

meilleure possible ? On peut adopter une approche différente, en essayant de trouver la moins

mauvaise.

Conditions qu’Arrow impose à sa relation de préférence :

La préférence collective doit être un pré-ordre complet et transitif.

Non restriction des préférences : tous les profils de préférences sont admissibles. On ne

doit pas écarter à priori des profils de préférences particuliers.

Principe de Pareto : Si un État social est préféré à un autre par tous les individus, alors la

préférence collective doit également être en faveur du premier État social. La société ne

peut pas s’opposer à l’unanimité des individus la composant.

L’indépendance du choix à l’égard des alternatives non pertinentes : c’est une condition

qui dit que le choix entre A et B ne dépend pas de la présence ou de l’absence dans

l’ensemble de choix total de certaines autres conditions. (A ? B indépendant X – {A,B} )

Il y a une remise en cause de cette dernière condition : elle est associé au vote utile. Cela renvoie à

un résultat qui fait suite au théorème d’Arrow. Comme c’est un théorème d’impossibilité, il a

engendré plein de théorème pour y résoudre. S’il n’y a pas cette condition d’indépendance, il y a la

possibilité de votes stratégiques, c'est à dire ne pas révéler ses vraies préférences, et donc le profil ne

correspondra pas au vrai profil de préférence collectif. Les choix qui seront engendré par cette

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procédure de décisions collective ne correspondront pas nécessairement à l’intérêt général. Le

résultat a été démontré par Gibbard (1973). Cela justifie la nécessité de cette condition (à priori, tout

le monde accepte que la procédure soit immunisée contre le vote stratégique). Cette condition est

indirectement nécessaire dans le théorème d’Arrow pour éviter la possibilité de comparaison

interpersonnelle d’utilité. C’est là encore une justification de la présence de cette condition, même si

on voit immédiatement que cela va être une raison du caractère négatif du résultat apporté par

Arrow. Si on n’accepte pas à un moment donné de faire des arbitrages entre le bien être des

individus, on va avoir du mal à arriver à une décision collective. De plus, si la condition n’est pas

respectée, il y a la possibilité que l’institution, qui a la charge de mettre en œuvre la procédure,

manipule le vote en manipulant l’ordre du jour c'est-à-dire en manipulant l’ordre dans lequel les

décisions vont être présentées aux votants. Cela ne concerne pas tous les systèmes de vote (en

particulier si on pense aux votes pour élire un président de la république), mais dans toutes les

institutions où on prend un certain nombre de décisions les unes après les autres, modifier l’ordre du

jour, si cette condition n’est pas respectée, modifie les résultats.

Absence de dictateur : il n’existe pas un individu qui, lorsqu’il préfère pour toute

paire d’options A à B, alors la collectivité préfère A à B.

Théorème : S’il y a plus de 2 individus dans la société, et s’il y a au moins 3 options dans l’ensemble

de choix, (c'est à dire si on doit choisir parmi au moins 3 états sociaux possibles) alors il n’existe pas

de règles de décisions collectives satisfaisant ces 5 conditions.

Ce théorème a en même temps ouvert la théorie du choix social : c’est à partir de ce théorème là que

va se constituer la théorie du choix social. La théorie du choix social consiste essentiellement à

essayer de résoudre le problème posé par Arrow. Les travaux qui vont suivre le théorème d’Arrow

vont chercher à lever l’impossibilité posée par celui ci, en affaiblissant certaines des conditions de ce

théorème (sauf la 5ème en général). En les affaiblissant, les travaux qui vont suivre Arrow 51 vont

aboutir à des théorèmes de possibilité respectant des conditions un peu moins exigeantes. Tous les

théorèmes reposant sur des conditions acceptables seront de nouveau des théorèmes d’impossibilité.

Parmi les travaux importants, on a ceux de Sen (1970), résultat important car il montre que même

lorsque on rejette l’action de l’indépendance à l’égard des alternatives non pertinentes, cela ne suffit

pas pour résoudre totalement le problème posé par Arrow. Il montre en effet qu’une des difficultés

posées par le théorème d’Arrow est le caractère difficilement compatible d’absence de restriction de

préférence et du principe de Pareto qui existe. Il illustre cela en prenant des exemples simples : la

couleur de notre chambre. La restriction impose que si tous les individus préfèrent que notre

chambre ait une couleur plutôt qu’une autre, alors la préférence collective impose que notre

chambre soit de telle ou telle couleur. Cela signifie qu’il y a une incompatibilité entre la liberté

individuelle et le poids de la collectivité sur nos préférences individuelles imposées par le principe de

Pareto. Cela va déboucher sur des problèmes du type dictature de la majorité. Sen le démontre dans

la même optique d’Arrow, sous forme d’un théorème qui repose sur des axiomes, mais traduit des

limites de la démocratie.

3) L’approche macroéconomique : l’État doit-il de stabiliser la conjoncture ?

C’est la seule question sur laquelle il y a une opposition assez nette, sur le plan théorique, entre les

keynésiens et les néo-classiques. Se pose la question de l’équilibre, c'est-à-dire savoir si la loi de Say

est vérifiée ou non.

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a) L’analyse keynésienne et l’État régulateur

Incertitude, climat des affaires et insuffisance de la demande

La contrainte de débouché existe c'est pour cela que les producteurs cherchent à anticiper la

demande pour pouvoir y répondre de manière adéquate. Une faible demande effective due

notamment à l'existence de la thésaurisation se traduit par une production et un niveau d'emploi

faibles. La sous-consommation qui en résulte conforte l'anticipation de demande. On est alors dans

une situation d'équilibre global de sous-emploie aucun mécanisme de marché ne permet den sortir.

Le laisser-faire justifie l’intervention de l’État car la loi de Say n’est pas vérifié, ni la loi de l’offre et la

demande, ainsi la marché a plus de chance de déboucher vers un équilibre de sous emploi que de

plein emploi. C’est pourquoi l’intervention de l’État dans le domaine conjoncturel est justifiée.

Rigidité de prix et déséquilibres persistants

Les salaires réel sont considérés comme stable dans la mesure où les salariés (et leurs syndicats) ne

sauraient accepter une diminution de leur pouvoir d'achat. De ce fait, l’ajustement par les prix n'est

pas permise sur le marché du travail, d’où le fait que les entreprises ajustent leur masse salariale non

pas en baisant les salaires mais en licenciant.

En cas de dépression, les ménages, inquiets de l'avenir, ont tendance à épargner davantage en

baissant leur propension à consommer. Du coté des entreprises, les recettes anticipées revues à la

baisse, incitent (en faisant chuter EmC) à délaisser des investissements qui en d'autre temps

semblaient rentables. Ce phénomène se trouvera renforcé par une hausse probable du taux

d'intérêt. En effet, à offre inchangée, un accroissement de la demande de monnaie, sous l'effet d'une

préférence pour la liquidité plus grande des ménages (motif de précaution) conduit à une

augmentation du loyer de l'argent.

Seul l'État dispose de moyens pour lutter contre la sous-consommation et les déséquilibres

persistants. Le niveau de son budget en fait un agent à part dans l'économie ; par le déficit

budgétaire il peut influencer le niveau de la demande. Le jeu du multiplicateur fait qu'une hausse des

dépenses (ou une diminution des recettes fiscales) a un effet plus que proportionnel sur l'activité. Le

principe de multiplication constitue l'un des fondements d'une politique de relance. Par la politique

monétaire, en faisant baisser le taux d'intérêt, l'État peut agir sur l'investissement des entreprises. En

outre, une distribution des revenus vers les catégories à forte propension à consommer, est

également un moyen de soutien de la demande.

Cette conception d'État régulateur de l'activité économique est renforcée par la mise en place des

systèmes de protection sociale. L'État-Providence, parce qu'il permet de protéger les populations aux

revenus les plus faibles et de prévenir les conséquences de risques économiques et sociaux (maladie,

chômage…), favorise la consommation, au détriment de l'épargne.

C'est au cours des Trente Glorieuses que la politique économique keynésienne a connu son âge d'or.

La combinaison des politiques budgétaires et monétaires, l'effet stabilisateur des mécanismes de

protection sociale ont participé à la régulation de l'activité.

b) Monétarisme, nouveaux classiques et Ecole de l’offre : l’État en retrait

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Les limites de l’État Keynésien

La thèse de l’équivalence ricardienne

Cette thèse remet en cause l’efficacité des politiques de relance de Barro (1974). Dans le modèle de

Barro, une politique fiscale de relance sera inefficace car la hausse de la consommation attendue

n’aura pas lieu.

Critique de la thèse de l’équivalence ricardienne : anticipations rationnelles, altruisme

intergénérationnel. L’hypothèse d’anticipations rationnelles implique que les individus ont une

connaissance parfaite des distributions de probabilité sur les évolutions futures des impôts. La

création d’un déficit budgétaire ne sera pas considérée par les individus comme ayant des

conséquences claires face à ce déficit. La question d’altruisme est très liée : même si on perçoit à peu

près clairement le futur, il y a une insouciance face aux générations futures. De plus, il faut que le

marché des capitaux soit parfait : il faut que les individus puissent prêter et emprunter totalement

librement. En fonction des préférences inter-temporelles qu’ils ont, ils peuvent décider de

consommer plus aujourd'hui et moins demain, et pour cela ils sont obligés d’emprunter. Or, dans la

réalité, il est possible qu’ils soient confrontés à des contraintes de liquidité lié à l’impossibilité

d’emprunter pour eux. Dans ce cas, l’État creuse un déficit budgétaire, et leur donne la possibilité de

consommer plus aujourd'hui. Il résout la difficulté que posait la contrainte de liquidité ou

l’imperfection de marché de capitaux. Cela se traduit par la conséquence voulue par l’État : effet

multiplicateur pour relancer la consommation et l’activité, il atteint son objectif car les individus ne

réagissent pas à ce déficit budgétaire en épargnant plus puisque cela leur permet de consommer plus.

Solow (2002) : « Tous ces si me semblent extrêmement plausibles et quantitativement importants ce

qui suggère que l’équivalence ricardienne ne devrait pas constituer une limite très significative à la

possibilité des politiques budgétaires. » Pour lui, il y a de fortes chances que ces « si » ne se réalisent

pas.

La question du pro-cyclisme

C’est une critique de l’omniscience de l’État et la lourdeur de l’institution. Même si l’économie était

keynésienne, il n’est pas sur pour autant que l’intervention de l’État soit souhaitable, car l’État n’est

généralement pas apte à déterminer quelle est la position exacte de l’économie dans le cycle.

Ensuite, même si l’État avait cette connaissance, les délais de réalisation des politiques

conjoncturelles sont tels que les effets de cette politique peuvent apparaitre à un moment

inopportun dans le cycle. Ces deux phénomènes sont des facteurs importants qui augmentent le

risque de pro-cyclisme, c'est à dire le risque d’amplification du cycle en voulant contrer le cycle.

L’effet d’éviction

C’est une critique néo-classique à l’égard de la représentation de marché que propose les keynésiens.

Il faut qu’on soit dans une économie où la loi de Say est vérifiée (pas de contraintes de débouchés)

donc l’économie est en équilibre.

Critique de cette théorie : lorsque l’État prélève des capitaux sur le marché (c'est-à-dire qu’il

emprunte), cela ne se traduit pas par des contraintes de financement supplémentaires pour les

investisseurs privés. Il faut que l’emprunt public ne pousse pas à la hausse les taux d’intérêts pour

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qu’il n’y ait pas d’effet d’éviction. La loi de l’offre et la demande devrait jouer, mais on considère que

l’État est un acteur fiable, une partie de l’épargne va rester oisive, c'est à dire sous forme de

thésaurisation, mais dès que l’État émet des titres sans risque, cette épargne va venir financer cette

émission de l’État. L’effet d’émission de titres par un État sur la demande de capital au niveau

mondiale peut être négligeable et ne pas pousser à la hausse les taux d’intérêts.

Question des politiques inflationnistes et politiques de relance

De nouveau, il faut qu’il y ait au départ une erreur de diagnostic de la part de l’État, une croyance

erronée que l’économie subit une contrainte de débouchés.

Question des effets des politiques de régulation conjoncturelle

Cela concerne en particulier les politiques de relance sur l’arbitrage consommation-épargne : dans la

théorie keynésienne, il y a l’hypothèse de passivité des agents économiques face aux politiques

économiques monétaires. Cela renvoie à une critique plus générale sur l’absence de prise en

considération. La critique de Lucas (1975) dit qu’à partir du moment où les politiques économique ne

prennent pas en compte la manière dont les agents économiques vont réagir face à cette politique,

cette politique n’est pas efficace, elle ne risque pas d’aboutir aux effets recherchés. Cela signifie que

tout modèle économique sur lequel va s’appuyer des politiques économiques doit prendre en

compte la manière dont les agents économiques vont réagir, c'est à dire la manière dont ils vont

anticiper les effets de ces politiques économiques. Pour les néo-classiques, on met l’accent sur le fait

que la réaction des agents économiques fait que la politique n’atteint pas son but car ils réagissent

dans le sens contraire.

La contrainte extérieure

Elle constitue un obstacle à l'efficacité de la relance budgétaire. Dans le cas de France, le

multiplicateur de dépenses publiques est passé de 1,6 au début des années 60 à près de 1 au début

des années 80, sous l'effet de l'augmentation de la propension marginale à importer, résultant elle-

même de l'ouverture de la France sur l'Europe. Cet argument de la contrainte extérieure est souvent

mobilisé pour stigmatiser l'inefficacité de la relance.

La persistance de déficits budgétaire

Elle peut conduire à un effet « boule de neige » de la dette publique. Comme tout A.E., lorsque l'État

emprunte à l'année t pour financer son déficit budgétaire, il faut ensuite payer les intérêts ; s'il ne

dispose pas en t+1 d'excédents primaires, il doit de nouveau emprunter pour payer les intérêts de la

dette. Un mécanisme cumulatif (d’où limage de boule de neige) d'augmentation de la charge de la

dette pet s’enclencher, qui n'est pas soutenable sur le LT.

Le manque de crédibilité de l'État

Cela pèse négativement sur les effets positifs attendus des politiques d'inspiration keynésiennes.

Elles seraient inefficaces dans la mesure où elles ne seraient pas crédibles auprès des A.E. En effet

elles reposent sur des principes discrétionnaires et non réglementaires. Cette thèse de crédibilité a

été développée par Kydland et Prescott en 1977.

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D'après R. Lucas, les politiques économiques ne prennent pas en compte la manière dont les agents

vont réagir, et donc ces politiques ne vont pas nécessairement atteindre les effets escomptés. Les

politiques deviennent futiles. La critique de Lucas a renouvelé la controverse sur l'inefficacité des

politiques économiques et a posé par la suite la question de la cohérence inter temporelle des

décisions publiques. Lucas montre que, si le monde réel est conforme à son modèle, les

recommandations keynésiennes et les modèles économétriques se révèlent totalement inefficaces.

En effet, dans les modèles keynésiens, les comportements des agents sont considérés comme

donnés alors qu'ils dépendent, selon lui, étroitement du type de politique économique mise en

œuvre (du fait des changements d'anticipation). Les agents modifient leurs comportements lorsque

le gouvernement change de politique ; ainsi la politique monétaire ne peut avoir d'effet sur

l'économie réelle que si elle n'a pas été anticipée par les agents. Par conséquent, une simulation à

partir d'un modèle économétrique ne peut être utilisée pour étudier les effets d'une politique

économique. L'analyse de Lucas débouche sur une critique des possibilités d'action de l'État en

matière de régulation : pour lui la politique économique est neutre. Les actions discrétionnaire de

l'État seraient vouées à l'échec, parce que déjouées par les anticipations rationnelles des autres

agents économiques.

Des politiques monétaires et budgétaires « minimales »

Elles découlent des critiques néo-classiques à l’égard des politiques keynésiennes. Il n’y a pas de

place pour des politiques conjoncturelles. Les politiques monétaires et budgétaires n’ont pas pour

objectif de réguler la conjoncture (un horizon de CT).

La banque centrale annonce une croissance

monetaire faible

L'annonce est prise au serieux, les agents privés

acceptent de faibles augmentations de salaire

Faible croissance monétaire

Faible inflation : chômage au taux naturel

Forte croissance monétaire

Forte inflation : chômage inférieur au taux naturel

L'annonce n'est pas prise au sérieux, les agents privés exigent une

augmentation de salaire

Faible croissance monétaire

Faible inflation : chômage supérieur au

taux naturel

Forte croissance monétaire

Forte inflation : chômage au taux naturel

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La politique monétaire a pour objectif la stabilité des prix car toute variation de la quantité

de monnaie en circulation entraîne l’inflation ou la déflation. C’est la théorie quantitative de

la monnaie. Pour les néo-classiques, cette politique monétaire devient une politique

structurelle car il s’agit de maintenir sur le LT une stabilité des prix. La politique monétaire

est une politique de règles, car on lui associe tous les travaux sur la crédibilité pour stabiliser

les anticipations d’inflation. On retrouve cela dans la politique budgétaire. La politique de

règles s’oppose aux politiques discrétionnaires (en fonction des évolutions de la conjoncture).

La politique budgétaire ne régule pas la conjoncture car le marché assure l’équilibre. La règle

qui doit être respectée au départ est l’équilibre budgétaire. Les travaux néo-classiques

postérieurs à Keynes adhèrent à cette règle. La justification de l’équilibre budgétaire repose

sur les déficits budgétaires (effet de relance, effet nul sur l’activité économique, ou effets

négatifs à plus LT sur la croissance). Il y a une volonté d’avoir des dépenses publiques les

plus faibles possibles : pour cela, soit on juge la pertinence de certaines dépenses publiques

(Barro), soit on rentre dans la question via les recettes (On justifie la faiblesse des dépenses

parce que les recettes que nécessitent ces dépenses peuvent être néfastes). On pense à

toutes les dépenses à caractères sociales, qui à priori sont souvent critiqués d’un point de

vue néo-classique car elles ont des effets désincitatifs (tel que l’allocation chômage). Coté

recette, tout prélèvement obligatoire a des effets désincitatifs sur l’offre. On voit qu’il y a un

équilibre, un niveau de dépenses publiques optimales qui permet de trouver l’équilibre entre

les effets positifs de ces dépenses publiques et les effets néfastes.

Courbe de Laffer : « Trop d'impôt tue, l'impôt »

La courbe de Laffer présente en abscisses les taux d’imposition et en ordonnées le rendement de

l’impôt : entre un taux d’imposition nul (rendement nul) et un taux d’imposition de 100%, les

recettes fiscales passent par un maximum. La courbe montre qu'il existe un taux d’imposition pour

lequel le rendement est maximal. Elle montre également qu’au delà d’un certain taux d’imposition,

toute augmentation de la pression fiscale entraine une diminution des recettes perçues par l'État :

l'effet substitution (i.e. le contribuable arbitre en faveur du loisir) l'emporte sur l'effet revenu (i.e. le

contribuable travail un peu plus pour maintenir son revenu après impôt constant). Lorsque la

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pression fiscale devient trop forte, les individus sont découragés et préfèrent ne pas accroitre leurs

revenus (ou frauder). La diminution de la pression fiscale favoriserait le travail par rapport au loisir

car beaucoup plus rentable. Ainsi la diminution des taux d'imposition stimulerait la croissance sans

priver l'État de recettes fiscales. En conséquence Laffer préconise une réduction massive des taux

d’imposition. Notons que cette courbe a été à l'origine d'une controverse du fait de son manque de

fondement empirique.

4) L’État et le social : la question de l’État-redistributeur

a) Protection contre les risques économiques et sociaux : le marché et ses limites

La redistribution horizontale

Elle concerne la protection contre les risques économiques et sociaux : chômage, vieillesse, risque de

perdre son emploi. Les différents risques sont : le chômage involontaire, la retraite (mourir plus tard

que prévu, c'est à dire le risque de se retrouver sans ressources), la santé (tomber malade), avoir des

enfants de manière involontaire (ce risque diminue au fil du temps).

La théorie néo-classique nous dit que pour :

La question du chômage : il n’y a aucune justification de l’intervention de l’État car si on

laisse faire le marché, il n’y a pas de chômage involontaire, que du chômage volontaire.

Le fait qu’un individu est au chômage relève du choix individuel, il est lié à l’arbitrage

travail-loisir.

La question de la famille : comment est appréhendé toutes les décisions qui touchent à la

sphère familiale ? Si on décide d’avoir des enfants, c’est un investissement en capital

humain. C’est un individu qui va être rentable à un moment donné pour augmenter ses

propres revenus.

La question des retraites : elle ne peut pas être analysé uniquement en ayant recours à

l’homo oeconomicus car elle suppose un contrat social ou moral : les parents engagent

des dépenses pendant la période de l’éducation et on s’attend à ce qu’il y ait en retour

des revenus qui soient versés par les enfants devenus adultes aux parents devenus âgés.

C’est une assurance contre la chute de revenu perçue au moment de la vieillesse. Or, le

contrat doit être conclut avant d’être conçu. Le marché ne suffit pas.

On voit que les différentes branches de la protection sociale ne sont pas totalement indépendantes

les unes des autres, et particulièrement famille/retraite. L’intervention de l’État n’a pas lieu d’être.

Pour la santé, le marché de l’assurance peut répondre à cette question là. Un individu est face à la

question de savoir s’il veut assumer lui-même le risque d’être malade (prend le risque d’assurer lui-

même la maladie si elle survient) ou sont plus adverses au risque, et vont contracter des assurances.

Ils vont verser des montants compensatoires des pertes occasionnés par la maladie et/ou des

dépenses supplémentaires occasionnés par la maladie. Pour la retraite, les assurances vont pouvoir

jouer un rôle, mais l’essentiel va être réglé au travers de l’arbitrage présent/futur (degré de

préférence pour le présent et le degré d’aversion au risque). L’analyse devient plus compliquée ici car

les 2 critères se chevauchent.

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Dans la théorie néo-classique, on justifie l’intervention de l’État dans le cas de défaillance du marché.

On peut trouver certaines défaillances du marché dans les branches santé et vieillesse.

L’investissement en capital humain : il y a une incitation à faire des enfants, donc une

justification de la politique familiale nataliste. Elle dépend des rendements en capital humain,

donc dépend des besoins de l’économie dans les facteurs de production qu’est le capital

humain. Il y a une justification de l’intervention de l’État à partir du moment où le fait de

faire un enfant n’a pas de conséquences positives pour le couple, mais aussi pour la

collectivité qui échappe à ce couple. Les incitations peuvent être les allocations familiales, ou

participer au coût de l’entretien de l’enfant.

La santé et la question des externalités :

La santé fait partie du capital humain. Un individu en bonne santé est un individu qui

va être plus productif individuellement, mais cette meilleure santé a aussi des effets

bénéfiques pour la collectivité qui échappe à l’individu lui-même. La santé est un

objectif économique en incluant la santé dans le capital humain, ce qui entraîne plus

de croissance.

Les externalités négatives de la santé : lorsqu’un individu est malade et contagieux,

cela crée des externalités négatives. Le fait qu’un individu ne se protège pas contre

certaines maladies a des conséquences sur lui, mais également pour les autres s’il est

contagieux. Ces conséquences négatives sur les autres individus n’a pas de

conséquence sur l’individu malade, il n’y a pas de compensation monétaire. L’État va

faire en sorte que tous les individus soient vaccinés et ne soient pas free rider. S’il n’y

a pas de vaccin, cela devient plus compliqué. Même en prenant en compte certaines

défaillances du marché, l’intervention de l’État est très limitée.

Dans la nouvelle théorie standard, de nouvelles interventions sont justifiées lorsque l’on prend en

compte non seulement les défaillances mais aussi les imperfections du marché. Souvent, on pense

aux asymétries d’information. Le domaine de la santé, de l’assurance maladie est un des domaines

au sein desquels la mobilisation de ce problème théorique a été la plus large, donc s’il y a asymétrie

d’information, il y a un risque de sélection adverse, d’aléa moral.

Cela est appliqué au cas des assurances maladies privées : au départ, l’assuré est mieux

informé que l’assureur à propos du risque d’être malade, la conséquence est que s’il n y a

aucun moyen de réduire cette asymétrie, le marché ne va assurer que les risques les plus

forts (cf. Akerlof). Tous ceux qui sont en bonne santé, bien qu’ils souhaitent se protéger

contre les risques faibles, ne trouvent pas de contrat d’assurance. Il y a un problème

d’efficacité : si on trouvait un autre moyen de coordonner les offreurs et demandeurs que le

marché de laisser faire total, on pourrait améliorer la situation de certains individus

simultanément : il y a des offreurs qui souhaiteraient offrir des contrats d’assurance à des

gens de bonne santé, et des gens de bonne santé qui souhaitent un contrat ; il y a de l’offre

et de la demande, mais il y a un problème d’asymétrie.

L’aléa moral : il y a le risque que l’individu, qui a signé un contrat d’assurance maladie,

diminue son autoprotection contre le risque car il est assuré. Les conséquences sont les

mêmes : la prise en compte que l’individu change son comportement après avoir conclut le

contrat fait que le marché ne sélectionne que les mauvais comportements. Les bons

comportements ne vont pas trouver de contrats correspondant à leurs préférences. On

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appelle cela aussi l’aléa moral ex ante (c’est le fait qu’une fois le contrat conclut, le

demandeur change de comportement dans un sens qui va augmenter la probabilité de la

survenance du risque), pour le distinguer de l’aléa ex post (c’est le risque qu’une fois

l’événement risqué s’est produit, l’individu, parce qu’il est assuré, surconsomme des soins).

Le pays qui laisse le plus de place au marché en matière de santé est aussi le pays qui a le

coût de santé le plus élevé, c'est-à-dire le rapport dépense de santé sur le PIB (les États-

Unis).

Les conséquences de la justification ou non de l’intervention de l’État : le marché lui-même peut

produire des règles qui vont accompagner la relation marchande pure (la coordination par les prix) et

résoudre certaines difficultés, mais il ne peut pas résoudre toutes les imperfections de marché.

L’intervention de l’État peut se cantonner à la question de l’obligation, c'est à dire faire en sorte que

l’État n’intervient qu’au travers de l’obligation. (Ex : voiture & obligation d’assurance). Dans le

domaine de la santé, l’État intervient un peu plus qu’au travers seulement de l’obligation. Du point

de vue de la théorie standard, l’intervention de l’État peut s’arrêter là. L’État intervient souvent un

peu plus car la considération d’équité intervient. Se pose la question de savoir si on est dans une

question de risque ou d’incertitude. Le cout-termiste n’est pas toujours lié à un problème de

rationalité, il peut aussi être lié à un problème d’incertitude. Il y a une tendance au court-termiste

qu’on observe dans le comportement des individus, et pose un problème non seulement pour les

individus mais aussi pour la collectivité : si une majorité de la population arrive à l’âge de la retraite

sans avoir épargné suffisamment pour subvenir à leur besoin, cela devient un problème collectif qui

échappe aux individus eux-mêmes. Si on introduit des contraintes de débouchés, on passe dans la

théorie keynésienne et il va y avoir d’autres justifications de l’intervention de l’État qui vont

intervenir. Si on est chez les keynésiens, le chômage est involontaire et ne pas intervenir sous forme

d’allocation chômage est un problème éthique mais aussi un problème économique : risque de

renforcer la contrainte de débouchés, ces chômeurs n’ont plus de ressources pour consommer. En ce

qui concerne la santé, le fait qu’il n’existe pas un système public d’assurance contre la maladie peut

engendrer la question de l’épargne de précaution, surtout si on est dans un contexte d’incertitude. Si

l’État n’est pas là, la situation peut être dramatique car la perte d’emploi signifie que l’individu n’a

pas de revenu pendant la période où il est malade. L’individu peut être amené à constituer une

épargne de précaution très importante et renforce la contrainte de débouchés. Ce ne sont que des

justifications très marginales dans le domaine de la protection sociale.

Equité horizontale

On parle de solidarité entre différentes classes de risques : la solidarité entre les biens portants et les

malades, la solidarité entre les actifs et les retraités, la solidarité entre les individus sans enfants et

avec enfants. Quels sont les justifications associées à cette solidarité horizontale ?

Le risque si on laisse faire le marché est un risque de sélection, c'est à dire que l’assureur ne va

sélectionner que les bons risques, les risques faibles, et refuse d’assurer les risques élevés. Au départ,

c’est un problème d’équité horizontale (solidarité entre les bien portants et mal portants, seuls les

biens portants vont trouver des contrats d’assurance, les mal portants n’en trouveront pas). Ici, ce

n’est pas un problème d’efficacité puisque les offreurs ne veulent pas des mauvais portants, le

marché est efficace dans ce sens la, mais inéquitables dans le sens ou tous les mal portants sont

exclus des contrats.

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b) Le cas de la redistribution verticale

Par rapport à nos 3 critères (équilibre, efficacité et équité) peut-on trouver des justifications de

l’intervention de l’État, c'est-à-dire qui consisterait à redistribuer des plus aisés vers les moins aisés ?

Concernant la question de l’équilibre, elle ne peut se situer que dans un cadre théorique keynésien

car elle ne se pose que dans ce cadre là.

Réduction des inégalités et soutien de la demande

Dans certains cas, le fait de réduire les inégalités peut permettre, dans une économie contrainte par

les débouchés, de limiter cette contrainte en soutenant la demande. Il faut que les moins aisés

consomment plus que les plus aisés. Il y a des différences de propension à consommer selon les

catégories de revenus. Une redistribution verticale peut augmenter la consommation et donc limiter

les contraintes de débouchés (horizon CT). On peut mobiliser les modèles de croissance néo-

cambridgien, pour lesquels cette question de différence de propension à épargner est vue selon les

catégories de revenus : ceux qui le tirent d’un capital opposé à ceux qui le tirent de leur travail. Ces

différences de taux d’épargne peuvent jouer un rôle. Sur le plan empirique, la question des inégalités

de revenus comme facteur explicatif des crises est quelque chose qui est souvent mobilisé par

rapport aux grandes crises généralement (crise de 29, crise actuelle).

Equité et croissance

Il y a un dilemme équité-efficacité : un État qui cherche à réduire les inégalités va-t-il faire un

arbitrage entre équité et efficacité ? La réduction des inégalités va-t-elle se traduire par une perte

d’efficacité économique ou peut-il y avoir complémentarité entre les deux ?

Les arguments en faveur de la perte d’efficacité économique : ils vont se trouver chez les

auteurs libéraux, ils rejettent de l’intervention de l’État dans ce domaine là. Les arguments

sont :

La redistribution verticale consiste à prendre aux plus aisés pour donner aux plus

pauvres, or cela désincite les plus riches d’une part à offrir du travail, du capital, et

puisqu’on raisonne dans le domaine d’une économie guidée par l’offre, se traduit par

une croissance économique plus faible. D’autre part, il y a également désincitation

de l’offre car on donne aux plus pauvres des primes à l’oisiveté. Au contraire, plus il y

a d’inégalités, plus cela peut-être vu pour les plus pauvres comme l’existence

d’opportunités. Le fait que l’État les réduise peut constituer une désincitation à offrir

(disparition de l’opportunité à devenir riche). Toute cette argumentation s’inscrit

dans la même conception de la société et la position de l’individu : il est responsable

de sa situation personnelle, il n’y a pas de déterminisme économique et sociaux qui

font que les inégalités de départs expliquent les inégalités d’arrivée. Chacun est libre

d’exploiter ses capacités, les inégalités vont être le fruit des choix des individus et

des capacités personnelles, qui n’ont rien d’hérité.

Ex : Anderson & Hill (1980) « La naissance d’une société de transferts » Leur

raisonnement se fait sur une conception libérale. Ils distinguent une intervention de

l’État au XIXème siècle qui était facteur d’efficacité car elle se cantonnait à des

objectifs en termes d’efficacité (essentiellement la mise en place de règles qui

permettent d’avoir une meilleure spécification des droits de propriété).

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Progressivement au XXème siècle, les objectifs de l’État vont changer d’après ces

auteurs, et l’État du XIXème siècle qui favorisait une société productive va devenir un

État qui favorise une société de transferts. Ils s’appuient sur le cas des États-Unis et

soulignent l’accélération dans ce passage d’une société productive à une société de

transferts, que le New Deal a crée avec un résultat net négatif pour la société. La

redistribution verticale étouffe l’initiative individuelle et, au bout du compte, étouffe

la croissance au niveau macro et sur le LT. Cela est complémentaire avec la

perception de l’État qu’on a chez Olson, on a cette même dénonciation avec une

idée d’un déclin plus moral : on crée une société d’assistés, et on pose des limites à

leur possibilité de créer des richesses à ceux qui sont à la source de cette création, or

c’est eux qui sont le plus à l’origine de la croissance économique, c’est un jugement

moral.

Les arguments en faveur de la réduction des inégalités comme source d’efficacité

économique :

Si on est dans une société où les valeurs égalitaristes sont assez présentes, les

inégalités constituent un facteur de tensions sociales et sont incompatibles avec la

cohésion sociale qui est considéré comme nécessaire pour que l’économie soit

efficace. Par exemple : Compromis salarial fordiste, l’idée d’un partage juste du

surplus est au cœur de ce compromis.

La réduction des inégalités est une réduction d’incertitude. Lorsque l’incertitude est

forte, si l’initiative individuelle se traduit par un échec, dans une société qui ne

protège pas des échecs, l’échec peut être négatif. Cela suppose une peur de l’échec

qui l’emporte sur l’envie de la réussite.

Le fait que l’État, à condition que certaines valeurs égalitaires aient une présence

non négligeable dans la société, tente de réduire les inégalités, peut être perçu pour

les individus comme étant le signe que les institutions prennent des décisions qui

correspondent bien à leurs objectifs. Cela peut renforcer la crédibilité de l’État, des

institutions, la confiance, et aussi être un facteur d’efficacité économique. Il s’avère

que le fait de vivre dans une société dans laquelle on a affaire à un État

véritablement démocratique, et le fait que l’État poursuive un intérêt qui correspond

bien à l’intérêt général, est empiriquement un facteur de croissance important.

L’étude porte sur les pays qui ont connu un phénomène de rattrapage depuis la 2nde

Guerre Mondiale.

Les inégalités inefficaces : les inégalités trop fortes aboutissent à l’exclusion, vues ici

comme une perte de capacités, de ressources productives. Chez Grossman (1992), il

y a l’idée selon laquelle le développement de l’exclusion s’accompagne

généralement du développement des activités extra-légales d’appropriation (=quand

on veut s’approprier un bien, on n’utilise pas le marché, mais des moyens considérés

comme illégaux tel que l’idée d’acceptation des inégalités comme les contrefaçons).

Cela peut être un facteur de croissance économique quand il y a exclusion, mais le

développement des activités extra-légales d’appropriation touche le respect de

propriété de droit privé.

Quelques oppositions fondamentales de la justice sociale

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Justice contributive vs justice distributive : renvoie à une hiérarchie de valeurs d’une même

société.

Justice contributive : une société juste est une société où chacun obtient la parfaite

contrepartie de sa contribution à la société. La liberté individuelle a beaucoup

d’importance.

Justice distributive : considère que la société ne peut pas accepter de laisser se

développer des inégalités trop fortes, et laisser des individus dans des situations de

pauvreté. Elle repose sur des valeurs égalitaristes.

Justice substantielle vs justice procédurale :

Justice substantielle : le juste est déterminé par la nature de la répartition elle-même.

C’est la conception spontanée qu’on a de la justice, en particulier c’est la conception

de la justice qu’on a des les approches égalitaristes simples, basées sur l’égalité des

situations (égalités des distributions concrètes de revenus et de richesses). La

conception la plus naïve est l’égalitarisme total des situations (société juste lorsque

tout le monde possède les mêmes choses). Cette justice substantielle domine dans

les idées sociales et communistes, même si dans l’histoire du socialisme, la

conception de la justice a connu des variantes complexes au sein du mouvement.

Justice procédurale : le juste est déterminé par la manière d’arriver à une décision

sur la répartition des biens. C’est la procédure qu’on considère comme juste ou

injuste, pas le résultat humain. A partir du moment où les règles du jeu son

équitables, alors quelque soit le résultat obtenu, la société sera considéré comme

juste. On est dans l’idéologie libérale.

Cardinalité vs ordinalité ; comparabilité vs non comparabilité :

Cardinalité vs ordinalité : c’est une opposition technique, quelle est la base

informationnelle qu’on considère pertinente pour pouvoir définir des critères de

justice ?

Comparabilité vs non comparabilité : elle relève plutôt des obstacles techniques,

opposition sur la conception de la justice et de la procédure de décisions collective.

Peut-on accepter un critère de décision collectif qui utilise des comparaisons

interpersonnelles d’utilités ? (et donc procède à l’arbitrage entre les plaisirs des uns

et les peines des autres ?)

Quelques théories de la justice sociale

L’utilitarisme : terme issu de Bentham, Mill & Harsanyi, ils cherchent à déterminer la société

idéale du point de vue idéal selon la justice, quels sont les critères de justice qui devraient

s’imposer dans la société. On est dans la recherche de dispositifs sociaux parfaitement justes.

Il y a l’idée de définir les critères idéaux de justice. La particularité d’Harsanyi est, pour

proposer une solution, de partir de la théorie de la décision individuelle en situation de

risque ou d’incertitude. Harsanyi imagine la procédure idéale qui devrait aboutir à la

définition des critères de justice : il considère que les individus qui sont chargés de définir ces

critères de justice définissent ces critères sachant qu’ils ne connaissent pas leur propre

opposition dans la société pour laquelle ils sont en train de concevoir ce qui est juste. C’est

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ce qu’il appelle un principe d’impartialité. Il va chercher, comme ce sera le cas chez Rawls, à

définir les critères de justice à partir d’une hypothèse de rationalité des individus qui sont

chargés de définir ces critères. Ces individus sont impartiaux et rationnels. Le fait qu’ils soient

rationnels est représenté par le fait qu’on a affaire à des homo-oeconomicus qui ont à

prendre des décisions risquées, car ils ne savent pas quelle est leur position dans la société.

Chez Bentham, le critère de décision juste est la maximisation des sommes des utilités. Chez

Harsanyi, la seule différence est que le critère de décision est la maximisation de l’utilité

moyenne.

L’utilitarisme permet à la fois de justifier des inégalités très fortes :

État A :

U1(A) = 10

U2(A) = 10

État B :

U1(B) = 0

U2(B) = 50

On va ici préférer l’État B.

Si l’utilité marginale de 1000 euros supplémentaires pour les très riches et très faible, cela va justifier

qu’on prenne les 1000 euros aux riches pour les donner aux pauvres. Malgré cette caractéristique

gênante sur le plan morale (compensation des peines des uns par le bonheur des autres),

l’utilitarisme reste une justification de nombreuses politiques. C’est une politique qui limite

fortement la liberté individuelle. Peut-on justifier ou non une politique de redistribution ? Cette idée

de compensation des peines des un par le plaisir des autres est dans toute politique, puisque toute

politique a des conséquences en termes de répartition. Les pertes des uns sont plus que compensés

par les gains des autres.

Les libertariens : (ou également appelés anarchistes de droite). Ce sont des ultralibéraux. La

principale référence théorique au sein de ce courant est Nozick « Anarchie, État et Utopie »

(1974), ainsi que Hayek. Selon les libertariens, la valeur fondamentale parmi toutes les

valeurs de la société est la liberté (comme autonomie), et les droits de propriété est

consubstantielle à la liberté (on ne peut pas dissocier le respect du droit de propriété privée

de la liberté). On retrouve les principes de bases de l’économie de marché, étendue en

dehors de la sphère marchande et économique. La 2ème catégorie est que le marché est vu

comme le seul ordre économique et social compatible avec la liberté. Chez Hayek « La route

de la servitude » (1944), le marché crée un ordre spontané (c’est l’auto-institutionnalisation

du marché), qui découle d’une multitude d’actions individuelles qui caractérisent les

relations marchandes, des règles générales et abstraites, dont le droit de propriété. Pour lui,

la transmission de ces droits (l’héritage) fait aussi parti de ces règles qui émergent des

relations marchandes. On trouve aussi l’idée selon laquelle l’État n’a pas à intervenir sur

l’héritage que les individus laissent aux personnes auxquels ils ont décidé de léguer les droits

de propriété (leurs biens). L’argumentation est cohérente, c'est-à-dire que s’il n’y a pas de

respect de l’individu de transmettre ces biens, il n’y a pas de respect du droit de propriété

car il n’est pas maitre des propriétés de ces biens, remettre en cause l’héritage, c’est

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remettre en cause les droits de propriété, donc la liberté individuelle. Derrière ce que nous

dit Hayek, il y a toujours l’idée que nécessairement, si on laisse les individus libres de leur

décision, la manière dont va s’organiser la société va être la manière souhaité par les

individus eux-mêmes, sans qu’il y ait une instance au niveau globale qui détermine quel

devrait être le résultat de ces multitudes d’actions individuelles. Toute décision centralisée

est une remise en cause de la liberté. Ici, la redistribution n’a pas de place puisque si on laisse

faire le marché, la distribution des richesses qu’on obtient découle des choix des individus

dans un environnement de règles qui elles-mêmes sont issues des choix des individus. Pour

Hayek, chacun est libre de donner une partie de ses ressources à qui bon lui semble (c’est la

charité) en fonction des valeurs particulières qui guident chaque individu (ex : morales,

religieuses…). On associe souvent l’idée selon laquelle lorsque l’État se substitue à l’individu

dans cette fonction de redistribution, il y a une forme d’effet d’éviction, c'est-à-dire que la

charité publique évince la charité individuelle, le résultat correspondant moins à ce que

souhaitent les individus. Route de la servitude : on va vers une société où les décisions

relèvent de plus en plus de l’État et limite la place de la liberté individuelle.

Hayek : « Dans la société de concurrence, le pauvre a beaucoup moins de possibilité que le

riche, c’est entendu. Il n’en est pas moins vrai que dans cette société, le pauvre est quand

même plus libre qu’une personne disposant d’un plus grand bien être matériel dans un autre

genre de société.

On a ici une défense beaucoup plus cohérente que la défense du libéralisme qu’on trouve

placé sur le plan uniquement de l’efficacité économique du marché qui serait supérieur à

l’efficacité obtenue par un autre mode d’organisation. L’argumentation de Hayek se place

dans un plan normatif, et est assez difficile à contester, même si ce qu’il considère comme la

liberté individuelle se heurte aux inégalités de richesses de départ

La théorie de la justice de Rawls : (1971) C’est une critique de l’utilitarisme, qu’on trouvait

aussi chez les libertariens. Selon Rawls, la justice renvoie à la façon dont les institutions

sociales les plus importantes répartissent les droits et devoirs fondamentaux et déterminent

la distribution des avantages tirés de la coopération. Autrement dit, la justice consiste en un

ensemble de règles qui vont déterminer la répartition de ce que Rawls appelle des biens

primaires sociaux, c'est-à-dire les biens premiers (les choses fondamentales dont les

individus ont besoin dans une société) : les libertés civiles et politiques (droit d’expression),

les possibilités d’accès aux différentes fonctions et positions dans la société. Les biens

premiers qu’il s’agit de répartir ne comprennent pas les biens naturels que possède l’individu

(la santé, les talents divers du à l’intelligence ou autre).

Comment choisir ces règles ? Chez Rawls, on retrouve une méthode similaire de celle d’Harsanyi

(principe d’impartialité), on va avoir recours au « voile d’ignorance ». Il implique que les règles, qui

vont être établies par ceux qui sont chargés de définir la justice, sont celles auxquelles pourrait

adhérer tout individu rationnel et bien intentionné, qui ferait abstraction totale de sa propre

situation. Entre les deux auteurs, la différence tient au fait que chez Harsanyi, les individus sont des

individus qui définissent ce qui est juste au travers d’une prise de décision risquée, alors que chez

Rawls, on se place d’emblée dans le cadre d’individus qui ont à prendre une décision d’un ordre

supérieur, c'est-à-dire à prendre une décision qui relève d’un choix collectif, social qui implique plus

de raison que de rationalité, alors que chez Harsanyi, c’est plutôt l’inverse. C’est plus un principe

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moral qui est différent dans les deux approches. Pour Rawls, on ne peut pas concevoir la réflexion sur

la société comme étant d’une certaine manière un jeu, une prise de décision risquée. Pour Rawls, le

résultat de cette délibération va nécessairement aboutir à la définition de 3 principes fondamentaux,

qui vont être hiérarchisés.

Le premier principe est un principe d’égalité des libertés de base. Le meilleur système

politique est celui qui offre à chacun le maximum de libertés fondamentales conformément

aux analyses des théoriciens libéraux. Chacun a droit a égalité avec tous au maximum de

libertés de base permit par contrainte de cohabitation. C’est un principe de respect de la

liberté individuelle, mais concerne uniquement certaines libertés de bases, pas de principe

de libertés individuelles absolues.

Le deuxième principe considère que les inégalités ne sont permises que si elles sont

attachées à des positions ouvertes à tous. C’est un principe d’égalité des chances.

Le troisième principe considère que les inégalités ne sont permises que si elles sont au plus

grand bénéfice des membres les plus désavantagés de la société. C’est le principe de

différence de Rawls.

Ainsi, les différences de rémunérations sont acceptables si elles stimulent la croissance et

contribuent à l’élévation du niveau de vie des catégories les plus défavorisées. De sorte que même le

plus mal loti sache que, dans n'importe quel autre système, il serait dans une situation encore plus

défavorable.

Dans une approche utilitariste, les gains des uns l’emportent sur le gain des autres alors qu'ici une

société sera jugée juste si les inégalités même les plus fortes permettent d'améliorer le sort des plus

défavorisés en terme absolu. Ici on cherche à maximiser le minimum, c'est la maximine.

Critiques :

Doit-on sacrifier le bien-être de 5 milliards d’individus pour augmenter celui d’un seul (c'est-

à-dire celui du plus pauvre ?)

État C

U1(C) = 1

U2 (C) = 1

Critique de Sen et des libertariens : choisir dans la position originelle de privilégier la

situation du plus défavorisé suppose que celui n’est pas responsable de sa situation, c'est-à-

dire que sa situation est totalement indépendante de ses libres choix. Si le pauvre a choisi

d’être pauvre, pourquoi chercher à changer sa situation ?

Critique du principe de différence et du voile d’ignorance : selon certains, il faut briser le

voile pour avoir une conception plus juste de la justice. Il y a l’idée qu’on ne peut pas

considérer ce qui est juste ou pas dans un contexte d’impartialité qui suppose une distance

mise entre ce qui est juste ou non. En déchirant le voile, on observe la situation concrète des

individus et donc on peut avoir une appréciation réelle de la situation dans laquelle se

trouvent les individus.

Risque d’avoir une justice abstraite et dépersonnalisée. Définir ce qui est juste suppose

l’existence ou le déchirement du voile d’ignorance.

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Les capabilities et (functionings) de Sen : « Equality of what ? » (1979). Deux notions vont

intervenir :

Les functionings : représentent ce qu’un individu peut réaliser étant donné les biens qu’il

possède.

Les capabilities : représentent les libertés réelles qu’un individu a de choisir une façon de

vivre dans une situation donnée. Ce sont des combinaisons possibles de functionings. Les

inégalités, et en particulier la pauvreté, doit être appréhendé en termes de capabilities.

L’idée qu’il y a derrière est que ce n’est pas parce que deux individus ont les mêmes biens

premiers, ou les mêmes revenus, que les individus vont forcément être à égalité dans leur

capacité à choisir leur mode de vie. Au contraire, pour Sen, une société juste est une société

où les individus sont dans une situation similaire quant à leur capacité de choisir leur façon

de vivre.

D’un point de vue théorique, l’analyse de Sen est d’abord une critique de l’utilitarisme, et même plus

largement de l’économie du bien être. L’analyse de Sen se démarque de celle de Rawls.

Sen (2002) Ethique, économie et autres essais : « La conception utilitariste est étroite et inadéquate

et la théorie moderne du bien être l’a appauvri davantage, imposant d’autres restrictions, en

particulier le rejet des comparaisons interpersonnelles d’utilité. ». Sen reproche essentiellement de

n’avoir conservé comme critère de jugement le critère de Pareto, avec lequel on ne peut pas traiter

des problèmes de justice. On ne peut pas dire ce qui est juste ou injuste sans utiliser les

comparaisons interpersonnelles d’utilité. Quant à Rawls, pour Sen raisonner en termes d’égalité de

biens premiers écarte la question de la liberté. Pour critiquer l’analyse de Rawls, l’exemple typique

est l’exemple de l’handicapé riche, dans un pays qui respecte les libertés de base, cette injustice du

point de vue de Sen ne peut pas être appréhendé à partir de la théorie de justice de Rawls, car

l’handicapé ne peut pas faire grand-chose d’abord des libertés de bases, et aussi de tous ces biens

premiers dont il dispose, et en particulier la richesse matérielle dont il peut disposer.

Sen (2002) « Ni les biens premiers, ni les ressources définies plus largement ne peuvent prendre en

compte la capabilité dont jouit effectivement une personne »

Selon Sen, les principes d’égalité ne doivent ni reposer sur une égalité des utilités, ni reposer sur une

égalité des biens premiers, mais sur une égalité des capabilities. Ici, on raisonne en termes

d’opportunité, ainsi on s’intéresse à l’égalité des opportunités qu’ont les individus, liberté de choisir

son mode de vie, être dans une situation où les opportunités des individus sont semblables. C’est

aussi une conception de la justice qui met l’accent sur l’autonomie de l’individu, c'est-à-dire la liberté,

mais pas la liberté comme elle est appréhendée chez les libertariens, mais pouvoir choisir sa vie, et

pour cela il faut disposer de certaines choses au départ. Hayek admet que le pauvre aura moins de

chance d’aboutir à un niveau de vie aussi élevé qu’un riche peut aboutir. Pour Hayek, le pauvre en

question, dans une économie de marché concurrentielle, avait le plus grand avantage d’être libre.

Sen « L’idée de justice » (2010) : on trouve dans cet ouvrage une tentative de synthèse, un

aboutissement de sa conception de justice telle qu’elle a commencé à émerger dans les années 70,

et parmi les choses nouvelles, le caractère assez peu opérationnel de sa conception de la justice. La

notion de capabilites étant beaucoup plus floue chez Sen, le caractère opérationnel de sa théorie de

la justice apparait beaucoup moins accessible. Une des réponses qu’il fournit dans cet ouvrage sur la

justice est de rejeter les théories de la justice telles qu’on les trouve chez Rawls, c'est-à-dire des

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théories qui cherchent à construire la société parfaitement juste. Sen prétend que cette théorie de la

justice a peut-être une ambition moins élevée, pour lui une théorie de la justice opérationnelle est

une théorie de la justice qui peut se contenter dans des situations concrète ce qui est juste et injuste

sans qu’on ait défini au préalable ce que serait une société complètement juste. Il ne prétend pas

déterminer les critères absolus de justice parfaite, la notion de capabilites est une notion sur laquelle

doit reposer le débat publique sur la justice, pas de réponse à priori, la réponse doit émaner de la

décision publique.

II) L’APPROCHE POSITIVE : LES INTERVENTIONS DE L’ÉTAT DANS L’HISTOIRE ET SES

EXPLICATIONS

Pour mesurer correctement l'importance de l'État dans une économie, il faut d'abord en définir

précisément les contours. La comptabilité nationale définit des administrations publiques dont le

rôle est de produire des services non marchands ou d'opérer des opérations de redistribution. Elles

peuvent aussi bien appartenir à l'État central qu'aux collectivités locales. Leurs ressources principales

proviennent des prélèvements obligatoires, c'est-à-dire tous les prélèvements opérés par l'État

central, les collectivités locales, les administrations de Sécurité Sociale… seuls les prélèvements

« volontaires », opérés en faveur des mutuelles et relevant du choix individuels ne sont pas

comptabilisés.

Travailleurs employés par l'État :

Fonction publique d'État qui comprend, au sens strict, les agents employés dans les

ministères, auxquels on ajoute les employés des établissements publics, de la Poste et les

enseignants des établissements privés sous contrat.

Fonction publique hospitalière qui regroupe les personnels des hôpitaux publics.

Fonction publique territoriale qui concerne tous les salariés des collectivités locales.

L'action de l'État peut également passer par le réseau des entreprises publiques qui représentent,

dans certains pays ou à certaines époques, une partie non négligeable de l'appareil productif.

Ici la démarche est différente, on va s’efforcer de donner des explications portant sur la montée de

l’intervention de l'État, puis on s’intéressera aux aspects plus qualitatifs. On exprime les dépenses en

termes de PIB.

1) La montée des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires sur le long terme

a) Montée et évolution de la structure des dépenses publiques.

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Période En % du PIB

XIXème siècle 10% 1900 12,6% 1913 17% 1920 30% 1970 40% 1980 45% 1990 50% Aujourd'hui 55%

En moyenne, par rapport aux pays de l’OCDE, la France se situe au dessus. L’État apparait plus

présent en France qu’ailleurs déjà fin XIXème, 10,5% pour l’OCDE contre 12,6% pour la France.

Aujourd'hui, on est environ à 55% en France, dans l’ensemble des pays de l’OCDE on est aux

alentours de 45%. Les pays qui ont les dépenses publiques les plus faibles au sein de l’OCDE sont le

Japon (10 points en dessous de la moyenne), les États-Unis, le Royaume-Uni. Parmi les pays qui ont

les dépenses publiques les plus élevées, on retrouve la Suède, 20 points au dessus de la moyenne (lié

à une évolution relativement récente, accélération à partir des années 80).

Les travaux de Delorme, André (1983) & Fontvieille (1976). Si on essaye de découper ces évolutions

sur le LT depuis le XIXème siècle, on peut faire apparaitre une première période :

1815-1872 : Croissance très faible des dépenses publiques. On est typiquement dans la

représentation qu’on se fait du XIXème siècle, un État peu présent dont les interventions

ne se multiplient que très peu au cours de cette période.

1872-1912 : Assez faible interventionnisme de l’État, mais une croissance lente et

régulière des dépenses publiques, qui tout en augmentant à un rythme assez faible,

augmente plus vite que la croissance économique (1,6% par an au cours de cette période

pour les dépenses publiques contre 1,3% par an pour le PIB)

Pour ces deux premières périodes, l’équilibre budgétaire est respecté, le dogme de l’équilibre

budgétaire n’est pas contesté au cours de cette période.

Période de l’entre deux guerres : on a une tendance à l’augmentation des dépenses

publiques très irrégulières, une forte augmentation des dépenses publiques au moment

de la 1ère GM et au cours de la période de reconstruction, ce qui s’accompagne de déficits

publiques importants jusqu’en 1926 dans le cas de la France. Néanmoins, il y a une forte

correction de l’augmentation des dépenses publiques au cours de la phase d’expansion

des années 20 qui va suivre la crise de 1920, volonté de réduire les dépenses publiques

au cours de cette période. Puis on va de nouveau, dans les années 30, avoir une nouvelle

augmentation des dépenses publiques marquée par deux choses : les dépenses

publiques engagées dans le contexte de la lutte contre la dépression des années 30, et

aussi parce que c’est une période où les dépenses de protection sociale vont commencer

à augmenter. En 1930, apparition d’un premier système de protection sociale en France.

Légère tendance à l’augmentation sur cette période.

Période qui suit la 2nde GM : croissance forte et régulière des dépenses publiques. On

peut distinguer plusieurs sous périodes : 2 qui concernent les TG

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Période reconstruction (1947-1956) : croissance des dépenses publiques très

supérieure à la croissance du PIB : 8,9% par an pour les dépenses publiques

contre 3,7% par an pour le PIB. Cette période s’accompagne de déficits publics

importants

1956-1974 : croissance soutenue des dépenses publiques, mais à peu près

équivalente à la croissance du PIB : 5,3% pour les dépenses publiques, 5,4% pour

le PIB. On a au cours de cette période un retour à l’équilibre des finances

publiques.

1974-1984 : De nouveau, les dépenses publiques augmentent plus vite que le PIB

(contexte de la crise) et il y a une réapparition des déficits.

Certaines politiques visent à résorber les déficits publics avec, pour les pays souhaitant adopter l’€ ,le

critère de 3% du PIB pour le déficit à partir de 1992 et traité de Maastricht. Mais cette volonté de

résorber le déficit est toujours au niveau des discours, celle volonté devrait passer par une limitation

de l’accroissement des dépenses, or on ne parvient pas à la limiter. On a, au mieux, un

ralentissement de la croissance des dépenses publiques mais sans qu’il y ait véritablement une

diminution du poids des dépenses publiques dans le PIB (sauf exception comme le Royaume Uni en

1980 43% du PIB, par contre en 1990, on est à 40%, alors que la France et les autres pays ont vu ses

dépenses publiques continuer à augmenter, à voir leur poids dans le PIB s’accroitre). Si on compare

l’évolution observée au RU et l’évolution observée aux EU, bien que les politiques menées soient de

la même inspiration, le RU parvient à faire diminuer le poids dans le PIB des dépenses publiques,

alors que les EU eux, même si la croissance est ralentie, les dépenses publiques continuent à

augmenter (31,4 à 32,8). De manière générale, on observe qu’il n’y a certes pas réduction des

dépenses publiques dans le PIB, mais à partir des années 80, relative stabilisation qui ne semble pas

toucher la France et la Suède.

On peut distinguer les dépenses :

d’investissement : dépenses liées aux infrastructures

de fonctionnaire : lié a l’administration, personnel de l’État

de transferts : monétaire ou en nature, concerne la redistribution verticale et horizontale

Autre typologie : les dépenses de Sécurité Sociale et les dépenses des collectivités locales. Depuis le

XIXème siècle, il y a une tendance à la diminution de la part des dépenses publiques centrales dans

l’ensemble des dépenses. Le facteur de cette diminution est que les organismes au XIXème siècle

n’existaient pas, alors qu’au XIXème ils vont augmenter assez fortement pour atteindre 40% des

dépenses publiques aujourd'hui.

Concernant les collectivités locales, l’évolution est contrastée : au XIXème siècle, les collectivités

locales avaient un poids relativement important dans le poids des dépenses publiques totales. A la fin

du XIXème s, on est encore aux alentours de 30%. On a un État minimal au XIXème siècle en partie lié au

fait que, notamment au niveau de l’aide sociale au sens large, l’aide sociale est prise en charge à un

niveau communal. La diminution va se poursuivre au XXème siècle jusqu’au moment où les politiques

de décentralisation vont amener à nouveau à accorder plus de poids aux départements, régions… et

depuis le début des années 80, les lois sur la décentralisation. Depuis le début des années 80, il y a

une tendance assez faible du poids des collectivités locales.

L E R Ô L E D E L ’ E T A T D A N S L A V I E E C O N O M I Q U E E T S O C I A L E

Page 49

Autre typologie à laquelle on peut faire référence : la répartition fonctionnelle des dépenses. C’est ce

dont on entend parler régulièrement à chaque fois que le budget est voté (répartition par grands

postes : éducation, défense, dépenses au titre de la dette publique c'est-à-dire service de la dette,

paiement de la dette+ remboursement des intérêts). Ce poste, depuis le XIXème siècle a eu tendance à

voir sa place diminuer jusque dans les années 70. Plusieurs explications à cela : le fait qu’au XIXème

siècle, certes l’État est faiblement interventionniste, mais l’essentiel de ses dépenses sont financés

par emprunt. C’est pour ça que l’essentiel des titres sur les marchés de capitaux sont des titres de la

dette publique. Un emprunt qui par ailleurs coûte cher à l’État dans la mesure où les taux d’intérêts

sont élevés. Progressivement, l’État va avoir de plus en plus recours au financement monétaire pour

financer les dépenses voire le déficit. Seulement à partir de 1975, on aura 2 phénomènes qui vont

faire que de nouveau le service de la dette va prendre une place croissante dans les dépenses

publiques : c’est le fait d’abord que les déficits réapparaissent à partir de 75, et le financement

monétaire du déficit va être abandonné au fur et à mesure que les politiques monétaristes vont être

imposées. Aujourd'hui, le service de la dette représente environ 15% des dépenses publiques.

La défense a vu sa place dans les dépenses publiques diminuer sur le LT même si cette diminution

n’est pas régulière, car au cours des périodes de guerres ou précédent les guerres, on a vu la défense

prendre une place important dans les déficits. Depuis le début des années 80, la diminution est

régulière et très important (10% environ aujourd'hui alors qu’au 19ème siècle, 30%, encore en 1975,

on était à 27%).

Concernant l’éducation, il y a une augmentation relativement régulière de ce poste depuis le XIXème

siècle.

Dépenses liées à l'Éducation en France en % du PIB

1872 2% 1920 4% 1975 10% Aujourd'hui 20%

La composition de la dépense publique conditionne l'impact sur l'économie. Des dépenses

d'investissement ou des dépenses de fonctionnement, le remboursement de la dette publique ou

des dépenses d’indemnisation chômage, les dépenses engagées dans le cadre d'une loi de

programmation militaire ou d'éducation n'ont pas le même impact sur l'activité économique.

L'importance des commandes publiques pour aider certaines activités est difficile à mesurer

quantitativement mais exerce un impact certain.

L E R Ô L E D E L ’ E T A T D A N S L A V I E E C O N O M I Q U E E T S O C I A L E

Page 50

b) Les évolutions des recettes de l’État

L’évolution des recettes de l’État se mesure en rapportant les prélèvements obligatoires au PIB,

même si les recettes de l’État ne se réduisent pas aux prélèvements obligatoires. Les prélèvements

obligatoires émanent d’une décision collective et non d’une décision individuelle. Ils sont sans

contrepartie directe pour l’individu. Ils regroupent les impôts, les taxes et les cotisations sociales.

Il est important de différencier les cotisations sociales et l'impôt. En effet les cotisations sociales sont

les versements aux organismes de Sécurité Sociale effectués par les ayants droits et leurs employeurs.

Ils résultent le plus souvent d'obligations légales et éventuellement d'un choix volontaire (adhésion à

une mutuelle). Les cotisations sociales correspondent à une logique d'assurance, alors qu'un

financement de la protection sociale par l'impôt consacrerait une logique d'assistance. Ce

financement tel qu'il est pratiqué en France accroit fortement les charges des employeurs et il peut

créer des distorsions de concurrence entre les entreprises domestiques et étrangères. Ce sont les

employeurs qui versent à l’organisme collecteur (URSAFF) les cotisations sociales correspondant à la

part patronale et celles qui sont prélevées à la source sur les salaires (part salariée). Les impôts sont

des prélèvements pécuniaires effectués d’autorité sur les ressources des agents économiques, à titre

définitif sans contrepartie immédiate, pour couvrir les dépenses générales de l'État.

Concernant l’évolution, sur le LT, l’évolution des recettes suit l’évolution des dépenses. Elle peut être

divergente seulement à CT ou MT, sauf pour les EU, où elle peut durer un peu plus longtemps

lorsqu’ils acceptent de financer leurs déficits.

29%

19%

17%

10%

9%

6%

6% 4%

Budget de l'Etat en 2006

L’Éducation nationale

Les intérêts de la dette

La Défense

La Recherche et l'Enseignement supérieur

La Sécurité et l'Intérieur

Le Travail

La Solidarité

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Page 51

L'évolution du taux de prélèvements obligatoires suit la même que celle des dépenses publiques bien

que le taux de prélèvements obligatoires reste en dessous du taux des dépenses publiques en part

du PIB. Cette différence explique pourquoi l'État est toujours en déficit.

Prélèvements obligatoires en pourcentage du PIB en 2004

Pays Pourcentage États-Unis 30% Royaume-Uni 40% France 49,8% Japon 30% OCDE 37%

Si l'on s'intéresse à la structure des prélèvements obligatoires, on peut remarquer que la France

occupe une place à part. Sa structure est atypique par rapport au autres pays. En effet, il est

important de noter la faible place de l'impôt sur le revenu et le poids important des cotisations

sociales. La raison tient essentiellement au mode de financement de la protection sociale, même si

ce n’est pas la seule cause. Son financement repose essentiellement sur la masse salariale en France.

Dans d’autres pays, la protection sociale est financée par l’impôt (différence entre système

beveridgien et système bismarckien). La création de la Contribution Sociales Généralisées en 1990 en

France, étendue en 98, tend à corriger cette spécificité française sans la remettre jusqu'à maintenant

en cause. En effet les CSG est un à mi-chemin entre l'impôt et la cotisation. C'est une cotisation dans

la mesure où c'est un prélèvement obligatoire sur l'ensemble des revenus des personnes domiciliées

en France (revenus d'activité, de remplacement, du patrimoine…). Mais c'est aussi un impôt dans la

mesure où elles répondent à une logique d'assistance car la CSG contribue largement au financement

de la Sécurité Sociale.

Concernant le poids des cotisations sociales dans le PIB, en France, on est à 17% environ, en

Allemagne 15% (taux proche car système plutôt bismarckien), 6% au Royaume-Uni.

1960 1975 1980 2000 2004

∆ des prélèvements obligatoires de 1960 à 2004

35% 40% 45% 50% 49,80%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

En

% d

u P

IB

Les prélèvements obligatoires de 1960 à 2004

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Page 52

Il reste des problèmes intéressants comme la question de l’efficacité du prélèvement (est-ce que

l’État peut avoir un rendement du prélèvement plus élevé selon le type de prélèvement qu’il

utilise ?), et la conséquence en termes de répartition de l’utilisation de tel ou tel type de

prélèvement. L’impôt sur le revenu, à partir du moment où il est progressif, est le prélèvement le

plus redistributif, mais les cotisations sociales qui sont proportionnelles au salaire sont moins

redistributives, voire même anti-redistributives dans la mesure où il existe des systèmes de

plafonnement de ces cotisations.

Il y a également des débats sur les effets en termes de redistribution de la TVA. La TVA peut être

appréhendée comme un impôt qui concerne la propension à consommer. Il a déjà été prouvé que la

propension à consommer des pauvres est supérieure aux riches, or la TVA est une taxe sur la

consommation, donc elle touche plus les pauvres que les riches. Finalement certains pensent que la

TVA a des effets anti-redistributifs.

2) Les explications théoriques

Comment expliquer que dans tous les pays, historiquement, le poids de l’État a tendance à

augmenter sur le LT ?

a) « La loi de l’extension croissante de l’activité publique ou d’État chez les peuples civilisés qui

progressent » (Wagner)

Explication de Wagner au 19ème siècle (1867) « Les fondements de l’économie politique ». On est

proche d’un constat qui s’appuie sur des jugements de valeurs. La montée du poids de l’État est

inhérente au développement économique compte tenu du fait que l’industrialisation et ses

conséquences conduisent à multiplier des dépenses de l’État (dépenses d’infrastructure, éducation,

action sociale). Il ne s’agit pas d’une analyse économique traditionnelle où on essaye d’expliquer les

45%

20%

15%

7%

5%

8%

Recette de l'Etat en 2006

TVA-127,4

l’impôt sur le revenu

l'impôt sur les sociétés

TIPP

Autres recettes fiscales dont l'ISF

recettes non-fiscales

L E R Ô L E D E L ’ E T A T D A N S L A V I E E C O N O M I Q U E E T S O C I A L E

Page 53

causes, conséquences. Chez Wagner, croissance, industrialisation, développement sont des

phénomènes indissociables sans qu’il y ait des liens de causalité clairement déterminés.

Wagner « Par expérience, on peut déduire de l’histoire des peuples civilisés en progrès donc de

comparaison par époque aussi bien que de comparaison d’État et d’économie nationale à divers

degrés de civilisation, par conséquent de comparaison dans l’espace, une certaine tendance évolutive,

ou « une loi » pour ainsi dire, d’évolution de l’activité de l’État chez les peuples civilisés : la loi de

l’extension croissante de l’activité publique ou d’État chez les peuples civilisés qui progressent . »

Il n’y a pas véritablement d’explication car cette tendance apparait comme un fait de civilisation.

Implicitement, cela renvoie à l’idée que dans les populations, il y a une demande latente pour des

biens collectifs et des actions qui relèvent des interventions de l’État. Quand le progrès économique

et social permet d’accéder à ces actions publiques et bien collectifs, naturellement, l’État offre ces

biens et prend un poids plus grand au sein de l’économie.

b) L’effet de déplacement de Peacok et Wiseman

Dans « The Growth of public expenditure in the United Kingdom » (1957) de Peacok et Wiseman, on a

une analyse plus approfondie. On va retrouver en partie cette hypothèse de la demande (de la

population) qui est demandeuse de biens ou services qui ne peuvent être fourni que par l’État, mais

qui ici prend en compte la question de la demande, c'est-à-dire des besoins, préférences de la

population, mais on prend également en compte le côté offre, c'est-à-dire la question de l’attitude

de l’État et de l’analyse des circonstances et conditions dans lesquelles l’État va être amené à offrir

ces biens publics, actions sociales et économiques…

Les auteurs mettent en évidence une augmentation qui s'effectue par pallier. La montée de

l'intervention de l'État semble s’accélérer au cours de circonstances particulière notamment au cours

des guerres comme la 1ère et 2nde. Cela va amener les auteurs à partir de l'idée qu'il y a bien une

demande latente d'intervention publique. Il y a bien une volonté d’accéder à des biens ou services

collectifs qui ne peuvent être fourni que par l’État (autrement dit des biens supérieurs, de luxe tels

que l’éducation), mais parallèlement à cette demande latente, il y a une résistance de la part de la

population à la hausse des prélèvements obligatoires (ils veulent les services publics sans les payer).

Idée selon laquelle il faut qu’on soit dans des circonstances exceptionnelles (guerres, crise

économique grave comme la crise de 29) pour que cette résistance s’affaiblisse. Il y a une

modification de la structure des dépenses de l'État qui vont s’orienter vers l'armement. Après la

guerre, les dépenses publiques vont être réorientées tout en conservant un haut niveau, plus ou

moins celui que l'État avait réussi à imposer durant la guerre. Les auteurs s’appuient essentiellement

sur l’exemple des guerres où on va être dans une situation où l’intervention de l’État va justifier la

recherche de nouveaux financement (même si ca doit être par emprunt). Une fois qu’un pallier est

franchi, il y a un effet cliquet. On est dans une analyse qui empiriquement n’est pas remise en cause

(domaine de la description des faits).

c) L’État, la dévalorisation du capital et l’accumulation capitaliste (L. Fontvieille)

C’est une analyse marxiste positive. Elle renvoie à la conception qu’ont les marxistes de l’État c'est-à-

dire au service des intérêts de la classe capitaliste.

L E R Ô L E D E L ’ E T A T D A N S L A V I E E C O N O M I Q U E E T S O C I A L E

Page 54

C’est une analyse marxiste positive. Elle renvoie à la conception qu’ont les marxistes de l’État c'est-à-

dire au service des intérêts de la classe capitaliste.

Ils mettent en place une explication de la tendance à la montée de l’État : c’est une analyse en

termes de capitalisme monopoliste d’État, Boccara, Le Pors « Les béquilles du capital ». Le fait que

l’État a tendance à prendre de plus en plus de place dans l’analyse économique est lié à la loi de la

baisse tendancielle du taux de profit, le système capitaliste est, sur le LT, de moins en moins efficace

et l’État va intervenir de plus en plus. Le secteur public va prendre de plus en plus de place pour

prendre en charge les domaines de l’économie les moins rentables, et donc essayer de redonner par

ce biais au secteur capitaliste marchand (privé) une certaine rentabilité, essayant de maintenir à bout

de bras un système qui s’effrite progressivement.

Lorsque l'on finance publiquement les services publics, on met tout le monde à contribution. Pour les

infrastructures on va donner gratuitement aux entreprises privées le moyen de déplacer leur

production ou d'avoir des salariés bien formés (via l'éducation). L'État est au service des entreprises

privées, c'est un moyen de renforcer l'exploitation puisque c’est de nouveau une manière de faire en

sorte que la valeur crée par le travail revienne encore moins au travailleur, car une partie va financer

les dépenses de l’État, qui ne profite qu’aux capitalistes.

L’analyse de Fontvieille repose sur la même idée, sauf que la sienne inscrit la montée de

l’intervention de l’État dans le rythme des cycles longs, elle se fait par poussée et coïncide avec les

phases A des Kondratieff. C'est la reprise en main par l'État des entreprises boiteuses qui finissent

par assainir l'économie, et donc re-permettre une phase B sans pour autant résoudre les

contradictions inhérentes au système capitaliste.

d) L’approche en termes de marché politique

C’est une analyse ultralibérale positive. Selon l'École du Public Choice, l'État serait le lieu d’expression

des intérêts particuliers. Ils doutent que l’État ait pour objectif de maximiser l’intérêt général. La

théorie des choix publics est une discipline de l'économie qui décrit le rôle de l'État et le

comportement des électeurs, hommes politiques et fonctionnaires. Elle entend ainsi appliquer la

théorie économique à la science politique. La politique y est expliquée à l'aide des outils développés

par la microéconomie. Les hommes politiques et fonctionnaires se conduisent comme le feraient les

consommateurs et producteurs de la théorie économique, dans un contexte institutionnel différent.

La motivation du personnel politique est de maximiser son propre intérêt, ce qui inclut l'intérêt

collectif (du moins, tel qu'ils peuvent le concevoir), mais pas seulement. Ainsi, les hommes politiques

souhaitent maximiser leurs chances d'être élus ou réélus, et les fonctionnaires souhaitent maximiser

leur utilité (revenu, pouvoir, etc.), c'est parce que ces agents économiques sont à des postes clé de la

société et que les décisions (forcement égoïstes) qu'ils prendront influenceront l’ensemble de la

société que l’École du Public Choice remet en cause la lutte pour l’intérêt général que s’est fixée

l’État.

L'analyse de l’école du Choix Publique va beaucoup plus loin que la critique néo-classique

traditionnelle de la politique économique, dans la mesure où elle s’attaque à l'existence même de

l'institution étatique et pas seulement à l'efficacité de son action. Que ce soit dans l'optique néo-

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Page 55

classique ou keynésienne, l'État est supposé être toujours au service de l'intérêt général, postulat

demeurant jamais démontré par les auteurs.

À l’image de la pensée marxiste, les partisans du Public Choice remettent en cause le rôle de l'État,

mais contrairement aux marxistes, cette critique ne débouche pas sur une remise en cause du

capitalisme, mais plutôt sur une réaffirmation des forces du marché et de l'initiative privée. Cette

école s'organise autour de quatre domaines d'étude : la théorie du cycle politico-économique, la

théorie de la bureaucratie, la théorie du marché politique et la théorie de la recherche de rente. (Cf.

Précis p. 242)

L’analyse en termes de marché politique revient à considérer les décisions publiques comme une

rencontre entre une offre et une demande. J. Buchanan et G. Tullock « The Calculus of consent : the

logical foundations of constitutional democracy »

La particularité de ce marché est de ne pas être un marché de concurrence pure et parfaite. C'est

impossible car s'il l'était, la démocratie se heurterait au paradoxe de l'électeur rationnel mis en

évidence par M. Olsen en 1965. En effet l'électeur effectue une analyse coût/avantage, et se rend

compte que les coûts l'emportent systématiquement sur les avantages. Dans le cadre de l'action

collective, c'est le problème du free-rider : que l'on participe ou non, si les revendications

aboutissent, tout le monde profitera des bénéfices de l'action. Dans le cadre du vote, il y a une

multitude de demandeurs qui font face à une multitude d'hommes politique, la probabilité que votre

demande soit satisfaite est nulle. Le bénéfice du vote est négligeable, le coût est faible mais toujours

supérieur aux avantages qui sont nuls. Donc personne n'irait voter.

Soit on n'a pas affaire à des homo-oeconomicus. Le fait que les individus aillent voter tient au fait

qu’ils ne sont pas rationnels au sens de la théorie standard. Les individus ont d'autres sources de

motivation qui les pousseraient à voter. Un ensemble de valeurs (démocratiques) peut les amener à

voter. Les offreurs et les demandeurs ont tendance à se regrouper en groupe de demandeurs (lobby,

association de consommation, syndicats…) ou groupe d'offreurs (parti politique).

Soit la structure du marché peut expliquer le fait que parfois la demande dominante et l'offre

dominante coïncident. On est dans une situation d’oligopole et d’oligopsone. La manière dont

fonctionne la démocratie conduit à voir l'État prendre de plus en plus de place dans l'économie et la

société parce que cette structure de marché pousse les offreurs à multiplier les mesures politiques

lorsqu'ils sont au pouvoir pour maintenir une offre qui garantisse sa rencontre avec une demande

majoritaire. Cela pour assurer leur réélection. Les groupes de pression vont pousser l'État à intervenir

sans que cela ait forcement un intérêt pour l'intérêt général (Stigler, 1971, thèse de la capture).

Les discours sont de plus en plus libéraux mais cela n'a pas empêché l'État de se développer et de

prendre de plus en plus de place dans l'économie selon Galbraith. L'État prédateur n'est pas pour

autant minimal, sa puissance est confondue avec les entreprises qui la manipulent.

Il y a aussi un phénomène bureaucratique car on est dans un système dans lequel il existe des

intérêts individuels qui s'opposent les uns aux autres, mais finalement tout les individus ont le même

objectif qui est d'augmenter leur pouvoir. Le seul moyen d'y parvenir est d’augmenter leur taille donc

on aboutit à un phénomène d'accroissement de l'État continuel, d’où une poussée du phénomène

démocratique.

L E R Ô L E D E L ’ E T A T D A N S L A V I E E C O N O M I Q U E E T S O C I A L E

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3) L’État et « le décollage » au XIXème siècle.

a) Les pays du early start : l’État libéral… en principe.

Introduction

Il s'agit de rappeler que l'État au XIXème siècle, par rapport à son état antérieur et postérieur, apparaît

comme minimal, plus libéral. C'est en tout cas la constatation faite par Polanyi. Selon lui, parmi les

trois modes d'allocation de ressources existants, le marché a eu tendance durant tout le XIXème à être

uniquement le plus usité ; la redistribution organisée par l'État apparaît comme dominée par le

marché. Des éléments ont favorisé l'émergence de ce mode d'allocation comme les discours hostiles

à l'intervention étatique. L'analyse classique domine : Ricardo et son héritage a influencé les

politiques du Royaume-Uni. Smith a défini avec précision les contours de l’intervention de l'État qui

doit se cantonner à ses fonctions régaliennes, monétaires, de production d'infrastructures, monopole

naturel… L’État a également un rôle réglementateur pour institutionnaliser le marché. Par ailleurs, il

a aussi un rôle social qui rentre en contradiction avec les thèses libérales.

Dans les faits, les grandes catégories d’intervention de l’État sont :

État réglementateur renvoie au fait que même lorsqu’on a affaire a une économie dont la

coordination repose sur le marché, ce marché ne peut se passer de certaines règles.

État qui intervient dans les domaines de défaillances du marché : on pense aux

infrastructures.

État qui va intervenir dans le domaine social, en contradiction avec les thèses libérales.

Au delà de la montée très lente de l’intervention de l’État, elle ne se fait pas de manière continue, on

observe certaines poussées de l’État, même si elles ne coïncident pas toujours avec des circonstances

économique et sociales particulières (avec des guerres ou crises).

Les poussées de l’État en France

La révolution de 1848 : il y a une multiplication de l’intervention de l’État dans le domaine

social : affirmation du droit au travail et obligation d’assistance.

Dans le domaine économique, les interventions sont atypiques à cette époque : il y a des

programmes de soutiens aux grandes firmes pour faire face à la crise. Forme d’intervention

de l’État exceptionnel au XIXème siècle. Concernant l’affirmation du droit au travail : cf. texte

de Thiers, il souligne le caractère éphémère de la poussée de l’intervention de l’État d’un

point de vue social. Il faut attendre la fin du XIXème siècle pour voir en France des avancées.

Période du Second Empire : interventionnisme de l’État. C’est la politique économique de

Napoléon III. Il s’agit d’interventions qui relèvent de la politique structurelle : c’est une

politique plus volontariste tournée vers les infrastructures. C’est notamment au cours de

cette période que le système bancaire français va se constituer véritablement, sous une

forme qui va perdurer encore au XXème siècle (banques de dépôt). Les sociétés par actions

vont être libéralisées au sens où ça va devenir une forme juridique d’entreprise plus

accessible pour les entreprises. (Incitation à se tourner vers des modes de financement plus

lié au mode de marché financier) Les Société Anonyme en 1767 vont être libéralisées et vont

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de ce fait se démocratiser. Ce n'est pas un politique qui vise à contrôler l’économie mais

plutôt un interventionnisme qui s'inscrit dans une logique de laisser le marché opérer. On est

dans une vision libérale.

Texte Bairoch : politique qui vise à perfectionner, développer les structures permettant à l’économie

de marché d’être plus efficace. Ne vise pas à adopter une vision non libérale de l’économie, bien au

contraire.

Période du début de la IIIème République qui coïncide avec le début de la Grande Dépression

de la fin du XIXème siècle : on retient de cette période le plan Freycinet qui est engagé à partir

de la fin des années 70 (1879), Freycinet était le ministre des travaux publiques de l’époque.

Le domaine privilégié est un des domaines classiques de l’intervention de l’État : le domaine

des infrastructures, et en particulier des chemins de fer. C’est dans l’ampleur des dépenses

engagés que le plan Freycinet va apparaitre comme un plan qui sort de l’ordinaire, qui va

impliquer l’État dans l’économie plus qu’à l’habitude. Dans le domaine des chemins de fer, ce

sont plus de 10 000km de chemin de fer qui vont être construits entre le début des 70’ et la

fin des 80’, et l’ampleur de l’intervention de l’État en termes de dépenses engagées est telle

que pour certains (comme Asselain), on sort du cadre strict de la politique structurelle

(auquel l’État est cantonné) puisque Asselain nous dit « Le plan Freycinet constitue une

préfiguration des politiques de soutien de la demande qui seront appliquées un demi siècle

plus tard pour lutter contre la dépression des années 30 ». Les politiques de demande de

relance n’existent pas à cette époque, mais certaines politiques peuvent être considérées

comme des exceptions à la règle. Dans les faits, la manière dont l’État intervient peut être

interprétée comme des politiques de relance de la demande de manière involontaire. On

commence déjà à prendre en compte le fait que dans des situations de crise exceptionnel,

l’État soit légitime à intervenir pour contrer la crise.

Période de l’extrême fin du XIXème siècle : c’est dans le domaine de la politique commerciale

extérieure que l’intervention de l’État va changer de nature. On voit progressivement

apparaitre une tendance protectionniste dans les discours et les faits dans les années 90’. On

voit se fermer progressivement la période de libre échange qui s’était ouverte avec le traité

franco-britannique de 1860. La fin du XIXème étant connue comme un période de

mondialisation qui passe par des IDE, prise de participation, filiales étrangères…, il y a pas

mal de tendances contradictoires à l’égard du thème sur l’extérieur. Dans le cas de la France,

on a dans la politique commerciale des manifestations de ces tendances protectionnistes

(tarif Méline 1892: imposition de tarifs douaniers plus contraignants qu’auparavant, loi du

cadenas 97 qui permet au gouvernement en cas d’urgence de relever les taxes sur les

produits agricoles sans attendre l’approbation du Parlement). Même si ces mesures là

restent assez limitées dans les faits quant à leurs conséquences sur le commerce

international lui-même, elles marquent tout de même une rupture dans l’attitude à l’égard

du commerce international, attitude qui s’était orienté vers un libre échangisme.

Les domaines privilégiés dans la sphère économique

Dans le domaine de la réglementation : règles qui permettent au marché de fonctionner de

manière plus efficace, ou même d’exister. Lois qui concernent le respect de la propriété

privée et le respect de la concurrence. (Ex : loi Le Chapelier, décret d’Allard 1791)

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Décret d’Allard : « Il sera libre à tout citoyen d’exercer telle profession, art ou métier qu’il

trouvera bon après s’être pourvu d’une patente. »

Loi le Chapelier : « Il n’y a plus de corporations dans l’État, il n’y a plus que les intérêts

particuliers de chaque individu et l’intérêt général. Il n’est permit a personne d’inspirer aux

citoyens un intérêt intermédiaire. »

Si le décret d’Allard insiste plutôt sur la liberté d’entreprise, dans la loi le Chapelier, l’accent

est mis sur la liberté du travail. On souligne le fait que si on conçoit le travail dans les termes

d’un marché du travail, la question des règles qui sont nécessaires pour que ce marché

fonctionne est une question beaucoup plus délicate que sur d’autres marchés puisque les

objectifs de la réglementation dans ce domaine peuvent paraitre parfois ambigus. En effet,

lorsqu’on est sur le marché de biens, la liberté d’entreprise est associée à la volonté de la

liberté de concurrence, donc la volonté de supprimer les monopoles. Dans le domaine du

travail, si on essaye de traduire les mêmes objectifs dans le cadre des rapports employeurs

employés, cela se traduit par la volonté de lutter contre toute forme d’organisation de l’offre

du travail, qui prendrait une forme oligopolistique voire monopolistique, donc débouche sur

l’interdiction des syndicats. En revanche, lorsqu’on a une autre vision des relations

employeurs/employés, cette conception se heurte à la réalité, où le rapport de force est en

faveur des employeurs. Favoriser la liberté du travail dans cette logique marchande, c’est

empêcher les salariés de pouvoir contrebalancer ce rapport de force qui leur est défavorable.

L’ambigüité des règles qui visent à régir le marché du travail est lié au fait que cette

réglementation va très vite s’accompagner d’autres règles, dont les objectifs ne justifient pas

un point de vue économique libéral, mais plutôt d’avoir un meilleur contrôle de la main

d’œuvre. C’est le cas de l’instauration du livret ouvrier en France à partir du début du XIXème

siècle, qui va permettre de contrôler, stabiliser la main d’oeuvre. Ce qu’on appellerait la

fluidité du marché deviendrait un obstacle à l’exploitation efficace de la MO qui nécessite

une certaine stabilité. La réglementation constitue un domaine important de l’intervention

de l’État, même si elle ne s’appuie pas toujours sur une vision simple entre le rapport règles

et marchés (marché efficace mais qui nécessiterait certaines règles, les règles sont rendues

nécessaires car l’économie ne fonctionne pas telle qu’on pense pouvoir la représenter à

travers la figure du marché). Parmi les autres règles nécessaires pour que l’activité

d’entreprendre puisse s’organiser dans les meilleures conditions, il y a aussi

l’institutionnalisation des formes d’entreprises, permit par le code du commerce en 1807 en

France, dans lequel on va trouver la mise en place de statut clair pour les entreprises.

Domaine de défaillance des marchés : même si à cette époque, on n’a pas conscience des

raisons exactes pour lesquelles l’intervention de l’État est justifiée, parfois l’intervention de

l’État s’impose du fait de la constatation concrète de l’inefficacité du marché, en particulier

les activités qui engendrent des externalités positives et négatives. Même si il n’y a pas

d’outils théoriques, on observe que c’est dans ces domaines que l’intervention de l’État se

manifeste au XIXème siècle. Les seuls domaines sur le plan théorique où il y a une certaine

réflexion produite par Smith sont les domaines liés aux infrastructures (ponts, routes…).

L’exemple privilégié est celui des chemins de fer. Dès les débuts du développement de ce

secteur, l’État est très présent (1920), le développement de ce secteur est organisé à partir

de concessions que l’État accorde à certaines entreprises pour construire les voies de chemin

de fer, développer les infrastructures (gares, ponts). Assez rapidement, cette simple

réglementation des entreprises privées ne va pas suffire, une étape importante en France est

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franchie en 1842 avec la charte ferroviaire, date à partir de laquelle bien souvent c’est l’État

lui-même qui prend en charge les travaux d’infrastructures (achat des terrains, expropriation,

construction des ponts tunnels, exploitation des voies ferrées elles-mêmes et la mise en

place des équipements, les rails sont laissés au secteur privé sous forme de concession). Vers

la fin du XIXème siècle, ce type d’organisation du secteur ne suffira toujours pas puisque

l’importance des coûts fixes, la rentabilité des entreprises privées ayant reçues ces

concessions n’est pas toujours garantie. Certaines feront faillites. On voit apparaitre les

premières nationalisations des entreprises déficitaires (ex : en 1908, rachat par l’État de la

compagnie des chemins de fer de l’ouest). Enfin, compte tenu du fait qu’on n’a pas affaire à

un bien collectif pur mais à une activité qui génère des externalités positives, il est légitime

que la collectivité favorise le développement de ce secteur là. Mais en même temps,

tellement proche d’un monopole naturel qu’on se trouve confronté aux conséquences

néfastes des structures monopolistiques, c'est-à-dire risque causé par cette situation de

monopole : les entreprises profitent de la situation pour pratiquer des prix trop élevés. Aux

EU, les premières lois anti-trust cherchant à lutter contre les positions dominantes vont

concerner le secteur des chemins de fer (interdit la pratique du dumping et les pratiques de

partage du marché). Au delà du secteur des chemins de fer, tous les secteurs concernés par

les défaillances de marché vont rencontrer un interventionnisme croissant de l’État (Ex : La

Poste)

Domaine du secteur financier, bancaire, marchés de capitaux et la question de la monnaie :

Là encore, l’expérimentation de l’inefficacité du laisser-faire conduit l’État à être plus présent

dans le secteur monétaire et financier, en particulier l’émission légale de la monnaie papier.

On va aller au cours du XIXème siècle vers la monopolisation de l’État de l’émission de ces

papiers (seule monnaie légale existante). Dans le cas des EU, la circulation monétaire sera

laissé au secteur privé jusqu’au XIXème siècle, les banques émettant leurs propres billets. A

côté de cela, dans le domaine plus financier, l’État est très présent également. L’essentiel des

obligations qui circulent sont des titres de la dette publique. Dans le secteur bancaire, l’État

intervient pour réglementer, stimuler le développement de ce secteur. L’État est également

présent dans le domaine des institutions d’épargne pour des raisons plus sociales

qu’économiques, lorsqu’il s’agit de favoriser le développement d’épargne des petites gens.

(Ex : la création de la Caisse des Dépôts et Consignation en 1816).

Domaine de l’agriculture : il est plus marqué en France que dans les autres pays. Au XIXème

siècle, l’agriculture reste un secteur clé car il continue à nourrir la population avant que la

place des importations de céréales devienne importante dans le dernier tiers du XIXème siècle.

Il y a des enjeux économiques, sociaux et politiques. Pour toutes ces raisons, il est essentiel

de maintenir la continuité de la production agricole, et c’est ce qui pousse l’État à intervenir

pour soutenir ce secteur (maladies, mauvaises pousses…)

Domaine des relations avec l’extérieur : c’est une politique colonialiste. L’État au XIXème siècle

n’est pas un État gendarme, il ne correspond pas à la réalité car le marché est défaillant dans

de nombreux domaines

La question sociale

La question est vague par la diversité des champs qu’elle englobe. On pense à la question de la

protection sociale, de la lutte de la pauvreté, mais c’est aussi du droit du travail (et non au travail), la

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question du contrôle social (c’est pourquoi souvent on y englobe la question des prisons). Il faut y

ajouter aussi la question de l’éducation. Il y a une diversité également des idéologies qui animent

cette question sociale (socialisme, religion…). On peut essayer de distinguer 3 périodes au 19ème

siècle :

La période de la Révolution Industrielle entre la fin du 18ème et les années 1830 : la

population reste essentiellement rurale et le développement de l’usine moderne reste

relativement limité. Les conséquences sociales de la Révolution Industrielle se manifestent

donc lentement. Il est difficile de pouvoir parler de classe ouvrière, donc de mouvement

ouvrier. La question sociale évolue peu à cette époque, elle reste essentiellement cantonnée

au même problème que la période précédant la Révolution Industrielle, et en particulier le

problème traditionnel de la pauvreté, lequel est largement à cette époque du ressort

individuel et de la charité. Les idéologies dominantes à cette époque sont le libéralisme et la

religion (concernant la charité). Le symbole de cette attitude à l’égard de la question sociale

est le débat en Angleterre concernant les lois sur les pauvres. Le débat va prendre une

tournure particulière à partir de 1795, date à laquelle va être reconnue le droit pour toute

famille à une allocation monétaire versée par les pouvoirs publics dès le moment où les

revenus du travail étaient jugés insuffisants pour pouvoir vivre et entretenir une famille :

c’est ce qu’on appelle la loi de Speehamland (1795). Le statut de l’allocation reste assez

ambigu car elle relève à la fois du revenu minimum et du salaire minimum. L’obligation de

travailler va être associée au bénéfice de l’allocation, même si cela apparait comme un

revenu minimum, l’ambigüité entre revenu de subsistance et revenu conditionné par la

participation au marché du travail n’est pas nouvelle et était déjà présente à cette époque,

mais néanmoins c’est une allocation qui n’est pas totalement un revenu de subsistance mais

qui y ressemble beaucoup. Critiqué fortement par Malthus, qui va écrire son principe de

population (1798). La critique dominante est la désincitation au travail que crée tout revenu

d’assistance. Chez Malthus, c’est aussi une incitation à faire des enfants, et donc à créer de

nouveaux pauvres.

Ricardo « Les lois sur les pauvres ont rendu toute retenu superflue et favoriser l’imprudence

en accordant aux pauvres une part des salaires acquise par la prudence et l’effort au travail. »

Dénonciation de l’oisiveté, de l’imprudence, d’absence de retenu. Cette loi sera abrogée en

1834. Cela ne signifie pas que toute forme d’assistance va disparaitre, mais cette allocation

qui existe depuis 1795 va disparaitre.

Ici, la question sociale est réduite essentiellement à la question de la pauvreté, c'est-à-dire

une question traditionnelle non spécifique au XIXème siècle.

La période qui couvre les années 1930 jusqu’aux années 1880 : des questions nouvelles vont

véritablement se manifester. Au fur et à mesure de l’industrialisation, les solidarités d’ancien

régime vont disparaitre. Il y a la manifestation de mauvaises conditions de vie (usines qui

commencent à employer une catégorie ouvrière relativement nombreuse et en expansion).

Le mouvement ouvrier accompagné par le développement des pensées socialistes va se saisir

de cette question. Néanmoins l’action de l’État reste dominée par des influences libérales. Il

laisse largement faire dans le domaine social même s’il peut faciliter certaines initiatives (ex :

société de secours mutuel en 1835 qui va jouer un grand rôle dans ce domaine social, elles

sont soit fortement influencées par l’Eglise, fait parti des actions du catholicisme social, soit

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elles sont influencées et gérées par le mouvement ouvrier. Elles vont constituer des caisses

de retraite, pour mutualiser le coût des accidents du travail très nombreux au XIXème siècle.

L’État n’intervient pas ici, tout cela est laissé à l’initiative privée, l’État se contente

d’autoriser ces sociétés). Le fait que l’État soit en retrait n’est pas seulement dû à l’influence

des idées libérales, mais aussi dû au fait qu’une préoccupation de l’État va être de faire face à

cette montée du mouvement ouvrier. Il y a une ambigüité de l’intervention de l’État : il

intervient pour favoriser l’amélioration des conditions de vie de l’ouvrier, ou pour le

contrôler ?

L’ambigüité des objectifs existe dans tous les domaines : droit du travail, protection sociale,

éducation, service militaire (fonction sociale et fonction d’intégration). L’intervention sociale

de l’État reste assez limité quelque soit les domaines qui sont associés à cette question

sociale. Le seul domaine dans lequel l’intervention de l’État va être antérieure à cette

dernière période est le domaine de la réglementation du travail. L’intervention de l’État reste

cantonnée à des domaines très particuliers : la durée du travail des femmes et enfants. Dans

le cas de la France, 1841 : interdiction de l’embauche des enfants de moins de 8 ans. (cf.

dossier page 12)

Droit de grève et droit de former des syndicats : ce droit n’est pas reconnu depuis les lois Le

Chapelier en France, idem en Angleterre, sauf qu’ils vont être obtenu beaucoup plus tôt

qu’en France (dès 1825). Dans le cas de la France, il faudra attendre 1864 pour le droit de

grève et 1884 pour le droit de former des syndicats (loi Waldeck-Rousseau). On voit qu’au

cours de cette période, même si la question sociale change, l’intervention de l’État dans ce

domaine reste limitée : droit au travail (avec réglementation de la durée de travail

essentiellement des enfants et question du droit de grève) et l’éducation. Dans la loi de 1802

en Angleterre, la loi est certes limitée mais c’est déjà un premier pas. En ce qui concerne la

France, les premières lois importantes sont d’abord celles de 1833 (Loi Guizot) qui va

généraliser une loi de 1816 qui obligeait les communes à ouvrir une école.

La rupture se fait à partir des années 1880

La période de la fin du XIXème siècle : c’est une rupture dans la mesure où on voit apparaitre

une intervention de l’État dans lequel il était totalement absent, en particulier dans le

domaine de la protection sociale (la famille, santé et retraite). L’État intervient également de

manière plus marquée dans la réglementation du travail. On retient essentiellement :

Concernant le droit du travail en France

Loi Waldeck-Rousseau (1884) : droit de former des syndicats

Loi sur l’indemnisation des accidents du travail (1898) : responsabilité

automatique de l’employeur en cas d’accident du travail

Concernant la protection sociale

Loi sur l’aide médicale gratuite pour les indigents (1893)

Loi sur les retraites des mineurs (1894) : conditions délicates car opposition

entre différents syndicats, et conflits permanents entre syndicats et

gouvernement. Explique pourquoi la généralisation des systèmes de retraite

va être si lente.

1ère généralisation de l’assurance retraite pour les ouvriers et les paysans

(1910) : les conditions dans lesquelles les ouvriers et paysans vont pouvoir

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accéder à la retraite sont très restrictives : 65 ans au niveau de l’âge et 30

ans de cotisations. Critiques : « retraite pour les morts » (espérance de vie

faible), système de retraite par capitalisation (hostilité forte à l’égard de ce

système), les pensions versées s’avèrent être très faibles

Concernant l’éducation

Loi Ferry (1881) : Ecole gratuite

Loi Ferry (1882) : Ecole laïque et obligatoire de 6 à 13 ans

Concernant le logement

Mesures en faveur du développement des Habitations à Bon Marché (1887)

Loi Siegfried (1894) : autorise la CDC à accorder des prêts à taux privilégiés

aux sociétés d’HBM. Rupture dans l’attitude, influencée par l’imprégnation

des idées socialistes dans la société, l’hostilité étant liée aux idées libérales et

religieuses auparavant.

Entre le moment où la loi est votée et qu’elle soit appliquée, il y a un laps de temps très long.

Gueslin « L’État Providence sort de ses limbes »

En Angleterre :

Loi sur les fabriques (1833) : c’est dans le pays où le libéralisme économique est le plus

présent au début du XIXème siècle qu’en même temps on a des avancées sociales importantes,

c’est une loi qui a une portée assez générale.

1910 : Instauration de la dole, assurance chômage pour les ouvriers agricoles percevant un

salaire inférieur à un certain montant.

b) Une intervention importante en Allemagne et décisive dans l’industrialisation du Japon et en

Russie

Plus on a affaire à une industrialisation tardive, plus il semble que l’intervention de l’État semble

importante, voire décisive, dans l’industrialisation de ces pays.

L’Allemagne

Les domaines dans lesquels l’intervention de l’État va être importante :

Sur le plan économique

Domaine des infrastructures, et en particulier les voies de communication : l’ampleur de

l’intervention étatique et le caractère massif et rapide des dépenses et des actions

engagées par l’État fait la différence avec les autres pays tels que la France ou

l’Angleterre. Au sein des infrastructures de communication, les chemins de fer vont avoir

la place la plus importante, c’est sans doute là aussi où on peut observer en quoi

l’intervention étatique est décisive en Allemagne comparée à l’intervention étatique en

France ou Angleterre puisque c’est essentiellement du fait de l’intervention des états

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allemands que très vite, en matière de km de voies ferrées construites, où l’Allemagne va

rattraper puis dépasser la France ; c’est le cas dès 1850, où dans l’ensemble des états

allemands, on a 6000 km de voies ferrées contre 3000 km en France (10 500 km en

Angleterre).

Domaine de la politique commerciale : influence de List (protectionnisme éducateur).

Dans les faits, c’est ce qu’on observe également. L’Allemagne au XIXème siècle va avoir

une attitude plus protectionniste que les autres, et en particulier que l’Angleterre. Cela

se manifeste dès 1834 (c'est-à-dire dès la mise en place de l’Union économique et

monétaire entre les pays allemands) puisque cette union est assortie d’une protection

vis-à-vis de l’Angleterre (instauration d’un tarif douanier extérieur commun aux

membres de l’union et un tarif suffisamment restrictif pour qu’on puisse qualifier ce tarif

de relevant d’une politique plutôt protectionniste. L’attitude protectionniste sera

confirmée lorsque l’union politique aura lieu, c'est-à-dire en 1871). La protection

douanière sera également une des caractéristiques de l’intervention de l’État aux États-

Unis.

Sur le plan de la protection sociale : c’est un système cohérent et assez général d’assurance

sociale. Ce sont les lois Bismarck (1883 : assurance maladie obligatoire pour les ouvriers à bas

salaires, 1884 : indemnisation des accidents du travail à la charge des employeurs, 1889 :

mise en place d’un système d’assurance vieillesse et invalidité à charge partagée entre

employeurs et employés). Ce système va devenir un modèle de protection sociale (modèle

de l’assurance reposant sur une contribution préalable par le travail, qui s’opposera au

modèle Beveridgien qui ne relève plus de la logique d’assurance mais d’assistance). Ces lois

ont souvent été associées aux génies politiques qui ont su, grâce à ces lois, limiter la montée

des idées socialistes (des idées marxistes)

Le Japon

Il y a une place importante de l’État dans cette industrialisation rapide. L’ère Meji va permettre cette

centralisation politique. Une fois cette condition remplie, l’État au Japon va être décisif dans

l’industrialisation de ce pays. Cela concerne exclusivement l’intervention économique de l’État. Les

domaines particuliers dans lequel l’État intervient sont :

La formation : c’est une optique différente du cas de la France, où c’est plus un objectif social

qu’économique dans le cas de la France. Là, l’objectif est l’accumulation en termes de capital

humain, c'est-à-dire rattraper le retard technologique par rapport aux pays en avance, grâce

à la formation, l’envoi d’étudiants à l’étranger ou d’instructeurs dans les campagnes. Il ya un

rôle de formation dans l’agriculture, l’objectif est de favoriser la modernisation de

l’agriculture pour pouvoir développer l’industrie.

L’industrie : l’État va être très présent en constituant un secteur public assez important.

L’État va fonder ou acquérir un assez grand nombre d’entreprises publiques dans ces divers

secteurs industriels moteurs à cette époque (le textile notamment, les télécommunications).

Là encore, cela s’accompagne d’une volonté d’acquérir des technologies étrangères, soit en

ayant recours à des techniciens étrangers, soit en essayant de favoriser l’importation de

machines étrangères. Même si une fois constitué et développées, l’État va de nouveau les

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céder au secteur privé, on sait qu’il va conserver un contrôle assez important sur ces

entreprises, notamment en favorisant des structures très concentrées (années 1880).

La Russie

Comme dans le cas du Japon, et dans une moindre mesure de l’Allemagne, l’intervention de l’État est

justifiée relativement à cette prise de conscience du retard par rapport aux autres pays, et du danger

que représente ce retard, danger non seulement économique mais qui peut aussi se manifester au

travers de la puissance militaire que compte ces pays en avance, soit la souveraineté même de ces

pays en retard. Cette attitude est essentielle à bien comprendre pour ensuite appréhender comment

l’État intervient dans cette économie, et pourquoi elle peut apparaitre comme massive, précipitée.

En Russie, une des spécificités est d’avoir une action plus macro économique que dans d’autres pays,

en essayant de mobiliser au niveau national une épargne importante pour permettre de financer des

investissements massifs dans l’industrie, et en particulier dans la sidérurgie, fabrication de machines-

outils. Cette incitation à l’épargne va s’orienter d’abord vers l’agriculture, et notamment au travers la

pression fiscale qui va peser fortement sur le monde paysan, qui va constituer en une épargne forcée,

ainsi qu’une politique qui vise à compresser la consommation intérieure. L’épargne intérieure ainsi

mobilisée s’avère insuffisante, ce qui va pousser la Russie à essayer d’attirer les capitaux étrangers.

En ce qui concerne la mobilisation de l’épargne étrangère, cela fait référence aux fameux emprunts

russes (car passe par l’émission de titres). Parallèlement à cela, les actions de l’État habituels en

matière de recherche de transfert de technologie, il y a aussi la volonté d’acquérir et d’attirer ces

compétences et techniques étrangères. Il n’y a pas de différence avec le Japon, sauf que l’attitude de

la Russie à l’égard du commerce extérieur est plus offensive que défensive : on cherche à faire passer

le développement économique aussi par le développement des exportations, ce qui suppose d’avoir

une attitude à l’égard de la protection douanière relativement souple. Ce qui fait la véritable

spécificité, c’est cette volonté d’inciter à l’épargne pour ensuite financer des investissements. Une

des raisons à cela est une raison invoquée par le modèle de Gerschentvon (1962), c’est la volonté de

substituer du capital au travail, c'est-à-dire favoriser une économie beaucoup plus capitalistique dans

ses structures de production. Cela s’explique chez Gerschentvon du fait qu’en Russie, la qualité de la

main d’œuvre est faible, donc la productivité du travail est faible, notamment parce que la main

d’œuvre est indisciplinée.

4) L’État au XXème siècle : de la montée de l’État-Providence à sa remise en cause.

a) Une double rupture après la Première Guerre Mondiale

La première rupture se passe lors de la 1ère GM et la phase de reconstruction qui va suivre,

marquée par une poussée de l’interventionnisme économique de l’État. Pendant la guerre

elle-même, il n’y a pas de particularité par rapport aux autres guerres, sauf peut être

l’ampleur de cette 1ère GM, mais sinon l’attitude de l’État est à peu près similaire dans toutes

ces situations de guerre : on passe quasiment à une économie dirigée par l’État (économie

de guerre). Tous les secteurs stratégiques sont contrôlés par l’État (réquisition de la marine

marchande, contrôle strict du commerce extérieur et flux de capitaux, place croissante de

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l’industrie de l’armement). Cela explique l’ampleur de la phase de reconstruction qui va

suivre, et par conséquent l’ampleur de l’intervention de l’État au lendemain de la 1ère GM. Il

faut reconstruire les régions dévastées, reconstituer l’appareil productif. Même si il va y avoir

un retour à la normale (dans le sens où l’État va se désengager), les idées libérales restent

dominantes, on va redonner sa place au marché. Le poids de l’État mesuré au travail du

rapport dépenses publiques/PIB diminue. Cette diminution des dépenses publiques est aussi

associée à la volonté de retrouver un équilibre budgétaire, atteint en 1926. Il y a dans une

certaine mesure un certain retour à la normal, mais pendant cette période relativement

longue (1914-début des années 20), la forte présence de l’État a marqué les esprits et dans

un sens où l’État apparait comme un recours dans le cas de difficultés économiques

importantes. L’hostilité à l’égard de l’intervention de l’État est moins marquée après cet

épisode, sachant parallèlement que les idées sociales continuent aussi à se développer.

La seconde rupture apparaît avec la crise de 1929 et la dépression des années 30 : on sait

que c’est véritablement avec cette crise que l’intervention de l’État va être légitimée

définitivement, on n’aura plus cette domination exclusive des idées libérales, et malgré

toutes les hésitations qui vont avoir lieu dans les différents pays au tout début de la crise, on

s’aperçoit que les politiques interventionnistes vont avoir tendance à dominer assez

largement. Dans le cas de la France, il y a une politique économique du Front Populaire. Les

mesures anticrises ne débutent pas en 1936, il y en a eu avant. Ex : plan Marquet (1934), qui

est un plan de grands travaux. Par ailleurs, les idées qui sous-tendent la politique du Front

Populaire ne sont pas des idées, contrairement au New Deal, de type keynésienne, ce sont

des idées sociales, et donc l’intervention de l’État va s’effectuer à un échelon supérieur. On a

une forte tentation de mettre en place une économie très centralisée, et parallèlement à

cela, on a une action de l’État qui se situe autant dans le domaine social que dans le domaine

économique. (Ex : 1936, la constitution de l’ONIB, prend en charge pour l’État totalement la

production du blé)

L’intervention de l’État dans le domaine social : même si cet interventionnisme est soumis au

même déséquilibre dans son évolution que dans le domaine économique (soumis à la

dépression des années 30), on peut tout de même essayer de défendre l’idée selon laquelle il

est caractérisé par une plus grande continuité puisque les différentes mesures vont s’inscrire

dans la continuité de l’émergence progressive de l’État Providence. Ex : le cas de la France,

mise en place d’un système d’assurance social, certes les lois sociales en question vont être

votées en 1930 et 1932, mais elles s’inscrivent dans une volonté politique qui débute à la fin

des années 20 (1928 : tentative d’une loi sur les assurances sociales qui échoue),

l’aboutissement va se faire par les lois de 1930 (loi instituant l’assurance vieillesse et

l’assurance maladie pour tous les salariés de l’industrie et du commerce en dessous d’un

certain plafond) et 1932 (loi étendant le bénéfice des allocations familiales à tous les salariés

de l’industrie et du commerce). L’assurance vieillesse s’inscrit très nettement dans la

continuité (plus dans un mouvement de LT de développement de la protection sociale que

des poussées de l’intervention de l’État). Le volet social du Front Populaire est plus

discutable. Il touche l’amélioration des conditions de vie des travailleurs. Ce volet est marqué

par les accords de Matignon en 1936, symbolisé par l’instauration des congés payés, la

semaine de 40H, revalorisation salariales importantes (16 à 40% selon les branches), il y a un

progrès dans le développement des conventions collectives. Cette idée de continuité peut

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aussi s’étendre aux autres pays : aux EU, les idées libérales cèdent face au New Deal après la

crise des années 30.

Il y a une plus grande acceptation de la nécessité de l'intervention de l'État à partir de 1929.

En effet cette crise à révéler les limites du marché vis-à-vis de sa capacité à assurer

l’équilibre, l'efficacité, l’équité. Les idées libérales cèdent face au New Deal après la crise des

années 30.

L’État Providence va finalement triompher au cours des Trente Glorieuses.

b) Le triomphe de l’État Providence au cours des Trente Glorieuses

État-Providence : Action de l’État sur les structures économiques et sociales, en particulier par la

protection sociale, la prise en charge publique des dépenses d’éducation et l’encadrement du

marché, afin d’assurer une croissance régulière, et dans une logique keynésienne, le plein-emploi.

L’État Providence a autant des objectifs économiques que sociaux (en termes d’équité). L’État

providence est entendu ici dans un sens très large, aussi bien dans les objectifs poursuivi que les

modalités utilisés par l’État pour atteindre ses objectifs. La notion d’État-Providence regroupe les

politiques économiques et sociales, et structurelles et conjoncturelles.

L’intervention de l’État dans la sphère économique

La politique conjoncturelle : il y a un triomphe des idées keynésiennes, c'est-à-dire l’idée

selon laquelle l’État doit réguler la conjoncture essentiellement par les politiques

monétaires et budgétaires. (Ne pas confondre État-Providence et État keynésien, l’État

providence n’est qu’un aspect de l’État keynésien). Ici, aucun pays développé n’échappe

à cette domination des idées keynésiennes.

La politique structurelle : les deux symboles de l’interventionnisme de l’État dans ce

domaine sont les nationalisations au lendemain de la 2nde GM (cela concerne

essentiellement la France et l’Angleterre), et la planification indicative en France (Cinq

plans successifs) et le MITI au Japon (cf. dossier page 17). Dans le cadre de cette politique

en France, elle va être marquée par l'action de l'État au travers des entreprises

publiques. Les plans vont aussi avoir pour objectif d'avoir une politique industrielle sur

les secteurs considérés comme porteur de croissance à LT. Le plan tend à définir des

stratégies vis-à-vis du commerce international. Le lancement du plan Calcul a pour

objectif de doter la France d'une capacité de production d'ordinateur dans ce domaine

récent et stratégiquement très important car à l'époque son utilisation principale était

militaire (nucléaire). Ce plan Calcul va soit donner naissance à des entreprises qui vont

jouer un rôle non négligeable par la suite dans l’industrie française, soit favoriser

certaines entreprises déjà existantes. Parmi les entreprises qui vont jouer un rôle

important, on peut citer Thomson et la Compagnie Générale d’Electricité.

L’interventionnisme social de l’État

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Il représente le triomphe de l’État Providence au cours des Trente Glorieuses. On peut appréhender

cet interventionnisme social au travers deux grandes catégories d’objectifs : la lutte contre les

inégalités et la pauvreté (relève de la redistribution verticale) et la protection contre les risques

économiques et sociaux (relève de la redistribution horizontale).

La redistribution verticale : elle est plus hétérogène, les instruments de lutte contre les

inégalités et pauvreté sont assez divers. Ces instruments sont d’abord la fiscalité (impôt

progressif, instauration en France de l’IRRP) et la politique de revenu et des prix (objectif

social de réduction des inégalités tel que l’instauration du SMIG en 1950 et lutte contre la

pauvreté). Un autre instrument : les prestations sociales versées par l’État lorsqu’elles sont

sous conditions de ressources, ainsi que les services collectifs, offerts gratuitement par l’État,

sachant qu’ils sont financés par tous.

La redistribution horizontale : elle est plus ciblée. elle marque le plus les Trente Glorieuses. Si

en Allemagne, elle est assez développée, c’est moins le cas en France, en Angleterre et aux

EU.

Au Royaume-Uni, il y a la mise en place en 1942 d'un système de couverture universelle suite

au rapport Beveridge.

En France, l’instauration de la Sécurité Sociale en France se passe en 1945, qui se veut

universelle, uniforme et unique. La CMU prolonge le principe d'universalité. La Sécurité

Sociale est aussi un outil de lutte contre les inégalités. Elle vise une plus grande justice

sociale. Elle concerne principalement les 3 grandes branches que sont la famille, la vieillesse

et la santé.

- Concernant la branche famille, la généralisation de la protection contre ce risque est

obtenue dès 1946, une loi étend les allocations familiales à toute la population. La

généralisation posera problème pour les 2 autres branches.

- Pour la vieillesse, problème de l’unité et de l’uniformité (multitude de caisses de

retraite). On peut ajouter que la même année, il y a intégration de la réparation des

accidents du travail à la Sécurité Sociale (ce n’est plus une question de rapport entre

employeurs et employés).

- Pour la branche emploi : loi sur l’assurance chômage en 1958, création de l’ASSEDIC

et l’UNEDIC (aujourd'hui Pôle Emploi). Là encore, l’arrivée tardive est assez

représentative de l’esprit des Trente Glorieuses, c'est-à-dire la croyance en une

phase de croissance de plein emploi ininterrompu, le chômage n’était pas

appréhendé au départ comme un risque important, donc d’une certaine manière ne

nécessitait pas la mise en place d’une protection contre ce risque.

La loi de 1975 généralise à l’ensemble de la population active l’assurance vieillesse

obligatoire. C’est un caractère hybride car c’est à la fois un système bismarkien et il y

a un objectif de généralisation à l’ensemble de la population, cela constitue une

difficulté du système lors de la période de crise et de chômage croissant et durable,

système qui devient nécessairement déséquilibré lorsque l’on n’est plus dans une

période de croissance forte et de plein emploi. De ce point de vue là, le système

britannique est moins ambigu puisque c’est le système beveridgien qui va être mis

en place, la généralisation est garantie de fait, puisque tout citoyen (pas seulement

le salarié) y a droit. En conséquence, c’est un financement par impôt. Ce système

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beveridgien va être adopté par les pays scandinaves, l’Irlande, le Canada et les pays

du sud de l’Europe.

Les États Unis sont un peu à part dans cette montée de l’intervention de l’État dans le domaine social

car chronologiquement, il faut attendre les années 60 pour que des progrès notables aient lieu dans

le domaine de l’intervention social de l’État. Une autre particularité des EU : contrairement aux pays

européens, seront poursuivi 2 objectifs : en termes de redistribution horizontale, et en termes de

redistribution verticale. Aux EU, les traditions sont plus libérales sur le plan social, les interventions

de l’État ne sont justifiées que pour lutter contre certaines formes de pauvreté. Il y a une vision assez

restrictive de l’intervention de l’État sur le plan social. Néanmoins, dans les années 60, il y a

l’instauration de Medicaid et Medicare (assurance maladie pour les personnes âgées de plus de 65

ans, conditions de ressources qui font que cela reste un système d’assurance maladies réservé aux

plus défavorisés). En ce qui concerne la protection contre les risques, c’est l’assurance privée qui va

dominer, on laisse faire les choses dans une certaines mesure : le système d’assurance maladie et

vieillesse va être réglementé par l’État, mais la gestion de ce domaine relève du domaine privé, la

plupart du temps par les entreprises. Les EU restent un cas à part par rapport au cas européen.

c) Crise économique et remise en cause de l’interventionnisme

Objectif de stabilité des prix et d’équilibre budgétaire

Concerne la politique conjoncturelle, c’est la remise en cause de l’État keynésien.

La politique monétaire va s’orienter vers un objectif unique qui est la lutte contre l’inflation (objectif

de stabilité des prix).

Sur le plan de la politique budgétaire, on cherche à mener un politique monétaire orthodoxe visant à

la fois l’équilibre budgétaire et un retrait de l’État (diminution des dépenses et diminution parallèle

des retraites).

Exemple : Pour la politique monétaire, le changement d’orientation été assez radical. La rupture a

lieu lors de l’arrivée de Paul Walker à la tête de la FED en 1979, il y a une action monétariste axée

uniquement vers la lutte contre l’inflation. Le changement est radical dès la fin des années 70 aux EU,

en Angleterre, un peu plus tardif en France. En Allemagne, la situation est un peu différente car la

lutte contre l‘inflation était déjà un objectif prioritaire avant la crise (depuis l’hyperinflation).

C’est un changement qui marque d’une certaine manière le retrait de l’État, son action va devenir

passive et une action de règle quelque soit la conjoncture. Ce n’est plus la politique monétaire

keynésienne qui agit de manière active. La politique monétaire monétariste ne fait pas jouer un rôle

à l’État dans la régulation de la conjoncture. Cette crise de l’interventionnisme étatique à partir de la

fin des années 70 va impliquer des politiques de retrait de l’État dans tous les domaines, mais il ne

faut pas voir cette période comme une période homogène puisque le retrait ne concerne pas tous les

domaines, mais dans certains, le retrait radical de l’action de l’État va progressivement être remis en

cause. On l’observe notamment concernant la politique monétaire.

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Dès 1987, on a déjà un changement d’orientation dans la politique monétaire qui va redonner une

certaine place aux politiques discrétionnaires puisque on retrouve un certain équilibre entre les

objectifs poursuivis par la politique monétaire, ce n’est plus uniquement lutter contre l’inflation pour

assurer la stabilité des prix, c’est de nouveau à la fois l’objectif de croissance et de chômage d’un

côté, et de lutte contre l’inflation de l’autre. La Banque Centrale modifie l’orientation de sa politique

monétaire en fonction de la conjoncture.

En ce qui concerne la politique budgétaire, les choses vont être plus ambigües puisque dans les

discours et dans les inspirations théoriques mobilisées par les gouvernements, c’est de nouveau

l’orthodoxie budgétaire qui va dominer et cette orthodoxie budgétaire s’accompagne d’une volonté

de réduire les dépenses de l’État pour pouvoir réduire les prélèvements et donc redonner une

rentabilité à l’offre. On est dans une logique de l’offre. C’est le retour de la loi de Say (l’offre crée sa

propre demande, il ne faut pas entraver l’offre et désinciter l’offre par des prélèvements obligatoires

importants). Il y a un décalage important entre les discours et la mise en œuvre réelle de la politique

budgétaire puisque on est d’abord confronté à la situation de crise qui mécaniquement pousse les

déficits budgétaires à la hausse (notamment dans le cas de l’Europe de manière relativement

continue). Cette situation de crise a tendance à créer des déficits budgétaires de l’État et rend

difficile la réduction des dépenses publiques notamment en matière sociale (ex : allocation chômage).

Par ailleurs, cette politique visant à réduire les dépenses publiques se heurte à la tendance de LT qui

est plutôt à la hausse des dépenses publiques. Cette volonté de réduire les dépenses publiques va

avoir du mal à se traduire dans les faits. A part quelques exceptions comme en Grande Bretagne, le

rapport dépenses publiques/PIB continue sa progression même si elle est ralentie. Aujourd'hui la

réduction de la dette est un objectif prioritaire des gouvernements pourtant les déficits publics ne

cessent d’augmenter.

La politique monétaire radicale n’est pas sans conséquence sur la conjoncture (admis par les

monétaristes et Friedman), elle se paye par plus de chômage et une croissance ralentie, c’est le prix à

payer à CT pour permettre de réduire l’inflation à LT, et donc de parvenir à LT à une croissance

économique plus saine et plus forte. Bien souvent, on s’aperçoit que les Banques Centrales vont

devenir indépendantes, la politique budgétaire va alors être souvent amenée à jouer un rôle

d’amortisseur face aux conséquences récessionnistes des politiques restrictives. C’est aussi un des

arguments qui explique pourquoi la politique budgétaire ne va pas être menée conformément à

l’idéologie dominante. On s’aperçoit que depuis la fin des années 70, l’Europe est soumis à cette

même ambigüité : il y a à la fois un discours qui vise à réduire les déficits budgétaires et en même

temps, dans les faits, il y a toujours cette tendance à l’augmentation des dépenses publiques et

l’apparition récurrente des déficits budgétaires.

Privatisation, déréglementation et préservation de la concurrence

Concerne la politique structurelle

Les faits

Le retrait de l’État va se faire en deux temps par le biais de privatisation et de réglementation. Une

fois se retrait effectué, il va falloir s'attacher à préserver la concurrence. Lorsque l'État n'est plus

présent en tant qu'acteur au sein d'une économie, l'État doit alors garantir un cadre propice à la

concurrence.

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Volet privatisation : les vagues de privatisation vont avant tout toucher les pays qui avaient

connu une vague de nationalisation après la 2nde GM. Les secteurs nationalisés sont des

secteurs dans lequel le marché était plus ou moins défaillant, donc les secteurs de

communication, télécommunication, l'énergie, La Poste…

Au Royaume-Uni, privatisation de British Air Ways en 1987.

En France la première vague commence en 1988, les trois premières nationalisations sont

Saint Gobain, AGF et Paribas. Les vagues de nationalisation/privatisation sont uniquement

dictées par les alternances politiques. Les entreprises ne sont pas cédées au hasard pour

éviter que les entreprises de secteurs stratégiques échappent à une certaines formes de

contrôle du pays, politique des noyaux dur. Il y a un problème de collusion entre les

acquéreurs de ces titres et les vendeurs de titres. L'État peut participer dans l'activité de

certaines entreprises en étant actionnaire, mais pas majoritaire. D'autre pays ont suivi des

vagues de privatisation comme l’Allemagne, le Japon (Lufthansa, Japon Air Line…). .

L’ampleur n’est pas la même car la place du secteur public était plus faible, mais lorsque les

privatisations ont lieu, elles ont lieu toujours dans les mêmes secteurs.

Volet déréglementation : les États-Unis vont être plus concerné que les autres pays car les

Trente Glorieuses s’étaient accompagné de nombreuses réglementations. La

déréglementation va toucher les marchés des biens et des services, des capitaux et du

travail. On a en tête l'objectif de la CPP. Il va donc y avoir une vague de démantèlement des

monopoles réglementés pour y injecter de la concurrence, comme dans le transport aérien,

La Poste, l'énergie. Cette dérèglementation intervient dès la deuxième moitié des années 70.

Dans les transports aériens en 1978, une loi fixe un calendrier de dérèglementation à

échéance en 1982. Dans le transport routier en 1980, une loi libéralise l’accès au secteur et

les tarifs des transports routiers, d’abord inter-états. Cette dérèglementation de la

télécommunication aux EU est symbolisée par le démantèlement d’ATT (1984). Dans le cas

de la France, rupture en 1986 : la libéralisation des prix et la l’abaissement des barrières à

l’entrée sur certains marchés va s’effectuer, assez rapidement dans les télécommunications,

transports routiers, plus lentement dans les secteurs où la concurrence n’a rien de naturel

(transports ferroviaires, électricité).

Cette volonté de préserver la concurrence passe par le contrôle de la concentration, notamment

dans les secteurs où on a supprimé les monopoles. L’action de l’État est très difficile à mettre en

œuvre ici puisque la concentration, lorsque des entreprises fusionnent, permet à l’ensemble d’être

plus efficace. La fusion repose sur des critères d’efficacité économique. Bien souvent, lorsque ce sont

des critères de ce type là qui justifient la fusion et lorsque l’Europe s’oppose à la concentration, c’est

d’une certaine manière s’opposer à un gain d’efficacité économique de ces entreprises. Certes, on

sait bien que la concentration rentre aussi souvent dans les stratégies d’affaiblissement des

concurrents de la part des entreprises, et cet affaiblissement est considéré comme inefficace

collectivement, et donc on cherche à lutter contre cet affaiblissement ; mais il est très difficile de

faire la part des choses entre des opérations qui conduisent à une concentration qui nuit à la

concurrence et une concentration qui permet de produire de manière plus efficace, et donc de

baisser les coûts de production, ce qui va se répercuter sur les prix, et bénéficier à l’ensemble de la

collectivité, et pas seulement aux entreprises qui se concentrent.

Exemple de fusion : Schneider Electric & Legrand. Cette fusion à lieu en 2001 et Bruxelles oppose son

véto à cette fusion car ils en concluent que cette fusion va déboucher sur un affaiblissement de la

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concurrence dans le secteur et les effets néfastes sur la collectivité l’emportent sur les effets

bénéfiques. L’entreprise contre attaque en justice, mène une action devant la cour Européenne de

justice, qui casse la décision de Bruxelles en 2002. Entre temps, Schneider a revendu Legrand à des

fonds d’investissements à Wendel et KKR. La fin de l’histoire se passe en 2007, alors que Schneider

n’est plus propriétaire de Legrand, Bruxelles et condamnée à verser plusieurs milliers d’euros à

Schneider, du fait des pertes subies par Schneider car la fusion n’a pas pu être finalisée à cause du

véto de Bruxelles.

En France a été crée la Haute Autorité de la Préservation de la Concurrence. Les institutions visant à

préserver la concurrence ont de plus en plus de pouvoir et de moyen d’actions importants. Pour citer

le cas de la France, on peut citer la loi NRE sur les nouvelles régulations économique de 2001 qui

notamment est une loi qui va permettre de relever le plafond des sanctions de 5% du chiffre d’affaire

national à 10% du chiffre d’affaire mondial. Quand un manquement aux règles de la concurrence ont

été mise en évidence par le conseil national de la concurrence, les sanctions qui peuvent être

imposées aux entreprises avant 2001 étaient 5% du CA national depuis 2001 10% du CA mondial du

groupe. De fait, on voit les montants des sanctions augmenter progressivement depuis les années 90,

et de manière accélérée en France depuis les années 2000. En France, les amendes ont représenté en

moyenne entre 2001 et 2004 64millions d’€, et ensuite systématiquement, on va être au dessus. En

2006, 128millions d’€.

Défaillance de marché et effet pervers

Là où l’État était très présent dans les années 80 étaient essentiellement des secteurs qui n’avaient

rien de secteurs naturellement très concurrentiels. Il s’agissait de secteurs largement touchés par des

défaillances de marché. Forcément, une fois privatisés, déréglementés, rendus au laisser faire, ces

secteurs vont révéler leurs défaillances. Exemples :

Les aéroports : l’État reste majoritaire en France, pas en GB. On cite cet exemple car il

correspond à un quasi monopole. Cf. Stiglitz (privatisation des aéroports de Londres)

L’électricité : on s’appuie sur le commentaire de M. Boiteux, président d’EDF de 1967 à 1987,

dans « Futuribles » (2007). L’électricité est un cas extrême, pour ne pas dire un cas d’école,

des exceptions à la théorie libérale. S’il peut y avoir plusieurs producteurs d’électricité, il est

difficile qu’il y ait plus d’un réseau de transport de l’électricité. On retrouve la même

impossibilité de la concurrence que celle qu’on évoque en s’appuyant sur l’exemple des

chemins de fer. On retrouve la même difficulté dans la télécommunication. On ne peut avoir

qu’un seul réseau, donc la concurrence ne peut concerner que la production d’électricité.

Dans les études d’économie appliquée qui ont accompagné le processus de privatisation et

déréglementation, dans les années 80, on pensait qu’il était possible de séparer les activités

en branches, en distinguant celles qui relevaient d’un monopole naturel et celles qui au

contraire pouvaient être mises en concurrence. Cela pose un problème de répartition des

coûts liés à l’entretien des infrastructures de transports : qui paye ? Il y a concurrence mais

aucune garantie que ces quelques concurrents pratiquent des prix proches des prix

théoriques de la concurrence parfaite.

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L’eau : secteur où la concurrence existe depuis plus longtemps que dans le cas de l’électricité.

Là encore, il y a une concurrence en amont de la filière mais de nouveau, au niveau des

infrastructures, la concurrence n’est pas possible. C’est une situation similaire à l’électricité

et les chemins de fer, sauf que dans le cas de l’eau, c’est encore plus compliqué car en aval, il

y a la question de l’évacuation, le problème du traitement des eaux usées, et là encore les

infrastructures sont uniques. On retrouve les mêmes problèmes : comment s’effectue le

partage du coût des infrastructures entre collectivité et entreprises qui sont chargées de la

distribution de l’eau ? Il n’y a pas de réponse évidente possible. Au niveau des distributeurs

d’eau, là encore la concurrence est forcément assez limitée, on ne peut pas être dans une

situation d’atomicité. Dans le cas de la France, les marges réalisées par les différents

opérateurs sont comparativement réalisées dans d’autres secteurs relativement élevées.

Des États pas toujours au service du libéralisme néanmoins

A partir des années 90, on va avoir certaines actions de l’État qui ne vont plus aller de manière aussi

claire dans le sens du libéralisme. Il y va avoir un retour de l’interventionnisme économique de l’État.

Exemples qui relèvent de la politique structurelle

« Le patriotisme économique », on est plutôt dans une logique offensive, on cherche à

protéger les entreprises nationales de la concurrence étrangère.

« Le Fond Stratégique d’Investissement » crée fin 2008 en France, a pour objectif de

stabiliser les entreprises qui pourraient être des proies pour les prédateurs. Le FSI a été

doté au départ de 20 millions d’€ de fonds propres, détenu à 51% par la Caisse des

Dépôts, et à 49% par l’État.

« Les fonds souverains » touchent à un autre aspect du patriotisme économique. C’est un

retour d’une forme de nationalisation, mais cette fois-ci « extraterritoriale ». Par

définition, les fonds souverains sont des fonds qui appartiennent directement ou

indirectement aux États, on peut parler d’une forme de nationalisation extraterritoriale.

Les fonds souverains sont apparus à partir de la fin des années 60, c’était une technique

cantonnée essentiellement dans les pays exportateurs de pétrole du Moyen-Orient (le 1er

est apparu au Koweït en 1960), néanmoins c’est une technique qui tend à être utilisée

par de nombreux pays aujourd'hui, pas seulement les pays exportateurs de pétrole. Un

État via son fond souverain prend le contrôle d’une entreprise étrangère, la grosse

différence avec une nationalisation est que l’État qui devient propriétaire vient des

mécanismes de marchés et non pas par la loi. Tout dépend de la stratégie poursuivie par

l’État lorsqu’il développe un tel fond. C’est là où se trouve la source de tensions entre les

États. Cela peut dériver sur des politiques stratégiques, et dans une certaine mesure, une

dérivation du pays lui-même. Aujourd'hui, bon nombre de pays ont des fonds de ce type

là, en relation plus ou moins direct avec l’État (ex : Chine, Russie).

La déréglementation du marché du travail : dans tous les pays, il y a une

déréglementation du marché du travail, et concernait en particulier la levée des règles

qui entravaient les possibilités de licenciement (levée des barrières à la sortie du marché).

On sait que ces politiques de déréglementation sont allées assez loin en Angleterre, où

on avait au début des années 80 un système de salaire minimum qui, dans les faits, n’a

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plus été opérationnel à partir de la fin des années 80. Dans la pratique, il n’existe plus

véritablement de salaire minimum en Angleterre à la fin des 80’. Dans certains pays, il n’y

a pas de déréglementation totale de ce marché, et on a même parfois un retour d’une

réglementation plus stricte de ce marché. Même si la déréglementation peut se

poursuivre, on voit apparaitre des mesures qui vont dans un sens plutôt opposé dans la

2ème moitié des années 90 de manière générale pour tous les pays. On voit apparaitre le

thème de la flexi-sécurité, qui met en avant la nécessité d’avoir un marché du travail

flexible mais tout en permettant de garantie une certaine sécurité des travailleurs sur le

marché du travail. Cela ne passe pas par une re-réglementation du marché du travail lui-

même mais par des mesures sociales de raccompagnement des travailleurs, compte tenu

des limites économiques et sociales de la déréglementation du travail. Ex : instauration

d’un salaire minimum en GB en 1999 sous Tony Blair. On observe également dans les

années 2000 l’instauration progressive d’un tel salaire minimum en Allemagne. Ici, les

motivations sont essentiellement sociales, mais cela montre aussi bien les limites

sociales et économiques car lorsqu’on parle des objectifs sociaux, ce qui est en jeu ici est

aussi l’exclusion du marché du travail. La politique ne va pas systématiquement dans le

sens de la déréglementation.

Exemples qui relèvent de la politique conjoncturelle

C’est sans doute aux EU que la volonté de réguler la conjoncture s’est manifestée assez tôt

après la rupture de la fin des années 70. Au niveau de la politique monétaire, la politique de

Greenspan est clairement orientée vers la régulation de la conjoncture. Certes, ce n’est pas

un mouvement général car en Europe, la politique monétaire va rester monétariste,

néanmoins on peut dire aussi qu’au niveau de la politique budgétaire, elle n’est pas non plus

restée totalement passive face aux récessions. En France, le déficit budgétaire s’est sans

doute creusé plus que ce qu’auraient impliqué simplement les conséquences de la crise, on a

voulu amortir les conséquences de la crise en laissant filer le déficit budgétaire. Le choc que

constitue la crise de 2008 va encore plus remettre en cause les idées monétaristes au niveau

de la politique monétaire, et plus généralement la conception libérale de la politique

conjoncturelle (c'est-à-dire la tendance à justifier une non-intervention de l’État face aux

fluctuations de la conjoncture qui dominait depuis la fin des années 70). Ici, tous les pays

vont mener des politiques de relance.

Le sujet qui serait plus intéressant serait de savoir dans quelle mesure la crise économique s’est-elle

traduite par un changement de l’orientation de la politique conjoncturelle ? Dans quelle mesure on

ne va pas retrouver, une fois sortie de la crise, la domination des politiques libérales dans le domaine

conjoncturel ?

Concernant les politiques de relance elles-mêmes, les réponses données selon les différents

pays sont différentes. Aux EU, l’ampleur de la relance a été plus important sans doute que la

moyenne. Aussi bien la politique monétaire a été une politique monétaire très active face à

la crise, que la politique budgétaire. Les taux d’intérêts de la FED ont baissé assez rapidement

après la crise de 2007. (5% en 2007, près de 0% aujourd'hui). Concernant la politique

budgétaire, la aussi on a d’abord un premier plan de relance, c’est le plan Bush (février 2008),

c’est un plan dont l’ampleur est relativement limitée. Le plan Obama (1 an plus tard), prévoit

787 milliards de dollars (6% du PIB). Il y a aussi des dépenses potentielles lorsqu’il s’agit de

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garanties apportées par l’État à des emprunteurs. D’autres pays qui ont relancés des

politiques de relance assez marquées : en Chine et au Japon, les sommes avancées dépassent

les sommes annoncées. Dans le cas de la Chine, un plan de relance a été annoncé dès

novembre 2008, qui représente 450 milliards de dollars sur 2 ans, et dans le cas du Japon, on

est déjà au 4ème plan de relance depuis la crise, le 1er en octobre 2008, avec des chiffres

avancés de plus de 200 milliards d’euros. Les autres plans de relance ont été moins

importants, mais tournaient autour de 100 milliards d’euros. L’ampleur de la relance en

Europe apparait plus faible que dans les autres pays cités. Au sein de l’Europe, on a l’Espagne

qui a une relance le plus marqué, et l’Allemagne a le plan de relance le moins marqué.

Pour revenir à la politique monétaire, aux EU elle est très active, avec une chute brutale et

rapide des taux d’intérêts, comparativement l’Europe va apparaître comme étant une zone

au sein de laquelle la politique monétaire va être moins active qu’aux EU face à la crise. Non

seulement, il n’y a pas de baisse des taux d’intérêts, mais on a même une ré-augmentation

des taux directeurs de la BCE à l’été 2008. Il faut attendre à peu près un an après la première

baisse aux EU pour que la BCE commence à entamer une baisse de ces taux directeurs.

Certes aujourd'hui, on atteint des taux assez faibles, mais il y a toujours débat sur la question

de savoir si justement, la baisse des taux directeurs n’a pas été plus faible en Europe car elle

a été moins touchée par la crise que les EU. Il est assez incontestable que la politique

monétaire européenne ait été moins active que la politique monétaire américaine, et c’est

d’autant moins incontestable qu’on sait très bien que c’est lié a des objectifs qui ne sont pas

les mêmes. La BCE ne baisse les taux directeurs que lorsqu’il y a une inflation qui diminue.

Sur la politique monétaire, on peut comparer celle de la BCE et celle du Japon, où là aussi les

taux directeurs ont baissé assez rapidement et ont atteint des niveaux qui sont à peu près les

mêmes qu’aux EU, sauf qu’au Japon les tensions déflationnistes sont présentes.

Dans quelle mesure ces politiques de relance massives, qu’on qualifie de politiques d’inspiration

keynésienne, marquent-elle un tournant dans l’attitude à l’égard de l’intervention de l’État ?

Concernant l’inflation, Blanchard & alii dans un article du FMI, suggèrent que la cible de 2%

d’inflation retenu depuis de nombreuses années par les principales banques centrales devrait être

relevée à 4%. Si une telle proposition venait à se concrétiser, on pourra dire que la crise aura marqué

un tournant dans les théories qui justifient les politiques monétaires. L’orthodoxie monétaire qui

s’est imposée dans les années 80 reste malgré la crise très dominante dans les esprits. Des

propositions telles que celle de Blanchard qui retournerait a une conception de l’inflation vue comme

un « mal nécessaire » n’est tout de même pas une conception qui semble de nouveau s’impose

aujourd'hui. La conception qui domine est que l’inflation est un « mal absolu » (monétariste).

Plusieurs facteurs peuvent faire que le rapport dépenses publics/PIB peut diminuer :

Une hausse plus forte de la croissance

Réduire la dette en augmentant les prélèvements obligatoires, soit en diminuant les

dépenses publiques

L’inflation érode la valeur réelle de la dette. Aizenman & Marion (2009) : 4 années d’inflation

à 6% suffit pour réduire le ratio d’aide public de 20%. C’est une solution qui correspond plus

à une vision keynésienne des choses. On laisse la demande croître à un rythme relativement

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soutenu, même si cela crée de l’inflation. On parie sur la croissance pour réduire la dette.

(Inflation = croissance dans la perspective keynésienne)

Cependant, certains propos des économistes tels que Krugman soulignent le danger de réduire trop

rapidement le déficit public : les déficits publics ne constituent pas un problème dans une situation

de crise, c’est au contraire la solution. Ils ont été creusés au début de la crise, et selon ces auteurs, le

danger viendrait d’une volonté dans le contexte de l’influence de l’orthodoxie budgétaire, de réduire

trop rapidement les déficits.

Krugman (2010) « Il y a de grandes chances que les nouvelles économiques que vous allez entendre

dans un futur proche soient un pic et non une indication que nous sommes en route vers une reprise

durable. Mais les politiques interpréteront-il ces nouvelles de travers et répéteront-ils les erreurs de

1937 ? En fait, c’est déjà le cas. » Renvoie au débat sur les manières de sortir de la crise. Ce à quoi on

fait référence est le scénario du W (double plongeon). La politique en elle-même n’a des effets que si

elle est capable d’orienter les anticipations des ménages, entreprises, salariés…dans un sens

bénéfique. La mise en œuvre de la politique économique est délicate car par exemple, une politique

de relance n’a d’effets que si les agents économiques n’augmentent pas parallèlement leur effort

d’épargne.

Remise en cause de la protection sociale et nouveaux défis pour l’État-Providence

Une crise de l’État Providence touchant particulièrement le modèle continental

A la fin des années 80 la crise de l'État-Providence désignait avant tout la crise de la protection

sociale, mais la crise de l'État-Providence au sens large émerge vers les années 90.

Rosenvallon « La crise de l’État-Providence », idéologie qui est à la fois une crise d’efficacité et une

crise de légitimité. Dans un ouvrage plus récent, « La nouvelle question sociale », Rosenvallon ajoute

un 3ème aspect de l’état providence, c’est ce qu’il appelle la crise philosophique de l’État-Providence.

En 2000, Andersen montre que cette crise de l’État-Providence ne va pas toucher de la même façon

tous les pays, on peut repérer 3 modèles de l’État Providence, et les réponses ne vont pas non plus

être les mêmes au sein de ces 3 mondes.

Le modèle continental (ou corporatiste) : correspond aux pays qui ont développés assez

précocement un système d’assurance sociale dans lequel le statut professionnel est

déterminant. Ex : Allemagne, l’Italie, la France (dans une large mesure). Système financé par

des cotisations sociales prélevées sur les salaires.

Le modèle social démocrate : les prestations sociales sont versées de manière universelle,

sans distinction quant au statut face à l’emploi. Les allocations sont élevées, progressives et

financées par l’impôt. Ex : pays scandinaves, Pays-Bas et pays du nord de l’Europe.

Le modèle libéral : Dans ce modèle, les transferts sociaux sont financés par l’impôt comme

dans le modèle social démocrate, mais les transferts en question sont modestes. Les

prestations sociales sont en effets réservées aux personnes ayant des revenus faibles, voire

très faibles, les autres sont incités à souscrire des assurances privées dans le domaine de la

santé, à contribuer à des fonds de pension pour les fonds de retraite… On est dans le

domaine des marchés de la protection sociale. Ex : Grande-Bretagne, Chili, Singapour.

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Selon la typologie de Rosenvallon, la crise financière de l’État-Providence apparaît d’abord dans les

années 70, c'est-à-dire dès la crise du milieu des années 70. L’aspect qu’on connaît le mieux de l’État-

Providence est l’effet ciseau : les dépenses continuent d’augmenter alors que les recettes

progressent moins vite du fait de la crise. Vieillissement démographique et progrès technique sont

des tendances de LT qui poussent à la hausse des dépenses de protection sociale. Un autre facteur

qui joue de manière structurel est que généralement la santé est un bien considéré supérieur, de

luxe. L’élasticité-revenu est supérieure à 1. Au fur et à mesure que le niveau de vie augmente, le

poids des dépenses de santé dans le budget de consommation des ménages augmente. S’ajoute

l’effet de la crise qui va augmenter certaines dépenses de protection sociale (allocations chômage)

même si la branche emploi représente une part relativement faible.

Côté recette, en situation de crise, les recettes augmentent moins vite car, que la protection sociale

soit financée par impôt ou cotisation sociale, dans les deux cas la crise ralentie la progression des

revenus sur lesquels sont prélevés les impôts ou les cotisations sociales. Ici, le modèle continental est

plus touché dans un contexte de crise durable que les deux autres modèles car, à partir du moment

où le financement repose sur les cotisations sociales, la crise réduit l’assiette sur laquelle repose les

prélèvements. L’effet de ciseau en France va apparaitre assez rapidement puisqu’à partir du milieu

des années 70, les recettes des cotisations sociales progressent à un rythme ralenti (oscillent entre 1

et 3% par an), alors que les dépenses continuent à progresser au même rythme qu’avant la crise

(c'est-à-dire environ 7 et 8%). Assez rapidement, c’est un effet de ciseau qui va déboucher sur une

impasse financière et va nécessiter des réformes rapides pour éviter la crise financière.

Pour Rosenvallon, la crise idéologique se manifeste dans les années 80 : c’est à la fois une crise

d’efficacité, dans le sens d’efficacité du système de protection sociale, on a affaire à un système qui a

de plus en plus de mal à atteindre ces objectifs, à protéger les individus contre les risques ; et une

crise de légitimité car l’opinion qui va l’emporter va plutôt mettre l’accent sur les effets pervers de

l’interventionnisme social de l’État, et en particulier du système de protection sociale. Les effets

pervers renvoyant toujours à la question de la désincitation au travail. L’étude des incitations en

général va devenir souvent tantôt un élément qui va justifier certaines réformes, tantôt un élément

pour justifier une réduction.

Ces deux crises sont sans doute les deux aspects essentiels de la crise de l’État-Providence. Le poids

du tournant idéologique est important néanmoins, qui va s’opérer fin des années 70-début des

années 80, pour comprendre la nature de ces réformes qui vont être mises en place, même si là

encore il faut bien distinguer les différents mondes au sein desquels les réformes vont être assez

différentes malgré tout. Ces 3 mondes s’influencent les uns les autres, notamment en période de

crise, la tentation d’entamer des réformes qui vont faire évoluer ces pays vers un autre monde

(notamment vouloir se rapprocher du modèle libéral). C’est toujours assez difficile au sein des

réformes de faire la distinction entre le poids des contraintes financières et le poids de l’idéologie.

Exemples de ces réformes : les réformes apparaissent assez tôt car le poids de cette contrainte

financière pèse fortement. Elles apparaissent d’abord au sein de la branche santé de la branche

sociale. Dès les années 80, se mettent en place des mesures visant à réduire la progression des

dépenses de protection sociale, financées par la collectivité en France. Dès 1980, on a une

convention médicale qui instaure les deux secteurs (réglementé et libre). Concerne la médecine de

ville. On voit aussi l’introduction des premières franchises : forfait hospitalier (1983), ticket

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modérateur (1982). Les autres branches de la protection sociale sont concernées de la même façon :

il faut attendre le début des années 90 pour que les premières réformes des retraites apparaissent.

On est plutôt dans une logique de diminution des taux de cotisations sociales dans les années 90.

L’essentiel des réformes va toucher du côté des dépenses. Pour diminuer le nombre de bénéficiaires,

on peut rendre l’accès plus difficile en reculant l’âge de la retraite. Dans certaines réformes, en

particulier en Suède, le montant de la pension dépend de l’espérance de vie au moment où l’on

prend sa retraite. L’avantage est, contrairement au système qu’on a en France, d’instaurer des

mécanismes d’ajustement automatique de l’équilibre financier.

Il faut une certaine confiance dans les institutions pour accepter de financer un système dont on ne

connait pas au départ quels seront les avantages pour chacun.

En France, la particularité jusqu'à maintenant est de ne pas avoir touché à l’âge légal de la retraite.

Aujourd'hui, l’âge légal est toujours de 60 ans, c'est-à-dire l’âge qui avait été fixé en 1982 au moment

de la parenthèse enchantée.

On connait la même évolution dans la branche emploi : des conditions de plus en plus restrictives

pour pouvoir bénéficier des allocations chômage. L’évolution s’est faite principalement à partir des

années 90. Même si la branche emploi représente un poids relativement faible dans l’ensemble des

prestations sociales, l’évolution qu’a connu cette branche, et donc toutes les réformes qui ont

accompagné la politique de l’emploi, sont tout de même des réformes importantes dans la mesure

où elles sont associées à ce que Rosenvallon appelle la crise philosophique de l’État Providence, en

particulier dans son ouvrage « La nouvelle question sociale », autrement dit associé à la montée de

l’exclusion. La question du chômage ne va plus pouvoir être dissocié de la question de l’exclusion et

de la pauvreté, et cela est relativement nouveau car la question de l’exclusion est une question

relativement nouvelle. Rosenvallon parle de question sociale car ce qui est en jeu est la question de

la cohésion sociale. Cela rappelle la question sociale au XIXème siècle, c'est-à-dire le problème posé

par une société fragmentée que certains représentent comme scindée en 2 au travers des 2 classes.

Ici, ce n’est pas nécessairement ça qui est en jeu, mais plutôt l’apparition d’une frange importante de

la société qui va être exclue. Le chômage est un facteur important d’exclusion, mais n’est pas le seul,

puisque ce qui accompagne la montée du chômage est la montée de la précarisation sur le marché

du travail, ainsi que le phénomène des travailleurs pauvres (phénomène qu’on connaissait aux EU,

qui représente aujourd'hui 2 millions de personnes en France). Le chômage n’est plus la seule cause

de la pauvreté. Certes, on considère ces travailleurs pauvres comme travailleurs statistiquement,

mais la plupart du temps, ils sont en temps partiel ou ont connu au cours de cette période du

chômage. C’est la question de la précarisation du travail. Plus généralement, c’est l’incapacité de cet

État Social à garantir la cohésion sociale et l’intégration de tous dans la société. On voit que la

question n’est vraiment plus du tout la même que la fin des années 70, ce n’est plus seulement un

problème de protection sociale au sens strict, c’est un problème social de société beaucoup plus

général.

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La crise philosophique se manifeste dans les années 90 : c’est un problème lié à un problème

d’intégration dans la société. Il dépasse le cadre strict de la protection sociale avec ses différentes

branches. L’interventionnisme social de l’État va progressivement s’adapter à cette nouvelle question

sociale. L’instauration du RMI constitue très tôt la mise en œuvre d’une mesure qui correspond à ce

développement de l’exclusion. Parallèlement, on va voir une évolution dans les 90’ dans la façon

d’appréhender ce phénomène. Lorsqu’est mis en place en France le RMI, c’est évidemment un

instrument de lutte contre la pauvreté mais dans son esprit, le RMI s’inscrit également dans une

démarche d’intégration sociale puisque le volet insertion dans le RMI impliquait pour les

bénéficiaires du RMI un devoir d’engagement personnel dans une démarche d’insertion, elle était

bien associée à une notion d’intégration sociale puisque cet engagement personnel pouvait se

manifester à la participation à des intérêts généraux, développement d’association… Dans les 90’, la

question de la lute contre l’exclusion va se focaliser exclusivement vers l’insertion par le travail, c'est-

à-dire par une incitation au retour à l’emploi. On passe du walfefare au workfare. On touche au

débat sur les trappes à pauvreté que peuvent créer des mesures inconditionnelles d’aide aux plus

pauvres (l’individu est enfermé de manière durable dans cette situation de pauvreté). Ces

prestations sociales contribuent à créer de telles trappes à pauvreté, ce sont des mesures qui sont

défavorables au retour à l’emploi, désincitent au travail. La politique de lutte contre la pauvreté ne

peut plus être dissociée de la politique de l’emploi. On retrouve aussi un discours qui va mettre

l’accent sur le chômage volontaire. Cette évolution, on l’observe en Angleterre et aux EU : incitation

forte à faire en sorte que les individus sortent du cas de l’assistance via un retour forcé sur le marché

du travail. On a une nouvelle définition de l’aide sociale, elle n’est perçue que comme une période

d’assistance temporaire pour redonner aux bénéficiaires les compétences et capacités qui leur

permettent de retourner sur le marché du travail, mais aussi obligeant à retourner sur le marché du

travail. A la fin des 80’, pas de limite quant à la durée de l’assistance. Cette volonté de faire que le

travail redevienne payant se traduit en France par la substitution du RMI, API et ASS au RSA. Le

remplacement de ces allocations rentre dans cette logique voulant permettre au travail d’être plus

payant que les allocations, ce qui n’était pas systématiquement le cas si on prend l’exemple du RMI.

Anne & L’Horty (2007) ont mené une étude qui montre que même un SMIC à temps complet n’était

pas toujours « rentable » pour les bénéficiaires du RMI ou même de l’API. Autrement dit, pour des

bénéficiaires du RMI, ce n’était pas toujours rentable financièrement en termes de revenu de

prendre un emploi au SMIC à temps complet. Quand on fait la différence entre RMI et SMIC, le SMIC

est plus payant, mais quand on quitte le statut de RMIste, on perd également un ensemble de droits

connexes, c'est-à-dire un ensemble de droits qu’on a que quand on est RMIste (réduction de

transports…). Il y a plusieurs objectifs du RSA, mais parmi ces objectifs, le principal est de faire en

sorte qu’il n’y ait pas ces phénomènes de décrochage entre la situation de RMIste et la situation de

salarié.

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Revenu total

RSA Chapeau

460

RSA socle

0 1200€ Revenu d’activité

Du point de vue de l’esprit, on est bien dans cette logique qui consiste à renforcer les incitations au

travail.

De l’État Providence passif à l’État Providence actif

Pour certains, cette évolution de l’interventionnisme social de l’État caractérise le passage d’un État-

Providence passif à un État-Providence actif, on renforce les incitations au travail, mais d’une

manière qui apparait ici « coercitive » c'est-à-dire qu’il y a certes un volet incitation dans le RSA

chapeau, mais il y a aussi un volet sanction, la probabilité de perdre des allocations va augmenter

lorsqu’on va déceler chez l’individu une certaine réticence à vouloir retourner sur le marché du

travail. Une autre façon d’appréhender ce que serait un État-Providence actif est la nécessité

d’abandonner l’État-Providence passif. Un État-Providence répare uniquement, il n’est pas dans une

logique préventive, c’est l’État des Trente Glorieuses, on est dans un environnement économique

dans lequel les accidents de la vie économique et sociale sont exceptionnels. On est dans une

période de plein emploi. Si par hasard, on perd son emploi, l’État Providence est là pour réparer.

Lorsqu’on a par hasard des revenus insuffisants, là aussi l’État-Providence intervient de manière

passive pour faire face à la situation dégradée de l’individu tout en considérant que cette situation

est exceptionnelle car la croissance est forte.

L’État-Providence actif est un État qui veut agir en amont, et on trouve 2 interprétations possibles :

Mettre en place un système de protection sociale qui diminue la probabilité pour les

individus de se retrouver dans des situations économique et sociale dégradées

Augmenter la probabilité de sortie rapide des systèmes d’assistance.

Quand on fait référence à la flexi-sécurité des pays scandinaves, on a évidemment une conception de

l’État actif qui n’est pas la même que dans les pays anglo-saxons. L’action préventive qui va être

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menée dans les pays scandinaves est de donner tous les moyens pour faire en sorte qu’il soit moins

probable que l’individu connaisse des situations d’exclusion, et qu’il puisse aussi en sortir rapidement

si jamais il se retrouve dans de telles situations. Les objectifs sont les mêmes que ceux qui renvoient

par l’insertion par le travail, mais les modalités et la philosophie ne sont pas les mêmes. Dans les

approches tournées exclusivement par l’insertion par le travail, on est dans des logiques qui vont

pousser l’individu de manière coercitive, quelque soit les conditions même s’il doit en sortir

rapidement, de retourner sur le marché du travail. La flexi-sécurité est différent puisque le volet

sécurité leur permet de leur donner des moyens économiques, sociaux et culturels, pour qu’ils

puissent rester insérer dans la société même lorsqu’ils connaissent des périodes de chômage.