Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

35
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements Chapitre IV Propriétés anticorrosion Etude électrochimique et à haute température 87

Transcript of Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Page 1: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

Chapitre IV Propriétés anticorrosion

Etude électrochimique et à haute température

87

Page 2: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

Comme nous l’avons décrit dans les chapitres qui précèdent, les revêtements étudiés

dans ce travail sont destinés à être employés dans l’industrie de coupe ou de mise en forme

des matériaux, particulièrement dans des secteurs tels que l’usinage, l’emboutissage ou le

moulage. L’outil utilisé dans ces procédés est non seulement soumis à une sollicitation

d’ordre mécanique, mais aussi à des agressions thermiques, liées au frottement inhérent à son

utilisation, ou chimiques, par exemple lors de l’emploi d’un lubrifiant. Un accroissement des

propriétés de résistance à la corrosion électrochimique ou à haute température des dépôts

commercialisés est alors indispensable et leurs études font l’objet de ce chapitre.

Dans une première partie, nous nous proposons de tester les propriétés électrochimiques en

milieu aqueux des différents revêtements déposés. Un modèle de corrosion, expliquant le

processus électrochimique de dégradation des couches sera alors développé sur la base des

résultats expérimentaux.

La seconde partie de ce chapitre est consacrée à l’étude des propriétés réfractaires des

différents revêtements.

IV.1. Résultats des tests électrochimiques

Dans la première partie de ce paragraphe, les résultats des mesures d’électrochimie

sont présentés pour permettre de déterminer quels dépôts sont les plus aptes à protéger le

substrat métallique contre la corrosion dans une solution de NaCl 0,5 M naturellement aérée.

Dans une deuxième partie, nous proposons un modèle original permettant d’interpréter les

résultats et d’expliquer les processus de dégradation observés.

IV.1.1. Revêtements élaborés par évaporation à arc électrique.

Les résultats présentés dans ce paragraphe concernent les revêtements élaborés par le

procédé d’évaporation à arc électrique. Trois types de revêtements ont été testés. Deux

revêtements monocouches de TiN et de CrN, et un revêtement nanostructuré multicouche

d’une période de 40 nm. Comme décrit dans le chapitre 3, ce revêtement possède une couche

externe plus épaisse en nitrure de chrome d’environ 350 nm. La figure IV.1 présente

l’évolution dans le temps du potentiel à l’abandon de chacun des revêtements et du substrat.

88

Page 3: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

0 5 10 15 20 25 30-600

-550

-500

-450

-400

-350

-300

-250

-200

-150

-100

Substrat

TiN

CrN

2D-TiN/CrNpote

ntie

l, m

V/E

CS

temps, h

Fig.IV.1. Evolution des potentiels à l’abandon des revêtements déposés par évaporation à arc électrique.

Quel que soit le revêtement considéré, le potentiel décroît, dès le début de l’immersion, depuis

une valeur noble, pour d’abord se stabiliser à un palier situé entre –300 et –400 mV/ECS,

c’est à dire à une valeur comprise entre le potentiel du substrat (-580 mV/ECS) et celui du

revêtement. Il s’agit donc d’un potentiel mixte (potentiel de couplage galvanique). Après une

durée variable suivant la nature du revêtement, le potentiel chute ensuite brutalement à une

valeur plus faible (-510 mV/ECS) à nouveau située entre le potentiel du substrat et celui du

revêtement. Dans cette deuxième partie de la courbe, les pièces revêtues subissent une

corrosion localisée (piqûres).

Remarque : Le potentiel de corrosion intrinsèque de ces revêtements n’a pas pu être mesuré.

En effet, une telle étude nécessite le dépôt des revêtements sur un substrat inerte tel que du

verre. Les tentatives d’élaboration de ces échantillons ont systématiquement conduit, sous

l’effet du bombardement ionique et du choc thermique, à la destruction des lames de verre

utilisées comme substrat. Comme nous le verrons dans le paragraphe IV.2, le même type de

dépôts par le procédé de pulvérisation cathodique magnétron a été réalisé et a montré que les

revêtements TiN et CrN ont des potentiels de corrosion très nobles (> +200 mV/ECS).

89

Page 4: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

L’observation d’une tension mixte traduit l’existence d’une porosité débouchante que nous

avons quantifiée comme décrit dans la suite de ce paragraphe.

Par ailleurs, la chute de potentiel s’explique par une augmentation de cette porosité

débouchante (écaillage), c’est-à-dire par une augmentation de la surface du substrat en contact

avec l’électrolyte. En effet, dans l’hypothèse où l’acier est uniquement le siège de la réaction

anodique et le revêtement celui de la réaction cathodique nous pouvons écrire qu’au potentiel

de couplage galvanique,

0=×+× oxacieracier

redrevrev iSiS Eq.IV.1

Srev étant la surface du revêtement, Sacier la surface du substrat en contact avec l’électrolyte à

travers les pores du revêtement, la densité de courant cathodique de réduction de

l’oxygène dissous au niveau du revêtement et la densité de courant anodique d’oxydation

du métal à travers les pores du revêtement. De plus,

redrevi

oxacieri

Sacier<<Srev ≈ Stotale Eq.IV.2

donc,

0=×+ oxacier

redrev ipi Eq.IV.3

p étant le taux de porosité

Or, la loi de Bütler-Volmer permet d’écrire l’évolution du courant de réduction avec le

potentiel imposé à l’électrode :

⎟⎟⎠

⎞⎜⎜⎝

⎛−= rev

redo

cOHo i

iEE

0

0/

2

22log1

β Eq.IV.4

βc étant le coefficient de Tafel cathodique.

donc au potentiel mixte, d’après l’équation IV.3,

⎟⎟⎠

⎞⎜⎜⎝

⎛ ×−= rev

oxacier

cOHom i

ipEE

0

0/ log1

22 β Eq.IV.5

Ainsi, une diminution de la tension mixte est observée si la porosité débouchante du

revêtement augmente. La chute de potentiel observée est donc la conséquence d’une

90

Page 5: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

augmentation brusque de la porosité des couches induite vraisemblablement par la piqûration

(figure IV.2). Elle traduit donc le début de la dégradation du revêtement.

Fig.IV.2. Micrographies optiques des revêtements élaborés par évaporation àarcs électriques après 21 heures d’immersion dans NaCl 0,5 M. (a) TiN, (b)CrN, (c) 2D-TiN/CrN. (d) Image MEB en électrons secondaires d’une coupe métallographique autravers d’une piqûre.

Dans ces conditions, le palier peut être utilisé pour étudier le vieillissement des dépôts dans la

solution. Nous pouvons aisément constater que les échantillons revêtus par TiN présentent un

palier de potentiel bien moins long que ceux des pièces revêtues par CrN ou par le

multicouche. TiN a donc une "durée de vie" plus courte.

D’autre part, comme le montre la figure IV.3, les courbes de polarisation des différents

échantillons montrent que les revêtements qui contiennent du nitrure de chrome présentent un

mécanisme de corrosion différent de celui du substrat nu ou revêtu par TiN.

91

Page 6: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

-800 -700 -600 -500 -400 -300 -200 -100 0

-9

-8

-7

-6

-5

-4

-3

-2

2D-TiN/CrN

CrN

TiN

substratlo

g(i),

i en

A/c

potentiel, mV/ECS

Fig.IV.3. Courbes de polarisation des échantillons obtenus par évaporation à arc électrique,tracées à 10 mV/min dans NaCl 0,5 M.

En effet, compte tenu de la différence importante entre le potentiel du substrat (≈ -600

mV/ECS) et celui des différents revêtements ( > +200 mV/ECS), nous pouvons faire

l’hypothèse que le revêtement est uniquement le siège de la réaction cathodique, et le substrat

celui de la réaction anodique. Les branches anodiques traduisent donc la cinétique de

dissolution du fer en fond de pore des revêtements. Il est clair que les branches anodiques des

courbes caractéristiques du substrat nu et revêtu par TiN sont parallèles indiquant un

mécanisme de corrosion identique et la diminution du courant de corrosion observée sur les

échantillons de TiN sur acier est simplement à attribuer au masquage partiel de la surface

métallique par le revêtement.

Pour les deux autres revêtements, en revanche, les branches anodiques sont plus plates,

révélant un mécanisme de corrosion différent de celui du substrat nu. Cet infléchissement des

courbes anodiques est observé, en général, dans le cas d’une passivation.

Plus quantitativement, les mesures de résistance de polarisation (Rp) relevées à différents

instants (1, 6, 11 et 21 heures), présentées à la figure IV.4 montrent que la cinétique de

corrosion est plus lente dans le cas des revêtements contenant du nitrure de chrome.

92

Page 7: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

16

1121

subs

trat Ti

N CrN

2D

0

50

100

150

200

250

300

350

t, h

Rp,

koh

ms

Fig.IV.4. Evolution temporelle de la résistance de polarisationmesurée sur les échantillons d’acier revêtus par évaporation àarc électrique. Surface 0,5 cm².

La résistance de polarisation de l’échantillon revêtu par TiN est initialement élevée (100 kΩ),

après la première heure d’immersion dans l’électrolyte. Les échantillons revêtus par les deux

autres types de dépôts, contenant tous deux du nitrure de chrome, attestent de valeurs de Rp

beaucoup plus grandes et relativement stables dans le temps. Les valeurs encore plus

importantes obtenues pour le dépôt multicouche peuvent s’expliquer par une porosité

débouchante plus faible (tableau IV.1).

Tableau IV.1 : taux de porosité débouchante des revêtements élaborés par évaporation à arc électrique,

mesurées par deux techniques électrochimiques.

Technique de mesure

Chrono-ampérométrie Superposition des courbes de polarisation

TiN 0,3 % 0,2 %

CrN 0,02 % 0.03 %

2D-TiN/CrN 0.008 % 0.006%

La comparaison des taux de porosité avec ceux de la littérature est difficile car les valeurs

sont très variables. A titre d’exemple, voici quelques valeurs des taux de porosité de TiN

publiés : Creus [30] : 47,8 % ; Aromaa et al. [98] :4,9 % ; Tato et Landolt [99] : 0,13 % ;

93

Page 8: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

Chen et al. [100] : 0,035 %. Il apparaît que les valeurs dépendent beaucoup du procédé

d’élaboration et, eu égard aux avancées technologiques dans ce domaine depuis les 20

dernières années, sont beaucoup plus faibles dans les publications les plus récentes.

L’ensemble des ces résultats montrent donc que le nitrure de chrome est bénéfique à la tenue

à la corrosion.

IV.1.2. Revêtements élaborés par pulvérisation cathodique magnétron

Quatre types de revêtements élaborés par pulvérisation cathodique magnétron ont été

testés : deux revêtements monocouches TiN et CrN, un dépôt nanocomposite TiBN et un

dépôt à structure multicouche TiN/CrN de 4 nm de période. Hormis les pièces revêtues par

TiN qui sont soumises à une attaque sévère puis à un écaillage massif dès le début de

l’immersion, l’évolution du potentiel libre de chaque échantillon est similaire à celle

précédemment décrite (Figure IV.5). Cependant, les durées des paliers obtenus avec le

revêtement multicouche sont très variables. Deux lots d’échantillons se distinguent. Un

premier dont la durée du palier est courte, que nous nommerons 2D_1, et un second qui

présente un palier plus long, nommé 2D_2.

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20

-550

-500

-450

-400

-350

-300

CrN

Substrate

TiN TiBN

2D_1

2D_2

Pot

entie

l, m

V/E

CS

Temps, h

Fig.IV.5. Evolution des potentiels à l’abandon des revêtements déposés par pulvérisation cathodique magnétron.

94

Page 9: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

Chacun de ces lots correspond en fait à deux séries d’élaborations distinctes et réalisées dans

les mêmes conditions. En effet, le réacteur de dépôt utilisé a une capacité limitée, si bien que

pour traiter une grande quantité de pièces, plusieurs charges sont nécessaires. Comme

précédemment, les revêtements qui ont un palier de longue durée contiennent du nitrure de

chrome. De même l’évolution des résistances de polarisation (Figure IV.6) souligne, à

nouveau, la meilleure tenue à la corrosion des pièces contenant CrN (revêtement CrN

monocouche ou 2D_2).

16

1121

subs

trat

TiB

N TiN

2D_1 C

rN 2D_20

50100150200250300350400450

t,h

Rp,

koh

ms

Fig.IV.6. Evolution temporelle de la résistance depolarisation, mesurée sur les échantillons d’acierrevêtus obtenus par pulvérisation cathodiquemagnétron. Surface 0,5 cm².

Les tracés voltampérométriques (figure VI.7) soulignent la similitude de comportement entre

TiN et TiBN et laissent apparaître un assez mauvais comportement avec le temps en milieu

agressif, leur interdisant toute utilisation durable. D’autre part, l’allure des courbes anodiques

révèle que le comportement électrochimique des dépôts multicouches 2D_1 et 2D_2

s’apparente respectivement aux revêtements TiN et CrN.

95

Page 10: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

-800 -700 -600 -500 -400 -300 -200 -100

-9

-8

-7

-6

-5

-4

-3

-2

CrN 2D-2

2D-1

TiBN

Substrat

TiN

log(

i), i

en A

/cm

²

potentiel, mV/sce

Fig.IV.7. Courbes de polarisation des échantillons obtenus par pulvérisation cathodiquemagnétron, tracées à 10 mV/min dans NaCl 0,5 M.

Pour tenter d’élucider les comportements différents du revêtement multicouche, une analyse

par spectrométrie de masse de la surface de chacun des lots 2D_1 et 2D_2 a été entreprise

(Figure IV.8).

0 100 200 300 400 500 600106

107

108

109

Cr

Nom

bre

de c

oups

, u.a

.

Temps, s

0 100 200 300 400 500 600106

107

108

109a

TiTi

b Cr

Nom

bre

de c

oups

, u.a

.

Temps, s

Fig.IV.8. Analyse SIMS de la surface d’un échantillon multicouche type 2D_1 (a) et 2D_2 (b).

96

Page 11: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

Il apparaît que les échantillons 2D_1 ont une couche externe en TiN, puisque la détection du

titane est plus intense que celle du chrome au début du test, tandis que le dépôt 2D_2 a une

couche externe en CrN. Ainsi la signature électrochimique de TiN pour le revêtement 2D_1 et

celle de CrN pour 2D_2 est expliquée par la nature différente de la surface en contact avec

l’électrolyte, constituée respectivement de TiN et de CrN.

Il semble donc que le comportement électrochimique des revêtements multicouches soit

principalement influencé par la couche externe en contact avec l’électrolyte. Ce constat est en

outre confirmé pour les revêtements stratifiés déposés par évaporation à arc, pour lesquels les

propriété électrochimiques (longue durée du palier, Rp élevées, infléchissement de la branche

anodique des courbes de polarisation) sont attribuables à la couche externe en CrN

IV.2. Interprétations des résultats – Proposition d’un mécanisme de corrosion

La figure IV.9 présente l’évolution de la résistance de polarisation après une heure

d’immersion en fonction de la porosité débouchante, tous procédés d’élaboration confondus.

0,0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,80

50

100

150

200

250

300

350

400

450

Rés

ista

nce

de p

olar

isat

ion,

porosité débouchante,%

Fig.IV.9. Evolution de la résistance de polarisation des différents revêtements(évaporation à arc et pulvérisation cathodique) après une heure d’immersion dans NaCl0,5 M en fonction de la porosité débouchante moyenne.

97

Page 12: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

Globalement, les revêtements qui ont les résistances de polarisation les plus élevées sont ceux

qui sont les moins poreux. Cependant, cette règle souffre de quelques exceptions, puisque

pour des porosités du même ordre de grandeur, des variations importantes de Rp peuvent être

parfois observées. Si la porosité débouchante joue un rôle indéniable dans le mécanisme de

corrosion, comme cela paraissait vraisemblable compte tenu du caractère cathodique des

revêtements, celle-ci n’est donc a priori pas le seul paramètre influent. Afin de déterminer

d’éventuels autres facteurs clés, une étude électrochimique intrinsèque des revêtements a été

entreprise.

IV.2.1. Etude électrochimique des revêtements TiN et CrN déposés sur substrat inerte

Pour déterminer les caractéristiques électrochimiques intrinsèques des revêtements,

TiN et CrN ont été déposés sur lame de verre par pulvérisation cathodique magnétron, pour

s’affranchir du couplage galvanique existant entre le substrat et les dépôts. Comme expliqué

dans le paragraphe IV.1.1, de tels échantillons n’ont pas pu être obtenus par évaporation à arc,

procédé trop énergétique, les essais réalisés ayant conduit à un éclatement de la lame de verre

consécutif au bombardement ionique ou au choc thermique. La figure IV.10 présente

l’évolution des potentiels à l’abandon en fonction de la durée d’immersion.

0 5 10 15 20-200

-150

-100

-50

0

50

100

150

200

250

CrN/verre

TiN/verre

E, m

V/E

CS

temps, h

Fig.IV.10. Evolution temporelle du potentiel libre des revêtements TiN et CrN déposéssur lame de verre par pulvérisation cathodique et immergés dans NaCl 0,5 M.

98

Page 13: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

Pour les deux revêtements, l’évolution peut être divisée en trois étapes :

- Phase 1 : une chute initiale du potentiel est observée pendant la première heure

d’immersion,

- Phase 2 : le potentiel augmente rapidement jusqu’à des valeurs très nobles,

- Phase 3 : le potentiel se stabilise et tend de manière asymptotique vers une

valeur d’équilibre.

Cette évolution particulière a déjà été observée dans le cas des aciers inoxydables [101] et

serait liée à un phénomène de passivation. Selon l’auteur, la phase 1 correspondrait alors à

l’hydratation initiale du film passif formé à l’air. Les phases 2 et 3 sont connues pour être

relatives à sa croissance respectivement en champ fort puis faible. En effet, la croissance d’un

film passif sur acier inoxydable est contrôlée par la migration des cations métalliques de

l’acier vers la solution. Au début de sa croissance, le champ électrique qui s’établit dans le

film est très important (de l’ordre de 108 V/m ! [102]) : c’est la croissance du film en champ

fort. Lorsque le film est plus épais, le champ électrique diminue et la croissance du film

ralentit progressivement : c’est la croissance en champ faible.

Cette analogie avec les aciers inoxydables tend à montrer que TiN et CrN seraient des

matériaux passivables. Pour s’en convaincre, des expériences de voltamétrie cyclique ont été

menées sur TiN (figure VI.11).

-400 -200 0 200 400 600 800 1000 12001E-4

1E-3

0,01

0,1

1

10

Log(

i), i

en µ

A/c

potentiel, mV/ECS

Fig.IV.11. Courbe de voltamétrie cyclique de TiN déposé sur verre parpulvérisation cathodique magnétron et tracée à 10 mV/min.

99

Page 14: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

Il apparaît d’une part, un anoblissement de la surface lors du tracé dans le sens anodique et,

d’autre part, une chute du potentiel de corrosion pendant le balayage retour (sens cathodique).

Cette variation du potentiel de corrosion est probablement liée à la modification de l’état

physique de surface par la polarisation. La ″passivabilité″ de TiN semble donc avérée.

Dans la suite de ce chapitre, nous rendons compte de la détermination de la nature chimique

des couches passives formées sur TiN et CrN, ainsi qu’à l’explication de leur influence sur les

réactions électrochimiques. L’épaisseur d’une couche passive étant de l’ordre de quelques

nanomètres, nous avons eu recours à la spectroscopie de photoélectrons X (XPS), capable non

seulement de déterminer la nature des atomes, mais aussi de connaître leur environnement

chimique.

IV.2.2 Détermination de la nature des oxydes formés

Cas du nitrure de titane :

Deux échantillons de TiN ont été testés, l’un, brut d’élaboration, l’autre porté pendant 1 heure

à un potentiel anodique de +250 mV/ECS dans la solution électrolytique (polarisation utilisée

pour la caractérisation des films passifs). Les spectres N1s et O1s et Ti2p sont donnés à la

figure IV.12.

100

Page 15: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

N1s

526 527528 529 530 531 532 533 534 535536

Energie de liaison (eV)

0

TiN-témoin

TiO

2

TiN

xOy

C-O

CN

TiN

xOy

TiN

0

TiN-Témoin

TiN-oxydé 1h

a

Energie de liaison (eV)

403 402 401 400 399 398 397 396 395 394 393 392

b

TiN-oxydé-1h

TiN-témoin

c

467 466 465 464 463 462 461 460 459 458 457 456 455 454 453

Ti2p

TiN

xOy

TiN

TiO

2

Fig.IV.12. Spectres XPS des liaisons O1s (a),N1s (b) et Ti2p (c) réalisés sur TiN passivé etTiN vieilli à l’air (témoin)

Energie de liaison (eV)

Le spectre O1s déterminé à partir de l’échantillon de TiN passivé montre, une fois déconvolué,

3 pics, dont deux sont attribuables à TiO2 et aux liaisons C-O représentatives d’une inévitable

contamination organique [103,104]. La nature du troisième pic est plus floue, attribuée selon

divers auteurs à un composé ternaire TiNxOy [105-108].

101

Page 16: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

La présence de ce composé, associé à TiO2 est en outre confirmée par les spectres N1s et Ti2p

[105,107,108].

Remarque : à notre sens, le pic C-N serait dû à une contamination d’origine organique, mais

certains auteurs, sans réellement le démontrer, l’attribueraient à de l’azote adsorbé, libéré

par l’oxydation de TiN en TiO2 [106,107,110,111].

Lors de la polarisation anodique, la hauteur relative du pic TiO2 (529,5 eV) décroît au

bénéfice du composé ternaire, ce qui laisse à penser que l’oxydation favorise la croissance du

composé oxynitrure de titane aux vertus passivantes. Ainsi, la structure triplex suivante du

film passif formé sur TiN peut être envisagée : TiN/TiNxOy/TiO2.

102

Page 17: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

Cas du nitrure de chrome :

524525526527 528 529 530 531 532 533 534 535 Energie de liaison (eV)

CrN-oxydé 1h

CrN-témoin

386388390392394 396 398 400402404

Energie de liaison (eV)

CrN-oxydé 1h

CrN-témoin

406

N1sO1s

c Cr2p

CrN-témoin

Fig.IV.13. Spectres XPS des liaisons O1s(a), N1s (b) et Ti2p (c) réalisés sur CrNpassivé et CrN vieilli à l’air (témoin)

3

575 585

CrN-oxydé 1h

Cr

CrN

C

r 2O

Cr(

OH

) 3

590 580 570

CN

CrN

C-O

Cr .(

OH

) 3

Cr 2

O3

a b

565

Energie de liaison (eV)

Comme pour TiN deux échantillons de nitrure de chrome ont été analysés : le premier brut

d’élaboration (échantillon témoin) et le second ayant subi une oxydation anodique à +250

mV/ECS pendant une heure.

103

Page 18: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

Trois pics identifiés comme caractéristiques des composés Cr2O3, Cr(OH)3 et d’une

contamination (liaisons C-O) [103,105,111] apparaissent sur le spectre O1s des deux

échantillons CrN. La couche passive formée spontanément sur CrN est majoritairement

composée d’hydroxyde de chrome tandis que ″ l’anodisation ″ favorise la croissance de Cr2O3

(figure IV.13a).

L’indexation des spectres Cr2p conduit à la même nature des composés. De plus, elle montre

la présence de chrome métallique en surface du dépôt [103]. Sa présence est probablement

due au procédé de pulvérisation cathodique, technique de dépôt avec laquelle il est difficile

d’élaborer un nitrure de chrome parfaitement stoechiométrique.

Ainsi, une structure du film passif formé sur CrN similaire à celle obtenue sur acier

inoxydable peut être proposée (CrN,Cr/Cr2O3/Cr(OH)3) et les mêmes mécanismes de

formation peuvent être postulés [113,114].

IV.2.3 Etudes des propriétés semi-conductrices des films passifs formés.

La structure de l’interface électrode / électrolyte dans le cas d’un métal et d’un

semiconducteur est radicalement différente et sera exposée en première partie. En second lieu,

le caractère semiconducteur des films passifs présents à la surface des différents revêtements

étudiés sera démontré.

IV.2.3.1. Electrochimie du semi-conducteur.

La présentation de l’électrochimie du semi-conducteur qui va suivre restera très succincte.

Seuls les éléments utiles à la compréhension des mécanismes qui seront développés dans le

paragraphe IV.2.3.2 sont détaillés. Pour une description plus complète, le lecteur pourra se

reporter aux références [115,116].

Différence entre une interface métal / électrolyte et semi-conducteur / électrolyte.

L’électrode métallique est considérée, suivant les conditions de polarisation, comme

un puits ou une source parfaite d’électrons, si bien que la charge superficielle de l’électrode se

trouve confinée dans une épaisseur beaucoup plus petite que l’épaisseur de la couche

d’Helmoltz (Figure IV.14.a). La différence de potentiel qui s’instaure entre l’électrode et

104

Page 19: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

l’électrolyte s’établit dans ce cas presque exclusivement dans la solution, dans la double

couche électrochimique.

b a

potentiel

ELECTRODE METALLIQUE

ELECTRODE ELECTROLYTE ELECTROLYTE

∆ϕ ∆ϕ

Région de charge d’espace

Couche d’Helmoltz

Couche de Gouy-Chapman

potentiel

SEMICONDUCTRICE

Fig.IV.14. Représentation schématique de l’interface métal / électrolyte (a) et semi-conducteur /électrolyte (b).

Dans le cas d’un semi-conducteur, le nombre de porteurs de charges est beaucoup plus faible

et la charge au sein du matériau se répartit sur une épaisseur non négligeable, typiquement de

quelques dizaines d’Angströms : c’est la région de charge d’espace. La quasi-totalité de la

différence de potentiel s’établit cette fois dans l’électrode. Comme pour la double couche

électrochimique, la région de charge d’espace est assimilable à une capacité que l’on nomme

capacité de charge d’espace.

Conduction électrique des semi-conducteurs - Echange des électrons avec l’électrolyte.

La différence de potentiel, qui s’établit dans un semi-conducteur en contact avec un

électrolyte conduit à une courbure des bandes énergétique de conduction et de valence. Trois

situations sont alors possibles :

- L’équilibre électrochimique est tel qu’aucune différence de potentiel ne

s’établit entre l’électrode et la solution, ou bien l’électrode est polarisée de

105

Page 20: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

manière à ce que cette différence soit nulle: les bandes sont plates (figure

IV.15.a). Le potentiel pour lequel cette situation est observée est nommé

potentiel de bande plate (Vbp).

- Pour un semi-conducteur de type-n (resp. type-p), l’électrode est polarisée

anodiquement (resp. cathodiquement) (figure IV.15.b). Les porteurs

majoritaires (électrons pour un semi-conducteur de type-n et trous pour un

type-p) sont transférés profondément dans l’électrode et ne peuvent participer

aux réactions électrochimiques. Le semi-conducteur est dit alors en situation

d’appauvrissement.

- Pour un semi-conducteur de type-n (resp. type-p), l’électrode est polarisée

cathodiquement (resp. anodiquement) (figure IV.15.c). Les porteurs

majoritaires s’accumulent cette fois à la surface de l’électrode. L’établissement

d’un courant entre l’électrode et l’électrolyte est possible. Les éventuelles

réactions électrochimiques sont possibles. Le semi-conducteur est dit alors en

situation d’accumulation.

Dans tous les cas, la différence entre l’énergie des bords des bandes de conduction ou de

valence (Ecs et Evs) et celle des bandes au sein du matériau (Ec et Ev) est appelée courbure de

bandes.

106

Page 21: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

Bande de conduction

Bande de valence

Energie

potentiel

ELECTROLYTE

ELECTRODE

potentiel

Energie

Ev

Ec ---

Bande de conduction

Bande de valence

Energie

potentiel

Ecs

Evs

--

Transfert d’électronsim

possible

courbure de bandes

Ev

Ec

Bande de conduction

Bande de valence

Ecs

Evs

- - -

- -

Transfert d’électronspossible

-

cb a

Fig.IV.15. Situations énergétiques possibles d’un semi-conducteur de type-n. Situation de bandes-plates (a) ; Situationd’appauvrissement (b) ; situation d’accumulation (c).

La situation d’appauvrissement interfaciale (Figure IV.15.b) est très utile pour caractériser la

nature d’un semi-conducteur (type-n ou type-p). En effet, dans une telle configuration de

charge, la capacité d’interface C vérifie la relation de Mott-Schottky :

)(211

00022 e

kTVVNeCC bp

dc

−−+=εε

Eq.IV.6

Cdc étant la capacité de double couche, ε la constante diélectrique du milieu d’étude, ε0 la

permittivité du vide, N le taux de dopage, e0 la charge de l’électron, k la constante de

Boltzman, T la température, Vbp le potentiel de bande plate et V le potentiel appliqué à

l’électrode. V-Vbp représente la courbure des bandes du semiconducteur et le tracé de 1/C² en

fonction du potentiel appliqué conduira donc à une droite de pente positive pour un semi-

conducteur de type-n et négative pour un de type-p.

107

Page 22: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

IV.2.3.2. Caractérisation des revêtements TiN et CrN passivés

La figure IV.16 présente les tracés de Mott-Schottky obtenus à partir d’échantillons de

nitrure de titane ou de chrome, déposés par pulvérisation cathodique magnétron sur lame de

verre et polarisés anodiquement pendant une heure à +250 mV/ECS .

-600 -400 -200 0 200 400 6000,0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0

3,5

4,0

4,5

5,0

1/C

², x1

0-8 F

-4.c

m2

E, mV/ECS

-200 0 200 400 6000,0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0

3,5

1/C

², x1

0-8 F

-4.c

m2

E, mV/ECS

b

a

Fig.IV.16. Evolution de la capacité d’interface en représentation de Mott-Schottky pour TiN (a) et CrN(b) déposés sur verre par pulvérisation cathodique magnétron et oxydés pendant 1 heure à +250 mV/ECSdans NaCl 0,5M.

108

Page 23: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

Dans les deux cas, les courbes présentent une partie linéaire sur un large domaine de potentiel

(environ 300 mV). La droite relative à TiN passivé (figure IV.16a) montre une pente positive

et met donc en évidence le comportement semi-conducteur de type-n de l’oxyde formé.

Inversement, la pente négative (figure IV.16b) de la droite relative à CrN passivé montre le

caractère semi-conducteur de type-p de son film passif.

IV.2.4. Discussion : cas des revêtements déposés sur acier – Mécanisme de corrosion

proposé.

Comme nous l’avons vu dans le paragraphe IV.2.1, quel que soit le revêtement considéré, son

potentiel de corrosion intrinsèque est très noble, de l’ordre de +200 mV/ECS. De plus, lorsque

ces revêtements sont déposés sur l’acier, et immergés dans une solution de NaCl 0,5 M, un

équilibre s’établit au voisinage de –400, –500 mV/ECS (figure IV.5). Chaque revêtement est

donc polarisé cathodiquement par rapport à son potentiel de corrosion. Or, d’après Sato [116],

le courant issu d’une surtension η appliquée à un semi conducteur de type-n ou p s’écrit :

pour un type-n : ))exp(1.(0

kTeii nnη−−= Eq.IV.7

pour un type-p : )1).(exp(0 −=kTeii ppη Eq.IV. 8.

En conséquence, lors d’une forte surtension cathodique, le courant qui s’établit dans un semi-

conducteur se simplifie en première approximation :

pour un type-n : )exp(.0

kTeii nnη−= Eq.IV.9

pour un type-p : Eq.IV.10. 0pp ii =

in0 (resp. ip

0) étant le courant d’échange (ou courant de corrosion) du semi-conducteur de type-

n (resp. type-p) et η la surtension appliquée. La figure IV.17 représente schématiquement le

processus de corrosion qui a lieu dans le cas d’un acier revêtu par un matériau plus noble. La

réaction cathodique de réduction de l’oxygène dissous a lieu au niveau du revêtement tandis

que la réaction anodique de dissolution de l’acier se déroule en fond de pores.

109

Page 24: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

Fe

Fe2+

O2OH-

Fig.IV.17. Représentation schématique du processus decorrosion ayant lieu dans le cas d’un acier recouvert d’unrevêtement cathodique en solution aérée.

Ces deux demi-réactions électrochimiques donnent lieu, à l’équilibre, à un courant égal pour

chacune d’elles, les électrons produits par l’oxydation du fer étant consommés par la réaction

de réduction de l’oxygène. Or, comme décrit précédemment, au potentiel d’équilibre de

l’ensemble, le revêtement est polarisé cathodiquement. En supposant que les deux

revêtements TiN et CrN se passivent comme lorsqu’ils sont déposés sur verre, un fort courant

cathodique peut s’établir sur le revêtement de TiN puisque le courant cathodique évolue

exponentiellement avec la surtension dans le cas d’un semi-conducteur de type-n. En

conséquence, la réaction d’oxydation du fer en fond de pores est rapide. Inversement, avec

CrN (semiconducteur de type-p), le courant cathodique est limité et donc le courant de

dissolution du fer aussi.

Ainsi, ce sont les propriétés semi-conductrices de l’oxyde formé sur le revêtement de nitrure

de chrome qui seraient à l’origine de la très bonne protection qu’il confère à l’acier. La

couche passive qui se forme sur le nitrure de chrome ralentit la cinétique de corrosion par

limitation du courant cathodique.

Ce modèle montre que dans le cas des revêtements multicouches, une optimisation de la

résistance à la corrosion sera obtenue pour une couche CrN en contact avec l’électrolyte. Les

deux comportements contraires observés avec les revêtements multicouches élaborés par

pulvérisation cathodique ayant des couches externes différentes, confirment ce modèle.

L’exceptionnelle résistance à la corrosion dénotée par les revêtements multicouches trouve

donc deux origines : la première repose sur une limitation par le caractère semiconducteur de

type-p du nitrure de chrome en couche externe. L’autre est basée sur une meilleure

110

Page 25: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

″densification″ du dépôt lors de l’édification des différentes strates, au point d’aboutir à un

taux de porosité infime.

Si l’évaluation de l’aptitude des dépôts 2D et 3D à protéger le substrat contre la corrosion

aqueuse est intéressante pour déterminer leurs potentialités d’utilisation dans des applications

anticorrosion, c’est le plus souvent une haute résistance à l’oxydation que doivent présenter

ces dépôts lorsqu’ils sont dévolus à l’industrie mécanique. La résistance à la corrosion sèche

des pièces revêtues est donc une caractéristique cruciale qu’il convient d’optimiser. De

surcroît, les recommandations environnementales actuelles imposent le recours minimum aux

fluides de coupe, rendant encore plus fondamentale une bonne résistance thermique. Dans ces

conditions, le frottement induit un échauffement considérable sur les arêtes des outils dont la

température peut facilement excéder 500°C. L’objet de la partie qui va suivre est donc

d’évaluer la tenue à la corrosion sèche des revêtements PVD étudiés.

IV.3. Résistance à l’oxydation haute température

Certains des résultats présentés dans cette partie sont le fruit des travaux de J.VERRAT,

étudiant à l’INSA de Lyon, dans le cadre de son projet de fin d’étude.

IV.3.1 Etude qualitative – Détermination des produits d’oxydation

Comme décrit dans le chapitre II, dans le but de déterminer la nature des produits de

corrosion formés sur chaque pièce, un maintien isotherme à 700 °C pendant 24 h a été réalisé

suivi d’observations microscopiques et d’une analyse par diffraction des rayons X (DRX). Les

différents diffractogrammes obtenus sont présentés en annexe.

IV.3.1.1. Substrat

L’oxydation du substrat conduit à la formation d’une couche grise craquelée continue

parcourue d’un réseau de ″pustules″ en surface (Figure IV.18a). La DRX révèle la présence

d’hématite Fe2O3, et de magnétite Fe3O4. A un grandissement plus important (Figures IV.18b

et c), des aiguilles de carbure de tungstène apparaissent qui subsistent non oxydées compte

tenu des bonnes propriétés réfractaires de ce matériau. L’observation d’une ″pustule″ en

coupe transversale (Figure IV.18d) met en évidence la structure duplex de l’oxyde formé par

111

Page 26: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

une couche externe de Fe2O3 d’environ 9 µm d’épaisseur puis par une couche plus fine (2

µm) d’oxyde Fe3O4.

Fe2O3

Fe3O4

d c

b a

Fig.IV.18 Couche d’oxyde formé sur le substrat après un maintien de 24 h à 700 °C. Surface(a,b,c) et coupe transversale (d).

IV.3.1.2. Revêtements à base de nitrure de titane : TiN, TiBN.

Quel que soit le procédé d’élaboration, le nitrure de titane s’oxyde en TiO2 rutile. Un

grand nombre de micro-cratères centrés sur un pore sont présents en surface (figures IV.19a à

c). L’analyse par diffraction des rayons X identifie, dans la couche d’oxyde, non seulement

TiO2, mais aussi l’hématite Fe2O3. Par ailleurs, une microanalyse EDX réalisée au centre

d’une ″pustule″ (figure IV.19d) révèle la présence massive de fer tandis qu’une autre, plus

éloignée et hors du micro-cratère, montre la prédominance de titane (figure IV.19.e). Ainsi, le

substrat aurait donc été oxydé au niveau d’un pore débouchant du dépôt puis le fer nécessaire

à la formation de l’hématite aurait été ″pompé″ pour se répandre sur le rutile environnant.

Cette analyse qualitative montre encore, comme dans le cas de la corrosion aqueuse,

toute l’importance de la notion de porosité débouchante sur la durabilité de la pièce. Une

coupe d’un échantillon de nitrure de titane après 9 heures d’oxydation montre un écaillage de

la couche d’oxyde (figure IV.19f). Des fissures transversales de l’oxyde et une décohésion à

112

Page 27: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

l’interface oxyde/revêtement sont constatées. Un comportement similaire de TiBN a été

observé avec cependant un nombre moins important de cratères, très probablement à corréler

avec son plus faible taux de porosité débouchante.

b 50 µm

Oxyde de titane

Oxyde de fer

50 µm a

5 µm

TiN TiO2

20 µm

c

f

2

1

e

d

Fig.IV.19. Oxyde formé sur TiN après maintien isotherme 9h à 700 °C. Observation de la surfaceen mode électrons secondaires (a) et rétrodiffusés (b). Agrandissement d’un pore (c).Microanalyse EDX ponctuelle des points 1 (d) et 2 (e). Coupe transversale (f).

113

Page 28: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

IV.3.1.3. Revêtements à base de nitrure de chrome : CrN, 2D-TiN/CrN.

Après le maintien isotherme, une couche d’oxyde bleutée apparaît en surface des

revêtements monocouches de CrN. L’analyse par diffraction des rayons X révèle la présence

de Cr2O3, mais l’observation de la couche par microscopie à balayage est rendue difficile par

son épaisseur fine, sub-micronique. Le revêtement est très peu oxydé. Le dépôt multicouche

TiN/CrN, issu de l’évaporation, présente un comportement similaire, ce qui peut être

rapproché du fait que sa couche externe est constituée de 350 nm de nitrure de chrome. La

chromine formée en surface semble donc agir comme une barrière cinétique limitant

l’oxydation ultérieure du matériau.

IV.3.2. Etude Cinétique

IV.3.2.1. Etude isotherme thermogravimétrique – Aspect quantitatif.

Les essais présentés dans cette partie consistent à suivre l’évolution de la masse des

échantillons soumis, après une phase de mise en température d’une demi-heure, à un maintien

isotherme à 700 °C pendant 9 heures. Les courbes de prise de masse en fonction du temps

(figure IV.20) montrent que la cinétique d’oxydation de tous les revêtements, exceptée celle

de TiN déposé par évaporation, suit une loi parabolique, caractéristique d’une limitation du

phénomène par diffusion. TiN évaporé présente une évolution temporelle plus complexe qui

peut être décomposée en trois phases :

- Une phase parabolique, pendant les trois premières heures, similaire à celle

observée pour les autres pièces.

- Une phase de transition, entre 3,5 et 4,5 heures, pour laquelle la vitesse

d’oxydation augmente très sensiblement.

- Une dernière phase où la prise de masse augmente continûment suivant un profil

linéaire (oxydation ″catastrophique″).

Ce profil particulier s’explique, dans la littérature, par la formation d’un oxyde duplex

composé d’une couche compacte en contact de TiN, se décomposant progressivement, à partir

d’une épaisseur critique, en une couche poreuse (modèle de Haycock-Loriers [117]).

En traçant dans chaque cas l’évolution de la prise de masse en fonction de la racine carrée du

temps (Figure IV.21), il est possible d’atteindre les constantes de vitesse d’oxydation de

chaque dépôt, constantes correspondant à la pente de la droite obtenue. Les valeurs extraites

114

Page 29: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

sont consignées dans le tableau IV.2. Compte tenu de la présence d’un oxyde poreux sur TiN

déposé par évaporation, la prise de masse finale mesurée sur ces échantillons n’est pas

significative puisqu’elle n’est liée qu’à une modification de la surface spécifique de l’oxyde

par formation de pores. Aucune grandeur n’est donc donnée dans le tableau IV.2 pour ce

dépôt.

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 100,0

0,1

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

0,7

0,8

TiBN

CrN

substrat

TiN

pris

e de

mas

se, m

g/cm

²

temps, h

b

Fig.IV.20. Evolution temporelle de l’oxydation isotherme à 700 °C des différents revêtements étudiés - Echantillonsélaborés par évaporation à arc (a) et par pulvérisation cathodique magnétron (b).

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 100,0

0,1

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

0,7

0,8

Transition cinétique

CrN

2D

Substrat

TiN

pris

e de

mas

se, m

g/cm

²

temps, h

6 8 10 12 14 16 18 20 22 240,0

0,1

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

0,7

0,8

CrN-e

CrN-ms

2D-e

TiBN

TiN-ms

substrat

TiN-e

Pri

se d

e m

asse

mg/

cm²

racine , mn1/2 du temps√t, min1/2

a

Tableau IV.2 : constantes de vitesse et prises de masse totales des revêtements après maintien isotherme à 7°C pendant 9h.

00

-e : élaboration par évaporation à arc -ms : élaboration par pulvérisation cathodique.

Constante de vitesse,

mg.cm².min-1/2

Prise de masse finale, mg/cm²

Substrat 0,018 0,55

TiN-e 0,014 -

TiN-ms 0,023 0,55

CrN-e 0,0013 0,12

CrN-ms 0,0029 0,15

TiBN 0,019 0,47

2D-e 0,0018 0,19

Fig.IV.21. Evolution, en fonction de √t, de la prise demasse des revêtements lors d’un maintien isotherme à700 °C pendant 9h.

115

Page 30: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

La valeur de vitesse d’oxydation caractéristique de TiN élaboré par évaporation a été calculée

en utilisant la partie linéaire du profil correspondant, avant l’accélération de l’oxydation (entre

6 et 15 min1/2).

Deux groupes d’échantillons se distinguent radicalement : les revêtements à base de TiN et

ceux à base de CrN, ces derniers présentant une constante cinétique d’une décade inférieure.

Concernant les dépôts nanostructurés, une légère amélioration du comportement à l’oxydation

apparaît pour TiBN par rapport à TiN, tandis que le revêtement multicouche TiN/CrN

présente de bonnes caractéristiques, similaires à celles de CrN monocouche. Sachant que ce

dernier dépôt est caractérisé par une couche externe de CrN, et compte tenu de l’importance

que celle-ci revêt en corrosion humide, des essais isothermes complémentaires menés sur des

revêtements stratifiés à dernière couche différente, ont été entrepris. Ainsi, le comportement

des monocouches ″témoins″ a été comparé à celui des dépôts multicouches TiN/CrN en

présence ou non d’une couche externe épaisse de CrN ou de TiN. Les résultats apparaissent

figure IV.22 et dans le tableau IV.3.

6 9 12 15 18 21 240,0

0,1

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

CrN

2D sans ext

2D + CrN

2D + TiN

TiN

pris

e de

mas

se, m

g.cm

-2

racine du temps, min1/2

Fig.IV.22. Evolution de la prise de masse, en fonctionde √t, des dépôts élaborés par évaporation, lors d’unmaintien isotherme à 700 °C pendant 9h. Influence dela couche externe. 2D+TiN : dépôt 2D avec couche externe en TiN 2D+CrN : dépôt 2D avec couche externe en CrN 2D sans ext : dépôt 2D sans couche externe plusépaisse.

Constante de vitesse,

mg.cm².min-1/2

Prise de masse finale,

mg/cm TiN-e 0,014 -

CrN-e 0,0013 0,12

2D + CrN-e 0,0018 0,19

2D + TiN-e k 10,018

k 20,0022

0,26

2D-e sans couche externe

? 0,2

Tableau IV.3 : constantes de vitesse et prises de masse totales des revêtements après maintien isotherme à 7°C pendant 9h.

00

√t, min1/2

Les essais de maintien isotherme des revêtements multicouches possédant une couche externe

en nitrure de titane (épaisseur 500 nm) permettent de distinguer deux cinétiques successives

d’oxydation. En effet, la courbe d’évolution de la prise de masse avec √t de ce dépôt (figure

116

Page 31: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

IV.22) montre deux parties linéaires, parallèles dans un premier temps à TiN monocouche

(entre 5 et 7 min1/2) puis à CrN (au delà de12 min1/2). D’un point de vue quantitatif, les deux

valeurs de constantes cinétiques extraites de cette courbe (respectivement k1 et k2 dans le

tableau IV.3) sont du même ordre de grandeur que la constante de vitesse du nitrure de titane

et du nitrure de chrome monocouches. Une coupe métallographique de ce revêtement après

maintien à 700 °C (figure IV.23) indique que l’oxydation n’a concerné qu’une épaisseur de

l’ordre de 500 nm (figure IV.23a) et qu’une décohésion de la couche oxydée apparaît

localement (figure IV.23b).

5 µm

Perte d’adhérence de la couche oxydée

Couche oxydée

b a 10 µm

Fig.IV.23. Coupe métallographique d’un échantillon multicouche de couche externe en nitrure de titane (500 nm),après un maintien de 9 heures à 700 °C.

Il semble donc que seule la couche externe en nitrure de titane soit oxydée. La présence d’une

couche externe en nitrure de titane a donc peu d’influence sur la cinétique d’oxydation. Ainsi,

lors de l’échauffement, le nitrure de titane présent en surface s’oxyde totalement, puis

l’attaque est alors vraisemblablement bloquée par la couche de nitrure de chrome sous-

jacente, chromine formeuse, qui ralentit considérablement l’avancée du front d’oxydation.

Ainsi, la présence en couche externe de TiN, pourtant sujette à une oxydation rapide, n’est

elle pas extrêmement défavorable si elle recouvre une couche de CrN.

Considérons maintenant le revêtement multicouche sans sur-couche externe. La courbe

obtenue (figure IV.22) ne présente aucune partie linéaire évidente et évolue plutôt de manière

″chaotique″ entre la courbe caractéristique du multicouche avec une couche externe de nitrure

de chrome et celle du dépôt, de même structure, avec une couche externe de nitrure de titane.

117

Page 32: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

Les variations de masse, tantôt croissantes, puis décroissantes, militent en faveur d’une

hétérogénéité de la nature chimique biphasée de la surface, et traduit la compétition entre une

couche de TiO2 rapidement oxydée, non adhérente, et le caractère bloquant de la chromine.

Ces essais complémentaires montrent donc, qu’à la différence de la corrosion

électrochimique, un contrôle de la dernière couche déposée n’est pas indispensable pour

obtenir un revêtement multicouche TiN/CrN justifiant d’une bonne résistance à l’oxydation

haute température.

IV.3.2.2. Mesure des températures critiques d’oxydation

Les températures critiques d’oxydation des échantillons revêtus, c’est-à-dire la

température à laquelle l’oxydation devient importante, ont été déterminées pour chaque pièce

par suivi de la prise de masse lors d’une chauffe linéaire à 10 °/min depuis la température

ambiante jusqu’à 1200°C. Cette grandeur est un paramètre important à déterminer car elle

permet de définir les limites d’utilisation des revêtements. Les résultats de ces mesures sont

présentés à la figure IV.24.

0 20 40 60 80 100 120 140 1600

2

4

6

8

10

12

14

16

18

20

multicouchesCrN-mCrN-e

TiN-eTiN-msSubstratTiBN

pris

e de

mas

se, m

g/cm

²

temps, mn

0

200

400

600

800

1000

1200

25°C/min

10 °C/min

Température, °C

0

0

0

0

0

0

1200

subs

trat

TiN-e

TiN-m

sCrN

-e

CrN-m

sTiBN

2D+C

rN

2D+T

iN

2D sa

ns ex

t

Tem

pér

atur

e cr

itiqu

e, °

Temps, min

a

20

40

60

80

100C

0

2

4

6

8

10

12

14

16

18

20

prise de masse finale, m

g/cm

Prisede

masse

finalem

g/cm²

Te

mpé

ratu

re c

ritiq

ue, °

C

b

Fig.IV.24. Thermogrammes obtenus lors des essais de balayage en température entre 25 et 1200 °C à 10 °C/min(a). Température critique d’oxydation et prise de masse finale après essai (b).

La température critique est définie comme étant la température pour laquelle la prise de masse

mesurée dépasse la valeur arbitraire de 0,01 mg/cm².

Durant la première heure, jusqu’à 600 °C, aucune oxydation marquée n’est détectée quel que

soit l’échantillon. Au delà de cette température et à l’instar des résultats obtenus en isotherme,

deux groupes de revêtements se distinguent : les dépôts à base de nitrure de titane qui ont les

118

Page 33: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

températures de début d’oxydation les plus faibles (∼800 °C) et ceux qui contiennent du

nitrure de chrome, caractérisés par un comportement réfractaire élevé (>900°C et prises de

masses faibles : <2 mg/cm²). L’influence bénéfique du nitrure de chrome semble donc à

nouveau confirmée.

IV.3.3 Discussion

L’étude de la tenue des pièces à l’oxydation haute température montre donc que,

quelle que soit l’expérimentation, une très nette suprématie des dépôts contenant du nitrure de

chrome se dégage. D’une manière générale, un bon pouvoir protecteur vis-à-vis de la

corrosion sèche est sous tendu par un caractère couvrant de l’oxyde formé. Cette

caractéristique est usuellement estimée par la valeur du coefficient de Pilling-Bedworth (kPB),

calculé selon la relation :

)()(

.1MV

OMVx

k yxPB = Eq.IV.11

x définissant la stoechiométrie de l’oxyde formé, V(M) et V(MxOy) étant respectivement les

volumes molaires du métal et de l’oxyde.

Pour un coefficient kPB<1, des contraintes en tension se développent dans l’oxyde et ce

dernier n’est pas couvrant.

Pour un coefficient kPB>1, des contraintes en compression se développent et peuvent causer

une délamination avec mise à nu du métal.

Le cas idéal (typiquement le système alumine/aluminium) est un oxyde couvrant avec de

faibles contraintes en compression, correspondant à une valeur proche de 1,3.

Dans le cas qui nous intéresse, les valeurs de kPB(Cr2O3)=1,28 et kPB(TiO2)= 1,58 tendent à

montrer, d’une part que l’oxyde de chrome formé sur CrN est parfaitement couvrant et

développe des contraintes internes en compression lui permettant de résister à de légères

sollicitations mécaniques, et d’autre part, que le rutile formé sur TiN est soumis à des

contraintes de compression supérieures et probablement trop importantes, expliquant la

décohésion observée à l’interface TiN/TiO2. Le comportement à l’oxydation de TiBN, voisin

de TiN, peut par ailleurs s’expliquer par la température d’essai de 700°C, très proche de la

température de recristallisation du dépôt et conduisant alors à la perte du caractère

nanocomposite [63]. En outre, comme nous l’avons souligné dans la partie IV.3.1.2, des

119

Page 34: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

cratères d’oxyde de fer apparaissent à la surface de ces deux revêtements, tandis que ce

phénomène ne survient pas dans le cas des revêtements à base de nitrure de chrome. Cette

absence d’oxydation du substrat à travers les dépôts contenant CrN est parfaitement corrélée

avec leur porosité débouchante d’une décade plus faible (tableau IV.1).

Pour finir, et dans le but de comparer nos résultats à une référence industrielle, les mêmes

essais que ceux précédemment décrits ont été réalisés sur des échantillons d’acier M2 revêtus

par un dépôt multicouche TiAlN/TiN de période 200 nm, élaboré par évaporation et

massivement employé actuellement en usinage pour ses vertus réfractaires. Les grandeurs

caractéristiques déterminées pour ce dépôt sont les suivantes :

kox(TiAlN/TiN) = 0,0032 mg.cm².min-1/2

Tcritique (TiAlN/TiN) = 950 °C

Ainsi, s’oxydant moins vite et autorisant une utilisation de 100 °C plus élevée, les

revêtements à base de CrN sont promis à un large développement en remplacement des dépôts

bases TiAlN, seule alternative actuellement disponible à l’échelle industrielle.

IV.4. Conclusion du chapitre IV

Les essais présentés dans ce chapitre nous ont permis d’évaluer les propriétés de

résistance à la corrosion aqueuse et sèche des revêtements nanostructurés 2D et 3D étudiés et

de les comparer aux caractéristiques des dépôts monocouches de nitrure de titane ou de

chrome.

Concernant tout d’abord la corrosion humide, les essais d’électrochimie, réalisés dans

une solution de NaCl 0,5 M, soulignent l’importance de la porosité débouchante des couches

sur leur aptitude de protection du substrat contre la corrosion, comme cela paraissait

envisageable compte tenu de leur caractère cathodique. D’une manière générale, les dépôts les

plus efficaces sont les moins poreux. D’autre part, l’exploitation des résultats expérimentaux

nous a permis de montrer que les revêtements les plus protecteurs contiennent tous du nitrure

de chrome. Ainsi, dans les conditions expérimentales choisies, le revêtement TiBN

nanocomposite ne permet pas d’améliorer à long terme la protection de l’acier

comparativement à celle que développe un revêtement TiN monocouche, les deux types de

dépôts ayant des propriétés électrochimiques comparables.

L’analyse des résultats obtenus avec les dépôts 2D-TiN/CrN a mis en évidence deux

comportements différents, suivant la nature de leur couche externe, en contact avec

l’électrolyte. Lorsqu’il s’agit de TiN, la protection conférée au substrat par le superréseau est

120

Page 35: Chapitre IV Propriétés anticorrosion - INSA de Lyon

Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements

voisine de celle obtenue avec un dépôt monocouche de TiN, tandis que lorsque cette ″sur-

couche″ est composée de CrN, la protection est similaire à celle d’un dépôt CrN monocouche.

Ce phénomène a été interprété sur la base de la passivité de TiN et CrN. Nous avons en effet

montré que le film passif formé sur TiN présente un caractère semiconducteur de type-n,

tandis que celui formé sur CrN est de type-p. Cette différence de propriétés électroniques de

surface de TiN et CrN, immergés dans la solution d’étude, est fondamentale dans l’explication

de l’influence de la couche externe des dépôts 2D sur leur propriétés anticorrosion, puisque

l’oxyde semiconducteur de type-p présent à la surface de CrN agit directement sur la

cinétique de la réaction cathodique, ralentissant le processus global de corrosion. Cette

limitation étant impossible avec un oxyde semiconducteur de type-n, pour optimiser l’aptitude

de protection des superréseaux TiN/CrN, il convient de déposer une couche externe en nitrure

de chrome. Le revêtement combinera alors l’excellente protection du nitrure de chrome et une

porosité infime grâce à la structure stratifiée.

A l’instar de la corrosion humide, les essais d’oxydation à haute température ont, eux aussi,

révélé l’influence bénéfique du nitrure de chrome, sur la protection des pièces contre la

corrosion sèche. Nous avons en effet pu démontrer qu’une fine couche de chromine se

développe à la surface de ce matériau lors de l’échauffement, agissant comme une barrière

thermique limitant la cinétique d’oxydation. Inversement, la couche de rutile formée à la

surface de TiN est extrêmement fragile et très peu adhérente, conduisant à une oxydation

rapide des pièces revêtues par ce dépôt. Comme dans le cas précédent, le dépôt

nanocomposite TiBN présente des propriétés comparables à celles d’un revêtement

monocouche de nitrure de titane, tandis que les superréseaux TiN/CrN se comportent de la

même manière que le nitrure de chrome, leurs constantes cinétiques étant d’une décade plus

faibles que celles des dépôts à base de TiN. Contrairement à la corrosion aqueuse, la couche

externe des revêtements 2D n’a aucune influence sur la vitesse d’oxydation. L’utilisation

d’une telle structure stratifiée dans une application telle que l’usinage présente donc un intérêt

majeur, puisque la dégradation superficielle des dépôts, causée par le frottement auquel la

couche mince est soumise en service, générera constamment de nouvelles surfaces de nitrure

de chrome, fortement réfractaire, permettant une limitation de la dégradation des couches par

l’échauffement lié à la sollicitation mécanique. Quel que soit le type de corrosion contre

laquelle le substrat en acier doit être protégé, les résultats obtenus dans les conditions

expérimentales choisies montrent que les dépôts nanostructurés TiN/CrN multicouches sont à

privilégier.

121