Chapitre 3 de la "Lettre à tous les résignés et indignés qui veulent des solutions "

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Chapitre 3 de la "Lettre à tous les résignés et indignés qui veulent des solutions."Indignés et résignés d’aujourd’hui,vous êtes les héritiers des républicains, résistants, patriotes.

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3/ Indignés et résignés d’aujourd’hui, vous êtes les héritiers des républicains, résistants, patriotes

Vous êtes dans le monde entier. Indignados d’Espagne, peuples martyrisés de Syrie et de Libye, femmes et hommes des révolutions arabes et européennes qui, tous, poussent le même cri de revendication de dignité et d’espérance.Je voudrais saluer aussi les « citoyens résistants d’hier et d’aujourd’hui » qui ont décrit comment l’actuel président de la République accélère la démolition de l’œuvre du Conseil national de la Résistance. Parmi eux, Stéphane Hessel, qui fit aussi une remarquable intervention lors de l’une de nos universités populaires, Raymond Aubrac et John Berger, avec la coordination de Jean-Luc Porquet, et qui dénoncent – ils ont la légitimité pour le faire – l’imposture des visites de l’actuel président de la République aux Glières, lieu de mémoire des maquisards massacrés en mars 1944.

On m’a souvent demandé : « Quelle présidente seriez-vous ? », « Dans quel héritage historique vous inscrivez-vous ? » Dans l’héritage des valeurs de la République, nées de la Révolution française et incarnées dans notre drapeau, et dans les enseignementsque je retiens de mes années de travail auprès de François Mitterrand. Je voudrais ici expliquer pourquoi et comment.Déjà, lors de la campagne présidentielle de 2007, alors que ce n’était pas dans les habitudes du Parti socialiste, j’avais décidé de mettre mes réunions publiques aux couleurs de la France car elles appartiennent à tous, et je ne veux plus que l’extrême droite s’en attribue le monopole. Car notre drapeau est né d’une Révolution qui renversa un ordre injuste où le peuple était affamé et privé d’instruction. Nos valeurs ont fait le tour du monde et continuent, aujourd’hui, d’inspirer les levées d’espérance à travers le monde.Républicains, résistants, patriotes refusant la soumission et l’abaissement de la France, ils furent nombreux à lutter, parfois au prix de leur vie, au nom de cette volonté d’union et d’émancipation qu’exprime notre drapeau. Ce sont les mêmes qui s’indignent aujourd’hui à travers le monde pour que les valeurs, humaines l’emportent sur les valeurs financières.Je sais que la gauche n’a pas toujours été à l’aise avec cela, parce que le drapeau tricolore a été parfois détourné par les mouvements nationalistes et xénophobes. Raison de plus, pour ne pas leur laisser.Et le drapeau rouge, celui des luttes sociales et de l’amélioration de la condition ouvrière, n’est en rien contradictoire avec le drapeau tricolore ! Il n’y a pas de République sans égalité. Il n’y a pas de République sans la liberté de vivre dignement de son travail et de sa retraite après toute une vie de labeur. Il n’y a pas de République sans la Fraternité qui s’oppose à un système économique et financier où l’homme est un loup pour l’homme.Car c’est la Révolution française qui a fait la République. D’ailleurs, les mots prononcés par François Mitterrand le 20 juin 1989 lors du 200e anniversaire du serment du Jeu de Paume valent encore pour les combats de tous les indignés d’aujourd’hui. « La Révolution a fait la République, quelle leçon tirer de ce tourbillon d’événements sinon que rien n’est achevé, que rien ne s’achève jamais. Que le combat change de forme mais pas de sens. Que de nouveaux orages surgissent du plus clair horizon, que d’autres dominations se substituent à celles que l’on avait détruites, qu’apparaissent d’incessantes ruptures entre l’idéal et le réel. » « Il y a, écrivait Victor Hugo, dans ce que la Révolution nous a apporté, encore plus de terres promises que de terrains gagnés. » « Ayons une si fière façon de nous en souvenir qu’il en sorte la liberté du monde car un peuple sans mémoire n’est pas un peuple libre. Les dictatures commencent par effacer l’Histoire des faits qui les encombrent, pour museler toute pensée, toute parole rebelle. Souvenez vous, chaque fois que l’on a chez nous voulu brouiller la trace de la Révolution, les libertés ont été menacées.« Occupons la place qui nous revient, celle d’héritiers fidèles et fiers, déployons le drapeau, et donnons à la République l’élan auquel aspire notre peuple ». Et il terminait ainsi, voyez l’actualité de sa parole : « A grands traits, je vois dans le refus des exclusions le vrai chantier qui nous attend.

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La République a besoin de compter son monde : les exclus du travail, les exclus du savoir, les exclus du bien-être, les exclus de la dignité, les exclus de la santé, les exclus du logement, les exclus de la culture doivent disposer de tous leurs droits. L’Egalité passe par là, la Liberté aussi. Il n’est pas de République sans espoir. Quant à la pauvreté, au racisme et à l’ignorance, ils sont les pires ennemis de la démocratie. Alors si les Français doutent parfois d’eux-mêmes, qu’ils écoutent la rumeur qui monte des quatre coins de la planète. Partout où l’on se bat pour l’indépendance nationale, pour le droit d’un peuple à disposer de lui-même, pour l’avènement des pays pauvres au partage des richesses, pour la liberté de penser, pour l’égalité des droits, c’est le message de la Révolution française qu’on entend et chacun dans le monde le sait. »Saluons une nouvelle fois, au nom des mêmes principes, les peuples opprimés qui se dressent pour être libres et avoir du travail, et tout particulièrement ceux qui, en Syrie, subissent une répression sanglante. Jamais je n’aurais invité dans nos tribunes du 14 Juillet le dictateur syrien, ni laissé Kadhafi planter sa tente en face de l’Elysée. Je ferai comprendre, au nom des valeurs de la France, que l’accès à la liberté et à la prospérité des peuples pauvres et des opprimés est une chance pour la paix et la prospérité de tous.L’essentiel, dont je veux reprendre le flambeau, c’est la constance de convictions tôt forgées et auxquelles, quelles que soient les embûches du moment, il ne faut jamais renoncer : une ambition pour la France, le souci de son indépendance, un engagement européen enraciné, l’intelligence des bouleversements du monde, un socialisme de liberté et de justice sociale que je veux capable de prendre en compte les évolutions de la société. Un socialisme de transformation, pas seulement de gestion (le socialisme de gestion, ce n’est plus le socialisme), avec une ouverture vers de larges alliances loin de tout sectarisme.Oui, je m’inscris dans cette lignée d’un comportement politique dont j’ai identifié quelques repères, non pas dans une répétition factice, mais dans un choix assumé et vécu. On a parfois moqué cette fidélité politique comme s’il fallait, pour exister en politique, piétiner ceux qui nous ont transmis la flamme et le sens du destin. Je ne crois pas que ce soit s’affaiblir que de reconnaître ce qui a fondé, entre autres choses, un engagement. Au contraire, cela éclaire et explique certaines raisons et façons d’agir. C’est pourquoi je veux y consacrer quelques instants, bien brefs au regard des années que François Mitterrand a passées à l’Elysée et au gouvernement.

Le courage de ne jamais renoncer. Toute sa vie, François Mitterrand fut un homme de courage. Même ceux qui contestent ses choix lui en donnent acte.Courage dans le combat politique. Courage pour l’abolition de la peine de mort. Courage face à la maladie. Courage d’évoquer au Kremlin les dissidents emprisonnés et à la Knesset le droit des Palestiniens à un Etat. Courage aussi de faire de la cohabitation imposée par la défaite aux législatives non pas un temps subi mais l’amorce d’une reconquête que couronnera la victoire de 1988.C’est ce courage que je sens en moi pour m’atteler avec vous à l’œuvre de changement.

L’amour de la France. François Mitterrand ne fut jamais de ceux qui attisent les peurs. Et je ne le serai pas non plus. Il ne divisa pas pour régner comme le fait le pouvoir actuel. Je veux, comme lui, en appeler « à la part noble, à la part fraternelle, à la part généreuse que le peuple français porte en lui ».Il rappelait souvent que la France n’est jamais aussi grande, entendue, respectée que lorsqu’elle porte un message universel et y conforme ses actes. C’est ce que je ferai.

L’artisan inlassable de libertés nouvelles, le défenseur sourcilleux de l’équilibre de nos institutions, des grandes lois de décentralisation, le garant intraitable de la liberté d’expression.François Mitterrand fut, et je le serai, le gardien d’un Etat de droit, aujourd’hui malmené par celui qui nous promettait une « République irréprochable ».Il fut, et je le serai, le gardien de la séparation des pouvoirs, bien éloignée de leur actuelle confusion. Nous nous souvenons aussi de la parole donnée aux radios libres. Du remboursement de

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l’IVG. Et nous nous souvenons aussi de la dépénalisation de l’homosexualité en un temps où l’opinion majoritaire y voyait, au mieux une maladie, au pire un délit. J’étendrai ces libertés citoyennes.

Le soutien au combat des femmes et au droit à l’égalité. François Mitterrand ne savait pas tout de la condition et de la souffrance des femmes, mais il prenait toujours le temps d’écouter et il tranchait en faveur de l’égalité des droits. Il nomma, en mai 1981, la première femme ministre d’Etat puis, plus tard, la première femme chef de gouvernement. Je sais d’expérience combien lui était étrangère l’idée qu’une femme fût moins capable qu’un homme.Mon gouvernement sera paritaire et le non-cumul des mandats permettra d’avancer, au Parlement, vers la parité et vers la diversité. Les partis qui ne respecteront pas la parité dans les candidatures ne recevront plus d’aide publique. La lutte contre les violences faites aux femmes sera menée sans faiblesse, en particulier la lutte contre les violences conjugales. Tous les trois jours, une femme meurt sous les coups de son conjoint, souvent devant ses enfants. Cette horreur n’est pas acceptable et cette indifférence des pouvoirs publics encore moins.

François Mitterrand avait de la tenue, de l’allure et du charisme dans l’exercice du pouvoir. Il avait le trait parfois féroce mais uniquement contre les puissants. Il détestait en revanche les vulgarités de langage, les familiarités déplacées, le laisser-aller. Moi aussi.C’est une manière de respecter les Français tout en conservant intactes la proximité et la curiosité vraie pour la vie quotidienne des citoyens. J’ai gardé de mon éducation dans une famille de militaires le sens de la tenue, du respect de soi et des autres, du refus des vulgarités de toutes sortes, des conversations qui rabaissent, des curiosités médiocres sur la vie privéed’autrui. Je fuis toutes conversations sans hauteur de vue qui ne sont que perte de temps. Je leur préfère le silence. « Viser haut et se tenir droit », cela me va bien.Et toutes ces photos dans les journaux people, me direz-vous, n’est-ce pas contraire à ce que vous venez d’affirmer ? Que l’on sache bien que toutes les photos privées de ces dernières années, toutes sans exception, ont été volées, et que les journaux ont tous été poursuivis et condamnés. C’est un choc violent de se découvrir à la une de journaux people, d’être soupçonnée d’avoir accepté voire organisé ces mises en scène. Que l’on sache bien que je veux protéger la dignité de la fonction à laquelle j’aspire et je la ferai respecter.

La détermination inflexible pour l’Europe, je m’y reconnais aussi. Je reprendrai ce flambeau avec une farouche détermination. Car j’ai une conscience vive, très vive, de ce qui risque d’advenir si l’Europe échoue à protéger les siens et à peser dans le monde.Je sais la dimension tragique de l’Histoire. Je dois dire aux Français qu’en période de crise, les occasions gâchées débouchent vite sur les implosions dangereuses voire sur des confrontations violentes.Une Europe déséquilibrée, livrée aux marchés sans être suffisamment politique et maîtresse de ses choix, trop timorée en matière de progrès social et de protection due à ses peuples, s’expose, comme disait François Mitterrand de façon prémonitoire, à ce que « les travailleurs détournent la tête et [que] leurs regards absents livrent la communauté à la solitude des mourants ». Nous y sommes, c’est dire le combat européen que nous avons à construire.A trop tarder et trop tergiverser, l’Europe s’expose au réveil funeste des nationalismes et des xénophobies haineuses.A voir l’Europe d’aujourd’hui, solidaire à reculons, mal-aimée de ses peuples, attaquée par les marchés financiers, en proie aux crispations identitaires et aux tentations de repli, comment ne pas être frappé par l’urgence d’agir ?

Les Etats-Unis d’Europe

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Regardons les choses en face : le temps presse.Raison de plus pour ne pas baisser les bras mais pour rendre à la France, en 2012, les moyens de jouer, dans le contexte d’aujourd’hui, le rôle moteur que François Mitterrand voulut pour elle. A nous de redonner à l’Europe les moyens de peser et d’être au service de ses peuples et de leur bien-être, et non pas contre eux ; ils s’agit de nous fixer une nouvelle frontière : construire, à terme, marche après marche ce que j’appelle, les Etats-Unis d’Europe. Je plaiderai et j’agirai inlassablement pour que la génération qui vient voit se lever ces « Etats-Unis d’Europe ». Je l’ai dit, pour la première fois, le 27 mai 2009 à Rezé, lors de la campagne pour les élections européennes avec ces mots qui traduisent une profonde ardeur à la tâche, laquelle ne faiblira pas : « A vous les députés européens socialistes de décider que le moment est venu de créer les Etats-Unis d’Europe. Saisissez l’occasion, elle sera historique. N’écoutez pas ceux qui vous diraient que ce n’est pas votre mandat. Les délégués des Etats généraux n’avaient pas reçu non plus le mandat de décréter les droits de l’homme. N’hésitez pas à faire rentrer l’Europe dans l’histoire. Appelez les parlements nationaux en renfort : ils vous rejoindront. Appelez les peuples en soutien : ils convergeront. Des obstacles, vous en aurez. Les forces de l’argent vous barreront le chemin. Mais si vous trébuchez, relevez-vous. Reprenez votre souffle pour continuer l’effort jusqu’à la ligne d’arrivée. Ce jour-là, écoutez le tumulte des places et des rues, la joie et la fête, un langage qui se passe de traduction, le langage des peuples unis. Ce jour-là, vous proclamerez les Etats-Unis d’Europe. Et si ce n’est pas ce jour-là, ce sera le lendemain, et si ce n’est pas le lendemain, remettez-vous au combat et à l’ouvrage. Mais ce jour viendra. Sinon, l’alternative nous la connaissons parfaitement. Et il n’y aura pas d’échappatoire lorsqu’il faudra dresser les bilans : ou l’Europe marchera vers l’unité politique, ou elle se disloquera dans les nationalismes. “Le nationalisme c’est la guerre.” On ne veut pas de la guerre économique de tous contre tous, où l’homme devient un loup pour l’homme. A l’opposé, nous les connaissons, les ciments politiques des Etats-Unis d’Europe : la justice sociale au service de l’efficacité économique, la démocratie exemplaire, le combat écologique, les libertés. Les socialistes se sont donné la mission de l’Europe unie, sociale et humaniste. C’est aux socialistes, fidèles à leur promesse, de préparer le grand destin politique qui attend les peuples du continent et c’est à nous de le commencer dans le futur parlement européen. Vous aurez, futurs députés européens, mandatés par les peuples impatients, une grande responsabilité. Nous vous regarderons, nous vous soutiendrons. Concentrez-vous sur l’essentiel. » Voilà ce que j’ai dit aux députés européens socialistes. Mais bien sûr, pour accomplir cette oeuvre immense de l’Europe au service des peuples, les socialistes ne seront pas seuls. J’y convierai tous ceux qui partagent cet engagement, des altermondialistes jusqu’aux centristes humanistes.