Chapitre 25 La Politique Monétaire

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    CHAPITRE 25 LA POLITIQUE MONTAIRE 429

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    La politique montaire

    La politique montaire est mene par la banque centrale. Elle le fait au moyen de

    son offre de monnaie et des taux dintrt quelle pratique, moyens par lesquelsson influence sur lconomie est prpondrante

    La section 25.1dfinit lobjetde la politique montaire et voque la question deson indpendance.

    La section 25.2traite de son contenu dans les tats modernes, en trois points :objecti fs, stratgies et instr uments.

    La section 25.3est consacre un expos de lapoli tique montaire de la BanqueCentrale Europenneselon le mme schma : son objectif de stabilit des prix, sastratgie de croissance de la masse montaire, ses divers instruments dmission de

    monnaie de banque centrale. La section 25.4en appelle la thorie quanti tative de la monnaieet diversesformes du montar isme pour tayer les ides quant lefficacitdes politiquesmontaires.

    La section 25.5 avertit de ce quil faut tenir compte daut res facteurs,pluscirconstanciels que ceux mentionns jusque-l, qui parfois peuvent rendre inoprantela politique montaire.

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    430 PARTIE III ANALYSE MACROCONOMIQUE

    Section 25.1Dfinition et acteurs

    Dfinition La politique montaireestlensemble des dcisions par lesquelles sont modifis la quantitde monnaie oules taux dintrt dans lconomie, et qui visentinfluencer, selon les circonstances,soit le niveau gnral des prix soit le niveau du revenu national dquilibre.

    Acteurs Ainsi que lont montr les chapitres 17 et 18, la quantit de monnaieprsente dans lconomie ainsi que les taux dintrt pratiqus sur les marchssont trs largement dtermins par la banque centrale.

    Dans la mesure o les objectifs de cette autorit montaire sont identiques ceux de lautorit politique, savoir ceux que nous avons exposs au chapitreprcdent, la banque centrale mne cette politique en coordination avec le

    gouvernement. Ltroitesse et les formes de cette collaboration varient cependantselon les pays, dautant plus que le degr dindpendance ou de dpendance de labanque lgard de ltat est loin dtre le mme partout.

    Ainsi, la banque centrale des USA, la Rserve Fdrale comme on lappelle,opre sous un statut de rigoureuse indpendance lgard du pouvoir politique.En ce qui concerne les pays de lUnion Europenne, lindpendance de leursbanques centrales nationales lgard de leurs gouvernements respectifs a tclairement nonce par eux-mmes en 1992 dans le trait de Maastricht ; il en vade mme pour la Banque Centrale Europenne qui depuis 1999 a pris le relais desbanques centrales nationales. Linfluence sur ses dcisions, tant des gouvernementsnationaux que des instances supranationales de lUnion, se trouve considra-

    blement rduite, sans pour autant tre nulle.Il nen a pas toujours t ainsi, et la question des relations entre politique montaire et pouvoirpolitique est une affaire ancienne et dlicate. Ancienne, en raison de lorigine historique desbanques centrales : ce sont des banques avant tout, et, ce titre, des entreprises, dont lorigine estsouvent prive; il en est rest par exemple que le rsultat de laction de leurs dirigeants nest pasdirectement soumis la sanction lectorale. Mais depuis quelles ont le monopole de lmission,les banques centrales dpendent du pouvoir politique : celui-ci fixe leurs statuts et nomme leursdirigeants. Par l, ce pouvoir peut tre dominant. Toutefois des freins existent, comme parexemple le fait que, dans beaucoup de pays, les nominations portent sur des priodes plus longuesque celles des chances lectorales.

    Que la question soit dlicate dcoule surtout du fait que parmi les moyens de financement dusecteur public (tarifs, impts, et emprunts, avons-nous vu au chapitre 14), lemprunt auprs dela banque centrale est sans doute celui qui est le plus discret, et donc lectoralement le moinsrisqu, du moins court terme. En cas dexigences trs fortes de cette nature de la part de lexcutif,les dirigeants de la banque centrale peuvent se trouver dans limpossibilit politique de refuser.Les pays de lUnion Europenne ont rgl ce problme en interdisant par le Trait le financementdes pouvoirs publics (europens, nationaux et mme locaux) par les banques centrales (art. 102,ex. Art. 104 a)

    La forme extrme de la dpendance se rencontre dans les pays o svit un rgime dictatorial :le pouvoir y imposealors tout simplement sa politique la banque.

    25.1

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    CHAPITRE 25 LA POLITIQUE MONTAIRE 431

    Section 25.2Le contenu de la politique montaire

    En cette matire, on fait gnralement une distinction entre lobjectif ultime, lesobjectifs intermdiaires et les variables instrumentales.

    1 Lobjectif ultime

    Dans pratiquement tous les pays industrialiss, lobjectif ultime de la politique mon-taire est, depuis de nombreuses annes, la stabilit des prix, ou, en dautres termes,la matrise de linflation. On dit aussi la stabilit interne de la monnaie. Cet objectifa, pour la banque centrale, priorit sur les deux autres objectifs dcrits au chapitre 24.

    Cependant, les mesures concrtes de politique montaires natteignent leurseffets quavec un retard significatif, de lordre de deux ans dans les conomieseuropennes, par exemple. Le mcanisme de transmission, ou plus exactementsa lenteur, expliquent que le niveau actuelde linflation ne constitue pas un guidesuffisant pour la politique montaire : il faut voir plus loin. Se pose alors la questionde la stratgie adopter1.

    2 La stratgie ou le choix dun objectif intermdiaire

    Une premire stratgie possible consiste cibler directement linflation. Une telle

    stratgie a t adopte au Royaume-Uni ainsi quen Espagne, en Finlande (avantque ces deux derniers pays ne rejoignent la zone euro) ou encore en Sude. Dansun tel schma, la banque centrale tablit des prvisions dvolution des prix dansle futur sur la base, notamment, dun modle de lconomie et si ces prvisionsdivergent de lobjectif de stabilit des prix (telle que dfinie soit par la banquecentrale elle-mme soit par le gouvernement), alors elle active ses instruments depolitique montaire afin de ramener linflation vers lobjectif retenu. Lefficacitdune telle stratgie dpend cependant la fois de la qualit des prvisions enmatire dinflation et de la stabilit du lien entre les mesures de politique montaireet leur effet sur linflation.

    Une autre stratgie consiste fixer un objectif intermdiaire. Puisquil nest pas

    facile de contrler directement linflation car celle-ci est trop lointaine , les auto-rits peuvent dcider de fixer un objectif intermdiaire qui est en quelque sorteplus proche et donc potentiellement plus ais atteindre. Une telle stratgie navidemment de sens que si le lien entre lobjectif intermdiaire et linflation estclairement tabli et stable.

    1 En rapport avec la question de lindpendance de la banque centrale, on notera quen aot 2000, a t posela question de savoir si la dfinition chiffre de lobjectif dinflation relevait du Conseil des Ministres de lUnionEuropenne ou de la Banque Centrale Europenne.

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    En matire dobjectif intermdiaire, diverses possibilits existent. Nous enprsentons deux exemples, dont le premier apparat comme ingnieux dans le casde petits pays, tandis que le deuxime est de loin le plus important pour lEuropedaujourdhui.

    Une premire possibilit consiste choisir comme objectif intermdiaire la stabilit du taux de

    changevis--vis dune autre monnaie. Lide est relativement simple : si lconomie est de taillerduite, et trs ouverte sur ltranger, la variation des prix des biens et services imports a uneincidence importante sur linflation interne. Les prix limportation dpendent en effet delvolution des taux de change : ainsi, en nous situant lpoque davant leuro, si le franc belgese dprcie, les agents conomiques belges payent plus cher en francs belges les importationsdont les prix sont exprims en monnaies trangres. On parle dinflation importe. Contrler letaux de change permet donc de contrler une bonne part de linflation intrieure. Une tellepolitique de change sest avre efficace pour des pays tels que lAutriche, les Pays-Bas et laBelgique qui, jusquen 1999, ont arrim leur monnaie au mark allemand.

    Mais une telle approche est peu pertinente si lconomie dont il sagit de matriser linflationest de grande taille et, en termes relatifs, plus ferme. Ainsi, pour la zone euro ou pour les tats-Unis, lincidence du taux de change sur la matrise de linflation est nettement plus limite quepour un petit pays. Pour lEurope dans son ensemble comme pour les USA, les exportations et

    importations ne reprsentent quune part relativement limite de lactivit conomique globale.De plus, si la Belgique, les Pays-Bas et lAutriche avaient assez naturellement pris comme rfrencele mark allemand, il est plus malais de dfinir quelle monnaie pourrait servir dancre pourleuro. cet gard, lexprience des annes soixante durant lesquelles des politiques montairestrs laxistes ont t suivies aux tats-Unis, alors que le dollar constituait un point dancrage fixepour les autres pays, a fourni ceux-ci de srieux avertissements.

    Une autre possibilit est de choisir comme objectif intermdiaire la matrise de laquantit de monnaie en circulation,reprsente par les agrgats montaires telsque M1, ou M2, etc.

    Lide fondamentale qui sous-tend cette approche est la conviction que dans lelong terme, la principale source dinflation rside dans une croissance excessivedes moyens de paiement en circulation. Ds lors, contrler la croissance de loffrede monnaie permet datteindre la stabilit des prix. Les tats-Unis ont les premiersaffirm clairement le choix dun tel objectif intermdiaire, au dbut desannes 1970, suivis peu de temps aprs par lAllemagne (1974), la France etlAngleterre (1976).

    3 Les instruments

    a Nature de lintervention sur le march montaire

    Comme on la vu au chapitre 18, le march montaire est le lieu o les banques quidgagent un excdent de liquidit ont la possibilit dchanger des fonds avec lesbanques qui prouvent un dficit de liquidit. Et lorsque cest lensemble du systmebancaire qui prsente un dficit, il y a recours la banque centrale, qui fait lappointen mettant de la monnaie de banque centrale. Elle en dtermine les conditions,cest--dire le ou les taux dintrt de cette intervention, Par ces instruments, labanque centrale gre la liquidit(les quantits) et pilote les taux dintrt(les cots)du march montaire.

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    b Action par la quantit de liquidit

    Source de la liquidit : le crdit de banque centrale Un besoin net de trsoreriede lensemble du systme bancaire signifie que, prises globalement, les banquescommerciales dsirent obtenir des billets (suite la demande de la clientle), et/oudtenir des sommes plus importantes dans leurs comptes courants la banquecentrale. Pour acqurir ces billets, ou acqurir ces sommes supplmentaires (et parl rduire leur besoin global de trsorerie), les banques peuvent les acheter labanque centrale soit en lui cdant des monnaies trangres, soit en lui demandantdu crdit. Cest l2le cur mme de la politique montaire. La planche 25.1 montrecomment ces oprations sinscrivent dans le bilan de la banque centrale.

    2 Parfois, le bilan de la Banque Centrale peut aussi enregistrer des crdits dautres agents conomiquesque les tablissements de crdit, mais cette pratique est assez rare, et quand elle existe, ces crdits ne sont passignificatifs en termes de politique montaire

    Planche 25.1 Bilan de la banque centrale

    Actif Passif

    Avoirs extrieurs nets* Billets mis

    Crdits aux banques Comptes courants

    * Encaisses en or et crances sur ltranger en devises moinsdettes envers ltranger.

    Le bilan dune banque centrale est linstrument de base pour comprendre son rle exact dans loffrede monnaie dun pays. Il apparat sous forme schmatique au tableau 25.1 ci-dessus et peut se lirecomme suit :

    1 La banque centrale met des billets (opration qui est inscrite au premier poste du passif) loccasion de deux types principaux doprations :

    (i) lorsque lon vient lui vendre des monnaies trangres (devises) le montant des monnaiesacquises par elle tant alors inscrit lactif (premier poste);

    (ii) lorsque lon vient emprunter chez elle (cest--dire demander du crdit) le montant dessommes empruntes tant aussi inscrit lactif (deuxime poste).

    2 Au lieu de lui faire mettre des billets , le client de la banque centrale (presque toujours unebanque commerciale) peut demander, pour lune ou lautre de ces oprations, une inscription dela somme sur son compte courant la banque centrale (ce qui apparat alors au deuxime postedu passif plutt quau premier).

    Le bilan tant construit de la sorte, le total du passif est logiquement toujours gal au total de lactif.

    Des dterminants autonomes En fait, le volume des crdits ainsi accords nest

    pas vraiment sous le contrle de la banque centrale. En effet, comme lindique lebilan de la banque, ce volume est constitu par la diffrence entre dune part lesbillets et comptes courants que ses clients banquiers souhaitent dtenir, et dautrepart les rserves de change. Or le volume de billets utiliss dpend des habitudes etdsirs du public en gnral, celui des dpts en compte courant dpend du

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    comportement des banques commerciales, et les rserves extrieures en or et devisesdpendent des changes commerciaux et mouvements de capitaux entre le pays etle reste du monde. Ce sont l tous des facteurs quon appelle autonomes, surlesquels la banque centrale na pas de prise directe. Larithmtique du bilan oblige conclure, en premire analyse, quil doit en tre de mme pour le montant descrdits accords.

    Gestion la marge de la quantit de crdit La quantit de crdits sur laquellepeut agir la banque centrale tant ainsi contrainte par des facteurs autonomes,cest par le cot de ces crdits (dont question ci-dessous) que sexerce lessentiel dela politique montaire. Mais encore faut-il que ce cot sapplique un volumesuffisant. Laction de la banque centrale seffectue en fait la marge , et porte surdes volumes relativement petits par rapport lensemble de volumes changs surle march montaire ; mais elle doit tout de mme porter sur une masse critique,afin que ses effets se dveloppent suffisamment vite et dans lensemble delconomie.

    Dailleurs, si ce volume ne lui parat pas suffisant, la banque centrale a le pouvoirde laccrotre en procdant deux oprations qui ont pour effet de modifier la

    structure de son bilan : procder une substitution dactifs: tout en gardant inchang le total du bilan,

    la banque centrale peut dcider de vendre des devises contre octroi de crdits enmonnaie domestique. Cette substitution entre actifs permet daccrotre la massede crdit jusquau niveau souhait. Cependant, dans la mesure o de telles opra-tions ont un effet sur le taux de change, la banque centrale doit apprcier si ellessont cohrentes avec la situation et la politique suivie.

    imposer aux banques commerciales des rserves obligatoires, dont le montant3

    est dposer en compte courant auprs de la banque centrale. Ceci est une manirepour elle dlargir le volume de crdit octroy parce que les rserves ainsi obliga-

    toirement dposes apparaissent la fois au passif (au poste comptes courants) et lactif du bilan (au poste crdit aux banques). Ce dernier poste augmentedautant4, ce qui est leffet recherch5.

    Un tel systme de rserves obligatoires permet ainsi de maintenir le systmebancaire en banque, cest--dire de lobliger recourir la banque centrale, etdonc de tenir compte de ses taux dintrt.

    Action directe sur la quantit de monnaie en circulation Les rserves obligatoirespeuvent aussi exercer une autre fonction, dite de contrle de la masse montaire :on a vu que loffre de monnaie est influence par le multiplicateur montaire. Si lecoefficient de rserve obligatoire augmente, le multiplicateur sen trouve rduit, cequi rduit la masse montaire6.

    3 Les rserves obligatoires sont gnralement calcules comme un pourcentage des passifs des banques (ou desactifs ou calcules selon une formule complexe tenant compte des deux cts du bilan).

    4 En fait, les banques commerciales se trouvent obliges de sendetter auprs de la banque centrale afin depouvoir y faire les dpts exigs!

    5 Observons que les billets de banque ne sont donc pas indispensables pour mener la politique montaire :limposition de rserves obligatoires suffit pour crer la monnaie de banque centrale ncessaire sa mise en uvre.

    6 Ceci nest cependant vrai que si les rserves obligatoires ne sont pas, ou sont seulement partiellement rmu-nres par la banque centrale (pour des raisons dlasticit de la demande de monnaie aux taux dintrt, mais ledveloppement de ce mcanisme dpasse de loin le cadre de cet ouvrage).

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    c Action par les cots

    Cest essentiellement par le cot du crdit, cest--dire les taux dintrt dont elledcide tout moment, tant pour les crdits quelle accorde que pour les dptsfaits chez elle, que la banque centrale exerce son influence sur la masse montaireet, par l, sur linflation. Le choix de ces taux est donc une arme majeure.

    Des instruments de court terme Les taux que pratique la banque ont un effetdterminant sur lensemble des marchs financiers; mais les instruments de crditeffectivement utiliss pour appliquer ces taux sont le plus souvent des instrumentsde trs court terme (de maturits comprises dans une fourchette allant du jour lejour quelques semaines). Cest donc sur les taux de court terme quelle exerceson pouvoir dominant.

    Une des raisons dun tel choix rside dans le fait que si les crdits taient accords pour de trslongues priodes, le bilan de la banque centrale sen trouverait fig , rduisant dautant lasouplesse de la banque face des volutions de march fluctuantes.

    Des politiques de march De ce fait, les banques centrales des pays industrialisspratiquent ce que lon appelle une politique dopen market, cest--dire quellesconcluent la plupart de leurs oprations de crdit selon les rgles et usages desoprateurs des marchs (le repo, dcrit au ch. 18, occupe aujourdhui une placeessentielle dans larsenal de nombreuses banques centrales) et non pas selon uneapproche administrative ou autoritaire7.

    Ce choix reflte le dsir des banques centrales de conduire la politique montaire en sappuyantsur les marchs plutt quen les contraignant. Lide, largement partage aujourdhui, est quilest plus efficace de travailler avec le march , de le sonder, de linfluencer, de lcouter que devouloir dautorit fixer des taux dintrt qui sappliqueraient toutes les oprations entre agentsconomiques.

    Mise en uvre des rserves obligatoires et taux dintrt Les modalits de miseen uvre des rserves obligatoires contribuent, quant elles, la stabilisation destaux dintrt du march montaire dans les pays o lobligation est spcifiecomme une obligation de moyenne. Un exemple : une institution se voit impo-ser une rserve x(calcule en fonction des postes de son bilan auxquels sappliquele coefficient de rserve). Ce montant x ne doit pas tre dtenu en dptde manire permanente; il suffit que sur lensemble dune priode fixe (un moispar exemple) la moyenne journalire de dpt ait t de x, ce qui signifie donc quece dpt peut varier au cours du temps. Cette caractristique a pour effet decontribuer lattnuation des fluctuations des taux dintrt sur le marchmontaire.

    7 Dans des conomies en dveloppement, il nest pas rare de trouver des mesures par lesquelles les autoritsorganisent administrativement la manire dont les banques commerciales exercent leur activit de crdit, soit enencadrant quantitativement les crdits, soit en fixant dautorit leur cot.

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    Section 25.3La politique montairede la Banque Centrale Europenne

    Depuis le 1erjanvier 1999, l Eurosystme , entit qui comprend la BanqueCentrale Europenne (BCE) et les banques centrales nationales des pays parti-cipants lUnion conomique et Montaire (douze au 1erjanvier 2001), mne unepolitique montaire unique comme sil sagissait dun seul pays dont toutesles oprations sont conduites en euros par la BCE depuis Francfort. Si dun pointde vue juridique il existe bien une diffrence entre la BCE et ses consurs nationales,sur le plan de la politique montaire, la distinction est sans intrt.

    1 Lobjectif ultimeLarticle 105.1 du Trait sur lUnion Europenne spcifie que Lobjectif principal[] est de maintenir la stabilit des prix.

    La stabilit des prix a t dfinie par la BCE comme une progression sur un an delindice des prix la consommation en Europe8 infrieure 2%. La mention infrieure 2 % tablit une limite suprieure au taux dinflation considrcomme compatible avec la stabilit des prix. Paralllement, lemploi du terme progression dans la dfinition indique sans ambigut que la dflation,cest--dire des baisses persistantes du niveau de lindice des prix, ne serait pasjuge compatible avec lobjectif de stabilit des prix. Enfin, ce qui est vis est le taux

    dinflation de lensemble de la zone euro, et non des taux nationaux particuliers.Le choix de la stabilit des prix comme objectif prioritaire pour la BCE trouve sa justificationdans lhistoire de certains pays dans lesquels linflation a laiss des souvenirs douloureux. Il sefonde aussi sur lexprience des annes 1970 et 1980 qui a conduit les autorits constater quemme les pays qui ont pratiqu une inflation leve cette poque nont pas pu empcher lechmage de se dvelopper9 ; il y a en fait convergence de vues entre les diffrents tats membres cet gard et la logique du Trait est claire : la meilleure contribution que la politique montairepuisse apporter la croissance et lemploi, consiste maintenir la stabilit des prix.

    2 La stratgieLa stratgie de la BCE est fonde sur deux piliers. Dune part, la croissance de laquantit de monnaie, et plus particulirement lagrgat M3 pour laquelle la Banqueannonce une valeur de rfrence . Par exemple, au dbut de son existence la

    8 Zone euro cest--dire les douze pays ayant adhr lUnion conomique et Montaire ( savoir les quinzeformant lUnion Europenne moins le Danemark, la Grande-Bretagne et la Sude).

    9 Contrairement ce que laissait esprer une thorie en vogue lpoque, dite de la courbe de Phillips.

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    BCE a indiqu quun taux de croissance annuel de 4 1/2 % de cet agrgat tait unerfrence compatible avec lobjectif de stabilit des prix en Europe. la fin delanne 2000, cet objectif intermdiaire tait toujours affich comme rfrence.

    Cependant le concept de valeur de rfrence nimplique nullement que la BCEragisse mcaniquement toute dviation de la croissance de M3 par rapport autaux retenu pour sa croissance. Avant de prendre des mesures de politique mon-

    taire, il convient en effet de valider cette dernire en recourant un deuximepilier, qui consiste tenir compte dun ensemble dindicateurs de la situationconomique qui prvaut, tels que lvolution du PIB, du taux de change de leuroet surtout divers indices de prix (prix la production, des biens imports, delnergie, etc.), rvlateurs dinflation ventuelle. Selon les valeurs que prennentces indicateurs au moment dune dviation de lagrgat, laction instrumentale dela BCE en vue dune correction vers lobjectif intermdiaire est plus ou moinsvigoureuse. Ainsi en aot 2000, par rapport lobjectif intermdiaire de 4,5% decroissance de M3 toujours affich comme rfrence la croissance effective enest suprieure, en raison du niveau du taux de change de leuro, jug trop faible.

    Par rapport aux principes gnraux exposs la section prcdente (2), on

    peut donc qualifier dhybride, ou dclectique, la stratgie de la BCE.

    3 Les instruments

    Les instruments utiliss par la BCE sinscrivent dans trois catgories.

    a Les rserves obligatoires en comptes courants la BCE

    La Banque a mis en uvre un systme qui impose aux banques commercialesoprant en Europe des rserves obligatoires dtenir chez elle en compte courant.

    Ces rserves ont essentiellement pour rle de donner au march de la monnaie debanque centrale un volume suffisant pour que les taux dintrt quy pratique laBanque se diffusent largement dans lconomie. Cette ampleur contribue aussi la stabilit des taux dintrt.

    b Les oprations dopen market

    La BCE dispose de quatre types doprations dans ce domaine. Les deux premierstypes sont les principaux, savoir les oprations principales de financement et lesoprations de rglage fin (fine-tuning) de la liquidit.

    Au cur du processus figurent les oprations principales de financement(main

    refi nancing operati ons, MROs) qui consistent en des allocations de crdit quiprennent la forme soit de repos (repurchase agreements) soit de prts contre dptsde srets. Ces allocations de crdit se font au travers de procdures dadjudicationqui ont lieu selon une frquence hebdomadaire et leur chance est de deuxsemaines. Le taux dintrt pratiqu par la Banque pour les MROsest ce quonappelle son taux directeur. Le rle de ces oprations est dassurer lessentiel durefinancementdu secteur financier et, vialeur taux dintrt, de donner un signal depolitique montaire.

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    438 PARTIE III ANALYSE MACROCONOMIQUE

    Selon les besoins, la BCE pratique galement des oprat ions de rglage fin dela liquidit(fine-tuning operati ons).Ces oprations-l mettent en uvre unepanoplie dinstruments : repos, swaps de devises, dpts interbancaires auprs dela banque centrale, ou encore simples achats et ventes dactifs financiers de toustypes. Au contraire des oprations principales de refinancement dcrites ci-dessus,les oprations de fine-tuning reposent sur des adjudications rapides (quick tender),

    ayant lieu trs frquemment et rservs un petit nombre de contreparties, ouencore sur des oprations bilatrales dans lesquelles la banque centrale sadressedirectement ses contreparties. Le but est ici essentiellement de piloter les tauxdintrtselon les volutions de la liquidit bancaire.

    La BCE organise galement des oprations derefinancement long termequi ne reprsententquune partie limite du besoin global de refinancement du systme financier et qui prennentune forme tout fait comparable aux oprations principales. Cependant, leur frquence estmensuelle et la maturit est de trois mois. Le taux dintrt de ces oprations na pas pour but dedonner un signal particulier lintention du march, mais correspond plutt au souci dassurerla transition entre les pratiques anciennes dans certains pays (comme le rescompte) et le nouvelinstrumentaire. Mme si elles figurent dans larsenal des instruments, ces oprations ne

    contribuent cependant pas la conduite de la politique montaire.Enfin, la BCE peut galement influencer la position structurelle de liquidit du secteur bancaire

    par des oprations structurellesen mettant des certificats de dpts, sil tait jug opportun deretirer de la liquidit du march. Ces certificats qui constituent donc une dette de la banquecentrale vis--vis des dtenteurs, seraient mis selon une procdure dadjudication et leur maturitdevrait tre infrieure douze mois.

    c Les facilits permanentes

    Enfin, la BCE met en uvre ce quon appelle deux facilits permanentes utilisables tout moment par le systme bancaire. Dune part, les intermdiaires

    financiers devant faire face un excs de liquidit en fin de journe peuventprocder des dptsovernight la banque centrale. Cest ce quon appelle lafacilit de dpt. Dautre part et symtriquement, les intermdiaires devant faireface un besoin de liquidit de fin de journe peuvent emprunterovernightgalement, les montants ncessaires pour couvrir leur besoin. Cest ce quon appellela facilit de prt marginal. Ni lune ni lautre de ces deux facilits ne font lobjet delimites quantitatives (sous rserve, bien entendu, que la contrepartie fournisse lessrets ncessaires).

    Le taux de la facilit de prt, fix bien plus haut que les taux du march, constitueun plafond pour le march montaire (car personne nacceptera jamais de payerun taux plus important que celui que demande, sans restriction de quantits, la

    BCE), tandis que le taux de la facilit de dpt, bien en dessous des taux du march,en est le plancher pour une raison symtrique. La BCE cre donc ainsi une sorte decorridor lintrieur duquel fluctuent les taux du march montaire pour desdures comparables (cf. la figure 25.2).

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    Finalement, le taux principal par lequel la BCE signale et met en uvre sa politiquemontaire est le taux desoprations principales de financement conduites sur unebase hebdomadaire, appel plus haut son taux directeur.

    Les deux taux correspondant auxfacilits overnightservent quant eux de supporten encadrant lensemble des taux du march montaire.

    On peut considrer ces trois taux comme les taux officiels de la Banque.

    Section 25.4Efficacit de la politique montaire

    Il a t mentionn plus dune fois ci-dessus quentre objectif ultime et instrumentsde la politique montaire, lexprience passe a appris que le lien nest pas mca-nique, et est mme souvent incertain. Quels recours offre la thorie conomique cet gard?

    Figure 25.2 Les trois taux BCE et le taux EONIA

    Au centre apparat le taux des oprations principales de refinancement (Main Refinancing Operations MROs),encadr par les deux taux au jour le jour (overnight) (marginal lending rateet deposit rate). En trait fin, le tauxEONIA montre que les taux observs du march montaire fluctuent effectivement dans le corridor ainsi form,mais restent en moyenne proches du taux des oprations principales de refinancement.

    %

    5,50

    0

    1,50

    2,00

    2,50

    3,00

    3,50

    4,00

    4,50

    5,00

    Janv99

    Fv99

    Mars99

    Avril99

    Mai99

    Juin99

    Juil99

    Aot99

    Sept99

    Oct99

    Nov99

    Dc99

    Jan00

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    Mars00

    Avril00

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    Juin00

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    Sept00

    %

    5,50

    1,50

    2,00

    2,50

    3,00

    3,50

    4,00

    4,50

    5,00

    Marginal lending rate

    Deposit rate

    MRO rate

    EONIA

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    440 PARTIE III ANALYSE MACROCONOMIQUE

    Au niveau des ides fondamentales en la matire, il y a au moins quatre coles depense qui se font activement la concurrence depuis les quarante dernires annes.Elles sont fortement en relation les unes avec les autres et leur confrontationprsente ci-dessous ne manque pas dintrt. Elle est aussi trs typique des grandsdbats macroconomiques qui animent la vie professionnelle des conomistes.

    La premire cole de pense, issue de la thorie quantitative de la monnaie, et

    appele montariste , tend faire de la politique montaire linstrument exclusifde la matrise de lvolution des prix, mais aussi la confiner dans ce rle. Uneautre cole largit les perspectives en considrant que la politique montaire estaussi susceptible dinfluencer le niveau du revenu national dquilibre. Unetroisime cole, dinspiration keynsienne conteste toutefois cet largissement enidentifiant des circonstances importantes dans lesquelles il est clair que la poli-tique montaire est inoprante. Finalement, une forme moderne du montarisme,dite montarisme friedmanien, prcise quelles doivent tre les rgles de bonnegestion dune banque centrale lorsque lconomie est en croissance, si lon veutviter linflation.

    1 La thorie quantitative de la monnaie

    Nous connaissons par le chapitre 18 lquation des transactions, due IrvingFisher :

    M V p q Y = ==

    i ii

    n

    1

    dans laquelle Mdsigne la masse de monnaie, V la vitesse de circulation de lamonnaie,pile prix unitaire du bien i, qila quantit du bien i, n le nombre de biens

    et services faisant lobjet de transactions, et Yle produit national10

    .Le lien que cette formule tablit entre la masse montaire et le revenu national,par lintermdiaire de la vitesse de circulation, a servi de point de dpart au dvelop-pement de la trs importante thorie quantitative de la monnaie. Selon celle-ci,

    toute variation de la quantitde monnaie prsente dans lconomie (M) entraneaussitt une variation proportionnelle du produit national (piqi , cest--dire Y), le coefficient de proportionnalittant V, la vitesse de circulation de lamonnaie.

    Dans sa version initiale, qui a longtemps prvalu, la thorie postule en outre quela vitesse Vest pratiquement constante.

    Comme par construction lquation des transactions est toujours vrifie, quelque soit ltat de lconomie, elle oblige effectivement dire que, si Vreste constant,toute variation de Men entrane une autre de mme ampleur droite du signedgalit, cest--dire de Y.

    10 En posant la deuxime galit, nous employons ici une formulation de lquation qui ignore les transactionssur biens intermdiaires. Comme le raisonnement qui va suivre ne serait pas fondamentalement modifi si on lesintroduisait, nous ignorerons cette nuance.

    25.1

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    442 PARTIE III ANALYSE MACROCONOMIQUE

    est encore possible de les arrter, ne voient pas le jour ; toute expansion du crditdonne lieu, au contraire, des transactions qui autrement ne se feraient pas et,ventuellement, des productions supplmentaires.

    La quantit de monnaie est ainsi, en principe, susceptible dinfluencer lesquantits changes et produites dans lconomie : elle nest donc pas neutre parrapport au revenu national, tant rel que nominal. En dautres termes, une

    conomie montaire est diffrente dune conomie de troc. Ceci conduit uneconception plus large de la politique montaire :

    selon le montarisme actif, la politique montaire peut et doit viser contrlernon seulement linflation, mais aussi lactivitconomique gnrale, cest--direle niveau rel du revenu national.

    Quant la question de savoir si les effets de variations de loffre de monnaieportent plutt sur les prix ou sur les quantits, la rponse dpend de ltat danslequel se trouve lconomie : lorsque rgne le plein emploi, un accroissement decette offre ne peut semble-t-il entraner quune hausse des prix et donc delinflation; mais en priode de sous-emploi en revanche, il y a place pour des

    productions accrues, et lexpansion montaire peut assurer celle-ci sans quil y aitncessairement hausse gnralise des prix.

    La relation rappele ci-dessus entre cration de monnaie et crdit ne constitue quune justificationplutt intuitive de la conception active de la politique montaire. Une argumentation plusforte a t donne par lanalyse keynsienne elle-mme. Celle-ci, partant dun examen plus dtailldes relations entre la quantit de monnaie et le niveau du revenu national, fait valoir que cetteaction, lorsquelle est possible, a lieu surtout par lintermdiaire des taux dintrt.

    Supposons en effet quau dpart lquilibre global se situe en YE(figure 25.3C), et que sur lemarch montaire (figure 25.3A) le taux dintrt de court terme i0ralise lquilibre entre laprfrence pour la liquidit ou demande de monnaie (courbe DM), et loffre de monnaie OM. Encas daugmentation de cette dernire, la droite qui la reprsente se dplace en OMpar exemple, etle taux dintrt court terme tombe i1. Toutefois, la totalit de la liquidit supplmentaireainsi cre nest pas ncessairement thsaurise : une partie peut en tre place sous forme detitres long terme (actions et obligations), ce qui se traduit sur le march financier (figure 25.3B)par un dplacement vers la droite de loffre dpargne (de OS OS). Ceci entrane une baisse dutaux dintrt long terme, et ds lors une hausse des dpenses dinvestissement, puisque celles-cisont fonction dcroissante de ce taux. De leur montant I0pour un taux long terme initial i*0les

    25.3

    Figures 25.3 Effets de la politique montaire

    0

    M

    E

    M0

    i1

    i0

    I

    I0M1

    DM

    OM OM

    AAMARCH MONTAIRE

    0

    i*0

    OS OS

    CCQUILIBRE GLOBAL

    +D

    IC

    C

    C+I0

    0 YE

    E

    C

    Y

    BBMARCH FINANCIER

    45

    i*1

    I1

    KfD

    YE

    C+I1

    YE

    I

    I0

    I1

    i

    I

    i

    M

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    CHAPITRE 25 LA POLITIQUE MONTAIRE 443

    dpenses dinvestissement passent ds lors, pour le taux i*1, au niveau I1= I0+ I. La dpensenationale passant son tour C+ I1, le multiplicateur augmentera le revenu de YEjusquen YE(figure 25.3C).

    Ce schma, qui est fortement simplifi, suggre que linterdpendance entre phnomnesmontaires et phnomnes rels est complexe. On notera aussi que laction sur le revenu par cemoyen nest possible, en termes rels, que si YE est un quilibre de sous-emploi keynsien,cest--dire dans lequel le multiplicateur peut jouer; en priode de plein emploi, ou de sous-

    emploi classique, toute stimulation de cet ordre ne saurait entraner que de linflation11.

    4 Critique du montarisme actif par lcole keynsienne

    Largumentation quon vient de prsenter fut en fait dveloppe par Keynes pour justifier unscepticisme fondamental quant lefficacit de la politique montaire. Il lutilise en effet pourmontrer que deux obstacles sont susceptibles de sinterposer.

    Dune part, il est possible que pour un taux dintrt trs bas, la manipulation de la quantitde monnaie ne modifie pas ce taux. Cest le pige de la liquidit (liquidity trap), zone de lacourbe de demande de monnaie que caractrise une trs grande lasticit (figure 25.4A). ceniveau, toute augmentation de loffre de monnaie est absorbe dans les encaisses des particuliers,

    car le taux dintrt quils pourraient obtenir par placement de ces encaisses (le cot dopportunitde celles-ci) est trop faible.

    Dautre part, mme si ce phnomne montaire ne joue pas et que ltape du march financierest atteinte, diverses raisons peuvent rendre les dpenses dinvestissement faiblement sensibles des fluctuations du taux dintrt; la courbe de demande de capital est alors inlastique parrapport ce taux, et la baisse de celui-ci nen accrot gure le volume. Il en est ainsi lorsque leschefs dentreprise voient de faon pessimiste lavenir et les perspectives de profit : mme si lecot du capital est abaiss, ils naccroissent pratiquement pas leurs investissements (figure 25.4B).

    11 moins que ne soit suffisamment recule la limite du plein emploi, comme on le verra ci-dessous.

    Figures 25.4 Causes dinefficacit de la politique montaire

    Enfin, une troisime critique keynsienne porte sur lhypothse de base du montarisme selonlaquelle la vitesse de circulation de la monnaie, V, serait constante. Keynes affirme au contraireque celle-ci se modifie selon le degr de prfrence des individus pour la liquidit. Si cette prf-rence est forte, la vitesse de circulation est faible, puisque la plus grande partie de la monnaie estconserve par les agents conomiques; si au contraire la prfrence pour la liquidit est faible, lavitesse de circulation de la monnaie est leve.

    0

    M

    M0 M1

    DM

    OM OM

    AAMARCH MONTAIRE

    (% )i

    0

    i1

    i0

    BBMARCH FINANCIER

    (% )i

    I

    I0

    OS OS

    I1

    KfD

    i

    M

    i

    I

    i0

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    444 PARTIE III ANALYSE MACROCONOMIQUE

    Cette prfrence, qui nest dailleurs pas autre chose que lexpression de la demande demonnaie, joue donc un rle essentiel. Or, si Vne peut tre considr comme constant, lquationdes transactions ne permet plus dnoncer la proposition de la thorie quantitative de la monnaiequi sert de fondement tout le montarisme ; en effet, lors dune variation de M, il se peut quesurvienne une variation de Vde mme ampleur mais en sens contraire, laissant le revenu tantrel que nominal inchang.

    En rsum, la critique keynsienne de lefficacitde la politique montaire consiste dire que

    soit la variabilitde la vitesse de circulation, soit la possibilitdu pige de la liquidit, soit

    encore lventuelle inlasticit de la demande dinvestissement en priode de sous-emploi,

    dtruisent linfluence que cette politique pourrait avoir sur le niveau du produit national, au

    moment oon en aurait besoin; pour ces trois raisons, il faut considrer le montarismeactif

    comme inoprant.

    En consquence, selon lcole keynsienne, si la politique montaire reste un instrumentadquat pour lutter contre linflation, il convient plutt de recourir, lorsquil faut agir sur leniveau rel du produit national, laction directe sur les grandeurs qui le dterminent : C, I, et G,cest--dire aux diverses formes de la politique budgtaire.

    5 Le montarisme friedmanien

    Lconomiste amricain Milton FRIEDMAN a propos de rhabiliter la thoriequantitative sous une forme nouvelle ; il la fait ds les annes 1950, mais ses idesont obtenu un certain succs surtout depuis la dcennie 1970, et elles ont donndepuis une vigueur nouvelle au montarisme.

    Admettant le bien-fond de la critique keynsienne de lhypothse de constancede la vitesse de circulation de la monnaie (critique que lobservation statistique desfaits avait entre-temps confirme), Friedman a fait valoir son tour que bien quilny ait pas une relation proportionnelle constanteentre la quantit de monnaie et

    le niveau du revenu, la vitesse de circulation est nanmoins unefonctionstable devariables statistiquement identifiables, tels notamment le taux dintrt, le niveaugnral des prix, et le niveau du revenu lui-mme12. Vvarierait donc selon des loisobservables, et ceci pourrait suffire, logiquement, pour dterminer dans chaquecirconstance, sur la base de lquation des transactions, la proportion dans laquellele revenu national ragira une variation de loffre de monnaie.

    25.4

    12 Ceci dcoule de la manire dont M. Friedman a reformul la fonction de demande de monnaie, reformulationque nous avions nonce de la manire suivante au chapitre 16 :

    M M Y P P

    t Pi r w u =

    , , , , , ,

    d

    d

    1

    Celle-ci peut aussi scrire sous la forme :

    M Y V Y

    P

    P

    t Pi r w u =

    , , , , ,

    d

    d

    1

    o Vest une fonction des six arguments figurant entre les parenthses. Il en rsulte que le rapport entre le revenunational Yet la quantit de monnaie Mnest plus constant mais dpend de Vqui est fonction stable de variablesprcises. Cest aussi la conclusion de lconomiste franais M. ALLAIS. On est cependant assez loin de la thoriequantitative originale, qui dfendait lexistence dune relation proportionnellefixe entre Met Y.

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    CHAPITRE 25 LA POLITIQUE MONTAIRE 445

    Friedman reconnat aussi, par l mme, lexistence dune influence de la quantitde monnaie sur le secteur rel de lconomie ; il rcuse donc la dichotomie radicaledu montarisme simple entre les secteurs rel et montaire. Il observe dailleursque lorsque rgne le plein emploi, un accroissement de loffre de monnaie nen-trane exclusivement une hausse des prix que si les limites du plein emploi ne reculentpas; mais si les investissements reculent ces limites, de nouvelles transactions sont

    possibles, pour lesquelles des moyens de paiement montaires sont ncessaires :laccroissement de la quantit de monnaie disponible nest alors nullement infla-tionniste, du moins pour la partie de celle-ci qui correspond laccroissement despossibilits relles de lconomie. Ne pas faire cet accroissement provoqueraitdailleurs, selon lquation des transactions, de la dflation.

    Mais Friedman est en mme temps un chaud partisan de lconomie de marchs,professant comme ses devanciers une vision optimiste du fonctionnement de cettedernire; il considre en particulier que le processus comptitif non seulementsuffit conduire lconomie prs du plein emploi et assurer sa croissance, maisest aussi un excellent mode dorganisation pour assurer la ralisation de ces objectifscollectifs.

    Pour lui, ds lors, la politique montaire, et dailleurs la politique conomiquedans son ensemble, doivent tre telles quelles entravent le moins possible ceprocessus : en matire de prix dune part, il faut sen servir pour viter aussi bienlinflation que la dflation, car ce sont l des entraves au bon fonctionnement dusystme; en matire de quantits dautre part, il convient de sabstenir de toutinterventionnisme (notamment sur Cet I) qui chercherait les influencer dans unsens diffrent de ce que dicte lvolution des marchs : ce niveau, pense-t-il eneffet, la politique ne saura jamais faire mieux que le march.

    Il sensuit que la gestion de loffre de monnaie par la banque centrale doit selimiter, selon le montarisme friedmanien, permettre le maintien et laccrois-sement du niveau de lactivit globale qui se ralise spontanment; elle ne doit pasentraver cet accroissement par une offre de monnaie trop restrictive (qui provo-querait de la dflation), ni par une offre trop abondante (qui susciterait linflation).De manire mme plus prcise :

    selon le montarisme friedmanien, la politique montaire doit consister fairecrotre loffre de monnaie un taux qui, majordu taux de variation de la vitessede circulation de la monnaie, serait gal celui de la croissance du produit nationalen termes rels; le respect de cette rgle simple donne les meilleures chances quecette croissance se ralise effectivement, et sans inflation.

    Une expression formelle de cette rgle, qui en renforce la justification, est donneaux relations 25.5.

    La rgle suppose cependant que lon puisse prdire de manire fiable tant la

    variation de la vitesse de circulation que le taux de croissance rel de lconomie.Sur ces deux points, et malgr ses propres efforts et contributions mthodologiques,Friedman constate quon est encore trop loin du compte. Les erreurs de prvisiontant trop importantes, i l conclut qui l vaut mieux sen teni r un taux constant decroissance de la masse montai re, et laisser lconomie sajuster spontanment celui-ci.

    25.5

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    446 PARTIE III ANALYSE MACROCONOMIQUE

    On notera que dans une telle perspective, la banque centrale est considrecomme devant tre, et rester, un organe rigoureusement indpendant du gouver-nement; et le rle de la politique montaire est alors essentiellement conu commecelui dassurer tout moment au systme conomique une liquidit suffisantepour permettre la progression spontane du produit global dans un contexte destabilit du niveau gnral des prix13.

    Friedman critique par ailleurs fortement la politique budgtaire, dont il est unadversaire acharn et talentueux. Il affirme en effet que la dtermination du produitnational par les variables relles (C, I, G) nest pas aussi assure quon pourrait lecroire : connatre leffet dune variation de Gou de Isur Ydpend de la connais-sance des multiplicateurs correspondants. Or ceux-ci peuvent tre nuls, commeon le sait, en cas dquilibres non keynsiens; et lorsquils ne le sont pas, ils sontdtermins par la propension marginale consommer, qui peut elle-mme treinstable, ou mesure de manire non fiable. Leffet des politiques budgtaires estds lors au moins aussi incertain que celui des politiques montaires actives, et ilest donc plus prudent de se limiter ces dernires.

    Le dbat entre montarisme friedmanien et politiques budgtaires keynsiennesse ramne ainsi la comparaison de deux types de paramtres cls : la vitesse decirculation de la monnaie dune part, et les multiplicateurs macroconomiquesdautre part. Il conduit ne pouvoir juger la fiabilit et lefficacit de lune ou lautrepolitique que sur la base dune connaissance empirique de ces deux paramtres.

    13 Les tats-Unis et la Grande Bretagne ont connu, au cours des annes 19801985 une politique montaireinspire au dpart par les ides de Friedman. Linflation de plus de 10% lan qui avait svi dans ces deux pays(et dans bien dautres) pendant les cinq annes prcdentes fut ramene prs de 0% fin 1985, la suitedune politique montaire qui fut par moments trs restrictive. On peut voir ici une illustration dun aspectdu montarisme, celui qui concerne les prix. Mais en mme temps, le chmage sest fortement accru enGrande- Bretagne, et aux tats-Unis il na pas baiss suffisamment. Dans la perspective strictement friedmanienne,ceci serait attribuer au fait que les variations de loffre de monnaie ont t trop irrgulires, plutt que tropfortes.

    Variations de la quantit de monnaie : fondement de la rgle friedmanienne

    Relations 25.5

    La rgle nonce dans la proposition 25.4 peut tredduite comme suit dune forme simplifie delquation des transactions, savoir:

    M V P Q =

    o Pest une moyenne des prix et Qune reprsentationagrge des quantits (le produit national en termesrels).

    Soient dM une variation de la quantit de monnaiedcide par la banque centrale, dVla variation prvuede la vitesse de circulation, dPet dQles variations desprix et des quantits qui en rsultent.

    On tire de lquation, par diffrentiation, la relationsuivante :

    d d d dM V M V P Q P Q + = +

    En divisant gauche par MV, et droite par PQ, on

    obtient aprs simplifications :d d d dM

    M

    V

    V

    P

    P

    Q

    Q+ = +

    Cette expression suggre que si la banque centralechoisit dM/M (taux de variation de la quantit demonnaie) de manire telle que, compte tenu de ce quelon prvoit pour dV/V(taux de variation de la vitessede circulation), tout le membre de gauche soit gal dQ/Q, qui est taux de croissance rel de lconomie, alorson a ncessairement dP/P = 0, cest--dire un tauxdinflation nul.

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    CHAPITRE 25 LA POLITIQUE MONTAIRE 447

    Section 25.5valuation densemble

    1 Les limites de la politique montaireLes mcanismes dcrits jusqu prsent, qui indiquent comment la politiquemontaire peut atteindre les buts fixs par les autorits montaires, ne fonctionnentcependant pas avec autant de prcision que pourrait le laisser croire un exposncessairement schmatique. La ralit conomique est complexe et la politiquemontaire est soumise, en pratique, bon nombre de contingences.

    Ainsi en est-il, par exemple, des oprations dopen market policy: leur efficacitrequiert notamment que les banques et autres intermdiaires dtiennent unportefeuille important de titres car ces oprations reposent de plus en plus souventsur des techniques de repo. Or la BCE est tenue par le trait de naccorder des

    crdits que sils sont couverts par des srets.

    2 Le rle des attentes

    Les taux pratiqus par la banque centrale influencent le cot de refinancement desintermdiaires financiers, et sont donc rpercuts sur les entreprises et les parti-culiers qui ajustent en consquence leur demande de fonds. Le lien nest pasncessairement mcanique : une hausse dun point du ou des taux officielsnentrane pas doffice une hausse gale des taux dbiteurs pratiqus par les inter-mdiaires financiers, mais ceux-ci sont sans conteste influencs.

    cet gard, les phnomnes dattentes sont trs importants. Une hausse destaux de la banque centrale va sans aucun doute induire une hausse des taux dumarch montaire, mais peut conduire une stabilisation ou mme une diminutiondes taux long terme. Ce sera le cas si les agents conomiques peroivent la mesurecomme tant approprie et bien calibre, donc de nature matriser linflation.Dans un tel cas de figure, les agents conomiques convaincus que linflation restesous le contrle de la banque centrale vont rduire la prime de risque dinflationquils tendent incorporer dans les taux longs. En dautres termes ils prouventmoins le besoin de se protger contre une inflation future. Cest ici que la crdibilitdune banque centrale prend tout son sens : ce que les agents conomiques atten-dent, tort ou raison, de son intervention est parfois plus important que limpactobjectif de la mesure.

    3 Un frein plutt quun acclrateur

    La plupart des instruments de la politique montaire sont mieux adapts uneaction visant freiner loctroi de crdits en priode inflationniste qu en augmenterle volume en priode de rcession et de chmage.

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    448 PARTIE III ANALYSE MACROCONOMIQUE

    En effet, sil existe divers moyens efficaces pour empcher les intermdiairesfinanciers doctroyer trop de crdits, laction des autorits montaires, lorsquilsagit daccrotre le crdit, est limite la suppression des entraves loffre ainsiqu labaissement des taux dintrt pour rduire le cot du crdit. Ces mesurespeuvent savrer insuffisantes pour amener entreprises et particuliers agir dans lesens dsir ; ceux-ci demeurent en effet seuls matres de leurs dcisions : si lon

    peut mener un cheval labreuvoir, on ne peut le forcer boire.

    4 Dcalages dans le temps et conflits dobjectifs

    En cas de dcalage dans le temps entre la dcision montaire et la ralisation deses effets, laction entreprise peut savrer inutile, voire nuisible : ce serait le casdun accroissement de loffre de monnaie en priode de rcession de lactivitconomique, dont leffet ne jouerait que lorsque celle-ci a retrouv un niveau deplein emploi.

    Enfin, comme voqu au chapitre 24, il peut y avoir des conflits dobjectifsentreles institutions responsables, la banque centrale cherchant par exemple la stabilitdes prix, le Gouvernement le plein emploi et le Trsor public le placement de sesemprunts.

    5 La monnaie est-elle un bien conomique ?

    De ces considrations, il ressort que la politique montaire est sans doute uninstrument important de politique conomique dans le court terme, mais sa porteprcise est souvent alatoire. Quant son impact de longue priode, il ne nous

    parat plus assur que si cette politique est inspire par la volont fondamentale detoujours maintenir un degr raisonnable de liquidit dans lconomie.On peut trouver dans ce cadre une rponse la question pose au dbut de notre

    analyse montaire : en quoi la monnaie est-elle un bien conomique? Lessentiel decette rponse est en fait contenu dans la question : la monnaie est un bien cono-mique si dune part elle est effectivement monnaie, cest--dire quelle possdetous les attributs de la liquidit; et si dautre part elle possde, comme tout bienconomique, des proprits de raret: celle-ci dcoule entirement, non pas dunelimitation physique de sa disponibilit, mais bien de ladquation de son offre auxbesoins solvables de crdit de lconomie, comme on sest efforc de le montrertout au long de ces pages.