Chapitre 15 : La Terre : une machine...

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Chapitre 15 : La Terre : une machine thermique L'énergie solaire, d'origine externe au globe terrestre, participe au réchauffement de la planète. Les éruptions volcaniques, les geysers et les sources thermales témoignent de l’existence d’une autre source de chaleur venant de l’intérieur de la Terre. Ce flux thermique, de l'ordre de quelque dizaines de mW/m 2 est très faible comparé à la chaleur apportée par le soleil (100 W/m 2 ), mais il représente est une ressource énergétique intéressante et inépuisable pour l'Homme. La géothermie désigne à la fois la science qui étudie les phénomènes thermiques internes du globe ainsi que les processus industriels qui visent à l'exploiter, pour produire de l'électricité et/ou de la chaleur. Dans le cadre des économies d’énergie et du développement durable, l’utilisation de la géothermie présente un fort potentiel, de plus, elle permettrait de diminuer les émissions de CO 2 . Problèmes : Quelle est l’origine de cette chaleur interne de la Terre ? Comment varie cette chaleur en lien avec le contexte géodynamique de la Terre ? Quels sont les mécanismes de transfert thermique dans la Terre ? TP 25 : Géothermie et contexte géodynamique 1. L’exploitation de l’énergie géothermique en France et son contexte géodynamique. A. Gradient et flux géothermique Gradient géothermique = variation de température dans les roches en fonction de la profondeur. Sa valeur moyenne est de 30°C/km (= 3 °C tous les 100m) dans la croute continentale. Néanmoins sa valeur peut varier en fonction du contexte géodynamique, par exemple, il est de l’ordre de 10°C/100 m dans le nord de l’Alsace au niveau du fossé d’effondrement (fossé rhénan) Flux géothermique = quantité d’énergie thermique (« chaleur ») dégagée par unité de surface et de temps. Sa valeur moyenne, mesurée en surface, est de 60 mW/m 2 à la surface des continents et de 100 mW/m 2 à la surface des océans, soit 80 mW/m 2 pour l’ensemble du globe. Néanmoins, selon les contextes géodynamiques, il peut être plus ou moins élevé. Ainsi, il est très élevé au niveau des dorsales, des arcs volcaniques associés aux zones de subduction et des fossés d’effondrement (rift continentaux). La température augmentant avec la profondeur, les fluides (dont l'eau) qui circulent dans les roches en profondeur se réchauffent. L'Homme extrait ces fluides pour exploiter cette énergie. Gradient et flux géothermiques n'étant pas les mêmes en fonction des contextes géodynamiques, la localisation d'un site détermine le type d'exploitation envisageable par l'Homme. B. Géothermie des bassins sédimentaires. Dans les bassins sédimentaires, comme le Bassin parisien ou le Bassin aquitain, le gradient géothermique est voisin de 30°C/km (gradient moyen). Les fluides extraits ont une température généralement inférieure à 90°C. Ils sont utilisés pour le chauffage collectif. 1

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Chapitre 15 : La Terre : une machine thermique L'énergie solaire, d'origine externe au globe terrestre, participe au réchauffement de la planète. Les éruptions volcaniques, les geysers et les sources thermales témoignent de l’existence d’une autre source de chaleur venant de l’intérieur de la Terre. Ce flux thermique, de l'ordre de quelque dizaines de mW/m2 est très faible comparé à la chaleur apportée par le soleil (100 W/m2), mais il représente est une ressource énergétique intéressante et inépuisable pour l'Homme.

La géothermie désigne à la fois la science qui étudie les phénomènes thermiques internes du globe ainsi que les processus industriels qui visent à l'exploiter, pour produire de l'électricité et/ou de la chaleur. Dans le cadre des économies d’énergie et du développement durable, l’utilisation de la géothermie présente un fort potentiel, de plus, elle permettrait de diminuer les émissions de CO2.

Problèmes : Quelle est l’origine de cette chaleur interne de la Terre ? Comment varie cette chaleur en lien avec le contexte géodynamique de la Terre ? Quels sont les mécanismes de transfert thermique dans la Terre ?

TP 25 : Géothermie et contexte géodynamique

1. L’exploitation de l’énergie géothermique en France et son contexte géodynamique. A. Gradient et flux géothermique

Gradient géothermique = variation de température dans les roches en fonction de la profondeur. Sa valeur moyenne est de 30°C/km (= 3 °C tous les 100m) dans la croute continentale. Néanmoins sa valeur peut varier en fonction du contexte géodynamique, par exemple, il est de l’ordre de 10°C/100 m dans le nord de l’Alsace au niveau du fossé d’effondrement (fossé rhénan)

• Flux géothermique = quantité d’énergie thermique (« chaleur ») dégagée par unité de surface et de temps. Sa valeur moyenne, mesurée en surface, est de 60 mW/m2 à la surface des continents et de 100 mW/m2 à la surface des océans, soit 80 mW/m2 pour l’ensemble du globe. Néanmoins, selon les contextes géodynamiques, il peut être plus ou moins élevé. Ainsi, il est très élevé au niveau des

dorsales, des arcs volcaniques associés aux zones de subduction et des fossés d’effondrement (rift continentaux).

La température augmentant avec la profondeur, les fluides (dont l'eau) qui circulent dans les roches en profondeur se réchauffent. L'Homme extrait ces fluides pour exploiter cette énergie. Gradient et flux géothermiques n'étant pas les mêmes en fonction des contextes géodynamiques, la localisation d'un site détermine le type d'exploitation envisageable par l'Homme.

B. Géothermie des bassins sédimentaires. Dans les bassins sédimentaires, comme le Bassin parisien ou le Bassin aquitain, le gradient géothermique est voisin de 30°C/km (gradient moyen). Les fluides extraits ont une température généralement inférieure à 90°C. Ils sont utilisés pour le chauffage collectif.

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Géothermie Bassin parisien : grands aquifères

D’après BRGM Le bassin Parisien : on compte 35 installations géothermiques. Elles puisent l’eau dans 5 réservoirs aquifères contenus au sein de couches de roches sédimentaires poreuses et perméables (en particulier dans les calcaires du Jurassique situés entre 1600 et 1800m de profondeur). Cette eau, d’une température de 55 à 85°C est directement utilisée dans les systèmes de chauffage collectif, il s’agit donc d’une géothermie de basse énergie.

Des forages moins profonds atteignant environ 600 m de profondeur dans les sables du crétacée et développés dès 1830 permettent aux parisiens de disposer d’une eau propre à la consommation à une température de 28°C. Ces forages forment la série des puits artésiens utilisés pour alimenter des fontaines mais aussi les lacs et rivières du bois de Boulogne, des piscines municipales (piscine de la butte-aux-cailles), des raffineries sucrière et plus récemment pour le chauffage et la climatisation de la Maison de Radio France (géothermie de très basse énergie).

Autre exemple : Les eaux thermales de Balaruc-les-Bains (34) proviennent d'un gisement situé à environ 1500 mètres de profondeur et sa température est estimée à 65°C. Elles jaillissent à 50°C.

C. Géothermie des rifts continentaux. Le fossé rhénan est un bassin sédimentaire d’effondrement (rift continental). Il témoigne d’une phase d’extension de la croûte terrestre lors de l’Oligocène (25 Ma). Cette phase représente le 1er stade de l’océanisation. Néanmoins, l’extension ne s’est pas poursuivie. Les limites du fossé correspondent à des failles normales responsables de l’effondrement. Associé à cet amincissement de la croûte, on observe une remontée de l’asthénosphère et donc du Moho. Cette remontée du Moho modifie le géotherme,

Grès du Trias Grès du Rhétien Calcaires du Jurassique moyen

Calcaires du Jurassique sup.

Sables du Crétacé

2000

3000

1000

0 (mer)

Prof. (m)

Limites stratigraphiques

Isotherme 100°C

Isotherme 60°C

Ouest Angers Tours Orléans Melun

Paris Meaux Reims Verdun Metz Est

Angers Tours

Orléans

Melun Paris

Meaux Reims Verdun Metz

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on enregistre ainsi des températures de l’ordre de 200°C entre 4.5 et 5 km de profondeur (contre 100 à 150 °C à la même profondeur pour le gradient géothermique moyen). Ces anomalies de température permettent d’atteindre des températures intéressantes pour la production d'électricité par géothermie à des profondeurs plus faibles que la normale.

Le 13 juin 2008, a été mise en service à Soultz-sous-forêts, la centrale pilote de production d'électricité. Géothermie Soultz est, à ce jour, le programme de recherche scientifique le plus avancé au monde dans le domaine de la géothermie profonde. Depuis cette mise en service, le site a pour fonctions principales l’observation et l’expérimentation grandeur nature, indispensables pour continuer à mieux connaître les phénomènes en jeu et maîtriser l'exploitation. Sa production électrique brute se monte à 2,1 MWe dont 1.5 MW de production nette sur le réseau électrique.

D. Géothermie dans des sites volcaniques Dans les zones à activité magmatique (subduction aux Antilles, point chaud à la Réunion), le gradient géothermique est plus élevé. Les fluides sont extraits à des hautes températures et sont utilisés principalement pour la fourniture d’électricité.

En Guadeloupe, La centrale de Bouillante (située à 15 km du volcan actif la Soufrière) est la première installation qui, en France, a commercialisé de l’électricité produite grâce à l’énergie géothermique. Elle couvre 7% des besoins en électricité de la Guadeloupe. L’eau, captée à 1 000 m de profondeur, atteint 250°C. Elle provient de l’infiltration de l’eau de mer et de pluie à travers un réseau de failles. Au cours de sa remontée, elle se transforme en vapeur qui, dans la centrale, fait tourner une turbine puis un alternateur produisant de l’électricité. Il s’agit bien sûr ici d’une géothermie de haute énergie.

Bilan :

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Contextes géologiques

Gradient géothermique

Profondeur d’extraction du

fluide

Température du fluide prélevé Utilisations possibles

Bassins sédimentaires (hors rift)

30°C/km 1 500 – 2 500 m 45°C – 80°C

• Chauffage collectif (habitations, piscines…)

• Chauffage individuel et eau chaude sanitaire

Zones de subduction – points chauds > 30°C/km

1 000 m 250°C • Électricité • Chauffage collectif • Chauffage individuel et

eau chaude sanitaire Rifts continentaux 5 000 m > 150°C

TP 26 : comparaison des mécanismes de transfert de chaleur

2. L’origine et les mécanismes de transfert de la chaleur à l’intérieur de la Terre.

A. L’origine principale de la chaleur interne. La principale source de chaleur interne provient de la désintégration d’éléments chimiques radioactifs. Ces éléments étaient présents dans les matériaux qui ont formé la Terre ; ils se sont concentrés dans les croutes continentales et océaniques et le manteau. Les principaux isotopes radioactifs sont l’Uranium 235 et 238, le thorium 232 et le potassium 40. La désintégration de ces éléments instables en éléments stables s’accompagne d’une libération d’énergie source de chaleur. La concentration des éléments radioactifs source de chaleur est plus importante dans les croûtes que dans le manteau, néanmoins le manteau représentant une masse et un volume énormes bien supérieurs à celles des deux croûtes réunies, c’est donc le manteau qui joue un rôle prépondérant dans la production

d’énergie thermique (70 % à lui seul dans la libération totale de l’énergie d’origine radioactive)

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B. Les mécanismes de transfert de la chaleur. Il existe deux types de mécanismes permettant le transfert de chaleur et donc son évacuation :

• la conduction : mécanisme de transfert de chaleur de proche en proche sans déplacement global de matière. L’énergie thermique se propage de molécules en molécules par un contact direct.

• la convection : mode de transport de chaleur d’une zone chaude vers une zone froide accompagnée d'un déplacement de matière. Dans ce cas, les fluides sont animés de mouvements

initiés par des différences de densité, contrôlées entre autre par la température et la pression. La matière moins chaude, moins dense que la matière froide, est animée de mouvements ascendants. En surface, elle se refroidit et plonge en profondeur. Ces mouvements s’organisent alors en cellules de convection.

Le transfert d'énergie thermique est plus efficace par convection que par conduction : le gradient thermique est ainsi plus faible au sein d'un matériau animé de mouvements de convection.

3. La Terre : une machine thermique. A. La tomographie sismique

Tomographie sismique est une technique permettant de cartographier l'intérieur du globe en 3D à partir de l'analyse des vitesses de propagations des ondes sismiques. Les techniques de tomographie sismique ont mis en évidence des zones d’anomalies de vitesse des ondes sismiques qui traduisent des différences de température des péridotites

dans le manteau : • Anomalie négative (« zones en rouge »)

: vitesse des ondes sismiques mesurée plus lente que la vitesse des ondes sismiques théorique, on en déduit que le manteau est plus chaud que la normale.

• Anomalie positive (« zone en bleue ») : vitesse des ondes sismiques mesurée plus rapide que la vitesse des ondes sismiques théorique donc le manteau est plus froid que la normale.

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B. Les mouvements de convection du manteau La tomographie sismique révèle ainsi :

• des mouvements ascendants de grande ampleur de matière chaude qui prennent naissance dans le manteau profond (le plus souvent à la limite manteau–noyau) et qui sont associés au magmatisme de points chauds.

• un plongement de la lithosphère océanique au niveau des fosses de subduction (devenue plus dense suite à son refroidissement) dans le manteau.

Les modèles actuels de la tectonique des plaques mettent en avant l’importance de ces mouvements convectifs descendants dans le mécanisme d'expansion océanique : la traction exercée par la plaque plongeante serait en grande partie responsable du mouvement de divergence et favoriserai la remontée passive de l'asthénosphère à l’ origine du magmatisme au niveau des dorsales associe à la production de lithosphère nouvelle (par décompression de la péridotite du manteau… cf. cours 1S) Ainsi, les cellules de convection dans le manteau permettent le mouvement des plaques lithosphériques. De part et d’autre de cette couche convective représentée par le manteau existent 2 couches dans lesquelles la chaleur se dissipe par conduction ; il s’agit de la lithosphère et de l’interface noyau-manteau. Le prélèvement de l’énergie géothermique ne représente qu’une infime partie de ce qui est dissipé par la Terre. On peut donc considérer que cette énergie est une ressource inépuisable à l’échelle humaine aujourd’hui largement sous-exploitée.

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