Chap-A-Histoire Et %E9volution de La Psychologie Du Developpement

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Bases de la psychologie du développement et différentielle Raphaële MILJKOVITCH Françoise MORANGE-MAJOUX CHAPITRE A : HISTOIRE DE LA PSYCHOLOGIE DU DEVELOPPEMENT Ce cours a pour objectif de fournir à l’étudiant les concepts de base de la psychologie du développement. Ainsi, seront successivement abordés l’histoire de la psychologie du développement (Chap. A), les principales théories et modèles proposés pour expliquer le développement (Chap. B), ainsi que les principales méthodes utilisées (Chap. C)

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Bases de la psychologie du développement et différentielle

Raphaële MILJKOVITCH

Françoise MORANGE-MAJOUX

CHAPITRE A : HISTOIRE DE LA PSYCHOLOGIE DU DEVELOPPEMENT

Ce cours a pour objectif de fournir à l’étudiant les concepts de base de la psychologie du

développement. Ainsi, seront successivement abordés l’histoire de la psychologie du

développement (Chap. A), les principales théories et modèles proposés pour expliquer le

développement (Chap. B), ainsi que les principales méthodes utilisées (Chap. C)

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TABLE DES MATIERES

CHAPITRE A- HISTOIRE DE LA PSYCHOLOGIE DU DEVELOPPEMENT .................................................................. 3

A.1. L’ENFANT DANS LA SOCIETE AU COURS DE L’HISTOIRE ................................................................................ 3

A.1.1. L’ENFANT DANS L’ANTIQUITE GRECQUE ET ROMAINE ........................................................................ 4

A. 1.2. L’ENFANT DU MOYEN AGE AUX TEMPS MODERNES .......................................................................... 4

A. 1.3. L’ENFANT AU SIECLE DES LUMIERES (XVIIIE) ....................................................................................... 5

A.1. 4. L’ENFANT AU XIXE ET XXE SIECLE ........................................................................................................ 6

A.2. EMERGENCE DE LA PSYCHOLOGIE DU DEVELOPPEMENT AU XIXEME SIECLE .............................................. 6

A.2.1. APPARITION DES THEORIES DE L’EVOLUTION DES ETRE VIVANTS (DARWIN 1809-1882) ................... 7

A.2.2. AVENEMENT DE LA PSYCHOLOGIE SCIENTIFIQUE ................................................................................ 8

A.3. CONCEPTS ET DEFINITIONS .......................................................................................................................... 9

A.4. LES PRINCIPALES ORIENTATIONS THEORIQUES ......................................................................................... 10

A.4.1. ORIENTATION PRE-FORMISTE OU MATURATIONNISTE : GESELL (1880-1961) .................................. 10

A.4.2. ORIENTATION INTERACTIONNISTE OU ASSOCIATIONNISTE ............................................................... 11

A.4.3. ORIENTATION COGNITIVO-CONSTRUCTIVISTE : PIAGET (1896-1980). ............................................... 12

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................................. 14

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CHAPITRE A- HISTOIRE DE LA PSYCHOLOGIE DU DEVELOPPEMENT

La psychologie du développement constitue un des champs majeur de la psychologie. Elle a

pour objet d’étude l’ontogenèse psychologique, c’est-à-dire l’évolution psychologique

individuelle tout au long de la vie « spanlife »). Son histoire est le fruit à la fois d’acquisitions

de connaissances et de techniques aux cours des siècles et également d’influences sociales

qui ont déterminé l’évolution des recherches en psychologie du développement et construit la

représentation que nous en avons aujourd’hui.

Nous allons, dans un premier temps, retracer les principales étapes qui ont abouti à ce champ

disciplinaire. Nous décrirons ensuite les principales théories qui constituent les fondements de

la psychologie du développement et qui alimentent les réflexions dans cette discipline. Enfin,

une discipline n’existant pas sans méthodes, nous verrons que la psychologie du

développement ne déroge pas à cette règle : l’apparition de nouvelles techniques est

intimement liée aux réflexions investies par la psychologie du développement.

A.1. L’ENFANT DANS LA SOCIETE AU COURS DE L’HISTOIRE

L’objectif de cette partie est de montrer comment les évènements sociaux et scientifiques

d’une époque ont construit la psychologie du développement1. L’objectif est aussi de montrer

1 On peut distinguer les différentes disciplines en fonction de leurs méthodes comme la psychologie expérimentale, développementale, la psychométrie, la psychopathologie, la psychologie cognitive… ou encore en fonction de leur terrain ou de leur contexte d’intervention : psychologue scolaire, du travail, du sport… ou en fonction de la finalité de leurs interventions : psychothérapie, éducationnelle…ou bien en fonction du positionnement théorique : psychanalyse.

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comment d’un intérêt purement pratique (préoccupations éducatives), les recherches ont

évolué vers un intérêt plus théorique (préoccupation scientifique psychologique).

A.1.1. L’ENFANT DANS L’ANTIQUITE GRECQUE ET ROMAINE

Dans la Grèce antique, les enfants sont considérés comme des adultes en miniature. Ainsi

existe-t-il une sélection artificielle, les faibles et les mal formés étant

supprimés selon une éthique qui met en avant la force et

l’intégrité du corps au service de la gloire et de la défense de

la cité. Dans l’antiquité romaine, on retrouve la même

désinvolture à l’égard du nouveau-né, et le même souci

d’éducation civique : l’enfant est élevé dans le but de défendre sa

cité. Dans les deux sociétés antiques on retrouve le rôle prédominant du père, qui a droit de

vie ou de mort sur ses enfants. Ce droit qui existe jusqu’en 400 après JC, sera retiré par arrêté

légal, sous l’influence de la diffusion de l’Evangile. Pendant cette

époque prédominent donc les aspects éducatifs : l’essentiel étant de

former l’enfant aux valeurs et aspirations du groupe. Soulignons

toutefois que l’enfant suscite dans l’Antiquité un intérêt tout à fait

nouveau dans le domaine médical, avec le grand Hippocrate (450-

346 av. J.C.) et ses questions de pédiatrie.

A. 1.2. L’ENFANT DU MOYEN AGE AUX TEMPS MODERNES

Pendant la période moyenâgeuse, les enfants sont intégrés à la vie adulte dès le sevrage et il

n’y a pas de réelle distinction d’âges dans l’enfance, juste la dichotomie enfant/adulte. Cette

quasi-disparition de l’enfance (et donc de l’éducation) s’explique par les conditions d’existence

et par la brièveté de la vie. En effet, les enfants assurent précocement les charges et les

devoirs de l’adulte et il y a une grande mortalité infantile. Les enfants qui survivent sont intégrés

très tôt dans la société. L’enfance n’est donc pas étiquetée comme une période mais comme

la miniature de l’âge adulte.

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Il faut attendre le XVIe et XVIIe siècle pour que l’enfant trouve enfin sa place en tant que telle

et que l’éducation revient au premier plan des représentations de

l’enfance sous l’influence des philosophes, avec le rétablissement

de la scolarité (les curés, mécènes et couvents contribuent

beaucoup à ces débuts de l’enseignement). Ainsi, l’humaniste

hollandais Erasme (1469-1536) par ses écrits, ses conseils

d’instruction, d’éducation civique et d’hygiène de vie a beaucoup

apporté à l’éducation des enfants. C’est à lui qu’on doit la célèbre

phrase « on ne naît pas homme, on le devient », qui

met l’accent sur le fait que le développement n’est pas le seul fruit de la

maturation physiologique et psychique mais est aussi et surtout le fruit de

la pédagogie. Un peu plus tard, Montaigne (1533-1592) axe son éducation

sur une pédagogie dite libérale qui refuse les châtiments corporels, et

donne toute son importance à l’affection et l’amour portés aux enfants.

http://www.polemia.com/pdf/Montaigne.pdf

Si la scolarité est essentielle, c’est aussi et surtout parce que l’enfance est vu comme le

symbole à la fois de la force du mal et du poids du péché originel (à cette époque la religion

est centrale et guide toutes décisions). Dans ce contexte l’enfance est comparée à un état

animal, et donc considérée comme un état inférieur. C’est l’éducation qui permettra à l’enfant

de dépasser cela et de devenir un homme (De Berulle et Bossuet).

A. 1.3. L’ENFANT AU SIECLE DES LUMIERES (XVIIIE)

Au XVIIIe siècle, un nouveau regard sur l’enfance est posé avec J.J. Rousseau (1712-1778)

et son Emile ou de l’éducation. Les préoccupations

éducatives reposent cette fois-ci sur le souci de

respecter les tendances naturelles de l’enfant

qui sont bonnes et de préserver l’enfant des

influences néfastes de la société adulte.

Ainsi, éduquer ce n’est pas socialiser mais

c’est laisser l’enfant s’exprimer selon sa nature

et dans la nature. « L’homme naît bon, c’est la

société qui le corrompt ».

Une émission passionnante sur l’éducation de Rousseau : http://www.franceinter.fr/emission-

la-marche-de-l-histoire-saison-2011-2012-rousseau-et-l-education

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Dans cette perspective, Rousseau réclame des conditions de vie naturelle dès la naissance

(allaitement maternel, vie à la campagne, recours à un précepteur,...) et préconise l’absence

de morale, de devoir écrit, de lecture au profit des expériences, des causeries… Malgré le

caractère utopique de sa conception, son influence marquera de manière décisive la vision de

l’enfance de l’époque. Son concept d’attachement maternel deviendra même rapidement

prédominant surtout dans les familles aisées bien que Rousseau abandonnât successivement

ses 5 enfants à l’Assistance Publique !

La mise en nourrice est également très en vogue à cette époque, et ceci dans toutes les

couches de la société (raisons multiples : refus d’allaiter, travail des femmes,...). Toutefois, les

conditions déplorables de l’hygiène en nourrice entraînant la mort de 25 à 30% des enfants

pousseront Louis XV à créer un bureau général des nourrices, ce qui témoigne de l’attention

institutionnelle portée à la petite enfance.

A.1. 4. L’ENFANT AU XIXE ET XXE SIECLE

Dans la continuité de Rousseau, il devient évident qu’il faut

apprendre à mieux connaitre les enfants pour les laisser

s’exprimer selon leur nature. Ainsi, l’objet de la psychologie

du développement va se distinguer petit à petit de l’objet de

la pédagogie même si les préoccupations éducatives

continueront d’intéresser les psychologues du

développement, comme en atteste les travaux de Binet,

Claparède, Wallon ou Piaget. Les lois Jules Ferry de

1881/1882 qui rendent la scolarité obligatoire de 6 à 13 ans

permet aux enfants d’éviter le travail dès cet âge.

Enfin, le XXe siècle voit émerger la psychologie scientifique : c’est le siècle de l’enfant, avec

en 1959 la Déclaration des Droits de l’Enfant (rédigée par l’ONU).

A.2. EMERGENCE DE LA PSYCHOLOGIE DU DEVELOPPEMENT AU XIXEME SIECLE

L’évolution des sciences médicales, physiologiques, physiques et les avancées

technologiques au cours du XIXe siècle jouent un rôle fondamental (psychophysiologie,

psychophysique, électroencéphalogramme (EEG), électrocardiogramme (ECG), …) dans la

façon dont les chercheurs vont penser l’homme en permettant notamment de mieux

comprendre la nature des changements humains.

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Dans ce contexte de profusion scientifique, deux évènements témoignent des réflexions et

avancées des chercheurs et signent le début du développement psychologique comme objet

d’étude scientifique : le premier événement concerne le questionnement sur l’évolution des

êtres vivants avec les travaux de Darwin, le second porte sur l’apparition de la psychologie

scientifique, qui s’affranchit de la philosophie non seulement par son objet, mais aussi par sa

méthode, qui est aussi celle des autres sciences, consistant à mettre à l’épreuve de faits

établis objectivement (démarche scientifique).

A.2.1. APPARITION DES THEORIES DE L’EVOLUTION DES ETRE VIVANTS (DARWIN 1809-1882)

Darwin (1809-1882), jeune naturaliste, est engagé en 1831 à bord d’un

bateau scientifique le Beagle. Passionné par les êtres vivants, il

collecte pendant 5 ans une quantité importante de spécimens

(échantillons) fossiles, plantes et animaux, qu’il utilisera pour étudier

l’histoire des espèces vivantes, leur évolution (phylogenèse) et

formuler sa théorie (1859). http://www.canal-

u.tv/video/universite_de_nice_sophia_antipolis/la_pensee_de_darwin_aujourd_hui_permane

nce_et_metamorphoses_d_un_heritage_jean_claude_ameisen.5839

Il montre que l’homme est lui-même le produit d’une longue évolution collective : celle des

espèces en développement (populations d’individus). Il fait l’hypothèse qu’il y a une souche

commune à toutes les espèces, la diversification ultérieure étant le produit d’une succession

de petites modifications accidentelles

soumises à un mécanisme de sélection

naturelle qui ne retient que les formes les

mieux adaptées. Il met en avant l’instabilité

qui caractérise les relations entre l’individu et

son environnement Ce mécanisme

d’évolution des espèces est défini sous le

vocable « phylogénèse ».

A la même époque, plusieurs chercheurs, dont Haeckel (1866) en tête, s’inspire du concept

de phylogénèse pour proposer la théorie de la récapitulation (« l’ontogenèse récapitule la

phylogénèse ») où l’individu reproduirait en raccourcis temporels la succession des formes

d’évolution des espèces. Ainsi par exemple, le passage du liquide amniotique du fœtus au

monde aérien du nouveau-né serait vu comme le passage des animaux marins (poissons) aux

animaux terrestres (batraciens). Darwin considère au contraire que l’évolution naturelle des

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facultés humaines (ontogenèse) est progressive, nécessite des adaptations et oriente in fine

la phylogenèse. Pour justifier sa conception, Darwin analyse lui-même le développement

humain en observant son fils Doddy de sa naissance jusqu’à l’âge de 3 ans (voir

http://www.darwinproject.ac.uk/observations-on-children ). Il porte une conception de

l’enfance dans laquelle l’analyse des processus d’adaptation fonctionnelle sera prédominante,

contrastant avec la vision purement descriptive du développement. Les observations de son

fils marquent le point de départ d’une étude de l’enfant en tant que spécificité du

développement.

Darwin s’oppose à l’hypothèse proposée par Lamarck sur l’hérédité des caractères acquis, qui

postule que l’environnement peut modifier durablement (c’est-à-dire sur plusieurs générations)

un comportement acquis2.

A.2.2. AVENEMENT DE LA PSYCHOLOGIE SCIENTIFIQUE

Jusqu’à la fin du 19ème siècle, la seule méthode utilisée pour étudier le

développement est l’introspection, hautement subjective. A la charnière

des XIXe et XXe siècle, la psychologie se dote de méthodes issues des

sciences exactes et se constitue discipline scientifique en se détachant de

la philosophie. Dans cette perspective, Wundt (1832-1920) fonde en

Allemagne en 1879, l’un des premiers laboratoires de psychologie. Stanley

Hall (USA, 1846-1924 ; 1er étudiant étranger stagiaire en Allemagne au labo

de Wundt) utilise pour la première fois une approche scientifique du développement de l’enfant

en choisissant la méthode du questionnaire pour l’exploration du contenu de l’esprit de l’enfant.

Hall, plus tard, dirigera la thèse de doctorat d’Arnold Gesell (1880-1961).

2 L’exemple du cou de la girafe est un bon exemple pour illustrer les deux théories : partant d’un fait avéré (les paléontologues ont montré que le cou de la girafe au cours des millénaires avait augmenté en taille), Lamarck postule que le cou de la girafe s’est « agrandi » sous l’impulsion de l’environnement : C’est parce que les arbres (acacias) de la savane étaient de plus en plus haut que la girafe a eu progressivement un cou de plus en plus long à force de tirer. Pour Darwin, les individus d'une espèce sont tous un peu différents. Les sujets ayant un cou plus long arriveront à manger les feuilles plus hautes et survivront. C’est le principe de la sélection naturelle qui sélectionne les individus les mieux adaptés. Pour Lamarck, il y a transmission de caractères acquis, pour Darwin, il y a transmission de caractères génétiques, sélectionnés naturellement. Si on a longtemps pensé que la proposition de Lamarck n’était pas la bonne, des données récentes relancent ce débat. A ce titre écoutez ces deux émissions de France inter passionnantes « sur les épaules de Darwin » : http://www.franceinter.fr/emission-sur-les-epaules-de-darwin-une-heredite-des-caracteres-acquis et http://www.franceinter.fr/emission-sur-les-epaules-de-darwin-une-heredite-des-caracteres-acquis-2

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Gesell, après une thèse en philosophie, des études en médecine,

s’intéresse à la psychologie et fonde à l’Université de Yale une

clinique du développement de l’enfant. Il est le premier à utiliser

l’observation filmée. Gesell va, pendant de longues années, observer

les enfants et construire un inventaire du développement, applicable

aux jeunes enfants de 4 semaines à 5 ans. Dans sa conception, le

développement psychologique est possible grâce au développement biologique : le concept

de développement s’identifie à un concept de maturation.

Exemple du développement de la préhension expliqué par Arnold Gesell:

https://www.youtube.com/watch?v=ByBRqMNTcNQ

Les premières publications apparaissent la dernière décennie du XIXème siècle, et des

sociétés à visée scientifique se constituent, réunissant psychologues, enseignants,

médecins… En 1899, naît en France la société Libre pour l’Etude de la psychologie de l’Enfant

(SLEP).

A.3. CONCEPTS ET DEFINITIONS

Du XIXe siècle et de Darwin, la psychologie du développement hérite d’une dimension

fonctionnelle importante : l’analyse des processus d’adaptation. Tout au long du XXe siècle,

le concept du développement psychologique ne va avoir de cesse de se préciser :

Rapidement est apparu la nécessité de distinguer différentes dimensions du

développement. Plutôt que d’analyser sur des périodes successives le développement,

les chercheurs se sont attachés à identifier et étudier des domaines relativement

homogènes, comme la motricité, le langage, les émotions, l’attention, …. Si c’est une

conception qui permet de se focaliser sur une ou quelques fonctions particulières et de

mieux comprendre les mécanismes en jeu, il ne faut pas perdre de vue que cette

conception ne permet pas une approche développementale où tous les domaines du

fonctionnement psychologique sont concernés.

Ensuite, est également vite apparu que le développement ne pouvait se limiter à la

période de l’enfance et de l’adolescence. Si le développement est bien l’étude des

changements alors on doit envisager le développement sur la vie entière, appelé

encore « développement life-span ». La vie de l’homme tout entier étant fléchée, l’étude

du développement ne peut donc s’arrêter à l’enfance ou l’adolescence : le

développement et le fonctionnement sont donc liés et se nourrissent l’un l’autre.

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Les études en psychologie du développement se sont également étendues à d’autres

disciplines de la psychologie, comme la psychopathologie développementale qui porte

sur les trajectoires atypiques développementales (autisme, troubles du comportement

par exemple). C’est pour la pathologie en enrichissement considérable puisqu’il s’agit

de comprendre l’évolution d’une pathologie à la lumière de la dimension

développementale. En d’autres termes, l’évolution pathologique se déroulant dans le

temps, elle doit être comprise dans une perspective temporelle. Le développement

normal peut ainsi servir de référence pour comprendre l’évolution de la pathologie,

voire pour la définir.

Progressivement l’idée qu’il existe des trajectoires multiples et différenciées selon les

domaines finit par imposer une nouvelle conception du développement, qui consiste à

étudier toutes les formes d’évolution individuelle. Cela revient à étudier les différences

individuelles : c’est l’objet de la psychologie différentielle.

Ainsi, les dictionnaires définissent classiquement la psychologie du développement comme

l’étude de l’ensemble des transformations qui affectent les individus. Cela signifie donc :

1. Etudier l’ensemble des étapes temporellement fléchées qui conduisent un organisme

vivant d’un état 1 à un état plus 2 plus élaboré;

2. Etudier les mécanismes qui assurent le passage d’une étape à une autre.

La psychologie du développement a donc une double mission qualitative et quantitative. Cette

définition pose d’emblée deux questions : la première concerne la continuité du

développement. Le développement est-il discontinu ou continu ? …. La seconde porte sur les

facteurs de développement qui permettent de passer d’une étape à une autre. Nous

donnerons dans ce cours et dans celui de L3 des éléments de réponse à ces deux questions.

A.4. LES PRINCIPALES ORIENTATIONS THEORIQUES

A.4.1. ORIENTATION PRE-FORMISTE OU MATURATIONNISTE : GESELL (1880-1961)

Ces théories postulent que le développement est prédéterminé. Cette

prédétermination peut être vue comme une programmation de

l’organisme. Dans ce cas, la maturation biologique est responsable du

développement. C’est parce qu’il y a de nouvelles fonctions, qui sont le

produit de transformations préprogrammées, que l’enfant est capable de

nouvelles compétences. Typiquement, c’est parce que la voie pyramidale3

3 La voie pyramidale est la voie nerveuse qui commande l’activité motrice des membres.

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se myélinise que l’enfant est capable d’habilités avec ses pieds (taper dans

un ballon). Les principaux chercheurs de ce courant sont Gesell et Wallon.

Ainsi, pour Gesell, le développement psychologique est à l’image du

développement de l’organisme. Tout est programmé dès la conception et le

déroulement suit un ordre immuable. Mais la prédétermination peut aussi

être entendue comme le fait que les connaissances existent avant toute

expérience et toute action et qu’elles guideront les acquisitions futures. Dans cette

perspective, la notion de l’innéité des compétences est au centre de ces théories. Typiquement

c’est parce que le bébé a un attrait naturel et spontané vers les visages humains (ce qui a été

montré) qu’il peut entrer tout de suite en communication. Les principaux chercheurs de ce

courant dit « nativiste » sont Melher, Dupoux, et Chomsky. D’après ces auteurs, les conduites

sont suffisamment précoces pour que l’environnement ne puisse avoir un impact sur le

développement.http://scholar.google.com/citations?view_op=view_citation&hl=fr&user=94c1

abIAAAAJ&citation_for_view=94c1abIAAAAJ:ufrVoPGSRksC

A.4.2. ORIENTATION INTERACTIONNISTE OU ASSOCIATIONNISTE

Quel que soit l’orientation théorique, toutes les grandes théories fondatrices du développement

s’accordent pour dire que le développement humain se fait dans un environnement,

notamment social, qui contribue, facilite ou entrave les activités psychologiques. Pour certains,

le facteur social n’est pas central, tandis que pour les interactionnistes, l’expérience va avoir

un poids déterminant. Pour eux, les connaissances sont issues des informations perçues dans

l’environnement et des liens qui s’établissent entre elles. A la naissance, l’esprit serait comme

une table vierge sur laquelle vient s'‘inscrire les connaissances tirées de l’expérience C’est

typiquement l’image de la tabula rasa développée par Locke).

Actuellement, on trouve différentes théories associationnistes :

les théories behavioristes (ou comportementalistes) bien sûr qui postulent que le

développement se fait par renforcement de liens entre stimulations et réponses, et ce

renforcement dépend des conséquences bonnes ou mauvaises qui suivent les

réponses.

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Les théories de l’interaction (ou association) comme celle de Vygotsky (1896-1934)

puis plus tard de Bruner. Pour Vygotsky, le développement se fait grâce à des outils

que l’enfant trouve dans son environnement parmi lesquels le

langage. Selon sa vision, le développement ne peut être décrit

en termes de stades fixes et séquentiels, car les influences

sociales et environnementales ont un rôle majeur sur le

développement cognitif et ces influences sont variées selon

les environnements. Vygotsky propose également un

nouveau concept qui est celui de la Zone Proximale de

Développement (ZDP) qui traduit la distance qui existe à tout

moment entre les connaissances effectives de l’enfant, et

celle qu’il peut acquérir sous la supervision d’un adulte ou en

côtoyant d’autres enfants. Ainsi l’enfant chez Vygotsky peut être vu

comme un petit apprenti qui reçoit de ses professeurs l’aide et le soutien nécessaire

dans les situations d’apprentissage et apprend sous cette influence sociale et

environnementale : l’expérience est le moteur du développement. Ces théories sont

plus particulièrement développées dans le cours Interaction, milieu et développement

cognitif (TTC). https://www.youtube.com/watch?v=UEAm4cf_9b8

A.4.3. ORIENTATION COGNITIVO-CONSTRUCTIVISTE : PIAGET (1896-1980).

Le constructivisme constitue la troisième grande orientation qui tente d’expliquer comment se

fait le développement. James Baldwin (1861-1934) est le premier à postuler que l’enfant

construit ses connaissances à la fois en assimilant les informations de l’environnement (qui

active des sortes de patrons d’actions) et en accommodant son comportement aux spécificités

de l’environnement. Pour Piaget (1896-1980), le développement cognitif de l’être humain est

un processus dont la motivation première vient de l’intérieur de

l’individu qui expérimente et explore le monde. Ainsi Piaget

envisage le petit d’homme comme un savant en herbe plutôt

qu’un apprenti où l’influence provient de l’extérieur. Dans sa

conception, le sujet est actif, il se « construit » au cours

d’échanges dialectiques entre lui et le milieu par la perception

qu’il a de son environnement, les actions qu’il peut faire sur lui et

les conséquences de ses actions qu’il perçoit (concept

d’assimilation/accommodation). Sa théorie est constructiviste car toutes

nos connaissances s’élaborent, se construisent activement. Piaget constitue un auteur

fondateur en psychologie du développement et sa théorie a profondément marquée cette

Page 13: Chap-A-Histoire Et %E9volution de La Psychologie Du Developpement

discipline. L’objet de son étude n’a pas été tant l’enfant lui-même mais plutôt l’enfant en tant

que moyen d’accès au fonctionnement mental des adultes. Il était donc centré sur la genèse

des processus mentaux et des connaissances, et les mécanismes d’accroissement de ces

connaissances (épistémologie). Nous développerons sa théorie un peu plus loin dans le

prochain chapitre.

https://www.youtube.com/watch?v=0XwjIruMI94

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Lectures conseillées

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